Pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la consolidation du pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets, présentée par MM. Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud (demande de la délégation aux collectivités territoriales).
M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de loi . - Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs tentent de maîtriser l'inflation normative. Le Sénat, sous l'impulsion de Gérard Larcher, prend toute sa part à cet effort, avec en particulier une mission sur le sujet des normes pour les collectivités territoriales.
Une proposition de loi de simplification du droit d'urbanisme de MM. Calvet et Daunis a, pour 70 % de son contenu, intégré notre corpus législatif ; la proposition de loi sur les centres-villes et les centres-bourgs a irrigué la loi ELAN ; la résolution sur la simplification des normes des équipements sportifs de MM. de Legge, Manable et Savin a également abouti.
Les efforts doivent cependant se poursuivre. Chaque année, on compte 50 à 60 nouvelles lois, 1 600 à 1 800 décrets, 8 000 arrêtés, 14 100 circulaires. Le stock comporte plusieurs milliers d'articles législatifs et 240 000 articles réglementaires.
Les pouvoirs publics ont réduit le poids des normes en aval, en usant d'une interprétation facilitatrice et en permettant, dans le cadre d'une expérimentation, au préfet de déroger à certaines normes.
La plupart des préfets ont fait de la dérogation comme M. Jourdain faisait de la prose, c'est-à-dire naturellement, mais ils manquent de bases juridiques.
Le décret du 29 décembre 2017 est expérimenté dans deux régions et vingt collectivités et autorise les préfets à déroger aux normes.
Nous avons au sein de la délégation aux collectivités territoriales évalué ce dispositif, qui a été utile et a pu sauver des projets complexes. Ce dispositif doit être pérennisé et étendu.
Cette proposition de résolution déposée avec M. Darnaud, dont je vous prie d'excuser l'absence, encourage le Gouvernement à le faire rapidement.
Malheureusement, faute de suivi, l'impact de l'interprétation facilitatrice des normes n'est pas connu. Il faudrait créer une instance de dialogue, associant experts, membres du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et les délégations aux collectivités territoriales des deux assemblées.
De même, nous proposons la création d'une instance de dialogue départementale entre l'État et les collectivités territoriales, reprenant ici une suggestion faite dès 2013 par MM. Lambert et Boulard pour aider à l'interprétation des normes. Elle jouerait aussi le rôle d'aiguillon. Mon amendement en ce sens a été adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi Engagement et proximité.
La recherche de la souplesse dans l'application du droit et l'objectif de simplification normative doivent devenir un élément de la culture professionnelle des agents publics, pour l'instant davantage fondée sur le strict respect de la règle. Cela ne sera possible que par une transformation des cursus de formation. C'est pourquoi il est indispensable d'inclure des modules de formation initiale et permanente contre l'inflation normative dans les programmes des écoles du service public. L'administration centrale doit tenir compte de l'interprétation facilitatrice pour mieux affecter ses agents.
Enfin, il faut élargir le champ de la possibilité de déroger aux normes.
Une première possibilité d'extension du champ d'application du décret consisterait à élargir la dérogation à des domaines nouveaux. Les préfets pourraient ainsi déroger en toutes matières relevant de leurs compétences, sous les réserves classiques du respect des engagements de la France et des intérêts de la défense ou de la sécurité.
Par ailleurs, les « circonstances locales » conditionnant la possibilité d'une dérogation préfectorale sont superfétatoires avec la condition de l'existence d'un motif d'intérêt général et ne semblent pas constituer une condition indispensable. Comment, s'agissant d'une dérogation à des normes, un acte motivé par l'intérêt général et pris par une autorité locale comme le préfet, dans le cadre de ses compétences, dans un cadre local comme le département, ne serait-il pas ipso facto adapté aux circonstances locales ?
Un puissant outil de déconcentration serait de donner la faculté au préfet de département, selon des modalités à préciser, de déroger à des décisions relevant de la compétence des autorités supérieures, préfet de région ou ministre.
Une troisième avancée, plus audacieuse, serait l'attribution, cette fois aux autorités décentralisées, d'un pouvoir de dérogation sur les actes individuels relevant de leurs compétences.
Une quatrième piste, plus ambitieuse encore, consisterait à autoriser des dérogations, sollicitées par les collectivités territoriales, à des normes législatives ou réglementaires. Elle est envisagée par le projet de révision constitutionnelle du Gouvernement. Il faut néanmoins veiller à ce que sa mise en oeuvre n'altère ni la cohésion nationale ni l'égalité entre les citoyens. N'oublions pas que pour les partenaires des collectivités et pour les citoyens, la différenciation territoriale peut être une source d'insécurité juridique et de complexité. Il lui faut donc un cadre d'exercice minutieusement construit.
La différenciation territoriale est importante, il conviendra cependant d'éviter des abus locaux et des phénomènes de concurrence normative. Il faut trouver la juste mesure, dans l'esprit français, entre différence et solidarité.
J'appelle le Sénat à voter cette proposition de résolution et le Gouvernement à continuer le travail en la matière, pour moderniser et simplifier notre corpus normatif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et LaREM)
M. Pierre-Yves Collombat . - Cette proposition de résolution part d'une intention louable : pérenniser les effets du décret du 29 décembre 2017. Elle entend aussi élargir le champ des dérogations autorisées et élargir les expérimentations réussies ; c'est plus discutable.
Le décret de 2017 est bienvenu et clair, étonnamment. Quelque 140 arrêtés de dérogation ont été pris, un seul a été contesté. Ils portent essentiellement sur les procédures, réduction de la durée d'une enquête publique par exemple, plus que sur le fond.
Si une instance départementale auprès du préfet comprenant des représentants des collectivités territoriales est bienvenue, elle ne saurait être transformée en instance d'expertise ni de décision.
Élargir les possibilités de dérogation à des sujets sans lien avec les collectivités territoriales pourrait fragiliser le dispositif. De même, autoriser à déroger à des normes législatives est tout à fait discutable. Les bonnes pratiques sont rarement généralisables ; en faire la publicité avant une expérimentation plus large est risqué. Inciter les préfets à se saisir des possibilités de dérogation à un nouveau droit peut avoir l'effet inverse et refroidir toute innovation. Restons simples, ne compliquons pas. Élargissons le champ de l'expérimentation avant d'en généraliser les effets. Elle a eu des résultats suffisamment positifs.
Mais cette proposition de résolution a eu l'intérêt d'ouvrir le débat. Le groupe CRCE s'abstiendra. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Mme Françoise Gatel . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de résolution résulte d'un long travail suite à l'excellent rapport de MM. Lambert et Boulard, de 2013, sur ce cauchemar des élus locaux qu'est l'incontinence normative : la rédaction de 400 000 normes réglementaires enferme les collectivités territoriales dans un coûteux carcan juridique, les normes empêchent d'agir.
Le pouvoir de dérogation aux préfets est une sorte de rêve pour les élus locaux. L'interprétation facilitatrice est une facette de la différenciation territoriale, axe très important du discours de politique générale du Premier ministre. Mme Gourault prépare le projet de loi « 3D ». En septembre dernier, notre colloque sur la différenciation territoriale a connu un certain succès. Nous en avons débattu lors du projet de loi Engagement et proximité. Nous faisons de la différenciation sans le savoir.
Nous voulons adapter les normes à la diversité des territoires. Différenciation rime avec déconcentration : l'une ne peut aller sans l'autre.
Je m'attarderai sur les trois derniers attendus, les plus stratégiques, de la proposition de résolution. D'abord, envisager la possibilité pour le préfet de déroger aux décisions relevant des autorités supérieures est nécessaire pour s'extraire de l'inertie d'une technostructure parfois hors sol. Le préfet détiendrait ainsi une réelle possibilité d'adaptation.
Ensuite, l'extension du droit de dérogation pour les autorités déconcentrées pour les actes individuels relevant des compétences des collectivités territoriales renforcerait le poids de ces autorités.
Enfin, la possibilité aux collectivités territoriales de déroger, à leur demande, aux règles législatives et réglementaires relevant de leurs compétences, sous condition, est très ambitieuse et serait une nouvelle étape de la décentralisation. Elle aurait pour conséquence une meilleure application des politiques publiques. Je partage la réserve des auteurs de mise en oeuvre d'un cadre pour éviter des abus locaux.
Nous espérons que ces demandes seront entendues.
Le groupe UC partage l'intégralité des attendus de la proposition de résolution et la votera à l'unanimité. Un jour, la décentralisation arrivera... (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. François Calvet . - Je félicite M. Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales, et M. Darnaud pour leur proposition de résolution. Cette résolution est une suite logique de leur rapport d'information : « Réduire le poids des normes en aval de leur production : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation », commis au nom de la délégation aux collectivités territoriales.
Surproduction, inflation, les termes sont nombreux pour désigner l'accumulation des normes qui pèsent sur les collectivités territoriales. On se réfère souvent au rapport public du Conseil d'État en 1991. L'inflation des prescriptions et des règles n'est pas une chimère mais une réalité, véritable logorrhée législative et réglementaire. Vingt-huit ans après, le constat est le même.
Avec M. Daunis, à la demande de Gérard Larcher, nous avons conduit une mission transpartisane, aboutissant au rapport d'information : « Droit de l'urbanisme et de la construction : l'urgence de simplifier », à l'origine d'une proposition de loi sur le sujet, votée à l'unanimité en 2016.
La simplification des normes est indispensable à la croissance économique et l'emploi.
Notre mission proposait la création d'une instance de conseil auprès des préfets alors que les relations entre État et collectivités territoriales se sont dégradées. Avec le non-cumul des mandats, il faudrait ajouter à cette instance un député et un sénateur.
La proposition de résolution oublie les zones transfrontalières. Les préfets devraient avoir un pouvoir d'appréciation particulier. Il faudrait aussi une étude d'impact autonome. Celles du Gouvernement sont insuffisantes et parfois orientées. La dérogation relève de la différenciation, qui prend en compte la dynamique territoriale. Permettons notamment aux zones de montagne de déroger au droit national.
Il faut lutter contre la surproduction des normes. Elles se multiplient, créent la complexité et augmentent les coûts de l'action publique. Revenons au bon sens, faisons confiance aux élus.
C'est un Girondin qui aime les préfets qui vous le dit ! (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM)
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il suffit de fréquenter des élus locaux pour se rendre compte de l'inflation normative : il y a trop de normes. Les mêmes, toutefois, qui protestent le soir sont capables d'en demander davantage le lendemain, au nom de l'environnement par exemple.
M. Jean-François Longeot. - C'est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. - Cependant, la solution ne nous semble pas reposer sur les préfets. L'expérimentation et l'adaptation peuvent être efficaces. Il eût fallu surtout une réforme de la Constitution, pour ouvrir davantage les compétences du pouvoir local de l'État.
La loi peut également prévoir des adaptations. Les États généraux des collectivités territoriales organisés par l'ancien président du Sénat, Jean-Pierre Bel, avaient conduit à deux propositions de loi de Jacqueline Gourault et moi-même, sur les conditions d'exercice des mandats locaux, qui a instauré quelques mesures positives à compléter, et sur les normes. Sur les normes, nous avions été unanimes, au Sénat, pour instaurer un Conseil national des normes lié aux collectivités territoriales. L'idée étant que tout projet de texte réglementaire ou législatif créant de nouvelles normes pour les collectivités, soit regardé en amont par ce Conseil - lequel peut demander à l'État de revoir sa copie. Présidée par Alain Lambert, cette instance est efficace. Il faudrait se pencher sur son fonctionnement.
M. Jean-Marie Bockel. - Nous l'avons fait !
M. Jean-Pierre Sueur. - Hélas, les conditions de travail n'y sont pas des plus simples car les textes lui sont souvent transmis tardivement. Il faudrait également lui octroyer davantage de moyens.
Lorsque la Fédération nationale de basket décide de changer la taille des panneaux, condition indispensable à l'homologation du terrain, elle entraîne des dépenses pour les collectivités territoriales : est-ce nécessaire ? Il est bon que des élus puissent se prononcer.
J'ai peut-être une vision simpliste de la mission du préfet, mais il me semble qu'il doit, comme représentant de l'État, appliquer les normes. Jean-Marc Ayrault a demandé aux préfets d'utiliser toutes les marges de manoeuvre autorisées par les textes, Manuel Valls, également, quelques années plus tard, demandait « d'utiliser toutes les marges de manoeuvre dans le respect des textes législatifs et réglementaires en vigueur ».
Il faut être prudent. Le préfet du Haut-Rhin estime que le décret du 29 décembre 2017 a suscité un paradoxe : de l'espoir et des inquiétudes devant le risque de possibles inégalités devant la loi.
Une décision reposant sur une dérogation est plus fragile juridiquement et donne l'impression d'un État arbitraire, changeant ses décisions selon les collectivités territoriales. En Vendée, le préfet a autorisé à ne pas recourir à une étude d'impact ni à une enquête publique avant l'installation d'un parc éolien. Est-ce normal ? Qu'en dirait une juridiction qui serait saisie ? Le préfet doit rester dans son rôle et appliquer la loi - et c'est à elle de prévoir des souplesses quand nous le jugeons nécessaire.
Nous voterons contre ce texte : la décentralisation n'est pas la négation de l'État, mais la lutte contre un État omnipotent.
M. François Calvet. - Incroyable !
M. Jean-Pierre Sueur. - Chacun doit jouer son rôle. Nous voulons la séparation des pouvoirs, pas la confusion des pouvoirs. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La réforme constitutionnelle qui doit affirmer la différenciation territoriale peine à voir le jour. Les normes ont été conçues pour assurer l'égalité entre les citoyens et les territoires, mais leur inflation est désormais critiquée. Le législateur a sa part de responsabilités.
Nous tentons, depuis, de simplifier. Nous l'avions fait avec la proposition de loi Delahaye, que nous avions très largement cosignée, pour abroger des lois obsolètes et illicites, et avec le rapport de Nathalie Delattre.
La proposition de résolution entre dans ce travail titanesque. Il y a 600 décrets et 8 000 arrêtés pris chaque année et le contrôle de légalité des préfectures est de moins en moins protecteur. Le Gouvernement a reconnu que la réduction du stock des normes applicables aux collectivités territoriales était l'un des enseignements du grand débat. Ce n'est pas nouveau : en 2013, le rapport Lambert-Boulard le reconnaissait. L'inflation normative pèse sur la croissance des collectivités territoriales.
Le décret du 29 décembre 2017 a ouvert une expérimentation d'interprétation facilitatrice et de dérogation. Elle est hélas méconnue. Les souplesses autorisées doivent certes être encadrées, mais elle est indispensable à la libération de l'action des collectivités territoriales.
M. François Calvet. - Eh oui !
M. Éric Gold. - La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales propose d'étendre l'expérimentation aux préfets de région, de renforcer le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales et de former mieux les agents publics.
Le groupe RDSE y est favorable. La décentralisation mérite cependant une approche globale, et non au cas par cas. La dérogation doit, en outre, respecter l'intérêt général et ne pas conduire à une réduction de la qualité du travail administratif. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC)
M. Alain Richard . - Le débat, bienvenu, est d'une actualité...durable. Deux circulaires et un décret, pris entre 2013 et 2017, ont assoupli les possibilités de dérogation.
Les effectifs des préfectures ont été réduits, mais nous leur demandons des charges supplémentaires. La création d'une instance départementale du conseil auprès du préfet, sorte de conseil d'évaluation des normes local, me semble utile et permettrait d'accompagner utilement le travail des services préfectoraux.
Nous sommes un État de droit construit sur une tradition multiséculaire. Le principe de légalité appartient à notre culture. Le rapport du Conseil d'État de 2013 sur le droit souverain, une heureuse surprise pour moi, annonce le retour de l'opportunité, c'est-à-dire une marge de pouvoir discrétionnaire dans l'application du droit.
Cette évolution crée cependant des craintes envers l'exécutif, comme il y en a eu lors des débuts de la IIIe République. Il nous faut donc encadrer convenablement ce pouvoir d'opportunité.
La rigidité de la loi a une origine : toute norme exigeante a été exigée. Le pouvoir fait face à des injonctions de la société civile, la Commission européenne davantage encore. Et avouons que nous y cédons souvent.
Les questions de procédure sont essentielles en droit désormais, en matière d'environnement par exemple. Un avocat en droit environnemental gagne ses procès sur la procédure, rarement sur le fond - le code de l'environnement comprend bien des règles de procédure, beaucoup plus que de fond...
Si nous voulons aller plus loin en matière de simplification, il faut former les services juridiques, auxquels nous avons appris à assurer la sécurité des normes. Pensez à la commande publique : dans 80 % des cas, la sécurité prime sur toute souplesse. (Mme Catherine Troendlé sourit.)
Le renvoi vers la future réforme constitutionnelle permet de gagner du temps. (M. Martin Lévrier s'en amuse.) Mais la différenciation va créer un immense travail pour le Parlement.
Nous voterons ce texte, mais la conclusion de ce débat est encore lointaine. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Catherine Di Folco . - Cette proposition de résolution s'inscrit dans les travaux du Sénat, particulièrement ceux de la délégation aux collectivités territoriales et du rapport : « Réduire le poids des normes ».
L'inflation normative est fréquemment critiquée. Un nouveau modèle est nécessaire, fondé sur un dialogue renforcé entre l'État et les collectivités territoriales.
Cette proposition de résolution vise une simplification flexible et locale en permettant de déroger à certaines normes. Depuis le décret du 29 décembre 2017, les préfets y sont invités dans le cadre d'une expérimentation. Il s'agit de la généraliser. D'autres propositions sont de bon sens, la communication d'un guide de bonnes pratiques notamment.
Nous ne devons pas cesser de combattre l'inflation normative incontrôlée, qui ne prend pas sa source dans les territoires. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing . - L'adoption à la quasi-unanimité du projet de loi Engagement et proximité montre notre volonté de soutenir des collectivités locales pénalisées par l'inflation législative et la multiplication des normes.
En matière d'urbanisme, l'obligation d'accessibilité peut mettre en difficulté des petites communes, des hôtels-restaurants de campagne. Les obligations en matière de logements sociaux mériteraient aussi d'être ajustées en fonction des besoins et des capacités des communes. Citons également la rigidité de l'avis conforme des commissions départementales de préservations des espaces naturels, agricoles et forestiers, ou encore les normes sportives et agricoles. Des communes peuvent perdre des subventions faute de conformité aux normes...
L'expérimentation permise par le décret du 29 décembre 2017 a montré que l'adaptation aux territoires était une nécessité pour une application efficace de la loi.
Le lien entre le niveau local et national passe par un dialogue renforcé entre les services de l'État et les élus locaux. La création d'une instance départementale pour interpréter les normes ou identifier les difficultés de mise en oeuvre est essentielle, tout comme l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques et la mise en place d'un mécanisme de suivi et d'évaluation.
La République est une et indivisible mais ses territoires présentent tous des spécificités et des handicaps propres. Trop centraliser l'administration est contreproductif.
Face au double problème de l'inflation normative et de l'inadaptation aux territoires, le pouvoir de dérogation des préfets va dans le bon sens. Il faudra en définir la matière, les objectifs et les conditions.
Oui à l'adaptation, à la simplification et à la souplesse normative selon les territoires. Le préfet est le bon niveau. Le groupe Les Indépendants est favorable à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Nous devons répondre aux questions des territoires en fonction des territoires. La République est une et indivisible, mais l'unité implique de trouver les meilleures manières d'appliquer nos lois et de faire valoir nos principes. Les problématiques des territoires sont différentes et appellent des moyens parfois distincts.
Le décret du 29 décembre 2017 a permis une expérimentation du pouvoir de dérogation des préfets pour une gestion au cas par cas, efficace et pragmatique, en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisme, d'emploi ou encore de protection du patrimoine. La dérogation doit être justifiée par un motif d'intérêt général et des circonstances locales ; avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, réduire les délais ou favoriser l'accès aux aides publiques ; se limiter aux normes de niveau réglementaire, à l'occasion de décisions individuelles ; être compatible avec nos engagements internationaux ; ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des biens et des personnes ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis.
L'expérimentation concerne dix-neuf départements, pour deux ans. Je salue le travail de votre délégation aux collectivités territoriales qui a publié, en juin dernier, un rapport fort intéressant sur la réduction du poids des normes. Je constate que nous regardons dans la même direction.
Cette proposition de résolution propose des avancées : systématisation du suivi et de l'évaluation, guide des bonnes pratiques, communication sur la simplification des normes - nous envisageons des contenus dédiés sur les sites gouvernementaux -, modules de formation pour le corps préfectoral. (Mme Josiane Costes approuve.)
Nous consultons déjà les préfets expérimentateurs ; associer les élus locaux à l'évaluation est une idée à creuser. Les préfets peuvent déjà consulter l'administration centrale et même les tribunaux administratifs pour avis.
Je suis, en revanche, plus réservé sur la création de cent instances départementales sur la simplification, qui risquent d'être redondantes.
Le Gouvernement n'est pas hostile à l'élargissement du champ des dérogations mais il faut d'abord attendre le retour d'expérience et évaluer le dispositif. Cette expérimentation est un succès et doit être reconduite et étendue à tout le territoire.
L'arrêté de dérogation doit être motivé et prendre en compte les circonstances locales. À ce jour, aucun des 134 arrêtés pris n'a fait l'objet d'un recours. En Vendée, cas évoqué par M. Sueur, le préfet avait organisé une concertation préalable informelle avec les associations environnementales. D'ailleurs, l'arrêté n'a pas été attaqué.
Monsieur Collombat, moi-même ancien préfet, je vous assure que les préfets savent être audacieux ! Merci, monsieur Calvet, de leur avoir délivré un satisfecit. Nous pouvons compter sur les préfets pour appliquer la réglementation avec engagement, tact et une juste appréciation des situations.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le tact est là, c'est sûr !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - La suppression de la prise en compte des circonstances locales risquerait d'élargir à l'excès le champ d'application. L'important est de mener une politique adaptée à chaque territoire, dans la logique de différenciation.
Cette proposition de résolution va dans le bon sens. Le Gouvernement y est favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE)
M. Ladislas Poniatowski. - Très bien.
La proposition de résolution est adoptée.
La séance est suspendue à 11 h 45.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.