Polynésie française (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la Polynésie française.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Les dispositions en discussion sont très attendues en Polynésie française, comme je l'ai constaté sur place il y a encore quelques heures. Les Polynésiens fondent beaucoup d'espoir sur la réforme de l'indivision foncière. Je viens d'inaugurer le tribunal foncier de Papeete.
Ces mesures, le Sénat les a déjà adoptées dans la loi du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, mais elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juin 2019 comme étant des cavaliers.
Le député Guillaume Vuilletet, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, a souhaité soumettre à nouveau les dispositions annulées dans un nouveau vecteur dédié.
M. Jean-Pierre Sueur. - Sauf deux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire ce texte qui a fait l'objet d'un travail minutieux avec le Gouvernement de Polynésie, les magistrats, notaires, géomètres et généalogistes polynésiens.
La méthode retenue montre que la justice sait s'adapter aux réalités partout sur le territoire. Nous avons inversé la logique qui a longtemps prévalu pour les outre-mer : trop souvent, on a plaqué un modèle unique au lieu d'inventer des solutions adaptées. Il y a eu des progrès mais beaucoup reste à faire pour acquérir le « réflexe outre-mer », cher à Mme Girardin. Notre manière d'aborder la question foncière montre que nous voulons changer de logiciel.
Le rapport de 2016 de la délégation sénatoriale à l'outre-mer fait référence ; il fait le constat d'un état généralisé d'indivision transgénérationnelle, avec parfois une centaine de co-indivisaires. La dispersion des co-indivisaires sur un territoire aussi grand que l'Europe, l'absence fréquente d'adresse précise, le nombre important de contentieux sur le fondement de la prescription acquisitive avec un recours quasi systématique au partage judiciaire et l'absence de représentation obligatoire par un avocat en première instance conduit à des situations inextricables. Appeler tous les héritiers à la succession est impossible.
Je poursuis l'action entamée par Christiane Taubira et Jean-Jacques Urvoas, avec la création d'un tribunal foncier à Papeete, sur le modèle de l'échevinage, dans un bâtiment neuf. C'est une réussite : le stock de dossiers et la durée moyenne de traitement ont diminué, ce qui a apaisé la situation. Les Polynésiens, désormais dotés d'un tribunal dédié, se le sont approprié et le nombre de requêtes a augmenté.
M. Bruno Sido. - Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Par ailleurs, le salariat d'avocats dédiés au contentieux fonciers par la Direction des affaires foncières de Polynésie a été consacré dans la loi organique du 5 juillet dernier.
Mais ces moyens devaient être accompagnés de mesures relatives au fond, demande ancienne des élus polynésiens et des magistrats.
Mme Lana Tetuanui avait mis en avant la spécificité polynésienne lors de la discussion de la loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. Il fallait aller plus loin en Polynésie française, pour répondre à l'impossibilité d'attraire l'ensemble des indivisaires.
L'ampleur des dérogations au droit commun qui étaient sollicitées avait alors appelé des réserves à la Chancellerie. Nous devions trouver un équilibre entre outils pragmatiques et respect des principes fondamentaux : droit de propriété, droits de la défense de l'ensemble des indivisaires, droits des conjoints survivants.
Je m'étais engagée à ce que la Chancellerie se saisisse rapidement de la question. Un groupe de travail a ainsi réuni les directions générales des affaires civiles et du sceau, la Direction générale de l'outre-mer, la Direction des affaires foncières de Polynésie ainsi que des magistrats, avocats, notaires de Papeete. Cette collaboration a été fructueuse.
Ce texte propose ainsi des dispositifs innovants, certains déjà applicables dans les autres outre-mer, d'autres spécifiques à la Polynésie, avec le partage par souche et le droit de retour légal des frères et soeurs. Sur le partage par souche, nous renvoyons le détail à la loi du Pays, preuve de notre volonté d'avancer ensemble avec le gouvernement de la Polynésie.
Avec Édouard Fritch et plusieurs de ses ministres, nous avons passé en revue les nombreuses actions engagées par son gouvernement pour s'attaquer à l'indivision. J'ai été impressionnée par le souci constant de tenir compte des réalités de chaque île.
Ce texte comporte également une disposition relative au contrat de concession d'un aérodrome relevant de la compétence de l'État en Polynésie française, elle aussi censurée par le Conseil constitutionnel.
La réactivité du député Vuilletet et votre engagement sur le sujet nous laissent espérer un vote conforme et une entrée en vigueur rapide, moins d'un mois après la décision du Conseil constitutionnel. Des îles Marquises aux Australes en passant par les îles de la Société et les Tuamotu-Gambier, on attend ce texte.
Cette rapidité a conduit à laisser de côté deux dispositions également censurées, mais nous y reviendrons à la rentrée.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le Conseil constitutionnel dira à nouveau que c'est hors-sujet !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement y sera attentif, comme il l'est toujours à l'égard de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a été déposée le 1er juillet par le député Vuilletet réagissant à la censure d'office prononcée par le Conseil constitutionnel le 27 juin 2019, sur le fondement de l'article 45 de la Constitution.
Mais seuls six des huit articles censurés ont été repris dans la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Ont été laissés de côté les articles relatifs aux crématoriums - la crémation est juridiquement impossible en Polynésie - et à la dépénalisation du stationnement payant, qui empiète sur une compétence locale.
Ces deux sujets méritaient d'être repris dans le texte initial. Mais passé le dépôt du texte, ils se heurtaient aux règles de recevabilité de l'article 45.
M. Jean-Pierre Sueur. - Telles qu'interprétées...
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous regrettons que rapidité ait primé sur l'exhaustivité. (M. Jean-Pierre Sueur renchérit.) Il faudra trouver une solution rapidement, dans le projet de loi Engagement et proximité prévu à la rentrée ou via une nouvelle proposition de loi.
Les dispositions relatives aux indivisions successorales s'inspirent pour l'essentiel du rapport de la délégation aux outre-mer de 2016 sur la sécurisation des titres fonciers.
L'article premier adapte aux spécificités polynésiennes, en particulier l'ancienneté des successions, la condition de résidence exigée.
L'article 2 prévoit une dérogation pour le retour à la famille du défunt sans descendants des biens immobiliers qu'il détenait en indivision avec celle-ci.
L'article 3 empêche la remise en cause d'un partage judiciaire par un héritier omis.
L'article 4 prévoit un dispositif dérogatoire et temporaire, jusqu'au 31 décembre 2028, favorisant les sorties d'indivision.
L'article 5 institue une expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2028, du partage par souche tel qu'il est opéré par la cour d'appel de Papeete, en interprétant de manière extensive la notion de représentation.
Enfin, l'article 6 précise le cadre juridique dans lequel l'État peut concéder l'exploitation d'un aérodrome qui relève de sa compétence en Polynésie française.
Ces articles reprennent à l'identique le texte élaboré par la CMP le 7 mai 2019, la seule modification étant une simplification du titre.
Afin de permettre une entrée en vigueur rapide, je vous propose une adoption sans modification de ce texte malheureusement incomplet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; M. Bernard Lalande applaudit également.) Après vingt heures d'avion, madame la ministre, je vous souhaite un bon décalage horaire ! (Rires)
Nous avons déjà voté ces dispositions, il est donc inutile d'y revenir.
Je salue le député Vuilletet qui a pris l'initiative de cette proposition de loi après la censure par le Conseil constitutionnel.
J'ai relevé le déclassement en loi ordinaire de la disposition, hautement symbolique, portant sur la contribution des Polynésiens à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense de la Nation. C'était hélas prévisible à la lecture de l'avis du Conseil d'État du 29 novembre 2018. L'article 74 de la Constitution ne nous permet pas de lui conférer de valeur organique, dont acte. Lors d'une prochaine révision constitutionnelle, il m'appartiendra donc de réclamer sa modification pour intégrer cette reconnaissance particulière de l'État à l'égard de la Polynésie française et sanctuariser la dette nucléaire.
Comptez sur moi, le moment venu !
Avec la censure de nombreux articles, je découvre une jurisprudence sévère du Conseil constitutionnel et, partant, un droit d'amendement très limité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
Mme Lana Tetuanui. - Néanmoins le Gouvernement central s'est aussitôt engagé à reprendre les dispositions censurées. Les articles sur l'indivision, reprenant les préconisations du rapport de la délégation sénatoriale à l'outre-mer de 2016, répondent parfaitement à la pratique polynésienne, avec un dispositif d'attribution préférentielle, un retour à la famille du défunt des biens immobiliers qu'il détenait en indivision, des droits spécifiques de l'héritier omis, et un partage possible par souche.
Madame la garde des sceaux, vous avez confirmé ces adaptations sur place la semaine dernière, et je vous en remercie.
Le dernier article de la proposition de loi porte sur l'exploitation de l'aéroport de Tahiti-Faa'a. Je comprends l'urgence à légiférer mais je regrette que les articles sur la crémation et le stationnement aient été écartés. J'ai renoncé à déposer de nouveaux amendements de peur d'une nouvelle censure ; nos collègues du groupe socialiste ont osé.
Je remercie le rapporteur, devenu expert des spécificités polynésiennes. Le groupe UC votera à l'unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements)
Le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République est clos.
M. Jean-Louis Lagourgue . - Ce texte vise à rétablir rapidement des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte initial. Le dépôt de cette proposition de loi, dans la foulée, est à saluer mais je regrette que seulement six articles sur les huit censurés aient été repris. Les dispositions relatives à la crémation et à la dépénalisation du stationnement payant ont été laissées de côté. Sur le premier point, il est regrettable que les familles des défunts n'aient d'autre choix que de se rendre en Nouvelle-Zélande.
Les dispositions sur l'indivision successorale s'inspirent largement du rapport de la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur le sujet. C'est heureux car la question est particulièrement complexe en Polynésie française où les indivisaires, après quatre ou cinq générations, peuvent être une centaine.
La proposition de loi inclut également un article fixant le cadre juridique de l'exploitation de l'aérodrome.
Les élus polynésiens ne souhaitent pas que l'adoption de cette proposition de loi soit retardée, car ces dispositions sont attendues de longue date. Aussi, le groupe Les Indépendants, tout en regrettant l'absence des deux articles évoqués, votera-t-il cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Lors de l'examen du dernier texte sur la Polynésie française, le groupe LaREM avait déposé des amendements identiques à ceux de Mme Tetuanui et M. Laurey sur le droit des successions. Issus du rapport que j'ai signé avec M. Laufoaulu, ils visaient à faciliter la sortie de l'indivision qui stérilise une grande partie du foncier disponible, pourtant déjà rare.
Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions au titre de l'article 45 de la Constitution, sur la forme donc et non sur le fond. Elles prévoyaient notamment l'attribution préférentielle du bien à un héritier qui l'a occupé de façon continue, paisible et publique pendant dix années ; un droit de retour légal des frères et soeurs pour les biens en indivision ; la possibilité d'un partage par souche.
Dans sa décision du 27 juin 2019, le Conseil constitutionnel a également censuré une disposition, introduite par le Gouvernement au Sénat, permettant d'encadrer la concession d'aéroports polynésiens. Le présent texte remédie à ce contretemps. Le groupe LaREM le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Éliane Assassi . - Cette proposition de loi reprend des dispositions déjà votées lors de l'examen des projets de loi sur la Polynésie française en avril dernier, adoptés au Sénat à l'unanimité. La censure du Conseil constitutionnel nous amène à y revenir, mais il est de notre devoir de légiférer régulièrement sur les outre-mer, délaissés par le Gouvernement.
Madame la garde des sceaux, vous avez inauguré la semaine dernière le tribunal foncier de Papeete.
L'indivision est liée à l'histoire et à la culture polynésienne, attachée à la terre des ancêtres.
C'est aussi une conséquence de la période coloniale : marqués dans leur chair, les Polynésiens redoutent toujours de perdre leurs terres.
La moitié des terres polynésiennes seraient en situation d'indivision, avec un droit de propriété exercé à plusieurs en attente d'un partage rendu complexe par le fort recours à la justice, qui engorge les tribunaux et freine le développement économique et la fiscalité locale.
Le groupe CRCE approuve l'adaptation du droit commun aux spécificités de la Polynésie française. Il ne suffit pas de créer un tribunal foncier, il faut aussi donner les moyens aux juges polynésiens de résoudre les situations locales. Il s'agit aussi de reconnaître la jurisprudence de la cour d'appel de Papeete jusqu'à présent rejetée par la Cour de cassation.
L'article sur la concession aéroportuaire devrait pour sa part inciter à relancer l'appel d'offres pour l'aéroport de Tahiti-Faa'a.
Tout en respectant l'indépendance du pouvoir politique polynésien, nous souhaitons encourager le Gouvernement et le Parlement à légiférer plus régulièrement sur l'outre-mer.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Comme vous avez raison.
Mme Éliane Assassi. - Il faut toutefois évaluer l'efficacité et l'impact sur les réalités locales et rester à l'écoute des ultramarins, qui doivent être associés.
Le groupe CRCE votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE.)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur . - Nous sommes tous d'accord pour voter de tout coeur les dispositions sur l'indivision successorale et l'aérodrome de Tahiti-Faa'a.
Des questions de procédure se posent. Le Sénat a voté le projet de loi sur la Polynésie française, tout comme l'Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, juge plusieurs articles non conformes à l'article 45 de la Constitution. J'ai été plus de dix ans député, puis sénateur, sans jamais entendre parler d'irrecevabilité au titre de cet article.
M. Loïc Hervé. - C'était le bon vieux temps !
M. Jean-Pierre Sueur. - Au bon vieux temps, nous produisions pourtant des lois d'un moindre volume, preuve que l'application zélée de l'article 45 n'est aucunement de nature à juguler la production législative...
Madame Tetuanui, je comprends que vous souhaitiez un vote conforme et nous voterons cette proposition de loi. Toutefois, en votant ce texte conforme, puisqu'il compte six articles au lieu de huit à cause de la précipitation des députés, le Sénat s'autocensure.
Relisons l'article 45 de la Constitution ; tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il existe un lien « même indirect » avec le projet de loi initial. N'est-ce pas le cas ? La pratique tout à fait excessive du recours à l'article 45 aboutit à porter atteinte à notre droit fondamental d'amendement.
M. André Reichardt. - Ce ne sera pas la première fois.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les dispositions sur la crémation avaient pourtant été votées à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale. Pourquoi les écarter ? C'est bizarre, étrange, absurde. Pourquoi la crémation serait-elle autorisée partout sauf en Polynésie française ? Pourquoi les familles des défunts doivent-elles payer un avion pour aller jusqu'en Nouvelle-Zélande ?
Il faut une réflexion sur l'article 45. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ainsi que sur certains bancs du groupe UC)
M. Jean-Claude Requier . - Cette proposition de loi, qui reprend des dispositions qualifiées de cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel, s'éloigne de l'image de carte postale que nous avons de la Polynésie française. Mieux vaudrait examiner un texte global plutôt que de légiférer au coup par coup, au gré des décisions du Conseil constitutionnel.
L'indivision successorale est un problème endémique dans les territoires ultramarins. La coutume y joue un rôle important dans la régulation des rapports sociaux, et il ne serait ni aisé ni souhaitable de plaquer les règles patrimoniales de la métropole sur la Polynésie.
Toute utilisation de la terre est rendue difficile par l'indivision transgénérationnelle ; bien souvent, les demandes de partage doivent être réglées par voie judiciaire. La proposition de loi répond en partie à ces difficultés, aux articles premier, 2 et 3.
Cela dit, la Polynésie française étant une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, ces questions ne devraient-elles pas relever des autorités locales ? Quel peut être le rôle de la collectivité ?
La proposition de loi traite aussi des conditions d'exploitation, en Polynésie, d'un aérodrome relevant de la compétence de l'État.
Ces dispositions consensuelles seront votées par le groupe RDSE. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC ; M. Bernard Lalande applaudit également.)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le contenu de cette proposition de loi nous est relativement familier puisqu'elle reprend le texte portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française adopté ici le 22 mai dernier, à l'unanimité.
Il porte principalement sur l'indivision successorale et l'aéroport de Tahiti-Faa'a.
L'indivision successorale est un mécanisme de droit civil des biens permettant de maintenir l'unité d'un bien ou d'un ensemble de biens après la mort de son propriétaire.
Les territoires ultramarins présentent des caractéristiques rendant les situations foncières inextricables et source de contentieux. D'où les propositions de M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Lana Tetuanui en faveur du partage d'un bien par souche, quand le partage par tête est impossible.
Hélas, les sages du Conseil constitutionnel ont estimé ces dispositions relatives à l'indivision, ainsi qu'un certain nombre d'autres, portant sur le cadre du fonctionnement de l'aéroport d'État de Tahiti-Faa'a, l'exploitation des crématoriums et la dépénalisation du stationnement payant étaient des cavaliers législatifs. Elles furent donc censurées pour des raisons de simple procédure, contre l'avis du Gouvernement.
L'Assemblée nationale a souhaité y remédier.
Ce texte porte néanmoins la marque du Sénat : les articles 1 à 5 sont largement issus de nos travaux, et notamment du rapport d'information sur le foncier ultramarin de nos collègues Darnaud, Mohamed Soilihi et Laufoaulu. Ces articles permettent l'attribution préférentielle d'un bien au conjoint survivant ou au copropriétaire, facilitent le retour du bien à la famille du défunt, sécurisent les partages déjà intervenus, et assouplissent les conditions de partage des biens indivis pour une dizaine d'années. En cela, ils se rapprochent des dispositions déjà en vigueur dans d'autres territoires ultramarins.
En outre, l'article 5 comprend un dispositif expérimental de partage par souche, qui devrait permettre de tester sur place une pratique qui était déjà appliquée par les juges de première instance, mais souffrait d'un risque de cassation systématique. Il s'agit à la fois d'adapter le droit des successions aux conditions locales, et de permettre un bon fonctionnement du service public de la justice.
L'article 6 précise les conditions juridiques d'exploitation de l'aéroport principal du territoire, et ne pose pas problème.
Tout au plus, regrettera-t-on que les auteurs de la proposition de loi n'aient pas jugé bon d'y inclure également les dispositions censurées relatives aux crématoriums et au stationnement payant.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.