Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.
Discussion des articles du projet de loi (Suite)
ARTICLE 35
Mme Éliane Assassi . - Cet article simplifie la procédure pénale avec l'ouverture des scellés même en l'absence du mis en examen et le recours à la visioconférence même sans accord de la personne mise en détention provisoire. Le texte de la commission des lois est revenu là-dessus, et c'est heureux, mais quel sort lui réservera la majorité En Marche à l'Assemblée nationale ?
Nous sommes dans la droite ligne du projet de loi Asile et immigration. Nous craignons que cette dernière mesure ne s'étende aux procédures de demandes d'asile. La détention provisoire est déjà largement dérogatoire et plus que discutable, puisque des personnes non jugées se retrouvent ainsi derrière les barreaux. La visioconférence, le jugement par écran interposé, la justice dématérialisée, c'est la fin du tribunal, de la présence de l'avocat auprès du juge et de son client; c'est une justice au rabais !
M. le président. - Amendement n°152, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 9 à 12
Supprimer ces alinéas.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - L'assignation à résidence sous surveillance électronique est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée après un débat contradictoire, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans.
L'article 35 précise qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner la prolongation tous les six mois de cette mesure.
Le maintien aussi long d'une personne présumée innocente sous un régime aussi contraignant, sans aucune intervention judiciaire, n'est pas acceptable. C'est une restriction très forte de la liberté d'aller et venir des personnes concernées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois. - La personne assignée à résidence sous surveillance électronique a la possibilité d'obtenir la mainlevée de cette mesure à tout moment. Considérant en conséquence que cette simplification procédurale respecte les droits de la personne poursuivie, la commission a donné uvis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. - Cette clarification avait été appelée de leurs voeux par les praticiens lors de la concertation menée dans le cadre des chantiers de la justice. L'assignation à résidence est peu utilisée en pratique car ses règles sont peu lisibles. Seulement 292 personnes en bénéficiaient au 1er juillet 2017. Cette mesure ne revient pas sur la nécessité de prolonger l'assignation à résidence tous les six mois pendant la période de l'instruction, elle prévoit simplement que la prolongation ne sera pas nécessaire après la clôture de l'instruction. Dans tous les cas, l'intéressé pourra demander la mainlevée de la mesure. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il est vrai que cette mesure est peu utilisée mais pour d'autres raisons que celles évoquées par la ministre, en particulier le manque de personnel.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Justement nous prévoyons dans le cadre de la présente programmation budgétaire de recruter 1 500 conseillers d'insertion et de probation supplémentaires !
L'amendement n°152 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°239, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 17
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° La dernière phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « Lorsqu'il s'agit d'un débat au cours duquel il doit être statué sur le placement en détention provisoire, il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle si la personne le refuse, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion. » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement rétablit l'extension des possibilités de recours à la visio-conférence en supprimant l'exigence de l'accord de la personne en cas de débat portant sur la prolongation de la détention provisoire.
Il remédie aux importantes difficultés rencontrées par les juridictions pour assurer les extractions de personnes détenues nécessaires pour qu'elles comparaissent devant le juge. En 2017, 12 000 des extractions judiciaires n'ont pu être réalisées, soit 15 % du total...
Le Gouvernement a tenu compte des avis émis par le Conseil national des barreaux et les syndicats de magistrats dans le cadre de la concertation. La visioconférence ne devra pas pouvoir être utilisée sans l'accord de la personne pour les débats contradictoires relatifs au placement initial en détention provisoire ; l'accord de la personne détenue ne sera en revanche pas obligatoire pour la prolongation de la détention provisoire. Nous avons fait évoluer notre texte en conséquence : tel est le sens de cet amendement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission des lois prend acte de l'évolution du Gouvernement mais reste défavorable. La détention provisoire, l'une des mesures du droit pénal les plus privatives de liberté, requiert un débat contradictoire. Un étranger placé en centre de rétention - pour une durée de douze ou treize jours - peut avoir accès physiquement au juge. Il doit en aller de même pour la détention provisoire, plus longue.
M. Jacques Bigot. - Pour un avocat, être à côté de la personne, face au juge, ou à distance, en maison d'arrêt, ce n'est pas la même chose. Il doit pouvoir savoir qui est présent lors des échanges : seulement son client, ou son client et le juge... Et puis viendra le temps où l'on considérera que la procédure peut être écrite. Ce sera la dernière étape de la déshumanisation de la justice. Nous ne pouvons accepter cette extension de la visioconférence, même si la rédaction proposée à présent est un progrès par rapport à la version initiale.
M. Philippe Bonnecarrère. - Je salue l'examen minutieux des rapporteurs de la commission des lois mais il est vrai que les moyens mobilisés pour les extractions judiciaires sont considérables. Il ne paraît pas scandaleux de réfléchir à une meilleure allocation de ces moyens pour plus de sécurité. En outre, le Conseil constitutionnel a déjà écarté, dans les considérants que j'ai relus, les griefs tirés de la méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et du droit au procès équitable. La préoccupation de la commission me paraît donc prise en compte par l'amendement gouvernemental.
M. Roger Karoutchi. - Je suis un peu étonné du texte du Gouvernement. Lorsque j'étais rapporteur spécial du budget de l'asile et de l'immigration, j'étais plutôt favorable à la visioconférence pour limiter les extractions judiciaires. J'avais entendu les plaintes des forces de l'ordre sur la difficulté des extractions lors de visites en centres de rétention. En séance, on m'a affirmé que le face à face avec un juge était préférable. Je me suis laissé convaincre ; mais du coup, je ne comprends plus très bien : on ne pourrait pas prendre le risque de laisser un étranger dix ou quinze jours en centre de rétention mais on pourrait prendre le risque de laisser quelqu'un en détention provisoire beaucoup plus longtemps ! Peut-être faut-il en rester au dispositif actuel.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je rappelle que le texte prévoit la visioconférence uniquement pour le renouvellement de la détention provisoire, non pour la décision initiale qui sera toujours prononcée après une confrontation avec le juge. Enfin, monsieur Karoutchi, la loi Asile et immigration permet déjà de passer outre le refus de l'étranger de procéder par visioconférence. Donc, nous généralisons un mécanisme qui existe déjà. Nous mettrons les moyens nécessaires pour moderniser le parc de visioconférence, afin d'améliorer la qualité des communications.
Enfin, la visioconférence fonctionne déjà très bien outre-mer, en Guyane par exemple où elle est une nécessité en raison d'impossibilités physiques de se déplacer. Elle est utilisée en permanence et je n'ai pas le sentiment d'une violation des droits. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Le code pénal comporte sept motifs justifiant la détention préventive, parmi lesquels le risque d'éloignement, celui d'atteinte à la sécurité publique ou de pression sur d'autres personnes mêlées à l'affaire. La distinction entre la décision initiale de détention provisoire et son renouvellement est très discutable. La prolongation est plus grave que le placement initial : c'est une peine qui ne dit pas son nom... En fait, la procédure devrait être plus souple pour la décision initiale que pour sa prolongation ! D'où l'avis de la commission.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Permettez-moi de ne pas partager ce jugement. C'est loin de la décision initiale que le juge estime la pertinence des motifs justifiant une détention provisoire. Ensuite, le renouvellement n'est pas définitif mais revu périodiquement, à intervalles réguliers.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Il est vrai que c'est au moment du premier placement en détention que les vérifications les plus poussées sont faites.
Il n'en demeure pas moins que la non-présentation de la personne devant le juge limitera l'examen de son cas et réduira les droits de la défense. C'est un avocat qui vous le dit : c'est bien la présentation physique devant le juge qui constitue la réalité des droits de la défense.
L'amendement n°239 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°345, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Après l'alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 884 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
2° À la troisième phrase, les mots : « cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « sixième et huitième ».
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement de coordination.
L'amendement n°345, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°346, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
1° Alinéa 25, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par le mot :
avis
2° Alinéa 27, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par les mots :
demande d'avis
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Précision rédactionnelle.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°346 est adopté.
L'article 35, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°270 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Guérini, Guillaume et Gabouty, Mme Jouve, MM. Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde.
Après l'article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui est réputée avoir été atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou gravement altéré son discernement ou empêché l'exercice de sa volonté sur le contrôle de ses actes. Des soins psychiatriques adaptés lui sont apportés. »
Mme Françoise Laborde. - Les personnes atteintes de troubles ou maladies psychiques sont surreprésentées en prison. Cet amendement précise les circonstances dans lesquelles l'irresponsabilité pour troubles psychiques ou neuropsychiques peut être constatée.
L'article 122-1 du code pénal distingue l'abolition du discernement et du contrôle des actes d'une personne, et l'atténuation du discernement ou entrave au contrôle de ses actes. Seul le premier cas entraîne la reconnaissance d'une irresponsabilité pénale ; dans l'autre, la responsabilité pénale peut être engagée, avec une adaptation des peines prononcées le cas échéant.
Satisfaisante sur le plan théorique, cette distinction apparaît, en pratique, difficile à établir par les neuroscientifiques et les psychiatres. Il existe un consensus pour préciser qu'en cas de crise assortie d'hallucinations, de violentes angoisses, d'un sentiment de persécution, etc..., la capacité d'exercer sa pleine volonté dans le contrôle de ses actes est particulièrement affectée, en plus du discernement.
Une réflexion approfondie sur les failles du système actuel de prise en charge de ces personnes doit être conduite.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'irresponsabilité pénale n'est reconnue que si l'altération est totale. La difficulté que vous soulevez se pose dans les cas d'altération partielle. Depuis 2011, la responsabilité de ces personnes peut tout de même être recherchée. On ne peut donc pas exclure leur placement en détention.
Ce sujet important mérite en effet une réflexion approfondie. Peut-être faut-il réfléchir aux conditions de détention pour traiter ces troubles. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Cette loi est une loi de procédure pénale et ne modifie pas le fond. La totale irresponsabilité n'est justifiée qu'en cas d'abolition totale du discernement. Restons-en au dispositif actuel pour le moment.
Mme Françoise Laborde. - Je le retire. Il y a le rapport sénatorial de M. Amiel. Nous reviendrons sur cette réflexion approfondie qui est en cours.
L'amendement n°270 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°271 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty, Guérini, Guillaume, Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde.
Après l'article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 132-41 du code pénal, il est inséré un article L. 132-41-... ainsi rédigé :
« Art. 132-41-... - Lorsque la santé mentale de la personne condamnée est reconnue comme sujette à des altérations identifiées, la juridiction peut décider que le sursis probatoire consiste en un suivi renforcé pluridisciplinaire et évolutif comprenant une obligation de soins psychiatriques faisant l'objet d'un suivi régulier par le service pénitentiaire d'insertion et de probation visant à fournir à la personne les meilleures chances d'améliorer sa santé et de pouvoir ainsi se réinsérer au sein de la société. »
M. Jean-Claude Requier. - Les malades psychiatriques n'ont pas leur place en détention. Selon l'Observatoire international des prisons, près de 17 000 détenus en France présentent de tels troubles. Pourtant, en détention pénitentiaire, à l'exception des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), seuls des soins ambulatoires limités aux jours ouvrables et aux horaires de bureau sont dispensés, sur une base exclusivement volontaire de la part des malades.
C'est pourquoi, cet amendement développe le sursis probatoire incluant l'observance de soins psychiatriques adaptés.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'accompagnement socio-judiciaire de ces personnes souffrant de troubles psychiatriques est déjà prévu par le droit actuel. Votre demande est donc satisfaite. Retrait ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis. Les difficultés liées aux soins psychiatriques en détention sont réelles. Le Gouvernement attend la remise d'un rapport sur le sujet.
Nous manquons de personnel médical en prison et de places. Les ruptures de soins sont aussi problématiques, puisque les soins dispensés en milieu hospitalier peuvent être refusés par le malade, alors qu'il n'en va pas de même en milieu pénitentiaire. Retrait ou avis défavorable.
Mme Esther Benbassa. - En juin, j'ai organisé ici une table ronde avec des psychiatres, des professionnels de santé et de l'administration pénitentiaire. Le problème est que l'on place en prison beaucoup de personnes qui devraient plutôt aller en hôpital psychiatrique. Or ils sont ingérables en prison. Telle est la conclusion de cette table ronde. Il faut faire quelque chose pour y répondre.
L'amendement n°271 rectifié est retiré.
ARTICLE 36
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - L'article 36 simplifie la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite « plaider coupable » à la française. Celle-ci implique en effet une reconnaissance des faits. Si elle est très peu utilisée, puisqu'elle ne représente que moins d'un pour cent des informations judiciaires correctionnelles, depuis qu'elle est entrée en vigueur il y a sept ans, c'est qu'elle ne correspond pas à un besoin véritable. C'est un mode de jugement dégradé et superficiel.
Or le texte supprime l'ordonnance de renvoi motivée du juge et étend cette procédure qui n'a pas fait ses preuves, en témoignant d'une foi aveugle et quelque peu naïve...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement de suppression de l'article 36. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) est un outil juridique procédural parmi d'autres offert aux magistrats dans les cas, les plus simples, où les prévenus reconnaissent leur culpabilité. L'instruction concerne les dossiers plus complexes. Conservons cet outil dans l'arsenal juridique.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable sans surprise. Cet outil améliore la procédure. Le règlement contradictoire continuera à s'appliquer si le prévenu le souhaite. De plus, le délai de trois mois n'est pas systématisé, et le délai de quinze jours reste la règle. L'appel restera possible tandis que le texte crée une passerelle entre l'instruction et la CRPC.
L'amendement n°35 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°153, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
quinze jours
par les mots :
quarante-cinq jours
M. Éric Kerrouche. - Si de nombreux praticiens se sont plaints de la longueur et de la rigidité des délais prévus lors de la clôture de l'instruction, il n'en demeure pas moins que le respect du contradictoire constitue une pièce maîtresse dans le déroulement du procès pénal car il est la condition de l'exercice effectif des droits de la défense.
Dans le droit en vigueur, le juge d'instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République et en aviser en même temps les parties et leurs avocats, aussitôt que l'information lui paraît terminée. Le procureur de la République dispose alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction ou copie de ce règlement définitif dans le même temps aux parties. Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois pour adresser des observations écrites au juge.
L'article 36 donne un délai de dix jours aux parties pour qu'elles annoncent si elles souhaitent recourir aux mécanismes de règlement contradictoire de l'instruction ou y renoncer.
En pratique, le mécanisme du règlement contradictoire, ne s'appliquera donc que si une partie l'a demandé. Cela oblige les parties à réagir dans des délais extrêmement contraints, ce qui retire au droit de la défense une réelle effectivité et porte atteinte à la protection du justiciable.
Nous proposons de laisser aux parties un délai plus raisonnable.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Après l'ordonnance de règlement de l'instruction du juge, la commission des lois a porté le délai à quinze jours pour les parties pour formuler des observations, contre dix jours dans le texte du Gouvernement. Il s'agit d'éviter les manoeuvres dilatoires réalisées au moyen de requêtes déposées au dernier moment. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le délai actuel est suffisant pour garantir les droits des parties. Un délai de quarante-cinq jours serait excessif. Nous voulons accélérer la procédure. Avis défavorable.
L'amendement n°153 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°347, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Après l'alinéa 17
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
... - À la première phrase du dernier alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale, les mots : « 175, quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « 175, quatrième à septième alinéas ».
... - Au huitième alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
... - À la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 186-3 du code de procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ».
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Coordination.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°347 est adopté.
M. le président. - Amendement n°240, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 18
Rétablir les V à VII dans la rédaction suivante :
V. - Au deuxième alinéa des articles 41-4 et 778 du code de procédure pénale, les mots : « à la chambre de l'instruction » sont remplacés par les mots : « au président de la chambre de l'instruction ou à la chambre de l'instruction».
VI. - À l'article 41-6 et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 706-153 du même code, les mots : « la chambre de l'instruction » sont remplacés par les mots : « le président de la chambre de l'instruction ou la chambre de l'instruction».
VII. - Après l'article 170 du même code, il est inséré un article 170-1 ainsi rédigé :
« Art. 170-1. - Lorsque la solution d'une requête en annulation paraît s'imposer de façon manifeste, le président de la chambre de l'instruction statue sur cette demande, conformément aux dispositions de l'article 199, sans la présence des deux conseillers de la chambre.
« Si la décision qui s'impose consiste dans l'annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d'accord du ministère public, être prise par ordonnance sans qu'il soit procédé à l'audience prévue par l'article 199.
« L'auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l'instruction. »
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement rétablit les dispositions étendant la compétence du président de la chambre de l'instruction statuant à juge unique pour les contentieux en matière de saisie, de restitution et de rectification d'identité, tout en lui permettant de statuer à juge unique, le cas échéant sans audience, pour les requêtes en annulation dont la solution paraît s'imposer.
Il s'agit de simplifications cohérentes. La rigidité des règles d'examen en formation collégiale des requêtes en annulation ne se justifie pas lorsque la nullité est évidente. Ces dispositions sont très attendues par les professionnels du droit. Cependant, pour tenir compte des inquiétudes de la commission des lois, il est proposé que si la personne auteur de la requête en restitution, en rectification ou en annulation le demande, celle-ci sera examinée par la chambre de l'instruction dans sa formation collégiale.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission des lois a fait sien un amendement du groupe socialiste maintenant la collégialité dans tous les cas. Avis défavorable.
L'amendement n°240 n'est pas adopté.
M. Éric Kerrouche. - Nous avons des inquiétudes sur la nouvelle procédure du plaider coupable qui supprime parfois l'exigence d'une ordonnance de renvoi motivé. Celle-ci est pourtant utile. De même, la collégialité est une garantie utile. Nous regrettons que le Gouvernement souhaite revenir sur ces mesures. C'est pourquoi nous avons voté contre l'amendement du Gouvernement et voterons contre cet article.
L'article 36, modifié, est adopté.
ARTICLE 37
Mme Esther Benbassa . - L'article 37 crée une amende forfaitaire délictuelle pour sanctionner l'usage de stupéfiants. Cette mesure, présentée il y a quelques mois par le Gouvernement comme un premier pas vers la décriminalisation, renforcera l'arsenal répressif, alors qu'il faut mener une politique de prévention et de santé publique en la matière. Plutôt que d'enfermer les consommateurs victimes d'addictions, accompagnons-les !
Depuis plusieurs années maintenant, je milite pour la légalisation contrôlée du cannabis ainsi que la décriminalisation des autres drogues comme l'héroïne, la cocaïne ou le crack, etc. Il est erroné de mettre le cannabis sur le même plan que les autres drogues. Le cannabis a déjà fait l'objet d'une légalisation contrôlée dans certains pays européens et états fédéraux américains, ainsi qu'au Canada aussi bien pour la consommation récréative et médicale. Malgré la répression accrue de la consommation du cannabis, elle augmente vertigineusement. On pourrait plus espérer une dépénalisation du cannabis comme dans d'autres pays. Plutôt que réprimer, il apparaît urgent d'accompagner les consommateurs.
Le candidat Macron avait promis la dépénalisation. Aujourd'hui, il rétropédale... Quel meilleur moyen de contrôler une consommation que de la rendre légale afin de la réguler et d'en prévenir les risques, tout en s'adonnant à la prévention en général et à l'accompagnement des addictés ?
Il est temps de poser avec courage et pragmatisme la question de la légalisation contrôlée du cannabis.
M. Maurice Antiste . - L'amende forfaitaire délictuelle est une négation de l'individualisation de la peine. Or le texte l'étend à toute une série de nouvelles infractions, comme l'usage de stupéfiants.
Ensuite, cet article sème la confusion, alors que vous affichez un objectif de clarté. La hiérarchie des amendes forfaitaires nouvelles ne correspond pas à celle des peines délictuelles - par exemple entre la conduite sans assurance et la vente d'alcool à un mineur. Sur ce dernier délit, l'article L. 3353-5 du code de la santé publique dispense de peine le prévenu prouvant « qu'il a été induit en erreur sur l'âge du mineur, sur la qualité ou l'âge de la personne l'accompagnant ou encore sur l'état du malade » : comment cette restriction s'appliquera-t-elle avec la forfaitisation ?
Qui plus est, l'amende n'empêchera pas les poursuites devant le tribunal. Ce n'est donc pas une simplification mais bien plutôt une aggravation de la répression. Mieux vaudrait une contravention, et renforcer la prévention : je le proposerai par amendement.
Mme Éliane Assassi . - Nombre d'associations - la Fédération addiction, le Syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l'homme, Médecins du monde, Aides - nous alertent que l'amende forfaitaire pénale contre l'usage de stupéfiants serait un net recul. Loin de vouloir renforcer les politiques de réduction des risques, le Gouvernement démontre là qu'il n'a d'autre finalité qu'une politique du chiffre, qu'il veut surtout rendre la procédure plus expéditive, plus répressive, sans considération aucune des pratiques, des diverses formes de vulnérabilités des personnes.
Un consensus se dégage pourtant en France pour limiter la politique répressive. Le CESE plaide pour l'ouverture d'un débat public sur les sanctions. La Commission nationale consultative des droits de l'homme préconise, dans son avis « Usages de drogues et droits de l'homme », de renforcer et de sécuriser les politiques de réduction des risques et de leur donner les moyens.
Ce texte, à l'inverse, place policiers et gendarmes en position d'évaluer la situation sociale et sanitaire du consommateur. Cette confusion est dangereuse, tant les consommations sont diverses et que la dangerosité s'explique moins par le caractère illicite ou licite des stupéfiants, que d'un ensemble de facteurs allant de l'environnement social, à la fréquence et au contexte de la consommation.
Avec ce projet de loi, la France resterait l'un des six pays européens qui sanctionnent l'usage du cannabis par une peine de prison ferme, au lieu de considérer ce sujet comme relevant de la santé publique.
Mme Catherine Conconne . - Alors que la consommation de cannabis progresse sous des effets de mode, d'entrainement - elle fonctionne aussi comme un rite de passage pour des adolescents -, je crois qu'il faut ne céder ni à la candeur ni à l'angélisme. Une drogue reste une drogue. Certains proposent une légalisation ? Je les invite à se rapprocher de parents d'adolescents devenus dépendants, à visiter des hôpitaux psychiatriques qui regorgent de jeunes ayant sombré dans la schizophrénie après usage de cannabis. Ce n'est pas une substance neutre ou inoffensive, mais une drogue qui provoque des conséquences dramatiques, qui fait des dégâts dans le cerveau. L'État doit mettre en place toutes les mesures possibles pour dénoncer le danger de cette substance hautement toxique. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains)
M. Jacques Bigot . - Nous parlons de santé publique, mais l'outil que nous propose ici le Gouvernement ne figure pas dans le code de la santé publique : le Gouvernement, constatant que les tribunaux surchargés ne poursuivent pas, propose une amende forfaitaire. Elle n'est pas forcément un mauvais outil, à condition qu'elle trouve sa place dans une stratégie d'ensemble, dont l'objectif serait de conduire les jeunes à ne pas consommer. Certains plaident pour la légalisation - personnellement je ne crois pas que c'est la solution. Maurice Antiste prône, lui, des stages plutôt que des amendes, qui pénaliseraient encore des familles déjà fragiles.
La consommation de cannabis n'est pas poursuivie, la solution réside dans une stratégie d'ensemble, plutôt que dans cette amende forfaitaire qui répond à une préoccupation surtout gestionnaire - plutôt que dans ce projet de loi d'équilibrage du budget de la justice.
M. le président. - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
Mme Esther Benbassa. - Le Gouvernement présente l'amende pénale forfaitaire comme une simplification, mais elle bafoue le principe d'individualisation de la peine et elle augmentera les inégalités. Le seul effet de l'amende sera d'aggraver par une sanction pécuniaire une situation souvent déjà précaire : nous savons que les comportements de consommation sont diversifiés et divergent entre les milieux paupérisés et les milieux mondains.
Cette amende pénale, en plus d'accroître le millefeuille législatif conte l'usage des stupéfiants, est inapplicable aux mineurs - ce qui lui enlève tout caractère dissuasif chez les populations les plus jeunes. Elle est rétrograde, ensuite, en mettant tous les stupéfiants dans le même sac ; ce qu'il faudrait, c'est revoir la liste des stupéfiants, arrêter de réprimer de la même façon le cannabis et l'héroïne, par exemple - mais c'est apparemment un tabou dans notre pays.
M. le président. - Amendement n°81 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet.
Alinéas 3, 5 et 7, premières phrases
Supprimer les mots :
y compris en cas de récidive,
Mme Brigitte Micouleau. - Cet article étend l'amende forfaitaire à de nouveaux délits, sur le modèle des amendes pour la conduite sans permis ou sans assurance, votées dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Nous proposons de supprimer cette procédure en cas de récidive, pour ne pas affaiblir la fermeté de la réponse pénale et de ne pas donner un sentiment d'impunité.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux deux amendements. La mise en place de l'amende forfaitaire répond à l'usage des stupéfiants. Elle tape là où ça fait mal en imposant de payer. La peine doit être dissuasive pour être efficace. L'action sur la capacité à acheter de stupéfiants est intéressante.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le président de la République, pendant la campagne présidentielle, ne s'est jamais prononcé pour une dépénalisation. En avril dernier, je me suis exprimée à l'Assemblée nationale. L'amende pénale forfaitaire est un outil supplémentaire de l'arsenal contre la drogue. Elle est efficace et n'empêche pas de mener une politique de santé publique ; et cette diversité d'outils permet l'individualisation.
Avec cette amende forfaitaire, nous voulons lutter contre la consommation de drogues dans l'espace public. Elle fera l'objet d'instructions générales auprès des procureurs, parmi les autres mesures de lutte contre l'usage des stupéfiants et pour prévenir les addictions. Actuellement, la consommation fait l'objet d'un rappel à la loi, ce n'est pas suffisant. Nous continuerons d'apporter des réponses pédagogiques et sanitaires, ainsi que des mesures de prévention et d'accompagnement.
Notre objectif est l'efficacité et la fermeté - plutôt que des économies, que je ne vois guère ici, puisque la justice sera toujours saisie.
Avis défavorable aux deux amendements.
L'amendement n°36 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°81 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°77, présenté par M. Antiste.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants prévu à l'article 131-35-1 du code pénal peut être proposé en lieu et place du paiement de l'amende forfaitaire minorée. »
M. Maurice Antiste. - L'amende pénale forfaitaire ne change pas la méthode, ce qui est pourtant nécessaire, et risque de creuser encore les inégalités entre ceux qui auront les moyens de payer les amendes et qui ne le pourront pas.
Le maintien d'un stage de sensibilisation donnerait la possibilité de responsabiliser et sensibiliser les consommateurs de produits stupéfiants aux risques sanitaires et sociaux, en leur proposant une réponse éducative. La seule création de l'amende forfaitaire aboutit à un véritable permis de consommer sans amener à une réflexion de santé publique, alors que le stage de sensibilisation engage une réflexion sur les dangers de la consommation et crée des passerelles vers la démarche de soin. Cet amendement propose que l'amende peut être remplacée par un stage.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'article 43 vous donne satisfaction puisqu'il prévoit la possibilité de ces stages. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°77 est retiré.
M. le président. - Amendement n°83 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet.
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, l'action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 600 €. »
Mme Brigitte Micouleau. - L'article 37 prévoit l'extension de la procédure de l'amende forfaitaire à de nouveaux délits. Il s'agit d'une des propositions du rapport Beaume et Natali qui évoque aussi les délits d'occupation des halls d'immeubles.
Je propose de fixer le montant de l'amende forfaitaire délictuelle pour l'occupation des halls d'immeubles selon le même barème : 300 euros, minoré à 250 euros et majoré à 600 euros.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je comprends les motivations de cet amendement mais la commission des lois préfère l'utilisation de l'ordonnance pénale. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. La procédure de forfaitisation n'apparaît pas adaptée à ce type de situation, qui n'est pas évidente. En l'espèce, le trouble causé à autrui doit être établi. L'article 40 B du texte de la CMP sur la loi Elan porte précisément sur ce point.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je précise que l'article 40 du projet de loi élargit le champ de l'ordonnance pénale, ce qui satisfait au fond les auteurs de l'amendement.
L'amendement n°83 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°84 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert et MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy, Lefèvre et Revet.
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 446-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, l'action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 600 €. »
Mme Brigitte Micouleau. - Je le retire : c'est le même que l'amendement n°83 rectifié, mais sur la vente à la sauvette.
L'amendement n°84 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°244, présenté par M. Yung et les membres du groupe La République En Marche.
I. - Alinéas 9 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Au premier alinéa de l'article 495-17, après le mot : « délictuelle » sont insérés les mots : « fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal, » ;
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 446-1 du code pénal est complété? par un alinéa ainsi rédigé? :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, y compris en cas de récidive, l'action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 600 euros. »
M. Alain Richard. - La commission des lois a décidé d'aller toute de suite loin. L'amende forfaitaire est une bonne avancée lorsqu'il y a évidence. La commission des lois va trop vite en l'élargissant. Je retire le II de mon amendement qui n'est pas prioritaire. La répression nécessaire est plus efficace avec l'amende forfaitaire mais ne la généralisons pas trop vite.
M. le président. - Amendement n°173, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 9 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Au premier alinéa de l'article 495-17, après le mot : « délictuelle » sont insérés les mots : « fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal, » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je vous propose de revenir au texte initial, en supprimant l'extension souhaitée par votre commission des lois.
En effet, la catégorie des délits punis d'une peine d'amende recouvre des infractions très diverses pour lesquelles l'amende pénale forfaitaire n'est pas toujours souhaitable, lorsqu'elle n'est pas simple à appliquer.
À titre d'exemple, cette amende forfaitaire s'appliquerait à des faits d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public ou encore au délit de dégradations légères par inscriptions sur les façades, véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain, ce qui ne semble pas opportun. Une telle extension va trop loin.
Attendons le retour d'expérience sur la forfaitisation de certains délits avant d'envisager toute généralisation aussi importante du dispositif.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Antiste.
Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
M. Maurice Antiste. - La création d'un recours systématique à l'amende forfaitaire minorée pour tout type d'infraction ne responsabilise pas l'auteur. Enfin, le paiement d'une amende ne permet en aucun cas de mettre en place un mécanisme de prévention de la récidive à travers la compréhension de la portée de l'acte commis.
M. le président. - Amendement identique n°295 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Mme Josiane Costes. - Nous ne souhaitons pas la généralisation de l'amende forfaitaire.
M. le président. - La rectification de l'amendement n°244 rend l'amendement n°244 rectifié identique à l'amendement n°173 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amende forfaitaire est un outil supplémentaire pour traiter des situations peu réprimées parce que les poursuites paraissent trop lourdes à engager. Nous l'avons évoqué lors de notre débat sur l'efficacité des sanctions pénales. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable à l'amendement n°244 rectifié. Avis défavorable aux amendements identiques nos78 et 295 rectifié.
M. Jacques Bigot. - Je voterai l'amendement du Gouvernement. L'amende pénale forfaitaire est une atteinte au principe de l'individualisation de la peine. Si l'expérimentation de stratégies en la matière est intéressante, la généralisation me paraît excessive Laissons d'abord l'expérimentation se tenir.
Les amendements identiques nos244 rectifié et 173 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques nos78 et 295 rectifié.
L'article 37 est adopté.
ARTICLE 38
M. le président. - Amendement n°154, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Luc Fichet. - Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de la procédure de composition pénale. Dans ce but, le projet de loi prévoit de ne plus réserver le recours à cette procédure aux délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans. Une composition pénale pourrait ainsi être proposée pour tous les délits, quel que soit le quantum de la peine encourue.
La composition pénale était initialement conçue comme un mode alternatif simplifié destiné à répondre aux délits les moins graves.
La liste des infractions susceptibles d'être traitées par cette voie a été considérablement enrichie et simplifiée depuis 1999 par les lois de 2002 et 2004. La loi de 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a encore étendu son champ d'application, désormais très vaste.
Cette procédure peut s'appliquer aux délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. En pratique, elle est surtout mise en oeuvre pour traiter des infractions simples en matière de délinquance urbaine de faible gravité telles que les atteintes aux biens.
Aussi, la préoccupation de notre commission d'éviter une audience devant le tribunal correctionnel est déjà satisfaite dans les faits.
En proposant la suppression de toute limite dans le seul but de faire du chiffre avec la réponse pénale, le projet de loi risque de dégrader ce dispositif.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il existe pas moins de dix-huit mesures de composition pénale - dont l'amende, le stage, ou encore l'interdiction de paraître dans un lieu. La commission des lois est favorable à l'élargissement de l'usage de la composition pénale pour désengorger les tribunaux.
Je rappelle qu'il est impossible de placer quelqu'un en détention dans ce cadre. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Le parquet pourra recourir à la composition pénale pour tous les délits. Celle-ci ne peut avoir lieu que lorsque les faits sont de faible importance ; il s'agit de donner davantage de souplesse et d'appréciation au procureur de la République.
Le projet de loi améliore en outre le contenu de la composition pénale.
L'amendement n°154 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°155, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Luc Fichet. - Cet article supprime l'exigence de validation de la composition pénale par le juge du siège lorsque, pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à trois ans, elle porte sur une amende de composition pénale ou sur l'obligation de se dessaisir au profit de l'État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit et dont le montant ne pourra pas excéder le plafond des amendes contraventionnelles, soit 3 000 euros.
Cela est contradictoire avec la démarche de simplification et d'harmonisation et s'écarte des exigences constitutionnelles. La phase de l'homologation ne doit pas être minimisée. L'exigence d'un procès équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, dont ceux des victimes, ne serait pas respectée sans elle.
En matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle. L'exécution de la composition pénale permet une inscription au casier judiciaire et une extinction de l'action publique à la seule discrétion du parquet et sans aucune intervention d'un magistrat du siège, y compris sur des faits très graves.
De telles mesures constituent des sanctions pénales. Leur exécution, même avec l'accord de la personne, requiert la décision d'une autorité de jugement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. La personne qui comparaît est accompagnée d'un avocat qui est là pour rappeler les principes. Le texte du Gouvernement paraît acceptable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je comprends les intentions de cet amendement. Néanmoins, le projet de loi a été construit dans le respect des équilibres constitutionnels et procéduraux. Nous nous sommes appuyés sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
L'absence de validation par le juge concernera seulement les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à trois ans. Nous visons les infractions de vol ou les contentieux routiers. Les juridictions l'ont beaucoup demandé lors des chantiers de la justice. Avis défavorable.
L'amendement n°155 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°348, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Alinéa 12
Remplacer le mot :
ces
par le mot :
ses
L'amendement rédactionnel n°348, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n°86 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°174, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 17
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le projet de loi supprimait, en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), l'interdiction de proposer une peine de plus d'un an d'emprisonnement. La commission des lois a estimé excessive cette suppression, qui permettait de proposer une peine de cinq ans d'emprisonnement lorsque le maximum encouru est de dix ans.
Cet amendement propose de maintenir un assouplissement nécessaire et proportionné de la procédure de CRPC, très pratiquée et appréciée des professionnels, en prévoyant un seuil intermédiaire de trois ans.
Celui-ci paraît satisfaisant dès lors que la procédure de CRPC exige l'accord de la personne, l'assistance et la présence indispensable et obligatoire d'un avocat, ainsi qu'une homologation de la peine acceptée par un magistrat du siège. Par exemple, en cas de vol simple, le maximum de la peine sera de dix-huit mois.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement revient au texte initial du projet de loi. Avis favorable.
L'amendement n°174 est adopté.
L'article 38, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°296 rectifié, présenté par MM. Requier, Collin, Arnell et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et M. Roux.
Après l'article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 459 du code de procédure pénale est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Il rend un jugement immédiat sur les exceptions d'incompétence juridictionnelle et sur les exceptions d'irrecevabilité de constitution de partie civile dont il est saisi, sauf s'il ne peut y être répondu qu'à la suite de l'examen au fond.
« Ces exceptions doivent être examinées avant toute autre exception, y compris les questions prioritaires de constitutionnalité.
« Le jugement immédiat n'est susceptible de recours qu'avec le jugement sur le fond. »
M. Jean-Claude Requier. - L'article 459 du code de procédure pénale prévoit que le tribunal correctionnel ne peut se prononcer qu'en fin d'audience sur les questions d'exception d'irrecevabilité et de constitution de partie civile. Ce report allonge inutilement les débats - on voit de vieux professeurs s'inviter à la barre pour commenter l'affaire, sans que le tribunal ne puisse soulever l'exception.
Pour rationaliser les débats devant les tribunaux correctionnels, nous proposons cette nouvelle rédaction s'inspirant de celle relative aux assises, et prévoyant également une articulation avec les questions prioritaires de constitutionnalité.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement est vaste et technique. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. L'exigence de bonne administration de la justice est satisfaite puisque les manoeuvres dilatoires sont rendues impossibles actuellement - les exceptions d'incompétence étant d'ordre public, le tribunal peut les soulever à tout moment. Votre amendement oblige le tribunal à rendre un jugement sur les exceptions avant d'examiner le fond. C'est une complexité procédurale supplémentaire à laquelle je m'oppose. Avis défavorable.
M. Alain Richard. - On pourrait laisser le choix à la juridiction, qui pourrait l'accepter afin de gagner du temps et de ne pas attendre la fin du litige.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le tribunal peut décider de s'organiser comme il le souhaite et d'examiner les exceptions d'incompétence dès le début.
M. Jean-Claude Requier. - Soit, je le retire.
L'amendement n°296 rectifié est retiré.
ARTICLE 39
M. le président. - Amendement n°55 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Allizard, Babary et Bazin, Mme Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet, Huré et Husson, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud.
Alinéa 1
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
Mme Jacky Deromedi. - L'article 388-5 du code de procédure pénale dispose que quand le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus par le procureur de la République, ils ont le droit d'être assistés par leur avocat. L'article 39 précise le délai dans lequel l'avocat doit être convoqué et le délai avant l'accès au dossier. Cet amendement double les délais proposés par le projet de loi de cinq jours à dix jours pour ce qui concerne la convocation et de quatre jours à huit jours pour ce qui concerne l'accès au dossier.
Ce délai plus long apporte de nouvelles garanties au principe du contradictoire en laissant aux avocats des délais raisonnables pour l'exercice des droits de la défense.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ? La commission des lois est soucieuse d'assurer les droits de la défense, mais en l'espèce, les délais proposés par le texte sont parfaitement raisonnables.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je partage les observations du rapporteur. Les délais inscrits dans le texte reprennent ceux de l'information judiciaire. Rien ne justifie de les doubler. Retrait ?
L'amendement n°55 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°175, présenté par le Gouvernement.
A. Alinéa 2
Rétablir les II et III dans la rédaction suivante :
II. - Dans l'intitulé du paragraphe 3 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale, les mots : « et de la comparution immédiate » sont remplacés par les mots : « , de la comparution immédiate et de la comparution différée ».
III. - Au premier alinéa de l'article 393 du même code, les mots : « et 395 » sont remplacés par les mots : « , 395 et 397-1-1 ».
B. Alinéa 5
Rétablir le V dans la rédaction suivante :
V. - À l'avant dernier alinéa de l'article 393 et à l'article 393-1 du même code, après les mots : « à 396 » sont ajoutés les mots : « et à l'article 397-1-1 ».
C. Alinéa 10
Rétablir le VII dans la rédaction suivante :
VII. - Après l'article 397-1 du même code, il est inséré un article 397-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 397-1-1. - Dans les cas prévus par l'article 395, s'il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l'affaire n'est pas en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités, le procureur de la République peut poursuivre le prévenu devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution à délai différé conformément aux dispositions du présent article.
« Le prévenu est présenté devant le juge des libertés et de la détention conformément aux dispositions de l'article 396, qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d'assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur précisent les raisons justifiant le recours à la présente procédure, en indiquant s'il y a lieu les actes en cours dont les résultats sont attendus. La détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à trois ans. L'ordonnance rendue est susceptible d'appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l'instruction.
« L'ordonnance prescrivant le contrôle judiciaire, l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou la détention provisoire, rendue dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 396, énonce les faits retenus et saisit le tribunal ; elle est notifiée verbalement au prévenu et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi, il est mis fin d'office au contrôle judiciaire, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire.
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 et de l'article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d'instruction par ces articles sont alors exercées par le procureur de la République.
« Les procès-verbaux ou autres pièces résultant des réquisitions, examens techniques ou médicaux mentionnés à l'alinéa premier, sont versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat.
« Jusqu'à l'audience de jugement, le prévenu ou son avocat peuvent demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu'ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité, conformément aux dispositions de l'article 388-5, dont les alinéas deux à quatre sont applicables. Si le prévenu est détenu, la demande peut être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.
« Pour la mise en oeuvre de la procédure de comparution à délai différée, la présentation de la personne devant le procureur de la République prévue par l'article 393, ainsi que sa présentation devant le juge des libertés et de la détention prévue par le deuxième alinéa du présent article peuvent intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l'état de santé de celle-ci ne permet pas de l'y transporter ».
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - C'est original, cet amendement revient au texte du Gouvernement. Il restaure la procédure de comparution différée qui constitue une mesure de simplification absolument essentielle du projet de loi, souhaitée et attendue par les professionnels.
Comme l'indique le rapport de MM. Beaume et Natali, l'expérience des juridictions a montré que, très souvent, certaines enquêtes, dans lesquelles les gardes à vue se terminent par un déferrement, sont ouvertes à l'instruction pour la simple et bonne raison qu'une mesure de sûreté est opportune alors qu'il ne manque qu'un seul acte de pur complément à une enquête globalement achevée - ce peut être la réponse à une réquisition ou encore le résultat d'une expertise médicale.
Dans ce cas, l'ouverture d'une information occupe du temps d'instruction sans bénéficier d'une quelconque plus-value de fond autre que celle d'attendre le versement de la pièce qui manque au dossier.
La procédure de comparution différée permettra le prononcé d'une mesure de sûreté avant le jugement, évitera l'ouverture d'informations judiciaires inutiles et des placements en détention provisoire de plusieurs mois.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis très défavorable. La comparution différée reviendrait, si l'enquête préliminaire n'est pas achevée, à renvoyer la personne devant le tribunal correctionnel en fixant, j'imagine, une date, qui serait plus ou moins lointaine, obligeant les parties à saisir le président du tribunal pour obtenir les éléments supplémentaires. Le risque potentiel est que l'affaire arrive à l'audience alors que le dossier est incomplet. Dans l'intervalle, la personne serait placée en détention provisoire.
De deux choses l'une : soit les éléments sont suffisants pour placer la personne en détention provisoire et il faut suivre la procédure classique, soit les conditions ne sont pas requises.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ma présentation était incomplète. La procédure de comparution différée est limitée dans le temps, à deux mois. Elle évitera l'ouverture d'informations judiciaires et réduira la durée de la détention provisoire.
De plus, durant la comparution différée, les avocats pourront demander des actes nouveaux s'ils le souhaitent, ce qui garantit les droits des parties, tout en renforçant l'efficacité de la procédure.
M. Jacques Bigot. - Cet amendement est la preuve que la réflexion du Gouvernement sur les rôles du procureur et du JLD demain et la disparition du juge d'instruction est inaboutie. L'idée sous-jacente est que l'instruction est trop lourde. La procédure d'enquête à la demande du parquet pourrait suffire à compléter un dossier qui ne l'est pas. On y viendra sans doute un jour...
Ce qui intéresse le Gouvernement en cette affaire est que le procureur pourra demander une détention préventive, une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence. Or les prévenus représentent 40 % de la population carcérale et l'on sait combien les établissements pénitentiaires sont surchargés. Là où il faudrait régler ce problème, on l'amplifie avec ce mécanisme de la comparution différée. (Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, le réfute.)
Souvent, la détention provisoire est décidée pour répondre à la pression de la population qui estime que la personne doit être en quelque sorte pré-condamnée. C'est bien de renforcer les prérogatives du procureur de la République mais encore faut-il respecter le principe du contradictoire et revoir les pouvoirs des juges des libertés.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'objectif visé est précisément l'inverse ! La comparution différée limitera la détention provisoire.
Songez à une personne dangereuse. Aujourd'hui, soit le dossier est complet et elle passe en jugement, soit il faut ouvrir une information judiciaire et placer la personne en détention provisoire où elle restera six mois et plus en attendant le jugement. La comparution immédiate, ce sera un sas de deux mois durant lequel la personne pourra être placée en détention provisoire le temps que le dossier soit prêt à passer en jugement.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous partageons le constat mais divergeons sur les solutions. Le débat est ouvert, peut-être trouverons-nous de quoi l'alimenter durant le trajet législatif de ce texte.
L'amendement n°175 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°156, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
il peut décider,
insérer les mots :
sous réserve de l'accord du prévenu,
M. Jean-Pierre Sueur. - Le regroupement de plusieurs poursuites à l'occasion d'un seul jugement présente une utilité car le prévenu peut avoir intérêt à ce que sa situation soit examinée à l'occasion d'une audience unique.
Une telle proposition, approuvée largement au sein de l'institution judiciaire, est déjà souvent pratiquée sous la forme de comparution volontaire du prévenu.
Toutefois, en l'état du texte, les droits de la défense pourraient être amoindris car le regroupement pourrait être imposé dans le cadre d'une procédure de comparution inadaptée aux circonstances en raison de critères d'urgence et de complexité différenciés. Un délai de dix jours pour informer l'avocat et le prévenu, c'est bien court.
Conditionner le mécanisme du regroupement à l'accord du prévenu conciliera de manière plus satisfaisante l'efficacité des audiencements et les droits de la personne poursuivie.
Je ne doute pas que Mme la ministre fera preuve d'une attention bienveillante à l'égard de cette proposition renforçant quelque peu les droits des prévenus.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le procureur a toute légitimité pour proposer de regrouper les affaires si cela est fondé. L'essentiel est de prévenir les avocats et de garantir les droits de la défense.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Monsieur Sueur, vous avez ma bienveillance mais l'avis est défavorable. Cet amendement crée une rigidité excessive. Les droits de la défense sont garantis car un délai d'information de dix jours est prévu, ce qui correspond au délai moyen de convocation avant une audience pénale. Cette mesure, très attendue par les praticiens, favorisera l'individualisation des jugements en ce que l'ensemble des éléments intéressant une personne sera pris en compte.
M. Jacques Bigot. - Parmi les praticiens se trouvent les auxiliaires de justice qui assurent les droits de la défense...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - En effet.
M. Jacques Bigot. - Le procureur peut déjà décider de regrouper des affaires ; désormais, il pourra le faire dix jours avant les auditions pour lesquelles les citations n'ont pas encore été adressées. Il n'est pas sûr que, en un temps si court, les avocats puissent préparer leur argumentaire lorsque le cas est particulièrement complexe. Et l'on en verra certains venir à l'audience pour demander son renvoi.
L'amendement n°156 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°54 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mmes L. Darcos et Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, M. Grand, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud.
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
... - À l'avant-dernière phrase du troisième alinéa de l'article 396 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
... - À la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 397-2 du code de procédure pénale, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
... - À l'avant-dernière phrase de l'article 397-7 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
Mme Muriel Jourda. - Cet amendement reprend une disposition adoptée par le Sénat en janvier 2017, issue de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale, présentée par les sénateurs du groupe Les Républicains. Il s'agit d'allonger de trois à cinq jours la durée maximale de la détention provisoire à l'égard d'une personne déférée préalablement à une comparution immédiate si la réunion du tribunal est impossible le jour même.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement, déjà adopté par le Sénat en 2017.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Je comprends les problèmes qui se posent lorsque quelque chose se produit à la veille d'un week-end. En revanche, cette mesure fait courir un risque inflationniste en matière de détention provisoire.
L'amendement n°54 rectifié bis est adopté.
L'article 39, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 12 h 50.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.