Centre national de la musique (Conclusions de CMP - Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.
Mme Sonia de la Provôté . - Nous voici au terme de cette proposition de loi qui permet la création du CNM, après huit ans de réflexion. Enfin, la musique va avoir sa maison commune ! Dans l'idéal, le CNM a vocation à fédérer toutes les structures de la filière et porter notre musique dans le monde, dans un contexte de révolution numérique. Ce sera aussi un lieu d'observation privilégié. Il devra apporter de l'harmonie à un secteur qui représente la première pratique culturelle des Français et notre deuxième industrie culturelle. Il fédérera les cinq structures dont la coexistence nuisait à la clarté et à la cohérence de notre politique publique.
Toutefois, unité ne rime pas avec uniformisation.
Le Sénat a d'ailleurs substantiellement enrichi la proposition de loi de l'Assemblée nationale, en particulier avec l'inscription de l'égale dignité des répertoires et des droits culturels comme principes de fonctionnement du CNM. Ainsi, le Centre aura pour mission d'assurer le respect des droits culturels, la liberté et la diversité de l'expression musicale ainsi que ses acteurs, et leur intégrale accessibilité. En tant qu'établissement public, le CNM sera au service de l'intérêt général. Il devra maintenir les labels indépendants qui font la vie de nos territoires mais aussi l'effervescence liée aux festivals qui ne présentent pas que des blockbusters.
Diversité sur le territoire, diversité des acteurs, diversité culturelle, c'est à ce prix que le CNM réussira sa mission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. - Absolument !
Mme Sonia de la Provôté. - Je remercie notre formidable rapporteur et notre non moins formidable présidente pour leur implication dans ce texte.
Un bémol : les moyens prévus sont inférieurs aux 20 millions d'euros jugés nécessaires pour financer le Centre.
Des incertitudes demeurent pour l'avenir : crise du crédit d'impôt pour la production phonographique et le spectacle vivant, dont les modalités d'administration ne sont pas fixées, et du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle. Il faudra mettre à contribution des grandes plateformes musicales.
Nous nous félicitons de la possibilité de tisser des partenariats et des contrats avec les acteurs de la filière musicale et les collectivités territoriales. De même, il était indispensable d'associer les collectivités au conseil professionnel, afin de garantir le déploiement du CNM sur tout le territoire. Pour bien connaître sa partition, le nouveau centre devra agir de concert avec les territoires.
Nous sommes reconnaissants à M. Riester d'avoir porté le CNM. Mais n'allons pas plus vite que la musique : le groupe UC suivra attentivement la mise en place du CNM et votera le texte de la CMP. Vive la musique et vive sa maison commune !
M. Ladislas Poniatowski et Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Sylvie Robert . - Après une décennie à esquisser les ébauches d'une maison commune de la musique, le CNM sort enfin de terre. En dépit d'interrogation sur la gouvernance ou les financements, nous nous en réjouissons.
Le Sénat a joué son rôle et ses apports ont été conservés en CMP. Bravo à notre rapporteur.
Ainsi, le texte a été enrichi à de multiples endroits. Dans la continuité de la loi NOTRe et de la LCAP, la mention des droits culturels et le renvoi à la convention de l'ONU étaient fondamentaux, afin de reconnaître le rôle émancipateur de la musique.
Il était inconcevable que l'artiste soit invisible dans ce texte. L'article premier revient aux sources de la création et marque notre profond attachement aux auteurs, compositeurs et interprètes sans qui nulle création musicale ne serait possible.
Nous aurions souhaité aller plus loin avec un fonds de soutien, mais le texte marque une avancée notable.
Pour garantir la réussite du CNM, il faut veiller à garantir sa représentativité, à tous niveaux associer des entités publiques et privées, de toutes tailles.
Cette représentativité doit témoigner de la diversité du secteur et de la pluralité des esthétiques, soulignée par la très belle expression « d'égale dignité des répertoires ».
Le CNM doit dépasser les attributions du CNV ; il doit être conduit par l'intérêt général. L'État y sera majoritaire ; nous attendons de lui qu'il soit force de proposition, mobilisateur et stratège sur les grands enjeux. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour le dire à votre collègue de la Culture. Le CNM sera ce que ses acteurs en feront.
Soutien à la diversité musicale, égalité entre les hommes et les femmes, Pass culture, partage de la valeur, formation professionnelle : autant de questions qu'il aura à traiter. Il pourra en outre s'auto-saisir de thèmes qui, pour n'être pas inscrits dans la loi, n'en sont pas moins autorisés.
La place et le positionnement du CNM seront déterminés par les partenariats qu'il nouera. Conclure des contrats et partenariats avec les collectivités territoriales en fera un formidable levier d'aménagement du territoire.
Assurons-nous qu'il n'y aura pas de rabotage sur les crédits d'impôts pour le spectacle vivant et la production phonographique, qui ont un impact extrêmement positif...
Mme Maryvonne Blondin. - Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. - N'oublions pas - cela me tient particulièrement à coeur - le statut d'auteur-compositeur, inacceptablement précarisé. Une réflexion doit être lancée, au-delà de la mission confiée à Bruno Racine.
Enfin, gare à la concentration dans le secteur musical et à ses conséquences sur la diversité de l'offre qui doit être encore objectivée, afin d'en saisir toutes les origines et ramifications, et surtout contrecarrée, en raison de ses effets pervers.
Ce qui est en jeu, c'est une identité culturelle revendiquée. Je ne doute pas que le CNM sera porteur de sa propre « promesse de l'aube », pour paraphraser le titre d'un célèbre ouvrage de Romain Gary (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, RDSE, UC et sur le banc de la commission)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Bravo !
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte concrétise, avec la maison commune de la musique, ce qui était devenu un serpent de mer de la politique culturelle. Le projet de CNM avait été lancé par le président Sarkozy, au plus fort de la crise de l'industrie musicale. 60 % de chiffre d'affaires perdus en 15 ans. Depuis, l'industrie a connu un nouvel essor, notamment grâce au développement de streaming, mais elle reste fragile, car morcelée.
Le CNM observera le fonctionnement de la filière et justifiera les concours financiers auprès de l'administration.
La commission a consacré le soutien du CNM à l'exportation et consacré l'égale dignité des répertoires, tout en facilitant les partenariats avec les collectivités territoriales.
Si le CNM devrait être juridiquement fonctionnel au 1er janvier 2020, restent quelques questions à régler : la gouvernance qui sera définie par décret et devra associer tous les acteurs, le budget, estimé à 20 millions d'euros en année pleine pour la mission de préfiguration. Le ministre a annoncé 7,5 millions d'euros seulement pour 2020, ce qui nous inquiète. Selon une récente étude, la consommation de musique progresse, mais 27 % des consommateurs utilisent des moyens frauduleux. Le piratage est le fait de multiples acteurs évoluant dans un écosystème complexe et le contournement des contrôles s'organise, appelant un perfectionnement des mesures de protection. Une fusion entre le CSA et la Hadopi a été annoncée dans le cadre de la prochaine réforme de l'audiovisuel, avec quelles intentions ?
Compte tenu de ces points de vigilance, notre groupe Les Républicains apportera tout son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12 du Règlement intérieur, le Sénat se prononce pour un seul vote sur l'ensemble du texte.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Je suis très heureuse de voir ce texte bientôt voté. Il était attendu depuis dix ans. Il faut saluer le travail du rapporteur et de l'ensemble des groupes politiques qui ont voulu construire un outil ambitieux. La filière l'attend. Le Sénat veillera aux décrets d'application, à la mise en place du conseil d'administration mais surtout aux dispositions prises en loi de finances. Le CNM ne doit pas demeurer une coquille vide comme d'aucuns le craignent.
L'ensemble de la filière - théâtres, opéras, salles de concert, orchestres indépendants, établissements d'enseignement - quelque peu négligée ces dernières années, devra être associé.
« La musique met l'âme en harmonie avec tout ce qui existe » écrivait Oscar Wilde. C'est bien l'harmonie qui a présidé nos travaux. (Applaudissements sur la plupart des travées)
La proposition de loi est définitivement est adoptée.
(Applaudissements sur toutes les travées, sauf sur celles du groupe CRCE)
La séance est suspendue pour quelques instants.