Conservation et restauration de Notre-Dame de Paris (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.
Discussion générale
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Nous nous rappelons tous où nous étions le 15 avril au soir lorsque nous avons vu les images de Notre-Dame embrasée. C'était il y a déjà six semaines. Plus qu'un monument, la cathédrale est une part de la France, de son histoire et de son identité, bref une part de nous-mêmes. Voilà qui explique que le feu nous ait touchés au coeur. Voilà qui explique que nous ayons tressailli en imaginant le pire, à savoir que nous assistions aux derniers instants de Notre-Dame. Voilà qui explique l'extraordinaire mobilisation de femmes et d'hommes qui, parfois au péril de leur vie, ont arrêté l'embrasement et sauvé les oeuvres exceptionnelles présentes dans la cathédrale.
Je tiens à remercier les sapeurs-pompiers de Paris, aidés et renforcés par leurs collègues des autres départements d'Île-de-France, mais aussi les policiers, les agents du ministère de la Culture, de la Ville du Paris et du diocèse. Si les voûtes restent encore très fragilisées, l'édifice est aujourd'hui sauvé. Nous le devons à leur professionnalisme, à leur dévouement, à leur courage.
Cette mobilisation, c'est aussi celle des experts, des institutions, des entreprises, dont les promesses de dons et les propositions d'aide en compétences se sont multipliées.
C'est surtout une mobilisation populaire, avec des centaines de milliers de dons qui ont afflué pour reconstruire Notre-Dame. Nous avions besoin d'un cadre pour encadrer cet élan de générosité populaire. À ferveur exceptionnelle, il fallait un dispositif d'exception. C'est le sens du texte que nous examinons.
Oui, nous restaurerons Notre-Dame de Paris. Le président de la République a fixé un délai de cinq ans, ambitieux et volontariste. Pour autant, nous ne confondrons pas vitesse et précipitation.
Nous devons offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de sa splendeur, à la hauteur de ce qu'elle symbolise.
La situation nous impose de concilier deux temporalités, celle de l'urgence et celle de la réflexion. Oui, nous voulons aller vite ; on nous l'a reproché. Cependant, l'élan de générosité a été immédiat et il fallait y répondre. Que nous aurait-on dit si nous avions laissé fleurir les arnaques en ligne ? Si nous n'avions pas lancé la souscription nationale, alors que Notre-Dame appartient à la Nation tout entière ? Et si nous n'avions rien fait ?
L'État aurait manqué à sa mission, car c'est à lui qu'il revient de protéger ce patrimoine commun. Il n'y a ni péché d'orgueil, ni rien de déplacé en cela. C'est la responsabilité de l'État d'encadrer la souscription nationale, d'apporter des garanties de sécurité et de transparence aux centaines de milliers de donateurs français ou étrangers. Nous leur devons cette transparence : leurs dons iront uniquement et intégralement à Notre-Dame de Paris, à sa conservation, à sa restauration et à son entretien. Le Gouvernement y veillera.
Certains avancent l'idée que nous aurions déjà trop de fonds collectés. Si certains de ces dons nous sont parvenus, d'autres sont en attente de concrétisation. Et le coût total des travaux n'a pas été évalué. Je remercie les entreprises qui, dès le lundi soir, avec les services du ministère de la Culture, ont accompli un travail exceptionnel, pour sauvegarder l'essentiel. Les phases de diagnostic, puis de restauration n'interviendront qu'après. Il est prématuré d'affirmer que nous aurions des surplus à gérer.
Pour collecter les dons, nous pouvons compter, depuis le 16 avril, sur la mobilisation de la Fondation de France, de la Fondation du patrimoine et de la Fondation Notre-Dame, reconnues d'utilité publique, ainsi que sur le Centre des monuments nationaux, opérateur du ministère de la Culture.
Des conventions pourront être passées entre l'État et chacune de ces trois fondations - ainsi qu'avec certains donateurs. Un amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale a explicité cette démarche.
Un comité de contrôle sera mis en place, qui réunira le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture, du Sénat et de l'Assemblée nationale. Ce contrôle devra s'articuler avec ceux de la Cour des comptes.
La transparence quant au suivi de la souscription et de l'application du dispositif fiscal a été renforcée par les amendements adoptés vendredi à l'Assemblée nationale. L'article 5 bis prévoit que le Gouvernement rendra compte dans un rapport de la part et du montant des dons ayant donné lieu à une réduction d'impôt, et de la participation des collectivités territoriales. L'article 7 impose la publication d'un rapport sur la collecte des fonds, leur provenance et leur emploi.
Concernant l'emploi des fonds, le texte ne portera pas atteinte aux principes des lois de 1905 et 1907, à savoir la laïcité et les droits du culte affectataire. L'intégralité des dons passera ainsi par la souscription nationale, à l'exception de ceux qui ont spécifiquement pour objet de financer la restauration des biens appartenant au diocèse.
Cette loi introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner les dons des particuliers. Je tiens à saluer le travail des ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, mené en étroite collaboration avec nous. Dans la limite de 1 000 euros, le texte porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux, et des trois fondations reconnues d'utilité publique. Ce dispositif, qui ne concerne que les particuliers ou les entreprises unipersonnelles, couvre les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019. Au-delà, l'avantage fiscal reste celui du droit commun.
Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront aussi participer au financement des travaux, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale. L'article 4 lève toute incertitude : les dépenses des collectivités en faveur de Notre-Dame seront considérées comme des dépenses d'équipement. Elles ne seront pas prises en compte dans le calcul du plafond annuel d'évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2 %.
Nous irons vite, mais sans précipitation. La restauration sera exemplaire, à la hauteur de la splendeur de la cathédrale.
Nous écouterons l'avis de tous les professionnels du patrimoine et des architectes des monuments de France. Nous nous donnons le temps de la réflexion pour faire les meilleurs choix possible, même si ce texte a pour vocation de les anticiper.
Le choix de l'organisation du chantier n'est pas finalisé, mais il avance avec la possibilité de créer un établissement public, doté d'un conseil scientifique qui garantira la qualité de la restauration. La maîtrise d'oeuvre sera effectuée dans les règles de l'art par les architectes en chef des monuments de France, sous l'égide de Philippe Villeneuve.
La Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, présidée par Jean-Pierre Leleux, que je salue, (Marques d'appréciation sur les bancs du groupe Les Républicains) sera régulièrement consultée sur l'avancée des travaux et les choix de restauration. Cette commission se réunira le 4 juillet, comme je l'ai annoncé devant votre commission, madame la présidente Morin-Desailly, (M. Roger Karoutchi s'exclame.) Je vous salue également, monsieur Karoutchi ! (Sourires)
Enfin, quel que soit le mode d'organisation retenu, il devra prendre en compte les intérêts légitimes des principales parties prenantes, notamment la Ville de Paris et le diocèse.
Si aucune opération de restauration de monument historique n'avait encore donné lieu à une telle adaptation législative, c'est parce que la situation à laquelle nous faisons face est exceptionnelle. Le chantier s'annonce ambitieux et unique. Pour le mener au mieux, nous voulons nous donner la possibilité d'assouplir certaines dispositions de procédure, dans la stricte proportion des besoins du chantier. Il n'est pas question de se servir de la restauration de Notre-Dame pour piétiner le droit français et européen du patrimoine, de l'environnement, ou de l'urbanisme. En tant que ministre de la Culture, je serai inlassablement le garant de la protection du patrimoine et mobiliserai l'ensemble des ministres concernés. Le travail interministériel des prochaines semaines déterminera les assouplissements de procédure, qui ne remettront nullement en cause le fond de la législation protégeant l'intérêt historique, architectural et symbolique du monument. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Jean-Marc Gabouty, Vincent Capo-Canellas et Roger Karoutchi applaudissent également, ainsi que MM. Rémi Féraud et Pierre Ouzoulias.)
M. Alain Schmitz, rapporteur de la commission de la culture . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur le banc des commissions) Fallait-il une loi pour engager la restauration de Notre-Dame ? Voilà une question que nous nous sommes tous posée lorsque, seulement neuf jours après avoir été saisis d'effroi devant les ravages du funeste incendie, ce texte a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Fallait-il faire appel à la générosité du public pour financer les travaux de restauration de Notre-Dame, monument historique à la charge de l'État ? La mission d'information sur le mécénat culturel, présidée par notre collègue Maryvonne Blondin et dont j'ai été le rapporteur, avait alerté l'an passé sur les effets d'éviction entraînés par les procédures de souscription pour la restauration des monuments historiques appartenant à l'État. Reconnaissons cependant que l'élan de générosité spontané a précédé l'annonce de la souscription nationale !
Si le produit de la souscription se révélait insuffisant pour couvrir le coût des travaux, le Gouvernement s'est engagé à assurer le financement au-delà des crédits inscrits sur le programme 175 et a garanti que sa participation ne se ferait pas au détriment d'autres chantiers et d'autres monuments.
Cette souscription nationale devait-elle être lancée par le biais d'une loi ? Un décret aurait suffi d'un point de vue juridique...
M. Pierre Ouzoulias. - Bien sûr !
M. Alain Schmitz, rapporteur. - La majoration du taux de la réduction d'impôt accordé aux particuliers est-elle vraiment utile ? Les dons ont afflué avant même la modification du plafond de la réduction d'impôt. C'est dire l'émotion qui motive les donateurs. Le rapporteur de la mission d'information sur le mécénat culturel a constaté que nous disposions déjà d'un dispositif fiscal particulièrement attractif. Néanmoins, cette majoration exceptionnelle est surtout symbolique, adressée en remerciement à la générosité des donateurs. Il n'y a pas lieu de la remettre en cause.
Le recours aux ordonnances - que le Parlement considère toujours avec méfiance - ne témoigne-t-il pas d'une précipitation du Gouvernement ? En effet, les habilitations demandées dans deux articles sur les neuf du projet de loi portent sur des sujets fort peu consensuels : la création d'un établissement public spécifiquement chargé de Notre-Dame et des dérogations à la législation sur le patrimoine.
Ces deux dispositions ont été interprétées comme des marques de défiance à l'égard des capacités du ministère de la Culture à conduire lui-même ce projet, compte tenu du souhait qui transparaît de nommer Jean-Louis Georgelin à la tête du futur établissement public et des règles qui régissent la protection patrimoniale. Cette suspicion est d'autant plus grande que ces dispositions interviennent après les atteintes portées par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique à notre législation en matière de patrimoine.
Alors qu'une circulaire du Premier ministre prévoit qu'aucun établissement public ne sera créé sans qu'un autre ne soit préalablement supprimé, on peine à comprendre la volonté de créer un nouvel établissement public. Il est vrai que la formule a déjà été utilisée pour le Grand Louvre, la Bibliothèque François Mitterrand ou le Musée du quai Branly avec succès. Cette solution peut donc être acceptable si elle est encadrée : nous lui avons conféré le statut d'établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministère de la Culture, et sous l'autorité de l'architecte en chef des monuments historiques.
Je déplore toutefois que le Gouvernement laisse planer le doute dans la rédaction de la loi sur ses choix. C'est se défier du Parlement et faire fi de l'intelligibilité de la loi !
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'article 9 prévoyait des dérogations au droit du patrimoine. C'est dangereux. Comment l'État pourrait-il s'affranchir des règles qui sont imposées aux autres ?
De plus, le manque de précision des études d'impact ne permet pas d'apprécier l'ampleur des dérogations souhaitées. Nous avons donc supprimé cet article qui aurait créé un précédent désastreux.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. - Tout à fait.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'inscription du site « Notre-Dame, rives de Paris » au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco impose une restauration fidèle. Nul geste architectural ne s'impose pour que Notre-Dame soit « plus belle encore ». C'est un joyau. Les relevés de la charpente et de la flèche sont conservés. Les statues et le coq ont été sauvés. Pourquoi ne pas restaurer à l'identique ?
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Le Sénat a été décrit récemment dans la presse comme le rempart de la démocratie patrimoniale. Il veillera à remplir ce rôle. (Applaudissements sur la plupart des bancs, sauf ceux du groupe LaREM)
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances . - Pour un évènement exceptionnel sur un bâtiment exceptionnel, fallait-il une loi exceptionnelle ? Non ! Le cadre législatif existant permettait d'agir.
Mais le Gouvernement a voulu un projet de loi d'exception, créant un établissement public et majorant les réductions sur les dons. C'est pourquoi la commission des finances a été saisie au fond des articles 4, 5 et 5 bis.
D'abord, ce texte révèle en creux l'insuffisance des crédits dédiés au patrimoine du ministère de la Culture. Le mécénat est indispensable.
Le recours à la souscription nationale s'inscrit dans un contexte fiscal défavorable aux dons : augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), prélèvement à la source, etc.
Troisièmement, ce texte marque une défiance à l'égard du ministère de la Culture et des acteurs du patrimoine, mais aussi du législateur et des fondations d'utilité publique, dont le rôle est réduit à celui de boîte à lettres ou de guichet.
Enfin, ce texte suscite des réserves dans l'opinion, puisque 72 % des Français seraient opposés à une loi qu'ils perçoivent comme une loi d'exception.
Si les travaux doivent être supervisés par un établissement public, la commission des finances a amendé le texte en cohérence avec cette disposition. Un amendement en limite la durée d'existence à celle des travaux postérieurs à l'incendie. La commission des finances a aussi imposé des conventions entre l'établissement public et les collecteurs de dons.
Nous avons renforcé le rôle des fondations reconnues d'utilité publique, expérimentées en gestion des dons, et accepté la majoration de la déduction d'impôt pour les dons.
Nous avons, toujours avec l'accord de la commission de la culture, recentré le rapport prévu à l'article 5 bis sur les questions fiscales.
Récemment à Illiers-Combray, j'ai été saisi de demandes de maires, comme celui de Meslay-le-Grenet, pour la restauration de leur patrimoine local - qui pour une porte, qui pour un vitrail. Soit il faut supprimer l'article 3, soit l'étendre à toutes les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
M. David Assouline . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Notre-Dame de Paris brûlait : elle n'était donc ni éternelle ni invincible... Devant les flammes, nous nous sentions impuissants, pendant que les pompiers agissaient avec héroïsme, professionnalisme et un immense courage pour la sauver, presque miraculeusement. Merci, mille fois merci, aux sapeurs-pompiers, à la Ville de Paris, aux agents de la Culture.
L'unanimité républicaine fut tout de suite au rendez-vous. L'auteur des Misérables figure de nouveau en tête du classement des ventes de livres, hommage du pays tout entier à la cathédrale qui lui appartient aux yeux du monde.
Sa restauration est notre affaire à tous ; notre histoire, notre patrimoine, notre architecture. Il faut donc le dire : ce texte vise la restauration de Notre-Dame de Paris, pas de Notre-Dame de l'Élysée ! Une si grande dame ne mérite pas ça ! On veut placer le seuil d'entrée en vigueur de la déduction fiscale au discours du président - comme si tout commençait avec lui et par lui ; on repousse la limite d'âge pour nommer une personnalité, fort respectable au demeurant, à la tête de l'établissement public. Oui à une loi exceptionnelle, non à une loi d'exception !
Quant aux dérogations, soit l'État les trouve mauvaises et il doit en changer, soit il les trouve bonnes et il faut les respecter partout.
La restauration doit être durable, et pour cela il faut prendre le temps. Oui, les architectes le disent, en cinq ans il est possible d'ouvrir le bas au culte, et même d'installer un musée de la restauration. Pour cela il faut que les alentours aussi soient restaurés, avec la Ville de Paris. Mais pourquoi tout achever en cinq ans ? Respectons ce monument de 855 ans, dont les bâtisseurs ont pris le temps du travail bien fait.
Monsieur le ministre, renoncez au bon vouloir du prince ; la culture a passé cet âge pour entrer dans celui de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'incendie du 15 avril a suscité une émotion à la hauteur de notre attachement à notre patrimoine. L'exécutif l'a interprété comme une volonté de voir effacées les traces du sinistre le plus rapidement possible. Pierre Dac disait : « rien ne sert de courir si l'on n'est pas pressé ». (Sourires) L'immédiateté chère à notre époque n'est pas un gage de bonne gouvernance.
Presque tous les groupes du Sénat ont déposé des amendements de suppression de l'article 9 introduisant une série de dérogations inopportunes qui forment un précédent dangereux que rien ne justifie.
Quant à l'évolution architecturale de l'édifice, elle ne relève pas de la loi. Le sujet peut être clivant - en témoigne l'âpre débat autour de la construction d'une pyramide de verre dans la cour du plus grand palais d'Europe, il y a trente-cinq ans. Certains ont dénoncé le « degré zéro de l'architecture », d'autres un « appel à l'insurrection » ; le résultat a convaincu les sceptiques.
Le RDSE portera une proposition à contre-courant : la déduction fiscale de 75 % n'est pas justifiée à mes yeux et il semble que les fonds collectés seront suffisants.
Nous préférons la proposition de M. Éblé d'instaurer un crédit d'impôt. Le groupe RDSE demandera donc le maintien d'une déduction à 66 %, même si les donateurs ont versé leur don alors que le Premier ministre avait annoncé la déduction à 75 %.
Monsieur le ministre, la commission de la culture a manifesté une belle unanimité, qui devrait se prolonger dans le débat qui s'ouvre. J'espère que nos échanges avec les députés seront marqués du même esprit. La renaissance de Notre-Dame n'a pas de couleur politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) « J'ai voté contre le projet de loi sur la restauration de Notre-Dame de Paris car la loi en question est à la fois inutile et toxique, dans la mesure où, au nom d'une urgence imaginaire, il remet en cause toutes les garanties procédurales et parlementaires, visant à la préservation du patrimoine et de l'environnement ».
Ces propos très sévères ont été prononcés par Jean-Louis Bourlanges, un député de votre majorité parlementaire, originaire de ma région, pour lequel j'ai beaucoup de considération.
Ce projet de loi de dérogations multiples - aux codes de l'urbanisme, des marchés publics, du patrimoine - donne le sentiment que notre pays n'a pas l'organisation, l'expertise ou les outils pour un tel chantier. Quelle défiance vis-à-vis du ministère de la Culture ! Ses équipes sont à pied d'oeuvre depuis le 15 avril.
Aller vite, pourquoi pas, à condition d'en faire un objectif, non un impératif !
L'argent ne fait pas tout. « Le temps est l'architecte et le peuple les maçons » disait Victor Hugo. Nous ne sommes qu'un maillon d'une longue chaîne.
Prosper Mérimée, alors inspecteur général des monuments historiques - et qui a été sénateur - a confié en 1843 la restauration de la cathédrale à Eugène Viollet-le-Duc. Son travail a abouti à la loi de 1913 sur les monuments historiques en partie détricotée par la loi ELAN.
Comment comprendre ce « deux poids, deux mesures » qu'introduit votre texte ? Notre-Dame a justifié l'inscription en 1991 du site « Paris, rives de la Seine » au patrimoine mondial de l'Unesco.
Notre rapporteur a veillé à introduire la référence à ce texte qu'il serait étrange et dangereux d'ignorer dans le projet de loi. Laissons faire les spécialistes pour déterminer ce qui sera fait.
Je pense, pour ma part, que les Français sont attachés à retrouver la silhouette de Notre-Dame, au sein d'un paysage urbain qui inclut certains édifices, dont la Sainte-Chapelle. Il faut insister sur le rôle pivot de l'architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, à cet égard.
Ce chantier doit être une occasion de valoriser les métiers du patrimoine. Il durera ce qu'il doit durer, et permettra, espérons-le, aux maîtres d'oeuvre de montrer leur travail au public.
Évitons d'écarter, par des marchés globaux non allotis, les petites entreprises du patrimoine.
Ce drame peut être transformé en opportunité, en laboratoire d'une restauration exemplaire, qui sera observée dans le monde entier.
Que les deux rapporteurs soient remerciés ; ils ont, comme la commission de la culture, travaillé dans des délais complètement fous, jour et nuit. Il y a eu précipitation ; le Parlement a été écarté de la réflexion nécessaire à tous. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
M. Jérôme Bignon . - Comme nous tous profondément touché, j'étais sur la passerelle des Arts quand les flammes ont surgi derrière le premier panache de fumée. L'émotion était alors gigantesque. Notre cathédrale n'est pas comme les autres.
Cet incendie a ému le monde entier, tant ce patrimoine rayonne au-delà de nos frontières.
La date du 15 avril restera gravée dans les mémoires ; par l'action des soldats du feu, par l'élan de solidarité qui a suivi, associant grandes fortunes et individus sans fortune.
Ce projet de loi doit être à la hauteur ; le mécénat est un puissant levier d'action au service de l'intérêt général dans 42 300 monuments historiques qui constituent notre patrimoine.
Cet événement doit lancer une réflexion sur ce mécénat, qui peut être un moyen de refonder le lien entre le contribuable et les acteurs publics.
Victor Hugo disait : « Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre ». Ne nous empêchons pas de faire preuve d'audace ; nos prédécesseurs l'ont fait.
Ce projet de loi permet de préparer l'avenir en mieux. Le texte organise la souscription dans un cadre sécurisé et transparent. L'exemplarité devra présider à la conduite de chantier, en prenant en compte à la fois les usages cultuels et politiques de Notre-Dame.
Le Gouvernement n'a pas encore déterminé quel ministère aurait la tutelle de l'établissement public chargé de la reconstruction. Est-il nécessaire de le fixer dans la loi ?
La protection du patrimoine impose des règles très lourdes aux propriétaires privés ; la restauration de Notre-Dame en sera exemptée, notamment pour achever les travaux dans des délais raisonnables.
Le groupe Les Indépendants est partagé sur cette exemption. J'y suis favorable. Il faudra par exemple trouver des pierres pour la restauration, et, selon l'Opecst, il faudra ouvrir des carrières.
Mme Catherine Procaccia. - Exactement !
M. Jérôme Bignon. - Je vous laisse réfléchir : combien de temps cela prendra-t-il, en respectant la législation dans ce domaine, sans dérogation ? (M. André Gattolin applaudit.)
M. André Gattolin . - Je veux d'abord saluer l'esprit de cohésion et de solidarité nationale qui a présidé le 15 avril lorsque nous avons appris l'incendie de Notre-Dame. Saluons le sans-faute du commandement des opérations qui restera dans l'histoire comme un exemple de bravoure et d'intelligence. Saluons aussi la réactivité du président de la République, qui a annulé son intervention télévisée, très attendue...
M. Pierre Ouzoulias. - Il s'est rattrapé après....
M. André Gattolin. - ... et fait des annonces rapides pour restaurer Notre-Dame.
Paris n'est pas Rome, et la culture des ruines n'est pas nôtre, n'en déplaise à quelques romantiques ! L'amour de notre patrimoine nous a toujours conduits à le protéger, pour le faire vivre ou revivre. Nous sommes le pays au monde qui lui accorde le plus d'importance.
Depuis ce drame, nous entendons cependant un cortège sans fin de lamentations, dénonçant le supposé abandon par l'État de notre patrimoine. Aux dires de certains, ce serait l'actuel gouvernement - celui qui précisément a engagé le plus d'actions en faveur du patrimoine au cours des 30 dernières années - qui serait le coupable tout désigné de ce soi-disant abandon.
Notre-Dame de Paris n'était pourtant pas en déshérence : le terrible incendie s'est produit alors que la flèche était en rénovation...
Lors de la dernière loi de finances, examinant le budget consacré au patrimoine, la commission des finances avait même donné un satisfecit au Gouvernement. Aucun amendement n'avait proposé d'en augmenter le budget, à l'exception du groupe CRCE...
Venons-en au texte de loi : la commission a bien entendu le droit de réécrire la proposition initiale si elle ne lui convient pas. Mais dans le cas présent, je cherche encore la cohérence et la sincérité des propos. En commission, le président Retailleau a solennellement dénoncé l'ombre projetée de I'« hybris présidentiel » dans ce dossier. Affirmant même qu'il n'y avait nul besoin d'une loi pour restaurer Notre Dame. Franchement, on trouve bien pire exemple d'hybris présidentiel sous la Ve République, y compris chez certains ex ou futurs candidats à la fonction...
D'ailleurs, nos collègues Les Républicains, contrairement à leurs homologues à l'Assemblée nationale, ont fait preuve de retenue en ne déposant aucun amendement de suppression de l'alinéa 2 de l'article 1 qui placera la souscription ouverte « sous la haute autorité du Président de la République ».
Je ne reviendrai pas sur tous les ajouts et amputations de notre commission, mais sur la notion problématique d'authenticité et de reconstruction à l'identique de l'édifice.
Pour arguer en faveur d'une reconstruction à l'identique de la cathédrale et la restituer « dans le dernier état visuel connu », le rapporteur n'hésite pas invoquer la Charte de Venise de 1964 qui n'a aucune valeur contraignante et qui a fait l'objet d'une intense discussion pour être modifiée par le Document de Nara de 1994 sur l'authenticité et l'interprétation relative à lui donner.
L'invocation dans ce même alinéa de la Convention de l'Unesco de 1972 sur le patrimoine mondial qui, elle, est contraignante est néanmoins inappropriée puisque dans aucun de ses articles n'est fait mention d'une obligation de respecter une quelconque authenticité ou intégrité des monuments classés au titre de ladite convention.
Citer Victor Hugo est souvent de bon aloi, mais veillons à ne pas rejouer la bataille d'Hernani, chers collègues, entre classiques et modernes... (MM. Vincent Eblé et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. Pierre Ouzoulias . - Dans son Historia Francorum, Grégoire de Tours, rapporte que de son temps, en 586, l'île de la Cité fut dévastée par un terrible incendie. L'historien explique que la consécration de la ville la protégeait jadis contre le désastre des flammes, mais que lors du curage des égouts « on y avait trouvé un serpent et un loir d'airain ; qu'après qu'on les eut ôtés, il parut dans Paris des loirs et des serpents sans nombre, et qu'après cela la ville fut prise de l'incendie ».
La cathédrale de Notre-Dame remplaça un groupe épiscopal plus ancien, qui fut détruit et dont les pierres ont été réutilisées pour l'édifice nouveau. La configuration actuelle de la cathédrale doit beaucoup aux travaux de Rambuteau, de Viollet-le-Duc et surtout d'Haussmann.
Sans le dévouement des pompiers, des personnels du ministère de la culture et de la mairie de Paris et des entreprises, il est possible que la vieille cathédrale eût connu un destin aussi funeste que les édifices qui la précédèrent. Aujourd'hui l'essentiel est sauvé, mais la très longue histoire du bâtiment et du lieu nous impose l'humilité. En juillet 1798, le Général Bonaparte, devant les pyramides, déclarait : « Songez que du haut de ces monuments quarante siècles vous contemplent ». Nous pourrions dire : « du haut de ses deux tours, vingt siècles nous regardent ». Non seulement nous devons respecter son histoire architecturale, mais il faut protéger ce lieu de culte et aussi ce monument qui est le plus visité de Paris.
Nos services des monuments historiques ont les compétences pour mettre en oeuvre les projets de restauration les plus difficiles. La doctrine française a même servi à élaborer la Charte de Venise, la Convention de Malte et le Document de Nara. À propos du concept d'authenticité introduit par la Charte de Venise, il est précisé que « les couches d'histoire acquises au fil du temps par un bien culturel, sont considérées comme des attributs authentiques de ce bien culturel ».
Tous les travaux ont contribué à l'élaboration d'une conscience patrimoniale internationale, qui s'est manifestée lors de la destruction des bouddhas de Bamiyan ou de la cité antique de Palmyre. Cette mansuétude universelle, qui s'est manifestée aussi le 15 avril, nous honore et nous oblige.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine peut être considérée comme une transposition aboutie dans le droit français de ces principes. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous voulez y déroger. Certes, le chantier de restauration de la cathédrale sera exceptionnel par sa durée et les moyens humains et financiers qui seront mobilisés. Mais, rien dans son organisation juridique et administrative ne justifie cette loi d'exception.
S'agissant de l'article 8 et de votre souhait d'instituer par ordonnance un nouvel établissement public chargé de la rénovation, dans l'étude d'impact qui accompagne ce projet de loi, le Gouvernement défend son utilité par la seule nécessité d'assurer une gouvernance du chantier « reflétant pleinement la diversité des personnes intéressées à la restauration ». Est-ce à dire, qu'avant l'incendie, la collaboration entre le ministère de la Culture et ses services, la mairie de Paris et le diocèse était déficiente ? Le sentiment qui prévaut est celui d'une dépossession des autorités actuellement compétentes au profit d'un dispositif contrôlé depuis le plus haut sommet de l'État.
Sur le fond, cet exercice de contournement de la loi et des services chargés de l'appliquer jette le discrédit sur toutes nos institutions patrimoniales pour organiser le fait du prince. Comment obtenir de l'élu et du citoyen le respect de la loi si le premier magistrat de la République exige de nous, par ce texte, de s'en affranchir absolument ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous sortons d'une séquence électorale qui a mis en lumière nos différences. Mais d'autres circonstances nous rassemblent et l'incendie dramatique de Notre-Dame en fait partie. Un temps, le feu a éteint nos querelles. Les fumées ont pour un instant recouvert les clivages et nous ont rassemblés en une seule Nation.
Sous les flammes ont percé notre âme et notre coeur, souffrant mais toujours battant. Et d'un mal est sorti un bien, le plus précieux et le plus fragile : l'unité nationale - toujours à recommencer.
Mais je crains que ce signe d'unité soit obscurci par ce projet de loi. Il a fallu des siècles de patience et de persévérance pour ciseler cette synthèse de roses, de stalles et de chimères. Or à la patience et à la persévérance, vous leur substituez l'urgence et la performance - reconstruction en cinq ans !
Y a-t-il urgence ? Oui, certes, à sécuriser, protéger, consolider, mais sans toucher aux lois de 1905 et 1907. Certes, Notre-Dame est plus qu'une cathédrale, mais c'est d'abord cela, et rien ne justifie de bâcler un chantier pour boucler un calendrier. Faut-il aller au plus vite parce que le Président n'attend pas ?
Non, Notre-Dame mérite plus et mieux que le présentisme dans lequel vous vous enfermez, dans le bougisme auquel vous cédez. Jean-Louis Bourlanges, qui appartient à votre majorité, a raison. En y cédant, vous décrédibilisez l'État avec cet article 9. Aux Français qui subissent les règles qu'il édicte, vous dites : les règles sont pour vous, l'exception, c'est pour nous ! Ou alors, si les règles sont mauvaises, supprimez-les !
Pire, vous risquez de décrédibiliser la France, qui a oeuvré à rédiger la Charte de Venise, et dont l'expertise de ses architectes, de ses historiens de l'art, de ses compagnons est mondialement reconnue.
Reconstruire une Notre-Dame « plus belle encore », comme le dit le président de la République : quelle annonce ! J'y décèle la prétention de notre époque qui se croit supérieure aux précédentes.
La seule marque que nos compatriotes veulent voir est celle, non d'un président de la République, mais du temps, la trace du génie des siècles. Au lieu d'un improbable geste architectural, c'est un geste de fidélité qui a quelque chose à voir avec ces gestes de générosité dont ont fait preuve des milliers de Français.
De grâce, ne nous rejouez pas la querelle des Anciens contre les Modernes. Nos compatriotes ne veulent pas disrupter, mais respecter. Et du reste, le seul juge en ces matières est le temps.
Notre-Dame de Paris est née voilà près de neuf siècles. Le temps a fait de ce joyau français un trésor d'humanité. Alors, si vous voulez redonner tout son éclat à ce trésor, donnez-vous du temps ; ne confondez pas vitesse et précipitation. Donnez-vous des règles également ; ne confondez pas audace et prétention.
Si vous le faites, vous aurez notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit aussi.)
Mme Sylvie Robert . - Oui, Notre-Dame est exceptionnelle, mais elle ne doit pas faire l'objet d'une loi d'exception. Elle nous était si familière que nous avions oublié qu'elle était vulnérable. C'est pourquoi nous avons été si abasourdis le 15 avril dernier. L'incendie a mis en lumière l'attachement viscéral des Français et du monde entier à l'égard de Notre-Dame de Paris.
À l'heure de sa restauration, cette vérité nous oblige. En tant que législateurs, le cadre que nous allons fixer conditionnera en partie la fluidité et la réussite du projet. C'est donc une réelle responsabilité qui nous incombe, responsabilité dont nous allons débattre aujourd'hui, mais qui a, en réalité, une portée internationale.
Sur la gouvernance du futur établissement public, nous saluons le travail du rapporteur qui a prévu la tutelle du ministère de la Culture sur cet EPA. Nous souhaitons clarifier encore ce schéma, en distinguant mieux maîtrise d'ouvrage - l'établissement public - et maîtrise d'oeuvre, qui doit revenir aux architectes en chef des monuments historiques. Qui mieux en effet que les spécialistes du ministère de la Culture peut garantir la qualité du chantier ? En revanche, ils ne peuvent aller contre les règles définies par la loi. C'est pourquoi je suis hostile à une loi d'exception.
Nous vous soutenons pleinement, monsieur le ministre, mais ne voulons surtout pas une loi ELAN bis. Nous ne voulons pas rebâtir plus vite Notre-Dame, nous voulons bien la rebâtir. Nos règles de respect du patrimoine sont saluées dans le monde entier : pourquoi y déroger ?
Notre-Dame est au coeur de la Cité, au kilomètre zéro de notre mémoire commune.
Il est important que ce processus d'appropriation perdure pendant les travaux de restauration. Autrement dit que Notre-Dame demeure ouverte sur la ville et sur le monde, notamment via l'aménagement des abords, qui permettra d'organiser des ateliers, d'expliquer le chantier et, par conséquent, d'accueillir du public. D'ailleurs, cette période est de nature à valoriser, et peut-être même à redécouvrir, tous ces métiers du patrimoine qui travaillent les matériaux d'une main d'orfèvre.
Victor Hugo dit ceci : « Tout d'un coup, il se souvint que des maçons avaient travaillé tout le jour à réparer le mur, la charpente et la toiture de la tour méridionale. Ce fut un trait de lumière ».
Afin que ce « trait de lumière » redevienne éblouissant, prenons le temps qu'il faut. Le temps de Notre-Dame n'est pas le nôtre, et nul ne peut être plus grand ni plus rapide qu'une cathédrale (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Pierre Leleux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'incendie de Notre-Dame a submergé nos coeurs d'une émotion collective simultanée, dans une communion inconnue dans l'histoire. Cette brûlure à l'âme révélait ce que Notre-Dame symbolise : la civilisation européenne.
Le président de la République a hélas transformé ce sentiment collectif en polémique clivante en annonçant : « Nous rebâtirons Notre-Dame dans un délai de cinq ans, plus belle encore ». Les délais, le principe d'un geste architectural contemporain étaient notamment contestés.
Le Sénat a toujours manifesté une grande vigilance sur les sujets patrimoniaux, à la recherche de consensus sur tous les bancs, estimant que l'héritage commun que nous avons entre les mains devait échapper aux combats politiciens et partisans. Le patrimoine légué par les générations qui nous ont précédés, méritant respect, sérénité et humilité.
C'est ce que nous avons eu à coeur rappelant en commission son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco.
Notre commission a été quasi unanime pour soutenir la position de notre rapporteur et de notre présidente, consistant à restituer Notre-Dame dans un état le plus proche possible.
Tout d'abord, j'appelle de mes voeux une restitution aussi proche de l'identique que possible, non seulement visuelle, mais aussi dans le choix des matériaux et des techniques. C'est d'ailleurs une occasion de valoriser nos experts, nos artisans du patrimoine et de développer le compagnonnage.
D'ailleurs, la France a soumis il y a deux mois, avec l'Allemagne, l'Autriche, la Norvège et la Suisse, une candidature au patrimoine culturel immatériel pour voir reconnaître par l'Unesco « les techniques artisanales et les pratiques coutumières des ateliers des cathédrales d'Europe ».
Quant aux matériaux, il appartiendra au maître d'ouvrage de nous prouver que l'usage du bois, des pierres, et même du plomb, sont incompatibles avec des nécessités contemporaines. Nous disposons de tous les documents d'archives détaillant très précisément la disposition et l'agencement de tous les éléments constitutifs du monument à la date du sinistre.
Je ne comprends pas qu'il soit nécessaire de créer un opérateur dédié à la restitution de Notre-Dame. Cet opérateur existe déjà : il s'agit de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, (Oppic), dont c'est la mission. Ce dernier opère sur d'importants chantiers de monuments historiques majeurs, chantiers dans lesquels il a su démontrer son expérience et sa compétence. Pourquoi créer aussi un nouvel établissement public alors que, par ailleurs, l'État souhaite en réduire le nombre ?
Quant à l'article 9, qui introduit par ordonnances des dérogations au droit commun, j'ai tremblé quand j'ai entendu Sibeth N'Diaye dire que le but était « d'accélérer les travaux ». Je salue la suppression de cet article en commission. Les règles s'appliquant au patrimoine ne sont en aucun cas un frein.
Enfin, je souhaite vivement que la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) soit consultée pendant la durée des travaux de ce chantier du siècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
La séance, suspendue à 17 h 35, reprend à 17 h 40.
M. Franck Riester, ministre . - Monsieur le rapporteur, il y avait urgence à agir, notamment pour le volet fiscal. C'est pourquoi nous avons déposé ce texte rapidement, même sans disposer de toutes les précisions. Les ordonnances sont nécessaires et je déposerai des amendements pour rétablir l'article 9.
Le président de la République a fixé l'ambition de cinq ans. Mais je le redis : la restauration devra être exemplaire et nous ne confondons pas vitesse et précipitation.
De plus en plus, nous inclinons à créer un établissement public administratif (EPA) plutôt qu'un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui serait présidé par le général Georgelin.
Restaurer à l'identique ou non ? M. Leleux souhaite un retour à l'état précédent, c'est tout à fait respectable ! D'autres sont plus favorables à un geste architectural. Un débat national aura lieu. Ne fermons pas la question dès maintenant.
Bien entendu, ce chantier doit être une vitrine de notre savoir-faire exceptionnel en matière de restauration et inciter les jeunes à la visiter et à se former aux métiers du patrimoine. C'est le sens des « Chantiers de France » que nous avons lancés avec Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer.
Nous souffrons d'un manque de main-d'oeuvre dans ces métiers passionnants. Faisons connaître les savoir-faire français, mais aussi européens puisque nos voisins se sont également mobilisés.
Monsieur de Montgolfier, j'ai toujours un peu de mal lorsque l'on fait une distinction entre l'État et les donateurs. L'État, c'est l'ensemble des contribuables français ! In fine, il contribuera évidemment à la restauration et complètera l'enveloppe si les dons sont insuffisants. D'ailleurs, depuis le 15 avril, la Direction régionale des affaires culturelles de l'Île-de-France est déjà à l'oeuvre.
Cette loi n'est pas un texte d'exception. À situation exceptionnelle, il faut une adaptation exceptionnelle de notre dispositif.
M. Vincent Éblé. - Il y a beaucoup d'exceptions !
M. Franck Riester, ministre. - Il ne s'agit pas de revenir sur les principes fondamentaux de notre droit. Je me suis engagé à l'Assemblée nationale à ce que la ratification des ordonnances soit inscrite à l'ordre du jour. Ces exceptions seront limitées. Oui, monsieur Assouline, tout ce qui est insignifiant doit être écarté. C'est vrai, mais il ne s'agit pas d'une loi d'exception.
Madame Jouve, nous aurons un beau débat patrimonial.
Madame Morin-Desailly, l'urgence n'est pas imaginaire ! Notre-Dame est un monument qui accueille chaque année 14 millions de visiteurs et de très nombreux fidèles. C'est un monument exceptionnel. Nous devons aller à un bon rythme, mais pas au détriment de la qualité ni des règles en vigueur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Justement !
M. Franck Riester, ministre. - Nous travaillerons étroitement avec l'Unesco, que nous rencontrerons très prochainement pour faire le point.
Monsieur Bignon, oui il faut savoir faire preuve d'audace. In fine, le Gouvernement tranchera au vu des projets des architectes.
Merci monsieur Gattolin pour votre soutien. Comme toujours, votre analyse juridique est pertinente. (Sourires sur les bancs à droite)
Monsieur Ouzoulias, grâce à la bonne relation entre le ministère, l'hôtel de ville, le diocèse et les sapeurs-pompiers, de nombreuses oeuvres ont pu être sauvées. Lors de la restauration, l'établissement public, la mairie de Paris et le diocèse devront travailler ensemble. De même, l'établissement public ne vise pas à contourner le ministère de la Culture car il sera placé sous sa tutelle.
Monsieur Retailleau, évitons les procès d'intention. Nous voulons une restauration exemplaire. Celle-ci ne doit pas être bâclée. Depuis un mois et demi, mes équipes sont en contact quotidien avec Philippe Villeneuve, l'architecte en chef des monuments historiques, dont je loue le travail. Nous lui faisons confiance.
De même, pourquoi faudrait-il toujours faire confiance au passé ? Pourquoi refuser un geste architectural ? Architecture ne rime pas avec conservatisme. M. Leleux le sait bien : sans cesse, lors de restaurations du patrimoine se pose la question d'ajouts contemporains. Par principe, ne refusons pas les évolutions. Notre-Dame le vaut bien ! (M. André Gattolin applaudit.)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Catherine Dumas . - J'espère que notre discussion sera fructueuse pour corriger le texte du Gouvernement.
72 % des Français sont opposés à une loi d'exception. Ils veulent un retour au monument préexistant, à sa silhouette familière. De même, la loi doit être la même pour tous, dans le respect du bloc de constitutionnalité. Ne plaçons pas Notre-Dame hors la loi en dérogeant au code du patrimoine car le monde entier nous regarde. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Les Républicains)
M. Vincent Éblé . - L'incendie du 15 avril est un événement exceptionnel qui ne justifie pas une loi d'exception.
J'accueille favorablement la création d'un établissement public ad hoc pour associer l'ensemble des partenaires à l'emploi des fonds.
Je souhaite aussi associer les donateurs au conseil d'administration de l'établissement public. Rien ne justifie de déroger aux règles de droit commun.
Que diront demain d'autres maîtres d'ouvrages publics ou privés, parisiens ou provinciaux, si l'on déroge ici et pas pour eux ? Cette disposition d'exception porte en elle le risque d'un détricotage de notre droit. C'est un danger inacceptable non seulement pour notre patrimoine historique, mais également pour notre urbanisme, nos paysages, notre protection écologique pour la lutte contre tout favoritisme et corruption.
Sur la question fiscale, je suis assez favorable de passer de 66 % à 75 % de déductibilité jusqu'à 1 000 euros de dons. Ce geste n'impactera que légèrement les recettes de l'État dans la mesure où les recettes de TVA lors de la facturation des travaux seront importantes au regard des montants nécessaires à la restauration de l'édifice.
Je terminerai mon propos en évoquant les fondations collectrices de dons, singulièrement la Fondation du patrimoine. Le remplacement de la collecte pour Notre-Dame de Paris par un appel aux dons « plus jamais ça » de nature généraliste au bénéfice d'une multitude de monuments en grave péril est destiné à protéger les missions traditionnelles de ladite Fondation puisque, des quatre organismes habilités à recueillir les dons de la souscription nationale, elle est la seule à bénéficier exclusivement de dons privés dans le champ unique de la protection du patrimoine. Les très nombreux correspondants bénévoles délégués départementaux et régionaux de la Fondation ont fait valoir le risque que leurs missions traditionnelles ne bénéficient plus des soutiens financiers nécessaires pour d'innombrables autres monuments qui souffrent dans nos territoires ruraux.
M. Jean-Pierre Leleux . - La souscription nationale est probablement en voie de cristallisation, il est peu probable que son montant évolue. Si nous sommes en désaccord sur la date d'effet de la déductibilité fiscale, nous sommes bien sûr favorables à un accompagnement fiscal de cet afflux de dons à la fois surprenant et réconfortant en ce qu'il démontre l'attachement des Français à ce monument inestimable.
Le coût du futur chantier ne sera pas connu avant quelques mois. Le débat reste ouvert sur la différence qui sera constatée entre son montant et la somme collectée. Des mesures devront être prises pour respecter l'intention des donateurs. Si les dons dépassent le coût du chantier, certains se demandent s'il n'est pas envisageable de les utiliser pour financer l'entretien des autres cathédrales dont l'État est propriétaire, des abords et, pourquoi pas, des petites églises rurales. Impossible de trancher tant que les flux d'entrée et de sortie ne seront pas clarifiés.
Deux remarques tout de même. Ce sera la première fois qu'un monument historique appartenant totalement à l'État sera entièrement financé par des dons privés. Ensuite, s'il a été décidé une réduction fiscale, qu'a-t-on prévu pour l'apport de TVA que les travaux représenteront pour Bercy ?
M. André Gattolin . - Cet élan de générosité, qui s'est manifesté aussi bien en France que dans le monde, démontre l'attachement et, surtout, l'amour que l'on porte à cet édifice, quelle que soit sa nation d'appartenance, sa religion ou sa culture.
Ce projet de loi établit un cadre légal pour le recueil des dons. Dès le 15 avril au soir, le président de la République, sur le parvis de Notre-Dame, annonçait le lancement d'une souscription nationale le lendemain, soit le 16 avril. Cette date doit être maintenue. En soi, elle représente déjà une mesure rétroactive car la date retenue pour le bénéfice de la réduction d'impôt est celle du versement qui, dans la plupart des cas, a eu lieu plus tard que le 15 avril. Le Conseil d'État a considéré que la souscription, sous la haute autorité du président de la République, était bien conforme aux règles constitutionnelles. D'autres projets de loi ouvrant à une souscription nationale font, du reste, office de jurisprudence.
Le groupe LaREM votera l'amendement du Gouvernement pour revenir au texte initial.
M. David Assouline . - La défiscalisation ne concernera que les donateurs assujettis à l'impôt sur le revenu. Et ceux qui n'ont rien calculé, qui ont fait un don avec leur coeur et leur enthousiasme sans attendre de retour, il ne faudrait pas les récompenser ? Le groupe socialiste présentera un amendement pour corriger cette inégalité.
Autre remarque : le parvis fait, aux yeux de tous, partie de la cathédrale. Parce qu'il appartient à la ville de Paris, il ne bénéficiera pas, en l'état actuel, de la souscription nationale de même que toutes les animations que la ville a prévues pour que Parisiens et visiteurs puissent profiter de Notre-Dame pendant les travaux. Ce n'est pas normal. Les dons doivent aussi servir à financer les abords.
Mme Hélène Conway-Mouret . - L'émotion a été universelle car la cathédrale est universelle. L'exemple de Notre-Dame, après les élections que nous venons de vivre, montre qu'une citoyenneté européenne peut émerger. Il serait bon de faire appel à des apprentis européens pour travailler à la reconstruction de la cathédrale. Le besoin de transparence est total car le regard de l'étranger nous oblige à l'exemplarité. Les levées de fonds se multiplient à l'étranger ; elles ne sont pas seulement le fait d'associations de Français, nos partenaires européens en sont aussi à l'initiative.
M. le président. - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 1
Remplacer le chiffre :
15
par le chiffre :
16
M. Franck Riester, ministre. - Cet amendement rétablit la date de départ de la souscription nationale au 16 avril, comme l'avait annoncé le président de la République.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Ce report est incohérent : les dons versés dès le 15 avril seraient exclus de la souscription et le taux majoré de réduction d'impôt ne s'y appliquerait pas. Avis défavorable.
M. David Assouline. - Cela relève du fait du prince. Le Gouvernement nous dit que tout commence au discours du président de la République. C'est incroyable ! C'est aussi symptomatique. Je ne nie pas la sincérité de l'émotion du président de la République et du Gouvernement mais qu'on ne nous prenne pas pour des imbéciles ! La générosité est venue du coeur, pas du président. Pourquoi s'arc-bouter sur cette date du 16 avril ?
M. Jérôme Bascher. - En 2007, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la date d'entrée en vigueur de la déduction fiscale sur les intérêts d'emprunt qui avait été fixée de manière quelque peu aléatoire dans la loi TEPA. Le point de départ doit être un acte légal ; par exemple, le dépôt d'un projet de loi en Conseil des ministres. Ce débat peut paraître mesquin quand nous parlons d'une réduction de 75 % au lieu de 66 % dans la limite de 1 000 euros. J'aurais préféré plus de sécurité juridique, moins de parole de Jupiter.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Quel taux de déduction sera appliqué à ceux qui ont donné dès le 15 avril ? Voyons ce qu'en dit l'administration fiscale : le formulaire Cerfa 11580-04 fait référence à la date de versement du don par carte bancaire, non de son enregistrement comme le soutient le Gouvernement. La question, par conséquent, se pose vraiment.
M. Franck Riester, ministre. - La souscription nationale commence bien le 16 avril mais permettra de prendre en compte les donateurs du 15 avril. Je pourrai éventuellement préciser, à l'Assemblée nationale, ce point et revenir sur le respect de l'intention des donateurs. Il ne s'agit pas, pour le Gouvernement, de chercher à faire des économies. L'administration fiscale m'a assuré que les donateurs du 15 avril seraient bien concernés : le rapporteur général le conteste. Je n'ai pas connaissance des détails et de la doctrine fiscale en la matière mais soyez assurés que nous cherchons à rassembler les Français.
Mme Nathalie Goulet. - C'est une mauvaise querelle que nous fait le Gouvernement. Le fait générateur des dons est bien l'incendie. Monsieur le ministre, conservons la date fixée par la commission.
Mme Sylvie Robert. - C'est une question de principe et d'égalité. Durant la discussion générale, il a beaucoup été question de temps, du temps. Eh bien, pourquoi faire partir la souscription du temps politique ?
Pourquoi, monsieur le ministre, réserver vos précisions à l'Assemblée nationale ?
M. Laurent Lafon. - Dès le soir de l'incendie, la question des dons s'est posée. Très vite, les chaînes de télévision ont commencé à les orienter vers la Fondation Notre-Dame. Ne créons pas une forme d'injustice entre ceux qui ont donné dès le soir du 15 avril et ceux qui ont donné ensuite.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. - C'est une question de justice mais aussi de bon sens. Les Français ne se sont pas occupés de la date quand ils ont effectué leur don. Conserver notre texte nous permettra d'ouvrir le débat avec les députés.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
la conservation et la restauration
par les mots :
le chantier de conservation et de restauration
M. Pierre Ouzoulias. - C'est presque un amendement rédactionnel. Est-ce du soupçon ? Oui, au vu de l'état de nos monuments historiques - 11 000 sont en mauvais état. Dans votre budget, il manquait 4 millions d'euros pour leur restauration et nous n'avions d'ailleurs pas voté les crédits de la mission. Ciblons les dons sur le chantier proprement dit, non sur la restauration en général.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur le fond mais l'article 2 autorise à orienter une partie de la souscription à la formation aux métiers du patrimoine qui connaissent une crise des vocations. Cet amendement risquerait de l'empêcher. De plus, des amendements à l'article 2 vous donneront satisfaction. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
M. Pierre Ouzoulias. - Nous avons précisément mercredi un débat, à l'initiative de votre groupe, monsieur le rapporteur, sur l'enseignement professionnel. Seuls deux lycées techniques enseignent encore la taille de pierre dans notre pays ! Il ne faudrait pas que cette souscription devienne la vache à lait de projets non financés... Je maintiens mon amendement.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme Maryvonne Blondin . - Depuis quinze ans, les crédits du patrimoine ont baissé de 40 %. Cela a provoqué l'arrêt de nombreux chantiers mais aussi la fermeture de petites entreprises artisanales qui détenaient un savoir-faire pointu en matière de restauration d'architecture et d'art ancien. Il est donc utile de prévoir que les fonds collectés serviront à financer la formation professionnelle.
En revanche, je reste dubitative quant à l'ajout par l'Assemblée nationale de la mention « formation initiale et continue ». Est-ce dans le but avoué d'accélérer les travaux ? Je préfère la réduction de notre commission.
Nous avons des formations d'excellence, notamment les Compagnons du devoir, dont le modèle est fondé sur la transmission. C'est ce système qu'il faut préserver et valoriser.
M. Jean-Pierre Leleux . - Cet article 2 concerne le fléchage des fonds et ouvre le débat sur le parti architectural qui sera pris. L'Assemblée nationale a entendu préciser que les travaux respecteront l'identité architecturale du monument et le retour à son « dernier état visuel connu ».
La commission a rappelé son intégration dans « Paris, rives de la Seine », inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. La flèche de Notre-Dame pensée par Viollet-le-Duc entre en résonance avec la flèche de la Sainte-Chapelle, ce sont les deux mâts du navire que représente l'île de la Cité.
J'irai plus loin, au risque que l'on me qualifie de conservateur, en demandant la suppression du mot « visuel » pour que la restitution soit faite à l'identique.
M. Julien Bargeton . - Le big data sera un outil précieux pour la restauration. Une modélisation complète de la cathédrale pourra servir à l'analyse d'autres monuments gothiques mais aussi à coordonner les acteurs du chantier ou encore à offrir une visite virtuelle aux 12 millions de visiteurs annuels, même si elle ne remplacera pas la force de ce lieu sublime si bien décrite par Charles Péguy et, plus proche de nous, par Sylvain Tesson. Comptons sur le numérique pour organiser la restauration de Notre-Dame et canaliser l'impatience légitime de ses nombreux admirateurs.
M. David Assouline . - Nous voilà entrés dans le débat architectural. Je ne trouve pas bien que le Parlement discute de l'acte de création. Il n'est question que de subjectif. Que veut dire le dernier état visuel connu ? Sous quel angle ? La charpente, d'ailleurs, n'était pas visible. Bref, restons à notre place, qui est de fixer des règles juridiques, tout en rappelant les critères de l'Unesco - authenticité, intégrité. Cela suffit à poser le cadre. La maire de Paris dit assumer son conservatisme, d'autres défendent la modernité... Laissons ce débat aux architectes dont c'est le métier.
Mme Dominique Vérien . - La générosité privée servira-t-elle à financer l'entretien de la cathédrale ? Le ministre l'a laissé entendre en commission. C'est pourtant la responsabilité de l'État.
Sur la restauration, une fois n'est pas coutume, je rejoins mon collègue Assouline. Il faut des garde-fous. Oui, la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) doit jouer un rôle important, de même que le comité scientifique. Ce n'est pas à nous, sénateurs, de décider d'une reconstruction à l'identique.
Si le Gouvernement était plus sage, il serait revenu sur le funeste article 9 et toutes les dérogations et nous aurions eu un débat apaisé.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Lafon.
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils ne peuvent servir au financement des charges de fonctionnement de l'établissement public mentionné à l'article 7.
M. Laurent Lafon. - Il ne serait pas compris qu'une partie des dons financent les frais de fonctionnement d'un établissement public, même si celui-ci vise à coordonner la reconstruction de la cathédrale.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, MM. Delahaye, Henno, Reichardt, Guerriau et Détraigne, Mme Kauffmann, MM. Danesi, Bazin et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, M. Decool, Mmes Billon et Perrot et M. L. Hervé.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La conservation s'entend des travaux de sécurisation, de stabilisation et de consolidation et non de l'entretien courant et des charges de fonctionnement qui relèvent des compétences de l'État, y compris celles de l'établissement public mentionné à l'article 8.
Mme Nathalie Goulet. - Le titre même du texte vise la conservation et la restauration : cela exige des précisions. Une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance, comme on dit dans ma Normandie. C'est un amendement de bon sens.
M. le président. - Amendement n°46 rectifié bis, présenté par M. Retailleau, Mmes Bonfanti-Dossat et Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mmes Bruguière et L. Darcos, M. Dufaut, Mmes Dumas et Duranton, MM. Grosperrin, Hugonet et Kennel, Mme Lopez et MM. Nachbar, Piednoir, Regnard et Savin.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les fonds recueillis au titre de la souscription nationale ne peuvent pas contribuer au financement du fonctionnement de l'établissement public.
M. Bruno Retailleau. - Encore une fois, le ministère dispose de plusieurs maîtres d'ouvrage et vous créez un établissement public. La volonté initiale des donateurs doit être respectée, les fonds ne doivent pas financer les frais de fonctionnement de ce nouvel opérateur.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Ces précisions sont utiles. Les dons n'ont pas vocation à couvrir des dépenses incombant à l'État propriétaire. Le champ de l'amendement n°11 rectifié quater est plus large puisqu'il vise les charges de fonctionnement et d'entretien, la commission y est favorable. Retrait des amendements nos25 et 46 rectifié à son profit ?
M. Franck Riester, ministre. - Monsieur Retailleau, vous avez manifestement une connaissance fine de la volonté de chaque donateur, bravo...
Mme Catherine Dumas. - Et vous ?
M. Franck Riester, ministre. - Mon approche est plus humble. Nous résolvons le problème avec le mécanisme de la souscription nationale, qui vise la sauvegarde et la protection du monument dans le temps long. Se faire l'interprète de la volonté des donateurs dans un sens plus précis me semble pour le moins, permettez-moi de vous le dire, présomptueux.
M. Laurent Lafon. - Je me rallie à la précision normande.
L'amendement n°25 est retiré.
M. Pierre Ouzoulias. - Le CRCE votera l'amendement n°11 rectifié quater mais je voudrais aussi aborder un problème traité par un de nos amendements déclaré irrecevable. Cela va vous surprendre mais ce monument est mal appréhendé par les archéologues et les historiens. Il y a eu très peu de relevés de la charpente depuis Viollet-le-Duc. Il a fallu qu'elle brûle pour qu'elle soit étudiée !
Il serait bon que le chantier de restauration s'accompagne d'un chantier d'études avant que le monument soit rendu au culte. Depuis Viollet-le-Duc, des hypothèses archéologiques ont été émises, qui n'ont pas encore pu être testées. Puissent-elles l'être cette fois-ci - sur le budget du ministère de la Culture, naturellement !
M. David Assouline. - Je comprends l'intention. Oui, l'État ne doit pas se décharger de ses responsabilités. Cela dit, ces amendements pourraient faire obstacle au financement de tout ce qui concerne les abords. Or je connais des donateurs qui pensent soutenir la restauration du monument dans son ensemble, parvis compris - ignorant qui en est le propriétaire. Nous nous abstiendrons.
Mme Sonia de la Provôté. - Ce débat est surréaliste. On ne sait pas quel sera le périmètre du chantier, comment s'organisera l'établissement public, qui il emploiera, quel sera le geste architectural, quel sera le budget de l'établissement... Et l'on oublie les principes de la rigueur budgétaire au seul prétexte que nous disposons d'un important montant de dons - que c'est l'argent des autres. Soyons plus rigoureux.
Mme Catherine Dumas. - Soyons en effet plus vigilants en votant les amendements. Il y a eu des dérives par le passé. Les donateurs n'ont pas à financer le fonctionnement de l'établissement public !
M. Dominique de Legge. - Monsieur le ministre, vous avez prononcé le mot de « confiance » tout à l'heure à la tribune. En votant ces amendements, on assure aux donateurs que leurs dons ne financeront pas le fonctionnement de l'établissement public que le Gouvernement a choisi, sans en être obligé, de créer !
M. Bruno Retailleau. - Nulle prétention de notre part, monsieur le ministre, simple méfiance à l'égard des ruses de Bercy... Le ministère de la Culture doit assurer ses missions et les donateurs n'ont pas à financer des dépenses de fonctionnement, voilà tout !
Je retire mon amendement au profit de l'amendement n°11 rectifié quater.
L'amendement n°46 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°11 rectifié quater est adopté.
M. le président. - Amendement n°62, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Après les mots :
mentionnée au premier alinéa
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
visent à préserver l'intérêt historique, artistique et architectural du monument.
M. Franck Riester, ministre. - Il s'agit par cette précision de rétablir la confiance.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Marie-Pierre Monier. - Outre que le dernier état visuel connu avant le sinistre dépend de la position d'où l'on se place, cette notion ne prend pas en compte, stricto sensu, les statues retirées pour la restauration avant l'incendie. Elle laisse croire, en outre, qu'il ne pourra y avoir un iota de modification, une once d'imagination. Nous n'aurions, dans ces circonstances, jamais fait construire la pyramide du Louvre, ni même la flèche de Viollet-le-Duc, héritière de la flèche de 1250 démontée à la Révolution. S'il ne faut pas défigurer, il ne faut pas non plus figer les choses. Laissons les architectes faire leur travail.
M. le président. - Amendement n°41 rectifié bis, présenté par M. Leleux, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Houpert, Mme Bruguière, M. Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud, Deseyne et Deromedi, MM. Savin, Chevrollier, Chaize, Danesi, Dufaut et Vaspart, Mme Ramond et MM. B. Fournier, Pierre, Charon, Mayet et Gremillet.
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer le mot :
visuel
M. Jean-Pierre Leleux. - Je ne suis pas opposé aux gestes architecturaux mais Notre-Dame de Paris, c'est Notre-Dame de Paris ! Restaurer le plus possible à l'identique respecterait l'équilibre avec la Sainte-Chapelle. Le Parlement n'a évidemment pas à s'immiscer dans le concours d'architecture mais il peut fixer, je crois, cette indication.
M. le président. - Amendement n°42 rectifié, présenté par MM. Leleux et Houpert, Mme Bruguière, M. Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud, Deseyne et Deromedi, MM. Savin, Chevrollier, Chaize, Danesi et Vaspart, Mme Ramond et MM. B. Fournier, Pierre, Charon et Gremillet.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le maître d'ouvrage envisage d'employer des matériaux différents de ceux en place avant le sinistre pour les travaux de conservation et de restauration du monument, il rend publique une étude présentant les motifs de ces modifications.
M. Jean-Pierre Leleux. - Cet amendement se justifie par son texte même.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Notre-Dame a été déterminante dans le classement du lieu « Paris, rives de la Seine » à l'Unesco, qui impose le respect de certaines règles. Avis défavorable à l'amendement n°62.
Notre-Dame a été classée avec la flèche de Viollet-le-Duc. Nous avons choisi d'éviter le mot « identique » pour ménager une certaine liberté au geste architectural.
Beaucoup de donateurs se sont exprimés, en joignant à leurs chèques un mot manuscrit. Que demandent-ils ? Tout simplement que Notre-Dame redevienne Notre-Dame... Ne nous posons pas plus de questions. Avis défavorable à l'amendement n°15 rectifié.
M. Leleux va plus loin que la commission. Ne préjugeons pas du diagnostic, qui pourrait imposer des travaux sur les voûtes et les murs. De plus, certains matériaux sont difficilement acceptables. Avis défavorable à l'amendement n°41 rectifié bis.
En revanche, avis favorable à l'amendement n°42 rectifié. Cela permettra de faire progresser la connaissance du bâtiment.
M. Franck Riester, ministre. - Vos amendements imputent à l'État la volonté d'agir sans rien respecter. Pourquoi donc une telle méfiance ? Certes, vous êtes dans l'opposition nationale, même si certains d'entre vous sont dans la majorité sénatoriale, d'autres dans l'opposition sénatoriale... (Protestations sur les bancs du groupe SOCR) Mais le chef de l'État, le Premier ministre sont des hommes responsables, j'ai la prétention de l'être pour ma part et les services du ministère sont peuplés de grands serviteurs de l'État exemplaires.
Nous serons jugés sur l'exemplarité de la restauration, c'est ce qui guide notre action. Il convient de conserver des marges de manoeuvre, pour tenir compte des avis des experts. Monsieur le président de la CNPA, faites-donc confiance à votre instance ! Elle sera consultée à tous les stades du processus.
Nous allons, de plus, créer au sein de l'établissement public un conseil scientifique qui veillera au respect de la législation en matière d'archéologie et de patrimoine. La transparence sera ainsi assurée.
Avis défavorable aux trois amendements. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Pierre Ouzoulias. - Comprenez nos précautions. Le seul moyen de préserver les règles en vigueur - auxquelles vous semblez vouloir vous soustraire, c'est de les introduire dans ce texte d'exception.
La Charte de Venise n'a pas de portée contraignante, mais c'est un texte éthique qui devrait inspirer ce projet de loi.
La Convention de Nara doit-elle aussi être prise en compte qui énonce que les couches historiques acquises font partie des attributs authentiques d'un bien culturel ? L'histoire de Notre-Dame commence au Ve siècle avant Jésus Christ. Le Parlement n'a pas vocation à dire le Beau ni le Vrai, mais il doit faire respecter des principes éthiques que nous défendons au niveau international.
Je voterai les amendements de M. Leleux, conformes à ces engagements. (Applaudissements sur la plupart des bancs, sauf ceux du groupe LaREM)
Mme Dominique Vérien. - Nous écrivons juste ce dont vous nous assurez, à savoir que la Charte de Venise, qui a voulu l'inscription du site à l'Unesco, sera respectée. Nous n'avons pas d'objection sur le dispositif institutionnel.
Le Sénat doit veiller à ce que le conseil scientifique suive le processus. Je voterai l'amendement n°42 rectifié, mais non l'amendement n°41 rectifié bis.
M. David Assouline. - Ancien parlementaire, vous savez, monsieur le ministre, combien les parlementaires sont attentifs à leur autonomie et au cadrage que peut imposer le gouvernement, quel qu'il soit. En matière de culture, une certaine unanimité a toujours prévalu - en témoigne le vote de la loi Création et patrimoine, il y a trois ans.
Monsieur Ouzoulias, l'Unesco nous ramène à l'éthique. L'authenticité et l'intégrité en sont porteuses.
En revanche, l'idée d'identique risque d'empêcher les architectes de travailler. Retirons ce terme qui nous enferme.
Mme Sylvie Robert. - Au Sénat, sur un sujet comme celui-ci, il n'y a pas d'opposition ni de majorité, monsieur le ministre ! Le patrimoine mérite que l'on dépasse les querelles politiciennes. (Marques d'approbation)
Le groupe socialiste et républicain n'a pas l'intention de raviver la querelle des Anciens et des Modernes. Le législateur n'a pas à imposer un point de vue. Ce monument a toujours fait l'objet de débat. Faisons confiance aux personnes compétentes, et laissons ouverte la réflexion.
M. Dominique de Legge. - Monsieur le ministre, la confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Or l'article 9 était un acte de défiance envers le Parlement.
Comme l'a dit Mme Robert, vous êtes au Sénat. C'est notre droit de déposer des amendements ! Vous nous reprochez notre opposition, mais nous représentons les Français. Pour mériter notre confiance, cessez le refus systématique de nos amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Nathalie Goulet. - Monsieur le ministre, vous êtes bien sévère avec le Sénat... Personne n'est figé, ici, sur une position. Rien ne vous empêche de revenir devant le Parlement pour prendre des dispositions complémentaires, plutôt que de passer par des ordonnances.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Nous sommes déçus, monsieur le ministre ; vous nous avez habitués à une attitude plus constructive.
La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) a été votée à l'unanimité de la Représentation nationale après quatre lectures, ce que nous ne sommes pas prêts de revivre ! Nous avons demandé des évaluations de son application, en vain. Depuis, la confiance n'est plus là.
Pourquoi ne pas considérer, au moins, nos amendements ? Pourquoi balayer celui qui mentionne l'Unesco ? Pourquoi écarter les principes d'authenticité et d'intégrité ? Nos amendements se justifient par les dérogations que vous multipliez.
Mme Laure Darcos. - Le ministre de l'Éducation nous a dit, il y a quelques jours, combien il appréciait le bicamérisme. Le Sénat a montré ses compétences sur le patrimoine. Revenir systématiquement au texte de l'Assemblée nationale entretient la suspicion. Le temps du patrimoine n'est pas le temps politique et nous sommes prêts à vous aider sur cette restauration.
M. Bruno Retailleau. - Le XIXe siècle est-il un grand siècle d'art ? Viollet-le-Duc est-il un grand architecte ? Vous semblez l'écarter en voulant lancer un concours international.
Pierre Rosenberg pensait, lui, que le XIXe siècle était un grand siècle.
M. Julien Bargeton. - De peinture, oui !
M. Bruno Retailleau. - ... de sculpture et de peinture. Je ne citerai que Géricault, Courbet, Manet, Renoir, Degas, Caillebotte, et même Cézanne, qui enjambe ce siècle et le suivant. En musique, Debussy, Gounod et tant d'autres et bien sûr, en littérature également. Tout autant que Victor Hugo, Viollet-le-Duc a sauvé Notre-Dame. Aucune indignité artistique ne doit menacer le XIXe siècle !
Nous avons une forêt de chênes unique en Europe. Nous avons les compétences pour valoriser le patrimoine en faisant appel aux Compagnons du Devoir plutôt qu'aux grands groupes de béton... Monsieur le ministre, entendez que notre voix diffère. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Dominati. - Dans le passé, je me suis opposé aux grands projets du président Mitterrand, la pyramide du Louvre ; mais le projet a été enrichi, justement parce que les textes n'étaient pas figés. N'allons pas trop loin dans les détails, et voyons ce que pourrait améliorer le projet.
Mme Anne Chain-Larché. - Je ne suis pas déçue, faute d'être surprise. Combien de fois nous a-t-on dit de faire confiance, nous a-t-on renvoyé au projet de loi de finances ? Ainsi de l'AFB - un trou budgétaire de 40 millions d'euros - de la loi Pacte, un RIP.
Monsieur le ministre, vous avez été maire. Vous connaissez les contraintes qui pèsent sur eux en matière de restauration.
Ce texte relève d'un mépris affiché envers ces élus. Permettez seulement que les amendements que nous vous proposons soient étudiés.
M. Jean-Pierre Leleux. - Mes amendements n'ont aucun caractère politicien - je suis seulement un admirateur de Viollet-le-Duc.
M. David Assouline. - C'est votre problème !
M. Jean-Pierre Leleux. - Je crains que son oeuvre ne soit dénaturée.
Monsieur Dominati, je ne suis pas opposé à un geste architectural sur le parvis, qui fasse mémoire du sinistre. En revanche, je suis pour la reconstruction, autant que possible, à l'identique de la toiture et de la flèche, que je veux revoir dans le ciel de Paris.
M. Franck Riester, ministre. - Monsieur Leleux, je ne remets pas en cause votre avis et je vous connais depuis trop longtemps pour vous prêter des pensées politiciennes. Mais on ne saurait rédiger cette loi selon le sentiment architectural de chaque parlementaire... D'où l'amendement du Gouvernement sur la préservation de l'intérêt historique et artistique du monument - cela rejoint votre préoccupation sur l'équilibre avec la Sainte-Chapelle.
Je précise ma position : avis favorable à l'amendement n°15 rectifié ; avis défavorable à l'amendement n°41 rectifié bis et avis favorable à l'amendement n°42 rectifié.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
À la demande de la commission, l'amendement n°15 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°124 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Pour l'adoption | 101 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°41 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°42 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Segouin, Daubresse et Lefèvre, Mme Gruny, M. Grosdidier, Mmes Lassarade, Garriaud-Maylam, Ramond, L. Darcos et Deromedi, M. Laménie, Mme Lamure et M. Poniatowski.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les conditions de formation initiale et continue des professionnels disposant des compétences particulières qui sont requises pour ces travaux sont précisées par décret.
Mme Marta de Cidrac. - Cet amendement prévoit un décret pour éclaircir les conditions de formation des professionnels pouvant concourir à la restauration et à la conservation du patrimoine.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'important, d'après nos auditions, est que l'accent soit mis sur la formation aux métiers du patrimoine, et c'est le cas : retrait ?
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. Jean-Pierre Leleux . - Cet article prévoit que quatre opérateurs sont chargés de recueillir les fonds. C'est une bonne chose.
Ce texte prévoit encore que des conventions seront signées entre maître d'oeuvre et organismes collecteurs ; c'est également une bonne chose.
J'ai préconisé que le choix de l'opérateur soit l'Oppic, mais l'article 40 a fait obstacle à mes amendements. Peut-on me dire au moins pourquoi cet opérateur, qui a piloté de nombreux chantiers d'envergure, est ainsi occulté ?
Et alors que l'on cherche à rétrécir le nombre des opérateurs de l'État, pourquoi en créer un nouveau ?
M. Jean-Claude Tissot . - M. le ministre a parlé de traîtrise sur les cas où les fonds financeraient d'autres opérations que la restauration de Notre-Dame. Loin de moi l'idée d'être un traître en proposant qu'un éventuel excédent aille aux 11 000 monuments en souffrance...
Et les centaines de millions d'euros, voire le milliard d'euros de produits de TVA qui seront générés par les travaux, seront-ils affectés à la restauration de Notre-Dame ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)
M. Pierre Ouzoulias . - Je m'interroge aussi sur la volonté d'écarter les opérateurs de la culture existants. Si des motifs sérieux expliquent que l'Oppic ne soit pas retenu, nous aimerions les connaître - des doutes avaient été émis à propos du chantier du Grand Palais.
Pourquoi, aussi, nommer une personnalité extérieure à ce domaine - certes un grand commis de l'État tout à fait respectable ?
M. le président. - Amendement n°63, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
1° Remplacer le chiffre :
15
par le chiffre :
16
2° Après les mots :
en France
insérer les mots :
, dans un autre État membre de l'Union européenne
et avant les mots :
État étranger
insérer le mot :
autre
3° Après le mot :
reversé
insérer les mots :
à l'État ou
II. - Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
aux fonds de concours
M. Franck Riester, ministre. - Cet amendement revient sur la rédaction de la commission pour faire de la signature de conventions entre donateurs et fondations une simple possibilité. En faire une obligation ne simplifierait pas les dons...
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
, au titre de la souscription nationale
par les mots :
en vue de la réalisation des travaux mentionnés à l'article 2 de la présente loi
2° Remplacer les mots :
ou dans un État
par les mots :
, dans l'Union européenne ou dans un autre État
3° Remplacer les mots :
reversé à
par les mots :
affecté à la souscription nationale dans des conditions respectant l'intention des donateurs, par des conventions conclues entre lesdites fondations et
4° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les fondations susmentionnées peuvent utiliser une partie du montant des dons et versements à l'aménagement des abords de la cathédrale.
M. David Assouline. - Cet amendement prévoit que le produit des dons et versements affectés aux fondations permettra aussi l'aménagement des abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris afin de procéder à des installations d'accueil du public, de présentation des collections et du chantier, durant les travaux de restauration et de reconstruction.
L'écroulement de la flèche a endommagé les abords. 250 tonnes de plomb se sont effondrés, pas seulement à l'intérieur ; les touristes continuent à affluer pour voir la cathédrale martyr. Bref, des efforts de mise en valeur des abords seraient bienvenus. Tout le monde le souhaite, et la ville de Paris ne pourra le faire seule. Je m'adresse aux sénateurs de Paris des autres bancs...
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
reversement
insérer les mots :
des dons et versements effectués depuis le 15 avril 2019
Mme Nathalie Goulet. - Le texte manque de clarté, d'où cet amendement de précision.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 2, première phrase
1° Après les mots :
reversement aux
insérer le mot :
deux
2° Après le mot :
concours
insérer les mots :
du budget de l'État créés à cet effet par le décret n°2019-327 du 16 avril 2019
Mme Nathalie Goulet. - Idem ici.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'amendement n°63 revient sur la rédaction de la commission, qui mettait un terme à l'ambiguïté insupportable du projet de loi que votre audition n'avait pas levée... Avis défavorable.
Je remercie M. Assouline d'avoir ouvert le débat sur les abords de Notre-Dame. Il est invraisemblable que rien n'ait été conçu pour l'accueil des visiteurs dans le monument le plus visité de toute l'Europe !
Les abords, c'est d'abord le parvis, et le parking qui se trouve en dessous, mais aussi, au-delà, l'Hôtel-Dieu qui pourrait être libéré demain. Voilà comment notre génération pourrait imprimer sa marque sur le monument de l'après 15 avril.
Avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié.
Avis favorable à l'amendement n°6, rédactionnel.
Retrait de l'amendement n°7 qui mentionne des éléments de nature réglementaire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Monsieur le ministre, les conventions ne sont obligatoires qu'entre l'établissement public et les organismes collecteurs, pas pour les donateurs naturellement !
M. Franck Riester, ministre. - Dès lors que toute personne physique ou morale peut passer une convention, les fondations vont systématiser cette démarche qui deviendra une obligation. Le texte voté par l'Assemblée nationale permettait déjà les conventions avec les grands donateurs.
L'établissement public n'a pas encore été constitué. Son statut n'est pas tranché. Un nouvel établissement sera créé en considération du caractère exceptionnel du chantier, certains parlent du « chantier du siècle ». L'Oppic a déjà beaucoup de chantiers importants sous sa responsabilité, tels le site Richelieu de la BNF ou le Grand Palais. Un nouvel établissement ne remettrait pas son travail en cause, ni celui du Centre des monuments nationaux qui, par exemple, s'occupe de la restauration du château de Villers-Cotterêts. Le ministère de la Culture aura bien la tutelle de l'établissement public en charge de la restauration de Notre-Dame de Paris.
Avis défavorable aux amendements.
M. David Assouline. - Quand la cathédrale était en flammes, le personnel de la Ville de Paris a mis à l'abri les oeuvres menacées à l'hôtel de ville. La population qui vivait autour de la cathédrale n'a pas pu rentrer chez elle : il a fallu gérer cette catastrophe. Et maintenant, le ministre ne répond même pas à mon amendement, qui pose pourtant la question fondamentale des abords qui appartiennent à la Ville, qui pourraient être utilisés pour montrer les oeuvres et accueillir le public. Bien sûr, la Ville de Paris participera, mais l'État doit également prendre sa part.
Je m'adresse ici à chaque sénateur en sa conscience : si ce drame s'était produit chez vous, vous réagiriez comme moi, loin des étiquettes politiques. Quel que soit le maire de demain, il devra gérer ce dossier pour l'intérêt des Parisiens mais aussi l'intérêt national.
M. Jean-Pierre Leleux. - Nous aurions souhaité que le Parlement tranche le sujet lui-même en faisant intervenir un établissement public... Mais passons.
M. Assouline a raison : le parvis est partie intégrante de la cathédrale. Il faudra y revenir, peut-être en y affectant une part des dons.
Mais la notion d'abords a une signification juridique précise qui se trouve dans le code du patrimoine et dans le code de l'urbanisme. De plus, ces abords n'ont pas brûlé... Aujourd'hui, on parle du sinistre, de la restauration du monument historique.
Enfin, si des fonds publics, voire privés, doivent être mobilisés, nous avons au moins quatre ou cinq ans pour y réfléchir, puisque les travaux sur le parvis n'interviendront qu'après la restauration de la cathédrale.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Un texte qui propose des alternatives, c'est inédit. La loi doit trancher. Nous croyons savoir qu'un EPIC est en cours de création. Monsieur le ministre, vous devez nous dire qui va trancher. Sinon, vous nous empêchez de replacer le ministère de la Culture au coeur de la restauration...
Mme Sylvie Robert. - La question des abords, de l'animation du parvis, de l'appropriation par le public de la restauration, c'est maintenant qu'il faut la poser, pas dans quatre ou cinq ans. C'est l'occasion d'en faire une merveilleuse vitrine des métiers de la restauration, de créer des ateliers spécifiques, ou que sais-je encore...
Monsieur le ministre, êtes-vous prêts à financer en partie cet accompagnement de la restauration ?
M. Philippe Dominati. - M. Assouline a soulevé un problème assez vaste. Il touche le futur même de ce quartier, de ses habitants et commerçants. Une vision est nécessaire. Dans quelle mesure l'État prendra-t-il ses responsabilités ?
J'ai visité avec Mme Boulay-Espéronnier le bâtiment jeudi dernier et nous avons rencontré l'architecte en chef ; il était ulcéré de l'opposition des services de la Ville de Paris au coulage d'une dalle de béton à l'usage des ouvriers : seuls 10 sur les 100 bénéficient des installations qui leur sont nécessaires ! Il nous a suppliés de faire quelque chose. Peut-être pouvez-vous, monsieur Assouline, faire passer ce message à Mme la maire.
Mme Laure Darcos. - Le terme « abords » me gêne. La formulation est assez vague : ainsi, les quais sont-ils inclus ?
M. Jérôme Bignon. - Des centaines de sites patrimoniaux ou naturels sont touchés par l'hyper-fréquentation... C'est à la région, au département, à l'Europe, ou à qui vous voulez de s'en occuper ; pas aux donateurs. Ne nous dispersons pas...
M. Franck Riester, ministre. - Soyez rassurés : le ministère est au centre du jeu. Si l'établissement public est créé, il sera présidé par le général Georgelin et le ministère en assurera la tutelle.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Scoop !
M. Franck Riester, ministre. - Je comprends la préoccupation du groupe socialiste, mais l'écriture de l'amendement n°12 rectifié est problématique. Les acteurs des travaux d'aménagement doivent en être les financeurs. Retrait ou avis défavorable.
M. David Assouline. - Je souhaite dire un mot.
M. le président. - Vous avez déjà pris la parole, vous ne pouvez l'avoir à nouveau, les explications de vote ayant déjà eu lieu.
L'amendement n°63 n'est pas adopté.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°6 est adopté.
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
Rappel au Règlement
M. David Assouline . - Je ne veux pas entrer en conflit avec un collègue vice-président, d'autant que je préside aussi...
Pour la clarté des débats, il conviendrait, lorsque des amendements en discussion commune ne sont pas identiques, que chacun explique son vote sur chacun d'entre eux une fois que le rapporteur et le ministre ont donné leur avis.
Le Règlement m'aurait autorisé à intervenir trois fois dans cette discussion commune... Prenez en compte la requête - que j'ai déjà faite lors de l'examen du projet de loi sur la distribution de la presse - d'ouvrir la possibilité que chacun puisse s'exprimer sur les différents amendements, une fois l'avis du rapporteur et du ministre donnés. J'aurais aimé pouvoir répondre au ministre sur un sujet important.
M. le président. - Vous avez votre interprétation du Règlement ; la mienne diffère. Vous avez eu la parole pour une explication de vote puis vous l'avez à nouveau demandée sur votre propre amendement. Les discussions communes sont faites pour que les débats ne s'éternisent pas.
Quoi qu'il en soit, acte vous est donné de votre rappel au Règlement.
La séance est suspendue à 20 h 20.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 21 h 50.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 3 (Suite)
M. le président. - Amendement n°33 rectifié ter, présenté par M. Vial, Mme Dumas, M. Charon, Mmes Berthet, Imbert, Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. Bascher, Danesi, Vaspart et Longuet, Mmes Deromedi et Gruny et MM. Laménie, Revet, Duplomb et Pierre.
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les fondations susmentionnées peuvent utiliser une partie du montant des dons et versements à l'aménagement de l'Hôtel-Dieu de Paris.
Mme Catherine Dumas. - Cet amendement affecte une partie du montant des dons au réaménagement de l'Hôtel-Dieu, pour l'accueil des pèlerins, visiteurs et touristes, ainsi que pour la fonction caritative de ce bâtiment, conforme à son histoire. Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, l'a d'ailleurs proposé le 18 avril.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Il y a là un véritable risque de trahir les intentions des donateurs. La ville de Paris engagera une réflexion de fond avec le ministère sur le sujet. Le parvis et l'Hôtel-Dieu sont, en effet, une vitrine. Avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
M. David Assouline. - Mon amendement n°12 rectifié avait un objet similaire, à cela près qu'il posait une condition : le consentement des donateurs. De plus, moi, je parlais encore d'architecture, de patrimoine, de la dalle. Puisqu'il y aura une CMP, j'en profite pour continuer de défendre ma proposition qui, d'après ce que je comprends de votre intervention, monsieur le ministre, vous convient sur le fond mais pas sur la forme. Je gage que nous trouverons avec vos services la bonne formulation.
Mme Catherine Dumas. - En tant qu'élu de Paris, je considère important que notre assemblée soit sensibilisée à ce problème.
M. Philippe Dominati. - On ne peut en effet faire l'économie de ce débat. Les commerçants des abords ont été reçus au ministère de l'Économie mais ils voudraient un interlocuteur unique ; rien n'est prévu pour la gestion du projet, sinon d'éventuelles indemnisations. Pour l'instant, vous ne nous apportez que des imprécisions ; c'est de la langue de bois. Dites-nous-en plus.
M. Franck Riester, ministre. - Les commerçants et riverains ont été reçus par le ministre de l'Économie. Ils seront bien sûr associés à la gestion du chantier. Il y a forcément des interlocuteurs différents quand les problèmes sont différents. À l'Assemblée nationale, nous avons eu des échanges sur ce thème. Nous allons trouver la meilleure rédaction possible pour atteindre l'objectif. Aussi bien sur le parvis, l'accueil des touristes que l'exposition de certaines oeuvres de la cathédrale à proximité, il est trop tôt pour trancher mais vos idées seront prises en compte.
L'amendement n°33 rectifié ter n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié ter, présenté par MM. Courtial et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Frassa, Calvet et Perrin, Mmes Thomas et Chain-Larché, M. Bouchet, Mme Deroche, MM. B. Fournier et Savary, Mme Ramond, MM. Cuypers, Mayet et Chatillon, Mme Lopez, MM. Daubresse, Poniatowski, Gremillet, Charon, D. Laurent, Rapin et Dufaut, Mme M. Mercier, MM. Duplomb et Sido, Mme de Cidrac et M. Segouin.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Si le montant global des fonds recueillis au titre de la souscription nationale destinée au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale est supérieur au coût desdits travaux, l'excédent est versé aux communes de moins de 3 500 habitants.
Mme Anne Chain-Larché. - Alors que le coût de la restauration de Notre-Dame ne sera pas connu avant qu'un diagnostic précis et complet de l'architecte en chef des monuments historiques n'ait lieu, cet amendement flèche le surplus éventuel vers les communes rurales qui n'ont pas toujours les ressources suffisantes pour sauvegarder leurs monuments, notamment leurs églises.
M. le président. - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, M. Sol, Mme Imbert, M. Regnard, Mme Micouleau, M. Le Gleut et Mme Deromedi.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans l'éventualité où le montant des fonds recueillis excéderait le montant nécessaire à l'accomplissement des travaux, il serait demandé à la fin de ceux-ci, et pas avant les cinq ans prévus pour leur accomplissement, aux grands donateurs leur accord afin que cet excédent soit utilisé pour conserver ou restaurer d'autres bâtiments du patrimoine historique et religieux français, sur le territoire national ou à l'étranger.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - À l'étranger, nous avons des difficultés similaires pour restaurer notre patrimoine. Je pense, entre autres, aux églises Saint-Louis-des-Français de Rome et de Lisbonne. En tant que sénatrice des Français de l'étranger, j'y employais, jadis, une partie de ma réserve parlementaire. Elle a été supprimée. On pourrait y affecter un éventuel surplus de dons, à condition évidemment de consulter les grands donateurs.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Ces amendements ont sans doute été rédigés au lendemain de la pluie de promesses de dons - on a parlé de 1 milliard d'euros, dont 10 % ont été effectivement versés à ce jour. Ces dernières semaines, on a enregistré des retraits, la presse s'en est fait l'écho.
Les premiers diagnostics n'ayant pas même été réalisés, nous sommes encore très loin de pouvoir estimer le coût des travaux.
Enfin, cette réaffectation pourrait trahir l'intention des donateurs. La Cour des comptes est très vigilante sur l'utilisation par les fondations d'utilité publique des fonds provenant de leurs donateurs. Seule la Fondation du patrimoine envisage un reversement des dons en excès.
L'amendement n°47 rectifié bis, lui, ne concerne que les grands donateurs. Il subordonne la réaffectation à leur accord préalable. Néanmoins, eu égard à l'importance des sommes qu'ils se sont engagés à verser, c'est à eux de choisir quelle cause il souhaite soutenir. Raison pour laquelle nous avons voulu leur donner la possibilité de conventionner avec l'établissement public.
Avis défavorable aux deux amendements.
M. Franck Riester, ministre. - Excellente explication. Même avis.
L'amendement n°8 rectifié ter est retiré.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Le législateur a le devoir d'anticiper les excédents éventuels de dons. Néanmoins, je retire mon amendement.
L'amendement n°47 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 2, première phrase
1° Remplacer le mot :
font
par les mots :
peuvent faire
2° Après les mots :
de conventions
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
prévoyant également une information des donateurs.
II. - Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
M. Franck Riester, ministre. - Cet amendement rend facultatives les conventions entre l'État et les fondations qui recueillent les dons pour fixer leurs modalités de reversement.
L'amendement n°9 n'est pas défendu.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°64. Les conventions sont essentielles pour s'assurer du respect de l'intention des donateurs et obtenir le chiffrage du coût des travaux. Que les organismes collecteurs reversent les sommes qu'ils ont collectées au fil de l'avancement du chantier est également une garantie de transparence.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de contribuer à la lutte contre le blanchiment de capitaux et l'évasion fiscale, les recueils de fonds au titre de la souscription nationale sont soumis aux obligations de vigilance prévues aux articles L. 561-4-1 et suivants du code monétaire et financier.
Mme Marie-Pierre Monier. - Évitons que certains responsables de pays peu démocratiques s'achètent une bonne réputation à peu de frais en finançant la restauration de Notre-Dame. Cet amendement renvoie donc aux dispositifs mis en place par Tracfin et la DGCCRF contre le blanchiment et l'évasion fiscale. Outre son intérêt pédagogique, il sécurisera la souscription nationale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - On ne peut que souscrire à l'objectif, même s'il existe sans doute de meilleurs moyens de blanchir l'argent. (Sourires)
Les trois fondations sont soumises au contrôle de la Cour des comptes et deux d'entre elles ont un commissaire du Gouvernement. Cela me semble suffisant pour parer au risque que cet amendement cherche à prévenir. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Lopez, M. Sido, Mme L. Darcos, M. J.M. Boyer, Mme Deseyne, M. Calvet, Mmes Lassarade, Gruny, Garriaud-Maylam et de Cidrac et M. Segouin.
Alinéa 1
Après le mot :
groupements
insérer les mots :
, après s'être assurés du bon état de conservation du patrimoine cultuel placé sous leur responsabilité,
Mme Laure Darcos. - C'est un amendement d'appel, clin d'oeil à mon ami Stéphane Bern.
Alors que la cathédrale Notre-Dame de Paris a récolté 1 milliard d'euros de promesses de dons en quelques heures, de nombreux édifices du patrimoine religieux français sont en danger. Sur les 120 000 édifices religieux répertoriés, 30 % environ manquent d'investissement et d'entretien, 3 500 églises sont en péril et il faudrait intervenir rapidement sur environ 5 000 édifices pour qu'ils ne tombent pas en ruine.
Or les communes sont responsables de la restauration des églises, qui leur appartiennent, contrairement aux cathédrales qui sont propriété de l'État. La participation d'une collectivité locale à la collecte nationale ne doit pas se faire au détriment de la restauration des églises dégradées qui lui appartiennent.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - La Ville de Paris, d'autres communes n'auraient-elles pas dû s'engager dans la restauration de Notre-Dame ? Cela relève du principe de libre administration des collectivités territoriales, que nous défendons tous au Sénat.
Votre amendement, cependant, attire l'attention sur l'état de notre patrimoine. Les crédits de la mission Patrimoine, le loto du patrimoine, tout cela n'épuise pas le sujet. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Il y a un réel besoin de financement. L'État investit 116 millions d'euros dans le patrimoine religieux classé ou inscrit, dont 35 à 40 millions d'euros pour les cathédrales.
Il est vrai que dans les petites communes, il n'y a pas de moyens pour la restauration. Le mécénat privé, le loto du patrimoine, l'État peuvent permettre d'avancer mais cela reste difficile. Votre appel est entendu, même si l'avis est défavorable.
L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.
M. Franck Riester, ministre. - Le fait que la participation des collectivités territoriales et de leurs groupements à la souscription nationale soit considérée comme une dépense d'investissement relève du réglementaire, non du législatif. Le ministre des comptes publics a donné les garanties nécessaires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - En visite à Cahors un jour, nous en avions longuement parlé. Les versements des collectivités territoriales sont bien traités dans la partie législative du code. Dès lors que le texte de la commission y fait référence, cela relève bien du législatif. Avis défavorable.
L'amendement n°65 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 5
Mme Marie-Pierre Monier . - Cet article instaure un régime dérogatoire portant la réduction de 66 à 75 % pour encourager les dons. Mais il ne faudrait pas que cette initiative soit vue comme un effet d'aubaine. Les dons des grandes fortunes ont suscité un tel émoi que certaines ont renoncé à la défiscalisation.
À quelque chose, malheur est bon. L'incendie de Notre-Dame est l'occasion de nous interroger plus largement sur les moyens financiers et fiscaux à mobiliser pour sauvegarder notre patrimoine. Souvenez-vous de nos débats sur le reversement des taxes sur le Loto du patrimoine...
Mme Maryvonne Blondin . - En complément de l'amendement n°13 rectifié, le groupe socialiste avait déposé un amendement demandant un rapport sur le remplacement des réductions d'impôt par des crédits d'impôts, auquel il a été opposé l'irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution. Soit. Mais aujourd'hui, moins de la moitié de la population française paie l'impôt sur le revenu et peut donc bénéficier d'une réduction d'impôt. Il y va de l'équité fiscale.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mmes Jouve et Laborde, MM. Roux et Requier, Mme Costes, MM. Castelli, Gold et Collin, Mme Guillotin, M. Léonhardt, Mme N. Delattre et MM. Cabanel, Dantec, Guérini, Gabouty, Vall, Artano, A. Bertrand et Corbisez.
Supprimer cet article.
M. Jean-Claude Requier. - D'abord, la dynamique de dons préexistait à l'annonce de cette déductibilité supplémentaire. Ensuite, cette mesure est injuste : elle concerne moins d'un foyer fiscal sur deux, puisque seuls 43 % des foyers fiscaux ont payé en 2017 l'impôt sur le revenu. Enfin, d'autres monuments historiques français, parfois en péril, ne jouissent ni du même pouvoir d'attraction que la cathédrale Notre-Dame de Paris ni de cette fiscalité avantageuse.
M. le président. - Amendement identique n°51, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. - Cet amendement mettrait tout le monde d'accord sur le choix de la date - 15 ou 16 avril - et ferait oeuvre de justice. Pourquoi favoriser les donateurs mobilisés pour Notre-Dame par rapport à ceux qui donnent à la lutte contre le cancer ou à d'autres causes ? On a beaucoup entendu, après l'incendie : il est juste de se mobiliser pour de la pierre, oui, mais il faudrait en faire autant pour les femmes et les hommes. Selon nos calculs, le manque à gagner pour l'État serait de 700 millions d'euros ; cette somme serait utile pour entretenir l'ensemble de notre patrimoine.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Les dispositifs de droit commun, tel le dispositif Aillagon, auraient pu être mobilisés. Passer de 66 à 75 % n'est du reste pas si avantageux, sachant que la moyenne est de 100 euros, avec un plafond à 1 000 euros...
Les niches fiscales sont nombreuses dans notre pays. Le mécénat, lui, est désintéressé, à la différence des mécanismes soutenant par exemple la construction de logements auxquels tous les ministres successifs ont donné leur nom.
Au nom de la confiance légitime des contribuables toutefois, mieux vaut respecter la parole du Premier ministre. Avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - En effet, respectons la parole politique et accompagnons l'élan de générosité des particuliers. Il serait paradoxal de demander à l'État de prendre sa part dans la reconstruction tout en s'alarmant de la hausse de la dépense publique. L'État assume ses responsabilités : cela lui coûte nécessairement de l'argent !
Si je suis de ceux qui pensent que toute dépense publique doit être évaluée, le mécénat n'est pas une dépense publique comme une autre : il n'y a, effectivement, pas de gain à la clé. Il représente une sorte de fléchage de l'impôt.
M. David Assouline. - Il faudrait harmoniser les argumentaires sur les différents amendements... Les particuliers voulant donner à Notre-Dame ne doivent pas être traités différemment selon qu'ils paient ou non l'impôt sur le revenu ! Le rapporteur s'oppose à un texte d'exception mais m'oppose, lorsque je propose de remplacer une réduction d'impôt par un crédit d'impôt, que c'est un dispositif d'exception. Le Gouvernement devrait réfléchir plus longuement à la question pour ne pas créer de dispositif d'exception et traiter tous les donateurs sur un pied d'égalité.
Mme Annick Billon. - J'entends les arguments du rapporteur mais j'ai bien envie de voter ces amendements. Les gens n'ont pas attendu les annonces pour donner !
Mme Céline Brulin. - Les promesses de dons ont, effectivement, été élevées avant que l'on annonce la mesure fiscale. Et qu'une annonce du président de la République ou du Premier ministre fasse loi, ce n'est pas un argument recevable pour un parlementaire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Soyons clairs : je vous rejoins sur le fond. Il faudra maintenir dans les prochains projets de loi de finances un régime de mécénat solide. En matière fiscale, en particulier, je crois cependant la parole publique capitale et plaide pour qu'elle soit respectée.
Les amendements identiques nos37 rectifié et 51 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°66 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Pour les dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués en vue de de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris entre le 16 avril 2019 et le 31 décembre 2019 auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux ou des fondations mentionnées à l'article 3 de la présente loi, le taux de la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 200 du code général des impôts est porté à 75 %. Ces versements sont retenus dans la limite de 1 000 €. Il n'en est pas tenu compte pour l'application de la limite de 20 % du revenu imposable mentionnée au même 1.
M. Franck Riester, ministre. - Encore une fois, le Gouvernement souhaite que la souscription commence le 16 avril, et non le 15. L'avantage fiscal s'éteindra le 31 décembre. En revanche, nous préférons nous donner la possibilité de prolonger la souscription nationale au-delà.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Il y a le projet de loi de finances pour cela ! Avis défavorable.
L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Éblé et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
une réduction
par les mots :
un crédit
et le mot :
égale
par le mot :
égal
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
de la réduction
par les mots :
du crédit
III. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.... - Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. David Assouline. - Encourager l'élan populaire autour de Notre-Dame de Paris est une bonne chose. Néanmoins, mieux vaut un crédit d'impôt qui concernera l'intégralité des donateurs, quelle que soit leur situation fiscale. Environ 30 000 dons inférieurs à 1 000 euros ont été collectés. Le surplus pour les finances de l'État sera donc modéré d'autant que l'État devrait retirer des travaux un surplus de TVA de 200 millions d'euros environ.
Dispositif d'exception ? Le projet de loi entier en est un !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Il existe d'autres dispositifs dérogatoires, par exemple, pour les dons alimentaires aux personnes en difficulté. Le vrai sujet, selon moi, est celui du coût de gestion. Dans le cadre d'un crédit d'impôt, sur un don de 40 ou 50 euros, il faudrait restituer 10 euros, par chèque ou virement. Et pourquoi pour Notre-Dame de Paris seulement ? La question est à aborder en projet de loi de finances. Avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
M. David Assouline. - Vous venez vous-même de défendre le dispositif fiscal d'exception avec les 75 % !
Pour certains Français, chaque euro compte, vous avez dû le constater dans leur colère récente... Leur dire que l'État reconnaît leur élan de générosité, d'autant plus grand qu'ils n'ont pas grand-chose en poche, serait bienvenu. C'est la raison d'être des socialistes que d'être justes, pour mobiliser l'ensemble de la population.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Renaud-Garabedian, M. Regnard, Mme Garriaud-Maylam, MM. Savary, Mandelli et Bazin, Mme Bruguière, M. Bouchet, Mme Deroche, M. Grand, Mme Imbert, MM. B. Fournier, Karoutchi, Mayet, Danesi, P. Dominati, Cambon, Vaspart, Piednoir, Panunzi et Rapin, Mmes Deseyne, M. Mercier et Malet, MM. Revet, D. Laurent et Calvet, Mme Lassarade, MM. Courtial, Gremillet et de Legge, Mme Gruny, MM. Poniatowski, Lefèvre, Babary, Laménie, Duplomb et Pierre, Mme Lamure et M. Paccaud.
I. - Alinéa 1, première phrase
Après les mots :
des impôts
insérer les mots :
ou mentionnés au second alinéa de l'article 4 A du même code
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Jacky Deromedi. - Les Français résidant à l'étranger se font prélever, en-dessous de 27 519 euros par an, 27,50 % de leurs revenus dans l'Union européenne, 37,20 % hors Union européenne. Au-dessus de ce montant, ils paient 37,50 % dans l'Union européenne, 47,20 % hors Union européenne. Ils paient bien des impôts en France sur leurs revenus français, contrairement à ce que l'on dit parfois ; ils n'ont pas l'avantage attaché à la résidence principale, et ils ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Mon amendement ne leur ferait pas payer moins d'impôts au total, mais flécherait une partie de ces impôts vers la restauration de Notre-Dame de Paris. Étrangers dans leur pays de résidence, les Français de l'étranger voudraient au moins être Français quand ils sont en France.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Ce terme d'exception a ouvert une boîte de Pandore, comme en témoigne cette floraison d'amendements introduisant des dispositifs dérogatoires.
Le Gouvernement s'est engagé sur un taux de réduction d'impôt de 75 %, pas sur une autre mesure dérogatoire.
De plus, les contribuables à l'étranger, grâce à Trans Giving Europe, peuvent bénéficier de réductions d'impôt dans leur pays s'ils donnent en France. Retrait ou avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
L'amendement n°1 rectifié quater n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 5 BIS
M. Jean-Pierre Leleux . - Le Sénat est peu favorable aux demandes de rapport, mais celle que prévoit cet article est nécessaire. En effet, peu d'éléments nous sont connus à ce stade : montant des dons, coût des travaux, échéancier des dépenses.
Il convient que le Parlement et nos concitoyens soient régulièrement informés de l'évolution du projet.
M. le président. - Amendement n°67, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre 2020, un rapport précisant, pour les personnes physiques et les personnes morales dont la résidence ou le siège se situe en France, dans l'Union européenne ou dans un autre État étranger, le montant des dons et versements effectués au titre de la souscription nationale. Ce rapport indique également la liste des versements opérés par les collectivités territoriales et leurs groupements. Il rend compte du montant des dons et versements ayant donné lieu aux réductions d'impôt mentionnées aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Il précise enfin le montant des dons et versements ayant bénéficié du taux de réduction d'impôt prévu à l'article 5 de la présente loi ainsi que le montant des dons des personnes physiques excédant la limite de 1 000 € prévue au même article 5.
M. Franck Riester, ministre. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'article 5 bis adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Un rapport annuel n'est pas nécessaire. Le dispositif de l'article 7 est de plus suffisant pour rendre compte de l'emploi des fonds.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Oui, la souscription est limitée à 2019, mais les grands donateurs veulent accompagner le chantier sur toute sa durée. Il faut également retracer les recettes, car il y en aura.
L'État sera maître d'ouvrage. Si 100 % du coût est assuré intégralement par les dons, l'État aura une recette nette de TVA de 20 %. La même question s'est posée pour la cathédrale de Chartres - les donateurs américains avaient refusé de payer la partie relevant de la TVA.
M. Franck Riester, ministre. - Il ne convient pas que l'État bénéficie d'opportunités fiscales, mais les recettes de TVA seront compensées par la réduction d'impôt accordée aux donateurs.
L'amendement n°67 n'est pas adopté.
L'article 5 bis est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°59 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Requier, Castelli, Gold et Collin, Mmes Guillotin et Laborde, M. Léonhardt, Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Dantec, Guérini, Gabouty, Vall, Artano et Corbisez, Mme Costes et MM. A. Bertrand et Roux.
Après l'article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2019, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant le montant des investissements nécessaires à la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
M. Jean-Claude Requier. - Défendu.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Compte tenu du délai de réalisation des diagnostics, il est irréaliste d'attendre un rapport pour le 31 décembre.
L'amendement n°59 rectifié bis est retiré.
L'article 6 est adopté.
M. le président. - Amendement n°31 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Boulay-Espéronnier, M. Danesi, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Imbert, M. Laménie, Mme Lamure et MM. Longuet, Magras, Milon, Panunzi, Poniatowski et Revet.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Par dérogation, l'administration fiscale peut accorder une remise totale ou partielle de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'article 205 du code général des impôts aux entreprises connaissant une baisse de chiffre d'affaires ou une interruption d'activité en raison des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ces entreprises peuvent en outre bénéficier d'un report des cotisations sociales dues à partir du 15 avril 2019 sans majoration ni pénalité de retard.
II. - Les entreprises situées dans l'enceinte du périmètre de sécurité aux abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris tel que défini dans l'arrêté n°2019-383 de la Préfecture de Police de Paris sont dégrevées du montant des redevances mises à leur charge au titre des 8° et 10° de l'article L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales pendant la durée d'application de l'arrêté.
III. - Les logements situés dans l'enceinte du périmètre mentionné au II sont exonérés de la taxe d'habitation acquittée au titre du I de l'article 1407 du code général des impôts pendant la durée d'application de l'arrêté précité.
IV. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Philippe Dominati. - Cet amendement apaise les difficultés économiques du secteur de Notre-Dame : 35 commerces, 350 emplois, 1 000 emplois indirects. La baisse de chiffre d'affaires atteindrait 75 % pour certains.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Les riverains sont peut-être touchés, les commerces certainement. Boutiques de souvenirs, bistrots et restaurants sont privés de clientèle. Cependant, des mesures en leur faveur relèveraient plutôt de l'instruction fiscale, au demeurant déjà utilisée dans le cas des manifestations des gilets jaunes. Retrait ?
M. Franck Riester, ministre. - Comme le rapporteur l'a dit, il existe des dispositions fiscales ciblées et accordées au cas par cas, qui ne relèvent pas de la loi. Même avis.
M. Philippe Dominati. - Je le retire si la situation des commerçants est prise en compte.
L'amendement n°31 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°68, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 1 et 2
Avant les mots :
l'établissement public
insérer les mots :
L'État ou
II. - Alinéa 1
Supprimer les mots :
et des commissions permanentes chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat
III. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
, de leur affectation et de leur consommation
par les mots :
et de leur affectation
M. Franck Riester, ministre. - Cet amendement prévoit que les fonds recueillis dans le cadre de la souscription nationale peuvent être reversés à l'État ou à l'établissement public.
Le contrôle du Parlement sur l'usage des fonds et l'état annuel des consommations des fonds sont supprimés.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Cet amendement rétablit l'ambiguïté que notre commission avait supprimée sur la gestion par l'État en un établissement public. Avis défavorable.
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
L'amendement n°28 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Au début, insérer les mots :
À partir du 1er janvier 2020,
Mme Maryvonne Blondin. - Les donateurs doivent être informés au plus vite du montant et de l'utilisation des dons afin qu'aucun euro ne serve à autre chose qu'à la restauration. La loi sera vraisemblablement promulguée avant la fin juin, l'établissement public devant voir le jour avant la fin juillet. Il sera donc en mesure de présenter un rapport d'activité au 1er janvier 2020.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Nous ne savons toujours pas quand sera créé le probable établissement public... La commission a prévu un rapport un an après sa création. Avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport fait état des fonds prévisionnels qui sont attribués, d'une part, au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et, d'autre part, au financement de l'aménagement des abords afin de pouvoir accueillir temporairement le public, les collections et de présenter l'état d'avancement du chantier.
M. David Assouline. - C'est un amendement de repli, pour s'assurer que les abords seront pris en compte dans le plan de financement de la restauration de Notre-Dame.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Cet amendement n'a plus d'objet, l'amendement n°12 rectifié à l'article 3 ayant été rejeté. Retrait ou avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
M. David Assouline. - Il est rare, monsieur le rapporteur, sur un texte pour lequel nous sommes d'accord sur l'essentiel, que le rapporteur ne donne aucun avis favorable à un amendement ne venant pas de la majorité parlementaire... Malgré sa bienveillance et son respect, je trouve cela très dur !
L'amendement n°17 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE 8
M. Jean-Pierre Leleux . - À l'article 3, j'avais proposé que l'Oppic soit le maître d'ouvrage délégué de l'opération. Mon amendement est tombé sous le coup de l'article 40. Il est pourtant possible de créer une mission spéciale Notre-Dame au sein de l'Oppic pour réaliser les travaux, comme il en existe pour d'autres opérations d'envergure. Elle aurait disposé d'un budget annexe spécifique, un comité scientifique aurait intégré les différents partenaires, comme l'affectataire, le Centre des monuments nationaux et la Ville de Paris. Mais je ne comprends toujours pas en quoi ma proposition méconnaissait l'article 40 de la Constitution...
Mme Mireille Jouve . - J'interviens au nom de Mme Laborde. La loi du 9 décembre 1905 prévoit que l'État est propriétaire des cathédrales et le diocèse affectataire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, dissiper nos inquiétudes sur le respect des lois de 1905 et 1907 par le montage retenu à cet article ? Il ne serait pas souhaitable de confier à l'Église un pouvoir de décision en matière de maîtrise d'ouvrage.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Segouin, Laménie et B. Fournier, Mmes Imbert, Deromedi et Ramond, M. Vaspart, Mme Garriaud-Maylam, MM. Rapin et Bazin, Mme Lassarade, M. Grosdidier, Mmes Puissat et Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Daubresse, Pemezec et Lefèvre, Mme Gruny et MM. de Legge et Poniatowski.
Supprimer cet article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il semble inopportun de créer un nouvel établissement public, alors que l'État dispose déjà de structures compétences comme l'Oppic ou le Centre des monuments nationaux, établissement public déjà chargé de chantiers importants tels que celui de l'Hôtel de la Marine et celui du château de Villers-Cotterêts. Cela générera inéluctablement des coûts et des délais inutiles. Parlementaires, nous devons veiller au bon usage des fonds publics.
M. le président. - Amendement identique n°36 rectifié, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Troendlé, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mmes Bruguière et Chain-Larché, M. Détraigne, Mmes Deromedi et Dumas, M. Gremillet, Mmes Gruny, Imbert et Lassarade, M. Lefèvre, Mme M. Mercier, MM. Moga, Pemezec, Piednoir, Pierre et Poniatowski, Mmes Ramond, Renaud-Garabedian et Thomas et M. Saury.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Notre-Dame a besoin d'efficacité, pas de complexité supplémentaire. Pourquoi créer un nouvel établissement ?
M. le président. - Amendement identique n°52, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. - D'abord, rendons hommage aux services de la DRAC d'Île-de-France, qui intervient sur le chantier, très difficile, et qui n'est pas outillée, pour le confier rapidement à l'Oppic.
Vous nous proposez un nouvel établissement public ; j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'un établissement public administratif : nous le confirmez-vous ? La première chose qu'il fera, j'en suis sûr, est de confier la maîtrise d'ouvrage publique à l'Oppic, parce que vous en avez besoin pour régler le problème de gouvernance.
Tout cela n'est-il pas monté seulement pour permettre la nomination de celui qui sera porté à sa présidence ? Ces manoeuvres sont-elles à la hauteur des enjeux ? Sincèrement, Notre-Dame méritait mieux.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Il existe plusieurs solutions, au ministère de la Culture, pour la maîtrise d'ouvrage publique. Dans tous les cas, les équipes devront être étoffées, de dix à quinze équivalents temps plein. Il y a un risque réel de déstabilisation de l'Oppic et du Centre des monuments nationaux, occupés à d'autres chantiers d'ampleur. Un partenariat entre les trois acteurs serait envisageable. Mais serait-ce adapté au caractère exceptionnel de ces chantiers ? Il n'a pas été rare de confier la maîtrise d'ouvrage à des établissements publics ad hoc dans le passé : grand Louvre, quai Branly, etc. C'est pourquoi, avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis. Les équipes de la DRAC, l'ACMH et ses collègues font un travail remarquable mais dans l'urgence. On ne peut restaurer Notre-Dame de Paris en l'état des forces actuelles de ces services.
Le choix retenu est celui d'une maîtrise d'ouvrage déléguée interne à l'administration ou confiée à un établissement public spécifique. On se dirige vers un EPA, (M. Jérôme Bascher marque son mécontentement.) les choses sont en cours d'analyse. Il y a quelques jours, j'évoquais un EPIC. Dans cette hypothèse, oui, c'est le général Georgelin qui en serait nommé président.
Rien n'est caché ; nous nous transmettons les informations au fur et à mesure que les arbitrages sont faits. On ne peut pas être plus transparent.
Ni la loi de 1905 ni celle de 1907 ne seront méconnues. La fondation Notre-Dame sera sollicitée.
M. Jérôme Bascher. - Cet article prévoit que le Gouvernement légiférera par ordonnances, comme souvent quand il ne sait pas ce qu'il va faire. Nous le vivons depuis le début de la législature. Le Gouvernement procède ainsi, non par urgence mais par ignorance.
Évidemment, c'est un EPA qui verra le jour, pas un EPIC, je ne sais pas même pourquoi nous en discutons puisque ce projet n'a aucun caractère commercial.
Évidemment, le général Georgelin en sera président ; lui qui, pour honorables qu'aient été ses précédentes fonctions, n'est pourtant pas spécialiste de construction de cathédrales... Souvenez-vous de ce qui s'est passé après l'incendie du château de Lunéville, surnommé le « Versailles de Lorraine ». A-t-on eu besoin d'une voie d'exception ?
Dans ce ministère en charge de culture, de patrimoine, il faut avoir de la mémoire. Sur les ordonnances, nous en avons !
M. Pierre Ouzoulias. - Dans ma modeste carrière de fonctionnaire, je n'ai pas souvenance d'un président d'organisme public nommé avant même que l'on sache quoi que ce soit de l'organisme en question. Nous savons également que ce n'est pas un homme de l'art...
Pourquoi ne pas attribuer le personnel supplémentaire qui sera nécessaire à une mission spéciale créée au sein de l'Oppic ? Cela pourrait se faire dès demain !
M. Dominique de Legge. - Vous voulez être transparent, mais vous ne savez manifestement pas où vous voulez aller, monsieur le ministre. Vous avez besoin de moyens supplémentaires ; en quoi cela implique-t-il de créer une structure nouvelle ? Vous savez créer un texte de loi en quarante-huit heures, mais vous ne savez pas quoi mettre dedans - gouvernance, durée des travaux, coût, parti pris architectural - tout cela est bien précipité. Donnez-nous des raisons de vous faire confiance !
Au lieu de cela, vous en appelez systématiquement à revenir au texte de l'Assemblée nationale : autant dire que nous ne servons à rien. Continuez tout seul dans votre voie, mais ne nous demandez pas de vous applaudir !
M. André Gattolin. - Cette structure sera ad hoc, car l'opération est exceptionnelle, d'une durée limitée, de cinq ans, peut-être un peu plus, sans doute pas moins ; mais aussi parce que nous ne pouvons plus créer des structures permanentes embauchant du personnel à durée indéterminée. J'ai constaté que la structure souple chargée de piloter le projet du Louvre Abu Dhabi était exemplaire, simple et efficace, voilà le type de moyens dont nous devons nous doter pour réussir la restauration de Notre-Dame de Paris.
M. Alain Fouché. - Je voterai le dispositif de cet article, avec plusieurs élus de mon groupe, car un chantier comme celui-ci, d'exception, exige des mesures d'exception. Maire d'une ville au patrimoine important, j'ai éprouvé les lenteurs de l'administration dans ce domaine...
À la demande de la commission, les amendements identiques nos4 rectifié bis, 36 rectifié et 52 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°125 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l'adoption | 31 |
Contre | 286 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°69 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
1° Première phrase
Supprimer les mots :
à caractère administratif
et les mots :
sous la tutelle du ministre chargé de la culture
2° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
, ainsi que du Centre des monuments nationaux
II. - Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Franck Riester, ministre. - Le Gouvernement n'a pas tranché entre la création d'un EPA et d'un EPIC. De plus, point n'est besoin de préciser dans la loi que la tutelle sera exercée par le ministère de la Culture. Il ne convient pas d'associer le Centre des monuments nationaux à la gouvernance. Enfin, l'amendement supprime une disposition réglementaire relative à la maîtrise d'oeuvre qui sera naturellement confiée à l'architecte en chef des monuments historiques.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - La loi doit trancher. La commission a souhaité la création d'un EPA, nous en tirons la conséquence. Il sera placé sous votre tutelle, monsieur le ministre, et la maîtrise d'oeuvre sera conduite par l'architecte en chef des monuments historiques. Il est à nos yeux important de le préciser. Avis défavorable.
Mme Dominique Vérien. - Je ne comprends pas, monsieur le ministre. Nous écrivons que ce sera un EPA, vous dites que c'est ce vers quoi nous tendons ; même chose pour la tutelle du ministère de la Culture. Pourquoi refuser ces précisions ? Enfin, en quoi est-ce un problème de rassurer les architectes en les mentionnant dans la loi ?
M. Pierre Ouzoulias. - L'article 9 déroge au code du patrimoine. Si vous voulez une loi d'exception, acceptez exceptionnellement que nous mentionnions dans la loi ce qui figure dans le code de l'urbanisme !
M. Jérôme Bascher. - Monsieur le ministre, je vous plains. Vous défendez un texte sur lequel, manifestement, vous n'avez pas encore reçu les arbitrages de président de la République. Vous voulez que votre ministère soit au coeur de la restauration de Notre-Dame de Paris. L'Arc de triomphe, durement éprouvé récemment, et les tours de Notre-Dame épongent les déficits du Centre des monuments nationaux. Il serait étrange de ne pas l'associer à la gouvernance.
M. Franck Riester, ministre. - J'ai expliqué que la loi était nécessaire pour introduire les dispositifs fiscaux. Notre-Dame a brûlé il y a cinq semaines. Il est normal que l'architecture institutionnelle ne soit pas achevée ! Nous progressons dans la discussion. En attendant, nous vous demandons une habilitation à légiférer par ordonnances, qui seront dûment ratifiées par le Parlement dans un délai d'un an. Il n'y a pas d'intentions cachées.
Quant au Centre des monuments nationaux, un établissement public n'a pas vocation à s'intégrer dans un autre établissement public. Le fonctionnement des agences de l'État est fluide. (M. Jérôme Bascher en doute.) Mon ministère exerce sa tutelle sur le CNM comme il le fera sur le futur établissement public...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Ah ! On progresse ! Vous en parlez au futur, maintenant !
M. Franck Riester, ministre. - ... s'il est créé.
L'amendement n°69 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, M. Segouin, Mme Lamure, MM. Laménie et B. Fournier, Mmes Imbert, Deromedi, L. Darcos et Ramond, M. Vaspart, Mme Garriaud-Maylam, M. Bazin, Mme Lassarade, M. Grosdidier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson et de Legge, Mme Gruny et MM. Reichardt, Lefèvre, Daubresse, Pemezec et Poniatowski.
Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
la conduite, la coordination et la réalisation des études et
par les mots :
la maîtrise d'ouvrage
Mme Laure Darcos. - La rédaction adoptée créée une confusion entre la fonction de maître d'ouvrage et celle qui est dévolue au maître d'oeuvre intervenant dans le cadre de la conception.
Cet amendement clarifie les missions de l'établissement public d'État désigné pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris en matière de maîtrise d'ouvrage déléguée.
M. le président. - Amendement identique n°19 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Mme Sylvie Robert. - C'est la frustration qui domine ce soir. Nous vous avons fait des propositions sur la base de notre expertise. Cet amendement distingue ce qui relève de la maîtrise d'ouvrage de ce qui relève de la maîtrise d'oeuvre. Le président du Grand Louvre, Émile Biasini, était une véritable autorité morale et il était reconnu par ses pairs. Il a garanti une maîtrise d'ouvrage de qualité.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis favorable à ces deux amendements pertinents.
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nos5 rectifié bis et 19 rectifié sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°54, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
à la conservation et à la
par les mots :
au chantier de conservation et de
M. Pierre Ouzoulias. - C'est un amendement de coordination avec notre amendement déposé à l'article premier, non adopté.
L'amendement n°54 est retiré.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 1, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les opérations de maitrise d'oeuvre sont conduites sous la direction d'un architecte en chef des monuments historiques.
Mme Sylvie Robert. - Cet amendement opère une séparation entre les opérations de maîtrise d'oeuvre et celles de maîtrise d'ouvrage qui incombent à l'établissement public. Pour ce qui relèvera de la maîtrise d'oeuvre, l'amendement propose qu'elle soit confiée à un architecte en chef des monuments historiques.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par cet article. Retrait ?
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°20 rectifié est retiré.
L'amendement n°29 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mme Lamure et MM. Longuet, Magras, Milon, Panunzi, Piednoir, Revet et Vaspart.
Alinéa 1, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et des représentants des commerçants
M. Philippe Dominati. - Les commerçants doivent pouvoir être associés aux opérations de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris en disposant de représentants au sein de l'établissement public prévu à l'article 8.
M. le président. - Amendement n°34 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mme Lamure et MM. Longuet, Magras, Milon, Panunzi, Piednoir, Revet et Vaspart.
Alinéa 1, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et des associations de riverains
M. Philippe Dominati. - Celui-ci assure la représentation des riverains.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Évitons des conseils d'administration pléthoriques qui mettraient en danger le fonctionnement de l'établissement public. Il serait incohérent de confier le pouvoir de décision aux commerçants et aux riverains à parts égales avec le propriétaire, l'État ou l'affectataire. Avis défavorable à ces deux amendements.
M. Philippe Dominati. - Vous voulez simplifier la gouvernance, mais vous créez des établissements publics... Je préférerais pour ma part que l'on construise des cathédrales plutôt que des administrations.
Le débat est en train de déraper. Le représentant des associations de commerçants n'a pas d'interlocuteur au ministère de la Culture. Je maintiens ces amendements.
M. Franck Riester, ministre. - L'interlocuteur principal des commerçants est le ministère de l'Économie et des finances. Nous sommes en train d'organiser un rendez-vous avec la DRAC Île-de-France. Leur situation sera prise en compte. Le ministre de l'Économie et des finances les a déjà reçus : il veillera à prendre en compte leur situation.
M. Philippe Dominati. - C'est vous, pas le ministre de l'Économie et des finances, qui êtes face à nous !
M. Franck Riester, ministre. - Je représente le Gouvernement ce soir. En outre, les commerçants pourront me rencontrer s'ils le souhaitent.
L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°34 rectifié.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Lafon.
Alinéa 1, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Laurent Lafon. - Je n'ai pas l'intention de viser par cet amendement une personne, mais son profil. En matière d'architecture et de patrimoine, il vaudrait mieux que les arbitrages soient rendus par un homme de l'art. De plus, il conviendrait que cette expérience unique soit mise à profit sur d'autres chantiers, ce qui réclamerait une présidence plus jeune. D'où ma demande de suppression de la dérogation à la limite d'âge.
M. le président. - Amendement identique n°40, présenté par Mme Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous devons transparence et exemplarité à nos concitoyens et aux donateurs. Nous avons, depuis plusieurs années, adopté des textes de moralisation de la vie publique et garanti l'exemplarité de l'État.
La disposition anachronique que cet amendement supprime lève une limite d'âge dans le seul but de permettre la nomination de la personne pressentie, ce qui va dans le sens contraire.
M. le président. - Amendement identique n°45 rectifié, présenté par MM. Leleux et Houpert, Mme Bruguière, M. Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir et Grosperrin, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Chaize, Danesi et Vaspart, Mme Ramond, MM. B. Fournier, Pierre et Charon, Mme Lamure et M. Mayet.
M. Jean-Pierre Leleux. - Personne ne met en cause la personnalité pressentie, mais une telle dérogation ouvre une brèche pour l'avenir. Continuera-t-on à opposer l'argument de l'âge aux candidats à certains postes ? Attention à la jurisprudence ainsi créée.
M. le président. - Amendement identique n°55, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. - Le président de la République souhaite limiter le nombre de mandats des parlementaires...
Monsieur le ministre, nous entendons que la solution administrative définitive n'est pas arrêtée. Précisez donc tout cela, puis viendra le temps de nommer le président. Vous allez à l'encontre de la bonne pratique administrative en faisant l'inverse.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Ce n'est pas au Parlement de nommer un directeur d'établissement public. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État observe que l'habilitation à déroger pour les dirigeants de l'établissement aux règles de limite d'âge applicable à la fonction publique de l'État est inutile puisque l'article 7 de la loi du 13 septembre 1984 permet aux textes réglementaires de création d'un établissement public de s'écarter de cette limite. Sagesse.
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
Mme Laure Darcos. - Je ne suivrai pas le rapporteur, car je suis opposée à toute limite d'âge. Heureusement qu'il existe des enceintes dans lesquelles il n'en existe aucune, telles les Académies. René de Obaldia de l'Académie française a fêté ses 100 ans, en pleine possession de ses esprits !
M. David Assouline. - Nous, parlementaires, essayons de nous en tenir à certaines règles...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Quel âge a Jack Lang ?
M. David Assouline. - Pourquoi me le demandez-vous à moi ? Je suis un homme de principes et ceux-ci s'appliquent à tous les bords politiques. Si l'on juge qu'une limite d'âge doit s'imposer dans la fonction publique, il n'est pas loisible d'y déroger.
Madame Darcos, l'enjeu n'est pas la respectabilité, ni la capacité ; c'est le renouvellement. Des personnalités remarquables n'ont pas leur chance parce que d'autres, plus âgés, ne quittent pas les responsabilités.
Donner un blanc-seing, c'est ouvrir une boîte de Pandore.
Ce n'est pas rendre service à la personne concernée que de la mettre dans cette situation.
M. Alain Fouché. - Je suis de l'avis de Mme Darcos. L'aptitude compte, pas l'âge. Le général de Gaulle a pris le pouvoir à 69 ans ; il a davantage marqué ce pays que d'autres présidents plus jeunes.
Les amendements identiques nos24, 40, 45 rectifié et 55 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mmes L. Darcos et Dumas, MM. Brisson, Piednoir et Henno, Mme Lamure, MM. Poniatowski et de Legge, Mme Berthet, MM. Charon, Bascher, Grosdidier, Houpert, Lefèvre, Danesi et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Savary et D. Laurent, Mme Ramond, MM. Vaspart, Luche, Savin et P. Dominati, Mmes Gruny, Morhet-Richaud et Deromedi, M. Détraigne, Mme Bruguière et MM. Bazin, Pierre et Laménie.
Alinéa 2
1° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce conseil comprend notamment des représentants des organisations professionnelles représentatives des entreprises de restauration des monuments historiques ainsi que des organisations à caractère scientifique et culturel, expertes dans l'analyse de la conservation et la restauration du patrimoine historique.
2° Dernière phrase
Après les mots :
Il est
insérer le mot :
obligatoirement
3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Celles-ci sont soumises à son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées.
Mme Laure Darcos. - Cet amendement précise la composition du comité scientifique placé auprès du président de l'établissement public de l'État et vise à rendre obligatoire sa consultation. Il prévoit également que les études et opérations de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris sont soumises à son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées.
Je sais que ce conseil scientifique devrait être créé par décret, mais, à la suite de l'incroyable audition que nous avons organisée à l'Opecst, j'ai souhaité l'introduire dans la loi. Le synchrotron, par exemple, peut être utilisé pour calculer les reliefs de la cathédrale.
M. le président. - Sous-amendement n°73 à l'amendement n°22 rectifié de Mme L. Darcos, présenté par M. Assouline.
Amendement n°22 rect., alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, et de l'Unesco
M. David Assouline. - Nous avons oublié un acteur essentiel. C'est pourquoi mon sous-amendement ajoute « et de l'Unesco » après « historique ».
M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 2, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans ce conseil siègent notamment des personnes, compétentes dans les domaines de l'architecture, de l'histoire médiévale et de l'archéologie, choisies parmi les conservateurs du patrimoine, les architectes des bâtiments de France, les architectes en chef des monuments historiques, les enseignants-chercheurs, les directeurs de recherche et les chercheurs du CNRS.
M. Pierre Ouzoulias. - Précisons la rédaction du futur décret en prévoyant que siégeront au comité scientifique des architectes des bâtiments de France (ABF), des architectes en chef des monuments historiques (ACMH). J'ai trop vu d'organismes dont le conseil scientifique obéissait à des critères éloignés des compétences scientifiques, d'où des difficultés...
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Il est important que les experts soient associés à la gouvernance de l'établissement public.
Sagesse sur le sous-amendement : l'Unesco pourrait avoir un rôle dans ce conseil scientifique. Néanmoins, c'est le ministère de la Culture qui a les compétences nécessaires pour en nommer les membres. Le conseil scientifique jouera un rôle éminent dans la restauration de Notre-Dame : sagesse aussi sur les amendements nos 22 rectifié et 57.
M. Franck Riester, ministre. - L'Unesco n'a pas à être présente en tant que telle dans le conseil scientifique, qui sera surtout l'enceinte des experts. En outre, le ministère est en permanence en lien avec l'Unesco : il y aurait là un mélange des genres. Avis défavorable au sous-amendement.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Il est vrai que l'Unesco a davantage un rôle de contrôle. Notre ancien collègue Yves Dauge aurait toute sa place dans ce conseil scientifique. Sa composition demandera du temps et sera subtile.
M. David Assouline. - Je remercie le rapporteur sur mon sous-amendement. Le ministre ne répond pas sur le fond. L'Unesco, qui a classé le site de Notre-Dame, ne viendra naturellement pas en tant que telle mais doit pouvoir porter un regard sur la restauration. Or elle n'a pas même été consultée, voire approchée, lors de la rédaction de ce projet de loi. C'est d'ailleurs choquant !
M. Jérôme Bascher. - Ces dispositions relèvent du réglementaire ! Mais pour une fois, je partage l'avis de notre collègue Assouline. Monsieur le ministre, faites montre d'un peu de bonne volonté en mentionnant l'Unesco dans ce texte.
Mme Dominique Vérien. - L'Unesco est citée dans ce texte et devra accompagner le projet de restauration. Lui demander de faire partie du conseil scientifique n'est peut-être pas nécessaire.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je rejoins la position de prudence de la présidente Morin-Desailly. Certes, l'Unesco est concernée. Prétendre par une loi française intégrer une institution de l'ONU qui compte plus de 180 membres serait un peu excessif. Peut-être certaines personnalités peuvent-elles être visées, mais l'Unesco en tant que telle me semble disproportionné.
Le sous-amendement n°73 n'est pas adopté.
L'amendement n°22 rectifié est adopté, de même que l'amendement n°57.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cet établissement public est créé pour la durée des opérations de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris induites par l'incendie survenu le 15 avril 2019.
Mme Sylvie Robert. - Il convient de limiter la durée d'existence de l'établissement public à celle des travaux directement induits par l'incendie qui a endommagé la cathédrale Notre-Dame de Paris. C'est un usage en matière de construction ou de restauration de patrimoine historique.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. de Montgolfier.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'établissement public est dissous à compter de l'achèvement des travaux de conservation et de restauration consécutifs à l'incendie du 15 avril 2019 de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - En effet, prolonger l'établissement public au-delà créerait un précédent dangereux.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Nous en avons débattu en commission. Albéric de Montgolfier a modifié son amendement dans le sens que nous souhaitions : avis favorable.
Retrait de l'amendement n°21 rectifié à son profit ?
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°21 rectifié est retiré.
L'amendement n°23 est adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Lafon.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'ordonnance prévoit notamment la mise en place d'un conseil déontologique. La composition de ce conseil et son objet sont fixés par décret.
M. Laurent Lafon. - Le chantier de la reconstruction doit être exemplaire, y compris sur le plan déontologique. Un conseil ad hoc s'assurera des bonnes pratiques en matière de rémunération et d'avantages en nature, ainsi que de contrôler les éventuelles dérogations aux règles des marchés publics au cas où l'article 9 verrait de nouveau le jour...
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Le comité de contrôle est déjà chargé en application de l'article 7 de contrôler la façon dont seront gérés les fonds de la souscription nationale par l'établissement public.
La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie a en outre mis en place un collège de déontologie au sein du ministère de la Culture. Retrait ? Sinon, avis défavorable.
M. Franck Riester, ministre. - Même avis.
L'amendement n°26 est retiré.
L'article 8, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°58 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente, à l'occasion de la loi de finances pour 2020, un projet de loi de programmation, sur cinq ans, du redressement des crédits et des effectifs des services de l'État qui participeront activement au chantier de restauration de la cathédrale de Notre-Dame.
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement me touche particulièrement et je remercie la commission et le service de la séance de m'avoir aidé à le rédiger. À l'Opecst, nous avons rencontré de nombreux chercheurs et fonctionnaires qui nous ont dit leur disponibilité pour la maîtrise d'ouvrage, mais leurs moyens ne leur permettent pas d'intervenir comme ils le souhaiteraient. Le laboratoire de recherche des monuments historiques de Champs-sur-Marne a par exemple des compétences très précieuses dans l'analyse des pierres qui pourraient être utilisées sur le chantier.
Ce qui leur manque toutefois, ce sont des forces vives ! Monsieur le ministre, votre engagement est nécessaire.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis favorable.
M. Franck Riester, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°58 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par MM. Leleux et Houpert, Mme Bruguière, MM. P. Dominati et Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Savin, Chaize, Danesi, Dufaut et Vaspart, Mme Ramond, MM. B. Fournier, Pierre et Charon, Mme Lamure et M. Gremillet.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Commission nationale du patrimoine et de l'architecture est régulièrement informée et consultée sur l'avancement des études et des travaux.
M. Jean-Pierre Leleux. - Cet amendement prévoit que la CNPA, instituée par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, soit régulièrement informée et consultée sur l'avancement des études et des travaux.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis très favorable. Cette commission est appelée à jouer un rôle essentiel dans la restauration de Notre-Dame de Paris.
M. Franck Riester, ministre. - Avis très favorable ! (Sourires)
L'amendement n°44 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 9 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°70, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et à adapter aux caractéristiques de cette opération les règles applicables à ces travaux et aux opérations connexes, comprenant notamment la réalisation des aménagements, ouvrages et installations utiles aux travaux de restauration ou à l'accueil du public pendant la durée du chantier ainsi que les travaux et transports permettant l'approvisionnement de ce chantier et l'évacuation et le traitement de ses déchets.
Dans la mesure strictement nécessaire à l'atteinte de cet objectif, ces ordonnances peuvent prévoir des adaptations ou dérogations :
1° Aux règles en matière d'urbanisme, d'environnement, de construction et de préservation du patrimoine, en particulier en ce qui concerne la mise en conformité des documents de planification, la délivrance des autorisations de travaux et de construction, les modalités de la participation du public à l'élaboration des décisions et de l'évaluation environnementale ainsi que l'archéologie préventive ;
2° Aux règles en matière de commande publique, de voirie et de transport ;
3° Aux règles de domanialité publique, sans préjudice de l'affectation légale de l'édifice à l'exercice du culte résultant de l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes.
Les ordonnances prévoient que les personnes apposant des dispositifs et matériels mentionnés aux articles L. 581-6 et L. 581-20 du code de l'environnement dans le périmètre délimité des abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris veillent, en particulier par la surface, les caractéristiques des supports et les procédés utilisés, à optimiser l'insertion architecturale et paysagère et à réduire l'impact sur le cadre de vie environnant.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
M. Franck Riester, ministre. - Il s'agit de rétablir l'article supprimé en commission pour réaliser la restauration la plus exemplaire possible.
Nous souhaitons que ces ordonnances soient ratifiées dans un délai maximum d'un an après la promulgation du texte.
M. Alain Schmitz, rapporteur. - Sans surprise, avis défavorable. Nous avons supprimé l'article 9. D'abord, parce que les demandes d'autorisation liées au chantier peuvent très bien faire l'objet d'un examen prioritaire pourvu que des instructions soient données en ce sens. L'argument de l'urgence ne tient donc pas.
Ensuite, notre législation est mise en avant pour la préservation du site « Paris, rives de la Seine ». Cet article pourrait remettre en question l'inscription du site à l'Unesco.
Enfin, il ne serait pas compris par les autres propriétaires de monuments historiques, collectivités territoriales en tête. L'État ne peut s'affranchir des règles en vigueur qui sécurisent le déroulement des chantiers et leur acceptation. (On renchérit sur les bancs des groupes UC et SOCR.)
Mme Dominique Vérien. - Les élus de Rungis, qui assistaient à nos débats tout à l'heure, voudraient eux aussi s'affranchir des règles pour restaurer leur église, la première en ciment armé, construite par Freyssinet. Mais cette brimade infligée à une collectivité territoriale ne serait ni la première ni la dernière.
Un argument de droit devrait suffire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2016/745, a considéré que les ordonnances, en ce qu'elles constituaient une atteinte grave au pouvoir législatif, devaient être soigneusement encadrées dans le temps comme dans leur périmètre. L'habilitation que l'on nous demande ne l'est pas. (On renchérit sur les bancs du groupe UC.)
Mme Sonia de la Provôté. - Notre-Dame est à tous. Ces dérogations créeraient une brèche législative dans nos pratiques patrimoniales qui font l'honneur, la qualité et l'attractivité de la France. Notre-Dame est à tous, elle ne peut être l'otage de ce Graal politique qui voudrait que l'on imprime sa marque sur le passé ou dans Paris par un geste architectural à chaque nouvelle mandature. L'audace ne peut être considérée comme la qualité ultime ; la modernité à tout prix n'est pas un incontournable de la restauration. Notre-Dame est nôtre, laissons ceux qui savent faire décider du temps et du projet pour qu'elle retrouve sa place et sa grandeur.
M. Olivier Paccaud. - Dieu merci ou, plutôt, Marianne merci, la parole présidentielle ne fait pas loi. Les lois d'exception n'ont jamais été de bon aloi. L'émotion ne saurait enjamber la raison. Cet article est une négation du rôle du Parlement.
Le plus gênant est la mise en scène présidentielle autour de la reconstruction de Notre-Dame. Le président de la République a parlé de cinq ans, vous avez écrit « dans les meilleurs délais ». La reconstruction n'est pas une course de vitesse. Celle du château de Lunéville, qui a brûlé en 2003, n'est pas achevée. Il a fallu dix ans pour reconstruire le parlement de Bretagne.
La culture, monsieur le ministre, n'est pas un productivisme ni un stakhanovisme. Monsieur le ministre, je suis triste que ce soit vous qui portiez ce texte.
M. Alain Fouché. - Nous serons trois à voter l'amendement : MM. Bignon, Capus et moi. Les maires se plaignent que les chantiers n'en finissent pas, que les architectes des bâtiments de France qui se succèdent donnent des avis contraires.
De plus, quel rapport entre une église d'une commune de 200 habitants et Notre-Dame de Paris ? À chantier d'exception, dispositions d'exception. Nous avons besoin d'efficacité et de rapidité. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Jérôme Bascher. - M. Paccaud et moi-même représentons le département de l'Oise, qui n'est pas le moins pourvu en sites classés.
M. Olivier Paccaud. - Trois cathédrales !
M. Jérôme Bascher. - Votre texte, lui, est un peu baroque. Un geste législatif, en somme, pour une cathédrale gothique...
Délais, rigueur des procédures, et vient ce texte qui dit aux maires qu'ils sont bien bêtes de les respecter. C'est une incitation au meurtre patrimonial. (M. André Gattolin s'exclame.)
Osons l'égalité. Il aurait mieux valu alléger quelques procédures ici et là. Je ne doute pas que cette restauration sera remarquable. J'ai confiance dans les gens de l'art.
M. David Assouline. - Je suis surpris, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas décliné les dérogations que vous demandez. Vous avez besoin d'un chèque en blanc parce que vous ne savez pas ce que vous allez faire.
Monsieur le ministre, votre passé de parlementaire plaide pour vous mais les défenseurs du patrimoine sont unanimes à dénoncer ces dérogations. Vous défendez, ici, la parole présidentielle.
Que voulez-vous ? La Ville de Paris, elle, veut qu'aucun arbre ne soit abattu. Des dispositions de la loi NOTRe autorisent des aménagements d'urgence, nous les avons utilisées autour de la tour Eiffel après les attentats.
Mme Marie-Pierre Monier. - Un maire de ma circonscription se demande comment sa commune peut continuer à se soumettre aux règles de protection du patrimoine si l'État s'en affranchit.
Nous ne savons pas quelles règles vous entendez contourner. Vous avez déjà supprimé le verrou des architectes des bâtiments de France, nous l'avions pourtant repris dans la loi LCAP après une CMP conclusive, preuve que la protection du patrimoine est une affaire transpartisane. Les délais de droit commun doivent être respectés, autoriser des dérogations serait ouvrir la boîte de Pandore.
Notre législation est un modèle pour les défenseurs du patrimoine dans le monde entier, ne la cassons pas !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Je pourrai voter cet amendement à condition de le sous-amender car, voyez-vous, j'ai, comme chacun d'entre vous, une longue liste de monuments à restaurer dans mon département pour lesquels je demanderai bien des dérogations... (Sourires)
Plus sérieusement, monsieur le ministre, vous ne justifiez pas les dérogations, à part pour l'Inrap. Le plus drôle, c'est l'argument des bâches publicitaires : depuis quand est-il besoin de prendre des ordonnances pour renoncer à une faculté ? Soyez précis ! Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'habilitation est manifestement trop large.
M. François Bonhomme. - Le Gouvernement fait de l'équilibrisme. De grands chantiers comme celui de la cathédrale de Strasbourg ont été menés sans s'affranchir des règles.
Vous avez calé le calendrier de restauration sur les Jeux Olympiques de 2024, sans que l'on comprenne pourquoi. La méthode est cavalière et trompeuse. J'ai récemment appris, à l'occasion de la remise du prix Pritzker, que le président de la République voulait étendre le concours d'architecture aux abords de la cathédrale. C'est précipité et indécent, a dit l'historien de l'architecture, Alexandre Gady. Cela traduit un besoin infantile qu'on trouve parfois chez certains dirigeants, pourtant démocratiques, de laisser une marque derrière eux ; une marque qui peut parfois se transformer en stigmate quelques générations plus tard. Il ne me reste plus qu'à allumer un cierge pour éviter que le risque ne se réalise.
Mme Angèle Préville. - Péguy parlait de la droiture irréprochable des cathédrales, ces cathédrales qui escaladent le ciel, défient les lois de l'apesanteur et, comme l'a si bien dit Sylvain Tesson, magnifient l'anonymat car leurs bâtisseurs sont inconnus.
La beauté perdue, c'est aussi celle de la forêt dont a été tiré le bois de la charpente. Le symbole qu'est cet édifice doit être respecté. Qu'aucun nom d'architecte, connu ou inconnu, ne vienne griffer Notre-Dame de Paris. Nous sommes les dépositaires de ce monument qui n'est pas un musée, nous devons le transmettre aux générations qui viendront après nous. La qualité de sa restauration se mesurera au respect de ce que nous avons toujours fait.
M. Jean-Pierre Leleux. - Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire ; un bon, un excellent parlementaire, (Sourires) vigilant sur les équilibres institutionnels. Vous auriez peut-être défendu en d'autres circonstances la cause que nous plaidons aujourd'hui.
Le Parlement, vous le savez, est très réticent devant les demandes d'habilitation ; a fortiori quand il s'agit d'ordonnances qui prévoient des dérogations aussi importantes. Comprenez nos collègues qui vous demandent de retirer cet amendement que rien ne justifie. La législation en vigueur donne déjà la possibilité d'aller vite.
L'amendement n°70 n'est pas adopté.
L'article 9 demeure supprimé.
Explications de vote
M. David Assouline . - Le texte initial comportait plusieurs dispositions inacceptables, dont l'article 9 que nous avons heureusement supprimé.
L'adoption d'amendements du groupe socialiste et de la majorité sénatoriale a clarifié le statut du futur établissement public, désormais seul opérateur des fonds issus de la souscription. En revanche, nous regrettons le refus de l'extension de la souscription aux abords tout en prenant acte de la volonté du ministre de trouver une rédaction permettant de satisfaire à cet objectif. Idem pour le remplacement de la réduction d'impôt par un crédit d'impôt. Néanmoins, ce texte exceptionnel, après notre examen, n'est plus d'exception ; le groupe socialiste le votera.
M. Pierre Ouzoulias . - Je salue le travail exemplaire de notre rapporteur, travail de fond effectué dans des délais indécents.
Nous ne saurions accepter le fait du prince et vous connaissez, monsieur le ministre, nos préventions anciennes à l'égard de cette institution.
Ancien conservateur du patrimoine, j'ai passé des années à défendre le patrimoine et le ministère de la Culture, face à des élus avec lesquels le dialogue était parfois difficile. Voter une loi qui va à l'encontre de ce que j'ai toujours défendu, je ne le peux pas.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Merci à nos collègues, en particulier le rapporteur, qui a fait un important travail dans des délais contraints.
Seuls trois amendements ont bénéficié d'un avis de sagesse ou favorable, dont un sur la CNPA mais M. Leleux sait qu'elle peut s'autosaisir depuis la loi LCAP.
Il n'y avait pas urgence. Nous aurions pu prendre un peu plus de temps pour effectuer un travail sérieux.
Le ministère doit rester fidèle à sa grande histoire. Nous fêtons ses 60 ans cette année, j'ai du mal à imaginer André Malraux s'effaçant devant un général - aussi éminent soit-il. (Applaudissements sur tous les bancs, sinon sur ceux du groupe LaREM.)
Le projet de loi, modifié, est adopté.
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 28 mai 2019, à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 25.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus