SÉANCE
du jeudi 1er février 2018
50e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Annie Guillemot.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Réforme du droit des contrats (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - L'ordonnance, qu'il s'agit de ratifier par ce projet de loi, comporte l'une des réformes les plus importantes du code civil depuis sa création en 1804. Le long chemin qui a mené à sa publication a été marqué par des échanges nourris avec les praticiens et les parlementaires. Je salue le travail accompli par François Pillet qui a fait preuve d'un grand esprit d'ouverture et de responsabilité. De fait, le Sénat, première assemblée saisie de ce texte, a opportunément clarifié le sens de certaines dispositions de l'ordonnance sans en modifier l'esprit. L'Assemblée nationale n'a proposé que de rares mais utiles modifications. Ainsi de nombreux points ne sont plus en débat : consécration de la jurisprudence Baldus, qui exclut du champ de la réticence dolosive l'estimation de la valeur de la prestation, les règles relatives à la capacité des personnes morales ou aux conflits d'intérêts en matière de représentation ou encore la définition du préjudice réparable en cas de rupture fautive des négociations.
Par ses travaux nourris, votre commission des lois a également dégagé en première lecture des lignes d'interprétation claires sur l'articulation entre droit commun et droits spéciaux ou encore sur le caractère impératif ou supplétif des dispositions de l'ordonnance.
Cette deuxième lecture nous invite à trouver un ultime compromis. Un seul point de fond demeure en discussion - sur lequel le Gouvernement vous proposera un amendement - relatif aux prérogatives du juge en matière d'imprévision. Votre commission propose de limiter les pouvoirs du juge saisi par une seule des parties à la seule résolution du contrat, excluant qu'il puisse le réviser, au motif que cela porterait atteinte à la force obligatoire des contrats et à la liberté contractuelle. Or la possibilité ouverte par l'ordonnance a été strictement encadrée. D'aucuns craignent des incidences négatives sur l'attractivité de notre droit, ce à quoi le Gouvernement rappelle la nature supplétive de cet outil dont les effets seront limités dans les contrats internationaux. Surtout, la modification proposée par votre commission ôte à ce dispositif novateur son utilité et son efficacité. Il est peu probable que des parties qui ne seraient pas entendues sur les termes de la renégociation, voire sur la nécessité même de renégocier, confient in fine la révision de leur contrat à un juge. Au demeurant, il s'agira, pour ce dernier, non de faire le contrat, mais de l'adapter en restaurer l'équilibre initialement voulu par les parties. Il est des cas dans lesquels la résolution du contrat ne présente d'intérêt économique pour aucune des parties, notamment si des emplois sont menacés. Notre tradition juridique favorise la survie du contrat, nous l'adaptons aux évolutions économiques sans promouvoir un quelconque interventionnisme judiciaire. Du reste, l'ordonnance favorise les solutions extrajudiciaires. De la même manière que le maintien du contrat n'est pas toujours adapté, sa rupture n'est pas toujours souhaitable. Le Gouvernement est attaché à cette disposition essentielle à l'équilibre de l'ordonnance qui, de l'avis de tous, est parfaitement atteint grâce à la qualité de nos échanges, dont je remercie le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - L'ordonnance du 10 février 2016, dont nous sommes saisis pour ratification, est entrée en vigueur le 1er octobre 2016, soit il y a plus de dix-huit mois. Le Sénat, s'il a marqué son opposition au recours à l'ordonnance pour modifier plus de 300 articles du code civil sur des points qui ne sont pas seulement techniques, a fait preuve de responsabilité en choisissant de ne pas engager une réforme de la réforme. Madame la Ministre, vous avez d'ailleurs salué ce choix à l'Assemblée nationale en ces termes : « Le Sénat a fait preuve de responsabilité en n'apportant au texte de l'ordonnance que de rares modifications au regard de son ampleur et en permettant, par les débats qui s'y sont déroulés, de résoudre d'éventuelles difficultés d'interprétation ».
Toutefois, il n'est guère satisfaisant de ratifier un texte dont les dispositions s'appliquent depuis un an et demi alors que presque huit mois se sont écoulés entre sa publication et son entrée en vigueur. La prochaine révision constitutionnelle nous permettra peut-être d'éviter à l'avenir que de tels régimes transitoires ne menacent la stabilité du droit.
Les députés, qui ont introduit dans les débats un seul sujet nouveau, celui du sort des sûretés en cas de cession de contrat et de cession de dette, ont validé nos interprétations expresses, grâce auxquelles ne subsistera aucune ambiguïté sur la volonté du législateur. Notre commission vous propose de retenir certaines modifications apportées par les députés et d'adopter des rédactions de compromis sur les points restant en discussion. Madame la garde des Sceaux, vous avez bien voulu saluer le dialogue fructueux qui s'est noué autour de ce texte et s'est poursuivi en deuxième lecture en commission puisque le Gouvernement a proposé un amendement comportant une définition du contrat d'adhésion proche de la nôtre. Nous vous invitons à le prolonger dans l'hémicycle sur les deux points restant en discussion : la révision judiciaire pour imprévision, l'application de la réforme aux contrats antérieurs. Nous en débattrons à l'occasion de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Jacques Bigot . - Ce texte, s'il est fondamental, ne réforme pas le droit des contrats de manière si massive puisqu'il codifie pour une grande part la jurisprudence, laquelle représente une source de droit essentielle dans ce domaine du droit qui est celui des contrats, si important dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Disparition de la notion de cause, adaptation à l'évolution de l'électronique, le code sera dorénavant plus clair.
L'entrée en vigueur de l'ordonnance, que nous avons à ratifier, nous empêche de modifier substantiellement le texte ; ce serait créer trois régimes distincts, selon la date de conclusion du contrat. Le principe de la force obligatoire du contrat, fondateur dans le code napoléonien, n'interdit pas des évolutions au nom de l'équité que recherche la jurisprudence ; je pense à l'inscription des notions de contrat d'adhésion ou de clause abusive inspirées des recommandations du Conseil de l'Europe en 1967. Limiter les pouvoirs du juge en cas d'imprévision à la résiliation du contrat n'est pas forcément dans l'intérêt des parties, lesquelles peuvent d'ailleurs ne pas le saisir. Quoi qu'il en soit, la possibilité pour le juge d'interpréter la volonté des parties existe depuis 1804. Elle est utilisée et le semble largement dans certains cas - aux yeux de certains, la jurisprudence a parfois forcé le trait. Nous suivrons donc l'amendement gouvernemental sur l'article 1195.
Hâtons-nous à présent de mettre fin à la navette parlementaire afin que les praticiens sachent où en est le code civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Alain Marc . - Le Sénat tout entier était opposé au recours à une ordonnance pour modifier le droit des contrats. Elle a été publiée le 1er octobre 2016. Notre rapporteur propose de la ratifier sans y apporter de modifications majeures pour éviter que ne se succèdent trois régimes juridiques distincts. Cette réforme nécessaire est attendue, elle semble largement approuvée. Moderniser notre droit des contrats, l'adapter aux réalités économiques, codifier la jurisprudence, garantir la sécurité juridique, tels en sont les objectifs.
En seconde lecture, notre commission n'est pas revenue sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale - ainsi en matière de nullité pour réticence dolosive. Sur la révision pour imprévision toutefois, ainsi que sur l'application de la réforme aux contrats antérieurs, les députés ne nous ont pas suivis.
Le groupe Les Indépendants, qui salue le travail titanesque de notre rapporteur, votera le texte de la commission : le code civil doit refléter l'état réel du droit positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ce texte est la queue de comète d'un long processus législatif et de débats doctrinaux plus anciens encore, les travaux du Professeur Catala ayant débuté en 2005.
Ce texte a donné lieu à l'affrontement de deux philosophies, en particulier sur l'intégration de la théorie de l'imprévision en droit civil. Pour le Sénat, la saisine du juge pour révision du contrat en cas d'imprévu majeur constitue une atteinte majeure à la liberté contractuelle. À notre sens, ce dispositif se heurte d'abord au manque de moyens des juridictions.
Sans mettre en cause le bien-fondé de la position du rapporteur, il nous semblerait malencontreux d'instiller de l'insécurité juridique en modifiant une ordonnance dont le but était précisément d'assurer la sécurité juridique.
Cette façon de légiférer est frustrante pour les parlementaires, elle l'est également pour le Gouvernement, qui doit anticiper l'effet contentieux d'une ordonnance substantiellement modifiée lors de sa ratification par le Parlement. Observons en tout cas que, contrairement aux idées reçues, cette procédure n'est pas moins longue que la procédure législative ordinaire. Il aurait fallu six ans, de 1986 à 1992, pour mener à son terme la dernière rénovation du code pénal, soit moins que cette réforme du droit des contrats, si l'on prend pour point de départ le temps nécessaire à l'adoption de de la loi d'habilitation déposée en 2013.
Le groupe RDSE soutiendra les amendements du Gouvernement tout en conservant un regard bienveillant sur le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)
M. Arnaud de Belenet . - Le texte, fruit d'une quinzaine d'années de travaux, a été nourri par de nombreux rapports, des travaux académiques, des échanges avec les acteurs économiques mais aussi par les parlementaires. Il vise à codifier la jurisprudence et à renforcer l'attractivité de notre droit sans oublier de protéger les plus faibles. La consécration de l'annulation des clauses abusives, l'extension de la sanction de la violence en cas de dépendance, l'élargissement du champ de la réticence dolosive vont dans ce sens de même que l'introduction du régime de l'imprévision, dont les effets seront limités sur les contrats internationaux. À mon sens, le rôle accru du juge peut s'interpréter comme un renforcement de la volonté des parties.
Saluons le travail accompli. La commission des lois du Sénat, dans un esprit de responsabilité, a cherché en seconde lecture le compromis ; le Gouvernement s'est lui-même montré à l'écoute de nos travaux sur la définition du contrat d'adhésion.
Ce texte équilibré emprunte une voie médiane. Sa ratification s'impose.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je réitère mes félicitations à notre rapporteur pour son effort de synthèse et son choix de toucher le moins possible aux droits spécifiques résultant d'une ordonnance qui s'applique avant sa ratification - manière de mettre le Parlement devant le fait accompli.
Les ordonnances, qui auraient dû rester exceptionnelles et uniquement justifiées par l'urgence, sont devenues une habitude dont on ne pourrait se satisfaire. Le groupe CRCE, qui défend l'abrogation pure et simple de l'article 38 de la Constitution, considérerait que l'adoption de la proposition n°20 du président du Sénat sur la révision constitutionnelle constitue un grand pas en avant : un délai maximal de trois mois entre projet de loi d'habilitation et publication de l'ordonnance et un d'un an entre projet de loi de ratification et d'habilitation. Comme notre rapporteur, j'attends donc avec impatience cette révision constitutionnelle. Puisse-t-elle mettre un coup d'arrêt à la dérive consulaire de notre régime et la réduction du Parlement à une chambre d'enregistrement des volontés élyséennes. (Sourires)
Pour le reste, ce texte n'appelle pas de longs développements de ma part. Une fois n'est pas coutume, ma convergence de vue est totale avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur les deux points restant en discussion : la suppression du terme « économique » dans la définition de l'état de dépendance et l'extension des pouvoirs donnés au juge en cas d'imprévision. La définition par notre commission du contrat d'adhésion représente un progrès.
Selon Saint Matthieu, « Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée. » Je n'aurai donc qu'un mot : le groupe CRCE votera ce texte. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce texte illustre bien la contribution de la navette parlementaire à la qualité du droit et à son attractivité. Le dialogue avec la Chancellerie a été fructueux, notre assemblée a balisé utilement le terrain des discussions, sur des dispositions, il faut le dire, redoutablement techniques. Je remercie le rapporteur Pillet de m'avoir associée aux auditions pour le compte de la délégation aux entreprises.
Notre commission a fait un pas vers le Gouvernement sur la définition de l'état de dépendance, le Gouvernement en a fait un vers elle sur la caractérisation du contrat d'adhésion. Sur l'imprévision enfin, nous discuterons de l'amendement du Gouvernement dans un instant. Nos divergences ne paraissent pas insurmontables.
Le Sénat, comme le Gouvernement, veut renforcer la sécurité juridique et l'attractivité de notre pays. Nous attendons des éclaircissements de la part du ministre de l'économie et des finances sur le paiement d'une obligation de somme d'argent pouvant se faire en monnaie étrangère...
M. François Pillet, rapporteur. - C'est fait !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Enfin, il serait aventureux de donner au juge le pouvoir de reformuler un contrat en cas d'imprévu, compte tenu de la complexité croissante du droit économique. Si le Gouvernement tient à l'intervention du juge, qu'il en fasse une norme impérative.
La modernisation du droit des contrats appelle à présent celle du droit des sûretés, partiellement réalisée par l'ordonnance du 23 mars 2006. Quand sera mis à l'ordre du jour le projet déposé sur la table en octobre 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je remercie chacune et chacun pour ses propos. La direction des affaires civiles et du Sceau travaille en ce moment sur les enjeux du cautionnement, nous y reviendrons bientôt.
À vous entendre, j'ai fini par céder sur l'application de l'ordonnance dans le temps. Il ne reste donc plus qu'un point de divergence, celui sur l'imprévision.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE 2
M. François Pillet, rapporteur . - À l'article 1110 du code civil, l'on distingue les contrats de gré à gré et les contrats d'adhésion, catégories doctrinales. Il s'agissait par l'ordonnance de limiter les clauses abusives dans ces derniers. La doctrine et les praticiens s'en sont émus, de telles restrictions ressortissant du droit des contrats spéciaux. Nous n'avons toutefois pas souhaité y revenir. Le critère de négociabilité pour distinguer ces deux types de contrat, bien qu'imparfait, nous semble aussi satisfaisant que possible.
Je souhaiterais clarifier une interprétation. Un associé ultérieur ne peut pas renégocier un contrat de société ou un pacte d'actionnaires. Il doit en accepter les termes ; cela n'en fait pas pour autant un contrat d'adhésion qui se définit exclusivement par sa formation. L'adhésion ultérieure d'une nouvelle partie ne peut transformer un contrat de gré à gré en contrat d'adhésion. Ayant lu des interprétations contraires, je souhaitais faire cette mise au point.
L'article 2 est adopté.
L'article 3 bis demeure supprimé.
L'article 4 est adopté, de même que les articles 5, 6 et 7.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement restaure l'article 1195 issu de l'ordonnance : il autorise une seule des parties à saisir le juge pour réviser le contrat en cas d'imprévision. Vous ne remettez pas en cause le principe de ce mécanisme, notre désaccord porte seulement sur l'ampleur des pouvoirs du juge. Pour éviter une atteinte disproportionnée à la force obligatoire du contrat, des garde-fous ont été instaurés : la révision du contrat n'est envisageable qu'en cas de changement de « circonstances imprévisibles » lors de la conclusion du contrat, ce qui exclut les événements que devait raisonnablement prendre en compte un débiteur normalement prudent ; ce changement de circonstances doit rendre l'exécution « excessivement onéreuse » pour l'une des parties, ce qui exclut le simple surcoût, que doivent supporter les contractants ; enfin la partie lésée ne doit pas avoir accepté dans le contrat d'en assumer le risque, ce qui signifie que les contrats par lesquels une partie prend à sa charge le risque d'imprévision demeurent valables.
Priorité est donnée à la renégociation, puisque le recours au juge n'est ouvert qu'en cas d'échec des procédures amiables. Surtout, la révision judiciaire pour imprévision ne s'applique que si les parties n'en ont pas convenu autrement.
Les inquiétudes que certains ont exprimées me semblent donc excessives. Les pouvoirs du juge sont, au surplus, encadrés par la procédure civile : il s'en tiendra aux demandes qui lui sont adressées.
Réduire les pouvoirs du juge comme vous entendez le faire serait regrettable. Mettre fin au contrat peut avoir des conséquences économiques non négligeables. Mieux vaut confier au juge la possibilité de corriger l'excessive onérosité du contrat qu'un changement de circonstances aurait occasionnée.
M. François Pillet, rapporteur. - Le champ de notre désaccord est très restreint. Le Sénat accepte la révision en cas d'imprévision : si les parties confient au juge le soin d'adapter le contrat, le Sénat n'a rien à y redire. L'aspect consensuel du contrat n'est pas menacé ; le juge est alors arbitre, pas faiseur de contrat. Le Sénat accepte également qu'un cocontractant seul demande la résolution du contrat.
Ce que nous refusons, c'est qu'une seule des parties demande au juge de refaire le contrat ! Ce serait une atteinte disproportionnée aux principes généraux de notre droit des contrats.
La responsabilité du juge peut aussi être engagée par la suite, ce qui explique le peu d'empressement des magistrats que nous avons auditionnés à se voir confier cette nouvelle mission...
Surtout, ce texte ne sera jamais appliqué : pour peu que les parties se dotent d'un conseil un peu avisé, il sera systématiquement écarté lors de la rédaction du contrat ! À l'inverse, si vous retenez la rédaction du Sénat, cela donne une chance à cette possibilité de révision.
J'engage le Sénat à repousser l'amendement du Gouvernement. Je crois que nous pouvons, en poursuivant le débat, écarter cette dernière tête d'épingle qui nous sépare... (M. le président indique à l'orateur qu'il doit conclure.) Nous avons de l'imagination et j'ai toujours du plaisir à travailler avec les services de la Chancellerie...
M. Charles Revet. - C'est important d'entendre le rapporteur, Monsieur le Président ! (Mme la ministre acquiesce.)
M. le président. - Quand on dépasse d'une minute son temps de parole, après un premier dépassement de quarante secondes, mon rôle est de le signaler. Vous êtes à votre place, moi à la mienne. (Murmures)
M. Jacques Bigot. - Très souvent, ce sont des entreprises qui seront mises en danger si un contrat, pour un cas d'imprévision, est appliqué sans modification. Sauf en Alsace-Moselle, le juge compétent sera le juge du tribunal de commerce.
Même si le contrat doit s'achever, le juge doit pouvoir déterminer les conditions de fin. Or vous supprimez la proposition selon laquelle le juge met fin au contrat « à une date déterminée ». Pour les contrats à exécution successive, c'est particulièrement malencontreux.
Votre position, Monsieur le rapporteur, met plus en danger les entreprises que les particuliers.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
Des I à III de l'article L. 211-1 du présent code
Par les mots :
De titres et contrats financiers ou d'opérations sur des titres et contrats financiers
M. François Pillet, rapporteur. - Amendement de précision.
L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
Les articles 8 bis, 9 et 12 sont successivement adoptés.
ARTICLE 13
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article 1343-3 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 1343-3. - Le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros.
« Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée. »
II. - Après l'article L. 112-5 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 112-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-5-1. - Par dérogation au premier alinéa de l'article 1343-3 du code civil, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'un instrument financier à terme ou d'une opération de change au comptant. »
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1343-3, issu de l'ordonnance, codifie le droit positif sur les monnaies de paiement des obligations. En droit, le paiement en France doit être fait en euros, à moins qu'il procède d'un jugement étranger. Or, en pratique, certaines transactions se font en devises, le plus souvent en dollars, comme notamment dans l'aéronautique ou la pâte à bois. En matière de crédit multidevises, le remboursement se fait dans la devise du tirage.
Cet amendement autorise le paiement en devises quand l'usage de monnaies étrangères est communément admis dans le secteur. Cela sécurise ces opérations, utilisées dans les affaires, afin de ne pas nuire à l'attractivité de notre système juridique.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement complète opportunément le texte, dans un souci de compétitivité des entreprises françaises. Avis favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement va de soi si l'on entend perpétuer le système tel qu'il fonctionne. En revanche, si l'on entend faire de l'euro une monnaie de réserve, si l'on ne veut pas laisser nos entreprises sous le coup d'éventuelles poursuites de ce qu'on appelle la justice américaine, il ne faut pas céder à la facilité : persévérons, même si c'est dans l'erreur ! (Sourires)
L'amendement n°2 est adopté.
L'article 13, modifié, est adopté.
ARTICLE 15
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Alinéas 1 à 3
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. - La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.
Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1195, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et l'article L. 112-5-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques postérieurs à son entrée en vigueur.
Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1352-4 et 1347-6 du code civil ont un caractère interprétatif.
... - La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
M. François Pillet, rapporteur. - Nous sommes tous d'accord sur l'applicabilité de la loi. Amendement de précision pour éviter tout problème d'interprétation.
L'amendement n°4, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 15, modifié, est adopté.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 11 h 40.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.