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Table des matières
Modification de l'ordre du jour
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
Hommage aux sauveteurs morts en mer
M. Gérard Larcher, président du Sénat
Naufrage et Société nationale de sauvetage en mer
M. Édouard Philippe, Premier ministre
Financement de la Société nationale de sauvetage en mer
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Lignes d'aménagement du territoire
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Embargos et extraterritorialité du droit américain
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Scandale des faux steaks hachés
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
Participation des conseillers de Lyon aux élections sénatoriales
Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
Scrutin public solennel (Suite)
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Julien Denormandie, ministre
Ordre du jour du mercredi 12 juin 2019
SÉANCE
du mardi 11 juin 2019
102e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - La Conférence des présidents réunie ce jour a décidé, en accord avec le Gouvernement, de modifier l'ordre du jour des mercredi 12, jeudi 13 et mardi 18 juin.
Le mercredi 12 juin à 15 heures aura lieu la lecture devant le Sénat de la déclaration de politique générale du Gouvernement.
En conséquence, l'espace réservé au groupe communiste, républicain citoyen et écologiste, initialement prévu de 14 h 30 à 18 h 30, est décalé au même jour de 16 heures à 20 heures ; je le remercie de sa compréhension. La séance du soir est consacrée à la suite éventuelle de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux.
Le jeudi 13 juin à 9 h 30, le Premier ministre présentera la déclaration de politique générale, qui sera suivie d'un débat et d'un vote par scrutin public à la tribune. En conséquence, l'examen de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le Règlement du Sénat est reporté au mardi 18 juin à 14 h 30.
Il en est ainsi décidé.
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation à et à la transformation du système de santé.
Seconde délibération
M. le président. - Auparavant, la commission des affaires sociales demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 28. (Mouvements à gauche)
Je rappelle qu'en application de l'article 43, alinéa 4 du Règlement, tout ou partie d'un texte peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.
Le Gouvernement accepte-t-il cette demande de seconde délibération ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. - Oui.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - C'est glorieux !
Mme Laurence Rossignol. - Quelle honte !
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Sur l'interruption volontaire de grossesse, je ne peux être suspectée d'aucune façon. (On ironise sur les bancs du groupe SOCR.) Chacun le sait, je suis particulièrement attachée à l'amélioration des droits sexuels et reproductifs des femmes. Le délai de recours à l'IVG varie selon les pays, tout comme les systèmes de prise en charge. Mon objectif premier est que toutes celles qui le souhaitent puissent bénéficier d'une IVG sûre et de qualité, dans tous les territoires.
Je serai intraitable et me battrai inlassablement car les menaces pesant sur ce droit sont constantes - l'actualité internationale le montre.
Nous devons poursuivre nos efforts pour assurer une offre de proximité diversifiée, réelle et accessible, répondant aux besoins des territoires. Je reviendrai présenter au Parlement les résultats de l'enquête lancée auprès des ARS sur les difficultés d'accès à l'IVG. Voilà pourquoi j'ai soutenu l'amendement de Mme Rossignol rétablissant le rapport du Gouvernement au Parlement sur cette question. Il sera rendu en fin d'année.
Mais j'estime, en conscience et en responsabilité, que les conditions dans lesquelles le Sénat s'est prononcé vendredi dernier sur l'allongement du délai pour recourir à une IVG n'étaient pas satisfaisantes (On ironise sur les bancs du groupe SOCR.) - d'abord compte tenu des circonstances particulières du vote, ensuite parce que le projet de loi concerne l'organisation des soins. (On se récrie sur les bancs du groupe SOCR.)
Je sais cependant que cette demande d'allongement du délai est soutenue par le Planning familial, acteur incontournable du droit des femmes, dont je recevrai les représentants. Je veux réunir les conditions pour que le débat ait lieu dans un cadre plus adapté. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s'exclame.) L'importance du sujet le justifie. Aussi le Gouvernement est-il favorable à une seconde délibération. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM et Les Indépendants)
Mme Laurence Rossignol. - Je salue les applaudissements soutenus dont la ministre vient de bénéficier de la part de la droite... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Grosdidier. - Nous ne sommes pas sectaires, nous !
Mme Laurence Rossignol. - Les conditions de vote sur l'amendement étendant le délai de recours à l'IVG n'auraient pas été satisfaisantes ? Pourquoi ne pas en dire autant des votes sur les autres amendements adoptés le même jour ? Parce que ces amendements-là vous convenaient, à vous et à la droite sénatoriale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Ce vote serait moins légitime parce que nous étions vingt-deux dans l'hémicycle ? En réalité, à la différence des autres votes sur l'IVG, celui-ci a été le fait des présents, et non des absents que l'on fait voter par scrutin public ! Le Sénat est bien le seul endroit où les absents ont toujours raison ! (On renchérit sur les bancs des groupes SOCR et CRCE.)
Nous n'aurions pas assez débattu ? Il y a de nombreux sujets sur lesquels nous ne sommes pas tous très informés. Mais l'allongement de deux semaines du délai de recours à l'IVG est un sujet sur lequel nous avons travaillé, c'est un sujet connu, identifié dans des cercles qui ne sont peut-être pas ceux que vous fréquentez, chers collègues... (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) mais que moi je fréquente, comme ceux du Planning familial.
Bref, ce que font aujourd'hui la droite sénatoriale et le Gouvernement réunis n'est qu'une petite combine de procédure pour s'opposer à une avancée très attendue sur l'IVG. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. le président. - J'ai été saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public sur la seconde délibération. (On ironise à gauche.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Courage, fuyons !
À la demande du groupe Les Républicains, la demande de seconde délibération sur l'article 28 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°147 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 232 |
Contre | 87 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Conformément à l'article 43, alinéa 5, de notre Règlement, lorsqu'il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport. La commission va donc se réunir.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. - Nous aurons besoin d'une demi-heure au plus.
La séance, suspendue à 15 h 15, reprend à 15 h 55.
ARTICLE 28
M. le président. - Amendement n°A-1, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.
Supprimer cet article.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Cet article introduit contre l'avis de la commission et du Gouvernement, qui prolonge de deux semaines le délai d'accès à l'IVG, ne se rattache au projet de loi que de manière très ténue, du fait de la présence, à l'article 17, d'une mesure de simplification supprimant l'obligation pour les professionnels de santé de réaliser, à des fins statistiques, un bulletin papier pour chaque IVG.
Il intervient sans aucune concertation préalable sur ce sujet, notamment avec la communauté scientifique et médicale.
Ce n'est pas dans ces conditions ni dans ces circonstances, au terme de l'examen d'un texte portant sur l'organisation du système de santé, qu'un débat sur le délai d'accès à l'IVG doit être mené et tranché.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Avis favorable.
Mme Éliane Assassi. - L'IVG fait l'objet de multiples campagnes visant à remettre en cause ce droit. Car l'IVG est un droit !
M. Rachid Temal. - Bravo !
Mme Éliane Assassi. - La proposition d'allonger le délai de deux semaines émane de professionnels de santé, du Planning familial. Cet amendement s'inscrit pleinement dans le débat sur la désertification médicale : c'est la pénurie de médecins et de structures pratiquant l'IVG qui rend nécessaire ce délai supplémentaire !
Présente vendredi, je considère que les débats se sont bien déroulés et que le Sénat a voté en responsabilité. L'argument du faible nombre de sénateurs dans l'hémicycle ne tient pas, car rien n'empêchait la commission ou le groupe Les Républicains de demander un scrutin public. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
La privatisation d'ADP a été votée à l'Assemblée nationale en présence de 45 députés, à 6 heures du matin, et vous n'avez pas demandé de seconde délibération pour autant... (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Bruno Sido. - Cela n'a pas la même gravité.
Mme Éliane Assassi. - ... car la majorité à l'Assemblée nationale et le Gouvernement y étaient favorables ! Il y a bien deux poids, deux mesures.
Cette seconde délibération est un coup de force contre l'expression démocratique de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Mme Laurence Rossignol. - Nous avons passé cinq jours la semaine dernière à chercher des solutions contre la désertification médicale et, en ce qui me concerne, contre les conséquences des fermetures massives de maternités sur l'accès à l'IVG. Je regrette que mon amendement instaurant un centre de planification et d'orthogénie dans chaque hôpital de proximité ait été rejeté. S'il avait été adopté, peut-être ne parlerions-nous pas dans les mêmes termes de celui-ci.
Je ne peux laisser dire que l'allongement du délai à quatorze semaines appellerait un nouvel allongement à seize puis à dix-huit semaines, et ainsi de suite. C'est mal connaître les femmes. Plus vite une femme qui ne peut garder un enfant avorte, mieux c'est ! (Exclamations à droite) Aucune ne se dit, voyant qu'il lui reste deux semaines avant de demander une IVG, qu'elle a le temps de partir en vacances... (Protestations à droite)
Quelque trois à cinq mille femmes partent chaque année avorter à l'étranger. Soit par manque d'accès aux soins, en raison de la désorganisation des services ou du manque de médecins - les vacances d'été sont dramatiques, de ce point de vue - soit pour des raisons personnelles. Les trois quarts des femmes qui pratiquent un avortement sont sous contraception ; elles ne comprennent pas tout de suite qu'un retard de règles est dû à une grossesse. Sans parler des mineures qui ne savent pas ce qui leur arrive et ont peur d'en parler... Voilà de bonnes raisons d'allonger le délai de recours à l'IVG de deux semaines, comme c'est le cas dans bien d'autres pays.
Chers collègues, votre décision accroîtra les injustices sociales. Celles qui en ont les moyens iront à l'étranger - merci aux pays voisins de faire ce que l'on ne veut pas faire... - et les autres se débrouilleront !
Madame la ministre, votre liste aux Européennes a promu le pacte Simone Veil, le bouquet législatif, la solidarité entre toutes les femmes de tous les pays d'Europe pour de meilleures lois sur l'IVG. Quel message envoyez-vous à présent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Hier, dans le Journal du Dimanche, Mme Schiappa appelait la gauche à rejoindre le parti unique En Marche. Si En Marche, c'est cela, non merci ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Mme Françoise Laborde. - Sur un sujet aussi important et sensible, prenons de la hauteur et débattons de façon dépassionnée. Le droit à l'IVG a été considérablement amélioré ces dernières années : passage de dix à douze semaines de délai en 2001, gratuité pour toutes les femmes en 2013, suppression de la condition de détresse en 2014, suppression du délai minimal de réflexion d'une semaine en 2016, autorisation pour les sages-femmes de pratiquer une IVG médicamenteuse et, pour les centres de santé, une IVG instrumentale en 2017, extension du délit d'entrave aux sites anti-avortement insidieux...
M. Roland Courteau. - C'est la gauche !
Mme Françoise Laborde. - Notre groupe, après en avoir longtemps débattu, ne prendra pas part au vote, comme il n'a pas pris part au vote sur la seconde délibération. En effet, le Sénat a rétabli l'article 27 qui prévoit la remise d'un rapport sur l'accès effectif à l'IVG dans les territoires, y compris les refus de certains praticiens de la pratiquer.
Il nous apparaît indispensable de prendre le temps d'une réflexion très approfondie sur un tel sujet, notamment au regard de ce qui se pratique chez nos voisins - il y a mieux, mais il y a aussi pire. Le présent projet de loi n'est pas le bon véhicule législatif. Donnons-nous le temps et les moyens de nos ambitions dans le futur projet de loi bioéthique. Nous ne voulons pas rentrer dans des polémiques qui ne nous semblent pas constructives. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Corinne Imbert. - Ce sujet relève en effet plus d'une loi bioéthique et ne doit pas être traité au détour d'un texte sur l'organisation du système de santé.
Fin 2000, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat sur l'allongement de dix à douze semaines, estimait que la question devait « relancer les interrogations sur les circonstances et les facteurs qui conduisent plus de 200 000 femmes par an à vouloir interrompre leur grossesse » et concluait que le débat se situait en amont et non pas seulement sur l'allongement du délai légal. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Esther Benbassa s'exclame.)
Mme Laurence Cohen. - En résumé, il est urgent d'attendre !
Les associations, le Planning familial nous alertent : le droit à l'IVG est remis en cause. (Exclamations à droite) Trois à cinq mille femmes se rendent chaque année à l'étranger pour avorter. Cela peut vous choquer, mais ce sont des faits ! Nous avons passé cinq jours à parler de l'offre de soins sur nos territoires. Pourquoi faudrait-il une loi à part pour l'IVG ?
La ministre nous promet une commission d'experts pour dresser un état des lieux. C'est la réponse systématique - mais les parlementaires, les associations sont aussi des experts ! Quand il s'agit du droit des femmes, on trouve toujours à imposer des limites...
Un mot sur la forme. Nous avons tous vu certains de nos amendements retoqués, mais celui-ci a passé le couperet de l'article 40 comme de l'article 45 et été considéré comme valide par la commission ! Il n'est pas venu en catimini. Pourquoi donc cette seconde délibération ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
En résumé, le droit des parlementaires de l'opposition est surtout le droit de se taire ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Houpert. - J'interviens non en tant que sénateur mais en tant que praticien, radiologue. (Exclamations à gauche) J'ai à ce titre accompagné de nombreuses femmes dans leur projet d'IVG, j'ai ressenti leur douleur. À douze semaines, nous avons affaire à un embryon de 6,5 cm de distance crânio-caudale où l'on ne voit que le bourgeon germinal. À quatorze semaines, nous sommes face à un foetus, dont nous avons 99 % de chances de déterminer le sexe. Attention au risque d'eugénisme. (Exclamations à gauche)
Je ne suis pas un dangereux réactionnaire, j'interviens en tant que technicien (Mêmes mouvements) et je dis qu'il y a là un danger énorme. Comme disait Paul Valéry : il est urgent d'attendre et de réfléchir, dans la perspective de la loi bioéthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)
Mme Annick Billon. - À titre personnel, je suis favorable au respect du droit à l'IVG pour toutes mais je souhaite un vrai débat sur ce sujet de fond. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Aussi je ne prendrai pas part au vote.
M. Rachid Temal. - Je ne suis pas médecin et m'exprime en tant que parlementaire. (M. Vincent Éblé applaudit.)
M. Gérard Longuet. - L'expérience ne nuit pas au débat !
M. Rachid Temal. - Cette seconde délibération repose sur une argutie juridique. Il y aurait donc de bons et de mauvais votes ?
Le discours de notre collègue Houpert revient à nier le droit des femmes à disposer de leur corps. Nous n'obligeons personne à quoi que ce soit, nous répondons à des situations de détresse ; nul eugénisme, simplement la garantie de pouvoir exercer un droit fondamental.
Il n'y aurait pas de lien avec le texte ? L'IVG est bien un sujet de santé publique ! Actons cette avancée. Je regrette que Mme Schiappa, qui prône les droits des femmes partout dans le monde, soit aux abonnés absents... Nous voulons adapter le droit à la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
Mme Michelle Meunier. - C'est la première fois que je suis témoin de telles manoeuvres, la première fois que nous renvoyons une telle image. Cela ne grandit pas le Sénat.
Sur le fond, le dépassement des délais d'avortement est très souvent lié à la précarité sociale. Seules les plus aisées peuvent partir à l'étranger. Raison de plus pour faire progresser un droit arraché de haute lutte ! Inégalités sociales et territoriales : l'amendement de Mme Rossignol était pleinement dans le sujet. Je ne voterai pas l'amendement A-1. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Monique Lubin. - Quand les collègues prennent la parole pour dire qu'en France, le droit à l'avortement n'est pas garanti et peut être remis en question, certains à droite sourient. Les propos de M. Houpert me confortent dans l'idée que le combat des pro-IVG est loin d'être gagné et que certains sont capables de remettre en cause ce droit fondamental. (Vives protestations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme Sophie Primas. - C'est insupportable !
M. François Grosdidier. - C'est vous qui leur donnez des arguments !
M. Marc-Philippe Daubresse. - N'oubliez pas que c'est Simone Veil qui a porté le droit à l'IVG !
M. Michel Amiel. - Je parle non comme médecin mais comme parlementaire. Je me rappelle des débats de 1975, de l'avancée considérable que fut la loi Veil. Dans son esprit, l'IVG était une exception. C'est devenu un droit et c'est bien ainsi.
Mme Laborde a rappelé les évolutions du droit à l'IVG. L'allongement de douze à quatorze semaines n'est pas anodin et mérite une véritable réflexion. Certains cas, comme le viol ou l'éloignement trop important de l'accès aux soins, peuvent le justifier.
Au sein du groupe LaREM nous ne partageons pas tous le même point de vue. Je propose de débattre prochainement de ce sujet à l'occasion d'un temps réservé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Alain Houpert, Philippe Pemezec et Mme Brigitte Micouleau applaudissent également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pourquoi une telle mise en scène ? Avec cette seconde délibération, vous rendez un mauvais service aux Françaises et à la France. Vous vous inscrivez dans le grand courant conservateur qui se développe partout en Europe, et surtout aux États-Unis. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Bruno Sido. - Allons, bon !
Mme Sophie Primas. - Quel amalgame !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Depuis les débats de la loi Veil, on entend que la vie serait là dès la conception. Mais les Britanniques, les Espagnols, les Islandais ne sont pas moins humanistes, moins respectueux de la vie humaine que nous ! Scientifiquement, il n'y a rien de différent à avorter à douze ou à quatorze semaines.
La réalité, c'est que vous voulez faire reculer le droit à l'avortement ! (Vives protestations et huées à droite)
Le droit n'existe que dans la réalité, pas dans les textes. Or dans la réalité, vous faites reculer ce droit. Il doit s'appliquer partout, pour toutes. Vous creusez les inégalités et, au fond, remettez en cause la philosophie même de ce grand mouvement d'émancipation qu'était la loi Veil.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Heureusement que la gauche était là à l'époque, et qu'elle l'est encore aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; huées à droite)
M. David Assouline. - Sur le fond, je rejoins l'argumentaire de Mme Rossignol. Mais la question est aussi de procédure. On nous dit que le débat n'était pas mûr et que le vote de vendredi dernier n'avait pas lieu d'être. L'amendement en question avait pourtant franchi la barrière de l'article 40 et de l'article 45 ; il n'a pas été jugé hors sujet. L'argument est fabriqué.
La majorité sénatoriale est de droite, soit, mais le vote est souverain, il n'a pas à être remis en cause. Il était tout à fait régulier. Revenir dessus, ce n'est pas banal.
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'est la Constitution ! Quand on est vice-président, on devrait le savoir !
M. David Assouline. - J'espère que cela ne fera pas jurisprudence, sinon tout vote qui déplait à la majorité risque de subir le même sort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Samia Ghali. - Aux médecins, je voudrais dire que dans certains territoires, l'accès aux gynécologues relève du parcours du combattant. Dans les quartiers populaires comme dans les campagnes, il n'y a qu'un gynécologue pour cent mille habitants !
Mme Catherine Troendlé. - C'est vrai !
Mme Samia Ghali. - Cela signifie que le droit à l'IVG n'est effectif que pour certaines femmes : celles qui ont les moyens d'aller avorter à l'étranger. Les autres devront subir une grossesse non désirée. Songez-y, quand vous célébrez les femmes le 8 mars ! Ici, il s'agit de leur vie, de leur santé - de la protection de l'enfant aussi, car il n'y a rien de pire qu'un enfant qui n'est pas désiré et qui est abandonné. Ces sujets doivent tous nous interpeller, au-delà de nos divergences. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Mme Corinne Féret. - Cette demande de seconde délibération renvoie une piètre image du Sénat. Vendredi, chacun s'est exprimé en conscience. Revenir sur ce vote n'est pas convenable.
Le droit à l'IVG est fondamental. Nous le considérons acquis, or il faut sans cesse le réaffirmer. L'allongement du délai de deux semaines est une mesure de justice sociale qui répond à la détresse des femmes qui n'ont pas les moyens de se rendre à l'étranger pour avorter. Comme le remboursement de l'IVG, c'est une réponse aux inégalités sociales qui entravent l'accès à l'IVG. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Catherine Deroche. - Je voterai cet amendement. Quand on voit les problèmes de fond que pose l'article adopté vendredi, il est évident qu'il faut avoir un débat complet sur le sujet. (Protestations à gauche) Nous l'aurons ! On ne peut pas soupçonner Mme la ministre d'être hostile à l'IVG et aux droits des femmes ! N'inventez pas des choses qui n'existent pas. Il n'y a ici personne d'hostile à l'IVG. Notre groupe a une liberté totale de vote sur toutes les questions éthiques. Mais ne nous jetons pas à la figure des invectives qui ne s'imposent pas. Arrêtons les caricatures ! Je refuse d'être classée parmi les conservateurs hostiles à l'IVG ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; Mme Éliane Assassi proteste.)
Mme Françoise Gatel. - Certains ici pointent un problème réel : l'inégal accès sur le territoire à l'IVG. Personne n'a le monopole du coeur ni la capacité de faire la morale aux autres. (Nombreux applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Pourquoi 14 semaines seraient la réponse aux lacunes que vous pointez, à savoir les difficultés territoriales et sociales ? Je refuse d'être manipulée (Exclamations à gauche) et d'être traitée d'affreuse conservatrice alors que nous cherchons à comprendre. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Yves Daudigny. - Ni médecin ni femme (Sourires), je vous ferai part de la réaction sur internet d'une grande revue féminine - qui n'est pas connue pour être extrémiste - à l'article adopté vendredi : « le délai d'IVG allongé par le Sénat : un vrai plus pour les femmes », titrait-elle. « Cet amendement pourrait bien changer la vie de nombreuses femmes. Quand on découvre qu'on est enceinte et qu'on prend la décision d'avoir recours à une IVG, il faut garder en tête les délais. Jusqu'à maintenant l'IVG chirurgicale était possible que jusqu'à la douzième semaine de grossesse. Il fallait se lancer dans les démarches sans vraiment traîner et trouver l'établissement adéquat. C'est parfois beaucoup plus compliqué qu'auparavant, car de nombreux établissements qui pratiquaient l'IVG ont fermé. Les délais d'attente se révèlent souvent trop longs. Ces deux semaines supplémentaires pour avorter n'ont rien d'anodin ».
M. Pierre Laurent. - D'un côté, vous dites que le droit à l'IVG n'est pas en cause ; de l'autre, vous utilisez une procédure règlementaire exceptionnelle pour s'opposer à un article adopté en séance publique... Or, il ne s'agit pas de bouleverser la législation mais d'améliorer l'accès au droit à l'IVG.
Ce projet de loi ne va pas améliorer les conditions de recours à l'IVG alors que d'énormes problèmes sanitaires sont devant nous et que ce texte risque de les aggraver. Cet amendement protègerait davantage les femmes : or, vous dramatisez le débat ! Un droit n'a de sens que s'il se traduit dans la réalité.
Vous demandez du temps pour débattre de ce sujet, mais en même temps vous avez recours à la procédure accélérée. Une deuxième lecture aurait permis d'aller au fond des choses ! (Applaudissement sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Roger Karoutchi. - Sur la forme, il ne s'agit pas d'une procédure exceptionnelle ! La demande de deuxième délibération figure dans la Constitution. Lors des lois de finances, c'est monnaie courante chaque année. Lorsque j'étais au Gouvernement, j'ai moi-même eu recours à cette procédure régulièrement. Nous sommes dans la logique parlementaire de la Ve République.
Je voterai l'amendement de la commission. Que ce soit sur l''avortement ou la fin de vie, nous avons besoin d'un texte bioéthique et nous avons besoin de temps. La loi Veil a été adoptée après 26 heures de débat. Ce n'est pas au détour d'un amendement qu'il faut tout changer. Un grand texte honorera le Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Olivier Cadic. - Si nous étions vraiment progressistes, nous passerions de 12 à 24 semaines comme en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas.
L'IVG est un droit inaliénable des femmes à disposer de leur corps. À titre personnel, je ne voterai pas l'amendement de suppression, car je suis favorable aux 14 semaines.
En aucun cas, je jugerai ceux qui votent différemment. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC dont ceux de Mme Annick Billon)
Mme Christine Prunaud. - Votre intervention, monsieur Karoutchi, met certains points au clair. Mais comment justifierons-nous notre revirement auprès de nos concitoyens ou du Planning familial ?
Je sais que quelques hommes et quelques femmes de droite sont favorables à l'IVG. Mais nous voulons ici traiter des cas de détresse, d'ignorance qui, à deux semaines près, détruisent la vie des femmes concernées.
Nul besoin d'un rapport ou d'une commission ! Préservons les IVG dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur certains bancs du groupe CRCE)
Mme Marie-Pierre Monier. - Je suis choquée d'entendre que cet amendement serait le fait d'une manipulation, au détour d'un vendredi matin.
Lorsque j'explique notre travail, je dis que nous travaillons les textes en amont : cet amendement était connu bien avant vendredi matin. Si c'était si important pour ceux qui protestent, ils n'avaient qu'à être en séance et à voter contre vendredi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Je suis sénatrice depuis 2014 mais cela fait bien longtemps que le Planning familial interpelle le Parlement sur cette question. Je voterai contre la suppression de cet article. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs)
M. Alain Milon, président de la commission. - Revenir sur une délibération est fréquent. Ainsi, le 16 juillet 2014, un amendement d'Yves Daudigny avait été voté à l'unanimité par le Sénat et la ministre, Mme Touraine, était revenu dessus en demandant une seconde délibération avec vote bloqué. (Protestations à gauche)
La très grande majorité des pays européens ont fixé un délai d'avortement à 12 semaines à compter du début de la grossesse, soit 14 semaines d'aménorrhées. C'est le cas en France depuis la révision du délai par la loi du 4 juillet 2001, mais également en Allemagne, en Belgique, en Italie, au Danemark, en Autriche...
Les quelques pays qui autorisent l'avortement au-delà de ce délai ne le font qu'à des conditions très restrictives : au Royaume-Uni, en Espagne et en Finlande, l'avortement doit en effet encore être justifié par des raisons socioéconomiques, c'est-à-dire le viol, ou le danger que peut représenter la grossesse pour la femme, que celui-ci intervienne avant 12 semaines ou entre 12 et 24 semaines.
Par comparaison, la législation française opère une distinction entre une IVG à la demande de la femme et une interruption médicale de grossesse (IMG) pour motif de santé de la mère ou du foetus, une nuance qu'on ne retrouve pas dans les législations britannique ou néerlandaise. En France, une IMG peut être pratiquée jusqu'à la fin de la grossesse, notamment pour des causes psychosociales, comme le viol, mais aussi en cas de détresse psychosociale comme la prise de drogues ou des indications psychiatriques. Au Royaume-Uni ou en Espagne, les IMG pour motif médical ne sont possibles que jusqu'à 24 semaines.
Si le délai de 12 semaines à compter du début de la grossesse a été retenu par la plupart des pays européens, c'est également pour des raisons de faisabilité technique. Le geste médical nécessaire pour une IVG après ce délai n'est plus le même, et le protocole doit être révisé compte tenu des risques importants pour la femme enceinte après ce délai.
Plus qu'une question de délai, c'est donc bien un problème d'accès à l'IVG qui se pose pour certaines femmes, et ce problème peut se poser à 12 semaines passées, mais aussi à 14 semaines et même à 16 semaines.
Pour répondre à ce problème de façon opérationnelle, il convient d'encourager les professionnels de santé à plus de réactivité lorsqu'il s'agit d'orienter ou de rediriger les patientes, en leur rappelant qu'ils doivent sensibiliser très tôt les patientes sur le respect des délais pour procéder à une IVG, en tenant compte du délai pour manifester son consentement. Il faut aussi permettre à plus de généralistes de suivre un diplôme interuniversitaire de gynécologie ou un DU en orthogénie.
Il convient également d'établir une cartographie précise des structures pratiquant les IVG et, enfin, sanctionner les professionnels de santé qui, après avoir exercé leur clause de conscience, méconnaissent l'obligation qui leur est faite de réorienter les patientes vers un médecin ou un centre susceptible de pratiquer l'IVG : la commission avait souhaité inscrire un pouvoir de pénalité pour les organismes d'assurance maladie à l'encontre des professionnels ne respectant pas cette obligation, mais le groupe CRCE s'y était à l'époque refusé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°A-1 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°148 :
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l'adoption | 205 |
Contre | 102 |
Le Sénat a adopté et l'article est supprimé.
La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 16 h 55.
Hommage aux sauveteurs morts en mer
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mmes et MM. les ministres.)
En votre nom à tous, je tiens à saluer la mémoire des sauveteurs de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) qui ont perdu la vie vendredi dernier au large des Sables-d'Olonne. Ils s'appelaient Yann Chagnolleau, Alain Guibert et Dimitri Moulic. Nous avons une pensée pour eux, pour leurs familles et pour les sauveteurs dont la vie a été épargnée. Le Sénat exprime sa solidarité aux 8 000 bénévoles de la SNSM qui viennent en aide aux professionnels et aux vacanciers, sur nos côtes de métropole et d'outre-mer. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres observent une minute de silence.)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Naufrage et Société nationale de sauvetage en mer
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, toute la communauté des gens de mer est en deuil. Vendredi, trois sauveteurs bénévoles de la SNSM sont morts noyés pour venir en aide à un marin pêcheur en détresse. La mer était démontée quand ils ont reçu un message du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross). Pourtant, ils n'ont pas hésité. Ils y sont allés, car c'est leur raison d'être - et même de mourir, malheureusement. Depuis que cette terre est battue par la marée sans fin de la vie et de la mort, ceux qui sauvent suivent leur devoir jusqu'à, parfois, l'ultime sacrifice.
Le président de la République a décidé d'honorer ceux qui sont morts. Il faudrait aussi honorer les vivants, c'est le même courage, le même équipage.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes de ces gens de mer si merveilleusement décrits par Marc Elder. Je voudrais que vous vous engagiez devant le Sénat de la République, devant ceux qui ne sont plus et aussi devant ceux qui vivent, à tirer toutes les leçons de ce drame. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je m'associe à vos propos et à ceux du président Larcher pour dire mon émotion, mon admiration, ma solidarité et mes fortes pensées aux familles et aux camarades des victimes. Votre émotion, monsieur Retailleau, est celle d'un responsable politique et d'un citoyen français qui sait reconnaître les héros, qui connaît la mer, la course au large et les difficultés inhérentes au métier de marin pêcheur. Dans votre département, la mer donne beaucoup, mais parfois elle reprend.
Lorsque le gros temps arrive, il est raisonnable de penser qu'on ne saura pas vaincre les éléments - et pourtant, les sauveteurs sortent, sans se poser de question, alors même qu'ils savent que c'est trop dangereux.
L'admiration de tous envers les femmes et les hommes en orange est bien légitime. Oui, la République sait reconnaître les héros. Elle saura distinguer ceux qui ont pris la mer ce jour-là pour sauver un marin.
Par le passé, nous avons considérablement accru nos efforts budgétaires en faveur de la SNSM - même si les sommes en valeur absolue ne sont pas très importantes. Le modèle économique de la SNSM repose en effet sur le bénévolat et les dons. Il faudra s'interroger sur la pérennité de ce modèle. En 2017 et en 2018, j'ai présidé les Comités interministériels de la mer à Brest puis à Dunkerque. J'ai l'intention de présider celui qui se tiendra en 2019 et je propose que nous nous interrogions alors sur le modèle du sauvetage en mer : ce qu'il convient de conserver, de réparer et de développer. Cette question intéresse tous ceux qui savent que rien n'est plus beau que de servir ses concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)
Financement de la Société nationale de sauvetage en mer
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Une émotion vive et sincère s'est emparée de la ville des Sables-d'Olonne, de la Vendée et de la communauté maritime. Vendredi, alors que la tempête Miguel fait rage, sept marins expérimentés, sauveteurs bénévoles de la station SNSM des Sables-d'Olonne, ont fait naufrage à bord du canot tout temps Jack Morisseau.
Animés par la solidarité des gens de mer, ils allaient porter assistance à un bateau de pêche. Des murs d'eau ont eu raison du canot qui s'est retourné, une première fois, une seconde et une troisième, fatale. Trois hommes sont morts. Quatre hommes parviendront à rejoindre la côte dans des conditions invraisemblables.
Hier, 15 000 personnes leur ont rendu un hommage poignant à travers une marche silencieuse.
Ces hommes et ces femmes s'engagent bénévolement pour sauver des vies. Ils méritent notre respect. Ils sont sauveteurs en mer, pompiers, membres de la Protection civile ; ils remplissent des missions de service public.
Le canot Jack Morisseau était le bateau de réserve de la station. Cette embarcation de 1986 est sortie dans des conditions de mer dantesques parce que le canot n°1 est en réparation depuis de nombreux mois, parce que l'association SNSM et ses 8 000 bénévoles, subventionnée à 80 % par des dons, n'a pas les moyens de renouveler tout son matériel navigant.
J'en appelle à une nécessaire et urgente prise de conscience collective afin de doter ces hommes et ces femmes, qui s'engagent pour les autres, de moyens financiers et matériels suffisants, pour que soit préservé et consolidé le statut de bénévole et qu'un accompagnement des familles des victimes soit assuré. Excusez mon émotion. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous partageons toutes et tous votre émotion. Comme vous le savez, elle était forte quand nous nous sommes retrouvés aux Sables-d'Olonne, vendredi après-midi, après ce drame. Je suis allé présenter mes condoléances aux familles et aux proches des victimes, parmi lesquelles des enfants, qui ont perdu leur père. J'ai également rencontré trois sauveteurs qui en ont réchappé, le quatrième étant hospitalisé. Ces sauveteurs n'ont écouté que leur courage et leurs sens du devoir, vendredi matin.
Je les ai écoutés longuement évoquer les circonstances du drame. Ils ont tenu à nous dire qu'il n'y a pas eu de débat entre eux avant de sortir en mer. Ils étaient unanimes. Ils ont cependant admis qu'une question se posait, celle de l'interdiction de prendre la mer quand la mer est démontée. Car aucune interdiction n'est actuellement prévue à ce sujet, même lorsqu'une alerte météo est lancée. Ils ont demandé aussi l'organisation d'une table ronde pour tirer tous les enseignements de ce drame.
Leur rendre hommage, c'est être à leurs côtés dans la durée et donner des moyens à la SNSM. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Crise des urgences (I)
M. Michel Amiel . - La situation aux urgences ne surprend personne. Si les moyens alloués depuis quelques années ont augmenté sensiblement, le recours des patients aux services d'urgence a augmenté encore bien davantage. Bien souvent, il s'agit plus de consultations non programmées que de véritables urgences, ainsi en périodes d'épidémie de grippe. Mais il est vrai que pour bon nombre de Français, le service des urgences est parfois le seul recours possible.
La suppression de la permanence des soins en ambulatoire en 2003 n'a sans doute rien arrangé, mais il est toujours difficile de revenir en arrière. Si le personnel des urgences est au bord du burn-out, les médecins de ville ne sont pas mieux lotis avec 50 à 60 heures de travail hebdomadaire hors permanence des soins.
De grâce, arrêtons de monter les soignants contre les soignants : la ville et l'hôpital rament sur la même galère et vous avez hérité d'une situation catastrophique. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)
Personnellement, je ne crois pas à l'efficacité de la mesure d'un forfait de réorientation, car il faudrait déjà une pré-consultation pour déclarer le caractère non urgent de l'acte à effectuer. De surcroît, il s'agirait d'un manque à gagner pour les urgences. Le coût moyen pour l'assurance maladie s'élève à 150 euros, quelle que soit la gravité de l'affection du patient. Le Sénat n'a d'ailleurs pas voté cette mesure.
Ayons l'humilité d'admettre que nul ne possède la solution miracle, surtout à moyen constant.
Certes les mesures que vous proposez, maisons médicales de soins non programmées, hôpitaux de proximité, apporteront des solutions à moyen et long terme. Mais à court terme, que pouvez-vous proposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - La souffrance des personnels aux urgences est une réalité. Les difficultés sont anciennes et se sont aggravées. De dix millions de passages aux urgences fin 1990, nous sommes passés à vingt millions. Les services n'ont pas été redimensionnés pour cela.
Dès cette année, j'ai donné du souffle à l'hôpital en dégelant en une fois les 415 millions d'euros gelés en 2018 auxquels s'ajoutent 300 millions d'euros non utilisés en 2018 et réalloués aux hôpitaux en mars 2019.
J'ai aussi augmenté les tarifs hospitaliers payés par la sécurité sociale, pour la première fois depuis dix ans. Ces mesures démontrent que je suis aux côtés des personnels soignants, en attendant que le projet de loi dont nous discutons soit voté.
Des annonces ont été faites jeudi dernier, à l'occasion du congrès national des urgences : tout d'abord, une mission permettra de repenser les urgences pour répondre aux enjeux du XXIe siècle. Une prime de risque sera versée à tous les personnels des urgences qui sont soumis à beaucoup d'incivilités et de fatigue ; une prime de coopération favorisera les délégations de tâches entre les professionnels de santé afin de fluidifier le traitement des malades. J'ai demandé des moyens supplémentaires aux ARS pour recruter du personnel dans les établissements en tension. Je préciserai d'ici la fin de la semaine ces mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Lignes d'aménagement du territoire
Mme Josiane Costes . - Les lignes d'aménagement du territoire ne représentent que 0,3 % du trafic des aéroports de Paris mais sont vitales pour certains départements enclavés, difficilement accessibles par le rail ou la route. Les collectivités territoriales les financent au maximum de leurs possibilités.
La hausse des taxes sur le kérosène, au demeurant légitimes au regard du réchauffement climatique, accroîtrait le déficit de ces lignes aériennes et mettrait en danger le maintien de l'activité économique dans nos territoires.
Alors qu'on parle beaucoup de différenciation territoriale, et c'est d'ailleurs l'une des dispositions prévues par le projet de loi de réforme constitutionnelle, le kérosène utilisé pour ces lignes ne pourrait-il pas être détaxé ? À défaut, l'État ne peut-il pas prendre à sa charge ce surcoût ? Sa responsabilité est de protéger les plus faibles pour ne pas aggraver une fracture territoriale que nos concitoyens ne supportent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le Gouvernement est favorable à ce que le transport aérien contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; cela pourrait passer par une forme de taxation environnementale. Mais cela n'a pas de sens si on le fait seulement au niveau franco-français car les compagnies aériennes iront faire le plein dans les pays voisins lors de leurs rotations européennes.
Il faut le dire clairement : le transport aérien est déjà mis à contribution à travers les taxes d'aéroport. Certains, de façon démagogique, comparent ce qui n'est pas comparable : les taxes d'aéroport représentent 50 % du prix du billet en France, contre 30 % en Suède.
Nous devons mener le combat au niveau européen et nous le ferons. Avec une coalition de pays volontaires, nous travaillons pour que la nouvelle Commission européenne porte ce sujet. Ensuite, il faudra passer à l'échelle internationale.
Certaines destinations, telles qu'Aurillac ou Castres, doivent exister car le train n'est pas une solution compétitive. Le Gouvernement est au rendez-vous, y compris, parfois, pour les subventionner.
M. François Patriat. - Très bien !
Mme Josiane Costes. - Sans soutien, ces lignes seront en danger et l'avenir de ces territoires s'assombrira. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Crise des urgences (II)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Depuis trois mois, les urgences sont engagées dans un mouvement pour alerter sur les conditions intolérables d'accueil et de prise en charge des patients. Selon le collectif Inter-Urgences, 95 services sont en grève. Cette mobilisation d'intérêt général est au service de l'humain, pour la dignité.
Madame la ministre de la Santé, vous avez annoncé des mesures pour faire face à une situation exceptionnelle mais les services d'urgences sont confrontés à cette situation toute l'année. Que ferez-vous si les urgences de Lens ferment leurs portes cet été ? Réquisitionner le service de santé des armées, comme l'a suggéré le président de la Fédération hospitalière de France ? Que ferez-vous face à l'urgence sociale et sanitaire de nos hôpitaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Votre question est double. Concernant Lens, comme tous les étés, et comme tous les hivers avant l'épidémie de grippe, des réunions auront lieu autour du 15 juin avec l'ensemble des parties prenantes pour organiser la permanence des soins.
De manière générale, les urgences sont le symptôme d'un système de santé qui dysfonctionne en amont comme en aval.
Au-delà des mesures d'urgence, j'ai souhaité régler le problème au fond par la loi que vous voterez sous peu. Avec les communautés professionnelles territoriales de santé, elle facilitera l'accès aux soins non programmés en ville, qui seront financés ; cela libérera du temps aux urgences en amont. Pour l'aval, j'ai confié une mission de refondation des urgences au professeur Pierre Carli et au député Thomas Mesnier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Dans le bassin lensois, l'inquiétude monte. Pas moins de sept médecins urgentistes sur quinze ont démissionné. Comment le service pourra-t-il fonctionner avec huit médecins alors qu'il était déjà saturé l'an passé quand l'effectif était au complet ? Je vous interroge dès maintenant, pour que vous puissiez anticiper. Sortez de la logique de réduction des dépenses pour ne pas faire de la non-assistance à personnel en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Crise des urgences (III)
M. Jean-Louis Tourenne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Durant l'examen du projet de loi Santé, les sénateurs Jomier et Rossignol ont rappelé combien la situation des urgences était désastreuse. Quelque 90 services sont en grève. Le personnel est dévoué, compétent mais fatigué, usé, souvent au bord des larmes. Les admissions croissent chaque année jusqu'à atteindre 21 millions. Les signaux sont clairs et le décès de Micheline, après quatorze heures passées sur un brancard à l'hôpital Lariboisière n'était pas le moindre.
Pourtant, madame la ministre de la santé, vous renvoyez les grévistes à la culpabilisation : ils surchargeraient leurs collègues. Mais ils sont en grève parce qu'ils sont surchargés toute l'année. À qui la faute ? Vous affirmez votre maîtrise de la situation : les déserts médicaux, c'est du passé ; la suppression du numerus clausus, la panacée.
Face aux incantations, la réalité est celle de la désespérance des urgentistes qui sont dans la rue. Vous me répondrez que le déficit de la sécurité sociale risque d'atteindre les 4,4 milliards d'euros : à qui la faute ? Hors les 700 millions d'euros pris sur les blocages de l'an dernier, quelles mesures prendrez-vous pour les urgentistes que soutiennent majoritairement les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Ma réforme n'est pas une réformette. La dernière réforme, la loi d'organisation du système de santé de 2016, n'a pas laissé les hôpitaux dans un état meilleur qu'il ne l'était cinq ans auparavant. Tout le monde doit faire preuve d'humilité. Il est difficile de trouver des médecins, compte tenu de la démographie médicale catastrophique. Nous payons aujourd'hui des décisions qui ont été prises il y a trente ans.
Avec humilité, donc, j'essaie de trouver des solutions. Ma réforme est ambitieuse : demander aux médecins de ville de mieux s'organiser pour assurer l'accès aux soins non programmés et la prise en charge des patients chroniques afin que les urgentistes aient plus de temps pour les vraies urgences.
Ma réforme est financée. Je viens de dégager 700 millions d'euros pour l'hôpital et de prévoir une revalorisation des tarifs hospitaliers pour 2019. J'ai demandé que ces moyens soient fléchés sur l'amélioration des conditions de travail du personnel et la rénovation des locaux, parfois trop petits pour accueillir les patients, parfois vétustes. Il faudra plus qu'un coup de peinture pour garantir un accueil digne.
De plus, j'ai annoncé, lors du congrès des urgentistes la semaine dernière, des mesures pour les soignants, dont je sais le rythme et les conditions de travail difficiles. La prime de risque sera harmonisée partout sur le territoire. (M. François Patriat applaudit, de même que M. Jean-Claude Requier et Mme Françoise Gatel.)
M. Jean-Louis Tourenne. - Vous plastronniez de présenter un budget qui était en l'équilibre grâce à la gauche (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) et maintenant vous n'avez plus les moyens de satisfaire les besoins de l'hôpital ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Embargos et extraterritorialité du droit américain
M. Joël Guerriau . - Le commerce mondial est bridé par des embargos et des sanctions commerciales qui s'appliquent à plus d'une trentaine de pays, à des personnes morales et physiques, à des marchandises ou à des moyens de transport. Cette situation pèse lourdement sur le transport maritime français.
Les sanctions évoluent si vite qu'un bateau peut se trouver immobilisé du jour au lendemain en pleine mer, l'armateur doit se séparer de la cargaison et du navire. Dans cet environnement instable, nos entreprises s'imposent, au quotidien, des règles et des procédures strictes. Elles consacrent des heures à remplir des questionnaires, notamment sur l'historique des navires. Les conditions sont si élevées qu'elles les amènent trop souvent à ne pas pouvoir honorer leurs contrats.
Nos entrepreneurs se sentent pris en otage par les décisions du Trésor américain, qui mène une guerre commerciale qui ne dit pas son nom. Comment les protéger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Vous parlez d'or ; je n'ai rien à redire de vos propos. Les États membres de l'Union européenne ont un rendez-vous majeur, celui de leur souveraineté économique. Nos alliés n'ont pas à nous dicter où les entreprises européennes peuvent ou ne peuvent pas commercer.
Des mesures ont été prises il y a une vingtaine d'années, dont le Règlement de 1996 pour contrer la loi Helms-Burton. Nous avons mis en place un outil pour que les entreprises européennes puissent continuer de commercer avec l'Iran. En tout état de cause, la solution n'est pas dans l'unilatéralisme. Avec la nouvelle Commission européenne et le Parlement européen renouvelé, nous renforcerons le Règlement de 1996 ; nous affirmerons tout simplement la puissance européenne, cet espace de 500 millions d'habitants et de consommateurs doit peser encore et toujours plus.
Bastiat disait il y a plus d'un siècle : là où le commerce passe les frontières, les soldats ne les passent plus. Retenons la belle leçon des alliés de l'été 1944 : la désescalade car les tensions commerciales menacent la stabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Renault-Nissan-Fiat
Mme Sophie Primas . - Ma question porte sur le groupe Renault, ébranlé par plusieurs mois de tensions après le départ de Carlos Ghosn. L'alliance est de nouveau éprouvée par la discussion puis le retrait, apparent ou réel, d'une offre de fusion. La proposition de Fiat s'appuyait sur une valorisation au rabais de Renault, donnait les coudées franches à la famille Agnelli dans la gouvernance de l'entité fusionnée et divisait par deux les parts de l'État français.
Au-delà de ce deal enterré aussi soudainement qu'il avait été envisagé, je souhaiterais des éclairages sur les opportunités de cette éventuelle alliance entre ces constructeurs égaux qui chassent sur les mêmes terres. Poursuivez-vous les discussions ? Quelles seraient vos conditions pour un accord ?
Ces allers-retours entre Renault et Fiat pourraient mettre en péril l'alliance entre Renault et Nissan. La tiédeur du groupe japonais devrait nous inciter à la prudence, il s'est abstenu lors du vote sur la fusion. M. Lemaire s'est rendu au Japon, à l'occasion du G20, pour tenter de rassurer. Alors que la prochaine assemblée générale de Nissan aura lieu le 25 juin, Renault vient de s'opposer à la nouvelle gouvernance du groupe japonais. Comment l'Etat compte-t-il apaiser ces tensions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Fabien Gay et Michel Laugier applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Lorsque le groupe Fiat-Chrysler a proposé une alliance à Renault, l'État a montré un esprit d'ouverture, soucieux des objectifs stratégiques du groupe. Bruno Lemaire avait posé des conditions : réalisation de l'opération dans le cadre de l'alliance entre Renault et Nissan, préservation des emplois et des sites industriels en France, gouvernance respectueuse des équilibres de Renault et Fiat-Chrysler, préservation des projets de batteries électriques avec l'Allemagne.
Le manque de soutien explicite de Nissan a conduit Fiat-Chrysler à retirer son offre. L'État en prend acte. Bruno Lemaire avec son homologue japonais a pu récemment réaffirmer l'attachement de la France et du Japon à l'alliance entre Renault et Nissan.
M. François Patriat. - Très bien !
Décentralisation
M. Jean-Marc Gabouty . - Depuis plus de six mois notre pays est confronté à une crise sociale mais aussi à une crise territoriale, dont témoignent la sociologie des gilets jaunes et les résultats des dernières élections européennes. Les deux ont des racines profondes et parfois anciennes.
Le grand débat a été l'occasion pour le président de la République et le Gouvernement de renouer un dialogue plus direct avec les élus locaux qui a suscité chez beaucoup d'entre eux l'espoir d'être enfin compris.
Le président de la République a annoncé dès janvier et confirmé en avril un nouvel acte de décentralisation accompagné d'une révision ou adaptation de la loi NOTRe et d'une déconcentration des services de l'État. Fin avril, le Premier ministre annonçait une concertation pour juin. Quel sera le périmètre, le calendrier ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. François Grosdidier. - C'est pas demain !
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Je vous prie d'excuser Mme Gourault, qui est retenue à l'Assemblée nationale.
Ces derniers mois ont mis en avant les inquiétudes sociales et territoriales. En concluant le grand débat, le président de la République s'est engagé à consolider les mandats locaux, en particulier celui de maire, et à ouvrir un nouvel acte de décentralisation.
Concrètement, cela donnera lieu à deux projets de loi. Sébastien Lecornu présentera un projet de loi qui facilitera le travail des élus locaux et témoignera de la reconnaissance de l'État. Présenté en conseil des ministres dans les toutes prochaines semaines, il sera débattu avant les municipales. Il inclura les irritants de la loi NOTRe.
Le deuxième projet de loi, porté par Mme Gourault, ciblera les politiques du quotidien et rapprochera les décisions publiques de nos concitoyens. La politique du logement, par exemple, est trop tenue par des zonages. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Marc Gabouty. - Il y a quelques mois, nous avons été échaudés par un projet de loi sur l'eau et l'assainissement.
Plusieurs voix à droite et au centre. - Eh oui !
M. Jean-Marc Gabouty. - Il faut davantage tenir compte du principe de subsidiarité. Comme le disait le président de la République, il faut « remettre de la responsabilité au plus près du terrain ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
Crise des urgences (IV)
M. Jean Sol . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les services d'urgences, en crise depuis de longues années, sont à bout de souffle. Il y a 12 ans déjà, un rapport de notre Haute assemblée les décrivait comme « le miroir grossissant des dysfonctionnements de l'ensemble de notre système de santé ». La situation s'aggrave en raison de l'inadéquation entre le nombre de passages, les moyens alloués et la disponibilité des lits d'aval. Les différents plans mis en oeuvre n'y ont rien changé. Résultat, les grèves se multiplient. Les patients sont exaspérés, les soignants désespérés.
Madame la ministre, vous me répondrez que la loi « Santé » porte la double ambition de réorganiser les soins et d'alléger le poids pesant sur l'hôpital mais elle ne portera ses fruits qu'en 2022. En 2022, ce sera trop tard. Il y a urgence pour nos urgences. Que ferez-vous pour soulager ces services et éviter de nouveaux drames ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous avez raison : les urgences sont en tension depuis de nombreuses années et la hausse du nombre de passages a aggravé les choses.
C'est pourquoi j'ai décidé un refinancement de 300 millions d'euros dès le mois de mars et 700 millions d'euros supplémentaires pour l'hôpital que j'ai demandé de cibler vers les urgences. Les situations sont très variables. Dans certains cas, les locaux sont insuffisants, là c'est le personnel - médecins ou paramédicaux - qui manque. Ailleurs, le flux n'est pas excessif. Beaucoup d'hôpitaux n'enregistrent pas plus de 15 000 passages par an, soit 2 par heure. Il faut que les budgets aillent aux services les plus en difficulté.
J'ai demandé aux ARS de les accompagner. Je ne néglige pas les conditions de travail aux urgences - professionnel de santé comme moi, vous les connaissez, y compris les difficultés émotionnelles que ceux qui y travaillent rencontrent. (M. François Patriat applaudit.)
Apprentissage en outre-mer
M. Maurice Antiste . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse à tout le Gouvernement. La France compte plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage, ni en emploi.
L'apprentissage est rendu plus difficile outre-mer, en particulier en Martinique, en raison du tissu économique principalement constitué de microentreprises. Toutes les semaines, je suis sollicité par des jeunes et leurs familles qui ne trouvent pas d'entreprises et sont contraints de renoncer à leurs études en alternance.
La réforme sur l'apprentissage ne fait pas consensus car la condition requise pour intégrer une préparation à l'apprentissage est la même que pour accéder à l'apprentissage lui-même : trouver une entreprise accueillante. D'ailleurs, si on prend en compte alternance, apprentissage et professionnalisation, on observe une baisse des effectifs de 4,1 % par rapport à février 2018. Selon une enquête Studyrama, 84 % des jeunes entre bac et bac+5 ont trouvé la recherche d'une entreprise difficile. Que fera le Gouvernement pour nos jeunes ultramarins qui se sentent abandonnés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser Mme Pénicaud qui participe, auprès du président de la République au centenaire de l'OIT à Genève.
Je partage votre constat d'un chômage qui frappe plus durement les jeunes d'outre-mer par rapport au reste du pays. Le Livre bleu des outre-mer en 2018 avait fléché 700 millions d'euros pour soutenir la formation professionnelle. En avril 2019, nous avons étendu le dispositif des emplois francs.
Les chiffres de l'apprentissage restent néanmoins insatisfaisants en outre-mer, en Martinique. D'où une ordonnance spécifique aux outre-mer prévue par la loi portant liberté de choisir son avenir professionnel pour bâtir un diagnostic partagé avec les élus et trouver des solutions. Soyez sûr de la volonté du Gouvernement de développer l'apprentissage outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
Scandale des faux steaks hachés
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Depuis vendredi dernier, un scandale alimentaire de plus secoue notre pays. Des steaks hachés de mauvaise qualité ont été distribués aux plus démunis. C'est une faute morale intolérable. C'est une fraude, une tromperie sur la qualité du produit acheté.
La chaîne est particulièrement longue impliquant le fonds européen d'aide aux plus démunis, mais aussi l'État qui a confié à AgriMer l'organisation d'un appel d'offres, l'entreprise financière qui a remporté le marché et a recouru à une entreprise polonaise pour s'approvisionner. Le ratio entre prix total d'achat et poids de la viande aurait dû alerter les pouvoirs publics. Alors qu'on parle de plus en plus de circuit court, il faudrait en faire une règle européenne dans l'organisation de la mise en concurrence, au nom du bon sens écologique, économique et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - La DGCCRF a annoncé une tromperie vendredi matin. Cette affaire est celle d'escrocs cyniques qui croyaient agir en toute impunité. C'est raté, il y a eu contrôle et ils encourent deux ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
C'est un enjeu de tromperie mais pas un enjeu de santé. Nous faisons preuve de la plus grande transparence pour envoyer le message aux entreprises qu'elles ne pourront plus faire de petites marges en trompant.
Les associations ont été très réactives, elles nous ont alertés dès qu'elles se sont rendu compte que la marchandise n'était pas conforme au cahier des charges qui est extrêmement précis. Une enquête a aussitôt été lancée.
Nous travaillons, main dans la main, pour tirer les conséquences de cette affaire, y compris pour le renouvellement des stocks des associations, avec les ministères de l'Agriculture et de la Santé.
La séance est suspendue à 17 h 55.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 18 h 10.
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
Explications de vote
M. Michel Amiel . - Nous avons examiné ce texte, le troisième en dix ans sur notre système de santé, qui décline dans la loi le plan « Ma Santé 2022 » présenté par le président de la République en septembre 2018. La mesure phare de la réforme des études médicales ressemble à un effet d'annonce : la suppression du numerus clausus ne changera pas massivement le nombre de médecins formés, une augmentation de 20 % des effectifs ne prenant pas effet avant dix à quinze ans, pour voir arriver dans nos territoires des professionnels formés.
Le changement de culture lié à la suppression de la Paces ne correspondra pas à une absence de sélection. Il favorisera la diversité des étudiants recrutés. Mais quelle sera la capacité des universités et des hôpitaux à accueillir les étudiants ? Ce sera une question budgétaire pour l'État. Parcoursup pose aussi question. Les besoins de professionnels de santé dans les territoires seront discutés entre universités et ARS.
L'examen national classant, à la fin du deuxième cycle, sera remplacé par un examen vérifiant les compétences des étudiants et prenant en compte leur parcours et leur choix de spécialité.
Le problème des déserts médicaux recouvre des réalités très différentes, qu'il s'agisse des zones rurales, des banlieues surpeuplées ou des hôpitaux où de nombreux postes ne sont pas pourvus. Plus que de médecins, nous manquons de temps médical. L'exercice de la médecine a changé parce que la société a changé.
Aux tenants d'une réforme musclée, s'opposent ceux de l'incitation. La coercition produirait à coup sûr l'effet inverse de celui escompté en termes d'augmentation du nombre des médecins. Un amendement élargit l'exercice de la pratique des médecins adjuvants. Le Sénat ne brade pas la formation des médecins, mais fait de la dernière année d'études une opportunité pour les étudiants d'exercer concrètement ce qu'ils ont appris. Cela ne réglera pas tout mais pourrait améliorer un dispositif plus global. Mais veut-on vraiment sauver la médecine libérale ? Sinon, une médecine déconventionnée, doublée d'une médecine salariée, ferait la joie des compagnies d'assurances.
Nous avons voulu que les professionnels s'approprient les communautés professionnelles territoriales de santé qui élaboreront les projets territoriaux de santé plutôt que de se les voir imposer par les ARS.
Si nous aurions souhaité plus de précisions sur le contenu des hôpitaux de proximité, nous les considérons comme un outil essentiel pour assurer l'interface entre la médecine de ville et les établissements de santé de recours.
Quant au titre III, il manque d'une dimension éthique sur les questions numériques, soulevée par le Comité consultatif national d'éthique fin mai.
Ce texte sera-t-il suffisant ? Il était néanmoins nécessaire. Nous le voterons quoi qu'il en soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Laurence Cohen . - Je déplore la seconde délibération qui vient d'être adoptée pour supprimer l'allongement du délai légal de l'IVG, de 12 à 14 semaines. Cette seconde délibération ne grandit pas le Sénat.
Sur les 82 amendements que mon groupe avait déposés, quatre seulement ont été adoptés. En renforçant la lutte contre les conflits d'intérêts, en alignant la durée du zonage des zones sous-denses à trois ans, en annulant les règles de captage d'eau souterraine et en supprimant l'expérimentation d'exercice libéral dans les centres de santé, nous avons fait oeuvre utile. C'est positif, mais bien maigre. Je regrette que nos amendements défendant l'IVG aient été retoqués. Notre groupe défend la constitutionnalisation du droit à l'IVG.
Nos débats ont eu lieu comme si 95 services d'urgences n'étaient pas en grève et comme si le personnel qui tient à bout de bras le service public n'était pas au bord de l'épuisement généralisé. À l'appel de l'intersyndicale, ils manifestent pourtant encore aujourd'hui devant le ministère. Ils ont tout notre soutien et nous regrettons que la ministre refuse de les entendre. Après des décennies d'austérité, 8,6 milliards d'euros d'économies ont été réalisés sur le dos des hôpitaux.
Madame la ministre, vos 900 millions d'euros ne suffiront pas à rattraper ces politiques : entendez les infirmières et brancardiers qui vous demandent des créations de postes, davantage de lits et une revalorisation des conditions de travail ! Les primes annoncées n'éteindront pas la colère. Comment rester inébranlable sur les demandes de renfort quand on sait que les besoins s'élèvent à 100 000 emplois dans les hôpitaux publics et 100 000 emplois par an, sur trois ans, dans les Ehpad ?
Écoutez donc Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France : « Les gendarmes viennent chercher les médecins grévistes de Lons-le-Saunier, les réquisitions pleuvent. Mais pourquoi personne n'envoie les gendarmes chercher les directeurs d'ARS pour négocier et les directeurs réquisitionnés pour dialoguer ? »
Les parlementaires sont restés silencieux, voire n'ont pas jugé utile d'être présents dans l'hémicycle pour le vote de l'article 8. Seul notre groupe a proposé un moratoire contre les fermetures d'hôpitaux prévues.
Le maillage des hôpitaux doit être maintenu avec le réseau de centres de santé et la psychiatrie de santé indispensable. N'attendez pas pour voir que nous avons raison, madame la ministre, et cessez de mettre à mal l'hôpital.
On ne peut tolérer le « soigne et tais-toi » non plus que le « vote et tais-toi » adressé aux parlementaires par le biais des ordonnances. Relisez le Discours de la servitude volontaire de La Boétie !
Mme Victoire Jasmin et MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
Mme Laurence Cohen. - Nous ne voulons pas d'un système qui transforme le patient en client et l'hôpital en entreprise. Nous continuerons à défendre, comme nous nous y sommes engagés dans notre tour de France des hôpitaux, une loi ambitieuse pour la santé, qui place l'être humain au coeur, personnel et patients, et pour une sécurité sociale du XXIe siècle, solidaire et universelle. Il y a urgence ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Yves Daudigny . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Après une semaine de discussions intenses, passionnées, parfois, comment ne pas faire écho à trois mois de colère et à ce mouvement des urgentistes en grève qui se durcit, s'enlise, alors que le collectif Inter-Urgences réunit 90 services en grève ?
Madame la ministre, vous n'avez pas pris la mesure du niveau d'épuisement, rarement atteint, de ce personnel si dévoué ! Leurs conditions d'exercice sont totalement insupportables. L'avenir ne se construira pas sans solutions apportées aux difficultés du présent, ce « pressant avenir immédiat » selon l'expression du philosophe Vladimir Jankélévitch...
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Yves Daudigny. - Lundi dernier, j'indiquais que la traduction législative du plan « Ma Santé 2022 » suscitait des inquiétudes, voire des oppositions, quand le Gouvernement ne respecte pas le temps nécessaire du dialogue avec le Parlement. Vos vieux démons vous rattrapent, madame la ministre.
À la sortie du Conseil des ministres, vous présentiez un projet de 23 articles sur lesquels les parlementaires n'auraient pas à se prononcer.
Pourtant, le Premier ministre s'est encore récemment prononcé, devant les élus, pour construire « les outils d'une démocratie plus représentative et participative », affirmant que « si l'on ne prend pas le temps d'écouter, généralement, on n'écoute pas bien ».
Madame la ministre, prenez le temps d'écouter le Sénat ! Cette dérive dans laquelle vous êtes installée nous inquiète... Nous n'acceptons pas que la démocratie représentative soit reléguée au « vieux monde ».
Comment ne pas constater l'utilité du travail de la commission des affaires sociales ? Des amendements similaires, dont un amendement socialiste, portant sur le troisième cycle des études de médecine générale, illustrent la capacité du Sénat à apporter des solutions pertinentes, réalistes et efficaces aux inquiétudes de la population.
Grâce à un autre amendement socialiste sur la formation des professionnels de santé, la détermination du nombre d'étudiants reçus en deuxième et troisième année de premier cycle fera primer les besoins de santé des territoires sur la capacité d'accueil des facultés.
Nous reconnaissons l'avancée du dispositif garantissant l'interopérabilité des outils numériques en santé.
Un amendement avait allongé de deux semaines le recours du délai de l'IVG. La majorité sénatoriale et le Gouvernement ont malheureusement fait le choix, constitutionnel, certes, mais brutal, de la seconde délibération.
Trop de recours aux ordonnances, sur des sujets majeurs et structurants, aux articles 8 et 9, reste inacceptable.
Nous n'avons pas pu mesurer les simplifications réelles de certaines mesures pour les patients et les professionnels de santé dans certains territoires.
Le groupe socialiste et républicain votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Troisième loi de santé en dix ans, ce texte intervient dans un contexte toujours plus tendu. Les territoires expriment des attentes très fortes. Le groupe RDSE assure son soutien au personnel médical et paramédical.
Cette loi n'est pas de financement mais propose une nouvelle organisation de notre système de santé, en réorganisant notamment les soins ambulatoires.
La situation que nous connaissons résulte de la baisse du numerus clausus, du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques, mais aussi des aspirations des jeunes professionnels, qui plébiscitent la pratique en équipe pluridisciplinaire. Aucune mesure miracle n'existe. La suppression du numerus clausus ne portera ses fruits que dans dix à quinze ans.
Les élus souhaitent être davantage associés à la définition de la politique de santé sur leur territoire. Notre amendement y pourvoit, qui associe le comité territorial des élus locaux à la stratégie des groupements hospitaliers de territoire.
Certains professionnels de santé, lors de la mission que j'ai menée avec Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous ont exprimé leurs craintes d'une suradministration de la santé au détriment du soin. D'où un amendement qui simplifie l'administration des parcours de santé. Les changements attendus ne peuvent se matérialiser sur le terrain que grâce à eux et en coopération avec les collectivités locales.
Certaines mesures redonnent à court terme du temps médical aux professionnels, comme le recours à un médecin adjoint, le développement de la télémédecine, la simplification du statut de praticien hospitalier ou l'évolution de certaines tâches confiées aux infirmiers, pharmaciens et sages-femmes, qui complète la création du métier d'assistant médical.
D'autres dispositions porteront des fruits à plus long terme.
Les apports de l'Assemblée nationale et du Sénat ont levé certains doutes mais des peurs existent sur les structures de proximité. Nous veillerons à ce qu'elles pourvoient en premier recours un accès aux soins acceptable.
Les mesures de transformation numérique sont bienvenues. La coordination des professionnels sera accrue grâce à ce projet de loi, pour une meilleure organisation des soins.
Deux regrets cependant : d'abord, un recours excessif aux ordonnances. Certains sujets auraient mérité un débat parlementaire plus abouti. Je regrette aussi personnellement - j'ai compris que nous étions peu à penser ainsi - le stage de troisième année qui s'affranchit de la logique d'excellence. La qualité de la formation, que beaucoup de pays nous envient, ne doit pas être une variable d'ajustement.
Je suis convaincue de l'inefficacité des mesures coercitives mais j'espère voir les effets de ce projet de loi. La majorité du groupe RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Nassimah Dindar . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Avec passion et en toute connaissance de leurs territoires, les sénateurs ont exprimé leur inquiétude d'un inégal accès, dans l'Hexagone comme outre-mer, à des soins de qualité.
Beaucoup de professionnels de santé s'investissent sans relâche. De premiers résultats se font sentir. Ainsi, il y a désormais 17 % de médecins supplémentaires agréés maîtres de stage universitaires, une centaine d'infirmières supplémentaires dans le protocole Asalée et la généralisation du vaccin contre la grippe à toutes les pharmacies.
C'est par la co-construction que les mesures seront acceptées. Beaucoup de collègues défendent les territoires qui décrochent. Il faut s'en occuper d'urgence ! Pourtant ce projet de loi est indispensable car il libère du temps médical et casse les démarches en silo. Il structure les territoires pour répondre aux enjeux de notre temps et dessine le paysage médical de demain.
Il supprime - enfin ! - le numerus clausus et réforme en profondeur les études de santé en prenant en compte les compétences humaines et numériques.
Le projet de loi soutient les délégations de tâches et crée le statut d'assistant médical, avancée unanimement saluée.
Le groupe UC souscrit à l'ambition de réorganisation du système de santé.
Le débat a eu lieu entre ceux qui auraient souhaité plus d'obligations pour les futurs professionnels, et ceux qui préféraient d'autres solutions, tous reconnaissant que la diversité et la multiplication des lieux de stage est « la » priorité.
Quelque 68 % des étudiants ayant fait le stage d'initiation à la médecine générale se sont dits intéressés par cette spécialité ; pourtant, le nombre de généralistes a baissé de 8 % depuis 2010.
Je me félicite de l'adoption des amendements du groupe UC, dont l'amendement n°16 rectifié bis et celui de Nadia Sollogoub qui généralise la possibilité pour les internes d'effectuer leurs stages en-dehors des hôpitaux publics. Le groupe UC a beaucoup discuté des amendements identiques de Mme Imbert, MM. Chasseing et Daudigny, faisant de la dernière année d'études du troisième cycle des études de médecine générale une année de pratique en autonomie. Il a finalement voté contre.
Il convient de rendre chacun acteur de la politique de santé. Je me réjouis que le Sénat ait adopté les deux amendements du groupe UC en ce sens, impliquant les intercommunalités dans le projet territorial et prévoyant une concertation avec les élus.
Le chantier de la réorganisation du système de santé passera d'abord par le terrain, plus que par la loi. À nous, législateurs, de nous mobiliser en ce sens !
Le groupe UC votera majoritairement en faveur de ce projet de loi enrichi par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Ce projet de loi a pour but de réorganiser en profondeur notre système de santé, afin qu'il réponde plus efficacement aux grands enjeux de notre siècle, tels que les inégalités territoriales, le vieillissement de la population et la recrudescence des maladies chroniques.
Quelque six millions de Français vivent aujourd'hui dans les déserts médicaux, que ce texte tend à résorber progressivement.
Les articles premier et 2 opèrent une refonte salutaire des études médicales, en supprimant le numerus clausus et les épreuves classantes, ce qui vaudra une augmentation de 15 % à 20 % du nombre d'étudiants, qui portera ses fruits dans dix ans.
Le Sénat a transformé la dernière année de troisième cycle en année de pratique ambulatoire, afin que 3 500 étudiants puissent oeuvrer en tant que médecins adjoints, en priorité dans les territoires qui en ont le plus besoin. Ce dispositif provient d'une réflexion commune avec le Conseil national de l'Ordre des médecins avec Corinne Imbert et Yves Daudigny.
Le Sénat sécurise le contrat d'engagement de service public en alignant le bénéfice de ce contrat en zone sous-dense avec celui de l'internat de médecine générale. La limitation à trois ans de la durée de remplacement après la thèse stabilisera les communautés médicales sur l'ensemble du territoire.
Nous sommes favorables au rôle donné au maire pour constater la carence médicale, recruter un médecin adjoint, mais aussi à l'élargissement du domaine du numérique avec le DMP.
Nous sommes favorables à un élargissement contrôlé, à l'article 21, du recours aux Padhue.
Nous regrettons que l'exonération fiscale prévue à l'article 4 bis n'ait pas été davantage ciblée sur les installations de jeunes médecins dans les zones sous-dotées.
Nous regrettons que le rétablissement du droit opposable au médecin traitant ait été rejeté.
Nous aurions souhaité que le Sénat accepte l'extension du droit à l'oubli pour les patients en bonne santé ayant été atteints d'infarctus cardiaques et ne présentant pas de risque significatif de récidive.
La présence des élus dans les communautés professionnelles de santé élaborant les projets territoriaux de santé va dans le bon sens.
Nous devons faire des hôpitaux de proximité des pivots du maillage territorial en conservant le plus possible les services d'urgences.
Ce projet de loi améliore l'accès à la santé pour tous, notamment grâce aux apports du Sénat pour mieux lutter contre les déserts médicaux. Le groupe Les Indépendants le votera. (Bravos et applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Avec près de 250 amendements, le Sénat a contribué, dans un esprit constructif, à enrichir ce projet de loi. Je salue le travail du rapporteur et des rapporteurs pour avis. Par-delà nos divergences, nous avons tous eu à coeur de traduire dans ce projet de loi l'urgence d'agir, pour refonder un système de santé « à bout de souffle », que nous constatons dans nos territoires depuis de trop nombreuses années. L'inquiétude de nos concitoyens est à la mesure de leur attachement à notre modèle de prise en charge solidaire des soins. Nombre d'entre nous avaient regretté, dans le texte transmis au Sénat, son caractère inachevé, des pans essentiels étant laissés à des ordonnances, et la gouvernance et le financement, enjeux majeurs, étant laissés de côté.
Nous reconnaissons des inflexions positives que nous avons améliorées, telles que la réforme des études de santé et l'entrée de plain-pied dans le numérique, où il faut saluer le travail accompli par la commission des affaires sociales, tout en prenant en compte la protection des données et la nécessité de l'interopérabilité. Nous avons mis la priorité sur les territoires.
La réforme du numerus clausus limitera sans doute le gâchis universitaire de la Paces, mais elle n'augmentera pas le nombre de médecins en cabinets ou dans les hôpitaux. Or la redéfinition des hôpitaux de proximité ne se fera pas sans médecins. J'entends les arguments de chacun sur la contrainte ou l'incitation à l'installation. Il n'y a pas une panacée dans ce domaine. Ce projet de loi propose une palette d'outils, qu'il nous faut mobiliser.
Professionnaliser la dernière année d'internat pour les zones sous-dotées offre une réponse rapide et pragmatique à des difficultés qui ne peuvent plus attendre dix ou quinze ans pour être traitées. Il ne s'agit pas de raboter les études, car la professionnalisation fait partie de la formation. Espérons que la voix du Sénat sera entendue. Il ne tient qu'à vous, madame la ministre, de faire de cette année sur le terrain une année de formation utile. Nous souhaitons que la voix du Sénat soit entendue sans être déformée. Quelque 3 500 médecins viendraient ainsi renforcer les territoires fragiles.
Les outre-mer n'ont pas été oubliés, avec une mesure spécifique pour répondre aux problématiques des Caraïbes. Nous avons été nombreux à plaider pour plus de souplesse. Ne décourageons pas les porteurs de projets par des carcans trop rigides ! Nous avons privilégié le volontariat des établissements pour l'acte Il des groupements hospitaliers de territoire. Nous avons souhaité rééquilibrer les rôles entre l'État en région, à travers les ARS, et les élus du territoire, en renforçant les prérogatives du conseil de surveillance des ARS et en confiant sa présidence à un élu, le président de région.
Dans ce texte, nous avons défendu une certaine idée du système de santé. Nos réponses concrètes, complémentaires, sont simples sans être simplistes et s'appuient sur notre expérience des territoires.
Le groupe Les Républicains votera le projet de loi tel qu'il a été amendé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)
Scrutin public solennel
M. le président. - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des Conférences, parallèlement à la discussion de la proposition de loi sur la métropole de Lyon.
Je remercie nos collègues Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison et Mme Patricia Schillinger, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure.
La séance est suspendue quelques instants.
Participation des conseillers de Lyon aux élections sénatoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat.
Explications de vote
Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois . - Depuis le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon s'est substituée à la communauté urbaine de Lyon et, dans son périmètre, au département du Rhône. Le département du Nouveau Rhône subsiste néanmoins en dehors des limites de la métropole.
Contrairement aux autres métropoles, la métropole de Lyon n'est pas un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre mais une collectivité à statut particulier, régie par l'article 72 de la Constitution.
Elle exerce ses compétences en lieu et place du département ainsi que certaines compétences communales. Elle exerce les compétences du département et certaines des compétences des communes.
À compter de mars 2020, les 150 conseillers métropolitains seront élus au suffrage universel direct. À la différence des EPCI, la représentation des communes ne sera plus garantie en son sein.
La proposition de loi corrige une malfaçon du code électoral pour permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de voter aux prochaines élections sénatoriales, prévues en septembre 2020. Les sept sénateurs du Rhône en sont cosignataires ; je salue ce consensus.
Le périmètre de la circonscription comprend la métropole de Lyon et le département du Nouveau Rhône, pour un total de 1,8 million d'habitants. Le corps électoral compte 3 500 grands électeurs, dont 3 410 issus des conseils municipaux.
En l'état du droit, les conseillers de la métropole de Lyon ne figurent pas dans la liste des grands électeurs. Cette situation, qui résulte d'une erreur de coordination de l'ordonnance du 19 décembre 2014, soulève un fort risque contentieux.
En application de la jurisprudence constitutionnelle, l'élection des sénateurs doit respecter trois critères : l'élection par des élus locaux, la représentation de l'ensemble des collectivités territoriales, la prise en compte de la démographie. Dans le Rhône, ces deux derniers critères ne sont plus respectés.
La proposition de loi est donc indispensable pour sécuriser les élections sénatoriales dans le Rhône. Elle entrerait en vigueur dès le prochain scrutin, le nombre de grands électeurs passant de 3 500 à 3 650, soit une augmentation de 4,29 %.
L'enjeu est double. Sur le plan juridique, il s'agit de respecter la jurisprudence constitutionnelle, qui impose que toutes les catégories d'élus locaux participent aux élections sénatoriales. Sur le plan politique, il s'agit d'assurer une certaine équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus locaux.
Cette proposition de loi fait consensus entre les sénateurs du Rhône. Nous devons agir rapidement : les sénatoriales sont prévues dans quinze mois.
La commission s'est interrogée sur un éventuel déséquilibre démographique entre la métropole de Lyon, d'une part, et le département du Nouveau Rhône, d'autre part. En effet, un conseiller métropolitain représenterait 9 030 habitants, contre 17 208 habitants pour un conseiller départemental. Après analyse, cette situation semble compatible avec la jurisprudence constitutionnelle, quelle que soit l'interprétation retenue. Soit la métropole et le département représentent deux strates de collectivités, et la jurisprudence constitutionnelle n'impose pas de prendre en compte leur population respective pour répartir les grands électeurs ; soit ils appartiennent à la même strate, et la jurisprudence impose de prendre en compte leur population respective mais pas de prévoir un nombre de grands électeurs proportionnel.
Monsieur le ministre, j'espère que cette proposition de loi sera rapidement mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - La nouvelle collectivité territoriale à statut particulier de la métropole de Lyon a été créée par la loi Maptam il y a cinq ans. Dotée de pouvoirs importants, elle assure certaines compétences des communes et toutes celles du conseil départemental. Les 150 conseillers métropolitains seront élus au suffrage universel direct en mars prochain, concomitamment aux élections municipales.
Or l'ordonnance de 2014 pour l'application de la loi Maptam a oublié de mentionner les conseillers métropolitains à l'article L.280 du code électoral listant les grands électeurs. En l'état du droit, ils n'ont donc pas le droit de vote aux élections sénatoriales.
Cela pose un problème politique mais aussi juridique : les opérations électorales dans le Rhône risqueraient d'être invalidées car le code électoral prévoit en son article L.280 que le collège doit assurer la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel lui-même a considéré, le 6 juillet 2000, que le Sénat devait être élu par un des corps électoraux représentant toutes les catégories de collectivités territoriales.
Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi qui atteint l'objectif poursuivi. Je salue M. Buffet, les cosignataires ainsi que Mme la rapporteure. Nous la porterons devant l'Assemblée nationale ; comptez sur notre vigilance pour que cette proposition de loi soit adoptée et promulguée avant les prochaines élections sénatoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Cécile Cukierman . - Je salue M. Buffet et Mme Thomas. Cette proposition de loi de bon sens n'appelle pas d'objections particulières de notre groupe. Les conseillers métropolitains doivent pouvoir désigner leurs représentants lors des prochaines élections sénatoriales.
Signe de plus que la loi Maptam, comme la loi NOTRe, adoptées un peu rapidement au gré de petits aménagements, doivent aujourd'hui être modifiées, complétées, ajustées...
Nous l'avions dénoncé en son temps, le mode de scrutin qui va régir la désignation des conseillers métropolitains pose un problème politique car certaines communes ne seront plus représentées au conseil métropolitain ; d'autres le seront par l'opposition municipale ! Des opposants - parfois les plus extrêmes - pourront s'exprimer alors que les maires seront exclus. Or les compétences métropolitaines seront considérables, pour les communes comme pour la population.
Il serait souhaitable que le Sénat se saisisse, à l'issue du rendez-vous électoral de 2020, de l'incidence sur la vie démocratique de la place réellement donnée à chaque commune. La commune est à la base de notre démocratie, ne l'oublions pas ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UC et SOCR)
M. Gilbert-Luc Devinaz . - C'est la deuxième fois en un mois que nous débattons de la métropole de Lyon, après l'amendement de M. Buffet sur la conférence métropolitaine.
Les conseillers de la métropole de Lyon qui seront élus en 2020 ne figurent pas dans le collège électoral pour l'élection des sénateurs du Rhône. Cette proposition de loi vient combler cette lacune juridique, nous l'avons cosignée.
Je pourrais m'arrêter là. Mais il faut enfin parler de l'identité inachevée de cette collectivité territoriale, entre métropole et département - comme l'ont dit MM. Raynal et Guené dans leur rapport. Affaire d'hommes et de circonstances, elle pose de nombreuses questions institutionnelles, à commencer par l'absence des maires dans les futures institutions et des habitants dans les échelons de proximité.
Avec Annie Guillemot, nous avions proposé de renforcer les pouvoirs de la conférence des maires et des conférences territoriales - mais cela nous a été refusé, au motif qu'il ne fallait pas rigidifiait les choses.
Ne serait-il pas temps de se poser la question d'un texte spécifique pour une métropole à statut spécifique, plutôt que de procéder par retouches successives ?
Sans proximité avec ses habitants, la métropole de Lyon risque un destin proche de celui de l'Union européenne, avec une désaffection démocratique inquiétante. La réflexion devra avoir lieu, à l'occasion de la réforme de la décentralisation annoncée par le président de la République ou plus tard, à l'issue du prochain mandat.
Je me félicite toutefois de cette proposition de loi qui illustre le rôle technique du Sénat dans l'amélioration de la loi et son esprit de consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Parallèlement aux prochaines municipales, les électeurs du Grand Lyon éliront leurs conseillers métropolitains.
Les actuels conseillers, désignés par fléchage, sont partie prenante du corps électoral aux élections sénatoriales de par leur mandat communal. Les futurs conseillers, élus dans un cadre supra-communal, doivent également l'être, pour respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle toutes les catégories de collectivités territoriales doivent être représentées au Sénat.
Le groupe RDSE souscrit à ce texte qui répare une omission.
Cette élection au sein du Grand Lyon conduira à faire exercer au sein de la métropole les compétences pour partie précédemment communales par des élus qui ne seront plus forcément des élus municipaux.
Le Sénat a constamment rappelé que la commune devait demeurer la cellule de base de toute coopération intercommunale, sans quoi sa pérennité serait menacée. Or il n'est pas possible de garantir la représentation de l'ensemble des communes au sein d'une métropole ayant le statut de collectivité territoriale. Le président de la République a dit son intention d'étendre le modèle lyonnais de fusion des compétences départementales et métropolitaines. Mais les tentatives de rapprochement à Lille, Nice ou Toulouse n'ont pas abouti.
La situation lyonnaise est en effet particulière ; l'équilibre tient à ce que la dynamique économique autour de l'aéroport Saint-Exupéry profite au département du Rhône.
Demeure le projet de la métropole Aix-Marseille-Provence, que le Gouvernement souhaiterait concrétiser sur l'ensemble du périmètre des Bouches-du-Rhône. Il ne sera pas possible, en l'état du droit, d'assurer la représentation de toutes les communes au sein de la future collectivité territoriale ; situation ubuesque, certaines pourraient même être représentées par des opposants aux maires en place.
Veillons à la représentation des territoires, de tous les territoires. À travers la défense de l'échelon communal, le Sénat défend une véritable proximité, un lien physique avec nos concitoyens : les Français veulent garder des élus à portée d'engueulade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE.)
Mme Michèle Vullien . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette proposition de loi comble un vide juridique : merci à François-Noël Buffet pour son initiative, qui a rassemblé tous les sénateurs du Rhône.
La métropole de Lyon est la première métropole à statut particulier. Le Rhône se divise désormais entre le « Nouveau Rhône » et la métropole. Les conseillers communautaires fléchés lors des élections municipales de 2014 ont la double casquette de conseillers métropolitains et de conseillers départementaux.
En 2020, le mode de scrutin change. Les électeurs éliront les maires des 59 communes mais aussi les 150 conseillers métropolitains, sur quatorze nouvelles circonscriptions dites Maptam. Aucune obligation par exemple pour un conseiller métropolitain de figurer sur une liste municipale.
Cette proposition de loi est nécessaire pour faire des 150 conseillers métropolitains des grands électeurs lors des prochaines élections sénatoriales, le groupe UC la votera.
Reste qu'il faudra corriger le biais démocratique de ce nouveau mode de scrutin d'ici 2026. Toutes les communes ne seront plus représentées au conseil métropolitain. Pire, un maire pourra voir son opposant battu aux municipales y représenter la commune ! Certains diront qu'il en est de même au conseil départemental. Mais dans le cas lyonnais, la métropole exerce des compétences déléguées par les communes ! Il faudra y revenir lors de la prochaine révision constitutionnelle. Je vous donne donc rendez-vous lors de son examen au Sénat, le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
M. le président. - Le scrutin solennel sur le projet de loi relatif à l'organisation du système de santé est clos.
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier qui exerce depuis le 1er janvier 2015 des compétences du département et certaines compétences des communes - or l'ordonnance relative à l'élection des conseillers de la métropole de Lyon n'a pas prévu que ces derniers votent aux sénatoriales. Il ne s'agit pas d'une volonté du législateur mais d'un oubli que ce texte répare. Le nombre des grands électeurs dans le Rhône augmenterait ainsi de 4,29 %. La proposition de loi sécurise les élections sénatoriales en levant le risque contentieux ; elle assure l'équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus et le respect de la jurisprudence constitutionnelle.
Notre rapporteure s'est interrogée sur le déséquilibre démographique dans la représentation de la population par les conseillers métropolitains et les conseillers départementaux. Elle nous a rassurés sur sa compatibilité avec la jurisprudence constitutionnelle.
Cette proposition de loi fait consensus entre les sénateurs du Rhône Le groupe Les Indépendants la votera sans réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Richard . - Mettons fin au suspense d'emblée : nous allons voter ce texte.
M. André Gattolin. - Bravo !
M. Alain Richard. - Il n'y a pas matière à être original sur le rattrapage d'une petite incohérence lors de la mise en place de la métropole de Lyon. Le conseil métropolitain exerce les compétences d'un conseil départemental de sorte que ses représentants doivent évidemment être comptés comme grands électeurs sénatoriaux. Cela dit, en matière électorale, mieux vaut mettre les points sur les i. C'est ce que fait cette proposition de loi.
Elle nous donne l'occasion de souligner que la métropole de Lyon est la seule à exercer à la fois les compétences départementales et intercommunales ; elle exerce les fonctions d'une autre métropole élue par fléchage. Les uns comme les autres sont élus au suffrage universel direct, je le rappelle, mais les conseillers de la métropole de Lyon étant élus au suffrage supra-communal, la représentation de chacune des communes au conseil n'est pas garantie, même si le nombre de conseillers minimise ce risque.
Lorsque la communauté urbaine de Lille a été créée en 1966, il était prévu que les petites communes y seraient représentées collectivement, ce qui n'est pas forcément conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a préféré garder le silence pour ne pas avoir à juger la loi de 1966 inconstitutionnelle. J'estime à titre personnel qu'un EPCI doit comporter un représentant de chaque commune.
Nous voterons bien entendu cette proposition de loi, parfaitement argumentée et rédigée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Indépendants.)
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je remercie mes collègues du Rhône qui ont cosigné ce texte. Je remercie aussi la rapporteure qui a éclairé notre commission sur les questions juridiques et de représentativité qui se posaient. Je remercie enfin le ministre qui a soutenu ce texte dès le début.
La métropole de Lyon, c'est 1,4 million d'habitants, 59 communes et 162 conseillers métropolitains issus des élections de 2014. La loi Maptam prévoit des élections au suffrage universel direct dès 2020 et fait de cette métropole une collectivité locale au statut particulier.
Le nouveau mode de scrutin changera notre fonctionnement ; tous les maires ne seront plus forcément représentés au conseil métropolitain. Nous aurons à en tenir compte dans la gouvernance et à créer les conditions d'un large travail collaboratif. Peut-être d'autres ajustements législatifs s'avéreront-ils nécessaires.
La métropole de Lyon, c'est un budget de 3,5 milliards d'euros pour pas loin de 1,4 million d'habitants. À titre de comparaison, la région Rhône-Alpes dispose à peu près du même budget, pour 8 millions d'habitants. C'est dire la richesse de ce territoire, dans tous les sens du terme. L'élection au suffrage universel direct donne à ses élus une responsabilité accrue. Il fallait donc réparer cet oubli et assurer leur participation aux élections sénatoriales.
Merci pour la belle unanimité qui se dessine. (Applaudissements)
La proposition de loi est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !
Organisation du système de santé (Procédure accélérée - Suite)
Scrutin public solennel (Suite)
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°149 sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 93 |
Le Sénat a adopté.
La séance est suspendue à 19 h 55.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi . - Le 5 mars dernier, nous examinions ma proposition de loi qui faisait suite au drame de la rue d'Aubagne à Marseille qui a cruellement endeuillé huit familles, imposé l'évacuation de milliers d'habitants et a mis un coup de projecteur sur la douloureuse réalité du logement indigne en France en zone urbaine comme en zone rurale. La réponse doit être à la mesure du drame, pour que cela n'arrive plus jamais.
Il faut donc faire plus, plus vite, plus efficacement. C'est une priorité nationale. Comme la commission des affaires économiques a pu le constater lors de ses nombreux déplacements, les élus - notamment les maires - sont très engagés en la matière, mais trop souvent freinés ou empêchés par la complexité des procédures, la diversité des autorités compétentes et l'enchevêtrement des compétences.
Lever les freins, c'est le but de cette proposition de loi. Je remercie la commission des affaires économiques du bon accueil qu'elle lui a réservé. Mme le rapporteur a souhaité prendre davantage de temps pour approfondir la réflexion sur les dispositifs que nous avions proposés dans les neuf articles de la proposition de loi initiale : il s'agissait de renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités territoriales, d'accélérer les réponses aux situations d'insalubrité et de renforcer les sanctions à l'encontre des marchands de sommeil.
Les nombreuses visites de terrain, à Montfermeil, à Marseille, dans la Somme, en Guadeloupe, en Martinique, et les auditions ont permis d'apporter des réponses ciselées. Le renvoi du texte en commission le 5 mars était nécessaire dans cette optique : j'y ai donc souscrit.
Les freins législatifs ne sont cependant pas exclusifs ; aussi nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire avancer ce sujet, notamment pour accompagner en moyens humains, financiers et en ingénierie ce chantier législatif majeur.
La commission a validé les orientations de Mme le rapporteur, notamment la mise en place d'une police spécialisée du logement qui traitera selon une procédure identique de l'ensemble des cas de dégradation de l'habitant insalubre, en péril, indigne ou indécent. Cette mesure de simplification s'impose : une catégorie unique, un acteur unique, une procédure unique, cela va dans le bon sens.
J'espère, monsieur le ministre, que vous accepterez que l'on anticipe ainsi sur les ordonnances de la loi ELAN : leur entrée en vigueur en 2021 n'est pas adaptée, vu l'urgence d'agir.
La commission n'a pu, à cause de l'article 40 de la Constitution, donner une définition unique du logement indigne, qui aurait recouvert le logement en péril, insalubre et indécent ; le maire continuera à prendre les arrêtés de péril, le préfet ceux d'insalubrité. Dans les deux cas, la procédure sera cependant identique grâce à la commission, qui propose encore de rendre obligatoire la présence d'un syndic professionnel en cas d'arrêté de péril ou d'insalubrité, d'accentuer les sanctions des marchands de sommeil, de confier aux collectivités territoriales de nouveaux pouvoirs en termes d'expropriation des propriétaires qui n'effectuent pas les travaux ordonnés, et de leur affecter le produit des amendes prononcées par le préfet.
Vous appelez, madame le rapporteur, tous les acteurs à se mobiliser : je partage cette volonté. Soyons inventifs et concrets, à l'image du parcours de rénovation énergétique performante de la ville de Montfermeil où je m'étais rendu en février. À Marseille, je souhaite que chaque projet de construction ou de réhabilitation d'immeuble dans le centre soit plus ambitieux en cette matière. La deuxième ville de France doit se doter d'un projet urbain plus dynamique, avec les habitants et les commerçants - qu'il faut faire revenir.
Lutter contre la dégradation du bâti, et donc des conditions de vie, suppose une approche transversale et coordonnée des actions à mener. Pour aller plus loin, une opération de requalification des copropriétés dégradées apporterait une aide massive aux petits propriétaires privés, qui font face à la dévalorisation de leur immeuble, sans avoir les moyens financiers d'y remédier. Une zone franche urbaine (ZFU) dans le centre de Marseille impulserait une nouvelle dynamique économique et sociale. Le retour de l'activité et du commerce de proximité, avec réhabilitation des devantures et des locaux professionnels, participerait au renouveau du centre-ville.
Telles sont les prémisses à l'instauration d'un cercle vertueux, pour des quartiers qui ont le sentiment d'avoir été trop longtemps oubliés. J'espère des propositions constructives et une ouverture au dialogue de la part du Gouvernement, à présent que le Sénat a joué son rôle. Il faudra ensuite que l'Assemblée nationale s'en saisisse sans tarder. C'est d'une vision de la dignité de l'homme qu'il s'agit, vision que nous partageons sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Il y a sept mois, plusieurs immeubles s'effondraient rue d'Aubagne à Marseille, faisant huit morts et forçant plus d'un millier d'habitants à quitter leur logement. Cette proposition de loi nous a permis de revenir sur ce sujet ô combien important.
Je remercie Bruno Gilles d'avoir déposé sa proposition de loi et d'avoir compris le sens de la démarche de renvoi en commission en mars dernier. Le texte que nous examinons ce soir a conservé les orientations de son texte tout en tenant compte des auditions que nous avons menées et de nos travaux sur le terrain, autour de quatre axes.
D'abord, la détection et la prévention de l'habitat indigne - aspect trop souvent négligé, alors qu'il est toujours préférable de prévenir que de guérir - grâce au diagnostic technique global (DTG), bilan intéressant pour les copropriétaires avant travaux et source d'informations pour les élus. Nous avons rendu le DTG obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans.
Autre outil, la possibilité pour les syndics de faire des signalements sans qu'on puisse leur opposer la confidentialité des données. À Aubervilliers, nous avons vu des copropriétés dont la façade était impeccable mais totalement dégradées à l'intérieur.
Ensuite, nous avons oeuvré pour clarifier, simplifier et accélérer les procédures, en créant une police spéciale du logement. Le délai de dix-huit mois dont dispose le Gouvernement pour prendre des ordonnances est trop long. Nous sommes donc revenus sur l'habilitation à légiférer pour écrire la réforme directement dans la loi. La police spéciale du logement que nous proposons traitera de l'ensemble des cas d'habitat dégradé ; elle a vocation à être aux mains d'un unique acteur, le président d'EPCI ou le maire, l'État restant compétent en cas de carence.
Hélas, l'article 40 nous empêche de transférer des compétences - ce qui est bien dommage. Je ne peux donc que demander au ministre de bien vouloir faire cette réforme dans les plus brefs délais ; le traitement des logements en péril et des logements insalubres demeure donc distinct à ce stade.
Bruno Gilles a proposé d'améliorer les phases d'instruction et de relogement. La commission est allée dans son sens dans les deux cas, fixant dans le premier cas le délai à deux mois et dans le second à trois mois pour les zones non tendues et à six mois pour les zones tendues. C'est une première pierre à l'édifice qui méritera sans doute d'être amélioré - au Gouvernement de démontrer sa volonté d'agir.
Malgré leur volontarisme, les maires sont souvent désarmés faute de disposer des outils adéquats. Concernant les permis de louer ou de diviser, Bruno Gilles a proposé que le silence gardé pendant deux mois vaille rejet de la demande, mais les professionnels sont partagés sur cette idée. La commission a donc préféré que ce dispositif soit expérimenté avec les communes volontaires pendant cinq ans. Pour éviter l'engorgement, le bailleur serait dispensé de demander un permis de louer s'il en a obtenu un depuis moins d'un an. Il devra cependant informer la commune de la mise en location.
De nombreux élus sont confrontés à des propriétaires qui n'exécutent pas les travaux demandés dans le cas d'un arrêté de péril ou d'insalubrité. L'expropriation est parfois la seule solution. La commission a fait sienne la proposition de Bruno Gilles sur ce point, car il fallait concilier cet objectif avec le droit de propriété.
Les collectivités sont les mieux à même de valoriser et de gérer un bien exproprié, bien plus que l'État. La commission a jugé intéressante l'idée d'un droit de préemption prioritaire adapté à l'habitat indigne, mais les outils du parlementarisme rationalisé - que l'on veut pourtant étendre davantage - l'empêchent de l'inscrire dans la loi.
Afin de lutter contre les marchands de sommeil, le nom du propriétaire sera inscrit dans la déclaration d'intention d'aliéner.
Les sanctions contre les marchands de sommeil ont été renforcées et le produit des amendes affecté aux collectivités territoriales, ce qui est plus logique.
Toute modification de la législation devra en toute hypothèse s'accompagner de la mobilisation coordonnée des pouvoirs publics et de moyens financiers et humains adaptés pour assurer le suivi des mesures prescrites. Si le préfet ne prononce pas les sanctions en matière de permis de louer, si la justice ne poursuit pas les marchands de sommeil, si les directions départementales des finances publiques ne se retournent pas contre les propriétaires défaillants pour récupérer les sommes engagées par les élus au titre des travaux d'office, les pouvoirs publics perdent toute crédibilité.
La lutte contre l'habitat indigne suppose des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. L'APL Accession constituait un levier exceptionnel et nous constatons aujourd'hui l'effet dévastateur de sa suppression, en particulier outre-mer. L'absence de rénovation énergétique nourrit l'habitat indigne. À Montfermeil, le PREP est un outil intéressant à encourager.
Je vous propose d'adopter le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe UC)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Merci pour cette initiative et pour le travail accompli par vous toutes et tous. Lutter contre l'habitat indigne, c'est le sens de mon action depuis deux ans, avec le plan Initiative copropriétés, avec la relance du programme de rénovation urbaine, avec les améliorations apportées par la loi ELAN. Depuis le drame de la rue d'Aubagne, nous avons beaucoup travaillé sur ces questions. Je me suis rendu à de nombreuses reprises à Marseille pour m'assurer de la mobilisation de tous. Les mesures d'urgence ont permis de reloger plus d'un millier de personnes sur les 2 700 qui avaient été évacuées. Toutes ne sont toutefois pas relogées et je partage votre impatience, mais nous avons tenté de trouver toutes les solutions chez les bailleurs sociaux, dans le parc privé ou dans les bâtiments de l'État. Nous finaliserons bientôt avec la Métropole et la Ville de Marseille de nouveaux instruments pour réhabiliter le centre-ville de Marseille, telle cette société de portage que nous cofinancerons, ou le plan partenarial dont je reparlerai.
Le 8 février dernier, la garde des Sceaux et moi avons signé une circulaire renforçant la collaboration entre les services instructeurs et les parquets. Les résultats sont là : sept condamnations ont été prononcées en Seine-Saint-Denis et ont emporté la confiscation d'immeubles.
Pour donner plus de moyens aux collectivités territoriales pour réaliser les travaux d'office, la subvention de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est passée de 50 % jusqu'à 100 %, notamment dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l'Essonne, le Nord-Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
Pour le Pôle départemental de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI) de Seine-Saint-Denis, c'est 3 millions d'euros. Plusieurs logements en ont déjà bénéficié dans votre département des Alpes-Maritimes, madame le rapporteur.
Les préfets ont fait part de propositions de PDLHI, avec des objectifs chiffrés. Le Gouvernement s'emploie à rendre l'action publique plus efficiente.
D'autres propositions sont faites par le député Peu. Le député Vuilletet finalise une mission dans le cadre de la loi ELAN.
Cette proposition de loi vise à renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités territoriales, l'accélération des réponses aux situations d'insalubrité, le renforcement de l'efficacité des sanctions.
La commission, sur proposition de votre rapporteur, a complété ces dispositions avec des mesures relatives à la détection et la prévention de la dégradation des logements, des mesures pour donner plus de moyens et des propositions de simplifications des procédures.
Nombreuses sont vos propositions qui vont dans le bon sens. Ainsi, les collectivités territoriales doivent être plus soutenues dans leur mission de détection. Je partage donc la nécessité d'augmenter le montant de l'amende en cas de manquement à l'obligation de déclaration ou d'autorisation préalable à la location et d'en affecter le produit aux collectivités, dans l'esprit de ce qui figure dans la loi ELAN avec le produit des astreintes.
Cette détection est améliorée grâce à la possibilité, introduite en commission, donnée aux syndics de signaler au maire les cas d'habitat insalubre, dangereux et non décent.
Je ne peux qu'adhérer à la nécessité d'accélérer les réponses aux situations d'insalubrité et de dangerosité des immeubles, aux recherches d'amélioration du permis de louer, à l'amélioration des actions à porter contre les marchands de sommeil. Je partage tous ces objectifs et c'est pourquoi je donnerai un avis de sagesse au texte, qui vraisemblablement sera enrichi par les travaux de vos collègues députés, notamment au regard des recommandations que va remettre le député Vuilletet.
Vous proposez une procédure identique pour l'habitat insalubre ou dangereux, une procédure d'expropriation simplifiée. Comme vous l'avez dit, du fait de l'article 40, vous n'avez pas pu aller jusqu'à la simplification des acteurs : ainsi, la fusion des polices est partielle.
De même, concernant la possibilité donnée aux associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile en les autorisant à saisir la justice, je ne sais si elles peuvent agir sans l'accord des locataires. Pour ma part, je pense que cet accord serait souhaitable.
L'amélioration que vous avez amenée dans la procédure du permis de louer en dispensant le bailleur de demander un permis lorsqu'il a déjà obtenu une autorisation moins d'un an auparavant a vocation à faciliter la tâche des collectivités et à fluidifier le marché. Le rétablissement du principe de gratuité censuré dans ELAN est également une bonne mesure. Cependant, comme je n'étais pas favorable à la transformation de la procédure actuelle d'accord tacite de la collectivité au bout d'un mois de silence en un refus tacite au bout de deux mois de silence, je reste défavorable à son expérimentation.
Concernant l'obligation d'un diagnostic obligatoire pour les copropriétés de plus de 15 ans, si je souscris à l'objectif de prévention, ce sujet doit être traité dans le cadre de l'ordonnance sur la réforme de la copropriété.
Le caractère opérationnel de la diminution de la durée maximum d'habitation d'un immeuble déclaré irrémédiablement insalubre et du délai imparti pour qu'un agent se rende sur place et fasse son rapport lorsque l'administration est saisie d'une demande tendant à prescrire des mesures pour faire cesser des situations de danger ou d'insalubrité n'est pas forcément évident à mes yeux.
Je répondrai au cours des débats à vos amendements. Ce débat dépasse les clivages politiques. L'habitat indigne dans notre pays est un fléau qui va en augmentant et contre lequel nous devons lutter.
Beaucoup de choses vont dans le bon sens. Je vous remercie de ce travail. Je suis sûr que nos débats seront riches, au profit de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Annie Guillemot . - Le 5 mars nous avons examiné la proposition de loi de Bruno Gilles et l'avons renvoyée en commission pour la compléter.
Le logement indigne, c'est près de 600 000 logements, soit plus d'un million d'habitants dont 50 % de propriétaires pauvres.
Nous sommes inquiets face à la crise du logement, alors que le nombre de permis de construire baisse. Alors que la reprise était engagée pour atteindre en 2017 le seuil des 500 000 logements dont près d'un tiers de logements sociaux, les résultats se sont dégradés très rapidement poussant même tous les acteurs, l'USH et les associations d'élus, la Fédération Française du Bâtiment, à lancer un appel au Gouvernement : « nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s'aggraver ». Le choc de l'offre tant annoncé ne s'est pas produit mais la baisse des permis de construire et des mises en chantier se confirme. Les perspectives sont peu encourageantes avec une baisse de 11 % des ventes en neuf dans l'individuel.
Les raisons sont connues : explosion du coût du foncier, ressources du logement social en diminution, clause de revoyure insatisfaisante, hausse des loyers, disparition de l'APL Accession, baisse des aides à la pierre, TVA sur la construction portée à 10 %.
Dans nos rencontres, les associations et les acteurs du logement nous ont fait part de leurs craintes sur l'obligation d'un ascenseur au-delà de deux étages. Y aura-t-il des dérogations possibles ? Quid du logement évolutif puisque l'on passe de 100 % de logements accessibles à 20 % et de la suppression des ressauts de douche ? La douche à l'italienne est la seule solution.
Nous plaidons pour une présomption de bonne foi de l'occupant victime de violences. Le propriétaire doit proposer deux offres de relogement et assurer le logement pendant dix-huit mois et non douze.
La prévention de l'habitat dégradé est indispensable, avec des outils de veille nécessaires pour éviter d'arriver à des situations irréversibles et la mise en place d'un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux associant les parlementaires est essentielle à cette prévention, de même que le rétablissement de l'APL Accession.
Clarifier et simplifier les polices, c'est notre rapporteur qui le propose à la place du Gouvernement.
Une coordination des différents acteurs est nécessaire, comme l'a dit la présidente Primas.
Un volet spécifique à l'outre-mer est nécessaire. Quelque 13 % des logements d'outre-mer sont insalubres, soit dix fois plus qu'en métropole. L'habitat informel est également très répandu alors que les taux de pauvreté s'élèvent 19 % en Guadeloupe et 44 % en Guyane.
C'est bien aux collectivités territoriales de recevoir le produit des amendes. Les collectivités territoriales doivent bénéficier des produits des amendes et les associations de lutte contre l'habitat indigne pouvoir agir en justice. Il est anormal que les maires se substituent en faisant trois offres alors que les marchands de sommeil ne doivent en faire qu'une, fréquemment dans un lieu où personne ne veut aller. Il est souhaitable que nous trouvions un point d'équilibre pour l'affectation des biens confisqués aux marchands de sommeil regrettant que notre amendement qui réaffectait ces biens au logement social ait été frappé par l'article 40. (M. Roland Courteau applaudit.)
M. Éric Gold . - Le drame de Marseille est la partie visible d'un mal que nous peinons à éradiquer, malgré notre volonté commune. Il doit marquer un tournant dans notre traitement du logement indigne. Cela semble être le cas vu l'augmentation récente du nombre d'arrêtés de péril.
Il y a plusieurs réalités : les propriétaires qui peinent à rénover leur bien, et les marchands de sommeil qui font fortune. Cela existe autant en ville que dans les territoires ruraux. Le manque de moyens des propriétaires bailleurs logeant des ménages dans des logements insalubres n'est pas une excuse. Les propriétaires peuvent bénéficier d'aides de l'ANAH et vendre le bien. Les sanctions ont été renforcées notamment par la loi ELAN qui complète les peines complémentaires obligatoires avec la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction et l'interdiction d'acheter un bien immobilier à d'autres fins que l'occupation personnelle pour une durée maximale de dix ans. Le nouveau cas d'expropriation à la procédure simplifiée faisant l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter proposé par l'auteur de la proposition de loi va également dans ce sens.
Plus d'une vingtaine de comportements sont réprimés en matière d'habitat indigne. Faut-il encore renforcer la palette d'outils pour lutter contre les marchands de sommeil ? La faiblesse du nombre de condamnations est affligeante. Les peines d'emprisonnement restent très rares, et l'impunité semble presque totale. J'espère que la circulaire du 8 février, relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l'habitat indigne, permettra d'augmenter le nombre de condamnations. Cette politique, comme bien d'autres, est victime de sa complexité.
Le travail de notre rapporteur apporte une harmonisation bienvenue des procédures relatives à l'habitat insalubre et en péril, quelle que soit l'autorité compétente.
Certaines collectivités ont décidé de s'approprier les outils à leur disposition, comme le permis de louer et le permis de diviser. Des propriétaires indélicats exercent une activité souvent dissimulée. Le renforcement des sanctions pour non-respect de ces dispositifs est donc bienvenu.
Nous devons réfléchir à l'amélioration des signalements, ce que nous tentons par nos amendements.
Les biens dégradés doivent faire l'objet d'un suivi constant. Le 65 rue d'Aubagne était signalé depuis 1953...
Le carnet numérique de l'habitat ancien en 2025 sera une bonne chose.
Le décret du 22 mai 2019 exigeant les éventuelles condamnations des acquéreurs sur les ventes aux enchères n'est pas suffisant.
La crise du logement alimente l'habitat dégradé. Le reste à charge des travaux de rénovation demeure trop élevé pour les propriétaires. La concentration des activités dans les métropoles avec des zones où il est impossible de se loger, d'un côté, le déclin des centres-villes et des villages ruraux dévitalisés avec des logements vacants, de l'autre, traduisent l'abandon de la politique d'aménagement du territoire de ces trente dernières années. Si cette proposition de loi ne peut prétendre apporter une solution pérenne, elle permettra à tout le moins d'apporter une réponse aux collectivités volontaristes.
Le groupe RDSE la soutient. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Sylvie Vermeillet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Le nouvel examen de cette proposition de loi constitue un signal positif dans la lutte contre l'habitat indigne.
La santé des habitants contraints de rester dans ces logements est mise en danger. Le traitement de ces plaies est trop long en raison de l'ingéniosité des propriétaires, de l'existence de biens en déshérence, de procédures trop longues et trop complexes, de biens en indivision ou dont le propriétaire est éloigné... Bref, on demande aux collectivités territoriales d'en faire toujours plus, mais cela suppose des moyens, et c'est pourquoi je me réjouis que les travaux relatifs à l'habitat en péril soient éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Dans les petites communes, il arrive que des propriétaires laissent leur maison à l'abandon pour des raisons diverses - indivisions, éloignement, manque de moyens. Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptible de provoquer un danger pour la sécurité des occupants ou des riverains, il notifie au propriétaire la procédure de péril. Cependant, lorsque le propriétaire est défaillant, ces communes n'ont que très rarement les moyens de s'y substituer.
La commune peut parfois compter sur l'ANAH mais son aide se limite aux immeubles de logement. Faute de certitude en matière de recouvrement des dépenses, les maires hésitent parfois à engager les procédures nécessaires pour mettre fin aux situations de péril. La DETR serait un outil particulièrement utile en milieu rural.
L'État doit allouer les moyens nécessaires à la réhabilitation des logements. Sans moyens ni prévention nous ne ferons que courir contre l'habitat indigne sans le combattre. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-Pierre Decool . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Je salue le travail de fond considérable de Mme le rapporteur et de la présidente de la commission des affaires économiques. Cette proposition de loi a le mérite de mettre sur la table des sujets restés trop longtemps sans réponses concrètes.
La lutte contre le logement insalubre est complexe. Les enjeux urbains et ruraux ne sont pas les mêmes.
Quelque 200 000 logements privés en Hauts-de-France sont indignes selon la Fondation Abbé Pierre. Les associations font souvent un travail remarquable aux côtés des collectivités territoriales.
La prévention doit avoir autant d'importance que la répression. Le délai pour le DTG est trop court. Mon amendement le rendra obligatoire pour les copropriétés de plus de vingt ans.
Il faut s'interroger sur l'autorité la plus compétente pour exercer la police du logement. Cela dépend des territoires.
Le renforcement des sanctions proposé est une bonne chose. Il est pertinent s'il est accompagné de contrôles plus fréquents, de délais de procédure plus courts et de moyens humains et financiers appropriés.
La prévention et la sanction sont deux éléments clés pour lutter contre le logement insalubre. II faut aussi comprendre pourquoi les travaux de rénovation n'ont pas été réalisés. Les sanctions s'imposent si ce sont des marchands de sommeil mal intentionnés, profitant de situations fragiles, ce que la loi ELAN envisageait de faire.
Dans le cas de propriétaires occupants, il faut veiller à les accompagner au mieux, financièrement et administrativement, dans les travaux à réaliser. Nombre de dispositifs existent mais ils ne sont pas toujours connus.
Plus de 530 000 propriétaires occupants sont, par exemple, éligibles aux aides de l'ANAH, qui a distribué l'an dernier 62 millions d'euros d'aides.
Le rôle des collectivités territoriales est primordial pour mettre en place des actions concrètes sur le terrain. Sous l'égide de grands principes ou de politiques nationales et avec l'appui d'administrations et d'agences, les agglomérations et les communes mettent en place les actions concrètes sur le terrain.
À Roubaix, Saint-Omer, Amiens, Dunkerque ou Lille, les collectivités des Hauts-de-France innovent et expérimentent sur ce sujet, avec la mise en place de permis de louer, de permis de diviser ou d'inspecteurs de salubrité.
Toutes les initiatives doivent être étendues et soutenues grâce à un cadre légal. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi.
Le droit à un logement décent doit être une priorité de tous les pouvoirs publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Didier Rambaud . - Le mal-logement est un archipel invisible fait de caves, de combles, de logements surpeuplés...
Ces habitants sont pour la plupart victimes de marchands de sommeil. Des enfants grandissent dans des logements si exigus qu'ils développent des retards de croissance.
Notre devoir de parlementaires est de défendre le droit à tous à un logement décent.
Le Gouvernement a lancé une stratégie de lutte contre le mal-logement : doublement du budget du renouvellement urbain, abattement fiscal pour la vente de terrains en zone tendue, encadrement des recours contre les permis de construire en sont les trois mesures essentielles.
Le groupe LaREM soutiendra cette proposition de loi et remercie le travail de Mme le rapporteur.
Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour lutter contre les marchands de sommeil car elles connaissent mieux les situations. Il faut mieux prévenir et mieux sanctionner, plus rapidement et plus efficacement. Les marchands de sommeil seront davantage condamnés si les associations peuvent se porter partie civile.
N'oublions pas les propriétaires occupants endettés et coincés dans des logements qu'ils n'ont pas les moyens de rénover.
Quelque 2,8 millions de personnes, selon la Fondation Abbé Pierre, vivent dans des logements trop peuplés, c'est une autre forme d'habitat insalubre.
Pour conclure, la part du logement dans les dépenses des ménages consacrée au logement n'a cessé d'augmenter ces dernières années Pour contenir le prix de l'immobilier, il faut construire plus et plus vite.
La loi ELAN est une des réponses au mal-logement, cette proposition de loi en est une autre. Le groupe LaREM la soutient.
Mme Cécile Cukierman . - Nous revoici, quatre mois plus tard, pour débattre de cette proposition de loi, déposée après le drame de la rue d'Aubagne. Il faut saluer l'unanimité dont a fait preuve le Sénat en votant le renvoi en commission. À ce propos, et sans vouloir jeter de l'huile sur le feu, je veux fustiger le rythme trop rapide imposé aux parlementaires - nous avons besoin de temps pour bien légiférer ; il est à craindre que la baisse du nombre de parlementaires n'arrange rien.
Alors que 311 immeubles ont été évacués après le drame, 223 ménages, soit environ 500 personnes, restent à reloger. Du chemin reste à faire ! Et ce sont plus de 400 000 logements insalubres que l'on recense à l'échelle nationale - et pas seulement dans les villes, alors que les communes rurales sont déjà touchées par le phénomène des volets fermés.
La lutte contre l'habitat insalubre recoupe des enjeux pénaux, la lutte contre les marchands de sommeil, et une question de droit au logement, qui, avec le DALO, relève de l'État. Il faut renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités territoriales. Nous devons aussi accélérer les réponses aux situations d'insalubrité et de dangerosité des immeubles en abaissant les délais de visites des agents attestant de l'insalubrité. Enfin, il faut être intransigeant avec les marchands de sommeil en aggravant les sanctions administratives encourues en cas de manquement à l'obligation de déclarer une mise en location ou à celle de disposer d'un « permis de louer » - un dispositif qu'il conviendrait de retravailler car il n'a pas tenu toutes ses promesses.
Une vraie politique sans vrais moyens restera toutefois impuissante. Les crédits de l'ANAH ont diminué au point de faire craindre une cessation de paiement, son financement par le 1 % logement a traduit un désengagement de l'État. L'attaque frontale contre le logement social, conjuguée avec l'absence de régulation du parc privé, a amplifié les dérives ; le décalage entre l'offre et la demande conduit les occupants à accepter n'importe quel logement à n'importe quel prix. Parallèlement, les petits propriétaires n'ont, le plus souvent, pas les moyens de réhabiliter leur logement ; le dispositif de revitalisation des centres-bourgs doit jouer son rôle.
Trop de personnes ignorent, en outre, à quelles aides elles peuvent avoir accès. Et la plupart sont versées aux propriétaires alors que les plus précaires demeurent locataires.
Il faut de nouveaux outils certes mais aussi renforcer les moyens des acteurs tels l'ANAH et ceux de la justice. Il convient surtout de réorienter la politique du logement : produire le nombre nécessaire de logements accessibles et, comme les associations le demandent, lancer un plan Marshall de la rénovation. L'État doit jouer son rôle et trouver de nouvelles sources de financement pour éviter que de nouveaux drames ne se produisent.
Le groupe CRCE votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et de la commission ; marques de satisfaction sur les bancs du groupe UC et Les Républicains)
Mme Anne-Marie Bertrand . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Une pensée, d'abord, pour les victimes de la rue d'Aubagne. Tous les maires redoutent ce type de drame ; nombreux sont ceux qui, à la lecture des journaux, se sont inquiétés pour un bâtiment qui, dans leur commune, montre des signes de fragilité.
Nous pouvons être satisfaits de cette proposition de loi, sur laquelle le temps de la réflexion a été pris. Ces événements nous ont renvoyés à notre responsabilité de législateur. En France, il y aurait 450 000 logements concernés. À Marseille, une ville que je connais bien, plus de 200 millions d'euros, dont 110 millions d'euros au seul titre de l'ANRU, ont été engagés dès 2005 pour lutter contre l'habitat indigne.
Mme Samia Ghali. - Mon Dieu !
Mme Anne-Marie Bertrand. - Avec l'État, la Ville avait mis en oeuvre plusieurs plans de sauvegarde dans les copropriétés dégradées. Plusieurs quartiers ont fait l'objet d'opérations de résorption. Et bien sûr, il y a eu les projets de rénovation urbaine et les plans successifs depuis plus de quinze ans mais cela n'a pas suffi.
Mme Samia Ghali. - Hors sujet !
Mme Anne-Marie Bertrand. - Pour les propriétés privées dégradées, les procédures sont longues, beaucoup trop longues. Rue d'Aubagne, une procédure était en cours depuis quatre ans. Il faut accélérer les réponses.
Notre État croule sous une administration toujours plus centralisée. Heureusement que nous pouvons compter sur les maires pour agir. Ils ne sont ni des agents administratifs ni des boucs émissaires mais des décideurs légitimes pleinement compétents. Donnons-leur les moyens d'assumer les responsabilités qui pèsent sur eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Samia Ghali . - Nous discutons de cette proposition de loi pour que le drame de la rue d'Aubagne ne se reproduise pas, pour que ces morts ne soient pas morts pour rien. Il a fallu sept mois au collectif de la rue d'Aubagne pour obtenir de la mairie la signature d'une charte de relogement. Sept mois !
M. Bruno Gilles. - La charte a été signée !
Mme Samia Ghali. - Huit personnes sont mortes et plus de 2 000 personnes ont été déplacées, éparpillées dans des hôtels où elles ne peuvent plus avoir une vie familiale.
Ne faisons pas croire aux Français et aux Marseillais que ce texte répondra à toutes les attentes et qu'avec lui, le drame de la rue d'Aubagne n'aurait pas eu lieu. Il y avait vingt-cinq ans que ces logements insalubres étaient identifiés, la collectivité qui avait la responsabilité de ces habitants n'a pas réagi.
Cette question du logement est cruciale, c'est de la vie des gens qu'il s'agit, et le premier magistrat à devoir assumer leur sécurité, c'est le maire !
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'actualité tragique du printemps a rappelé l'existence de logements dangereux dans notre pays. Quelques mois après la loi ELAN, nous devons reprendre la réflexion pour élargir l'éventail des solutions de prévention.
Lors de son premier examen, m'appuyant sur mon expérience de maire d'un village de 1 500 habitants, j'avais attiré l'attention sur le casse-tête que représentent ces verrues, les logements dégradés. Le maire formalise des mises en demeure mais les héritiers ou les couples séparés se renvoient les responsabilités sans parler des propriétaires partis à l'étranger, insolvables, introuvables. Parfois, on ne sait plus à qui s'adresser. Le squat existe aussi à la campagne ! Des enfants ou des rôdeurs accèdent à ces bâtisses abandonnées. Le maire engage alors une procédure de péril imminent en saisissant le tribunal administratif, qui mandate un expert. Mais qui paie l'expert ? Les communes n'en ont pas les moyens. J'avais proposé que le Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement fasse office d'expert ou que l'ANAH prenne en charge ces frais ; on m'a opposé l'irrecevabilité financière. Si ma proposition n'était pas la bonne, trouvez-en une. Une politique de lutte contre l'habitat indigne à deux vitesses serait inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. François Grosdidier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le drame de Marseille a été un choc pour tous dans toute la France. Qui aurait cru que cela existe encore au XXIe siècle dans une des premières puissances mondiales.
Bruno Gilles nous a invités à prendre le taureau par les cornes ; la rapporteure a enrichi son texte pour trouver les solutions les plus pertinentes techniquement et juridiquement. Désormais, toutes les opérations tendant à diviser un logement en plusieurs logements seront soumises à autorisation préalable ; le droit actuel ne prévoit cette procédure qu'en cas de travaux, ce que, précisément, ne font pas les marchands de sommeil. Ce texte revoit les conditions de délivrance du permis de louer : le silence de la mairie pendant un mois vaudra refus, et non acceptation. Donner au maire l'accès au casier judiciaire des demandeurs de permis de louer est également une bonne idée. La loi actuelle limite fortement les cas d'expropriation, il convenait d'ajouter les cas où l'insalubrité est remédiable mais où le propriétaire n'agit pas.
Ce texte accélère les réponses aux situations d'insalubrité et de dangerosité des immeubles : la durée maximale d'habitation d'un immeuble déclaré irrémédiablement insalubre est réduite à trois mois, le délai imparti pour qu'un agent se rende sur place lorsqu'un citoyen saisit l'administration passe à un mois contre trois.
Bruno Gilles a tiré les conséquences de la réticence des locataires, la faculté pour les associations de se porter parties civiles est élargie.
La rapporteure a apporté des améliorations notables : le diagnostic technique global obligatoire pour les copropriétés de plus de 15 ans, la possibilité pour les syndics d'effectuer des signalements, la police spéciale du logement en cas d'insalubrité sur le modèle de celle en cas de péril, le rôle renforcé des collectivités territoriales avec la création de nouveaux cas d'expropriation, le versement du produit des amendes prononcées aux collectivités qui assumeront le traitement des demandes du permis de louer et, surtout, les sanctions plus lourdes à l'encontre des marchands de sommeil.
Cette proposition de loi n'a pas pour but de se donner bonne conscience après le drame de la rue d'Aubagne mais de se doter d'outils efficaces. Car quand un drame survient, le responsable est le maire, qui subit la frustration de l'impuissance et la violence de la mise en cause.
Donnons-lui les moyens d'agir, et non de subir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques . - Monsieur le ministre, la rapporteure et la commission ont été reçues dans de nombreux territoires pour constater la complexité des procédures. Les services de l'État, qui nous ont reçus, font un travail de fourmis : pour 400 à 500 signalements, 7 à 9 cas traités. Nous saluons aussi les acteurs du logement social, que nous aimerions voir venir en milieu rural, mais aussi les associations et les élus qui nous ont reçus à Montfermeil, Aubervilliers, Ham, Marseille, en Guadeloupe et en Martinique.
Ce soir, j'ai une pensée pour Marie-Thérèse, qui habite un logement insalubre, à Sainte-Anne, en Guadeloupe depuis 1963. Elle a plus de 90 ans. On lui a proposé un logement ; enfin, elle est d'accord. La fin de l'APL Accession a bloqué beaucoup de choses, monsieur le ministre. Il faudra y revenir avec humanité. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER A
M. Roland Courteau . - Comme Mme Guillemot l'a si bien dit, la lutte contre l'habitat insalubre est un impératif national.
Dans mon département de l'Aude, la DDTM dénonce la multiplication des « locations de tout et n'importe quoi » « en vue d'une rentabilité maximale ». C'est net, clair et précis.
Il y aurait près de 20 000 logements indignes et ce nombre augmente. Trois ménages sur cinq sont des propriétaires occupants et les plus touchés sont les plus de 60 ans. Près de 8 300 logements sont le noyau dur, cible des actions de lutte contre l'habitat indigne ; au sein de ces logements, 40 % sont occupés par des ménages précaires aux revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Voilà pourquoi je voterai cette proposition de loi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Les propositions de Bruno Gilles et le travail de qualité de la rapporteure méritent d'être soutenus. Mais, au vu de l'ampleur des problèmes, légiférer ne suffira pas. Du reste, Mme Estrosi Sassone l'a dit, le parlementarisme rationalisé bride nos ambitions.
En 2002, j'ai signé en tant que ministre un protocole d'éradication de l'habitat indigne avec la ville de Marseille, qui couvrait le périmètre de la rue d'Aubagne... Alors je me suis interrogée : pourquoi le double engagement de l'État et de la ville n'a-t-il pas suffi ? L'État n'a pas persévéré ; de son côté, la mairie n'a pas considéré que cela était essentiel au point de lancer l'alerte. Conclusion, il faut des responsabilités en cas de défaillance et s'appuyer sur la mobilisation citoyenne.
Mme Samia Ghali . - Je remercie le ministre et l'État pour le travail mené à Marseille. Ce n'est pas la loi qui aurait empêché ce qui s'est passé rue d'Aubagne. Il y a encore des habitants dans des hôtels, dont les enfants sont séparés de leurs parents - ce qui entraîne des difficultés scolaires. Nous devons rester vigilants. Il y a 34 000 logements vides à Marseille et des Marseillais attendent des logements décents, ce qui exige une volonté politique.
Cette proposition de loi permettra d'être intransigeant envers les propriétaires mais il faut aussi l'être envers les maires qui ne veulent rien voir.
M. Fabien Gay . - Monsieur le ministre, vous n'êtes pas responsable de cette situation, qui existe depuis des décennies et qui perdurera hélas quand vous ne serez plus ministre. Nous voterons cette proposition de loi. Mais la question du logement insalubre est le symptôme de beaucoup d'autres problèmes - santé, emploi, précarité - que seule une politique globale peut régler. Or le Gouvernement est responsable de l'accroissement des difficultés sociales ; c'est un véritable plan Marshall qu'il nous faut.
Si nous voulons mettre fin au logement insalubre, il faut reloger. Or les collectivités territoriales ne peuvent pas agir seules. Monsieur le ministre, vous avez une grande part de responsabilité dans la construction de logement social. Il faudra faire encore beaucoup pour résorber l'habitat indigne.
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre . - Monsieur Gay, j'ai la responsabilité de la lutte contre l'habitat insalubre. D'ailleurs, on ne peut pas me reprocher de n'avoir pas essayé, dès le début, de trouver des solutions. Ironie tragique, j'ai annoncé mon plan de lutte contre les copropriétés dégradées trois semaines avant le drame de la rue d'Aubagne.
Dans la lutte contre les marchands de sommeil, nous avons considérablement renforcé les sanctions. À Bobigny, des premières décisions ont été prises.
Rendez-vous compte du sentiment d'impunité des marchands de sommeil : à Pierrefitte, l'un d'eux n'a pas hésité à débarquer devant les caméras lors d'une visite ministérielle... Dans quel monde vit-on lorsque la mairie de Paris doit verser 6,7 millions d'euros, dans le cadre d'une procédure d'expropriation, à un marchand de sommeil de Marx-Dormoy condamné à plusieurs centaines de milliers d'euros ? Grâce à la loi ELAN, ce ne sera plus possible. Nous devons traiter les marchands de sommeil comme les trafiquants de drogue.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. - Je ne sais pas si c'est un plan Marshall mais j'ai proposé que l'État finance 100 % des travaux, et non plus 50 %, lorsque les copropriétaires d'immeubles dégradés ne peuvent pas procéder aux travaux d'office. Nous nous donnons les moyens. Six départements font l'objet d'une mise en oeuvre accélérée, dont les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, les Hauts de France et la Seine-Saint-Denis.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Chasseing, Guerriau, A. Marc, Longeot et Louault, Mme N. Delattre, M. Bonnecarrère, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Kern, Houpert et Moga, Mme Goy-Chavent, M. Lefèvre, Mmes Bories, Lherbier et Kauffmann, MM. D. Dubois, Malhuret et Lagourgue, Mme Mélot et M. Capus.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le nombre :
15
par le nombre :
20
M. Jean-Pierre Decool. - Le diagnostic technique global est un très bon outil mais il se justifie pour les immeubles construits depuis plus de vingt ans soumis à la loi du 10 juillet 1965. Les autres ne nécessitent pas des travaux importants sur une temporalité aussi courte.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable. Nous nous sommes interrogés et avons privilégié quinze ans. Votre solution reporterait les travaux. Nous devons sensibiliser les copropriétés pour des travaux plus rapides.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°1 rectifié quinquies est retiré.
L'article premier A est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié quater, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La troisième phrase du septième alinéa de l'article L. 445-1 du code de la construction et de l'habitation est complétée par les mots : « et un état descriptif de l'état du bâti et des équipements mentionnant les gros travaux réalisés les cinq dernières années et les travaux d'amélioration que l'organisme prévoit le cas échéant d'engager ».
Mme Annie Guillemot. - La loi ELAN prévoit une massification de la vente de logements sociaux, voire d'immeubles entiers. Le plan de mise en vente vaut autorisation de vendre pendant 6 ans, sans autre encadrement. Pour prévenir que n'apparaissent de nouvelles copropriétés dégradées, il faut prendre des mesures de prévention.
Monsieur le ministre, j'en profite pour insister : des comités de suivi des ventes des logements sociaux, auxquels seront associés élus et parlementaires, sont indispensables pour aller plus vite. L'opération Teraillon à Bron s'est terminée dans les années 1960 ; dès les années 1975, son état justifiait une opération de sauvegarde.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis favorable. Cet amendement reprend une disposition adoptée par le Sénat dans la loi ELAN qui n'avait pas survécu à la CMP.
M. Julien Denormandie, ministre. - Retrait ? Je partage l'objectif, ne pas recréer des propriétés dégradées. L'ordonnance que j'ai présentée il y a quelques semaines en conseil des ministres porte notamment sur la propriété différée des parties communes.
Dans la loi ELAN, il est prévu que la convention d'utilité sociale décrive l'état du bien au moment de la vente. Les normes d'habitabilité et de performance énergétique sont incluses. Cet amendement est satisfait.
L'amendement n°10 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°31 rectifié bis, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union Centriste.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l'article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La convention d'utilité sociale mentionnée à l'article L. 445-1 contient un plan de prévention des risques de dégradation des copropriétés issues de la vente des logements sociaux qu'elle prévoit. »
Mme Valérie Létard. - Je salue la proposition de loi et l'énorme travail de la rapporteure. Cet amendement prévoit un plan de prévention des risques de copropriétés dégradées directement intégré à la convention d'utilité sociale que chaque office HLM doit conclure pour faire part de sa stratégie patrimoniale.
Pour lutter contre l'habitat indigne, plus on agit en amont, plus on a de chance d'éviter les copropriétés dégradées.
Dans mon arrondissement, le sous-préfet a dû interrompre une vente aux locataires car nous allions tout droit vers une copropriété dégradée.
Travaillons sur les conséquences mais aussi sur les causes en prenant toutes les dispositions pour que les acquéreurs n'achètent pas des biens dégradés.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Nous comprenons les inquiétudes légitimes des auteurs de l'amendement. J'ai donné un avis favorable à l'amendement de Mme Guillemot : il est préférable d'en rester là car il est plus précis que celui de Mme Létard qui reste très général. Retrait ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. Le code de la construction et de l'habitation prévoit déjà qu'un appartement doit respecter les normes d'habitabilité et les normes thermiques pour être vendu Si un sous-préfet a agi en ce sens, c'est donc en stricte application du droit existant.
De plus, l'article 88 de la loi ELAN prévoit déjà que les charges de copropriété des deux dernières années sont indiquées à l'acquéreur.
Nous en avons déjà débattu lors de l'examen de la loi ELAN. L'ordonnance sur les copropriétés comprendra, sur la base des diagnostics, un plan pluriannuel de travaux de la copropriété. La concertation est en cours.
Mme Valérie Létard. - Je retire mon amendement après avoir voté celui de Mme Guillemot, mieux cadré il est vrai. Dans le cas que je mentionnais, le sous-préfet est intervenu après avoir été alerté par la population.
J'appelle votre attention car il y a beaucoup de plans de vente dans des barres d'immeubles à la découpe. Il faudra veiller à ces ventes et à ceux à qui l'on vend. Les propriétaires ne peuvent pas bénéficier des aides de l'ANAH avant 5 ans de détention du bien.
Le suivi doit se faire de très près afin d'éviter les difficultés.
L'amendement n°31 rectifié bis est retiré.
L'article premier B est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 835-2 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le bénéfice du tiers payant des aides personnelles au logement est subordonné à la production d'un contrat de location. »
M. Éric Gold. - Le bénéfice du tiers payant des APL doit être subordonné à la production par le bailleur du contrat de location. Les CAF ne peuvent se reposer que sur l'attestation de loyer et les locataires n'ont pas intérêt à dénoncer l'indécence de leur logement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Les CAF auront-elles le temps de se pencher sur les contrats ? Est-ce leur rôle ? Sagesse.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis défavorable. Tous nos efforts portent sur l'arrêt du tiers payant lorsque la CAF reçoit un signalement, tant que le propriétaire n'a pas fait les travaux. Il y a environ 300 saisines par an ; dans 95 % des cas les sommes retenues sont restituées aux propriétaires après les travaux, preuve que cela fonctionne.
L'amendement n°27 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Ghali.
Après l'article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de loi, un rapport sur la sous-utilisation de la procédure de suspension du versement des aides financières pour un logement considéré comme insalubre ou indécent.
Mme Samia Ghali. - Depuis 2014, la loi ALUR donne le droit à la caisse d'allocations familiales de suspendre jusqu'à dix-huit mois toutes les aides financières au logement si un logement est considéré comme insalubre ou indécent, afin d'obliger les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires. Malheureusement, les moyens alloués à la CAF pour contrôler ces logements ne sont pas assez importants.
Il s'agit d'un problème majeur pour les victimes des marchands de sommeil lorsque leur plainte à la CAF n'aboutit pas. Les occupants peuvent faire l'objet, malheureusement, de pressions et de menaces de la part de leurs propriétaires. Il importe qu'un état des lieux soit réalisé, donc de faire en sorte que le recours à cette disposition soit plus largement étendu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Le Sénat n'est guère favorable aux rapports, mais c'est une vraie question : sagesse.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je ne suis pas non plus fan des rapports, (Sourires) mais n'étant pas en mesure de vous fournir les éléments utiles, sagesse également.
L'amendement n°17 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE PREMIER C
Mme la présidente. - Amendement n°32, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Alinéa 14, deuxième phrase
Après la référence :
L. 123-3
insérer les mots :
du présent code
L'amendement rédactionnel n°32, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
I - Alinéa 23
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
L'agent signale, par constat séparé, les désordres qu'il a observés, dans le cadre de son déplacement, sur la situation générale du bâti. L'absence de ce constat ou le contenu de ce dernier ne peut être invoqué pour contester la validité de la procédure ou les conclusions de l'expertise.
II - Alinéa 107
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
L'agent signale, par constat séparé, les désordres qu'il a observés, dans le cadre de son déplacement, sur la situation générale du bâti. L'absence de ce constat ou le contenu de ce dernier ne peut être invoqué pour contester la validité de la procédure ou les conclusions de l'expertise.
Mme Annie Guillemot. - Il est très fréquent que l'insalubrité d'un logement ne soit pas une situation isolée et concerne en réalité l'ensemble de l'immeuble.
Aussi est-il proposé que lorsqu'un agent missionné par le maire ou le représentant de l'État réalise un déplacement, il signale les désordres qu'il a observés sur la situation générale du bâti.
Ainsi les autorités compétentes pourront mieux apprécier la situation et envisager des mesures y compris en l'absence de signalement express des occupants.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis favorable. C'est pragmatique et de bon sens.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis favorable. Les associations soulèvent ce sujet fréquemment.
L'amendement n°8 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux.
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le notaire chargé d'établir l'acte authentique de vente d'un bien immobilier à usage d'habitation ou d'un fonds de commerce d'un établissement recevant du public à usage total ou partiel d'hébergement signale à l'autorité compétente les faits pouvant relever de l'insécurité ou de l'insalubrité de ce bien.
M. Éric Gold. - L'article 193 de la loi ELAN fait obligation aux agents immobiliers de signaler les biens des marchands de sommeil.
Cet amendement facilite le signalement des biens immobiliers potentiellement insalubres ou en péril aux autorités compétentes.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Il est satisfait par le droit existant, qui vise « toute personne », ce qui inclut les notaires. Retrait ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis. Nous ferons mieux connaître cette obligation aux notaires.
L'amendement n°28 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux.
Alinéa 30
Remplacer les mots :
le rapport
par les mots :
l'examen
L'amendement rédactionnel n°25 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°33, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Alinéa 31
Remplacer les mots :
et suivants
par les mots :
à L. 521-4
L'amendement de précision n°33, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux.
Alinéa 87, première phrase
Remplacer les mots :
aux 1° et 3° du
par les mots :
au
M. Éric Gold. - Cet amendement rend obligatoire le prononcé de la peine d'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que celle-ci a été utilisée pour commettre l'infraction en matière d'habitat insalubre ou dangereux.
Il s'agit d'empêcher le propriétaire concerné de continuer à alimenter son vivier de logements dégradés.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Cet amendement pose une vraie question, mais nous n'étions pas allés si loin lors de la loi ELAN. N'est-ce pas disproportionné ? Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. - C'est en effet susceptible d'être jugé disproportionné. Or trop souvent le juge exonère la personne condamnée de la peine complémentaire quand il la juge disproportionnée. Retrait ?
L'amendement n°29 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux.
Alinéa 87, deuxième alinéa
Remplacer le mot :
Toutefois
par les mots :
Si le propriétaire est l'occupant du bien
M. Éric Gold. - Cet amendement d'appel limite la possibilité pour le juge de ne pas prononcer les peines complémentaires obligatoires à l'égard du propriétaire d'un logement insalubre ou en état de péril, à la seule situation où le propriétaire est l'occupant du bien.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis défavorable. Le principe d'individualisation des peines a valeur constitutionnelle.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°30 rectifié bis est retiré.
L'article premier C, modifié, est adopté.
ARTICLE PREMIER D
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié quater, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, B. Fournier, Chaize, Segouin et Charon, Mme Micouleau, MM. Mayet et Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mme L. Darcos, M. H. Leroy, Mme Lamure et M. Babary.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est mis en place une base de données et d'information à destination expresse des maires, rassemblant l'ensemble des copropriétés insalubres placées sous administration judiciaire provisoire définie à l'article 29-1 de la loi 65-557. »
Mme Sylviane Noël. - Les outils à disposition des élus locaux sont assez peu opérationnels.
Cet amendement renforce le pouvoir d'action des maires en amont en leur permettant d'avoir une vision d'ensemble, grâce à un outil dont les modalités de fonctionnement et d'accès resteront à définir.
Souvent la seule solution pour les maires de connaître l'état précis d'une copropriété est d'acquérir un lot dans ladite copropriété pour pouvoir accéder directement aux informations.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par le droit actuel. Le registre des copropriétés est déjà accessible aux élus ! Les maires sont aussi informés de la saisine du tribunal et de l'ordonnance de désignation de l'administrateur provisoire... Retrait ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°11 rectifié quater est retiré.
L'article premier D est adopté de même que l'article premier E.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux.
Après l'article 1er E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 301-6 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 301-... ainsi rédigé :
« Art. L. 301-.... - Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat, ou à défaut les communes, peuvent désigner un référent chargé d'accompagner les propriétaires de logements dégradés qui le demandent dans la réhabilitation de leur logement en identifiant les mesures et travaux possibles ainsi que les aides publiques mobilisables. »
M. Éric Gold. - Cet amendement autorise les collectivités locales compétentes en matière d'habitat à désigner un référent « habitat dégradé » afin d'inciter les propriétaires à engager des travaux de réhabilitation. Cette mesure accompagne les propriétaires isolés et précaires dans leurs démarches et accroît la lisibilité des aides dont ils peuvent bénéficier. Le recours à un tel référent permettrait de sortir de l'insalubrité un certain nombre de locataires, tout en favorisant la réduction de la consommation d'énergie.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Cela ressemble au dispositif « parcours de performance énergétique » que nous avons vu à Montfermeil. Si cela reste une faculté, sans devenir une obligation, avis favorable.
M. Julien Denormandie, ministre. - Ce peut être utile en effet, mais rien ne l'interdit... Est-il interdit de l'inscrire dans la loi ? Sagesse.
M. Marc Laménie. - C'est un amendement de bon sens, positif, car l'information manque souvent. Pour que les drames ne se reproduisent pas, il faut améliorer les partenariats des collectivités locales de toutes tailles. Tout dépend toutefois des moyens financiers disponibles. Il faudra y penser lors de l'examen du budget. Il reste beaucoup à faire.
L'amendement n°24 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié quater, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. Bascher, D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, B. Fournier, Chaize et Charon, Mme Micouleau, MM. Mayet et Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mmes L. Darcos et Imbert, M. H. Leroy et Mme Lamure.
Après l'article 1er E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « renouvelable une seule fois », sont remplacés par les mots : « non renouvelable » ;
2° Avant la dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le syndic est tenu de fournir à l'expert tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance du juge au syndic sous peine du paiement d'une astreinte d'un montant maximal de 200 € par jour de retard. »
II. - La première phrase du quatrième alinéa de l'article 29-1 B de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complétée par les mots : « sous peine du paiement d'une astreinte d'un montant maximal de 200 € par jour de retard ».
Mme Sylviane Noël. - Comme l'a souligné Mme le rapporteur, il faut renforcer le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux. Il pourrait être intéressant d'intervenir là aussi, en simplifiant la procédure de mise en oeuvre d'un état de carence. Cette simplification doit respecter les principes du droit à la propriété, mais le temps compte...Cet amendement impose donc un délai plus court de remise du rapport d'expertise lorsque la procédure est enclenchée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis favorable.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis favorable à cet amendement de bon sens.
L'amendement n°13 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
L'amendement n°20 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié quinquies, présenté par Mmes Noël, Eustache-Brinio et Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Bonhomme, Perrin, Raison, Chaize et Charon, Mme Micouleau, M. Kennel, Mme Gruny, MM. Paccaud et Chatillon, Mme L. Darcos, M. H. Leroy, Mme Lamure et M. Babary.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Il est créé un dispositif de suivi des copropriétés dégradées composée du maire, du président du tribunal de grande instance, des administrateurs provisoires, des services de l'État, qui permet de vérifier que le redressement est bien engagé. Les membres dudit comité de suivi exercent à titre bénévole. Aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique.
Mme Sylviane Noël. - Cet amendement crée un organe opérationnel composé du maire, du président du tribunal de grande instance, des syndics, des administrateurs provisoires, des services de l'État. L'obligation d'une réunion permettra un suivi des copropriétés dégradées afin de vérifier que le redressement est bien engagé et que les situations ne se dégradent pas plus dans le temps.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - L'intention de ce dispositif est louable mais l'article où vous l'insérez concerne le permis de louer, et les copropriétés dégradées visées ne sont pas précisées (sont-ce celles sous administrateur provisoire, ou faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ?), non plus que les pouvoirs du comité de suivi. Le maire bénéficie déjà d'informations aux différentes étapes de la procédure, si le juge désigne un mandataire ad hoc ou un administrateur provisoire.
Des réunions entre tribunaux, élus et préfets, cela relève du bon sens. Créer un comité supplémentaire dans la loi ne me semble pas nécessaire. Retrait ou avis défavorable ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les raisons excellemment exposées par la rapporteure.
Mme Sylviane Noël. - Le bon sens ne l'emportant pas partout, je le maintiens.
Mme Annie Guillemot. - Je comprends ce que dit Mme Estrosi Sassone, mais je partage la démarche de l'amendement. Cela va très vite, et il est utile de percevoir l'état réel de la copropriété le plus en amont possible. Nous sommes plusieurs municipalités en France à avoir créé des conseils d'aide aux accédants. Notre système pêche parce qu'on arrive alors que le mal est fait. Cette initiative est intéressante pour les maires qui voudraient s'en saisir.
Mme Samia Ghali. - Oui, cet amendement va dans le bon sens. Il existe aussi des syndics voyous, qui profitent de la faiblesse de personnes âgées qui ne suivent pas forcément les assemblées générales, pour leur faire croire qu'il y a des travaux indispensables et coûteux à faire, alors qu'elles n'ont pas les moyens de les payer. Ce sont des gens de bonne foi qui se font avoir et l'on est mal outillé pour les accompagner.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je soutiendrai cet amendement. Comme on l'a vu à Marseille, il faut parfois des structures pérennes qui font le point une fois par an pour éviter le laisser-aller. Un tel tour de table peut également éviter les renvois de responsabilités et permettre d'agir rapidement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Je vous entends bien mais, cela se fait déjà et il n'est nul besoin de l'écrire dans la loi.
L'amendement n°12 rectifié quinquies est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Gold, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du premier alinéa du I de l'article L. 634-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé : « Lorsque l'autorisation prévue par l'article L. 635-1 n'a pas été mise en place, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le conseil municipal délimite des zones soumises ... ».
M. Éric Gold. - Cet amendement généralise le recours à la déclaration préalable de mise en location, à défaut de rendre obligatoire le permis de louer, dans les zones de lutte contre l'habitat indigne.
Cette généralisation, moins contraignante que celle du permis de louer, permettrait aux collectivités locales compétentes en matière d'habitat, d'être informées des biens immobiliers potentiellement indignes mis en location. Le propriétaire devant remettre un récépissé de la déclaration de mise en location pour bénéficier du tiers payant des aides personnelles au logement, cette mesure permettra aux caisses d'allocations familiales d'être informées de ces mises en location.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis défavorable. Gardons de la souplesse et laissons les collectivités territoriales décider si elles souhaitent mettre en place ou non le permis de location.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°26 rectifié est retiré.
L'article 2 bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 635-4 du code de la construction et de l'habitation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Elle est valable pour une durée de trois ans à compter de la mise en location. Les locataires ou occupants du logement permettent l'accès aux lieux loués des agents mandatés par l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation préalable. »
Mme Annie Guillemot. - Depuis la loi ALUR, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal peut délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé et dans l'objectif de lutter contre l'habitat indigne.
C'est ce qu'on appelle communément le « permis de louer ».
L'autorisation devient caduque si elle n'est pas suivie d'une mise en location dans un délai de deux ans suivant sa délivrance. L'autorisation préalable de mise en location doit être renouvelée à chaque nouvelle mise en location.
En revanche, le dispositif actuel n'oblige pas le propriétaire à renouveler l'autorisation préalable en cas de reconduction ou de renouvellement du bail.
S'agissant de zones et d'immeubles identifiés « à risque », il est proposé que l'autorisation préalable ne soit pas un blanc-seing donné au propriétaire pendant toute la durée d'occupation d'un ménage dont le bail peut se renouveler par tacite reconduction.
Aussi notre amendement instaure une durée de validité du permis de louer.
L'autorisation préalable requise avant la mise en location serait ainsi valable pour une durée de trois ans à compter de la mise en location.
L'autorité compétente pourrait ainsi régulièrement vérifier la situation des logements loués sur le périmètre de l'autorisation.
Fabien Gay évoquait les « trous dans la raquette ». Là il y en a un. Quid si un ménage reste quinze ans ? Les marchands de sommeil ont toujours une longueur d'avance.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable car l'amendement impose une nouvelle démarche au propriétaire mais cela ne règle pas la question pour le locataire.
En outre, je m'interroge sur la compatibilité de cet amendement avec le principe constitutionnel d'inviolabilité du domicile.
La CAF peut en outre conserver les APL pour inciter le bailleur à réaliser les travaux.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis. Le permis de louer doit être suffisamment souple pour que les collectivités territoriales puissent le mettre en oeuvre facilement. On est au début du déploiement du permis de louer. Si un élu local souhaite le mettre en place, mes services sont là pour l'aider.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je comprends l'intention de mieux protéger mais je suivrai l'avis du ministre afin de ne pas freiner la fonction préventive que favorise le dispositif.
Pour déclencher une bonne pratique, il est préférable de faire preuve de souplesse. J'observe qu'il y a beaucoup d'obligations mais pas de sanctions en cas de défaillance. Ainsi que se passe-t-il si une collectivité territoriale ne fait rien en cas d'insalubrité ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Des sanctions sont attachées au permis de louer. En outre, l'astreinte prononcée en cas d'insalubrité n'est plus reversée à l'État, ce qui était aberrant, désincitatif au possible, mais aux collectivités territoriales, ce qui récompense mieux les efforts réalisés et encourage un cercle vertueux de lutte contre l'habitat indigne.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
L'article 2 ter est adopté.
L'article 3 demeure supprimé.
L'article 4 est adopté, de même que les articles 4 bis et 4 ter.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 4 ter
I. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Les mots : « de bonne foi » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés les mots : « sauf mauvaise foi avérée ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Renforcer la protection des occupants de l'habitat indigne
Mme Annie Guillemot. - Les associations que nous avons rencontrées, comme le DAL ou la Fondation Abbé Pierre nous ont fait part de cas très difficiles, comme ceux d'enfants atteints de troubles psychologiques en raison de l'état de leur logement, ou celui d'une jeune élève excellente mais expulsée du lycée car couverte de piqûres, son logement étant infesté de vermine... C'est une réalité !
Or les propriétaires indélicats exercent une pression accrue contre leurs victimes pour faire respecter une loi du silence, assortie de menaces, violences, chantage ou encore de voies de fait. Aussi proposons-nous de protéger les occupants d'habitats indignes qui subissent de telles pressions. En effet, les marchands de sommeil ne doutent de rien, ils n'hésitent même pas à solliciter du juge des référés la résiliation du bail pour défaut de paiement !
Les possibilités d'action données aux maires contre les marchands de sommeil renforceront le soutien aux occupants qui peuvent être privés de leur droit à relogement, sauf bien sûr en cas de mauvaise foi avérée, et ce sera au juge d'en décider.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Avis défavorable. La loi fait déjà peser de lourdes obligations sur les occupants : locataire, sous-locataire et occupant de bonne foi. Vous inversez la charge.
Si les locataires démontrent que l'arrêté de péril ou d'insalubrité a entraîné la cessation du paiement du loyer, ils doivent être relogés. Ne bouleversons pas l'équilibre, satisfaisant, qui a été trouvé, entre les obligations des propriétaires et les droits des occupants.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par Mme Ghali.
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « à ses besoins et à ses possibilités » sont remplacés par les mots : « à ses besoins, à ses possibilités et à ses ressources » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La proposition de relogement doit être adaptée aux besoins, aux possibilités et aux ressources de la personne délogée. Elle doit respecter la typologie du logement originel et être adaptée à la composition du foyer, aux besoins spécifiques et aux ressources de ceux qui le composent. L'accessibilité au logement pour les personnes à mobilité réduite doit être prise en compte. Le temps de trajet entre le logement et le lieu de travail ou de scolarisation des membres du foyer ne doit pas être rallongé de plus de quinze minutes. »
Mme Samia Ghali. - Cet amendement enrichit le principe de logement adapté aux besoins et aux possibilités cité à l'alinéa 4 de l'article L.521-3-1 du code de la construction et de l'habitation afin qu'il réponde à l'ensemble des problématiques que rencontrent les personnes délogées pendant leur relogement, et en particulier à leurs ressources.
Inscrire dans la loi des critères de relogement est essentiel. Les personnes déplacées n'ont pas à subir le surcoût du relogement, qu'il s'agisse du loyer ou des transports. On l'a vu à Marseille où des familles ont été envoyées à l'autre bout de la ville, loin des transports en commun. Les mères attendent avec angoisse leurs enfants, qui rentrent de l'école trop tard pour pouvoir faire leurs devoirs. C'est très, très compliqué. Prévoyons des principes clairs dans la loi !
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article L. 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités » sont remplacés par les mots : « deux offres fermes de relogement adaptées aux besoins et aux ressources ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Renforcer la protection des occupants de l'habitat indigne
Mme Annie Guillemot. - Je rejoins les propos de Samia Ghali. Le maire doit proposer trois offres de relogement et le marchand de sommeil, seulement une, souvent très loin du centre-ville, où travaillent les femmes, dans les hôtels, par exemple.
Il y a un paradoxe à confier le relogement du locataire victime à son propriétaire délictueux notamment en cas de relogement définitif, risquant de laisser les occupants dans la spirale de l'habitat indigne.
S'agissant d'un logement définitif, et pour limiter le risque de retour vers un autre logement insalubre, nous proposons de prévoir que le propriétaire fera deux offres de relogement au lieu d'une seule, répondant aux besoins et aux ressources du locataire ou de l'occupant.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°15. On comprend l'intention de cet amendement mais une partie est déjà prévue.
Respecter la typologie du logement originel peut conduire à perpétuer la sur-occupation des logements... Quant au critère de trajet, je comprends le souhait de rester dans son quartier mais tous ne le souhaitent pas, et mieux vaut un toit sur la tête loin de celui-ci. Exiger une condition de trajet est en toute hypothèse extrêmement contraignant.
Avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié bis qui retarde le relogement effectif de la personne. Ne doublons pas le risque de contentieux en demandant deux offres de relogement et non une.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je suis très sensible à l'amendement de Mme Ghali. À Marseille, combien de fois les associations nous ont fait part de leur désarroi... Mais il n'y a pas assez de logements sociaux au centre. Demande de retrait ou avis défavorable, même si je suis particulièrement sensible à la situation dénoncée.
J'ai les mêmes réserves que la rapporteure sur l'amendement n°4 rectifié bis. À 95 %, les sommes bloquées par la CAF sont versées parce que les travaux sont effectués.
Demander deux offres plutôt qu'une retarderait le relogement.
Mme Samia Ghali. - Je sais que le ministre est mobilisé, tout comme la rapporteure. Mais si la Ville de Nice n'avait pas récupéré les aides à la pierre que Marseille n'utilisait pas, madame la rapporteure, nous n'en serions peut-être pas là.
Habiter en centre-ville, c'est un choix. Si l'on vous envoie dans une cité à l'autre bout de la ville, c'est un changement de vie ! Les habitants nous le disent, qui attendent leurs enfants, le soir, à l'autre bout de la ville, rongés d'inquiétude.
Le reportage diffusé récemment sur le service public sur le logement insalubre à Marseille montrait la pression subie par les personnes âgées de la part de leur propriétaire.
Je maintiens mon amendement, ne serait-ce que pour les habitants de la rue d'Aubagne qui attendent encore d'être relogés.
Mme Annie Guillemot. - Oui, soyons pragmatiques et efficaces. En dix-huit ans, en tant que maire, j'ai souvent aidé les propriétaires à faire des propositions, pour reloger leurs locataires dans de bonnes conditions, et pas à Tataouine-les-Eaux ! Si le propriétaire est pauvre, le maire l'aidera ! Dans les copropriétés de plusieurs milliers de logements, c'est le maire qui se retrouvera avec 160 mises en vente, comme cela m'est arrivé, donc 160 familles à reloger, ce qui n'est pas un mince problème !
Nous sommes dans l'erreur sous couvert d'efficacité. À Marseille, quand les gens ne sont pas responsables, prend-on des réquisitions ?
Mme Samia Ghali. - Non !
Mme Annie Guillemot. - Ceux qui n'ont plus rien n'ont même plus leur entourage ou leur école. J'ai vu une jeune lycéenne qui s'est retrouvée sans rien à quelques semaines du bac, parce que son logement avait brûlé ! C'est terrible ! Il faut contraindre les marchands de sommeil par des mesures fortes.
M. Julien Denormandie, ministre. - Le marchand de sommeil fera deux propositions à Tataouine-les-Eaux. À Marseille, j'ai joué cartes sur table. En France la réquisition dure des années, avec de faux devis de propriétaires qui prétendent faire des travaux, etc... J'y suis allé franco rue de la République et j'ai proposé aux directeurs généraux de deux des trois principales foncières qui se trouvaient parmi les propriétaires de logements vacants de flécher les appartements. En dix jours nous avons débloqué 100 logements...
Mme Samia Ghali. - Il en reste encore !
M. Julien Denormandie, ministre. - Idem caserne du Muy. C'est plus rapide que la réquisition. L'acte de propriété est protégé par la Constitution, vous le savez comme moi. Il faut identifier les propriétaires, les appeler, et les inviter à faire un acte citoyen, cela va souvent plus vite et je suis sûr que c'est ce que vous faisiez lorsque vous étiez maire.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il n'y a pas de possibilité de réquisition car en France nous n'avons pas travaillé stratégiquement et systématiquement sur le logement vacant.
Il faut informer les propriétaires sur les possibilités de rénovation et utiliser la menace de l'épée de Damoclès de la réquisition. La connaissance des logements vacants est un combat que j'ai mené depuis des années notamment dans les intercommunalités. Plus il faudra de propositions de relogement moins les opérations de marchands de sommeil seront rentables. Je vote l'amendement.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
Mme Samia Ghali. - Vous avez certes pu reloger une centaine de familles dans des logements neufs, monsieur le ministre mais, rue de la République, il reste des milliers de logements vacants, et des familles attendent. Monsieur le ministre, 1 500 familles ne sont toujours pas relogées et 300 vivent à l'hôtel et 200 dans des appart-hôtels. Demain, vous pourriez les reloger sans aucune difficulté.
Ne nous cachons donc pas derrière cette proposition de loi, qu'elle ne serve pas à nous donner bonne conscience ! Vous l'avez dit vous-même, on peut faire beaucoup avec le dialogue.
L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les solutions permettant de remédier aux conséquences de la suppression de l'APL-accession sur la réalisation de travaux par les propriétaires occupants et sur la lutte contre l'habitat indigne, notamment dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Le rapport présente également les avantages et les inconvénients d'un rétablissement de l'APL-accession.
Mme Catherine Conconne. - La suppression de l'APL accession pourrait décrocher la palme de la fausse bonne idée. Le président de la République l'a d'ailleurs reconnu lors du grand débat ! Nous voilà ce soir obligés de faire des contorsions avec cette demande de rapport alors que l'APL accession doit être rétablie, je le dis haut et fort.
Si vous avez un doute, venez en Martinique. En 1848, l'abolition de l'esclavage a poussé de nombreuses personnes, poussées hors de leur habitation, à s'établir où ils pouvaient, avec quelques planches, quelques morceaux de tôle. Leur accession aux droits sociaux a été très longue. Résultat aujourd'hui, les habitants de ces logements sont à la retraite - ils perçoivent moins de 500 euros par mois et n'ont plus d'accompagnement. Mme le rapporteur et Mme la présidente de la commission ont pu voir ce qu'est l'habitat spontané.
Je comprends l'argument de l'article 40, aussi je demande un rapport pour démontrer que la suppression de l'APL accession était une très fausse bonne idée, monsieur le ministre.
Mme la présidente. - Amendement identique n°34, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Je souscris pleinement aux propos de Mme Conconne. Nous avons constaté les effets considérables de la suppression de l'APL accession. Nombre de programmes sont aujourd'hui soit ralentis, soit à l'arrêt. Si l'économie se monte à 50 millions d'euros pour le budget de l'État, le coût social des opérations qui ne se feront pas est plus grand encore.
En outre-mer, cela concerne de nombreuses personnes. Marie-Thérèse, citée par la présidente Primas, rêvait de quitter son habitat informel pour être enfin propriétaire... Faute d'APL accession, elle ne le pourra pas, à moins que vous annonciez son rétablissement lors de la prochaine loi de finances.
L'article 40 de la Constitution nous contraint à vous demander un rapport au Parlement, remis dans les trois mois, car il y a urgence. (Mme Annie Guillemot applaudit.)
L'amendement n°18 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les modalités de mise en place d'un dispositif pérenne applicable aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution visant à accompagner les ménages modestes vers l'accession sociale à la propriété et, pour les propriétaires modestes, vers la réhabilitation de leur logement.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Mesures d'urgence pour lutter contre l'habitat indigne et dégradé en Outre-mer
Mme Catherine Conconne. - La présence de notre rapporteur et de la présidente de la commission en Martinique a été remarquée : elles ont été à l'écoute et attentives aux situations qui leur ont été présentées. L'habitat indigne n'a pas le même sens, la même résonance en outre-mer et en France hexagonale. C'est une part d'histoire de nos territoires, à laquelle Mme Estrosi Sassone et Primas ont été très attentives et je les remercie. (Applaudissement sur quelques bancs du groupe Les Républicains). Je retire toutefois cet amendement.
L'amendement n°9 rectifié est retiré.
M. Julien Denormandie, ministre. - L'APL Accession permet en outre-mer de lutter contre l'habitat indigne, en effet. C'est pourquoi nous avons élaboré un système pour revoir les dossiers et mandaté le CGEDD, dont je suis prêt à vous communiquer les travaux, afin de vous éclairer avant l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
Nous n'avons pas encore achevé nos réflexions mais je m'engage à vous tenir informée. Nous n'avons pas encore atterri mais nous y reviendrons lors du prochain budget.
M. Fabien Gay. - Les amendements d'appel exigent des réponses précises, monsieur le ministre ! Renvoyer le débat au budget, c'est un peu court ! Reconnaissez au moins que c'était, non pas une fausse bonne idée, mais une très mauvaise idée ! Dites-nous que vous allez y travailler sérieusement.
En déplacement en Guyane en avril, j'ai beau être élu de Seine-Saint-Denis, j'ai découvert une situation que je n'avais jamais vue nulle part ailleurs : ce sont de vrais bidonvilles qui poussent en territoire français ! Et les démanteler sans proposer de solution de relogement, c'est les faire repousser deux cents mètres plus loin le lendemain... Le secrétaire général de la préfecture l'a reconnu. Il faut donc des moyens et des constructions durables.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le président de la République a pris des engagements lors de la restitution du grand débat : tout le monde a compris qu'il rétablirait l'APL Accession... Le confirmez-vous ?
Certains systèmes de glissement du remboursement du crédit en fonction de la variation des revenus des emprunteurs pourraient être expérimentés ; ils existent dans d'autres pays. Le ministre des Outre-mer s'intéresse-t-il à ces mécanismes innovants d'accession à la propriété très sociale ?
Mme Catherine Conconne. - Votre réponse me déçoit, monsieur le ministre. Nous sommes mi-juin ! C'est bientôt l'été, les vacances des uns et des autres. En septembre, on parlera de la révision constitutionnelle, et octobre arrivera avec le budget... Vous avez supprimé l'APL Accession et, six mois plus tard, vous nous dites que vous n'avez pas atterri !
Que dirais-je aux habitants de Petite Rivière salée, au Robert ? Que le Gouvernement n'a pas atterri ? Je vous prends en flagrant délit de carence.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je m'en voudrais de vous décevoir, madame Conconne. C'est sur le dispositif pérenne que nous n'avons pas atterri. Des propositions nous ont été faites et je vous propose d'en discuter ensemble car l'accession à la propriété est un des moyens les plus performants pour lutter contre l'habitat indigne.
Dans les 9 milliards d'euros du plan de relance en faveur du logement, nous consacrons 1,5 milliard d'euros à la construction dans nos territoires ultramarins. Depuis combien de temps n'avions-nous pas fait cela ? Vous connaissez mon état d'esprit.
Mme Annie Guillemot. - Il y a effectivement urgence ! C'est l'ensemble du logement qui est en crise, car des erreurs ont été faites sur l'APL Accession par exemple.
Quand on démolit des barres d'immeubles, peu d'habitants peuvent accéder à la propriété. Avec l'aide au foncier de la métropole de Lyon et le PTZ, l'APL Accession permettait à ces familles d'acheter leur logement. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Et nous sommes en panne.
Entendons ce que dit Mme Conconne : cela frappe les plus pauvres des plus pauvres.
Les amendements identiques nos22 rectifié et 34 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°23, présenté par Mme Jasmin.
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux zones des cinquante pas géométriques en outre-mer, pour permettre les opérations de résorption de l'habitat insalubre ou dangereux au regard des risques climatiques ou sismiques dans ces zones.
Mme Victoire Jasmin. - La zone des cinquante pas géométriques abrite des constructions spontanées en Guadeloupe, ce qui est dangereux. Un rapport sur la question serait utile.
J'en profite pour remercier la commission et Mme le rapporteur pour leur travail.
Évitons d'avoir toujours à affronter les mêmes problèmes après les ouragans notamment.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Je partage les propos de Mme Jasmin. Néanmoins, il vaudrait mieux contrôler l'application de la loi Letchimy qui a déjà fait beaucoup en la matière : retrait ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°23 est retiré.
L'article 5 demeure supprimé, de même que l'article 6.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le IV de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« IV. - Lorsqu'une personne publique, un organisme d'habitations à loyer modéré, une société d'économie mixte ou un organisme à but non lucratif a assuré le relogement, un arrêté du maire ou du préfet fixe l'indemnisation du relogement due par le propriétaire ou l'exploitant soit sous la forme d'un versement forfaitaire de dix-huit mois de loyer prévisionnel, soit sous la forme du paiement d'un droit de réservation auprès d'un organisme de logement social désigné par l'arrêté. »
Mme Annie Guillemot. - L'indemnité représentative des frais engagés pour le relogement en cas de défaillance du propriétaire est limitée actuellement à un an de loyer prévisionnel.
Il est proposé de renforcer le dispositif d'indemnisation due par les propriétaires indélicats ou marchands de sommeil, en portant l'indemnité représentative des frais engagés exigibles auprès du bailleur indélicat ou du marchand de sommeil d'un an à dix-huit mois.
Il permet également au maire d'imposer au propriétaire ou à l'exploitant défaillant de s'acquitter d'un droit de réservation auprès d'un organisme HLM. Il n'y a pas de raison de ne pas faire de réquisition contre un marchand de sommeil !
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Guillemot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au IV de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « dix-huit mois ».
Mme Annie Guillemot. - Amendement de repli.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Lorsque vous dites dans votre amendement « Le maire ou le préfet », cela pourrait être sujet à contentieux... En outre, le droit de réservation est particulièrement complexe à mettre en oeuvre.
Restons-en par ailleurs au paiement de l'indemnité d'un an de loyer. Retrait des deux amendements ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis. L'applicabilité de telles dispositions serait extrêmement complexe.
Mme Annie Guillemot. - Il faut les attaquer au porte-monnaie !
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté, de même que les articles 8 et 9.
L'amendement n°21 n'est pas défendu.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 12 juin 2019, à 15 heures.
La séance est levée à 1 h 5.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 12 juin 2019
- Débat sur le bilan de l'application des lois (en salle Clemenceau), à 8 heures
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Philippe Dallier, vice-président
Secrétaires : M. Guy-Dominique Kennel - Mme Françoise Gatel
1. Lecture d'une déclaration de politique générale
De 16 heures à 20 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
2. Proposition de loi créant un statut de l'élu communal, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues (n° 305, 2018-2019)
3. Proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l'accès à l'énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay, Mme Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues (n° 260, 2018-2019)
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°147 sur la demande de seconde délibération de l'article 28 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :320
Suffrages exprimés :319
Pour :232
Contre :87
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 143
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (72)
Contre : 71
Abstention : 1 - M. Jean-Michel Houllegatte
Groupe UC (51)
Pour : 51
Groupe LaREM (23)
Pour : 23
Groupe du RDSE (23)
N'ont pas pris part au vote : 23 - MM. Guillaume Arnell, Stéphane Artano, Alain Bertrand, Henri Cabanel, Mme Maryse Carrère, MM. Joseph Castelli, Yvon Collin, Jean-Pierre Corbisez, Mme Josiane Costes, M. Ronan Dantec, Mme Nathalie Delattre, MM. Jean-Marc Gabouty, Éric Gold, Jean-Noël Guérini, Mme Véronique Guillotin, M. Éric Jeansannetas, Mme Mireille Jouve, M. Joël Labbé, Mme Françoise Laborde, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Requier, Jean-Yves Roux, Raymond Vall
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 13
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 2
N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Christine Herzog, Fabienne Keller, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Scrutin n°148 sur l'amendement n°A-1, présenté en seconde délibération par M. Alain Milon au nom de la commission des affaires sociales, tendant à supprimer l'article 28 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :312
Suffrages exprimés :307
Pour :205
Contre :102
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 143
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (72)
Pour : 1 - M. Jean-Michel Houllegatte
Contre : 71
Groupe UC (51)
Pour : 39
Contre : 3 - M. Olivier Cadic, Mmes Nathalie Goulet, Dominique Vérien
Abstention : 1 - M. Olivier Henno
N'ont pas pris part au vote : 8 - Mme Annick Billon, MM. Philippe Bonnecarrère, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Mmes Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Valérie Létard, Sonia de la Provôté
Groupe LaREM (23)
Pour : 10 - MM. Michel Amiel, Arnaud de Belenet, Bernard Cazeau, Claude Haut, Martin Lévrier, Robert Navarro, Georges Patient, François Patriat, Mme Noëlle Rauscent, M. Alain Richard
Contre : 12
Abstention : 1 - M. André Gattolin
Groupe du RDSE (23)
N'ont pas pris part au vote : 23 - MM. Guillaume Arnell, Stéphane Artano, Alain Bertrand, Henri Cabanel, Mme Maryse Carrère, MM. Joseph Castelli, Yvon Collin, Jean-Pierre Corbisez, Mme Josiane Costes, M. Ronan Dantec, Mme Nathalie Delattre, MM. Jean-Marc Gabouty, Éric Gold, Jean-Noël Guérini, Mme Véronique Guillotin, M. Éric Jeansannetas, Mme Mireille Jouve, M. Joël Labbé, Mme Françoise Laborde, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Requier, Jean-Yves Roux, Raymond Vall
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 9
Abstentions : 3 - MM. Joël Guerriau, Claude Malhuret, Franck Menonville
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Laufoaulu
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Fabienne Keller, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Scrutin n°149 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :335
Suffrages exprimés :312
Pour :219
Contre :93
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 120
Contre : 7 - MM. Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Daniel Gremillet, Sébastien Meurant, Michel Raison, Vincent Segouin, Michel Vaspart
Abstentions : 13 - MM. Pascal Allizard, Jean-Marc Boyer, Mme Marta de Cidrac, MM. Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-Raymond Hugonet, Guy-Dominique Kennel, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Jean-François Mayet, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Damien Regnard
N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Pierre Leleux, Jean Pierre Vogel
Groupe SOCR (72)
Contre : 68
N'ont pas pris part au vote : 4 - MM. Michel Boutant, Jean-Yves Leconte, Mme Claudine Lepage, M. Jean-Jacques Lozach
Groupe UC (51)
Pour : 45
Abstentions : 5 - MM. Jean-François Longeot, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Jean-Pierre Moga, Mme Sonia de la Provôté
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe LaREM (23)
Pour : 22
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Navarro
Groupe du RDSE (23)
Pour : 18
Contre : 1 - M. Joël Labbé
Abstentions : 3 - MM. Henri Cabanel, Olivier Léonhardt, Raymond Vall
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Ronan Dantec
Groupe CRCE (16)
Contre : 15
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Éric Bocquet
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 13
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 1 - M. Philippe Adnot
Contre : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Abstentions : 2 - Mme Christine Herzog, M. Jean Louis Masson
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Fabienne Keller