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Table des matières
Nominations à une éventuelle CMP
Création d'une commission spéciale
Don de jours de repos pour les proches aidants
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux
M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste
M. Frédéric Marchand, en remplacement de M. Didier Rambaud
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier
Ordre du jour du jeudi 1er février 2018
Composition d'une éventuelle CMP
Conclusions de la Conférence des présidents
SÉANCE
du mercredi 31 janvier 2018
49e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Communications
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable (35 voix pour, aucune voix contre et 3 bulletins blancs) à la reconduction de M. Nicolas Dufourcq aux fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance.
Nominations à une éventuelle CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Création d'une commission spéciale
Mme la présidente. - Le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance ayant été transmis au Sénat, le groupe de travail, dont les membres ont été nommés en séance le 17 janvier dernier, peut être transformé en commission spéciale.
Il en est ainsi décidé.
Don de jours de repos pour les proches aidants
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.
Discussion générale
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - « Le besoin de s'aider engendre la bienveillance, une indulgence mutuelle, l'absence de toute rivalité », disait George Sand.
La bienveillance change le regard sur les plus fragiles. Les difficultés d'une famille sont l'affaire de tous en réalité, puisque tous, un jour, nous pourrions en avoir besoin.
Quelque huit à onze millions de Français, en majorité des femmes, aident un proche.
Maman d'un enfant en situation de handicap, je connais les contraintes, le dévouement des aidants et je salue leur courage.
Le rôle des aidants s'amplifiera avec le vieillissement de la société.
Les aidants ont 60 % de risques supplémentaires de maladie liée au stress et au surmenage. La moitié d'entre eux sont des actifs.
Le don de jours de repos est un enjeu majeur, déjà à l'oeuvre dans certaines entreprises. Il faut en sécuriser le dispositif juridique et soutenir l'engagement des entreprises.
Cette proposition de loi n'est pas parfaite mais elle constitue une avancée.
Avec Mmes Buzyn et Pénicaud, j'ai confié une mission sur les aidants à Dominique Gillot ; ses conclusions seront rendues en mars, nous pourrons en tenir compte dans le projet de loi sur la formation professionnelle.
Une société inclusive ne peut exister sans le soutien des proches aidants.
Le Gouvernement donne un avis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, RDSE et Les Indépendants)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La commission des affaires sociales s'est prononcée à une large majorité en faveur de l'adoption sans modification de cette proposition de loi. Sa portée sera toutefois limitée.
Plus de 8,3 millions de personnes - on parle parfois de 11 millions - aident un proche fragilisé par l'âge ou le handicap.
Les proches aidants connaissent une détresse profonde ; sourde et digne, souvent inexprimée, elle n'en est pas moins réelle et nous avons tardé à la distinguer du simple soutien que se doivent les membres d'un même entourage, que la loi n'a pas à régir. Quand la personne s'abîme doucement, qu'elle vit deux vies, la sienne et celle du proche, nous devons agir.
Le texte de Paul Christophe transpose aux proches aidants la loi du 9 mai 2014 sur les proches d'enfants atteints d'une maladie grave. L'idée était fort belle, installation dans la loi d'un élément de solidarité dans l'entreprise.
Pour les grandes entreprises, un certain nombre d'accords d'entreprise souvent plus favorables existaient déjà.
Pour les PME, il y a peu de jours de congé inemployés. Mais le Parlement l'a pourtant votée car il s'agissait d'une main tendue, qui disait la considération, l'empathie et l'appui des pouvoirs publics. C'est ce geste que je vous demande de renouveler aujourd'hui, même si je suis consciente que cette proposition de loi passe à côté de la réforme d'envergure que réclame la condition des aidants : aménagement du temps de travail, droits à la retraite, et pourquoi pas un véritable statut de l'aidant ?
Dans l'attente d'une consolidation de ces droits, je m'engage à veiller à ce que l'engagement pris par le Gouvernement de façonner une stratégie nationale en faveur des aidants, pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap, soit tenu, et surtout à ce qu'il y intègre la condition des proches aidants de personnes âgées.
Je vous demande de voter cette proposition de loi en l'état. La modification de ce texte contraindrait nos assemblées à poursuivre une navette rendant son sort incertain.
Adressons aux aidants un geste fort, riche de promesses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Patricia Schillinger . - Cette proposition de loi s'inscrit dans le mouvement de reconnaissance des plus de huit millions d'aidants qui soutiennent bénévolement un proche dans sa vie quotidienne.
Longtemps, ils, ou plutôt elles, ont été invisibles. La spécificité de leurs besoins a longtemps été ignorée car elle semblait obéir à une solidarité perçue comme naturelle.
Peu à peu, nous avons pris conscience qu'il fallait aider les aidants, notamment en leur offrant un droit à congé. Je salue le droit au répit créé par la loi sur le vieillissement pour les proches de titulaires de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA).
Cette proposition de loi étend la loi dite Mathys du 9 mai 2014, au « salarié qui vient en aide à une personne atteinte d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité ou présentant un handicap ». Certes, quelques jours de repos ne permettent pas de faire face sur le long terme mais ce pas est bienvenu.
Le groupe LaREM votera cette proposition de loi. Toutefois, nous déplorons l'émiettement des dispositifs. Il faut un texte global.
Tout le monde, un jour ou l'autre, peut devenir aidant tout en conservant une activité professionnelle - c'est le cas de 50 % d'entre eux. Leur rôle d'aidant touche leur parcours professionnel : refus de promotion, fatigue, et parfois hostilité ou discrimination.
Femmes à 60/70 %, les aidants souffrent déjà des inégalités entre les femmes et les hommes au travail. Il faut réfléchir avec les entreprises pour garantir que cela ne soit pas mal perçu dans le collectif du travail.
Le vote d'aujourd'hui n'épuise pas, loin s'en faut, la question du soutien aux aidants, mais il est gage de notre engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Dominique Watrin . - Merci, Madame la rapporteure, pour votre travail de qualité, qui ne cache pas les limites de cette proposition de loi. Pour nous aussi, la générosité est une valeur à promouvoir. Toutefois, ce texte suscite notre réticence. D'abord, parce qu'il introduit une inégalité inacceptable selon la taille de l'entreprise : un salarié d'une très petite entreprise ne pourra quasiment rien mobiliser quand celui d'une grande aura plus de facilité.
Surtout, cette solidarité relève de l'État, c'est à l'État de donner l'exemple. Cette proposition de loi ne corrige pas toutes les carences du rôle d'aidant, vous l'avez dit. Nous proposons d'aller plus loin : c'est le sens de notre amendement d'appel, qui sondera le Gouvernement sur ses intentions envers les aidants. Le député Pierre Dharréville a émis plusieurs propositions pour les aider : indemnisation de 43,14 euros par jour pour remédier au faible recours au congé pour proche aidant - ce qui ne coûterait que 300 millions d'euros, si peu par rapport aux milliards qu'il faudra mobiliser pour la dépendance ; extension de la majoration des droits à la retraite et prise en charge intégrale des dépenses de santé.
La rapporteure nous demande de voter la proposition de loi en l'état, pour éviter une navette supplémentaire, mais ce serait dédouaner le Gouvernement. Pourquoi avoir attendu un an les décrets d'application de la loi sur les enfants malades ? La mise en place du droit au répit tarde elle aussi, deux ans après sa promulgation. Le groupe CRCE votera contre la proposition de loi.
Mme Laurence Rossignol . - La rapporteure a fait un rapport généreux et lucide. Le don de jours a existé avant la loi, grâce à des accords de branche - la plasturgie vient d'en adopter un.
Mme la rapporteure a souligné la limite de la proposition de loi par rapport à l'ampleur des besoins.
Entre huit et onze millions d'aidants... Le chiffre est flou car les situations sont parfois mêlées et parce qu'on devient aidant progressivement. Certains ne se reconnaissent pas dans ce terme. C'est l'un des succès de la loi d'adaptation au vieillissement, en les reconnaissant, que de les aider à se prendre en compte eux-mêmes.
Un médecin qui rencontre une personne en perte d'autonomie se tourne-t-il vers la conjointe pour savoir comment elle va ?
Quelque 54 % des aidants sont des femmes ; la proportion est de trois quarts pour les personnes âgées en perte d'autonomie. Travail invisible, non rémunéré et ô combien bénéfique pour nos finances publiques.
Le droit au répit reste très méconnu, est-ce que les conseils départementaux en font une promotion suffisante ?
Nous avons suivi la préconisation de la rapporteure et n'avons pas déposé d'amendements. Toutefois, pourquoi pas un droit au congé pour les personnes dont les parents sont âgés et dépendants, à l'image du congé enfant malade ? J'espère, Madame la Ministre, que vous entendrez les propositions faites pour soutenir les aidants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)
M. Jean-Pierre Decool . - Un accident de voiture, l'annonce d'une maladie auto-immune ? On ne s'y attend pas, mais la vie bascule et il faut faire face, il faut du courage et de la force morale - et aussi des moyens financiers. Nous payons souvent les carences de l'État. Mais la vie est plus forte et l'on s'organise.
Autrefois, on accueillait les parents au domicile, sans que leur dépendance soit évoquée : c'était une affaire de famille. Face au handicap, on gardait un silence pudique... Mais désormais, les langues se délient...
Les situations de dépendance se multiplient et les pouvoirs publics s'en emparent.
Les « aidants familiaux », voilà un vocable technocratique. L'expression devrait être le langage du seul élan du coeur, de la générosité, mais le législateur n'est pas un poète, il lui faut qualifier juridiquement des faits.
Il faut aider les aidants. Le député Paul Christophe a donc rédigé cette proposition de loi, qui étend le don de jours de repos aux proches d'aidants : c'est un message d'espérance, nous nous y rallions ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Guillaume Arnell . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Un étudiant en master 2 de Poitiers, Mohamadou Oumarou Danni, le constatait déjà il y a onze ans : le vieillissement progressif de la population française et l'accroissement de la dépendance constituent un phénomène lourd que toutes les projections démographiques confirment ; la hausse du nombre de personnes en situation de handicap pose une question car il n'y a pas assez de places en établissement ; pour faire face, les pouvoirs publics privilégient le maintien à domicile, ce qui rend nécessaire de créer un environnement favorable aux conditions de travail d'aidant.
Plusieurs lois ont apporté des améliorations, comme celles du 9 mai 2014, 28 décembre 2015, 8 août 2016. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette lignée. On ne peut que la saluer, même si elle n'est pas parfaite et qu'il faudra sans doute l'adapter au contexte de chaque entreprise. Mais surtout l'État doit agir pour aider les aidants : il faut développer des structures d'accueil de jour, faciliter l'hébergement temporaire en Ehpad ou favoriser le remplacement des aidants familiaux par des professionnels pendant quelques jours ou quelques semaines mais aussi valoriser les emplois d'aides à domicile et mieux informer sur les aides pour les patients et les aidants.
Je rends hommage à toutes les femmes et les hommes qui donnent leur temps aux autres au détriment de leur propre épanouissement. Les outre-mer ont des difficultés parfois accrues dans le domaine.
Pourquoi ne pas avoir déposé d'amendements ? Pour saluer le travail de la rapporteure et favoriser une entrée en application la plus rapide possible. Le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE)
M. Bernard Bonne . - (M. Philippe Mouiller applaudit.) Cette proposition de loi a fait l'objet d'un large consensus à l'Assemblée nationale. Elle s'inspire largement de la loi du 9 mai 2014, portée par le député Paul Salen qui était aussi le premier vice-président du conseil général de la Loire dont j'étais président.
Cette proposition de loi sécurise juridiquement le don de jours de repos. Les aidants, souvent de la génération pivot, offrent la solution la plus simple et la moins coûteuse.
La loi d'adaptation de la société au vieillissement a fait progresser le rôle des aidants et la prise en compte de leurs besoins, en créant en particulier le congé de proche aidant et le droit au répit.
La santé des aidants est un enjeu de santé publique, il faut que les mesures récentes soient mises en oeuvre.
Cette proposition de loi complète le dispositif actuel mais est très parcellaire.
Louable et respectable dans ses intentions, la proposition de loi risque de poser des problèmes de mise en oeuvre.
Le don concernant les jours de repos excédant les 24 jours de congés payés annuels, les salariés ne seront pas dans la même position selon que leur entreprise est petite ou grande, c'est regrettable.
Ensuite, la prise en charge de pathologies lourdes d'adultes dépendants est un engagement qui s'inscrit dans la durée : comment des salariés pourront-ils aider un collègue sur une longue période ?
Troisièmement, comment le mécanisme s'appliquera-t-il dans la fonction publique ?
Enfin, quelle mesure de soutien pour ceux qui, pour s'occuper d'un proche, ont abandonné leur travail ?
Plus généralement, ne faudrait-il pas limiter le don aux personnes brusquement confrontées à un accident de la vie, que celui-ci soit lié ou non à une personne âgée ou handicapée ?
Mais cette proposition de loi est une première et importante étape qui renforce les liens intergénérationnels.
Le groupe Les Républicains votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Nassimah Dindar . - Cette proposition de loi constitue une belle initiative. Il s'agit de pallier à des difficultés conjoncturelles et de donner du répit aux aidants. Aidant naturel, c'est une jolie expression pour qualifier une situation de souffrance.
Parler d'aidant, c'est évoquer la vie de tous les jours.
Cette proposition de loi appelle pragmatisme et humanité. Inspirons-nous du travail remarquable de la rapporteure.
En proposant l'adoption conforme, Madame la Rapporteure, vous avez fait preuve de courage.
La condition de proche aidant ne fait l'objet que de mentions dans divers textes.
La mise en oeuvre du droit au répit n'est pas parfaite partout. À La Réunion, j'ai mis en place un Groupement d'intérêt public (GIP) avec l'État pour organiser des bourses d'heures. Je vous invite, Madame la Ministre, à visiter cette structure.
Cette proposition de loi complète la loi du 9 mai 2014. Elle offre une plus-value, malgré ses limites. Elle permet ponctuellement à des élans de solidarité de s'exprimer. Mais elle ne doit pas masquer la nécessité de la solidarité nationale. Il faut réfléchir au statut juridique de proche aidant.
Le groupe UC souhaite une approche plus globale, avec une allocation dédiée comme pour les proches de bénéficiaires de l'APA par exemple.
J'appelle mes collègues à un vote unanime sur cette proposition de loi.
Nombre de personnes renoncent à des carrières pour aider leur proche. Cela doit être pris en compte.
Comme mon collègue Bonne, j'appelle au développement de l'accueil temporaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Les aidants, souvent conjoints, enfants, petits-enfants, représentent une population en croissance, 57 % de femmes et dont la moitié d'actifs.
Les carences de la prise en charge de la société ne sont pas masquées par les efforts des aidants.
Les 5 000 places supplémentaires en Ehpad, votées en loi de financement de la Sécurité sociale, ne combleront pas les besoins d'accueil à temps plein et à temps partiel.
Il est nécessaire de renforcer les Ehpad-relais ou « hors les murs », et les liens entre urgences, domiciles et Ehpad pour éviter les ruptures dans les parcours de soin.
L'accompagnement humain est fondamental. Si l'on ne veut pas voir la santé des aidants se détériorer, il faut les aider.
Élargissons le droit à la retraite pour les aidants, comme le recommande le rapport de la mission de l'Assemblée nationale.
Insufflons une politique en direction des aidants dont je salue le dévouement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)
M. Daniel Chasseing . - Cette proposition de loi complète les avancées de la loi du 9 mai 2014 sur les dons de jours aux proches d'enfants malades.
Les professionnels apportent une aide nécessaire aux aidants, qui sont la condition du maintien à domicile. Je rappelle qu'on compte 1,2 million de personnes âgées percevant l'APA et qu'elles sont entourées de quelque 2,8 millions d'aidants.
La proposition de loi est un pas de plus en direction des aidants.
Le groupe Les Indépendants soutient ce texte de terrain accompagnant un acte humaniste et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants).
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue cette proposition de loi et le travail des députés. Elle est l'occasion d'un débat plus général sur le statut des huit à onze millions d'aidants.
Nombre de familles choisissent, ou sont contraintes de maintenir leur proche à domicile.
Les aidants sont évoqués dans la loi du 9 janvier 2014, permettant le don de jours de repos à un collègue dont un parent est gravement malade, celle du 28 décembre 2015 d'adaptation au vieillissement, la loi El Khomri du 8 août 2016 qui accorde deux jours en plus par an aux parents d'enfants handicapés, mais nous ne pourrons faire l'économie d'un texte global sur les aidants.
Le Parlement doit s'emparer de ce sujet pour rendre effectifs les droits des aidants et les leur faire connaître.
Étendons le droit au répit à l'ensemble des aidants ; faisons en sorte que ceux-ci puissent être suivis, formés, accompagnés. D'autres mesures pourraient être proposées : congé parental spécifique pour les parents d'enfants handicapés ou en longue maladie, prise en compte de cette expérience pour les droits à la retraite et au chômage, facilitation de la reconversion professionnelle. Sur le coût des mesures, n'oublions pas que le maintien en milieu ordinaire est moins coûteux que la création de places dans les institutions.
Enfin, l'engagement des aidants doit être reconnu à travers la création d'un statut.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
Mme la présidente. - Amendement n°1 présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût pour la protection sociale et les avantages pour les assurés sociaux d'une disposition portant indemnisation du congé de proche aidant, extension de la majoration de la durée d'assurance vieillesse aux proches aidants et indemnisation intégrale des dépenses de santé des proches aidants.
M. Dominique Watrin. - Cet amendement d'appel vise à obtenir des engagements précis de la part du Gouvernement. À notre sens, l'accompagnement des aidants doit relever de la solidarité nationale, et pas seulement des salariés. Entre autres choses, il revient à l'État de garantir le droit au répit, qui existe depuis deux ans. Pour avancer, nous proposons d'appliquer trois recommandations de Pierre Dharréville. Le Gouvernement est à la tête du pays depuis neuf mois, nous ne pouvons plus nous contenter de groupes de travail et de missions. Nous attendons des actes, et plus des paroles.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Lorsqu'on me tend une main, mon habitude est de la prendre ; faites-en de même, cher collègue. Ne prenons pas le risque de retarder l'adoption de ce texte pour une demande de rapport. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a engagé un chantier sur les proches aidants, que je mène avec la ministre des solidarités et de la santé. Cet amendement est satisfait par l'article premier bis qui prévoit déjà un rapport dont l'objet est très général. Nous discuterons des propositions de Pierre Dharréville quand son texte viendra en discussion dès le 8 mars à l'Assemblée nationale. Enfin, votre commission a oeuvré pour que le texte soit adopté conforme pour une mise en oeuvre rapide. Suivons-la. Avis défavorable.
M. Dominique Watrin. - Je prends note que le débat aura lieu. J'aurais retiré l'amendement si j'avais entendu une vraie volonté politique d'aller de l'avant.
M. Philippe Mouiller. - C'est le cas !
M. Dominique Watrin. - Les aidants ont besoin de soutien. Or le secteur de l'aide à domicile est en crise, notamment de recrutement, à cause de la précarité des emplois. Quand le Gouvernement refuse l'amendement à la convention collective qui prévoyait une petite augmentation de 0,4 % par an, nous sommes loin des bonnes intentions affichées. Nous attendons de lui des engagements précis, chiffrés.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER
Mme Fabienne Keller . - Nous ne pouvons ignorer ce défi majeur pour la société qu'est l'accompagnement des personnes en situation de grande fragilité. Hier encore, les professionnels des établissements ont manifesté leurs attentes, ils demandent un plus grand respect pour leurs missions, souvent mal connues. C'est dans cette situation particulière que nous sommes réunis dans une grande convergence pour examiner cette proposition de loi. Saluons Paul Christophe et son implication sur le terrain, d'où nous vient cette idée simple mais remarquable de transmission de jours de congés. Ce n'est pas la solution à tous les problèmes, mais c'est une partie de la solution. C'est en additionnant les mesures pour les aidants familiaux, le temps de répit, l'aide à domicile et les maisons de retraite que nous bâtirons l'édifice de la prise en charge de la dépendance. J'invite, moi aussi, le Sénat à adopter cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Maurice Antiste . - Après les lois du 9 mai 2014 et du 28 septembre 2015, voici que nous examinons un texte marquant la reconnaissance officielle des aidants par les pouvoirs publics. Les aidants, si leurs situations sont diverses, ont en commun de devoir assurer une présence quotidienne auprès des personnes dont ils prennent soin. Cette lourde charge tant sur le plan psychologique, physique, financier que social pèse sur 8,3 millions de personnes en France, dont 18 000 en Martinique où elles sont une clé de voûte de la société. Parmi les personnes en situation de handicap, 74 % sont aidées seulement par leur famille en Martinique contre 55 % en France hexagonale ; seuls 3 % reçoivent une aide professionnelle contre 15 % en France hexagonale. Le vieillissement programmé de la Martinique entraînera des besoins de plus en plus importants, je voterai donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
L'article premier est adopté.
L'article premier bis est adopté, de même que l'article 2.
Explications de vote
Mme Catherine Deroche . - Étendre les dispositions du texte à la fonction publique, comme cela est prévu à l'article 2, est une excellente chose. Des dispositions semblables étaient prévues dans la loi de 2014 sur le don de RTT que je rapportais. Tout était parti d'une affaire à Nancy : un policier voulait accompagner sa petite fille qui devait subir une greffe de moelle. Or les décrets d'application ont tardé à être publiés. Il a fallu attendre une autre affaire, en décembre dernier : un agent de la fonction publique voulait accompagner son enfant, atteint d'un cancer, en fin de vie.
Madame la Ministre, nous faisons encore aujourd'hui le choix d'un vote conforme pour que cela aille vite, il faut que le Gouvernement aille vite lui aussi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Pierre Decool . - Notre groupe Les Indépendants se réjouit de l'accueil fait à ce texte : la solidarité citoyenne appelle la solidarité politique pour les plus de 8 millions d'aidants. Plus de 60 % d'entre eux présentent des signes de stress et de surmenage, plus de 80 % appartiennent à la famille du malade. Or les plus de 65 ans seront 20 millions en 2030, 24 millions en 2060. Nous sommes la première génération à devoir assumer enfants et petits-enfants, la nôtre et celle de nos parents ; nous n'avons guère le choix. Cette proposition de loi a le mérite de la simplicité, retarder son adoption serait amplifié des souffrances. Nous voulons modestement encourager les élans de générosité dont les Français sont capables.
« La grande chose de la démocratie, c'est la solidarité », disait Victor Hugo. Nous voterons ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Véhicules autonomes : enjeux économiques et cadres légaux » à la demande du groupe UC.
M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste . - L'automobile, dans l'imaginaire collectif, est le symbole de la liberté : aller où l'on veut, quand l'on veut et où bon nous semble. Mais voici que ce synonyme d'aventure et d'indépendance est en train de devenir une contrainte pour les urbains, alors qu'elle reste indispensable aux ruraux. Plus étonnant, la voiture semble vouloir à son tour s'émanciper, puisqu'elle s'émancipe du conducteur. Le véhicule autonome est vu comme un moyen radical de réduire la mortalité routière, en particulier aux États-Unis.
La France, malgré un retard à l'allumage, a une carte à jouer. De nombreuses initiatives sont prometteuses. Dans mon département de Haute-Garonne, pionnier dans le métro sans chauffeur depuis 1993, l'université Paul-Sabatier à Toulouse expérimentera d'ici la fin de l'année, dans le cadre du projet « autOCampus », des véhicules autonomes et connectés, sur lequel travaillent une trentaine de chercheurs et des industriels tels que Continental ou Renault avec son Software Labs. Madame la Ministre, vous avez d'ailleurs eu l'occasion d'expérimenter la navette autonome, développée par la start-up EasyMile sur l'ancien aérodrome de Francazal.
Les constructeurs Renault et PSA, tout juste sortis d'une crise difficile, tentent de reprendre pied sur ce marché. La concurrence est rude, elle dispose d'énormes moyens et va très vite. Au niveau des équipementiers, Valeo semble tout à fait au niveau mais à l'ère du numérique, les retournements peuvent se produire à vitesse éclair.
Si les perspectives sont de long terme, les véhicules autonomes pourraient circuler sur une partie restreinte du réseau, les autoroutes, dans deux à trois ans à peine. Cela représente un espoir réel pour l'environnement. Le parc urbain est saturé, l'air irrespirable. Tous les responsables politiques l'ont bien compris, nous sommes au bout d'un système. Les véhicules thermiques sont devenus indésirables dans les grandes villes telles que Paris, Marseille et Lyon.
Le véhicule ou la navette autonome représente peut-être la révolution de demain : les navettes autonomes compléteraient les transports existants comme le tram ou le métro en irriguant les plus petites rues. Sur les autoroutes, cela impliquerait une voie dédiée.
Alors que la conduite sans chauffeur se développe en Chine, aux États-Unis et au Japon, les Français étaient 57 % à redouter de lâcher le volant en 2016 ; 75 % craignaient même de perdre le plaisir de conduire. Si l'évolution des mentalités constitue un préalable, nous avons de nombreux défis - sécuritaire, économique, financier, éthique et réglementaire - à relever avant que le véhicule autonome ne devienne une réalité. Le véhicule autonome nécessite une harmonisation technique entre véhicules ainsi qu'entre véhicules et infrastructures. Comment financera-t-on l'adaptation du réseau routier à la conduite connectée ?
Les États-Unis ont pris une avance considérable en autorisant la circulation de 100 000 véhicules autonomes en septembre dernier. Les entreprises européennes ont besoin d'un cadre pour être sécurisées. La convention de Vienne de 1968, qui stipule que « tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur », a été amendée en mars 2016 pour autoriser la conduite automatisée mais seulement à condition qu'elle soit sous contrôle du conducteur et que celui-ci puisse la désactiver. Le véhicule autonome reste interdit. L'expérimentation est plus lourde en France qu'en Allemagne où les industriels ont fait pression sur leurs autorités. La responsabilité des robots et la protection des données individuelles soulèvent également des difficultés. Qui sera responsable en cas d'accident ? Si un ordinateur gère entièrement la conduite, cela suppose aussi une cybersécurité ultra-performante pour éviter la prise de contrôle par un tiers malveillant.
Pour conclure, les membres de l'Union européenne doivent harmoniser leurs positions dans les enceintes internationales afin que nos industriels puissent participer activement à cette révolution mondiale de la voiture autonome et défendre notre conception des données personnelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Les véhicules autonomes, enjeu de société, transformeront notre manière de nous déplacer, notre rapport à la mobilité et bouleverseront nos filières économiques. C'est le bon moment pour en débattre : l'autonomie est pour les dix prochaines années ; il y a aura des avancées majeures durant ce quinquennat. Les navettes autonomes sont déjà une réalité sur des parcours délimités ; sur voies réservées, des tests sont en cours. Il faut donc adapter notre cadre à cette réalité, c'est l'objet du projet de loi d'orientation des mobilités.
Premier enjeu : la sécurité routière. Les facteurs humains - prise d'alcool, somnolence, vitesse excessive - sont les principales causes des accidents. La délégation de conduite les réduira considérablement.
Deuxième enjeu : la qualité des services de mobilité, à travers un confort accru et surtout la mobilité partagée, avec des compléments de desserte en période creuse ou en zone périurbaine et rurale.
Troisième enjeu : l'impact environnemental. Le véhicule autonome doit impérativement être propre ; de plus, il fluidifiera et dynamisera le trafic et réduira fortement le coût d'usage.
Quatrième enjeu, l'économie. Le véhicule autonome bouleversera le secteur de la construction automobile, soit 500 000 emplois, et celui du transport de marchandises et de personnes, soit 700 000 emplois.
Enfin, l'acceptabilité des systèmes de conduite n'est pas acquise. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils répondre à ces enjeux ? Notre action doit être ambitieuse, progressive et déterminée. Mon ambition est de définir un cadre compétitif et progressif, adapté au rythme de déploiement envisagé par la filière, marqué par des évaluations et des validations des systèmes d'information régulières.
Quelle forme prendra le permis de conduire de demain ? Comment seront mis à jour les algorithmes ? Comment le véhicule autonome communiquera-t-il avec son environnement ? Nous ne connaissons pas encore la réponse à ces questions.
Avec MM. Gérard Collomb, Bruno Le Maire et Mounir Mahjoubi, nous avons nommé Mme Anne-Marie Idrac, haute responsable de la stratégie nationale pour le développement du véhicule autonome, dont les travaux seront finalisés dans les prochaines semaines. Le Conseil national de l'industrie réfléchit à l'évolution des emplois et des compétences dans la filière automobile.
Enfin, les travaux européens et internationaux sont essentiels. L'échelle pertinente est celle de l'Union européenne qui doit être à l'avant-garde de l'innovation de rupture, comme l'a souhaité le président de la République. La Commission européenne proposera une feuille de route en mai prochain. Financement, cohérence réglementaire, interopérabilité, l'Europe a un rôle déterminant à jouer dans tous ces domaines. Nous travaillons déjà avec l'Allemagne et le Luxembourg pour créer des sites test aux frontières.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement a de grandes ambitions pour le véhicule autonome. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC)
Mme Michelle Gréaume . - Le véhicule autonome représente une révolution. S'il améliore la sécurité routière et la qualité de l'air, quelle sera la place de l'humain ? Comment résister aux plates-formes numériques, en concurrence féroce avec les constructeurs automobiles ? Les véhicules autonomes en autopartage menacent la filière automobile et fragilisent de nombreux emplois en France et en Europe, que ce soit au niveau des réseaux de distribution, des réparateurs, des auto-écoles, voire des assurances. Des inquiétudes pèsent également sur la protection des données personnelles. Celles-ci doivent être un bien public - le CRCE a toujours soutenu l'open data. Le Parlement doit être mieux informé des travaux des différents groupes de travail sur les thèmes touchant aux véhicules autonomes. L'article 8 de la convention de Vienne précise bien que tout véhicule doit avoir un conducteur. Qui sera responsable d'un éventuel accident ? Comment le Gouvernement entend répondre à nos préoccupations ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le cadre d'action est en cours d'élaboration sous la conduite de Mme Idrac. Il répondra à toutes vos interrogations. Notre rôle est d'anticiper cette révolution ; nous assisterons à des transferts d'emplois, avec des emplois plus qualifiés à l'interface avec le numérique. D'où la réflexion confiée au Conseil national de l'industrie. Je salue la réflexion engagée dans le cadre de la « Nouvelle France industrielle » par les transporteurs.
Mme Michèle Vullien . - Vous connaissez mon attachement aux transports publics et à l'intermodalité. Le véhicule autonome améliorera la desserte en ville et à la campagne, il n'en faudra pas moins lutter contre l'autosolisme en ville car il reste une voiture.
La montée en puissance du véhicule autonome, qui sera nécessairement électrique, n'est-elle pas antinomique avec l'objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'optique est d'offrir de nouveaux services de mobilité à tous les territoires en privilégiant navettes et autopartage à partir d'un scénario reposant sur la neutralité carbone d'ici 2050. Verdissement de la flotte, véhicules peu émetteurs, développement de l'écoconduite... La réduction de la consommation d'électricité dans les autres secteurs devrait compenser les nouveaux besoins pour le véhicule autonome. La part du nucléaire a vocation à diminuer, il s'agit de ne plus mobiliser des énergies carbonées.
Mme Michèle Vullien. - Je n'imaginais pas un instant un retour au charbon... (Sourires)
M. Joël Bigot . - Ce débat arrive à point nommé. Valéo ou Scania, bien présents dans le Maine-et-Loire, sont concernés par cette révolution et très actifs dans le transport autonome. Cependant, la 5G, technologie clé pour le développement à grande échelle du véhicule autonome, est loin d'être une réalité. Des infrastructures routières dédiées sont également nécessaires pour un fonctionnement sécurisé de ces véhicules. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour un développement équilibré et sécurisé de cette nouvelle technologie ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Il est effectivement essentiel que le véhicule autonome bénéficie à tous les territoires, zones rurales et périurbaines y compris. Le milieu rural fera partie des priorités. La première exigence est que le véhicule autonome détecte s'il est dans son domaine d'emploi. Les cas d'usage devront être optimisés avec la signalisation, la connectivité et la cartographie numérique. L'accord sur la couverture numérique entre Gouvernement et opérateurs est crucial : il faut sortir des zones blanches.
M. Alain Fouché . - Il faudra 21 ans pour renouveler les 39 millions de véhicules circulant en France. Le véhicule autonome réduira les accidents et la pollution. Son déploiement sera facile sur les autoroutes, mais pas sur le réseau secondaire où se situent la plupart des accidents et où la couverture téléphonique est limitée. Je n'aimerais pas que le véhicule autonome circule seulement en ville et sur les autoroutes, tandis que les habitants de la campagne seraient immobiles parce qu'ils auraient perdu tous leurs points sur leur permis de conduire à cause de la vitesse limitée à 80 km/h.... La ruralité ne doit pas être la grande oubliée. Quelles garanties contre le piratage des données personnelles et les menaces terroristes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Notre stratégie prend en compte ces préoccupations. Des accords ont été passés avec les opérateurs pour la couverture numérique de l'ensemble du territoire. La tendance naturelle est certes de réaliser des tests dans des grands centres urbains. Pour autant, le véhicule autonome rendra de nouveaux services de mobilité dans les territoires. Vous pourrez le constater à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.
M. Joël Labbé . - Le véhicule autonome est une révolution, merci à Pierre Médevielle de nous pousser à ce débat. Les premiers véhicules autonomes circuleront en Europe au début des années 2020, pour une généralisation à l'orée de 2030. Nous avons donc moins de dix ans pour nous y préparer. Les chauffeurs et transporteurs seront les premiers métiers à disparaître. On ne construit pas de la même façon un véhicule qui fonctionne 80 à 90 % du temps ou 5 à 7 % du temps comme aujourd'hui : les constructeurs verront leur métier profondément transformé. Il faudra profiter de cette révolution pour faire chuter le nombre de voitures individuelles, améliorer les transports publics, réduire la place de la voiture dans l'espace public. Il ne s'agit pas de concurrencer les réseaux de transport existants mais de les compléter. L'humain ne doit pas se trouver noyé dans un océan d'intelligence artificielle.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'ensemble des enjeux sera abordé dans le cadre de la stratégie nationale. Les nouvelles technologies vont bouleverser non seulement les filières mais notre appréhension de la mobilité, et posent des questions importantes en termes de sécurité routière. La stratégie nationale doit intégrer le véhicule autonome dans un système global de mobilité, qui se préoccupe aussi de la ruralité et régule la place de l'automobile en ville. Il nous faut accompagner l'évolution des compétences - c'est le rôle du Conseil national de l'industrie -, gérer les enjeux de cybersécurité.
C'est une approche globale, dans sa dimension européenne, que nous aurons à porter dans les prochains mois. Le pire serait de nier la réalité du bouleversement à venir ; il faut au contraire prendre de l'avance pour accompagner les changements.
Mme Pascale Gruny . - Le régime de responsabilité des robots n'existe pas en droit : seul le conducteur est responsable. Or de nouvelles causes d'accident seront introduites par le véhicule autonome ; par exemple, si des feux rouges émettent des signaux radio incohérents avec la signalisation visuelle. Comment déterminer les responsabilités respectives du fabricant du logiciel, du constructeur, du propriétaire ? Comment s'assurer contre le piratage des véhicules à distance ? Le vide juridique est total.
Le Parlement européen a proposé le 16 février 2017 un statut juridique sui generis du robot, tenu de réparer tout dommage à un tiers.
Faut-il retenir la responsabilité de la personne qui a formé le robot ? Mais les nouveaux systèmes d'intelligence artificielle élaborent désormais eux-mêmes des simulations leur permettant d'apprendre dans la phase initiale...
Comment anticiper la dimension juridique et faire évoluer cette nouvelle économie en protégeant les victimes ?
M. Charles Revet. - Très bonne question !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La loi Badinter de 1985 prévoit que les victimes d'accidents de la circulation sont indemnisées par l'assureur en responsabilité civile du véhicule. C'est transposable au véhicule autonome.
La responsabilité pénale est plus complexe. La future loi d'orientation proposera un cadre pour les expérimentations ; au-delà, il faudra prendre en compte les différents cas d'usage et travailler avec les parties prenantes dans le respect de la stratégie 2018-2020 de la Commission. C'est tout l'intérêt des expérimentations.
Le développement d'enregistreurs d'évènements à bord spécifiques aux véhicules autonomes permettra aussi d'éclairer les responsabilités dans la décision ayant conduit à un accident.
M. Frédéric Marchand . - Un grand quotidien du soir consacre aujourd'hui une pleine page à une expérience menée à Pittsburgh. Certes, entre Pittsburgh et la France, il y a un océan... En France, il faut cinq autorisations différentes pour faire rouler un véhicule ; la procédure dure en moyenne quatre mois.
Valeo, qui voulait faire rouler son véhicule autonome sur la place de l'Étoile, renforçant par là même son statut de leader, a dû solliciter jusqu'à l'Élysée.
Certes, notre pays s'est doté d'un cadre ouvert à tous les cas d'usage, responsabilisant et exigeant. Quelque vingt-sept expérimentations ont été autorisées entre 2015 et avril 2017, avec vingt-deux retours d'expérience, soit 100 000 kilomètres.
Passons aux tests à grande échelle en conditions réelles : prenons exemple sur le projet suédois Drive Me, qui fait tester cent véhicules autonomes par des particuliers sans ingénieur à bord. La France est-elle prête à s'inscrire dans cette dynamique ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La tendance est à l'élargissement des environnements de conduite et des cas d'usage, dont la quasi-totalité sont couverts par la quarantaine d'expérimentations en cours.
Il faut passer à l'échelle supérieure, en suivant plusieurs axes, dont le premier est la mutualisation, pour mieux capitaliser sur les acquis. Nous lançons pour cela un programme national d'expérimentation, avec des outils de validation, soutenu par le programme d'investissements d'avenir. Autre axe, les tests avec des conducteurs inattentifs, ou dans les nouveaux cadres d'usage, notamment en milieu périurbain et rural. Enfin, les questions d'interopérabilité transfrontalière sont cruciales.
Toutes nos filières sont mobilisées, avec le Gouvernement, pour lancer des travaux à grande échelle.
M. Guillaume Gontard . - Il y a dix ans, le véhicule autonome relevait de la science-fiction ; dans dix ans, il sera une réalité. Dans un cadre multimodal intelligent, il est porteur de grandes promesses, mais aussi d'interrogations. Seule certitude, la disparition prévisible du métier de chauffeur, soit un million d'emplois. Selon les études, 50 à 80 % des emplois existants auront disparu en 2050. Cela implique de réfléchir à la reconversion et l'accompagnement, de repenser la répartition du temps de travail et la protection sociale, d'envisager le revenu universel. Et l'explosion de la productivité offre une source de financement toute trouvée, bien identifiée par Elon Musk ou Bill Gates.
Anticipons pour transformer l'innovation en amélioration de la qualité de vie. Soyons inventifs socialement. Quelles sont vos idées dans ce domaine ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Nous avons en France des acteurs suffisamment puissants pour ne pas craindre cette révolution. La France a développé les LGV, le métro automatique, tout en créant de nouveaux emplois dans l'industrie ferroviaire ou le système de signalisation. L'écosystème de l'intelligence artificielle est très puissant en France. C'est une occasion de monter en compétence : le véhicule autonome créera de nouveaux emplois, c'est le sens de notre action sur la formation professionnelle et l'apprentissage.
Un Français sur quatre a refusé un emploi ou une formation faute de solution pour s'y rendre. Le développement de solutions de mobilité sera facteur d'accès à l'emploi.
Mme Nadia Sollogoub . - Le développement du véhicule autonome pose la question du devenir du permis de conduire. Il existe cinq niveaux d'automatisation des véhicules.
Le permis est un sésame incontournable, or nombre de demandeurs d'emplois en sont privés, faute de financement ou de date d'examen. Selon l'UFC-Que choisir, le prix moyen était de 1 800 euros et les délais d'attente de plusieurs semaines. Les jeunes et les salariés en insertion sont particulièrement concernés.
Dans les métropoles, les transports urbains sont une solution mais comment faire pour vivre et travailler à la campagne sans permis de conduire ?
Paradoxalement, le véhicule autonome pourrait représenter une solution d'accès à l'emploi, à condition que des permis spécifiques et allégés soient prévus pour les véhicules autonomes intermédiaires. Peut-on également envisager des véhicules totalement autonomes accessibles à tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'humain qui conduit doit avoir reçu une formation validée par un examen et être apte à conduire physiquement et mentalement.
Ces conditions restent d'actualité avec les fonctions d'assistance, car le conducteur doit pouvoir reprendre la main en cas de problème. La réflexion est menée au niveau européen, car il s'agit d'une compétence de l'Union. Au niveau national, le plan d'action stratégique y consacre un volet et le ministre de l'intérieur met en place un groupe de travail pour repenser le cadre du permis de conduire. Je partage votre ambition de faire du véhicule autonome une réponse pour les trop nombreuses personnes privées de solution de mobilité.
M. Olivier Jacquin . - Les évolutions induites par l'automatisation en matière ferroviaire, avec la ligne 14 du métro parisien, ou aérienne, avec les drones, sont un angle mort de la réflexion. Alors que la durée de vie de nos infrastructures est très longue, les ruptures technologiques sont de plus en plus brutales. Quelle place pour la puissance publique, quelle capacité collective de planification et de prospective ? Comment un État stratège et svelte peut-il s'inscrire efficacement dans le temps long ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La France a été précurseur en matière de métro autonome, à Lille puis avec la ligne 14 en 1998, qui reste une magnifique vitrine pour notre industrie. C'est la technologie de demain pour les grandes métropoles.
Notre réflexion prend bien en compte tous les modes de transport, y compris aérien. Sur les drones, nous avons été précurseurs : l'administration a su, de manière agile, mettre tous les acteurs autour de la table pour élaborer un cadre législatif et réglementaire favorable à l'innovation. Nous travaillons de la même manière dans le domaine maritime, où se développent les navires autonomes.
M. Ronan Dantec . - Tout ce qui est interdit au volant - manger, regarder la télévision, téléphoner - va devenir possible avec le véhicule autonome. On peut alors penser que nous aurons bientôt des embouteillages, puisque l'usager sera bien à l'aise dans son habitacle sécurisé : il aura le temps de regarder sa série préférée... Certes, des véhicules électriques ne causeront pas de pollution atmosphérique...
Mais la question de la complémentarité des mobilités est-elle au coeur des réflexions ? Comment clarifier cet enjeu lorsque le véhicule autonome apparaîtra massivement sur nos routes ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La réflexion globale, dans la foulée des assises nationales de la mobilité, aboutira à une stratégie globale pour une mobilité plus propre, partagée, connectée, autonome.
Véhicules propres, cas d'usage favorisent les nouveaux services de mobilité, utilisation du mode le plus adapté dans chaque environnement, tels sont nos axes de réflexion.
Quelle que soit sa pertinence, l'encombrement du véhicule autonome restera supérieur à celui des transports en commun, du mass transit, qui restent irremplaçables. J'aime à rappeler que le RER A, qui transporte 1,2 million de voyageurs par jour, représente une autoroute à deux fois trois voies. Le véhicule autonome reste un outil complémentaire d'une politique globale de mobilité.
M. René Danesi . - Notre rapport du 23 novembre 2017 au nom de la commission des affaires européennes, intitulé « La conduite sans chauffeur : le futur immédiat », souligne l'enjeu stratégique international du véhicule autonome. La concurrence s'accroît entre les constructeurs traditionnels, Tesla, Google, les équipementiers - jusqu'au géant chinois des télécommunications Huawei.
Dans une compétition mondiale pour la collecte de données, dans un relatif vide juridique quant à la protection des données personnelles, il est indispensable d'assurer une cybersécurité inviolable. Une opération cyberterroriste pourrait transformer les véhicules autonomes en robots tueurs.
Comment comptez-vous appréhender ces dangers ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Ces enjeux sont cruciaux. Le règlement de protection des données personnelles de l'Union européenne et le projet de loi sur le même thème apportent des réponses. Les véhicules sont de plus en plus connectés. La loi d'orientation des mobilités définira un socle minimum d'information pour les propriétaires de véhicules sur le fonctionnement des algorithmes de délégation de conduite.
Le risque lié au cyberterrorisme est réel. La multiplication des applications digitales accroît les risques d'attaque : il faut accompagner l'innovation numérique. Les réponses en matière d'analyse de risques et de lutte contre le piratage devront faire l'objet d'une structure d'échange dédiée au niveau national.
M. Frédéric Marchand, en remplacement de M. Didier Rambaud . - Si je salue la décision du Gouvernement de s'emparer du sujet en confiant une mission à Anne-Marie Idrac, le rapport de la commission des affaires européennes pose la question de la place de l'industrie française. Malgré le volontarisme des acteurs, les entreprises françaises peuvent-elles rester dans la partie ? Le risque d'être distancé est réel, la réglementation française étant inadaptée - d'où un risque de distorsion de concurrence.
Les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni n'ont pas signé la Convention de Vienne de 1968 sur la circulation routière qui, dans son article 8, impose que tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur. Ils sont donc libres d'adapter leur législation. Ainsi les États-Unis ont autorisé la circulation expérimentale de 100 000 véhicules autonomes. La Chine et le Royaume-Uni ont de leur côté signé un accord de coopération sur la conduite intelligente.
Comment le Gouvernement entend-il faire sauter ces verrous préjudiciables dans la course technologique ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La tradition française est de respecter le multilatéralisme et donc la Convention de Vienne ; mais nous avons défendu en 2016 un article à la CEE-ONU assouplissant la contrainte du conducteur ; en 2017, nous avons prôné l'adaptation aux cas d'usage, avec des exigences proportionnées aux risques.
Ces évolutions vont prendre du temps - or il y a urgence ; c'est pourquoi l'Europe doit prendre le leadership international dans ce domaine. Comptez sur notre détermination : la loi d'orientation des mobilités ouvrira au maximum les possibilités d'expérimentation.
M. Jean-François Longeot . - Le véhicule autonome est très attendu, notamment pour réduire l'accidentalité, sachant que 90 % des accidents mortels sont imputables à l'erreur humaine. Mais il génère aussi un nouveau type d'accident, comme en juillet dernier où un véhicule Tesla en pilotage automatique, ébloui par une forte luminosité, a percuté la remorque d'un camion, tuant le conducteur...
Cela suppose de faire évoluer les équipements routiers, avec de nouveaux marquages au sol ou des signaux radio via les panneaux de signalisation. L'État envisage de financer le changement des panneaux de signalisation à la suite du passage à 80 kilomètres/heure. Va-t-on devoir adapter les équipements routiers ? Comment ne pas trop peser sur les finances locales ? (Marques d'approbation sur les bancs du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Un arbitrage sera à rendre entre l'équipement lourd de certaines infrastructures pour accélérer le développement du véhicule autonome et élargir les cas d'usage, et un équipement léger qui suppose une plus forte autonomie des véhicules.
Les expérimentations en cours permettront de cerner les cas où le véhicule devra se débrouiller seul. Feux rouges communicants, alertes de la chaussée font partie des équipements d'infrastructure envisagés, pour une route intelligente. Les enjeux, qui concernent tous les véhicules connectés, ont été clairement identifiés. Le Conseil d'orientation des infrastructures rendra demain un rapport sur le sujet, qui sera traduit dans la loi de programmation des infrastructures.
Mme Françoise Cartron . - Ce matin, la commission du développement durable a organisé une table ronde sur la mobilité. J'ai interrogé un intervenant sur les équipements à mettre en place pour accueillir les véhicules connectés ; il a évoqué des « corridors connectés », qui concernent plus les grandes voies de circulation que les routes départementales.
Notre réseau départemental pourrait-il être adapté ? Et que coûterait cette adaptation ? Il existe des véhicules très haut de gamme, hautement connectés, ayant moins besoin de l'accompagnement des infrastructures ; seront-ils réservés à une élite ? Au-delà des inégalités territoriales, va-t-on assister à une fracture sociale entre ceux qui peuvent accéder à ce type de véhicule et les autres ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La multiplicité des cas d'usage nécessite des réponses adaptées. On peut imaginer de grands corridors européens pour le transport autonome de marchandises, par exemple.
À l'échelon local, il sera possible de mettre en place des navettes autonomes, notamment en zone rurale, sans investissements trop coûteux - à l'image de l'expérimentation menée au Japon pour acheminer les personnes âgées de la maison de retraite au centre-bourg.
Nous tenons à ce que le véhicule autonome participe à la réduction des inégalités. C'est tout le sens de la loi d'orientation pour les mobilités.
M. Patrick Chaize . - Un accord historique entre le Gouvernement, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et les opérateurs mobiles pour généraliser la couverture mobile de qualité vient d'être signé. C'est indispensable au développement des véhicules autonomes.
Notre pays doit se doter au plus vite d'un cadre réglementaire et définir la gouvernance du déploiement. Un plan des infrastructures connectées doit être établi. Que prévoyez-vous, et à quelle échéance ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Ces enjeux sont au coeur de nos réflexions. Le projet Scoop de déploiement de systèmes de transports intelligents coopératifs, basé sur l'échange d'informations entre véhicules et infrastructures, impliquant constructeurs, opérateurs, universités et organismes de sécurité, déploiera 3 000 véhicules sur 2 000 kilomètres de routes, sur l'A4 en Île-de-France, en Isère, sur la rocade de Bordeaux et en Bretagne. Cette expérimentation, la plus importante à l'échelle européenne, permettra aux acteurs de se positionner au mieux dans la compétition internationale.
M. Patrick Chaize. - Les licences des réseaux de télécommunication ont été prolongées. Il est urgent de mettre en cohérence les réseaux numériques et les besoins.
M. Roland Courteau . - Nous avons besoin d'une feuille de route face à cette rupture technologique, culturelle et juridique. Or il semble que des constructeurs aient du mal à obtenir des fonds pour mener leurs projets de recherche.
Les constructeurs français ne doivent pas devenir de simples fournisseurs de carrosserie : l'exemple de l'accord entre Google et Fiat est préoccupant.
Le véhicule autonome ne va-t-il pas déresponsabiliser l'usager ? Comment les assureurs vont-ils réagir ? Le code de la route prévoit que le conducteur puisse exécuter toutes les manoeuvres qui lui incombent ; allez-vous l'adapter ?
Qu'en est-il des emplois ? Certains seront créés, d'autres détruits. Comment nous y préparer ?
Pour assurer notre place à l'échelle européenne, nous devons multiplier les expérimentations en accélérant les procédures. Le premier pays capable d'édicter des règles de circulation des véhicules autonomes et d'homologuer ces derniers avantagera beaucoup son industrie. Où en sommes-nous ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Nous allons nous doter d'un cadre législatif et réglementaire ambitieux, pour être à la pointe. Quelque 200 millions d'euros ont été alloués à la filière pour les expérimentations, notamment à travers les programmes d'investissements d'avenir.
L'Union européenne va devoir s'impliquer. Les états profitent d'autant mieux des aides européennes qu'ils se sont mis en ordre de marche.
En termes de partage de la valeur, le véhicule autonome rebat les cartes. Nos acteurs sont très bien positionnés au plan international. Le véhicule autonome ne se réduit pas au logiciel : interactions entre le véhicule et la route, entre les véhicules, sécurité sont des enjeux majeurs, très bien maîtrisés par nos constructeurs et nos opérateurs. La puissance publique jouera pleinement son rôle pour soutenir la filière.
M. Jean-Raymond Hugonet . - Après une large concertation, le Gouvernement prépare un projet de loi renouvelant le cadre législatif des transports. La conduite autonome et sécurisée favorise une nouvelle mobilité, à la frontière entre l'individuel et le collectif ; l'autosolisme est appelé à se résorber.
L'enjeu industriel est énorme, quand on sait que l'industrie automobile française emploie 440 000 salariés. Quelles mesures législatives le Gouvernement envisage-t-il pour faire de la France un leader mondial ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La réflexion sur le développement du véhicule autonome s'inscrit dans une stratégie globale de mobilité. Outre le confort, le véhicule autonome apportera des services de mobilité dans les territoires en souffrance. Voies dédiées, zones à circulation restreinte : il s'agira de favoriser les véhicules propres et partagés.
L'enjeu sera alors de lever les freins en permettant des expérimentations avec des conducteurs inattentifs et en testant les navettes autonomes dans des conditions moins contraintes.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Ancien conseiller régional, sénateur de l'Essonne, je rappelle que la région Île-de-France offre de grandes possibilités d'expérimentation et de mise en service des véhicules autonomes.
Mme Fabienne Keller . - Des expérimentations voient le jour à Paris, Lyon, Rouen, Strasbourg. Merci, Madame la Ministre, d'avoir engagé la réflexion.
Mais les territoires ruraux semblent encore une fois laissés de côté. Pourtant, il est plus facile de circuler dans ces zones peu denses. Les rabattements vers les gares dans des zones à habitat diffus, par exemple, pourraient être testés. Qu'envisagez-vous pour que les territoires ruraux ne soient pas exclus des expérimentations ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le déploiement du véhicule autonome en zone rurale est une priorité de l'État. L'appel à manifestations d'intérêts French Mobility que j'avais annoncé au congrès des maires et opéré par l'Ademe, en témoigne.
L'enjeu, ce sont bien toutes ces solutions de mobilité. L'autopartage doit se développer dans tous les territoires. Les cas d'usage sont différents selon les zones. La priorité va là où il n'y a pas d'alternative à la voiture en solo. Il y a beaucoup d'initiatives dans ces territoires. Il faut les faire remonter pour les accompagner.
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Il y a quelques années, le véhicule autonome était un concept éloigné du quotidien ; c'est désormais une réalité.
L'enjeu est crucial pour la France qui ne doit pas manquer le rendez-vous.
La France regorge de talents et de savoir-faire. L'État doit structurer et coordonner l'ensemble de la filière pour définir une stratégie globale.
Si l'on considère l'échelon international, force est de constater que nous sommes à la peine. Chaque État membre décide des expérimentations sur son sol.
En France, les autorisations à obtenir sont nombreuses : ministères des transports, de l'intérieur, autorité de police, gestionnaire de la voirie et autorité organisatrice des transports. Elles freinent le développement de l'autonomie.
Un effort de simplification est-il prévu pour favoriser des tests à grande échelle en coordination réelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Notre ambition est bien de passer de la phase expérimentation à la phase de mise en service. Nous nous doterons d'une stratégie positionnant au mieux notre pays, en mettant en place un cadre législatif et réglementaire, en développant l'usage partagé et en renforçant les autorités organisatrices de la mobilité.
Nous comptons doter la France du cadre le plus dynamique et le plus compétitif.
Le débat est clos.
La séance est suspendue à 17 h 35.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Communications
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie à 19 heures sont consultables sur le site du Sénat.
Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la séance de ce soir.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.
Discussion générale
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le régime de responsabilité actuel pour les propriétaires ou les gestionnaires de sites naturels est celui de la responsabilité sans faute, à l'article 1242 du code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde».
La jurisprudence récente a ajouté une force supplémentaire à l'interprétation rigoureuse de cette responsabilité du fait des choses. En 2010, la Cour de cassation a réaffirmé que l'acceptation par la victime de l'accident des risques liés à l'activité n'exonérerait en rien le gestionnaire du lieu de sa responsabilité sans faute.
Une autre affaire de grimpeurs ayant été blessés par des pierres tombées d'une falaise dans les Pyrénées-Orientales a entraîné la condamnation de la Fédération française de la montagne et de l'escalade (FFME).
Compte tenu du développement actuel des activités de plein air, le contentieux pourrait être d'ampleur considérable et les propriétaires ou les gestionnaires auraient une responsabilité disproportionnée.
Engager cette responsabilité sans faute paraît difficile. En outre, il y a une grande asymétrie.
Les propriétaires publics et privés ne sont pas traités de la même façon. Il y a un effet désincitatif sur la pratique de ces activités : soit les gestionnaires ne veulent prendre aucun risque et ferment le site, soit ils l'ouvrent moyennant un grand nombre de contraintes. Cette proposition de loi rééquilibre les responsabilités.
L'article L. 365-1 du code de l'environnement marque déjà un infléchissement en faveur du gestionnaire ou propriétaire.
Le législateur doit prévenir plus que guérir. Le Sénat peut ici agir comme force de proposition. Cette proposition de loi crée par son premier article un régime dérogatoire au droit commun. En cela, elle remet à jour la théorie de l'acceptation des risques. Celui qui accepte d'effectuer une activité à risque en accepte les conséquences.
M. Michel Savin. - Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. - La responsabilité pour faute pourra toujours être engagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois . - Trois Français sur quatre de plus de 15 ans déclarent pratiquer régulièrement des sports et loisirs de pleine nature, soit 34 millions de personnes pour 5,6 milliards d'euros de dépenses par an. Ces activités constituent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités territoriales. Le développement de ces activités serait entravé par une jurisprudence appliquant strictement le régime de la responsabilité du fait des choses.
L'article 1242 du code civil, ancien article 1384...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Eh oui !
M. André Reichardt, rapporteur. - ... pose en effet le principe selon lequel le propriétaire d'un site naturel peut voir sa responsabilité civile, une responsabilité du fait des choses, engagée pour une branche qui tombe ou une pierre qui roule quand bien même il n'a commis aucune faute.
La proposition de loi propose de basculer du régime de fait des choses au régime de responsabilité pour faute.
Le contentieux est peu abondant, voire inexistant ces dernières années pour les personnes publiques. La proposition de loi découle d'un cas, évoqué par le président Retailleau, jugé à Toulouse, pour lequel appel a été interjeté.
Fallait-il légiférer ?
La commission des lois a considéré que la faiblesse du contentieux était la marque de l'attention toute particulière des fédérations à la sécurité des pratiquants.
Fallait-il s'opposer à la création d'un nouveau régime spécial ?
Les réticences sont compréhensibles.
La responsabilité du fait des choses, d'origine prétorienne, prend en considération des problématiques qui n'existaient pas lors de la création du code civil en 1804. Le législateur est donc dans son rôle.
Avant la grande réforme, annoncée par le ministère de la justice, de refonte de la responsabilité civile, cette proposition de loi du Sénat est une belle initiative, comparable à celle qui a conduit à la consécration du préjudice écologique.
La commission des lois a considéré que la proposition de loi présentait néanmoins des difficultés de coordination avec le reste de l'article L. 365-1 du code de l'environnement, d'une part, ainsi que des difficultés d'application, en raison de l'imprécision des notions utilisées, d'autre part.
La responsabilité contractuelle aurait pu être concernée, ce qui n'était pas l'objectif des auteurs de la proposition de loi.
Un transfert du risque de l'exploitant (d'une station de ski, par exemple), souvent professionnel et assuré, vers le client aurait été dangereux, car celui-ci n'est souvent couvert que par une assurance de dommages personnels.
Quant au champ, ne viser que les propriétaires et les gestionnaires était trop restrictif : quid du locataire ?
Enfin, le terme de « circulation du public » pouvait inclure les véhicules motorisés. Dès lors, la commission des lois a récrit entièrement le premier article.
Le régime de responsabilité de plein droit ne pourrait s'appliquer et on basculerait vers le principe de l'acceptation des risques. Délaissé par la jurisprudence, il est moins favorable aux victimes.
La commission des lois revient à une conception plus limitée de la responsabilité sans faute du propriétaire ou gestionnaire, ce qui aboutit à une solution équilibrée entre ce dernier et le pratiquant de l'escalade ou d'autres sports et loisirs de nature, lequel doit savoir que le risque zéro n'existe pas, en dépit de toutes les diligences mises en oeuvre par le gardien du site naturel.
La commission a choisi d'introduire ce dispositif dans le code du sport, au sein des dispositions relatives aux sports de nature, plutôt que dans le code de l'environnement.
La commission des lois, par l'article 2 de cette proposition de loi, a en conséquence abrogé l'article L. 365-1 et vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Cette proposition de loi a pour but, en modifiant le régime de responsabilité auquel sont soumis les gardiens de sites naturels ouverts au public, d'encourager les sports de nature qui constituent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités territoriales. Le Gouvernement ne peut qu'y souscrire et souhaiter la plus large ouverture des espaces naturels au public.
La proposition de loi suscite des réserves non pour les objectifs, mais pour les moyens qu'elle emploie.
L'article L. 365-1 du code de l'environnement, en vertu d'une disposition introduite en 2006 par une loi relative aux parcs nationaux et parcs naturels, prévoit déjà qu'en cas d'accident, la responsabilité des propriétaires et gestionnaires doit être appréciée au regard des caractéristiques particulières des espaces naturels qui, pour des raisons de conservation des milieux, ne peuvent faire l'objet que d'aménagements limités. Cette proposition de loi va plus loin.
L'évolution proposée paraît prématurée. Il serait excessif de dire que la responsabilité du fait des choses permet l'engagement automatique de la responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires d'espaces naturels en cas d'accident.
Certes, le régime de « responsabilité du fait des choses » appliqué par les juridictions relève de la responsabilité sans faute, mais les juges cherchent la réalité de la cause et évaluent le comportement de la victime. Il faut relativiser le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse de 2016 condamnant la Fédération de la montagne et de l'escalade, d'autant qu'il n'est pas définitif et apparaît isolé. Le contentieux est très faible au regard des 54 millions de visiteurs d'espaces naturels par an.
L'intervention du législateur n'est pas indispensable.
On parle de la vaste réforme de la responsabilité civile envisagée par le ministère de la justice depuis longtemps, mais ce Gouvernement a l'habitude de faire ce qu'il dit. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit ; exclamations et protestations sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Les débats en commission montrent que nombre d'entre vous ne sont pas insensibles à la nécessité d'une réflexion plus large. Introduire aujourd'hui dans le droit positif une nouvelle disposition est prématuré.
La rédaction de la proposition de loi issue de la commission des lois apparaît problématique. Elle ne fait pas référence à la responsabilité administrative pourtant prévue par l'article L. 365-1 du code de l'environnement. Cela pourrait conduire à des indemnisations différentes selon le juge choisi, judiciaire ou administratif.
La notion d'« espace », de « site » ou d'« itinéraire » retenue par la commission mériterait être précisée : le champ d'application doit être limité aux espaces « naturels ».
La commission des lois abroge l'article L .365-1, ce qui est problématique, puisque le nouveau dispositif ne couvre pas la totalité des champs traités par cet article : en particulier, il ne traite pas de la « circulation des piétons ».
Si l'on peut trouver légitime de poser la responsabilité du pratiquant d'un sport dangereux qui accepte un certain risque, il n'en va pas de même d'un simple promeneur. Le Gouvernement ne peut souscrire à un texte qui conduirait à un affaiblissement du droit des victimes.
L'article L. 365-1 du code de l'environnement n'aurait pas pu s'appliquer dans le cas du jugement de Toulouse car le lieu de l'accident ne figure pas dans la liste énoncée par cet article. Or les enjeux de la conciliation entre ouverture au public et préservation du caractère naturel des lieux s'étendent au-delà des seuls espaces naturels protégés.
La réflexion aura toute sa place dans le cadre de la refonte globale du droit de la responsabilité civile engagée par le Gouvernement. Il importe de conserver l'économie générale d'un dispositif qui concilie le droit commun de la responsabilité tant civile qu'administrative et la prise en compte des contraintes spécifiques des propriétaires et gestionnaires d'espaces naturels, tout en garantissant une protection satisfaisante du droit des victimes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)
M. Loïc Hervé . - La période contemporaine est marquée par un attrait croissant pour les sports et loisirs de nature. Il faut se féliciter de ce phénomène qui favorise le développement touristique de nos territoires et valorise des espaces naturels. En Haute Savoie, on pratique l'escalade, l'alpinisme, le ski, le parapente et plus récemment le trail... Ces activités sont par essence à risque et les pratiquants le savent. C'est un paradoxe, dans une société de plus en plus adverse au risque.
Cette proposition de loi a suscité une double réaction au sein du groupe UC. Appliquer brutalement la responsabilité du fait des choses au propriétaire ou au gestionnaire de sites pour des dommages causés lors d'une pratique sportive sur des sites naturels pose problème et peut être décourageant. On imagine l'impact sur l'attractivité touristique de nos territoires...
Autre réaction, celle que provoque l'analyse du jugement de Toulouse. Doit-on légiférer maintenant ? On pourrait attendre l'examen de la réforme de la responsabilité civile promis par le Gouvernement à la fin de l'année. Mais nous avons estimé - le nombre que nous sommes ce soir le montre - que nous pourrons nous y atteler dès à présent.
Le rapporteur de la commission des lois a proposé d'inscrire cette proposition de loi non pas dans le code de l'environnement mais dans le code du sport qui contient déjà à l'article L. 321-1-3 une exonération de la responsabilité sans faute des pratiquants d'une activité sportive pour les dommages matériels à l'encontre d'autres pratiquants du fait des choses sous leur garde. Cette évolution de 2012 était, là aussi, issue d'une initiative parlementaire. Nous y souscrivons.
La matière a été bouleversée par la jurisprudence de la Cour de cassation de 2010 réduisant le champ d'application de la théorie des risques acceptés. Les primes d'assurance de certaines fédérations, notamment celles des sports mécaniques, ont augmenté en conséquence. On ne parle pas ici des dommages causés par une raquette de tennis ou une moto de compétition, qui ont donné lieu à une abondante jurisprudence. La notion juridique de « chose » porte ici sur des éléments naturels qui composent l'environnement d'une pratique sportive, comme un rocher sur une paroi d'escalade. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et sa finesse juridique.
Cette proposition de loi lance un débat sur cette problématique très importante pour l'économie du tourisme dont dépend mon département.
Le groupe UC votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
M. Jérôme Durain . - J'aime les premiers de cordée non au sens macroniste mais en tant qu'alpiniste.
M. Loïc Hervé. - Ça viendra !
M. Jérôme Durain. - Grimpeur, je partirai donc du nom donné à celui, en escalade, qui se trouve tout en bas de la cordée : l'assureur. Ce terme répond aux questions posées par cette proposition de loi : qui pratique, qui sécurise et qui paie ?
On évoque l'accident de Vingrau. Mais tous les pratiquants de sports de pleine nature sont concernés, de même que toutes les fédérations qui en régissent la pratique, les propriétaires de sites naturels et les collectivités territoriales qui en assurent le développement et la promotion.
Quelle place accordons-nous à la prise de risque dans notre société ? Quelle part d'acceptation du risque pour les pratiquants ? Jusqu'où les fédérations, les collectivités sont-elles responsables des activités individuelles ?
Faut-il légiférer ou attendre la Chancellerie ? Il faut légiférer, c'est tout un secteur qui en dépend. La législation de 1804 ne parvient plus à saisir la complexité actuelle. Vous avez lu cette semaine dans la presse le récit du sauvetage de Mme Élisabeth Revol, partie à l'assaut du Nanga Parbat, descendue seule, laissant son compagnon d'ascension à l'agonie, rejointe par quatre autres ressortissants polonais venus à sa rescousse, de nuit, à la lampe frontale, dans des conditions dantesques. Son sauvetage dans l'Himalaya a été financé par une cagnotte participative de 50 000 dollars. Qui aurait imaginé cela autrefois ?
« La montagne n'est ni juste ni injuste, elle est dangereuse » dit Reinhold Messner. Imaginons le tableau noir des conséquences d'une extension de la responsabilité sans faute.
La Fédération française de la montagne et de l'escalade, mise sur la sellette, dénonce ou suspend 800 conventionnements ; des propriétaires interdisent l'accès à leur falaise ; le niveau d'équipement et de sécurisation des sites diminue ; les pratiques clandestines se développent ; les collectivités territoriales interdisent la pratique ou au contraire surinvestissent des sites en les bétonnant... Tout cela a un impact !
Les pratiques de plein air sont parmi les rares sports libres et gratuits, et concernent trois Français sur quatre, soit 34,5 millions de personnes. J'aimerais qu'on puisse continuer à initier des enfants à l'escalade sans analyse juridique préalable ou aller de même en vélo ou à pied sur les chemins de Compostelle ou d'ailleurs. (M. Loïc Hervé renchérit.)
Il faut des pratiquants conscients, formés, responsabilisés. Cela signifie moins d'accidents.
Tout le monde est concerné par cette problématique.
Le groupe socialiste et républicain soutient cette proposition de loi de M. Retailleau, avec lequel je suis souvent en désaccord, mais pas sur des niches telles que celle-ci ou le jeu vidéo ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Très bien !
M. Jérôme Durain. - La cohabitation entre les deux codes est délicate. Elle risque d'être contradictoire. Je suis plutôt favorable à la rédaction de la commission des lois, pour conserver le terrain de jeu privilégié de tous les pratiquants, premiers de cordée, assureurs et randonneurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, UC, Les Indépendants, Les Républicains)
M. Jérôme Bignon . - J'aborde cette discussion générale avec perplexité. Le droit peut paraître simple quand il y a une seule solution, mais quand il y en a trois ou quatre, son application devient difficile.
Ce qui ressort du débat, c'est qu'il faut régler ce problème. J'avais signé en son temps une proposition. Ce n'est pas si simple.
Nous avons à répondre à la forte artificialisation des espaces naturels, à la multiplication des événements compétitifs au sein des espaces naturels, ainsi qu'à l'attachement à la nature - et en même temps à une judiciarisation croissante de la société, qui conduit à ester en justice dès que l'on reçoit un gravier sur la tête. Certains sont conduits à fermer leurs espaces, ce qui est regrettable.
Le choix de la commission des lois revêt une pertinence juridique indiscutable, mais qui modifie l'intention des auteurs - dont je suis - à l'époque.
La bonne idée serait peut-être de concilier la modification de l'article L. 365-1 du code de l'environnement concerné et l'introduction d'un article dans le code du sport.
Je suis embarrassé par l'amendement du Gouvernement qui supprime l'introduction de l'article dans le code des sports, ce à quoi je suis défavorable.
Ce texte poursuit un intérêt général évident. Trouvons une solution de compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, sur quelques bancs du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Les activités de plein air connaissent un succès croissant ; la Fédération française de randonnée pédestre compte 242 000 adhérents et la Fédération de la montagne et de l'escalade en compte 96 000.
Le développement de ces activités crée une difficulté juridique en cas d'accident. La responsabilité est différente selon que la pratique est encadrée ou sauvage, ou que le site est géré par le public ou le privé.
Dans le Puy-de-Dôme, la quasi-totalité des volcans de la chaîne des Puys ont des propriétaires privés. Comment les rendre responsables, alors qu'ils n'en contrôlent pas la fréquentation, en hausse ? L'engouement pour les sports de nature accroît considérablement la pression sur des propriétaires qui n'ont pas tous souhaité accueillir du public.
Il est utile de s'interroger sur l'évolution du régime actuel de responsabilité afin de parvenir à une rédaction réellement équilibrée qui ne limite pas la pratique des sports de nature, et ne déresponsabilise ni les propriétaires ou gestionnaires de sites naturels, ni les pratiquants de telles activités sportives.
Utiliser un espace aux fins de loisir est un droit qui doit s'accompagner de devoirs. Le groupe RDSE soutiendra la rédaction de la commission des lois.
Toutefois, la responsabilité des gestionnaires de site ne doit pas être totalement exonérée. Il faut un meilleur partenariat avec les propriétaires, nécessaire pour améliorer la signalétique et l'information.
Le groupe RDSE votera la proposition de loi.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Très bien.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Les propriétaires fonciers qui laissent libre accès à leur site risquent l'engagement de leur responsabilité sans faute en vertu de l'article 1242 du code civil, qui concerne les choses dont on a la garde. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la seule manière de s'en exonérer est de démontrer un cas de force majeure, ou que la victime a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage.
Seule exception, l'article L. 365-1 du code de l'environnement, pour les propriétaires ou gestionnaires de parcs nationaux ou de réserves naturelles.
L'article L. 160-7 alinéa 4 du code de l'urbanisme, abrogé depuis 2015, excluait la responsabilité civile des propriétaires au titre des dommages causés ou subis par les bénéficiaires d'une servitude.
En tout état de cause, il est recommandé aux propriétaires de souscrire une assurance pour leur éviter de supporter les conséquences en cas de préjudice.
Avec un objectif louable, le texte prévoyait initialement d'étendre l'exclusion de responsabilité aux propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages subis à l'occasion de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisir ou de sport de nature.
La commission des lois a préféré l'application du régime de la responsabilité pour faute et l'insertion dans le code du sport.
Le groupe LaREM juge que cela aurait plus de sens dans le cadre de la réforme globale des règles régissant la responsabilité civile, portée prochainement par la Garde des Sceaux. Dans la mesure où le contentieux est peu abondant, le groupe LaREM réserve sa position.
M. Guillaume Gontard . - Cette question a déjà été débattue en 1984, en 2005 et en 2006. Toutefois, elle a le mérite de traiter du paradoxe entre demande d'un accès accru aux sites naturels et moindre acceptation des risques inhérents à ces activités.
La responsabilité du propriétaire ou gestionnaire est une responsabilité sans faute s'il n'a pas explicitement défendu l'accès à son terrain, en vertu de laquelle le tribunal de grande instance de Toulouse a condamné la FFME et son assurance à verser 1,2 million d'euros aux victimes d'un éboulement sur un site naturel d'escalade.
Cette jurisprudence, qui reste à confirmer, porte en germe le risque d'une interdiction d'accès à de nombreux sites naturels. Il ne s'agit pour l'heure que d'un jugement de première instance, et l'ONF a été exonéré par la cour d'appel de Versailles à la suite de l'accident d'un adolescent pratiquant le VTT sur un circuit sauvage dans une forêt domaniale.
Il y a très peu de contentieux et de condamnations sur le fondement de l'article 1242. En outre, le juge examine les circonstances de l'accident pour décider si le propriétaire est ou non civilement responsable. La responsabilité du fait des choses est encadrée par des garde-fous, un rapport du Sénat en témoigne. Il est précipité de légiférer pour corriger une jurisprudence de première instance.
Enfin, difficile d'appréhender la réaction des assureurs face à une responsabilité fondée sur la faute. On risque une sécurisation croissante des sites naturels pour éviter une responsabilité fondée sur la faute - d'autant que la notion de faute est évolutive...
La crainte des propriétaires est réelle. L'amendement du Gouvernement nous semble un bon compromis. Toutefois, nous voterons pour cette proposition de loi dans la rédaction de la commission. (Applaudissements)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je soutiens cette proposition de loi, qui est l'occasion pour le Sénat de se saisir de ce problème. Les propriétaires et gestionnaires n'ont pas les moyens de contrôler les accès à leurs terrains ; ils ne doivent pas voir leur responsabilité engagée. Seraient-ils coupables de ne pas prévoir les aléas de la nature ?
Les sites naturels ouverts au public devraient continuer à l'être sans constituer une épée de Damoclès. Lorsqu'on pratique un sport de nature, on doit être conscient des risques. L'environnement est périlleux, et le randonneur ne saurait devenir un consommateur passif. Lorsque vous marchez en forêt, vous regardez où vous mettez les pieds. Je citerai à nouveau les mots de Reinhold Messner : « La montagne n'est ni juste ni injuste, elle est dangereuse. » Combien de skieurs se mettent en danger en pratiquant le hors-piste ?
Attention à ne pas encourager un aménagement excessif des sites, et donc une dénaturation des espaces naturels. Imaginez la forêt de Fontainebleau défigurée par des rambardes et des signalisations... D'autres préfèrent fermer les sites au public, quitte à freiner le développement de ces activités de plein air...
Sur le site de l'office du tourisme de l'Eure, la première activité proposée est constituée par les sports de nature : c'est un atout touristique majeur. Protégeons les sites ouverts au public et apportons au plus vite une solution législative. Je voterai la proposition de loi. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 365-1 du code de l'environnement, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature, qu'en raison de leurs actes fautifs.
« La responsabilité administrative des propriétaires de terrains, de la commune, de l'État ou de l'organe de gestion d'un espace naturel, à l'occasion d'accidents survenus dans le coeur d'un parc national, dans une réserve naturelle nationale ou régionale, sur un domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, sur les espaces naturels sensibles des départements, sur tout autre espace de nature ou sur les voies et chemins mentionnés à l'article L. 361-1, à l'occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d'activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à la circulation dans ces espaces naturels ayant fait l'objet d'aménagements limités afin de garantir la conservation des milieux et, compte-tenu des mesures d'information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d'assurer la sécurité publique.
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires des espaces naturels ouverts au public ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature, qu'en raison de leurs actes fautifs. »
M. Jérôme Bignon. - Cet amendement complète le nouvel alinéa proposé par la proposition de loi initiale. Il réintroduit cette disposition dans le code de l'environnement, tout en répondant aux inquiétudes du rapporteur sur son caractère trop vague. Cette nouvelle version concilie modification du code de l'environnement et du code des sports.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 365-1 du code de l'environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les espaces naturels ouverts au public et sur les voies et chemins mentionnés à l'article L. 361-1, la responsabilité civile ou administrative des propriétaires, de la commune, de l'État ou de l'organe de gestion de ces sites ne saurait être engagée au titre de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature, qu'en raison de leurs actes fautifs.
« Le premier alinéa est également applicable aux accidents survenus dans le coeur d'un parc national, dans une réserve nationale ou régionale, un espace naturel sensible départemental, sur un domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou sur les voies et chemins mentionnés à l'article L. 361-1, ou tout autre espace de nature ayant fait l'objet d'aménagements limités, afin d'y garantir la conservation de la biodiversité et des paysages, et pour lesquels des mesures d'information ont été prises, dans le cadre de la police de la circulation par les autorités chargées d'assurer la sécurité publique. »
M. Jérôme Bignon. - Amendement de repli.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Bignon et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 365-1 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La responsabilité civile des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ne saurait être engagée, au titre de la circulation du public ou de la pratique d'activités de loisirs ou de sports de nature, qu'en raison de leurs actes fautifs. »
M. Jérôme Bignon. - Il s'agit de préserver l'esprit originel de la proposition de loi, notamment son caractère global, tout en respectant le choix de la commission des lois d'introduire une disposition identique à l'article L. 311-1 du code des sports.
M. André Reichardt, rapporteur. - Rendons hommage à Jérôme Bignon pour sa volonté de trouver une solution à une situation complexe. Ses trois amendements sont toutefois satisfaits ; l'amendement n°3 est soit redondant, soit dépourvu - c'est le cas du deuxième alinéa - de toute portée normative. En outre, la responsabilité administrative obéit à des règles particulières. Retrait, sinon avis défavorable.
Même chose pour l'amendement n°2, qui introduit une rédaction différente dans le code de l'environnement. Les deux alinéas s'articulent mal entre eux et sont peu compréhensibles. En outre, la rédaction va plus loin que la proposition de loi initiale en posant un principe général d'exonération de responsabilité civile et administrative, hors cas de faute : c'est excessif, notamment pour les victimes qui bénéficient de la présomption de défaut d'entretien par la personne publique. Retrait, sinon avis défavorable.
Même chose pour l'amendement n°1, qui rétablit la rédaction initiale - je ne reviens pas sur les choix juridiques de la commission des lois. Retrait encore, sinon avis défavorable.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Ces trois amendements excluent la responsabilité civile du propriétaire ou gestionnaire en l'absence de faute. Il semble prématuré de modifier le régime de responsabilité ; attendons la réforme globale de la responsabilité civile qui sera portée par Mme Belloubet.
Sur le fond, ces amendements pourraient conduire à empêcher l'indemnisation des victimes ; ils sont source de complexité. Avis défavorable.
M. Jérôme Bignon. - J'ai pris bonne note de la réforme à venir de la responsabilité civile ; je participerai aux travaux.
Les amendements nos3, 2 et 1 sont retirés.
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 365-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 365-1. - La responsabilité civile ou administrative des propriétaires ou gestionnaires d'espaces naturels, à raison d'accidents survenus à l'occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d'un sport de nature ou d'activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à l'évolution dans ces espaces naturels n'ayant pas fait l'objet d'aménagements ou ayant fait l'objet d'aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d'information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d'assurer la sécurité publique. »
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Nous comprenons les besoins exprimés ici.
Sans préjudice d'une réforme ultérieure, l'économie générale de l'article L. 365-1 du code de l'environnement est satisfaisante, en conciliant bien les contraintes des propriétaires et gestionnaires d'espaces naturels, et les droits des victimes d'accidents. Cependant, le Gouvernement propose d'en élargir le champ, en supprimant l'énumération des personnes publiques et des types d'espaces où ce régime s'applique ; la nouvelle rédaction de cet amendement est donc plus large, englobant y compris les espaces naturels qui n'ont pas fait l'objet d'aménagement.
M. André Reichardt, rapporteur. - J'avais réfléchi à cette hypothèse dans le cadre des travaux de la commission des lois ; j'ai choisi d'en rester à la solution de la proposition de loi amendée, qui va plus loin.
Cet amendement est donc contraire à la position de la commission. Cet article du code invite le juge à apprécier la responsabilité du propriétaire ou gestionnaire au regard des circonstances, ce que le juge fait déjà sans que le législateur ait besoin de lui préciser. Cette rédaction ne permet pas d'atteindre l'objectif poursuivi par la proposition de loi. Sauf retrait de votre amendement, avis défavorable.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Je le maintiens.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cet amendement arrive après la prise de position de la commission des lois, et celle-ci rechigne à revenir dessus. (M. Jackie Pierre proteste.) Or, c'est une solution équilibrée permettant d'attendre de voir ce que décide la cour d'appel.
M. Jacques Bigot. - Cet amendement dénature complètement la proposition de loi. La position de la commission des lois, de l'intelligence de son rapporteur, indique que le pratiquant de l'activité sportive ou de loisir ne bénéficie pas de la responsabilité du gardien. Votre rédaction apporte une complexité juridique que nous ne pouvons pas suivre.
M. Michel Savin. - Bien sûr !
M. Jacques Bigot. - Le groupe SOCR ne votera donc pas cet amendement (Applaudissements sur tous les bancs)
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Compte tenu de l'avis précédent de la commission des lois, je le retire.
L'amendement n°5 est retiré.
L'article 2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance demain, jeudi 1er février 2018, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 10.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du jeudi 1er février 2018
Séance publique
À 10 h 30
Présidence : M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : Mme Agnès Canayer - Mme Annie Guillemot
1. Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (n°154, 2017-2018)
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°247, 2017-2018)
Texte de la commission (n°248, 2017-2018)
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
De 16 h 15 à 20 h 15
Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
3. Proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques (n°792, 2015-2016)
Rapport de M. Bernard Jomier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°236, 2017-2018)
Texte de la commission (n°237, 2017-2018)
4. Proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l'étranger (n°553, 2016-2017)
Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°238, 2017-2018)
Texte de la commission (n°239, 2017-2018)
Composition d'une éventuelle CMP
Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité sont :
Titulaires :
M. Philippe Bas
M. Philippe Bonnecarrère
M. Christophe-André Frassa
Mme Brigitte Lherbier
Mme Laurence Harribey
M. Simon Sutour
M. Alain Richard
Suppléants :
Mme Esther Benbassa
Mme Maryse Carrère
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
M. François Grosdidier
Mme Sophie Joissains
M. Jean-Yves Leconte
M. Henri Leroy
Conclusions de la Conférence des présidents
Semaine sénatoriale
Jeudi 1er février 2018
À 10 h 30
- Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (demande du Gouvernement)
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et les membres du groupe socialiste et républicain
- Proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l'étranger, présentée par MM. Jean-Yves Leconte, Richard Yung, Mmes Claudine Lepage et Hélène Conway-Mouret
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
Mardi 6 février 2018
À 14 h 30
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Mercredi 7 février 2018
À 14 h 30 et le soir
- Nomination des 21 membres de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens des services de l'État pour faire face à l'évolution de la menace terroriste après la chute de l'État islamique
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
Jeudi 8 février 2018
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
Mardi 13 février 2018
À 9 h 30
- 26 questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
Mercredi 14 février 2018
À 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité
- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
Jeudi 15 février 2018
À 10 h 30
- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone
=> Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord du 9 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières concernant l'emploi transfrontalier d'aéronefs
=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération renforcé entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Kazakhstan, d'autre part
=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du protocole annexe à la convention générale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980 relatif aux soins de santé programmés dispensés en France aux ressortissants algériens assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement
- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants
- Suite du projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
Semaine de contrôle
Mardi 20 février 2018
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée)
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45
- Débat sur les conclusions du rapport d'information « Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires » (demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes)
À 21 h 30
- Débat sur l'avenir de l'audiovisuel public (demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et du groupe Les Républicains)
Mercredi 21 février 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues
À 21 h 30
- Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part, présentée par MM. Pascal Allizard et Didier Marie (demande de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères)
Jeudi 22 février 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi visant à renforcer la prévention des conflits d'intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues
- Proposition de loi sur le régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales, présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de ses collègues
Suspension des travaux en séance plénière : du lundi 26 février au dimanche 4 mars 2018
Semaine sénatoriale
Mardi 6 mars 2018
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains)
Mercredi 7 mars 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi, présentée par M. Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain
- Proposition de loi visant à instituer le Conseil parlementaire d'évaluation des politiques publiques et du bien-être, présentée par M. Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain
De 18 h 30 à 20 h 30 et de 22 heures à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer
Jeudi 8 mars 2018
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Proposition de loi de simplification, de clarification et d'actualisation du code de commerce, présentée par M. Thani Mohamed Soilihi
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
Mardi 13 mars 2018
À 14 h 30
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
Mercredi 14 mars 2018
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
Jeudi 15 mars 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
Mardi 20 mars 2018
À 9 h 30
- Questions orales
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d'une société de confiance
À 16 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la protection des données personnelles (procédure accélérée)
Mercredi 21 mars 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 22 et 23 mars
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi relatif à la protection des données personnelles (procédure accélérée)
Jeudi 22 mars 2018
À 10 h 30
- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant la ratification de l'accord instituant la Fondation internationale UE-ALC
=> Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
=> Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille (STCW-F)
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (procédure accélérée)
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15
- Éventuellement, suite du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (procédure accélérée)