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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Démission et remplacement d'un sénateur

Commission (Candidature)

Rappel au Règlement

M. Jean Louis Masson

Programmation pluriannuelle de l'énergie

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

M. Georges Patient

M. Fabien Gay

M. Roland Courteau

M. Ronan Dantec

Mme Nadia Sollogoub

M. Jérôme Bignon

M. Daniel Gremillet

M. Joël Bigot

M. Jean-Paul Prince

M. Jean-François Husson

Mme Angèle Préville

Mme Pascale Bories

M. Guillaume Chevrollier

M. Pierre Cuypers

M. Jean-Pierre Vial

Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains

Gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles

M. Pierre Louault, pour le groupe Union centriste

Mme Cécile Cukierman

M. Henri Cabanel

M. Franck Menonville

M. Daniel Dubois

M. Alain Fouché

M. Daniel Gremillet

M. Didier Rambaud

M. Franck Montaugé

M. Laurent Duplomb

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mobilités du futur

Mme Michèle Vullien, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective

Mme Françoise Cartron, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective

M. Didier Mandelli, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Mme Martine Filleul

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Nadia Sollogoub

M. Alain Fouché, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective

M. Didier Rambaud, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Dominati

M. Michel Dagbert

Mme Sylvie Vermeillet

M. Philippe Pemezec

Mme Victoire Jasmin

M. Michel Raison

Mme Christine Lavarde

M. Jean-Marc Boyer

M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective

Avis sur une nomination

Annexes

Ordre du jour du mercredi 16 janvier 2019

Nomination d'un membre d'une commission




SÉANCE

du mardi 15 janvier 2019

47e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Démission et remplacement d'un sénateur

M. le président.  - M. Gérard Cornu a fait connaître à la présidence qu'il se démettait de son mandat de sénateur d'Eure-et-Loir à compter du 30 décembre 2018 à minuit.

En application de l'article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Françoise Ramond, dont le mandat de sénatrice d'Eure-et-Loir a commencé le 31 décembre 2018 à 0 heure.

Commission (Candidature)

M. le président.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Rappel au Règlement

M. Jean Louis Masson .  - La procédure d'examen simplifiée d'un texte de loi prévoit un vote sans débat ni explication de vote. J'ai voté contre cette innovation anti-démocratique. Si les groupes politiques peuvent s'opposer à cette procédure, les sénateurs non-inscrits, eux, n'ont pas ce droit. Nous sommes donc dans l'impossibilité de demander un débat en séance publique pour exprimer notre position.

Je proteste contre la décision de la Conférence des présidents de faire passer en examen simplifié le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil européen relative à l'élection des membres du Parlement européen, qui est un texte extrêmement important. À la veille du Brexit, c'est scandaleux !

Les sénateurs non inscrits ne sont pas traités correctement. Les Gilets jaunes ont raison de se battre pour davantage de démocratie et de transparence : les deux groupes les plus importants du Sénat représentent les trois quarts de notre assemblée mais à peine le quart des électeurs !

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement, même si vous n'avez pas cité l'article sur lequel il se fondait...

Programmation pluriannuelle de l'énergie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains a souhaité un débat à l'occasion de la réflexion du Gouvernement sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.

En matière d'économie décarbonée, la France se situe au deuxième rang européen, derrière la Norvège. Remercions ceux qui ont équipé notre pays en hydraulique, sous les IIIème et IVème République, en nucléaire sous la Vème, et qui ont cherché à diversifier les sources d'approvisionnement en développant les énergies renouvelables.

Le sujet est éminemment politique, or l'article 176 de la loi sur la transition énergique et la croissance verte ne prévoit pas de débat devant le Parlement sur la programmation pluriannuelle de l'énergie. L'énergie est pourtant stratégique pour le développement économique.

Un débat public nuancé a été organisé sous l'égide de la commission nationale du débat public ; le Gouvernement a ensuite pris un décret. Mais des questions majeures demeurent ; elles doivent être abordées au Parlement, et non dans la rue, dans la superficialité et la violence.

La première est celle du pouvoir d'achat et de la répartition juste de notre avantage stratégique. En effet, la France émet 4,5 tonnes de CO2 par habitant, moitié moins que l'Allemagne.

Nous sommes confrontés à un problème de trajectoire carbone et d'inégalités entre ceux qui ont accès aux transports collectifs subventionnés et ceux qui dépendent de leur véhicule individuel - et financent, via l'achat de carburant, le budget public !

Longtemps, l'effort spectaculaire sur le nucléaire a conduit à une électricité chère ; le tarif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) est aujourd'hui raisonnable, à 43 euros par mégawatt. Pourquoi soumettre les Français, qui ont consenti cet effort, à une contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui finance l'achat de panneaux photovoltaïques ? La question est celle de la répartition de l'effort entre nos compatriotes.

Celle de l'emploi et de l'aménagement du territoire dans un contexte de désindustrialisation se pose aussi. Notre empreinte carbone se dégrade car nous importons les produits que nous ne fabriquons plus, la règlementation ayant découragé les industries pétrolières, électro-intensives ou automobiles.

Comme ministre de l'Industrie, j'ai fermé les dernières mines de charbon - mais l'annonce de la fermeture des quatre centrales thermiques restantes frappe par sa brutalité. La désindustrialisation accrédite le sentiment que la politique énergétique défavorise les territoires à faible densité.

Quand vous fermez un site, vous menacez des emplois. Pourquoi ne pas découpler l'objectif de 50 % de l'électricité d'origine nucléaire, cette vache sacrée, de la réussite du nucléaire à l'échelle mondiale ? Nous avons là un atout industriel et scientifique, or vous laissez le nucléaire dans l'incertitude et l'expectative.

Nous devons envisager l'énergie au-delà de nos seuls besoins : l'électricité produite en France pourrait être vendue à l'étranger, la balance commerciale y gagnerait.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Gérard Longuet.  - Reste enfin le problème de la sécurité et de l'indépendance s'agissant de la manipulation des prix de l'énergie fossile. Le Gouvernement proposera-t-il au Parlement de débattre de ces questions majeures ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - C'est le quatrième débat sur l'énergie au Sénat en quatre mois auquel je participe. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La programmation pluriannuelle de l'énergie, notre stratégie nationale à dix ans, a été présentée le 27 novembre dernier par le président de la République. Elle est fondée sur deux piliers : la baisse de la consommation d'énergie, en particulier fossile, et la diversification des modes de production et des sources d'approvisionnement, afin d'éviter d'être trop dépendant d'un parc nucléaire vieillissant ou des importations. Je rappelle que 100 % des énergies fossiles que nous consommons sont importées.

Le Gouvernement transmettra le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie à l'Autorité environnementale dès la semaine prochaine ; elle aura trois mois pour se prononcer puis le public pourra réagir pendant 45 jours.

En parallèle, les autres consultations obligatoires seront menées : Conseil national de la transition écologique, Conseil supérieur de l'énergie, Comité des experts de la transition énergétique, États voisins de la France, etc. Nous présenterons un projet de loi révisant la loi de 2015 afin de repousser, par réalisme, l'objectif à 2035.

La programmation pluriannuelle de l'énergie fixe comme objectif de réduire de 40 % la consommation d'énergies fossiles d'ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. À cet effet, les chaudières au fioul devront disparaître progressivement. En 2020, les véhicules neufs vendus en Europe devront afficher 95 grammes d'émissions de CO2 en moyenne. Cela supposera d'augmenter le nombre de voitures électriques et hybrides.

La diversification de la production d'énergie passera par une augmentation de la production d'énergies renouvelables techniquement fiables et économiquement compétitives. L'objectif est que les énergies renouvelables représentent 32 % du mix énergétique dans dix ans.

Les quatre dernières centrales à charbon seront fermées, comme nous nous y sommes engagés. Les territoires et les personnels de chaque site seront accompagnés.

L'objectif de 50 % de nucléaire a été fixé par la loi de 2015. Il s'agit de ne pas être trop dépendant d'une seule source d'énergie. Nous fermerons quatorze réacteurs d'ici 2035.

M. Bruno Sido.  - Impossible !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Six le seront d'ici dix ans, dont les deux de Fessenheim. Ces objectifs sont fondés sur une analyse rigoureuse menée par RTE. Les visites décennales menées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ont permis de fixer une liste des sites concernés, afin que les territoires se préparent. Le choix sera fait en toute transparence.

Monsieur Longuet, c'est la taxe carbone et non la CSPE qui finance le développement des énergies renouvelables. Le tarif Arenh est stable, mais l'opérateur demande son augmentation pour couvrir ses coûts de production. En outre, la France exporte 15 % de l'électricité qu'elle produit. Le marché de l'électricité est ouvert et nos producteurs saisissent les opportunités. Nous visons davantage de coopération européenne sur ces sujets, pour assurer une production et une distribution plus efficaces et plus sûres.

M. Georges Patient .  - On attend des outre-mer qu'ils soient les fers de lance de la transition énergétique car ils disposent de ressources, et la loi de transition énergétique fixe un objectif de 50 % d'énergies renouvelables d'ici 2020. C'est un défi pour des territoires très dépendants des énergies fossiles qui représentent entre 77 % et 94 % de leur mix énergétique.

Ce taux n'est que 32 % en Guyane grâce au barrage du Petit-Pont, mais les communes intérieures qui n'y sont pas reliées dépendent d'électrogènes au diesel...

La première programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit la construction d'une centrale au fioul de 120 MW d'ici 2023 pour un coût de 500 millions d'euros. Où est la cohérence de la politique du Gouvernement qui finance ce type de centrale tout en affirmant vouloir limiter les énergies fossiles ?

La loi Hulot qui interdit l'exploitation des hydrocarbures ne vise-t-elle pas exclusivement la Guyane ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Les enjeux des outremers sont différents ; ces territoires ont donc fait l'objet de programmations pluriannuelles spécifiques. La première vient d'être adoptée.

La production de l'électricité représente un tiers de la consommation d'énergie outre-mer : les PPE prévoient un fort développement des énergies renouvelables, de 18 % à 70 % en Guadeloupe par exemple. Des appels d'offres ont été lancés.

Des mesures de maîtrise de la consommation sont envisagées. En Guyane, où la population est en croissance, il est prévu de sécuriser l'approvisionnement en renouvelant les installations thermiques. Mais il faut également y développer les énergies renouvelables. Des discussions sont en cours avec EDF et la Commission de régulation de l'énergie s'agissant du projet que vous avez mentionné. La construction d'une plus petite centrale serait préférable.

M. Georges Patient.  - La loi Hulot interdit toute exploitation pétrolière, ce qui est un handicap pour le développement endogène de la Guyane. Les territoires voisins, eux, exploitent leur pétrole !

M. Fabien Gay .  - Monsieur le ministre, pendant les huit minutes de propos liminaire, vous n'avez pas évoqué les gens, alors que 12 millions de Français subissent la précarité énergétique. Certes, il y a le chèque énergie, mais les conditions pour l'obtenir sont trop restrictives ; de toute façon, les Français ne demandent pas l'aumône mais des hausses de salaires qui leur permettent de payer leurs factures.

Au-delà, ce sont les privatisations, la dérégulation et la concurrence libre et non faussée qui ont mené à l'alourdissement de la facture énergétique des Français. Le législateur a certes qualifié l'électricité de bien de première nécessité, mais il est temps d'appréhender l'énergie comme un bien commun de l'humanité et non un champ d'aide sociale.

La transition énergétique doit être une transition sociétale, car l'accès à l'énergie tout au long de l'année est la condition de l'inclusion. Monsieur le ministre, comment allez-vous lutter contre la précarité énergétique ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - J'ai commencé mon propos par évoquer nos concitoyens puisque j'ai parlé de réduction de la consommation. Se libérer des énergies fossiles est bon pour la planète, pour l'économie, pour la balance commerciale, mais surtout pour le porte-monnaie de nos concitoyens, qui ne subiront plus ainsi les fluctuations du prix du baril, qui se traduit dans la facture de chauffage. Je n'oublie pas que la contestation est venue de là. Certains ont protesté contre les taxes mais le problème était avant tout celui du prix sur les marchés mondiaux.

Le chèque énergie est un outil d'accompagnement social et solidaire mais pas un outil de transformation. Il faut donner aux Français les moyens de rénover leur logement. La prime à la casse des anciennes voitures a rencontré un grand succès. Adoptons la même démarche pour l'énergie.

M. Fabien Gay.  - Dans le grand débat national, il manque une question : celle de la maîtrise publique de l'énergie. Vous êtes favorable à la privatisation d'Engie. Or depuis la privatisation, les prix du gaz ont augmenté de 70 %, le service s'est dégradé, et les dividendes versés aux actionnaires n'ont jamais été aussi élevés. Il faut redonner la parole au peuple.

M. Roland Courteau .  - Les plus touchés par les bouleversements climatiques sont les plus pauvres. C'est injuste, car ce sont les moins responsables ! Il n'y aura pas de transition énergétique sans justice sociale et vice versa. La rénovation thermique des logements est une de nos plus grandes carences. Les économies d'énergie sont un gisement colossal ; faisons preuve de pédagogie pour faire évoluer les comportements, privilégier le toujours mieux au toujours plus.

Pour atteindre les 50 % d'énergies renouvelables d'ici 2030, il faudra tripler l'éolien et quintupler le photovoltaïque. Comment ? Vos demi-mesures sur l'éolien flottant risquent de condamner la filière en Méditerranée.

Sur le biogaz, allez-vous agir pour une simplification réglementaire et des tarifs d'achat adaptés ?

M. Marc Daunis.  - Très bien.

M. François de Rugy, ministre d'État.  - En effet, l'énergie qui pollue le moins et coûte le moins cher est celle qui n'est pas consommée ! Il y va de l'intérêt de tous, à commencer par les plus modestes, qui ne peuvent se permettre de gaspiller l'énergie.

Les dispositifs d'aide à la rénovation des logements ne sont manifestement pas à la bonne échelle. À Bordeaux, il y avait des moyens pour rénover 9 000 logements ; or seulement 3 000 l'ont été, me dit Alain Juppé. Nous allons y travailler avec Julien Denormandie. Peut-être faut-il un appel d'offres national, un opérateur national, pour atteindre l'objectif de 500 000 logements rénovés par an.

En 2019, nous lancerons des dispositifs concrets comme la chaudière à 1 euro pour les ménages les plus modestes, financée par les certificats d'économie d'énergie.

Sur l'éolien flottant en Méditerranée, la cible est de deux fois 250 MW. Si les coûts de production baissent, nous pourrons aller au-delà.

M. Roland Courteau.  - Faites porter l'effort de l'État sur l'éolien flottant où la France est pionnière ! Ne manquons pas ce rendez-vous !

Justice sociale et transition énergétique vont de pair dans la rénovation thermique. Enfin, le biogaz est la meilleure façon d'alléger la facture de la France tout en stimulant l'économie locale et la compétitivité des exploitations agricoles.

M. Ronan Dantec .  - Monsieur Longuet, la chaîne de valeur du photovoltaïque repose d'abord sur l'installation sur les toits - non délocalisable. Venez donc visiter l'unité de fabrication de panneaux photovoltaïques à Carquefou, qui crée une centaine d'emplois à côté de Nantes !

Le Gouvernement a retardé la fermeture de la centrale à charbon de Cordemais. Allez-vous tenir les engagements du président de la République ? Quid des autres centrales ?

Cela laisse du temps pour mener une expérimentation rigoureuse sur les nouveaux procédés qui pourrait conduire à remettre en cause la centrale à gaz de Landivisiau, qui ne serait dès lors plus nécessaire.

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Vous me parlez en réalité de l'approvisionnement en électricité de l'Ouest de la France. RTE nous rendra début février une étude complémentaire sur la sécurité de l'approvisionnement au regard des retards pris dans la mise en service de l'EPR de Flamanville. L'Autorité de sûreté du nucléaire a demandé des travaux supplémentaires à EDF, pour l'instant il n'y a pas de calendrier. La mise à l'arrêt des deux réacteurs de la centrale existante risque d'être plus longue que prévue.

Si la centrale à gaz Landivisiau n'est pas mise en service d'ici 2022, la fermeture de la centrale à charbon de Cordemais devra être reportée. J'en entends qui souhaiteraient fermer Cordemais tout de suite, annuler Flamanville et fermer Landivisiau ! Comment, dans ces conditions, assurer l'approvisionnement de la Bretagne ? (Marques d'approbation)

M. Ronan Dantec.  - Certes, on ne peut pas tout fermer, ni tout garder. Il faut remettre à plat la question de l'approvisionnement de l'Ouest. Le projet « Ecocombust » est une opportunité valable.

Mme Nadia Sollogoub .  - L'hydroélectricité, première énergie renouvelable, représente 10 % de la production électrique nationale. Totalement décarbonée, sans déchets toxiques, elle est souple, flexible et réactive. En hiver, un kW sur quatre est d'origine hydroélectrique. Or un silence curieux l'entoure. On la traite comme une vieille dame respectable mais dépassée (Sourires), et l'ambition en la matière est marginale.

En outre, Bruxelles veut imposer l'ouverture à la concurrence. La sécurité de l'approvisionnement national est une priorité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

Mme Nadia Sollogoub.  - Souhaitez-vous faire de l'hydroélectrique un pilier de la transition énergétique ? Allez-vous vous opposer à la privatisation de nos barrages ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, SOCR et CRCE)

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Le Gouvernement considère l'hydroélectricité comme une énergie d'avenir, même si certains barrages sont centenaires.

Il n'a jamais été question de privatiser les barrages, c'est-à-dire de vendre les infrastructures en perdant définitivement tout contrôle, mais seulement d'ouvrir les concessions à l'occasion de leur renouvellement. La France a mené des négociations avec la Commission européenne sur ce sujet. On ne peut pas favoriser uniquement l'opérateur déjà en place.

Nous sommes attachés à associer les collectivités territoriales, à regrouper les concessions, à préserver le statut des salariés. Une prolongation de concession contre travaux est envisageable. Les démarches sont très encadrées, des décisions seront prises dès 2019.

Mme Nadia Sollogoub.  - Je ne suis guère rassurée. Quand des gestionnaires différents travailleront sur un même cours d'eau et qu'il y aura des inondations, comment cela se passera-t-il ? La vieille dame n'a pas eu de réponses chiffrées sur la place que vous lui réservez...

M. Jérôme Bignon .  - La PPE fixe des objectifs ambitieux. 2030, c'est demain !

Le captage et stockage du CO2 sont une priorité pour atteindre la neutralité carbone. Pour limiter le réchauffement à 2 degrés, il faudra emprisonner et enfouir le carbone avant son émission.

Les technologies, limitées à quelques sites, ne sont pas attractives financièrement. L'objectif est de passer de 40 millions de tonnes traitées à 10 milliards en 2050. Les travaux du Bureau des recherches géologiques et minières ne sont peut-être pas utilisés à leur juste valeur.

Quid enfin du projet européen ENOS que coordonne le BRGM ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - On ne peut que souhaiter un développement du stockage, mais il faut être précis et réaliste. Les expérimentations menées par Total sur le site de Lacq n'ont pas abouti, pas plus que le projet de captage au Havre, à la charge d'EDF. Bref, ces solutions, très coûteuses, ne sont pas concluantes.

Les projets doivent être soutenables. Si le prix du carbone est très bas, il n'est pas intéressant d'investir dans ces technologies, qui ne se justifient que pour certains très gros émetteurs, industrie sidérurgique ou plateformes pétrolières.

Le projet européen ENOS a bénéficié de 12 millions d'euros d'aides de la Commission européenne avec un soutien fort de la France. Nous le poursuivons, en espérant de meilleurs résultats.

M. Jérôme Bignon.  - Je ne vous trouve pas très allant sur cette question essentielle. Je vous renvoie à la note de M. Courteau pour l'Opecst : quatre pages d'une remarquable documentation, moins pessimiste que vous ! C'est une technologie que la France peut développer, allons-y d'un bon pas.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous attendons toujours votre projet de programmation pluriannuelle de l'énergie, monsieur le ministre. Sera-t-il modifié en fonction des conclusions du grand débat national que lance le président de la République ? La remise en question de la trajectoire carbone vous oblige, me semble-t-il, à revoir votre copie.

Le Gouvernement a décidé de fermer les centrales à charbon. Quid des centrales autres que Cordemais, sachant qu'Uniper négocierait la vente de ses actifs à un groupe énergétique tchèque ?

L'hydroélectricité est la grande oubliée de la PPE. Y aura-t-il de nouvelles capacités ? Peut-on imaginer de nouveaux barrages ? (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Le grand débat n'a pas vocation à tout remettre en cause. Des engagements ont été pris, des choix politiques faits. La légitimité des élections de 2017 est incontestable. Nous cherchons des solutions nouvelles, sachant que la taxe carbone, déjà élevée, n'est pas le seul levier de lutte contre les émissions de CO2.

Notre volonté politique est bien de fermer les quatre centrales à charbon d'ici 2022. Un accompagnement particulier sera apporté pour la reconversion de chacun des quatre sites. J'échangerai très prochainement avec l'entreprise EPH qui négocie le rachat d'Uniper.

Il n'y a pas en France de grande capacité pour de nouveaux barrages. Pensez aussi à l'acceptabilité sociale des projets ; imaginez les réactions si nous proposions de noyer de manière autoritaire des vallées entières !

M. Daniel Gremillet.  - Votre première réponse me pose question. Vous faites une consultation nationale, mais le vrai sujet, c'est que pour ceux qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler, votre trajectoire est insupportable. (M. François de Rugy le conteste.) Mais si ! Allez sur le terrain, regardez comment cela se passe ! Ensuite, sur l'hydroélectricité, je suis déçu.

M. Joël Bigot .  - Quels enseignements le Gouvernement a-t-il tiré des travaux de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui se sont déroulés de mars à juin dernier, réunissant des milliers de participants ? Nous avons reçu Jacques Archimbaud, son vice-président, il a souligné que, pour être efficace, une politique énergétique devrait associer mieux les citoyens et les territoires, et que l'État devait garantir la solidarité entre usagers et territoires - le Gouvernement aurait mieux fait de l'écouter...

Le Gouvernement a manqué de pertinence sur la précarité énergétique, qui touche 7 millions de personnes. Le montant moyen des impayés énergétiques a augmenté de 200 euros en dix ans, atteignant désormais 789 euros. La programmation pluriannuelle de l'énergie n'est pas réaliste à cette aune.

Alors que s'ouvre le « grand débat », comment le Gouvernement tiendra-t-il compte du grand débat délégué sans ménagements aux maires ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Oui, il faut associer les citoyens et les collectivités territoriales à la transition énergétique, et c'est déjà largement le cas. Leurs initiatives foisonnent - sur les réseaux de chaleur, sur le développement des énergies renouvelables. Nous devons valoriser la géothermie, la filière bois, sous-développée en France, l'éolien, le solaire, la méthanisation. Toutes ces énergies sont des atouts pour nos territoires. Mais cela doit être fait à coûts maîtrisés. Sinon, la hausse sera répercutée sur les prix ou sur l'impôt, ce qui n'est pas réaliste, notre pression fiscale étant déjà très élevée.

M. Joël Bigot.  - Il n'est donc pas question de bouleverser les choix faits depuis deux ans ; mais quid de nos propositions, sur les économies d'énergie, par exemple ? J'espère que vous saurez redescendre au niveau de la vie réelle de nos concitoyens, de nos territoires.

M. Jean-Paul Prince .  - Les transports représentent le premier poste d'émissions de gaz à effet de serre, la part modale du train et de la navigation fluviale ne représente que 11,7 % du fret intérieur - ce qui place la France parmi les mauvais élèves européens en la matière. Il faut changer la donne et faire preuve de volontarisme, d'autant que le transport routier est difficile à réformer.

Le 27 novembre dernier, le président de la République a pris des engagements forts dans le domaine du nucléaire et des énergies renouvelables lorsqu'il a présenté les grands objectifs du décret, faisant preuve de volontarisme. Il y a dix ans, le Grenelle I de l'environnement fixait des objectifs chiffrés, qui sont, hélas, restés sans lendemain.

Monsieur le ministre, comptez-vous faire figurer de nouveau des objectifs chiffrés dans la PPE pour le fret ferroviaire et fluvial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Les transports doivent effectivement faire des efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous le faisons avec les normes sur le CO2 qui, pour la première fois au niveau européen, s'appliquent aux camions. Nous encourageons également le report modal en réformant notre système ferroviaire, une réforme à laquelle le Sénat a largement contribué, pour plus d'efficacité et de compétitivité du rail.

Nous mobilisons ainsi, sur dix ans, 3,6 milliards d'euros d'investissement pour renouveler les voies, 2,6 milliards pour desserrer les noeuds ferroviaires, 2,3 milliards pour les ports et leur connexion avec les transports ferroviaires et fluviaux. Nous augmentons les péages ferroviaires, mais l'État compense à SNCF Réseau et maintient l'aide au transport combiné.

M. Jean-François Husson .  - Il aura fallu la crise des gilets jaunes pour que le Gouvernement se rende compte que l'augmentation de la taxe carbone n'était pas viable. En novembre dernier, j'avais alerté M. Darmanin sur le risque de retour des bonnets rouges, il repoussait mes arguments d'un revers de la manche ; vous avez navigué à vue et, pour ne pas avoir écouté le Sénat, le Gouvernement a dû céder à la rue.

Le sujet est capital, mais nous ne connaissons toujours pas le texte de la PPE - elle est revenue inopinément dans le débat public, au détour d'un discours du président de la République. Faute d'un véritable document programmatique, nous ne pouvons aborder concrètement les sujets de fond : quid de l'électrification du parc des véhicules ? Va-t-on vers le tout électrique, avec ce que cela suppose pour l'aménagement du territoire ? Quelle trajectoire financière le Gouvernement veut-il se donner ? Comment réduire les consommations ? Quelle valorisation des énergies renouvelables ? Quel calendrier ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Comment répondre à toutes ces questions ?

M. Gérard Longuet.  - Cela s'appelle l'exercice du pouvoir...

M. Jean-François Husson.  - Vous avez le talent !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Oui, nous avons décidé d'une pause cette année sur la taxe carbone. L'augmentation ne représentait du reste que trois centimes d'euros par litre d'essence - pour le gazole, c'était plus, du fait de la convergence avec l'essence. Les gilets jaunes, lorsque je le leur dis, ouvrent des yeux ronds : on leur avait fait croire que la hausse des prix venait des taxes, alors qu'elle venait surtout du prix du pétrole, qui a baissé depuis l'automne... (Marques d'ironie à droite)

La fiscalité n'est pas le seul outil, les Français attendent des réponses bien plus larges sur la transition écologique. Oui, l'électrification du parc automobile reste un axe majeur, à l'échelle du continent européen tout entier. Je le dis aussi à nos concitoyens en tant qu'élu, aujourd'hui, la voiture électrique est plus adaptée pour les résidents des zones rurales, contrairement à l'image qu'elle a.

M. Jean-François Husson.  - Pour qu'on vous fasse confiance, il vous faut de l'écoute, du dialogue, une intelligence partagée. Le Gouvernement en a manqué, le président de la République et le Premier ministre l'ont reconnu. Pour faire gagner l'écologie, il vous faut associer les territoires, ce en quoi votre déficit est abyssal : il est grand temps de le faire !

Mme Angèle Préville .  - La PPE comporte une zone d'ombre : le nucléaire, avec le report à 2035 des 50 % dans le mix énergétique. Il y a un non-sens à vanter cette énergie certes non carbonée, mais tellement risquée. Notre parc est vieillissant : 37 de nos réacteurs auront 40 ans et plus en 2025, les risques d'accidents s'en trouvent accentués. Nous ne pouvons pratiquer la langue de bois : le béton des cuves devient poreux, la sous-traitance entraîne une perte de technicité, Cigéo n'aboutit pas, les cyberattaques et les attaques terroristes sont possibles...

Cependant, une chape de plomb est mise sur l'EPR : déjà 8 ans de retard et un surcoût effarant de 7,5 milliards d'euros, mais aucune décision pour l'avenir ! Que penser, ensuite, de notre dépendance vis-à-vis de pays fournisseurs, où la menace terroriste est réelle ? Le Niger est confronté aux incessantes attaques de Boko Haram et à Arlit, le site d'AREVA a déjà été attaqué... Ensuite, l'exploitation des gisements d'uranium conduit à un désastre sanitaire : la population et l'environnement sont contaminés par la radioactivité.

Tous ces sujets d'importance me font regretter que le Parlement ne soit pas associé à l'élaboration de la PPE, elle mérite une loi.

Monsieur le ministre, quelle est la ligne directrice du Gouvernement sur le nucléaire ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Notre cap est clair et beaucoup plus précis que dans la loi de 2015. Par réalisme, nous avons dû reconnaître que l'objectif de 50/50 en 2025 était intenable, parce que les gouvernements précédents n'avaient pas suffisamment agi.

Même le décret de fermeture de Fessenheim pris à la va-vite par François Hollande a été cassé. Nous reprenons donc les choses dans l'ordre. Fessenheim sera fermé en 2022, nous tenons l'engagement que nos prédécesseurs ont pris... en 2012.

La sûreté, nous la prenons très au sérieux, avec l'Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), que l'opérateur historique trouve même bien stricte. C'est une des raisons pour lesquelles le taux de disponibilité de nos centrales diminue, en particulier l'hiver, au moment des pics. Nous anticipons le vieillissement des centrales, ainsi que la gestion des déchets.

Mme Angèle Préville.  - Dans quelques centaines de milliers d'années, il ne restera rien, sinon nos déchets nucléaires...

Mme Pascale Bories .  - Malgré la présentation de la stratégie nationale sur l'énergie et le climat, la future PPE n'a toujours pas été publiée. Comment ne pas s'en étonner ? Ce document pragmatique a une portée normative, notamment pour les opérateurs, avec des objectifs quantitatifs d'appels d'offres, de consommation en 2023 et 2028... Sur les quatre scenarii proposés, seuls deux ont été retenus pour le débat.

Les décideurs locaux et les Français ont montré leurs désaccords avec les méthodes de votre Gouvernement pour la concertation et le débat public. Pourquoi ne disposent-ils pas d'une trajectoire crédible ? Quand présenterez-vous la PPE au Parlement, comme vous y oblige la loi, et quand publierez-vous le décret ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - J'ai répondu à cette question dès mon propos introductif. Ce décret, je ne peux le signer tout seul dans mon bureau. Il doit être soumis à consultation pendant trois mois aux autorités environnementales, quarante-cinq jours au public et à cinq organismes qui donnent leur avis, sans compter nos voisins européens; soit au total, cinq mois prévus par la loi relative à la transition énergétique.

Or, depuis le 27 novembre, cela fait un mois et demi ; je vous rappelle que ce décret d'application de la loi n'est soumis à aucun vote... à moins que vous ne souhaitiez changer la loi.

Mme Pascale Bories.  - De nombreuses entreprises retiennent leur souffle. Je ne veux pas changer la loi. C'est l'article 141-4 du code de l'énergie qui impose que vous présentiez la PPE au Parlement.

M. Guillaume Chevrollier .  - La lutte contre le réchauffement climatique demande qu'on puise dans le renouvelable, mais aussi - n'en déplaise à certains - dans le nucléaire, énergie qui fait de la France un pays leader pour la baisse des émissions, à la différence de l'Allemagne, des États-Unis et du Japon. L'énergie nucléaire est sûre, pilotable et disponible tout le temps, à la différence de l'éolien - dans lequel on investit des sommes importantes. Le Gouvernement propose de faire baisser la part du nucléaire à 50 % en 2035, ce qui impose de fermer quatorze réacteurs. Or la France a besoin d'un socle de nucléaire, qui garantisse notre souveraineté et notre approvisionnement énergétiques.

Il faut être pragmatique. Quelle est votre position sur la construction de centrales de nouvelle génération ? Est-il bien judicieux d'investir autant dans les énergies renouvelables électriques, alors que l'impératif climatique nous exhorte à donner une vraie place au nucléaire ?

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Successivement, parfois dans les mêmes groupes, certains nous accusent de précipitation, d'autres de ne pas aller assez vite, ou loin... Il faut trouver un équilibre : c'est le but de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

La France, marquée par la domination du nucléaire, a choisi de diversifier son mix énergétique.

Alstom, racheté par General Electric, a gardé son site en France ; de même pour Siemens ! Anticipons les fermetures progressives plutôt que d'aller dans le mur. En 2015 et 2016, des décisions courageuses de l'ancien ministre de l'économie, devenu président de la République, ont sauvé la filière nucléaire française. Areva a changé de format, le fournisseur de combustible a vu son plan de charges étalé dans le temps. Sur l'EPR, tout sera documenté d'ici 2021, de façon à ce que le choix puisse être fait en 2022, avec les élections.

M. Pierre Cuypers .  - Le président de la République a précisé ses propositions pour la neutralité carbone en 2050, retenant ainsi la réduction de notre consommation d'énergies fossiles, la diversification énergétique et le développement des énergies renouvelables. Le ministre de la transition énergétique lui-même prône, pour limiter nos émissions de CO2 - dont 70 % sont issues des énergies fossiles -, le développement des énergies vertes. Mais la politique du Gouvernement n'est pas claire. Le décret sur la programmation pluriannuelle de l'énergie n'a ainsi toujours pas été publié. En outre, le Gouvernement prône les biocarburants lors des débats en loi de finances, sans agir dans ce sens en loi de finances.

Le Sénat propose des amendements pour soutenir les biocarburants agricoles, mais le Gouvernement les détricote à l'Assemblée nationale ; Les biocarburants de seconde génération n'existent pas encore techniquement et économiquement, alors qu'ils concentrent l'essentiel des dispositifs fiscaux : c'est parfaitement hypocrite.

Donnez un signal d'apaisement en faveur des agriculteurs, une véritable incitation au développement des biocarburants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Il y a une politique française de soutien aux agrocarburants, qui se maintient. L'objectif est de parvenir à ce que les biocarburants de première génération atteignent 7 % des carburants en 2023-2028.

Les biocarburants ne doivent pas concurrencer la production alimentaire, c'est pourquoi la programmation pluriannuelle de l'énergie doit développer cette part des carburants de seconde génération.

La loi de finances 2019 a déplafonné certains calculs pour les sucres de betterave, soutien public indirect à la filière. Nous incitons à l'incorporation des agrocarburants et limitons l'incorporation de ceux issus d'huile de palme et de soja, lesquels encouragent la déforestation.

M. Jean-Pierre Vial .  - Quand il arrive près de la défaillance, le réseau électrique est sauvé de coupures grâce à des centrales à charbon, ou au renoncement par des électro-intensifs, lesquels, en réalité, pourraient satisfaire la demande lors des pics de consommation - ce qui est une bonne façon de conjuguer écologie et économie.

Deuxième défi, la mobilité propre, en particulier avec le ferroviaire. Le Lyon-Turin n'est plus un projet, mais une réalité ; 25 kilomètres de tunnels sur les 110 prévus ont déjà été percés. Mais ce projet ne sera un succès que s'il s'accompagne d'un véritable transport modal. Pour la même quantité de marchandises transportées, la France va passer trois millions de poids lourds sur ses routes, contre moins d'un million en Suisse, le nombre de camions augmente chez nous, il continue de diminuer en Suisse.

Nous attendons depuis 2009 le développement de la plateforme expérimentale de l'Est lyonnais pour servir l'autoroute ferroviaire alpine ; pouvez-vous nous confirmer que le transport modal représente une priorité pour le Gouvernement ?

M. François de Rugy, ministre d'État.  - Pour faire face à la variabilité de la consommation, au lieu d'avoir de nombreuses centrales thermiques, il faut effacer la consommation, à l'échelle européenne - vous le dites bien, c'est une solution.

Le Gouvernement est favorable au projet Lyon-Turin, mais une partie de la coalition au pouvoir en Italie s'y oppose. Nous négocions avec le ministre des transports italien pour favoriser le report modal. Cette infrastructure est d'intérêt européen.

M. Jean-Pierre Vial.  - Les moyens financiers existent. La redevance capacitaire rapporte deux milliards d'euros.

Deux siècles après Cavour, la France pourra se doter d'une infrastructure transfrontalière à l'instar des grands ouvrages qui relient la Suisse à l'Italie. Le Lyon-Turin doit afficher, d'ores et déjà, cette ambition multimodale. Depuis 2009, l'autoroute ferroviaire alpine attend une décision politique.

Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains .  - L'énergie est au coeur des préoccupations des Français, notamment des plus modestes, pour se chauffer ou se déplacer. Ils sont bien conscients qu'il faut changer de modèle pour limiter le changement climatique et lutter contre la pollution de l'air.

Avec l'énergie, nous traitons deux dimensions : celle des fins de mois et celle de la fin du monde, selon la formule désormais consacrée.

Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, vous prévoyez le doublement de la production d'énergie électrique renouvelable via notamment des appels d'offres correspondant à un soutien public supplémentaire de 5 milliards d'euros par an d'ici 2028, hors EDF. Mais même si les coûts baissent rapidement, il faudra encore trouver quelques milliards d'euros. C'est un des angles morts de votre programmation. Vous comptiez sur les augmentations de taxe carbone, elles sont annulées, et l'essentiel des recettes est déjà utilisé pour le budget général.

Le président de la République semble dans le flou et demande, dans la lettre adressée aux Français, par quel dispositif financer la transition énergétique. Je m'étonne donc que le débat national ne soit pas davantage considéré par le Gouvernement. Les cahiers de doléance montrent également une forte contestation des éoliennes, que les Français ne souhaitent pas voir installer « dans leur jardin ». Les urbains les réclament, mais les ruraux les contestent...

La demande d'individualisation croissante en matière de production d'énergie ne doit pas remettre en cause la solidarité et la péréquation. Un producteur individuel d'énergie pourrait souhaiter se retirer du réseau, aboutissant à ce que les autres paient leur énergie à un prix supérieur.

Je connais votre engagement, mais nous sommes, avec le décret annoncé, loin d'un projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Les certificats d'économie d'énergie représentent une quasi-taxe de 9 milliards d'euros sur la période 2018-2020 pesant déjà sur les prix à la pompe... et le Parlement n'en débat pas.

La politique du Gouvernement se situe dans la droite ligne de son prédécesseur mais chaque fois que vous serez prêts à associer le Parlement, nous nous associerons au débat avec pragmatisme et dans le souci de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

La séance est suspendue quelques minutes.

Gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles, à la demande du groupe Union centriste.

M. Pierre Louault, pour le groupe Union centriste .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce débat demandé par le groupe UC a semblé nécessaire en raison de dysfonctionnements de certains grands groupes, inquiétants pour l'avenir du modèle coopératif agricole français. Système original, modèle solide, il vise à améliorer les revenus des agriculteurs et à les associer à la commercialisation de leur production sur le principe d'un homme pour une voix. Le tissu coopératif français, modèle d'avenir, défendu par les agriculteurs, comprend 2 400 coopératives dont 93 % de TPE-PME et seulement 13 grands groupes, emploie 190 000 salariés et réalise 86 milliards d'euros de chiffre d'affaires soit 40 % du chiffre d'affaires du secteur agroalimentaire français. Certaines pratiques discutables et contraires au modèle original existent malheureusement dans les plus grands groupes.

Les agriculteurs estiment que leur voix n'est pas assez entendue dans ces grands groupes. Dans leurs conseils de surveillance, le principe « un homme, une voix » est bien souvent bafoué. Ceux qui ont dénoncé ces faits ont parfois été exclus de ces conseils.

Les directoires définissent la politique de ces grands groupes. Certes, l'expertise de leurs membres, devenus les maîtres du jeu, est essentielle, mais les élus du conseil d'administration ne doivent pas, pour autant, être mis à l'écart. L'obligation d'information à leur égard, voire de formation, inscrite dans les règlements intérieurs et qui fait l'objet d'un fléchage budgétaire dans la loi d'avenir agricole, n'est, bien souvent, pas respectée. La transparence reste un voeu pieu. On ne parle plus de filiales, mais de business units, animées par des change leaders ! Les coopérateurs se voient ainsi progressivement dépossédés de leur outil industriel et commercial.

L'internationalisation, autre menace, doit s'inscrire dans le modèle coopératif, protecteur de notre excellence nationale. Profite-t-elle aux coopérateurs ? Elle produit certes de la valeur, mais dans une logique financière, qui prend le pas sur la logique de filière.

La structure en filiales induit par ailleurs un risque financier pour les coopérateurs initiaux, négligés au profit des actionnaires. La complexité de ces montages n'est pas assez anticipée. Les membres du conseil d'administration, souvent écartés de leur gouvernance, sont en outre souvent privés d'un regard sur la gestion des filiales, faute de recevoir l'information nécessaire, incompréhensible lors des assemblées générales.

Ces éléments menacent notre modèle coopératif. Le HCCA, le Haut Conseil de la coopération agricole, connaît en son sein plusieurs dysfonctionnements récents : conflits d'intérêts et manque de rigueur dans l'information et le contrôle notamment. Comment, dans ce contexte, assurer l'avenir des coopératives agricoles et améliorer la transparence de leur gestion ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Pierre Louault.  - Les administrateurs doivent être confortés dans leur rôle. Un nouveau statut, tel que prévu par le projet de loi Pacte, pourrait être envisagé pour les coopératives. Le temps presse...

M. le président.  - En effet !

M. Pierre Louault.  - Nous, sénateurs, sommes les plus aptes à poursuivre cette réflexion, en commission dans le cadre d'une mission d?information... (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Cécile Cukierman .  - Le système des coopératives agricoles s'enracine dans la révolution industrielle. Elles se sont développées au long du XXe siècle pour devenir des actrices essentielles de l'économie agricole. Pourtant, elles se trouvent à la croisée des chemins : les agriculteurs dont les trois quarts appartiennent à une coopérative considèrent qu'elles ne leur sont plus si utiles. Les opérations de rapprochement ou de croissance externe se sont multipliées ces dernières années.

Comment assurer l'équilibre entre les attentes des agriculteurs et les contraintes du marché ? Certaines coopératives sont devenues des poids lourds du secteur agroalimentaire et préfèrent les lois du capitalisme à l'esprit solidaire initial. Il suffit de voir la récente crise de Tereos. Je me félicite de la réintégration « des coopérateurs frondeurs » qui en avaient été exclus pour avoir critiqué sa gouvernance.

La présence simultanée d'acteurs coopérateurs et d'investisseurs privés peut poser problème. Ainsi, sur l'impulsion de l'actionnaire américain de Yoplait, General Mills, la coopérative laitière Sodiaal a-t-elle installé au Luxembourg sa filiale qui verse ses bénéfices internationaux.

Le groupe CRCE avait proposé de modifier les règles applicables aux coopératives afin, notamment, d'améliorer la transparence de leur fonctionnement. Les agriculteurs ont besoin d'une gouvernance démocratique. À nous parlementaires de prévoir les modalités de contrôles et de sanctions. L'affaire Tereos est représentative du malaise du monde coopératif et de la méfiance des adhérents à l'égard des dirigeants, qui se creusent. Écoutons ceux qui nous nourrissent. (M. Pierre Louault applaudit.)

M. Henri Cabanel .  - Je suis coopérateur depuis près de quarante ans par conviction. En pleine crise viticole, en plein « Midi rouge », j'ai choisi la solidarité et l'entraide. J'ai assumé la présidence d'une des plus grandes coopératives vinicoles de l'Hérault.

Je suis fier de rappeler que la coopération viticole est née à Maraussan, à l'ouest de Béziers, au début du XXe siècle. Après avoir organisé l'aval, les viticulteurs ont organisé la production, sous la bannière : « tous pour chacun, chacun pour tous ». Jean Jaurès y est venu, en 1905 ; et de déclarer : « les associés de la Société des Vignerons libres travaillent chacun son tout petit domaine, mais ils ont commencé par avoir un chai commun, une cave coopérative commune. Mais il ne leur a pas suffi d'organiser la vente. Maintenant que, par une première application de l'association, ils ont vaincu l'esprit de défiance, ils vont plus loin : ils commencent à organiser la production ».

Ensemble, on est plus forts, plus intelligents, plus audacieux.

Désormais, hélas, la philosophie du modèle a évolué avec la croissance des structures.

Le cas de Téréos reste exemplaire des dérives qui se produisent lorsque l'agriculteur perd la main. Certaines voix pèsent plus que d'autres et un exécutif réduit décide pour tous. Comment retrouver les valeurs des premiers temps ? L'absence d'information du président du conseil de surveillance est problématique, comme l'insuffisante formation des administrateurs. Ils doivent se professionnaliser. Comment être à la tête d'un paquebot sans notion de navigation ?

Jean Jaurès rendait hommage à la coopérative de Maraussan en déclarant : « Ainsi le germe de solidarité se développe. Ainsi s'ébauchent, jusque dans ce monde paysan si morcelé, des formes nouvelles et plus hautes de production et de vie ». Le germe de solidarité doit retrouver celui de la démocratie participative. Monsieur le ministre, plutôt qu'une ordonnance, le système coopératif mérite un débat au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs autres bancs)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Franck Menonville .  - Nées de la volonté des agriculteurs de prendre collectivement en main leur destin, les coopératives connaissent un vif succès économique et poursuivent leur développement. En France, une marque alimentaire sur trois est produite par une coopérative.

Les coopératives ont, depuis 1999, l'obligation de publier leurs comptes et sont soumises au contrôle du HCCA. Mais la transparence doit être renforcée. À cet effet, le HCCA pourrait voir ses missions étendues, pour en faire une autorité de contrôle et de régulation. Une charte de gouvernance des grands groupes coopératifs, la formation des élus du conseil d'administration, le renforcement du rôle du médiateur de la coopération, sont autant de pistes intéressantes.

Le groupe Tereos vit une crise interne, signe de l'éloignement de ses responsables des coopérateurs. Cependant, la très grande majorité des coopératives fonctionnent parfaitement bien, et ce, quelle que soit leur taille.

La taille optimum d'une coopérative varie d'un marché à l'autre : ce n'est pas la taille mais le respect des valeurs coopératives qui importe ici. Ne décourageons pas l'émergence de coopératives leaders en France ! Seules six d'entre elles s'affichent dans le top 20 européen.

Charles Gide déclarait : « Les coopératives sont un îlot de singularité dans un océan de capitalisme ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

M. Daniel Dubois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie Pierre Louault d'avoir proposé ce débat sur un sujet d'actualité, sensible pour nos agriculteurs.

Ne soyons pas nostalgiques de la petite coopérative de village : notre modèle a muté vers davantage de concentration, une intégration plus verticale, une diversification des métiers et une internationalisation. C'était indispensable.

Cette évolution a été favorisée, depuis quarante ans, par la législation.

Les coopérateurs plébiscitent très largement leur modèle qu'ils continuent de percevoir comme un modèle d'avenir.

Pierre Louault a cité un grand groupe du Nord de la France. Il ne nous appartient pas d'en faire le procès. (Plusieurs marques d'approbation) Certes on peut regretter certaines de ses décisions, mais je rappelle le contexte difficile, avec notamment la fin des quotas betteraviers. La crise de gouvernance que connaît ce groupe lui permet aussi d'avancer. Il a pris conscience du déficit de démocratie interne, tout en constatant logiquement qu'à 12 000 coopérateurs, l'idée d'une démocratie directe est illusoire. Des commissions thématiques territoriales ont été créées, ainsi qu'une commission des finances et un audit indépendant.

Les agriculteurs coopérateurs demandent une grande transparence de la part de leur structure. Les groupes veulent de la valeur pour les actionnaires. Je crois que les deux peuvent être conjugués.

L'idée d'un nouveau paradigme doit s'imposer.

Le groupe UC soutient la création d'une mission d'information sur le sujet. Aidons le Gouvernement à se poser les bonnes questions. Le débat sur le gigantisme des coopératives qui se pose rappelle celui sur celles des collectivités territoriales. (M. René-Pierre Savary le confirme.)

L'erreur a pu être de fusionner des coopératives en coopérative unique. Comment être un colosse sans pied d'argile ? Peut-être la solution est-elle l'enracinement local, précieux pour les groupes qui parviennent à le conserver ?

Comment renforcer le contrôle démocratique des coopératives ? Comment garantir l'implication des agriculteurs quand l'implication de cabinets anglo-saxons est rendue obligatoire ?

Les coopérateurs devraient avoir le droit de déclencher un audit indépendant, comme les salariés dans les plus grandes coopératives dans le cadre des comités d'entreprise. Comment intégrer le modèle coopératif dans le système économique actuel ?

À titre personnel, je suis très attaché au modèle coopératif. Mais ne faudrait-il pas un gendarme pour garantir son bon fonctionnement ? Le Haut Conseil de la coopération agricole pourrait-il se voir confier des pouvoirs supplémentaires ?

J'appelle de mes voeux une nouvelle gouvernance construite avec les coopérateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Alain Fouché .  - Ce débat, en apparence technique, soulève de grands enjeux. Trois agriculteurs français sur quatre appartiennent à une coopérative. Les agriculteurs sont très attachés à ce modèle, jugé pertinent par 77 % des adhérents.

Les coopératives sont des acteurs essentiels de l'emploi et de la formation. Quelque 2 600 coopératives génèrent un chiffre d'affaires de 87 milliards d'euros par an, soit 40 % du chiffre d'affaires du secteur agroalimentaire français. On compte 51 000 coopératives en Europe, soit 9,5 millions de producteurs et 675 000 salariés.

L'agrandissement de la base territoriale des coopératives et leur diversification créent des difficultés, dans un contexte de fin des prix fixes. Il fallait pouvoir être compétitif à l'échelle mondiale, mais les liens se sont distendus.

En conséquence, des dissensions sont apparues au sein des plus grandes coopératives. Les mesures de la loi EGalim arrivent donc à un moment opportun.

Les agriculteurs doivent recevoir plus d'informations et il faut promouvoir davantage les bonnes pratiques. Les ordonnances annoncées pour mars 2019 apportent une partie de la solution, afin que les coopératives françaises puissent continuer à croître et accomplissent un saut qualitatif. Mais c'est au mouvement coopératif lui-même de réviser ses fondamentaux pour relever les défis du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Merci à Pierre Louault d'avoir mis le sujet à l'ordre du jour. Quoi de plus beau qu'un tel débat, portant sur l'engagement des femmes et des hommes pour développer leurs productions sur un territoire, détenteurs d'une part d'un capital immuable, où un euro ou son équivalent en franc investi il y a trente ans a conservé toute sa valeur, sans l'accroître à la sortie ?

J'y suis profondément attaché, précisément parce que ces coopératives sont l'oeuvre commune de ces femmes et ces hommes qui, sur les territoires, partagent un même projet.

La coopérative doit transformer l'ensemble de la production, dont les agriculteurs doivent fournir la totalité. Une caractéristique qui doit intéresser le Sénat est le poids des anciens. Ils laissent souvent du capital pour permettre l'entrée des jeunes dans la coopérative. Cela représente parfois toutes leurs économies. Souvent, on est coopérateur du père en fils. Peut-être les jeunes doivent-ils s'approprier ce projet ? Certaines coopératives exigent des jeunes qui entrent qu'ils prennent le temps de la connaître.

Ce n'est pas parce qu'on appartient à une coopérative que l'on vend mieux et plus cher. Il y a une obligation de compétitivité. Nos concurrents sont parfois d'autres paysans. Il est obligatoire de conjuguer investissements et prix de revient. Tous les cinq ans, un coopérateur peut quitter la coopérative. C'est normal ! À l'inverse, hors faute grave, la coopérative ne peut jamais exclure un coopérateur. C'est exactement l'inverse des règles du marché libéral. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Didier Rambaud .  - L'organisation des coopératives agricoles a été au coeur de nos débats sur la loi EGalim.

Nous n'étions pas tous d'accord sur le véhicule législatif à utiliser, mais nous étions tous d'accord sur la nécessité de refonder le modèle coopératif, ce modèle fait d'entraide où un homme égale une voix, qu'il faut conserver.

Le Gouvernement s'est donné six mois pour réaliser une refondation ambitieuse. La modernisation portera sur la rémunération, la transparence et les conditions de départ des coopérateurs. C'est nécessaire.

L'ordonnance garantira la régularité des pratiques.

Le HCCA, institué en 2006 par la loi d'orientation de l'agriculture, manque de moyens. Après trois années d'existence, le médiateur de la coopération, quant à lui, n'a reçu que six dossiers. Il n'est pas assez visible et on lui reproche un manque d'indépendance et de moyens.

Les 2 600 coopératives françaises jouent un rôle essentiel, avec 86 milliards de chiffre d'affaires et plus de 165 000 salariés, pour la cohésion de nos territoires.

Je salue l'action de Coop de France qui publiera au printemps un code de gouvernance afin d'accompagner les coopératives et d'apporter des réponses concrètes aux questions qui sont posées dans les coopératives et par la société.

Je salue enfin le Gouvernement qui a fait le choix de la concertation. (M. Pierre Louault et Mme Michèle Vullien applaudissent.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ce débat est tout à fait opportun alors que le Gouvernement va légiférer par ordonnances.

La coopérative Tereos connaît des difficultés à cause de la fin des quotas sucriers et de choix internationaux hasardeux. Quelque 70 des 73 conseillers de région ont démissionné et plusieurs coopérateurs ont été exclus pour avoir critiqué la décision de façon trop virulente. Parmi les mesures prévues dans les ordonnances, la transparence des informations est importante.

Je suis un fervent défenseur des organisations communes agricoles. La modernisation de l'agriculture française doit s'appuyer sur les coopératives.

Le principe cardinal d'une voix par coopérateur est de plus en plus difficile à appliquer. Les montages des coopératives se sont complexifiés. Certaines ont désormais une dimension internationale, ce qui représente un nouveau défi.

Pour retrouver de la valeur, chacun doit prendre part à la stratégie. Le pacte stratégique doit leur être soumis systématiquement.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes pour plus de transparence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; MM. Didier Rambaud et Pierre Louault ainsi que Mme Michèle Vullien applaudissent.)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les coopératives sont le fruit de l'Histoire : c'est à la fin du XIXe siècle que les agriculteurs ont choisi de faire ensemble ce qu'ils ne pouvaient pas faire seuls. Ils ont posé les droits et devoirs de chacun. Las, aujourd'hui, les droits supplantent les devoirs. N'est-ce pas au fond dans l'exercice permanent et facile de la critique que notre problème réside ?

Les principes sont clairs : investir ensemble, en participant de façon égalitaire au capital social, valoriser les produits, assurer le meilleur retour au producteur, valoriser le capital social pour constituer un patrimoine au coopérateur. Nos agriculteurs doivent prendre le temps de s'informer et mener une réflexion collective pour mieux faire ensemble.

Les règles doivent être rappelées : le modèle démocratique, un adhérent-une voix, pas de passe-droit, article premier qui oblige la coopérative à collecter toute la production de l'adhérent et ce dernier à la livrer tout entière.

Je regrette que les adhérents ne s'approprient pas suffisamment la coopérative qui leur appartient. J'entends trop souvent dire « la coopérative » au lieu de « ma coopérative ». Les adhérents doivent être acteurs et non spectateurs !

Les treize grands groupes sont souvent critiqués : trop agroalimentaires, trop industriels. Ces critiques ne sont pas fondées. Dans un environnement concurrentiel et mondialisé, ces grandes coopératives ont su aller chercher la croissance. Comment ne pas être fiers de ces grandes marques : Yoplait, Candia, Béghin-Say...

La coopérative, c'est aussi la garantie du prix payé au producteur. Certains estimeront toujours que l'herbe est plus verte dans le pré du voisin et se tournent vers des entreprises privées... Pourtant, les grandes coopératives n'ont-elles pas sauvé des entreprises privées comme Entremont ou Sud Lait ? Ne permettent-elles pas la collecte partout sur le territoire, y compris dans les zones de montagne, ce qui évite la concentration de la production ?

Avec 72 % de coopérateurs, reconnaissons que le modèle répond aux défis de demain. Dissocions gouvernance et statut, faisons le pari du collectif sur l'individualisme.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Laurent Duplomb.  - Ces coopératives sont un exemple de la gestion fraternelle qui manque tant à notre société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Merci au groupe Union centriste d'avoir proposé ce débat. Les coopératives sont des acteurs incontournables du développement économique et de l'aménagement du territoire. Quelle que soit leur taille, les principes, issus d'une longue tradition, sont les mêmes. Les coopératives ont étendu leur champ de compétences de la collecte à la commercialisation, puis aux semences ou aux engrais... Elles offrent toute une palette de services innovants ; leur champ de compétences techniques est large et diversifié.

Le tissu coopératif, c'est 93 % de TPE-PME. Je connais le sujet pour avoir travaillé trente ans pour la coopérative Alpesud, dans les Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence.

L'interdiction de cumuler conseil et vente de produits phytosanitaires, posée par la loi EGalim, ne sera pas sans poser de grandes difficultés.

Si l'exploitation agricole n'est pas certifiée, un conseil indépendant doit être donné sur l'usage des phytosanitaires. Où s'arrête le rôle du vendeur ? Quel sera le coût du conseil indépendant ?

La gouvernance des coopératives s'adapte, mais les évolutions réglementaires provoqueront de profonds changements. Les coopératives doivent pouvoir apporter un conseil de proximité au quotidien.

Avec un chiffre d'affaires global de 84 milliards d'euros, il est essentiel d'améliorer la gouvernance. Même si 32 % des adhérents de Coop de France estiment que leur voix n'est pas assez entendue, ils sont 77 % à juger que le modèle coopératif a vocation à être pérennisé. Pour beaucoup, c'est même un bouclier - mais il faut sauvegarder l'indépendance et l'impartialité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci à l'Union centriste d'avoir choisi ce sujet passionnant.

Lorsqu'on parle des coopératives, il y a deux écueils à éviter : la défiance et la crainte du développement et de la concurrence. Depuis l'origine, l'esprit reste le même. Chacun est libre d'adhérer ou non.

Le système coopératif fonctionne à merveille. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !

Les coopératives participent à l'excédent de la balance commerciale. Je suis très fier que six coopératives fassent 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires. (Mle ministre brandit un graphique.) Elles sont notre fierté, même si l'une d'entre elles a eu des problèmes dans sa gouvernance. Nous suivons ce dossier avec attention : l'administrateur écarté est de retour ; si la liste des pétitionnaires est validée, une nouvelle assemblée générale se tiendra.

Je rends un vibrant hommage aux agriculteurs ayant opté pour le modèle coopératif. C'est un bel exemple de ce que nous pouvons accomplir ensemble. Les coopératives maillent le terrain, contribuant au véritable aménagement du territoire, représentant des emplois non délocalisables.

L'ordonnance prévue par la loi EGalim renforcera la transparence et la régulation. Elle sortira très prochainement ; elle est en train de « tourner », d'être présentée à tous les acteurs concernés : l'objectif est qu'elle soit consensuelle.

L'ordonnance sur la séparation entre vente et conseil est également en train de tourner afin d'être acceptable par les parties prenantes. Il s'agit d'accompagner le développement d'une agriculture moins consommatrice de produits phyto, en responsabilité, avec les représentants des filières.

La relation entre un agriculteur et sa coopérative est unique : il en est à la fois le propriétaire, le client, et le fournisseur. Il y en a de toutes petites, pour les produits de niche ; il y en a de plus grosses, qui exportent.

L'ordonnance précisera l'article premier de la loi EGalim. Elle proposera un cadre rénové de la contractualisation, traitera de l'information sur les modalités de rémunération, des modalités de sortie de la coopérative, de la répartition entre filiales et société mère.

Il faut faire évoluer le HCCA en renforçant ses capacités. Plutôt qu'un gendarme, monsieur Dubois, je préfère qu'il soit un conseiller. Le HCCA contrôlera les statuts de la coopérative, les modalités de fusion ou d'extension territoriale. Les statuts types homologués sont déjà prévus par la loi, inutile de légiférer à nouveau.

Le HCCA vérifiera la conformité des textes régissant le fonctionnement et leur application pratique. Ce contrôle existe : il s'agit de la révision. Le HCCA pourra diligenter des contrôles ad hoc et prononcer des sanctions graduées en cas de manquement : courrier d'avertissement, convocation d'une assemblée générale - c'est la nouveauté dont parlait M. Louault - voire saisine du tribunal.

Les coopératives et leurs membres font très peu appel au médiateur de la coopération agricole, qui est peu visible. Il sera désormais nommé par décret pris après avis du comité directeur du HCCA. Ses interventions doivent être mieux articulées avec celles du médiateur des relations commerciales agricoles. Une charte éthique et déontologique s'appliquera aux membres du HCCA.

Nous ne serions pas allés assez loin ? Nous avons respecté l'habilitation fixée par le Parlement, nous avons beaucoup travaillé avec Coop de France, le HCCA et les organisations professionnelles agricoles. C'est ma méthode : on ne peut pas décider d'en haut, sans en référer au terrain.

La loi d'avenir a renforcé la transparence des coopératives en imposant la publication des comptes des filiales. Mais n'allons pas plus loin, au risque de faire croire à tort à des dysfonctionnements !

Avec une rémunération médiane de 14 500 euros par conseil d'administration et par an, la rémunération des administrateurs n'est pas excessive, sachant qu'elle correspond à 311 jours par an et par coopérative. Un comité des rémunérations existe déjà dans de nombreuses coopératives. Mais ne le rendons pas obligatoire : laissons les conseils d'administration prendre leurs responsabilités.

Chaque fois qu'une structure croît, elle est confrontée à des problèmes de gouvernance. La montée en compétence des administrateurs est indispensable pour qu'ils puissent « challenger » le directeur général. Quand le politique est défaillant, la technostructure prend le pouvoir. Idem dans les coopératives !

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas rassurant ! (Sourires)

M. Didier Guillaume, ministre.  - Pour en connaître beaucoup, je sais que les présidents et les administrateurs sont des personnes compétentes et passionnées. J'ai confiance en l'avenir des coopératives ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE)

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 18 heures.

Mobilités du futur

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les mobilités du futur, à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective.

Mme Michèle Vullien, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, SOCR, LaREM et Les Indépendants) Ce travail collectif sur les nouvelles mobilités au service des territoires a été réalisé sous la houlette de Roger Karoutchi, excellent président de la délégation à la prospective. Quelques semaines plus tard, les gilets jaunes manifestaient contre la hausse des prix du carburant qui grève le pouvoir d'achat de ceux qui n'ont pas d'alternative à la voiture.

Nous vivons une révolution des mobilités, avec de nouveaux modes de déplacement. Ce n'est pas seulement une question de mode. La mobilité est une condition essentielle au développement d'un territoire, dans sa dimension économique, sociale et environnementale - les trois piliers du développement durable.

Pendant cinquante ans, promouvoir la mobilité s'est résumé à favoriser la voiture individuelle mais ce modèle a trouvé ses limites : congestion, pollution, dépendance au pétrole. Les transports collectifs ou partagés, le vélo en libre-service enrichissent les mobilités connectées dans les zones denses. Mais comment faire en zone rurale ? Des territoires entiers risquent de rester au bord du chemin...

Les autorités organisatrices de transport (AOT) ne couvrent pas l'ensemble du territoire. Le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) remédiera à cette lacune en supprimant les zones blanches en la matière. Veillons à ne pas aggraver la fracture territoriale ! Ayons un pilotage politique fort qui accompagne, encadre et organise, pour que les mobilités connectées profitent à tous. La mission confiée à M. François Philizot sur la desserte fine des territoires va dans le bon sens.

Le TGV a été longuement préparé, la voiture a mis soixante ans à s'imposer. Désormais, avec les nouvelles technologies, les entreprises testent leurs solutions en conditions réelles : grâce à des applications, vélos et trottinettes en libre-service sont mis sur les voies, de nouveaux acteurs concurrencent les taxis.

Cela vient percuter nos politiques de transport, qui sont des politiques du long terme. L'innovation ne doit pas conduire à l'anarchie. C'est pourquoi il faut un pilotage politique de mobilités à deux niveaux : par les collectivités territoriales pour les mobilités de proximité et par l'État pour les autres.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Michèle Vullien, rapporteure.  - La ruralité n'est pas condamnée par l'évolution des mobilités. Nous souhaitons le maillage pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, SOCR et Les Indépendants)

Mme Françoise Cartron, rapporteure de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Lorsque nous avons choisi ce sujet, nous ne pensions pas être à ce point dans l'actualité !

Les enjeux sont multiples. L'enjeu environnemental : les transports contribuent pour 30 % aux émissions de gaz à effet de serre. L'enjeu industriel : la chaîne de valeur se transfère vers les fournisseurs de données ou les fabricants de batteries, majoritairement asiatiques et américains. L'Europe va-t-elle conserver une industrie des transports innovante ?

L'enjeu est aussi social, car l'absence de solution de mobilité est un facteur d'exclusion et un frein à l'emploi. La mobilité numérique pose la question de l'exclusion numérique, sachant que l'illectronisme touche trois à six millions de personnes et que certains territoires ruraux sont encore en zone blanche.

L'enjeu territorial est enfin essentiel. Les mobilités relient certes des territoires, mais avant tout des femmes et des hommes.

Plusieurs critères influencent les mobilités, à commencer par les dynamiques territoriales, avec un risque de polarisation accrue autour des métropoles. Quel sera le coût des nouvelles mobilités et comment les financer ? Quelle gouvernance publique, quelle coordination des acteurs ? Attention à ce que les mobilités nouvelles ne soient pas cantonnées aux territoires les plus attractifs. Les progrès viendront des micro-initiatives sur le territoire - covoiturage, pistes cyclables, etc.

La délégation propose un pilotage à deux niveaux, avec des AOM à compétence large partout, des moyens en ingénierie renforcés, moins de freins réglementaires à l'innovation et une meilleure association des citoyens. Préservons les capacités d'investissement national dans les infrastructures de transport.

La deuxième exigence est celle de l'intermodalité : il faut multiplier les alternatives à la voiture en créant des pôles multimodaux, au travers de parcs-relais, avec des systèmes d'information des voyageurs fiables. Imposons l'ouverture des données mobiles, encourageons les start-up et l'innovation en France, captons les fonds européens et permettons aux particuliers de participer à ces services.

Les futurs débats sur la LOM permettront de rentrer plus en détail dans ces sujets. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Roger Karoutchi, président de la délégation à la prospective.  - Très bien.

M. Didier Mandelli, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire .  - Veuillez excuser le président Maurey, retenu dans son département par le lancement d'un autre débat avec le président de la République. (Sourires)

La commission m'a fait l'honneur de me nommer rapporteur du projet de loi d'orientation des mobilités, déposé le 26 novembre sur le bureau du Sénat. Je salue le travail de la délégation sénatoriale à la prospective, très complémentaire de celui mené par notre commission, et la qualité de son rapport de novembre 2018. Quatre des cinq rapporteurs participent d'ailleurs activement aux auditions que je conduis, avec Françoise Gatel, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Les grandes mutations en cours doivent être bien comprises pour faire des choix dans un contexte que l'actualité rend sensible. Les mutations sont entremêlées : une révolution des usages, qui recoupe des enjeux environnementaux, économiques, industriels et territoriaux, et une révolution numérique qui impacte offre et demande de transports, véhicules et modes de conduite et qui soulève des questions juridiques diverses - de l'ouverture de données au statut des personnes travaillant pour les plateformes de mise en relation électronique.

Pensons les mobilités de demain comme des outils pour réduire les fractures actuelles. Le covoiturage, le free floating ne doivent pas être l'apanage des villes tandis que les zones rurales seraient condamnées à l'auto-solisme et pénalisées financièrement.

Aux États-Unis, les innovations concernent surtout les villes et les plus jeunes, comme l'a montré une récente étude. Mettons les mobilités du futur au service du désenclavement des territoires !

C'est grâce aux sénateurs du Conseil d'orientation des infrastructures que priorité a été donnée au désenclavement des petites villes.

Le projet de loi d'orientation y répond, avec la généralisation des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), alors que 80 % du territoire représentant 30 % de la population ne sont pas couverts. Citons aussi la possibilité d'élaborer des plans de mobilité rurale, l'ouverture des données de mobilité ou l'expérimentation de solutions nouvelles dans les zones peu denses. D'autres articles visent à développer le covoiturage ou les bornes de recharge.

Pour que cela suffise, il faut un financement pérenne et crédible à l'appui de ce projet de loi. Les collectivités territoriales doivent avoir les moyens, les outils, les marges de manoeuvres pour soutenir les initiatives. Faites confiance à l'intelligence des territoires !

Les financements doivent être transparents et des services créés dans tous les territoires, en concertation avec les collectivités territoriales. Les contrats opérationnels de mobilité sont de bons outils à l'échelle des bassins de mobilité.

Ce débat nourrira celui autour du projet de loi. Le travail se poursuit, nous avons déjà mené 65 auditions et d'autres vont suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Michèle Vullien et M. Olivier Jacquin applaudissent également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Merci pour ce débat et ce rapport d'information qui arrivent au moment opportun.

Les transports occupent une place centrale dans la vie quotidienne ; ils conditionnent l'accès à l'éducation, à l'emploi, à la santé, à la culture et à de nombreux services. L'accès à la mobilité pour tous et partout est facteur de cohésion sociale et territoriale. L'urgence environnementale nous oblige également à des mesures fortes.

La colère des gilets jaunes a montré l'importance de l'enjeu : offrir à tous l'accès à une mobilité abordable et soutenable pour l'environnement. La révolution numérique et l'émergence de l'économie du partage sont des opportunités à saisir pour répondre aux attentes. Les nouvelles mobilités offrent une alternative à la voiture thermique, souvent seule solution de transport dans les territoires ruraux.

Je partage les constats de votre rapport d'information, dont je salue la qualité. Vous prônez une solution de mobilité pour tous, dans tous les territoires. Le projet de loi d'orientation traduit l'engagement du président de la République de donner la priorité aux déplacements du quotidien. Il a été nourri par l'intense travail de concertation entamé avec les assises de la mobilité.

Le premier pilier concerne la gouvernance des mobilités, avec l'objectif de couvrir 100 % du territoire par les AOM - contre seulement 20 % actuellement - en privilégiant l'exercice de la compétence intercommunale, avec intervention de la région en cas de nécessité. Les collectivités auront de nouveaux outils pour promouvoir des mobilités plus partagées et plus propres. L'exercice de ces compétences s'appuiera sur le versement mobilité, ex-versement transport. Il faudra se pencher aussi sur l'adéquation entre le potentiel fiscal et les besoins.

Le deuxième pilier est le soutien à l'innovation, avec l'ouverture des données de transport et des services de billettique multimodale. Cela permettra d'offrir aux voyageurs toutes les informations sur les mobilités dans leur territoire.

La stratégie de la France en faveur du véhicule autonome donne la priorité aux navettes autonomes.

Troisième pilier, la transition vers la neutralité carbone, qui suppose de changer les comportements. Les mobilités actives, et en particulier le vélo, peuvent jouer un rôle accru. C'est l'enjeu du plan vélo qui prévoit de tripler la part du vélo dans nos trajets quotidiens d'ici 2024.

Certes, la voiture restera parfois incontournable. Nous la voulons plus partagée, plus propre et plus économe. L'objectif est que nos concitoyens puissent se passer de leur deuxième ou troisième véhicule.

Quatrième pilier, les investissements dans les infrastructures, qui augmentent de 40 % par rapport au précédent quinquennat, iront aux infrastructures essentielles pour les mobilités quotidiennes, au désenclavement routier des territoires ruraux et les villes moyennes. Nous concentrons les moyens sur ce qui sert le quotidien : des routes et des voies ferrées en bon état, des itinéraires enfin achevés plutôt que de grands projets. (M. François Bonhomme s'exclame.)

Les enjeux sont aux mains des porteurs de projet, dans les territoires qui, vous le savez, regorgent d'initiatives et de solutions innovantes.

J'ai lancé la démarche French Mobility pour favoriser les expérimentations. Il s'agit de donner aux porteurs de projets tous les outils, juridiques et opérationnels, pour que les solutions concrètes se déploient. Les nouvelles mobilités incluent et rassemblent, elles doivent être accessibles à tous. Le grand débat est une nouvelle opportunité d'écouter les Français et de faire connaître nos actions. Nous avons décalé de quelques semaines le débat sur le projet de loi d'orientation afin de tenir compte des propositions qui pourraient l'enrichir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et SOCR)

Mme Martine Filleul .  - Penser les mobilités du futur, c'est favoriser les déplacements respectueux de l'environnement et de la santé, donc réduire la part du trafic routier, première cause de la pollution de l'air. La congestion dans les grandes villes est un fléau qu'il est urgent de réguler. Plusieurs solutions, comme les péages urbains sont envisageables - le principe en était inscrit dans l'avant-projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Les métropoles de Lille et Grenoble ont aussi envisagé un écobonus rétribuant les habitants qui évitent d'utiliser leur automobile pendant les heures de pointe. Face aux revendications des gilets jaunes contre une taxation injuste, pénalisant les ruraux, le Gouvernement a supprimé les articles relatifs à leur expérimentation au sein du projet de loi LOM, sans distinguer pénalité et récompense. Madame la ministre, envisagez-vous de revenir à la possibilité d'un écobonus ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Les péages urbains existent dans la loi depuis le Grenelle de l'environnement. Nous pensions préciser ses modalités mais il nous a semblé préférable, compte tenu des circonstances, de supprimer nos précisions mal comprises.

À Lille, le projet de système inversé de péage urbain favorise les usagers vertueux. Mais l'application nécessite un recours large à la vidéosurveillance, de façon disproportionnée par rapport à l'impératif de respecter la vie privée des automobilistes. Nous recherchons une solution, en concertation avec la CNIL.

Mme Martine Filleul.  - Il y a urgence à trouver des solutions pour lutter contre la pollution atmosphérique dans les métropoles. Une catastrophe sanitaire se prépare. L'État doit accompagner les collectivités territoriales innovantes en la matière.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - La lutte contre le réchauffement climatique est indispensable. L'hydrogène représente une solution intéressante, bien que coûteuse, adaptable au transport individuel aussi bien que collectif. Le récent plan Hydrogène est une première intéressante, mais nous devons être plus ambitieux pour développer une filière innovante - des Länder allemands en sont, eux, à signer avec Alstom pour des trains utilisant l'hydrogène.

Où en sont les initiatives soutenues depuis 2015 ? Les collectivités territoriales seront-elles incitées à recourir à l'hydrogène pour leurs propres flottes ? Le Gouvernement envisage-t-il de renforcer sa production d'hydrogène, sachant que la filière pourrait représenter 6 milliards d'euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement est convaincu de l'intérêt de l'hydrogène dans le développement des mobilités propres, en particulier pour les véhicules lourds et les flottes captives. Nous avons présenté un plan de développement dans ce sens. Nous avons ainsi élargi à l'hydrogène les mesures de verdissement, par exemple le suramortissement poids lourds, le bonus écologique ou encore la prime à la conversion. Nous soutenons également l'émergence d'écosystèmes favorables à l'usage de l'hydrogène - l'Ademe a lancé un appel à projets en octobre pour développer des clusters.

Nous avons aussi confié au député Benoit Simian une mission sur le train à hydrogène.

Mme Nadia Sollogoub .  - De nouveaux modes de mobilité s'imposent. Les territoires urbains s'organisent mais les territoires ruraux demeurent dépendants du véhicule individuel.

Les nouvelles mobilités posent des questions d'usage de l'espace public et de responsabilité assurantielle. Des voies seront-elles dédiées aux véhicules autonomes ? Dans le cas contraire, comment s'organisera la cohabitation entre véhicules ? La priorité, pour la mise en service des véhicules autonomes, ce devrait être le milieu rural, plus sécuritaire.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il y a là des enjeux d'innovation et d'acceptabilité. Cette cohabitation existe déjà avec des véhicules bénéficiant d'une assistance à la conduite, de freinage d'urgence automatique, de régulateur de vitesse ou encore de maintien sur la voie. L'État soutient les expérimentations en cours sur les véhicules autonomes, elles amélioreront les connaissances en particulier sur l'acceptabilité de ces véhicules.

Le Gouvernement est favorable aux navettes autonomes, elles doivent bénéficier à l'ensemble des territoires, y compris ruraux. Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour connaître leurs besoins dans ce domaine.

Mme Nadia Sollogoub.  - Merci pour ce soutien, mais il faudra des moyens supplémentaires, car les territoires ruraux peinent déjà à entretenir leur voirie...

M. Alain Fouché, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Les mobilités se trouvent au coeur des préoccupations de nos concitoyens. La liberté de chacun à circuler à un coût raisonnable doit être préservée.

La mobilité du futur doit être plurielle, intelligente, collaborative, propre, solidaire et responsable. Il faut sortir de la dépendance à la voiture, tout en prenant en compte les spécificités des territoires ruraux. Comment utiliser les mobilités innovantes pour reconnecter le rural et l'urbain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je vous rejoins : les nouvelles mobilités doivent profiter à tous et partout. L'innovation ne doit pas être un privilège de citadin. Nous devons soutenir l'innovation et l'expérimentation dans ce domaine. C'est l'objectif de l'appel à projets French Mobility. Quelque 26 projets dans des territoires ruraux et périurbains sont soutenus en ingénierie. Cette dynamique sera poursuivie et étendue à d'autres territoires. Les régions devront s'assurer que tout leur territoire, d'ici 2021, est couvert par une solution numérique.

M. Alain Fouché, rapporteur.  - Votre réponse me satisfait pleinement.

M. Didier Rambaud, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Le projet de loi d'orientation sera l'occasion de débattre de nos choix de mobilité. En Isère, nous travaillons sur un projet commun à plusieurs AOT pour organiser les mobilités dans le sud du département. Nous avons repéré les difficultés liées à l'étalement urbain depuis longtemps, avec le recours accru à l'automobile. Nous avons besoin d'intelligence territoriale, de nous adapter. Nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi un bus ne va pas un peu plus loin, et ce à cause d'une limite territoriale. Il faut permettre aux territoires de constituer des communautés de projets s'agissant des mobilités en levant les freins à leur constitution. Quelle est votre position sur cette question ? Le taux unique du versement transport peut constituer un obstacle. Comment favoriser les projets de coopération au service de nos concitoyens ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je suis convaincue de l'intérêt d'une meilleure coopération entre collectivités territoriales à l'échelle des bassins de mobilité. C'est l'un des objectifs de la LOM. Cette coopération doit permettre d'organiser intelligemment la complémentarité entre mobilités - par exemple via les contrats opérationnels de mobilité. Le projet de loi facilite également le rapprochement des syndicats mixtes pour moduler le taux unique de versement transport. Une cellule régionale rassemblera l'ensemble des compétences et des acteurs locaux.

Mme Éliane Assassi .  - Si nous encourageons évidemment le développement des nouvelles mobilités, nous estimons que le rail doit demeurer la pierre angulaire des politiques publiques de transport. Mais l'offre ne cesse de se réduire, notamment dans les zones peu denses. Les petites lignes ferment, les petites gares sont supprimées, les trains de nuit disparaissent. Les 62 000 km de rail des années 1930 ont été divisés par deux et le rapport Spinetta préconise la suppression de 10 000 km de lignes. Une étude menée en juin 2018 par l'association des usagers AFNOT montre pourtant que le train est préféré au car. Un train remplacé par un car, c'est une baisse de 40 % de voyageurs. Un car remplacé par un train, c'est une hausse de 65 %. Allez-vous favoriser davantage le train ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous n'avons pas la même vision de la réforme ferroviaire : elle a vocation à donner un nouveau souffle au train. Je vous rappelle qu'elle s'accompagne d'une augmentation de 50 % des moyens consacrés à l'entretien et à la régénération du réseau ferroviaire. J'ai confié au préfet Philizot une mission sur l'adaptation de l'offre ferroviaire en fonction des besoins de chaque territoire. Les lignes de desserte fine, cependant, ne feront pas de porte à porte, il faut d'autres modes de transports, complémentaires - c'est l'un des enjeux des nouvelles mobilités.

M. Philippe Dominati .  - En Île-de-France, quatre sociétés se partagent des travaux d'infrastructures avec des devis élevés, toujours dépassés, et des délais fluctuants, chaque fois différés.

Une nouvelle gouvernance est-elle prévue en matière de transport en Île-de-France ? J'apprends que le projet Charles De Gaulle Express pourrait être mis en cause par la présidente de région et la maire de Paris. Le préfet de région vient de lancer une concertation. Respecterez-vous la volonté de la présidente de la région et de la maire de Paris ? N'y a-t-il pas quelque chose à faire pour le déficit de 23 milliards d'euros de la Société du Grand Paris. La gouvernance doit être modernisée.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'État travaille avec les collectivités territoriales en Île-de-France comme ailleurs. Les investissements sont inscrits dans un contrat de plan État-région. En Île-de-France, il n'a pas été modifié depuis l'arrivée du Gouvernement auquel j'appartiens car la région ne l'a pas demandé.

En Île-de-France, l'État soutient les transports publics, contrairement à ce qui se passe dans d'autres métropoles - qui aimeraient pourtant que ce soit le cas.

L'État, depuis des années, a indiqué que le CDG Express ne serait pas financé par des subventions publiques - même s'il a consenti un prêt du Trésor.

Je prendrai en compte l'avis des collectivités territoriales et l'enjeu national de la plateforme CDG. Je note toutefois que Mmes Hidalgo et Pécresse ne disent pas la même chose...

M. Michel Dagbert .  - Je porte un grand intérêt aux mobilités du quotidien. Mais le Parlement britannique vote aujourd'hui sur le Brexit. On apprend que, sur décision du ministre Chris Grayling, 100 millions de livres sont sur la table pour soutenir trois armateurs assurant les liaisons entre le Royaume-Uni et l'Europe continentale sans passer par Calais.

Sans remettre en cause la souveraineté anglaise, quelles mesures prendre pour rassurer les transporteurs ? Trouvez-vous cette intervention du gouvernement britannique, bien conforme aux règles de la concurrence ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous avons demandé des explications au gouvernement britannique.

Nous nous préparons à toutes les éventualités, y compris un Brexit sans accord, afin de renforcer les moyens des contrôles douaniers et sanitaires, qui n'étaient pas nécessaires jusqu'ici. Nous travaillons également sur les aménagements d'espace nécessaires à ces contrôles. Calais peut bénéficier de subventions importantes au titre du Mécanisme d'interconnexion européen (MIE), faisant partie du réseau central.

M. Michel Dagbert.  - Bon nombre d'acteurs sont inquiets de ces annonces. Le 6 novembre 2018, vous avez pu constater leur mobilisation.

Mme Sylvie Vermeillet .  - Faudra-t-il aménager les axes urbains pour prendre en compte les nouveaux engins de la mobilité du futur - telles les trottinettes électriques, les overboards ? L'État y participera-t-il ? L'État placera-t-il la priorité sur les mobilités urbaines ou préfèrera-t-il traiter les carences dans les territoires ruraux ?

Vous avez parlé d'un effort majoré de 40 % sur le ferroviaire et le routier. Quelle en sera la répartition ? Quels dossiers avez-vous reçus dans le cadre de l'appel à projets French Mobility ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous répondons à tous les territoires mais force est de constater que l'innovation est concentrée dans les grandes villes et que les start-up veulent faire connaître leurs solutions d'abord à Paris, à Lyon ou à Toulouse.

C'est le rôle de l'État de s'assurer que tous les territoires en profitent. La priorité est cependant la rénovation des axes ferroviaires et routiers.

Nous oeuvrons pour supprimer les zones blanches de la mobilité, en rénovant les routes qui en ont le plus besoin. Cela passe notamment par l'encouragement des petites intercommunalités à travailler avec les plus grandes, en particulier pour moduler le versement transport et le versement mobilité.

L'objectif est de démultiplier les solutions qui fonctionnent, le plus rapidement possible.

Mme Sylvie Vermeillet.  - En novembre, l'État a annoncé le zonage de 124 territoires d'industrie. Il serait heureux de les coordonner avec le transport.

M. Philippe Pemezec .  - Les autorités sont nombreuses à s'occuper de transport dans une région comme l'Île-de-France, sans coordination efficace. Le rôle ne devrait-il pas en revenir à la région ? L'État, qui veut tout faire, fait tout mal...

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je ne partage pas votre vision. Les compétences de transport sont décentralisées. Les autres régions seraient très satisfaites que l'État n'intervienne plus en Île-de-France et qu'il redistribue ses subventions aux autres régions... (Sourires)

L'architecture actuelle valorisant la mobilité de proximité, avec la région comme chef de file, me semble être la bonne, elle réserve des possibilités de mutualisation qui tiennent compte des territoires.

En Île-de-France, c'est IDF Mobilités qui a pour rôle d'organiser l'ensemble des mobilités.

M. Philippe Pemezec.  - Je retiens l'idée d'une région chef de file. Paris, totalement congestionné, interdit son entrée aux banlieusards. Chacun préférerait sans doute des transports en commun moins polluants.

Mme Victoire Jasmin .  - Il est urgent pour les DOM, et notamment la Guadeloupe, qui est un archipel, d'organiser un service public de mobilité à l'échelle de tout le territoire, pour en assurer la continuité territoriale pour les passagers et les marchandises.

Grâce à la péréquation horizontale, les zones les plus enclavées profiteraient des bénéfices des transports dans les zones les plus denses. Cela décongestionnerait les axes routiers et améliorerait la sécurité des usagers.

À l'heure actuelle, La Désirade subit un isolement sans précédent depuis que le seul bateau qui effectuait la liaison a cassé son moteur. Seuls les marins-pêcheurs assurent cette desserte.

Il faudrait privilégier les transports doux en centre-ville pour éviter l'usage systématique de la voiture. En 2018, sur 33 victimes de la route, 11 étaient des piétons.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Victoire Jasmin.  - Je conclus en rappelant que c'est 140 à 150 euros pour quinze minutes de transport pour La Désirade.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il faut effectivement lutter contre la congestion notamment par une coordination assurée par la région, le cas échéant par le biais d'un syndicat. C'est ce qui a été étudié à La Réunion. On peut et on doit progresser pour offrir des alternatives à la voiture.

Quant à la desserte de La Désirade, le sujet relève des collectivités territoriales mais le préfet est mobilisé.

M. Michel Raison .  - Cet après-midi, le président de la République, dans l'Eure, a de nouveau dressé le constat d'une fracture entre les territoires de notre pays. C'est le cas notamment en matière de mobilité.

L'heure n'est plus aux constats. Comment allez-vous bouleverser le logiciel français d'abandon des territoires ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Depuis dix-huit mois, je soutiens qu'il faut modifier totalement nos priorités. Dans les territoires victimes du tout TGV, les citoyens sont condamnés au tout voiture. Nous devons y répondre en donnant la priorité à l'entretien des réseaux, au désenclavement des territoires, en offrant plus de solutions ferroviaires quand il y a une congestion automobile, en reprenant des projets anciens que les territoires attendent depuis longtemps.

Nous voulons proposer une alternative à la voiture pour au moins se passer d'une deuxième, voire d'une troisième voiture.

M. Michel Raison.  - J'ai un doute quand vous dites que vous mettrez en oeuvre les projets anciens. C'est une bonne occasion d'écouter le Sénat qui émet des propositions.

Vous auriez pu nous écouter sur les 80 km/h ou sur la taxe sur les carburants, pour éviter l'étincelle qui allait allumer la mèche de la marmite qui bouillonnait depuis déjà bien longtemps ! Écoutez le Sénat, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE ; M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective, et Mme Victoire Jasmin applaudissent également.)

Mme Christine Lavarde .  - Les trois quarts d'émissions à effet de serre sont dus aux transports. Les véhicules électriques n'émettent pas là où ils circulent. Leur développement est fulgurant - les immatriculations ont bondi de 25 % entre 2017 et 2018. Il est important de prendre en considération le cycle de vie de leurs batteries. Le recyclage est perçu comme une contrainte et les constructeurs font le minimum. Or il pourrait être amélioré. C'est la condition du succès écologique des véhicules électriques. La filière sera-t-elle prête lorsque les premières batteries arriveront en fin de vie ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La mobilité électrique diminuera la pollution de l'air et réduira l'émission de gaz à effet de serre. Nous avons l'objectif de multiplier par cinq le parc électrique d'ici la fin du quinquennat et d'arrêter la vente des véhicules thermiques à l'horizon 2040.

Premier volet : s'assurer que la France est attractive pour les fabricants de batteries, ce qui apporte des emplois mais aussi améliore notre mix décarboné. Deuxième enjeu : le recyclage. Les batteries peuvent avoir une seconde vie mais il faut aussi travailler avec les fabricants sur une filière de récupération et de réutilisation des batteries usagées. Nous devons enfin savoir trier entre les batteries selon leur contenu en carbone, et favoriser leur performance environnementale. Tel est le sens de notre feuille de route.

M. Jean-Marc Boyer .  - Merci pour ce rapport sur un sujet essentiel. Les citoyens ruraux souffrent d'être laissés au bord de la route. Nos territoires doivent être un atout et non un fardeau. Le 80 km/h est vécu comme punitif ; c'est l'un des détonateurs du mouvement des gilets jaunes.

Dans le Puy-de-Dôme, qui a une couverture numérique défaillante et une desserte ferroviaire qui reste limitée avec l'Intercité Paris-Clermont-Ferrand qui ne passera pas à trois heures.... Il serait difficile de déployer des nouvelles mobilités, qui nécessitent justement une couverture numérique performante. Où en sommes-nous, un an après la signature de l'accord entre l'État, l'Arcep et les opérateurs ? Les résultats sont-ils à la hauteur des promesses ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je redis toute l'attention que le Gouvernement porte aux territoires ruraux. Dans la partie « programmation » de la loi d'orientation des mobilités, j'ai tenu qu'on ne considère pas comme grands projets les seules lignes nouvelles : les lignes POC (Paris-Orléans-Clermont) et Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) où nous renouvellerons le matériel roulant, en seront donc.

L'objectif est la construction par tous les opérateurs de nombreux sites 4G mais aussi de faire passer en 4G les sites actuellement équipés en 2G et 3G, et d'améliorer la couverture des réseaux de transport. Cela progresse.

M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Ce débat n'est pas celui de la loi Mobilités, mais il l'annonce. Les sujets sont nombreux : Charles de Gaulle Express, Brexit, gilets jaunes.

Un sujet se révèle en creux : les petites lignes ferroviaires, écartées du débat sur la réforme ferroviaire.

Nous devons comprendre les grands enjeux en ayant bien en tête que les dynamiques peuvent être contraires entre zones denses et peu denses.

L'objectif de transport propre est partagé. L'hydrogène est une perspective prometteuse, comme la bascule du transport individuel vers le transport collectif lorsque c'est possible.

La localisation des utilisateurs et des moyens de transport disponibles grâce aux smartphones est un atout mais il faut qu'ils fonctionnent partout et soient dépourvus d'aspects commerciaux.

Le modèle économique de la LOTI n'est pas remis en cause. Mais un nouveau débat sur la taxation des externalités négatives doit être tenu. La location de sa trottinette, vélo ou voiture va-t-elle supplanter le modèle d'achat et de propriété qui est le nôtre aujourd'hui ? Les zones peu denses ne doivent pas être condamnées à être les grandes oubliées. Les mobilités du futur doivent être inclusives.

L'ensemble de ces réflexions seront au coeur de la LOM ; en l'attendant, je vous remercie !

(Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, RDSE et LaREM, ainsi que sur le banc de la commission)

Avis sur une nomination

M. le président.  - Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 et à celles de l'article 65 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu'elle a émis, lors de sa réunion du mardi 15 janvier 2019, un vote favorable, d'une part, à la nomination de M. Jean Cabannes - 27 voix pour, 2 voix contre - et, d'autre part, à celle de Mme Natalie Fricero - 29 voix pour, aucune voix contre - aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.

Prochaine séance demain, mercredi 16 janvier 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 16 janvier 2019

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : MM. Yves Daudigny et Éric Bocquet

1. Nomination des vingt-sept membres de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation

2. Débat sur le thème : « Quelle politique d'attractivité de la France à l'égard des étudiants internationaux ? »

3.  Débat sur le thème : « Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup »

4. Débat sur la solidarité intergénérationnelle

Nomination d'un membre d'une commission

Mme Françoise Ramond est membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.