Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et aura encore 24 heures de patience avant de rejoindre les territoires chers à son coeur, pour quelques semaines. (Sourires et marques d'approbation)
Sécheresse (I)
M. Jean-Louis Lagourgue . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Jean-Marie Janssens applaudit également.) Comme l'an dernier, la France connaît une grave sécheresse, en métropole, mais aussi à La Réunion ou à la Martinique. Le monde agricole en est l'une des premières victimes.
Comme l'an dernier, le dispositif applicable aux calamités agricoles sera activé, les retenues d'eau et les flux de fourrages seront autorisés. Vous allez solliciter de l'Union européenne une avance de trésorerie de 70 % des aides de la PAC au lieu de 50 %, mais elle arrivera trop tard.
Il ne faut pas que les éleveurs se voient contraints d'envoyer leurs bêtes à l'abattoir parce qu'ils n'ont plus de quoi les nourrir. La France doit se préparer à subir régulièrement des épisodes de canicule. Quelles mesures envisagez-vous à court et moyen terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Oui, la canicule et la sécheresse sont là pour la deuxième fois de la saison et pour la deuxième année consécutive. Le réchauffement climatique entraînera vraisemblablement de nouveaux phénomènes de ce type, répétés chaque année. Les éleveurs ont prélevé dans leur stock et en ont de moins en moins.
Première réponse : l'irrigation. L'agriculture sera résiliente sinon un grand pan de l'agriculture disparaîtra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Bruno Sido applaudit également.) Elle emploie aujourd'hui 30 % d'eau en moins par rapport à ce qu'elle utilisait il y a 10 ou 15 ans. S'il y avait eu des pâtures irriguées, le foin n'aurait pas manqué.
Avec Mme Borne, nous avons diffusé à cette fin une instruction pour encourager la construction des retenues d'eau multi-usages. (On s'en réjouit sur les bancs des groupes UC, Les Républicains, Les Indépendants et LaREM.) Comme vous le savez, il est fréquent que des comités de défense multiplient les recours. C'est pourquoi le Gouvernement sera preneur d'une proposition de loi ou d'une ordonnance pour améliorer cela. Il fera appel des décisions attaquées comme ce fut le cas récemment en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains)
M. Jean-Louis Lagourgue. - Je suis satisfait.
Violences urbaines à Limeil-Brévannes
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'Intérieur, dans un État de droit, l'État garantit le respect de la République et la sécurité de chacun des concitoyens partout sur le territoire.
Mais, après neuf mois de rendez-vous hebdomadaires avec les dégâts causés par les gilets jaunes, certains ont compris qu'ils pouvaient agresser et casser en toute impunité. Dans mon département, des caméras de vidéosurveillance, à peine installées, ont été sciées à la meuleuse par des dealers.
L'hôtel de ville et le centre d'action culturelle de Limeil-Brévannes, victime d'une violence inédite, ont été la cible d'une attaque à la voiture bélier. Le trafic de stupéfiants a augmenté de 100 % en à peine cinq ans.
Que comptez-vous faire pour rétablir l'ordre républicain notamment à Limeil-Brévannes ? Nous attendons une réponse forte, ferme et durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - J'ai reçu hier la maire de la commune et le député Laurent Saint-Martin le 1er juillet. Nous avons mis fin à un important trafic de drogue, saisi 100 000 euros et arrêté sept personnes ; depuis, nous subissons les représailles de ces voyous.
Mais je vous le dis : nous ne céderons pas. Nous avons même renforcé les BAC, car la République est partout chez elle et nous mettrons sous main de justice les individus qui méprisent ses lois. Aucun mètre carré de notre République ne sera en recul, nous mettrons les moyens nécessaires pour lutter contre le trafic de stupéfiants, ce qui est l'une des mères des batailles contre l'insécurité dans nos quartiers et nos villes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants)
Mme Catherine Procaccia. - Merci d'avoir reçu sa maire, qui a créé une police municipale. Cette ville, comme d'autres dans le Val-de-Marne, notamment Sucy et Villejuif a bien besoin du soutien de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Sécheresse (II)
M. Jean-Marie Janssens . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Agriculture, vous étiez hier en visite dans le Loir-et-Cher, l'un des départements les plus touchés par la sécheresse. Je salue votre engagement.
Vous avez annoncé le versement par avance d'aides de la PAC et l'autorisation d'exploiter des jachères. Mais il faut des mesures de long terme. Cela passe par le développement de l'irrigation. Mais tant que la France n'adoptera pas des procédures de captage d'eau plus efficaces, nous serons en retard. Il faut simplifier les procédures administratives d'autorisation des retenues collinaires.
Monsieur le ministre, je vous sais très impliqué. La sécheresse montre qu'il faut aller plus vite et plus loin, fixer un calendrier précis et des objectifs concrets, en levant les barrières administratives.
Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour l'eau dans le secteur agricole ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Les Républicains)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Monsieur le député (Vives exclamations et nombreux rires)... J'ai peut-être besoin de vacances... (Sourires) Dans une situation exceptionnelle, il faut des réponses exceptionnelles. Il a fallu batailler pendant des jours avec la Commission européenne pour obtenir l'autorisation de faucher les jachères dans 33 départements, afin de donner à manger au bétail. Je vais continuer à me battre pour l'autoriser dans le plus de territoires possible. Idem pour les céréaliers qui sont prêts à faire preuve de solidarité avec les éleveurs.
Enfin, nos amis agriculteurs ne doivent plus broyer les pailles pour alimenter les méthaniseurs. L'heure est grave. Mais je sais le monde agricole très solidaire. L'objectif du Gouvernement est de diminuer la consommation d'eau de 10 % d'ici 2025. Mais l'été risque d'être chaud. (Applaudissements sur les bancs des groupes LREM, Les Indépendants, RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
CHU de Guadeloupe
M. Dominique Théophile . - À la suite de l'incendie du CHU de Guadeloupe le 28 novembre 2017, ce dernier est désorganisé. La situation est catastrophique et la réponse n'est pas satisfaisante malgré les signalements multiples. Le personnel est en grève. Tous les jours il réalise des prouesses. La situation financière du CHU est dégradée : la dette vis-à-vis des fournisseurs s'élève à 49 millions d'euros. L'aide de 20 millions d'euros promise n'a toujours pas été versée, et les attentes sont fortes. Il faut un vrai plan Marshall et reconquérir la confiance de la population envers son CHU. Le fait qu'un nouvel établissement ouvre prochainement ne doit pas occulter les efforts actuels à mener.
La collectivité régionale soutient le projet d'une salle de coronographie interventionnelle.
Que comptez-vous faire pour améliorer la situation ? Quels sont les engagements de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le CHU de la Guadeloupe tient une place centrale dans l'offre de soins de ce territoire. Je veille à ce que l'établissement remplisse les missions attendues. La situation particulière du paiement des fournisseurs est suivie attentivement par l'ARS. L'apurement de la dette ainsi qu'une aide exceptionnelle débloquée début juillet atteignent 48 millions d'euros pour les six premiers mois de 2019. S'ajoute une ligne de trésorerie d'urgence à la demande du président de la République, sous la forme d'un bon à tirer par le directeur, en cas de nécessité. Je tiens à saluer l'engagement des équipes du CHU qui travaillent dans des conditions difficiles sur plusieurs sites. La situation structurelle de l'établissement devrait être stabilisée l'année prochaine dans le cadre du plan de réorganisation de l'offre de soins.
Un budget de 54 millions d'euros a été prévu pour un nouveau pôle parents-enfants et les urgences. Les blocs devraient être opérationnels au premier semestre 2020.
Je réitère ma confiance à la directrice de l'ARS et au directeur général du CHU. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)
Limitation de la vitesse à 80 km/h
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, vous connaissez l'attachement de mon groupe à l'égalité réelle de tous les citoyens, quels que soient les territoires. La limitation de vitesse à 80 km/h a été reçue par beaucoup comme une décision vexatoire déconnectée des réalités. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a voté la possibilité d'y déroger localement, et la loi sur les mobilités, qui sera examinée en nouvelle lecture à la rentrée, n'y revient pas. La cause semblait donc entendue. Mais de nombreux conseils départementaux s'interrogent sur les recommandations administratives qui ont été émises récemment par le Conseil national de la sécurité routière, comme par exemple de les limiter à des « tronçons de 10 km minimum sans traversée d'agglomération ».
Ferez-vous confiance aux élus locaux, qui connaissent les territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; MM. Antoine Lefèvre et Pierre Cuypers applaudissent également.)
M. Alain Fouché. - Bravo !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Le projet de loi sur les mobilités permet aux présidents de conseils départementaux de remonter la vitesse maximale à 90 km/h sur les tronçons dont ils ont la gestion. Cette faculté s'accompagne d'une consultation et d'une instruction par les comités départementaux de la sécurité routière. Il ne s'agit pas de revenir sur cette possibilité, qui leur sera ouverte quand la loi sera publiée, dont certains ont annoncé vouloir se saisir - tandis que d'autres y renoncent.
Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) est composé de 67 membres et présidé par le maire de Flers dans le magnifique département de l'Orne...
M. le président. - Oui, magnifique ! (Sourires et marques d'approbation)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Absolument, monsieur le président, comme tous les départements normands (Sourires)... Le Conseil n'a formulé que des recommandations. Son rôle n'est que d'aider à la décision.
Il appartiendra aux présidents des conseils départementaux d'utiliser la faculté qui leur est donnée par la loi. Les choses sont claires mais je suis heureux que vous me donniez l'occasion de les préciser ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jérôme Bignon applaudit également ; M. Alain Fouché proteste.)
Fermeture des magasins Conforama
M. Pierre Ouzoulias . - Quelque 1 900 salariés et 32 magasins sont en passe d'être abandonnés par la direction de Conforama, au coeur de l'été comme on abandonne un chien au bord de la route des vacances. (Quelques exclamations à droite) L'histoire de Conforama, c'est l'histoire trop banale du capitalisme mondialisé : un groupe qui n'investit plus et se contente de gérer une rente, une entreprise fragilisée, un investisseur étranger douteux, déguisé en chevalier blanc, attiré par une proie juteuse, un État qui lui octroie 63 millions d'euros d'avantages fiscaux, une reprise qui tourne au fiasco et menace 9 000 salariés...
Les actionnaires du groupe prédateur Steinhoff ont déjà vendu tout ce qu'ils pouvaient !
Où en êtes-vous sur les garanties de la direction de Conforama ?
Quand conditionnerez-vous les aides de l'État au respect d'engagements sur l'emploi, l'investissement et le respect des droits sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Le groupe Conforama est en difficulté financière depuis décembre 2017 à la suite des difficultés financières traversées par son actionnaire. Conforama doit faire face à la transformation des modes de consommation et de la concurrence de l'économie numérique, en conséquence de quoi il perd des clients. Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a mené un important travail pour maintenir la confiance des partenaires du groupe. Nous accompagnons le plan de la direction.
Après l'émotion légitime qui a suivi l'annonce de la fermeture de 32 magasins Conforama et 10 magasins Maison Dépôt, le Gouvernement, attaché à la pérennité du groupe, est particulièrement vigilant sur les efforts de reclassement et les mesures d'accompagnement, dans la cadre des négociations entre la direction et les syndicats qui commencent à présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Pierre Ouzoulias. - Vos déclarations rappellent trop celles sur Ford ou General Electric. Les ménages qui participent pour 60 % aux prélèvements obligatoires ont l'impression que leurs impôts servent à engraisser les actionnaires. Bonnes vacances, ils vous remercient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Vallourec
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je souhaite associer Viviane Artigalas à ma question.
Le groupe Altifort-Vallourec, alors qu'il prévoyait de reprendre Ascoval, a été mis en redressement judiciaire, ce qui fait craindre la fermeture définitive des sites de Cosne et de Tarbes.
Deux ans après sa recapitalisation, Vallourec a cédé deux sites à Altifort. L'engagement de ce dernier à conserver les salariés ne sera pas tenu. Quelque trois milliards d'euros ont été transférés à la holding, qui font aujourd'hui défaut. L'État a apporté sa caution.
Si l'ouverture d'une usine Safran est prévue près de Lyon, avec la création de 250 emplois à la clé, quel est l'avenir de deux régions qui souhaitent avoir un avenir industriel ? Au minimum, les salariés se verront-ils proposer un PSE au moins aussi généreux que celui de l'année dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - La politique industrielle passe notamment par les dispositifs Territoires d'industrie et les contrats stratégiques de filière. En 2017, 2018, 2019, des emplois ont été créés dans l'industrie, ce qui n'était pas arrivé depuis 2000.
Ces résultats fragiles n'empêchent pas de nous confronter aux situations de sites en difficultés comme celles de Cosne-sur-Loire - 117 salariés - et de Tarbes - 47 salariés.
Altifort, à qui les sites avaient été cédés, ne peut pas continuer son activité. Les équipes sont mobilisées pour assurer le rebond des salariés concernés - alors que 50 000 emplois industriels sont à pourvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Situation des prisons
M. Antoine Lefèvre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En juillet 2017, vous annonciez, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement tiendrait l'engagement du candidat Macron de créer 15 000 places de prison. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, y voyait une mesure nécessaire. Hélas, c'est un objectif de 7 000 places qui a été traduit dans la loi de programmation et l'objectif de celle-ci, cinq mois après, ne sera pas tenu. On peut craindre un différentiel de 200 millions d'euros. Rapporteur de la mission Justice, je sais que les effets seront désastreux.
Monsieur le Premier ministre, donnerez-vous à notre justice des moyens dignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous rassure : l'engagement des 15 000 places sera tenu...
Une voix à droite. - Par qui ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ... mais en deux temps. Nous livrerons un certain nombre de places en 2022 et lancerons à cette date un nouveau programme qui prendra fin en 2027. (Exclamations ironiques à droite)
M. Alain Fouché. - Rien n'a été fait depuis Jean-Pierre Raffarin !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ce décalage est dû au retard accumulé, mais qui se justifie par le nécessaire dialogue avec les riverains et les communes - ainsi aux Baumettes à Marseille - ou par la difficulté à trouver du foncier. Certains élus locaux sont en effet quelque peu ambivalents. Je pense à la maire d'une commune dont il a été question tout à l'heure, qui réclame une priorisation de sécurité, mais s'oppose à tout établissement pénitentiaire.
M. François Grosdidier. - C'est scandaleux ! Il y a des communes candidates en Moselle ! (Nombreuses marques d'approbation sur divers bancs, à droite comme à gauche)
M. Michel Raison. - Lure est volontaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je fais remarquer que de nombreuses places théoriquement créées en 2002 ont été livrées bien après 2007...
J'insiste encore pour préciser que nous entendons créer des places de prison adaptées à des conditions de détention dignes.
M. Antoine Lefèvre. - Vous ne m'avez pas rassuré sur les 7 000 places manquantes. Les professionnels de la justice craignent une baisse de leurs marges d'action.
Nous vous donnons rendez-vous lors de la discussion du prochain budget de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Bilan de parcoursup
Mme Françoise Cartron . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Depuis deux ans, l'orientation des étudiants passe par Parcoursup. Il s'agissait de réparer les difficultés de l'ancien système APB. Face aux critiques, vous avez répondu que dès la première année Parcoursup était plus performant que son prédécesseur (Exclamations à droite) notamment pour mieux brasser les publics et valoriser les boursiers. Déjà neuf bacheliers sur dix ont une affectation. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que Parcoursup a encore mieux fonctionné que l'an passé ? (On ironise sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Quel accompagnement est prévu pour les bacheliers restant sans affectation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; rires sur plusieurs bancs, notamment à droite, où l'on scande « Allô, allô ! »)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Le logiciel Parcoursup remplace APB, qui tirait au sort les jeunes pour les affecter dans l'enseignement supérieur. (Exclamations à droite)
Cette année, les commissions d'accès à l'enseignement supérieur ont reçu un peu plus de 6 300 demandes au lieu de 23 000 l'an dernier.
Cette plateforme offre une réelle amélioration. Grâce au rapport du sénateur Lafon, l'Île-de-France est maintenant considérée comme une seule académie, ce qui augmente la mobilité de 15 % entre les académies de Paris, Créteil et Versailles.
Avec l'entrée des instituts de formation en soins infirmiers, ce sont 10 millions d'euros en moins dépensés par les familles, pour inscrire les jeunes auprès des concours parce que l'accès aux études d'infirmier se fait via Parcoursup.
Globalement, nous avons plus de 10 % de mobilité géographique supplémentaire et 20 % de boursiers supplémentaires dans l'enseignement supérieur. C'est donc une amélioration permanente. Nous avons en outre créé 30 000 places dans les filières où c'était nécessaire, dont 10 000 en IUT, en Île-de-France, par exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Assurance chômage et intermittents du spectacle
Mme Chantal Deseyne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'équité et la justice doivent guider la réforme de l'assurance chômage. Le Gouvernement vient de porter la part de la participation de l'Unedic au financement de Pôle Emploi de 10 à 11 %, soit une ponction de 4,2 milliards d'euros - cette contribution étant la principale source de l'endettement de l'Unedic, qui est de 33,7 milliards d'euros.
C'est d'autant plus choquant que certains sont dispensés de tout effort. Ainsi, les intermittents du spectacle ne sont pas concernés par la réforme de l'assurance chômage. En 2017, l'accompagnement de 120 000 intermittents a coûté 1,3 milliard d'euros, pour 367 millions d'euros de recettes : autant dire qu'ils sont largement bénéficiaires du système.
Après la crise des gilets jaunes, les Français demandent des réformes équitables et justes. Tout le monde doit plus que jamais contribuer. Ce sont les salariés, via la CSG et les cotisations, qui financent le service public de l'emploi. Pourquoi les intermittents du spectacle seraient-ils intouchables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - La dette de l'assurance chômage est de 35 milliards d'euros. Notre réforme poursuit plusieurs objectifs : responsabiliser les employeurs sur les contrats courts qui coûtent 8 milliards d'euros à l'assurance chômage ; encourager le retour à l'emploi ; mieux accompagner les demandeurs d'emploi et les entreprises.
Le passage de la participation de 10 à 11 % financera un renforcement inégalé de l'accompagnement ; en favorisant le retour rapide à l'emploi, on allège la charge de l'Unedic !
Les intermittents du spectacle ont un régime dans le régime, voulu par les partenaires sociaux et confirmé par les gouvernements successifs. La cotisation employeurs n'est pas de 4,05 %, mais de 9,05 % et si la cotisation des salariés a été supprimée, il y a toujours une surcotisation pour les salariés du secteur du spectacle.
Il n'y a pas lieu de revenir sur la convention de 2016, qui doit être évaluée. Le meilleur moyen de réduire la dette de l'Unedic, c'est de réduire le chômage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
Mme Chantal Deseyne. - Si le régime des intermittents du spectacle relève d'une politique culturelle, que le Gouvernement l'assume, mais ne le fasse pas financer par les salariés via la CSG et l'Unedic. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Français dans les couloirs de la mort
M. Michel Dagbert . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, le 18 septembre 1981, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi abolissant la peine de mort, porté par Robert Badinter. Depuis, quel que soit le crime, la justice rendue au nom du peuple français ne s'abaisse plus à cette barbarie. Aux Nations unies et ailleurs, la France ne cesse de défendre ses convictions abolitionnistes.
Pourtant, certains de nos compatriotes sont toujours sous le coup d'une condamnation à mort dans certains pays. Un Béthunois de 35 ans a été condamné le 20 mai dernier à la peine capitale en Indonésie, rejoignant la triste liste de nos compatriotes dans les couloirs de la mort dans le monde. Sans remettre en cause la souveraineté judiciaire des autres États, la France ne peut rester inerte.
Que fait le Gouvernement pour assurer la protection de nos compatriotes et soutenir et informer leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Dix-huit Français sont actuellement condamnés à mort à l'étranger : un en Algérie, un en Chine, deux en Indonésie, un aux États-Unis, onze en Irak et deux au Maroc.
La France a toujours rappelé son opposition totale à la peine de mort, quels que soient le crime, le lieu, les circonstances. Le combat en faveur de l'abolition universelle est un axe fort de sa diplomatie. Nous agissons, dans les enceintes multilatérales et auprès des pays non abolitionnistes pour cet élément fondamental du vivre ensemble.
Détenu en Indonésie, Félix Dorfin bénéficie de la protection consulaire, de contacts réguliers et de visites ; nous accompagnons sa famille et plaidons auprès des autorités indonésiennes pour la commutation de sa peine. C'est une méthode qui porte parfois ses fruits. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)
Liberté de la presse
Mme Sylvie Goy-Chavent . - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Dans un régime démocratique, la presse a pour fonction de développer le sens critique des concitoyens. Hélas, les entraves à la liberté d'expression se multiplient. La transposition de la directive européenne sur le secret des affaires permettra aux grands groupes de faire taire la presse ; la loi sur les fake news risque de se traduire par un retour à la censure ; la loi contre la haine sur internet permettra à des hébergeurs, voire à des algorithmes, de supprimer arbitrairement certains contenus. S'ajoute la proposition du Gouvernement - avant rétropédalage - de créer un conseil de l'ordre des journalistes, sommés de dévoiler leurs sources aux services de renseignement dans le cadre des Yemen papers ou de l'affaire Benalla.
Ces textes de loi répondant à des problèmes réels mais, mal utilisés, peuvent s'avérer dangereux.
Que comptez-vous faire pour protéger la liberté de la presse ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser l'absence de Franck Riester, retenu à l'Assemblée nationale.
Je partage la conviction que l'État doit être le garant de la liberté d'information : selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, c'est un des droits les plus précieux de l'Homme. Elle a pour corollaire la protection de l'exercice libre de la profession de journaliste, indispensable à l'exercice de la démocratie.
La CEDH a fait de la protection des sources une pierre angulaire de la liberté de la presse. La loi de 1881 prévoit qu'il ne peut être porté atteinte au secret des sources qu'en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public.
Une mission sur la création d'un conseil de déontologie des médias a été confiée à Emmanuel Hoog. Il ne s'agirait nullement d'un conseil de l'ordre mais d'une instance d'autorégulation, comme il en existe chez nos voisins. Des réflexions sont menées dans la profession. Le Gouvernement y est attentif et défendra toujours la liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - En matière de libertés publiques, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Je m'étonne au passage que, pour vous, l'affaire Benalla ait été un impératif d'intérêt public... Sous couvert de sécurité nationale, de lutte contre les fake news ou contre la haine sur internet, ne construisons-nous pas, brique par brique, le mur de la désinformation ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)
La séance est suspendue à 17 h 45.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 17 h 55.