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Table des matières
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
État du risque terroriste en France
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Annulation de conférences à l'université (I)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Annulation de conférences à l'université (II)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Agence nationale de la cohésion des territoires
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Formation des infirmiers de bloc opératoire
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Vitesse sur les routes départementales
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur
Pauvreté et inégalités sociales
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mises au point au sujet de votes
Donner des armes à l'acier français Accompagner la mutation d'une filière stratégique
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Mme Valérie Létard, rapporteure
Quel avenir pour l'enseignement agricole ?
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe CRCE
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Violations des droits humains au Venezuela
M. Olivier Cadic, auteur de la proposition de résolution
Vote sur l'ensemble de la proposition de résolution
Ordre du jour du mardi 5 novembre 2019
SÉANCE
du mercredi 30 octobre 2019
14e séance de la session ordinaire 2019-2020
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je tiens à excuser M. le Premier ministre qui ne peut être présent. Il m'en a informé.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Carte judiciaire (I)
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré que votre seule boussole était l'intérêt général et l'intérêt du justiciable. Je crains que vous n'ayez égaré la boussole... (Sourires)
Nous avons appris l'existence d'un document issu de votre cabinet qui met scandaleusement en cause la neutralité du service public.
Madame la ministre, connaissiez-vous l'existence de ce document ? Le Premier ministre vous l'avait-il demandé ? Avez-vous diligenté une enquête ? Quelles sanctions seront prises contre cette atteinte inadmissible à la neutralité du service public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains ; quelques applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Oui, je le revendique, ma boussole est l'intérêt du justiciable et l'intérêt général. (Protestations à droite, applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La procédure repose sur des critères objectifs et transparents, et sur une analyse politique qui prend en compte des critères économiques, géographiques, sociaux...
M. François Bonhomme. - Et la question ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ... Je réfute tout élément partisan dans l'élaboration des décisions publiques. (M. François Patriat applaudit.)
M. Philippe Dallier. - D'où vient la note ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous n'avez répondu à aucune de mes questions ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains) Vous croyez que c'est habile, alors que c'est consternant, car cela met en doute l'impartialité de la justice dont vous avez personnellement la charge. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et CRCE)
État du risque terroriste en France
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Avec le portrait d'un chien, le président Trump a annoncé la mort d'un calife. Mais il y a toujours quelqu'un pour être calife à la place du calife ! (Sourires)
Le groupe terroriste qui contrôlait l'Irak et la Syrie a perdu du terrain mais des djihadistes étrangers sont nombreux en prison, dans ces zones troubles. Ils pourraient revenir en France. Le risque terroriste n'a pas disparu. Monsieur le ministre de l'Intérieur, quel est l'état du risque terroriste en France et quelles mesures prenez-vous pour le prévenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Nous vivons à chaque instant avec un risque terroriste élevé, depuis 2013. Nous l'avons vécu à Trèbes, à Strasbourg ou à la préfecture de police de Paris. Le risque, cependant, est devenu surtout endogène, alors qu'il était d'abord essentiellement exogène.
L'intervention américaine a neutralisé un chef terroriste. J'ai donné immédiatement des instructions pour éviter tout rebond sur notre territoire.
Vous m'interrogez sur les Français détenus dans différentes prisons de Syrie. Des femmes ne présentant pas le risque terroriste le plus élevé ont été libérées. Nous veillerons à ce que tous les returnees - il y en a eu environ 300 jusqu'à aujourd'hui - soient interpellés, judiciarisés et sanctionnés, comme ils le sont jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Dany Wattebled. - Merci de vos explications. Redoublons de vigilance par les temps qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
Annulation de conférences à l'université (I)
M. Gérard Longuet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, car elle porte sur la cohérence gouvernementale dont le Premier ministre a la responsabilité. Mme Sylviane Agacinski a été privée du droit de s'exprimer par la présidente de l'Université Montaigne de Bordeaux. Donnons acte à Mme Schiappa d'avoir sauvé l'honneur du Gouvernement en exprimant son désaccord. La ministre de l'Enseignement supérieur a répondu de façon ambiguë qu'un forum serait organisé. Souhaitons que les minorités qui avaient refusé celui de Sylviane Agacinski l'acceptent !
Quid des réactions des autres ministres, dont le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Culture ?
À l'université Panthéon-la Sorbonne aussi, une formation contre la radicalisation organisée par Mohamed Sifaoui a été supprimée. Je n'ai pas non plus entendu le ministre de la Culture se désolidariser de ceux qui tentent de faire taire Charb. En outre, le journaliste Éric Zemmour a été privé d'antenne. (Protestations vives sur les travées des groupes CRCE et SOCR)
Vous respectez le droit d'expression seulement quand les minorités vous en donnent l'autorisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et huées sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
M. David Assouline. - C'est honteux !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le problème est bien réel. La liberté d'expression est un droit. L'université est née de l'humanisme, fondé sur la liberté d'expression. Ce qui s'est passé à Bordeaux et à la Sorbonne est inacceptable et doit nous alerter. Un nouveau maccarthysme se développe et pas seulement en France. Mme Schiappa s'est inscrite dans les pas de Voltaire, pour la liberté d'expression - lui à qui l'on doit cette citation : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».
L'autonomie des universités, cependant, donne légitimité aux présidents d'université de prendre les décisions qu'ils souhaitent.
Le Gouvernement condamne dans son ensemble ce qui s'est passé à Bordeaux et à la Sorbonne. M. Sifaoui se bat contre la radicalisation. Nous déplorons que sa formation ne puisse avoir lieu. Nous n'en resterons pas là. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Annulation de conférences à l'université (II)
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ma question prolonge celle de Gérard Longuet. Le report de la formation de M. Sifaoui, comme l'annulation de la conférence de Sylviane Agacinski sont inquiétants.
Les organisateurs invoquent des « menaces violentes ». Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette terreur intellectuelle s'apparente à une prise d'otages. Trouvez-vous normal que les présidents d'université se soient sentis obligés de céder aux menaces de minorités violentes ?
Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour garantir la liberté d'expression et un débat d'idées serein ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Frédérique Vidal comme l'ensemble du Gouvernement s'oppose à ces pratiques extrémistes contraires à la liberté d'expression et aux traditions universitaires. Il n'y a aucun laxisme. Après l'annulation d'une représentation des Suppliantes d'Eschyle à la Sorbonne, la ministre de l'Enseignement supérieur et le ministre de la Culture ont assisté à ce spectacle lors d'une représentation ultérieure, pour bien marquer le soutien du Gouvernement.
À Bordeaux, comme à Paris I, la conférence et la formation auront lieu. Les présidents d'université sont dans cette situation en raison de ceux qui menacent de rompre l'ordre public. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Plus le droit de débattre, bientôt plus le droit de penser ? Le Gouvernement doit faire preuve de la plus grande vigilance sur ce sujet : nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Situation à la SNCF
M. Thani Mohamed Soilihi . - Le 16 octobre dernier, à la suite d'un accident dans les Ardennes, des centaines de conducteurs de trains ont fait valoir leur droit de retrait. Depuis, les cheminots du technocentre de Châtillon ont cessé le travail en raison d'un projet de suppression de douze journées de repos compensatoire, retiré depuis lors.
Ce mouvement, en pleines vacances scolaires, a provoqué la colère de millions d'usagers. Le droit de grève, que personne ne conteste, doit respecter des règles pour limiter la gêne, notamment en prévenant les usagers. Tout cela a lieu alors que se profile une grève le 5 décembre contre la réforme des retraites qui, elle, a été annoncée.
Comment envisager ces réformes ? Quelles mesures pour un dialogue social de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports . - La SNCF connaît des transformations profondes, sources d'inquiétude. Je fais toute confiance à Jean-Pierre Farandou, qui prend sa tête, pour mener un dialogue social de qualité.
Je recevrai, demain, les syndicats avec Jean-Paul Delevoye pour évoquer la transition vers le régime universel de retraite. Les mouvements de ces dernières semaines n'ont respecté ni la lettre, ni l'esprit de la loi de 2007, au détriment des usagers et des clients de la SNCF.
Les mesures qui s'imposent seront prises, d'autant plus que le projet de réforme du technocentre de Châtillon a été retiré par la directrice régionale. Les jours de grève ne seront pas payés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Agence nationale de la cohésion des territoires
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat interrogera la semaine prochaine Yves Le Breton, candidat à la tête de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Auteurs de la proposition de loi qui a conduit à la création de cette agence, les membres de mon groupe sont attentifs à son évolution et au respect de l'esprit qui a présidé à sa création. Il s'agit d'un guichet unique à disposition des élus locaux dont la vocation est de leur faciliter la vie. Il n'est pas question d'ajouter une couche au millefeuille institutionnel.
Cette proposition de loi avait pour objet de faciliter la vie des territoires grâce à un service public pleinement utile. Les députés ont édulcoré le texte, fragilisant l'agence. Les élus locaux se demandent à quoi servira l'agence.
Mme Gourault a répondu à beaucoup de questions sur ce sujet mais les incertitudes demeurent. Où en sont les textes réglementaires ? L'ANCT soutiendra-t-elle les projets des communes les plus fragiles ou ne sera-t-elle qu'un relais au service du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - En juillet 2017, nous défendions avec M. Mézard le projet de création de l'ANCT. Pas moins de 200 amendements ont été adoptés.
Tout l'esprit du texte initial doit être préservé. L'ANCT interviendra en soutien des territoires les plus fragiles et déclinera aussi les grandes politiques publiques telles qu'Action coeur de ville ou France Mobile. Les préfets seront les représentants dans les territoires. Les collectivités territoriales pourront saisir directement l'ANCT, qui doit rester une agence de projets au service des collectivités et ne pas devenir une strate supplémentaire du millefeuille institutionnel. Les textes réglementaires, enfin, sont en cours de rédaction - le décret est au Conseil d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Ligne Perpignan-Rungis
M. Pascal Savoldelli . - Des mois durant, nous n'avons cessé de vous alerter sur la ligne Perpignan-Rungis qui transporte 400 000 tonnes de fruits et légumes. Et pourtant, ce train a disparu ! Vous nous parlez d'urgence écologique mais remettez sur la route 25 000 camions par an, accélérant la pollution et les nuisances. (On en convient à droite.)
Grâce à l'action d'élus - certains que je salue ici - un groupe de travail a été créé. Il y a eu quinze rencontres et visio-conférences depuis mars 2019.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous oui ou non pour que cette ligne soit ouverte dès novembre 2019 ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains)
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports . - Le service a été dégradé, les clients en ont été insatisfaits et le volume transporté par ce train a diminué. L'évolution tient pour beaucoup à la grande distribution : les deux tiers des wagons étaient transbordés dans des camions dès leur arrivée pour aller alimenter des centrales d'achat - où l'on a privilégié le transport par camion.
Mme Borne et moi avons demandé à la SNCF d'aménager les horaires et de changer les wagons. Cela a été en partie réalisé. Le dernier enjeu est de mettre des marchandises dans ce train dans les deux sens.
Les intempéries des 22 et 23 octobre ont coupé la ligne entre Sète et Béziers.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est pas de chance !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Une réunion se tiendra cet après-midi et demain pour l'adoption de mesures concrètes.
M. Pascal Savoldelli. - L'État est responsable des infrastructures. Le train consomme six fois moins d'énergie et pollue neuf fois moins que le fret routier. C'est clair !
Maintenant, il faut rouvrir cette ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes SOCR et Les Républicains)
Carte judiciaire (II)
M. Antoine Lefèvre . - Comme le président Sueur, je vous parlerai de votre boussole, madame le garde des Sceaux. L'email adressé par vos services au cabinet du Premier ministre montre que dans les regroupements des cabinets d'instruction, un tri sera opéré entre les villes en fonction du score du parti présidentiel. Les villes seront de véritables cibles électorales !
Comment peut-on envisager de pénaliser les villes qui ne votent pas comme il faut ? Comment peut-on justifier de sanctions des territoires en fonction de leur vote ? C'est un manquement à la séparation des pouvoirs. La justice doit être le service public le plus irréprochable.
Pouvez-vous nous assurer d'une totale impartialité dans le regroupement des pôles de l'instruction, sur des critères objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Oui, je peux vous assurer d'une politique parfaitement rigoureuse. La procédure est inscrite dans la loi. Les critères sont simples, clairs et objectifs. Le nombre des dossiers traités sur cinq ans est pondéré par la prise en compte d'une réalité géographique, socio-économique et territoriale. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
Il est écrit dans la loi que les conseils de juridiction où siègent magistrats, avocats et élus seront systématiquement consultés. Nous en sommes aux études préliminaires.
Le mail de cabinet à cabinet que vous évoquez est d'une écriture maladroite et inadaptée, je l'ai dit. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Il ne correspond pas à nos principes éthiques. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Seul compte l'intérêt général, c'est ce qui est écrit dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Antoine Lefèvre. - Vous tentez de minimiser les faits mais le malaise demeure. Vos critères sont bien politiciens puisque vous évoquez la couleur des élus !
L'an dernier, sur ma proposition, le Sénat a approuvé les crédits de votre ministère car il avait confiance en vous. Aujourd'hui, ce lien de confiance est rompu et la commission des finances, qui s'est réunie hier, a décidé de ne pas approuver vos crédits pour 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE)
Difficultés du monde agricole
Mme Gisèle Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Le ministre de l'Agriculture est revenu la semaine dernière sur les dispositions budgétaires iniques relatives aux chambres d'agriculture, contre lesquelles nous nous étions tous mobilisés. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Les inquiétudes demeurent de voir réapparaître ces coupes lors de la conclusion des contrats d'objectifs. Or ces corps consulaires accompagnent des professionnels confrontés à des défis sans précédent.
La loi EGalim n'a pas eu les effets escomptés. Le ruissellement annoncé n'a pas permis de revaloriser les revenus, il a même pénalisé des PME alimentaires. La réforme de l'ICHN a laissé de nombreux territoires sur le carreau, comme l'Aude et le Gers. Que dire des inquiétudes grandissantes sur l'avenir de la PAC ? Un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par mois. Comment assurer dans ces conditions le renouvellement des générations ? Le défi est immense, sachant qu'un tiers des exploitants partira à la retraite avant 2030. Et quelle retraite...
Que dites-vous aux paysans qui ont tant espéré du ruissellement promis par la loi EGalim ? Comment contraindre la grande distribution à mieux répartir la valeur ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur certaines travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Nous avons souhaité moderniser le réseau des chambres d'agriculture. C'est pourquoi nous avions proposé une baisse de 45 millions d'euros du produit de la taxe affectée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Après avoir entendu les parlementaires, le Gouvernement a retiré cette mesure du projet de loi de finances, au bénéfice d'une large concertation qui prendra en compte la péréquation entre chambres et la filière bois.
La loi EGalim vise à mieux répartir la valeur ajoutée ; pour la première fois, la construction des prix repose sur le coût de production. Aux acteurs de vérifier si les termes en sont bien respectés. S'il y a des avancées dans la filière lait et porc, le compte n'y est pas pour la filière viande bovine... Nous maintenons la pression et les contrôles.
Les accords commerciaux préoccupent les agriculteurs, et notamment les éleveurs. La France a une vocation exportatrice. Je rappelle que la négociation sur le CETA a été lancée sous Nicolas Sarkozy, actée sous François Hollande ; nous en sommes à la phase de ratification, dans la continuité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Rachid Temal. - Ce n'est jamais de votre faute !
Réforme des retraites
M. Philippe Pemezec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question est adressée au Haut-Commissaire à la réforme des retraites. La semaine dernière, vos propositions ont été désavouées par le président de la République ; votre réforme est repoussée aux calendes grecques. La fin des régimes spéciaux ne fait pas l'unanimité au sein du Gouvernement ; vous avez dit que limiter la réforme aux seuls nouveaux entrants n'était pas votre tasse de thé. Seule certitude, les pensions ne seront pas revalorisées en 2020.
Le temps est venu de tomber le masque, de dire la vérité aux Français, sans « en même temps », sans ménager la chèvre et le chou. Craignez-vous de revivre les grèves de 1995 ?
Êtes-vous prêt à supprimer immédiatement les régimes spéciaux, à aligner les régimes du public et du privé, sans décaler la réforme, quitte à la rendre progressive ? Allez-vous reconnaître que notre système de retraite par répartition ne survivra que si nous allongeons la durée de cotisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. David Assouline s'exclame.)
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé - Depuis deux ans, mon travail a consisté à élaborer un système universel de retraite reposant sur des principes très clairs, avec les mêmes règles pour tous : à carrière identique, cotisations identiques et retraite identique. Nous supprimons les régimes spéciaux, avec quelques dérogations (« Ah ! » à droite) que vous partagez : les militaires, les fonctionnaires régaliens, les indépendants, les commerçants notamment. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. François Bonhomme. - Émouvant !
M. Rachid Temal. - Universel, dites-vous ?
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. - Tout cela est très clair. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains) Les Français soutiennent ce modèle car ils veulent de l'équité ; ils veulent aussi connaître les conséquences, catégorie professionnelle par catégorie professionnelle. Quelque 350 réunions sont programmées.
Nous ne supprimons pas la répartition, nous avons le niveau de répartition le plus élevé des pays développés ! C'est le coeur de la solidarité intergénérationnelle, à laquelle je vous sais attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Philippe Pemezec. - Tout cela reste bien flou. Ce va-et-vient permanent est anxiogène. Seule certitude : les pensions baisseront en 2020. Le vrai courage eût été d'admettre qu'on ne peut maintenir le niveau des pensions qu'en augmentant le temps de cotisation, comme le font nos voisins. Le président de la République veut aller au bout de la réforme, mais laquelle ?
Formation des infirmiers de bloc opératoire
Mme Sonia de la Provôté . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis 2015, un décret habilite exclusivement les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (Ibode) à réaliser certains actes en chirurgie : aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration. Cela s'applique au 1er janvier 2020.
En réalité, ce sont des infirmiers diplômés d'État qui font fonction d'Ibode dans la majorité des blocs. Sans eux, pas de chirurgie. Les objectifs de formation sont très loin des besoins, malgré une légère hausse des inscriptions, avec 627 inscrits en 2018. La Direction générale de l'offre de soins (DGOS) fondait beaucoup d'espoir sur la validation des acquis de l'expérience (VAE) mais c'est un échec, tant la procédure est lourde, chère et chronophage.
Se greffe la question du statut et de la valorisation salariale pour rendre la profession plus attractive. Il y a urgence. Si les conditions d'accès et le calendrier sont maintenus en l'état, l'activité chirurgicale sera paralysée. Les patients et les praticiens n'ont pas à subir les effets de ce noeud administratif. Quelles solutions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Nous partageons votre souci de continuité de l'activité opératoire. Le décret du 27 janvier 2015 attribue aux Ibode de nouveaux actes qualifiés d'exclusifs. Après un recours, le Conseil d'État en a différé l'entrée en vigueur et un dispositif transitoire a été mis en place, fondé sur une validation des compétences par une commission régionale. Cela maintient la possibilité pour des infirmiers expérimentés de réaliser ces actes, à titre dérogatoire, au regard de leurs compétences. Dès le mois prochain, nous évoquerons, avec l'ensemble des partenaires, la question de la démographie de la profession et de l'attractivité des métiers. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Sonia de la Provôté. - Il y a un problème d'attractivité et d'accès aux soins pour tous. Les moyens thérapeutiques sont de plus en plus chers, la population vieillit. J'attends que votre Gouvernement l'assume et l'affirme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Qualité de l'air
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dure semaine pour les champions autoproclamés de l'écologie ! Jeudi, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France en manquement pour avoir dépassé les seuils limites de dioxyde d'azote de manière systématique et répétée. Le même jour était publié un rapport accablant sur les émissions de CO2, la dégradation de la biodiversité et de la qualité des eaux souterraines. En parallèle, votre politique fiscale privilégiant une écologie punitive a fait flamber le pays l'an dernier.
Dans un contexte de changement climatique, pas moins de trois ministres de l'Écologie se sont succédé en moins de deux ans. Allez-vous mener une politique disruptive ou mettre vos pas dans ceux de MM. Hulot et de Rugy ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports . - Veuillez excuser Mme Borne. Le Gouvernement a pris acte de l'arrêt du 24 octobre de la Cour de justice. Le problème ne date pas d'hier. Entre 2000 et 2018, les émissions de dioxyde d'azote ont baissé de 54 %, le nombre d'agglomérations concernées a été divisé par deux. Cela ne suffit pas. La mobilisation du Gouvernement passe par des mesures structurelles : accompagnement au renouvellement du parc automobile, bornes électriques, aide au changement des chaudières, aides de l'Ademe pour les collectivités territoriales.
Parmi les mesures contenues dans la loi d'orientation des mobilités, citons le déploiement des zones à faibles émissions dans les métropoles, le plan Vélo, le forfait mobilité durable pour les trajets du quotidien ou la réduction des émissions des navires à quai grâce au plan « Escales zéro fumée ». Le Gouvernement agit pour répondre aux conséquences dramatiques de la pollution. (M. Alain Richard applaudit.)
M. Jean-François Husson. - Commission européenne, Cour de justice, Conseil d'État : trois cartons jaunes, vous êtes clairement hors-jeu, et nous ne sommes pas loin du carton rouge.
Vous changez brutalement les règles sur la prime à la conversion, vous privez les intercommunalités des moyens d'assumer leurs compétences. Vous excluez la moitié des Français du crédit d'impôt pour la transition énergétique, alors que les objectifs de rénovation sont loin d'être tenus. Enfin, vous n'accompagnez pas nos agriculteurs, victimes de l'agribashing, en ne leur assurant pas un revenu décent.
Plutôt que verdir votre politique, vous vous contentez de la vernir. C'est trop peu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Proches aidants
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) En France, 8 à 11 millions de personnes soutiennent un proche en perte d'autonomie, soit une personne sur six. En 2050, il y aura trois fois plus de personnes âgées de plus de 80 ans.
Un aidant, c'est Claude, qui accompagne sa mère au quotidien, pour les courses, la toilette ; c'est ce papa qui demande un temps partiel pour s'occuper de son fils Enzo, handicapé à 80 %. Il sacrifie une carrière, une retraite, une vie sociale à un amour inconditionnel.
Madame la ministre, vous êtes concernée en tant que maman, militante associative de longue date. Votre stratégie en faveur des proches aidants incarne l'ambition d'une société plus solidaire. Elle se traduit par un financement de 400 millions d'euros sur trois ans. Pouvez-vous détailler les mesures qui permettront de reconnaître le rôle des aidants et d'améliorer leur qualité de vie ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Monsieur Lévrier, je vous souhaite tout d'abord un bon anniversaire. (Exclamations et applaudissements) Une étape importante a été franchie avec la création du statut de proche aidant. Nous avons conçu avec Agnès Buzyn la stratégie « Agir pour les proches aidants » pour rompre leur isolement, leur ouvrir de nouveaux droits sociaux, améliorer l'articulation avec la vie professionnelle, agir pour leur santé, développer et diversifier les solutions de répit, épauler les 500 000 jeunes concernés.
Des mesures figurent déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Nous avons créé un congé de proche aidant pour trois mois, plus accessible, fractionnable, sans condition d'ancienneté ; nous avons mis en place des solutions de relayage, d'accueil temporaire, de vacances adaptées, de défiscalisation du dédommagement de l'APCH, applicables dès 2020.
Nous devons être solidaires de ceux qui le sont déjà. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Vitesse sur les routes départementales
M. Jean-Marc Boyer . - Voilà dix-huit mois que le Premier ministre a, seul et sans concertation, imposé la limite de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales. Oui, 50 % des accidents mortels surviennent sur les routes départementales secondaires, mais les causes sont ailleurs, dans les grands excès de vitesse, l'alcool, les stupéfiants, l'imprudence. La mesure n'a pas sauvé des vies. C'est un échec, à tel point que vous renvoyez maintenant la responsabilité de la décision aux présidents de départements. Ceux qui souhaiteraient revenir aux 90 km/h sont freinés par les conditions drastiques élaborées par le Conseil national de la sécurité routière, qui n'a jamais dû dépasser le périphérique parisien. Trouver dans nos campagnes une portion de route de dix kilomètres sans carrefour, sans habitation, sans arrêt de transport, sans engins agricoles, c'est impossible !
Déjà, 43 départements veulent repasser à 90 km/h, cinq rester à 80 km/h, et 53 s'inquiètent et hésitent. Une limitation de vitesse variable d'un département à l'autre n'est pas gage de sécurité. Faites cesser l'hypocrisie, la guéguerre des experts, les querelles stériles qui fracturent le territoire : revenez sur le décret du 15 juin 2018 et les élus sauront prendre leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Quelque 3 248 personnes sont mortes sur les routes l'an dernier. C'est beaucoup trop, mais historiquement bas. Tous les experts, ne vous en déplaise, disent que c'est lié à la baisse de la vitesse. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce n'est pas parce qu'on affirme quelque chose que c'est une vérité. (Exclamations à droite) Écoutez, sans stigmatiser. Je vous invite à assister aux travaux du Conseil de la sécurité routière, organisme indépendant dont les membres ont travaillé sur ces thématiques, souvent dans le cadre d'un engagement associatif. Jacques Chirac avait fait de la prévention routière un grand chantier. (Exclamations irritées sur les travées du groupe Les Républicains)
On peut estimer que gagner une minute sur son trajet pendulaire de vingt minutes est essentiel. On peut aussi considérer que les 116 vies sauvées l'an dernier méritaient nos efforts.
Convainquez donc les 53 départements qui hésitent à repasser à 90 km/h, puisqu'il n'y a plus de directive nationale. Le Gouvernement appliquera la mesure que vous avez introduite par amendement, votée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Pauvreté et inégalités sociales
M. Roland Courteau . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La politique économique menée depuis 2017 fait-elle augmenter le nombre de pauvres ? Misère et inégalités s'accentuent, selon l'Insee. Près de 15 % de la population, soit 9 millions de personnes, a des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, fixé à 1 050 euros par mois. C'est la mère qui n'a pas de quoi nourrir ses enfants, le retraité isolé qui ne peut pas se chauffer, l'étudiant sans ressources.
La hausse des inégalités s'explique par la très forte hausse des revenus des dividendes. Les ménages les plus aisés détenteurs d'actions profitent du prélèvement forfaitaire unique, sans même parler de la réforme de l'ISF. Les grands gagnants du pouvoir d'achat sont les ménages aisés. (M. Julien Bargeton le conteste.)
Les quelques coups de pouce aux minima sociaux ne compensent pas les coups de rabot appliqués aux allocations familiales, aux aides au logement ou aux retraites.
L'Observatoire des inégalités constate à raison que la stratégie de lutte contre la pauvreté n'est pas à la hauteur des enjeux sociaux. Il est temps de changer de dimension. Est-ce dans vos intentions ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Le Gouvernement n'a pas accru la pauvreté dans notre pays. L'Insee ne fournit que des estimations et ne prend pas en compte la baisse des loyers dans le parc HLM. (M. Claude Bérit-Débat ironise.)
Les seules données consolidées dont nous disposons sont celles des années 2010 à 2017. En deux ans et demi, le Gouvernement a relevé les minima sociaux : augmentation de 100 euros pour le minimum vieillesse comme pour l'allocation aux adultes handicapés, revalorisation de la prime d'activité, reste à charge zéro, complémentaire santé à moins d'un euro pour les plus vulnérables, suppression des avances de frais pour les assistantes maternelles, repas de cantine à moins d'un euro dans les communes fragiles, garantie du versement de la pension alimentaire.
Nous travaillons avec l'ensemble des acteurs sur le périmètre du futur revenu universel d'activité et sur le service public d'insertion, car quand on le peut, c'est par le travail que l'on sort durablement de la pauvreté.
Notre stratégie est concertée, sa mise en oeuvre repose sur les acteurs, à commencer par les territoires.
Je vous invite à lire les annexes du projet de loi de finances, qui montrent une hausse du premier décile de 2,3 % pour 2020, contre 0,9% pour les deux derniers déciles. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
La séance est suspendue à 16 h 10.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.
Mises au point au sujet de votes
M. François Patriat. - Je souhaiterais apporter, pour le compte du sénateur Michel Amiel, une rectification de son vote sur les scrutins publics répondant aux nos11, 12 et 13 sur le projet de loi Engagement et proximité. Le sénateur Michel Amiel souhaitait voter pour l'ensemble de ces amendements.
Par ailleurs, nous souhaiterions que les sénateurs qui n'ont pas pris part au vote sur le scrutin n°14 du même projet de loi, à savoir Mme Agnès Constant, MM. Michel Dennemont, Abdallah Hassani, Thani Mohamed Soilihi et Dominique Théophile, puissent voter pour.
Mme Véronique Guillotin. - Éric Gold, aux scrutins publics nos17, 18 et 19 ne souhaitait pas prendre part aux votes.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.
Donner des armes à l'acier français Accompagner la mutation d'une filière stratégique
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur les conclusions du rapport : « Donner des armes à l'acier français - Accompagner la mutation d'une filière stratégique ».
M. Franck Menonville, président de la mission d'information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle : opportunité de croissance et de développement . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC et sur le banc de la commission ; Mme Sophie Primas applaudit également.) La France a un passé et surtout un avenir industriel. Il y a un an et demi, la mission d'information sur Alstom rendait ses conclusions. À l'heure des start-up, il reste indispensable de conserver une industrie forte et modernisée.
L'acier demande des investissements importants, présente un seuil de rentabilité élevé et des marges faibles, mais l'acier forge nos armes au sens propre : ainsi nos vecteurs nucléaires, avions et sous-marins, sont faits d'alliages spéciaux.
C'est aussi un enjeu pour la transition écologique. Le recyclage est une contribution d'importance stratégique à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Or l'écoconception est encore trop virtuelle dans ce domaine. La France et l'Europe sont reléguées aux marges dans le marché mondial de l'acier. Alors que la Chine représente 50 % de la production, seuls trois quarts des capacités françaises sont employés, d'où une crise de surcapacité.
Il manque un ministre de l'Industrie et une politique européenne qui ne se concentre plus sur la seule concurrence ; le dossier Siemens-Alstom en témoigne. Nous avons besoin d'une Europe stratège pour notre industrie.
La mission d'information a entendu 55 personnes pendant cinq mois et a fait de nombreux déplacements. Notre rapport a été adopté à l'unanimité des groupes politiques et présente 30 propositions que la rapporteure va vous présenter. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)
Mme Valérie Létard, rapporteure de la mission d'information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle : opportunité de croissance et de développement . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
À l'heure où la réindustrialisation des territoires est un objectif partagé du Gouvernement et des élus locaux, la consolidation de notre industrie sidérurgique nationale est absolument stratégique.
Notre mission d'information a identifié trois défis majeurs pour notre sidérurgie : la surcapacité mondiale qui exacerbe la concurrence au détriment de l'Europe, avec des pratiques protectionnistes et de concurrence déloyale qui se répandent ; l'acier doit prendre le virage de la transition énergétique, alors que le prix de la tonne de carbone sur le marché a augmenté et que des pays tiers n'y sont pas tenus ; les moyens de modernisation sont coûteux, les investissements en Recherche et développement (R&D) sont lourds et risqués, mais l'acier est le fondement de nombreuses industries en aval.
Nous avons identifié quatre leviers pour renforcer l'acier français. D'abord soutenir la transition énergétique de la sidérurgie française. Il faut mettre une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne - réjouissons-nous de ce que la nouvelle Commission européenne y soit favorable. Il va falloir faire vite ! La compétitivité du prix de l'énergie en Europe est essentielle et conditionne l'avenir de la filière. En France, le coût de la compensation carbone doit annuler les coûts des quotas carbone répercutés sur les prix de l'électricité. 280 millions d'euros sont prévus à ce titre dans le budget pour 2020. Lors des prochains budgets, la question se posera encore.
Il faut ensuite protéger l'acier contre des concurrents déloyaux subventionnés et défendre nos intérêts commerciaux. La Commission doit se saisir de ses outils de protection commerciale et en créer de nouveaux.
Le troisième levier concerne la stratégie de filière afin d'améliorer l'articulation entre les besoins des entreprises sidérurgiques et le soutien des pouvoirs publics. L'État doit engager davantage de moyens pour améliorer le dialogue.
Le dernier levier, essentiel, est l'accompagnement stratégique à tous les niveaux des politiques publiques : il faut donc mettre en place un véritable ministère de l'Industrie (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) qui pourra défendre nos industries au niveau européen et portera la stratégie, au lieu de se contenter du rôle de pompier, comme à Ascoval. Il rassemblera tous les acteurs y compris au niveau régional.
Madame la ministre, partagez-vous nos orientations ? Quels moyens concrets voulez-vous consacrer à l'acier français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SOCR et Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Oui, la sidérurgie est centrale dans l'industrie française : 43 % des débouchés de l'acier sont dans la construction, 26 % dans les transports et 16 % dans les industries mécaniques.
L'acier emploie au total 48 000 personnes, principalement dans les grands bassins des Hauts-de-France, du Grand-Est, d'Auvergne, de Rhône-Alpes et de PACA, mais aussi de plus petites unités : aciéries électriques, unités de transformation, fonderies...
Ce secteur mondialisé doit s'adapter à une concurrence féroce. Les aciers plats français se sont maintenant restructurés. À Florange, 2 200 emplois ont été sauvegardés grâce à l'innovation.
La filière doit aujourd'hui faire face à des défis majeurs : réduction des émissions carbone, lutte contre la concurrence déloyale, transformation numérique des entreprises, recherche et développement, attractivité des métiers.
Le premier enjeu tient à la question de la surcapacité mondiale, que vous développez dans la proposition 6. La Chine produit plus de 930 millions de tonnes d'acier, soit 50 % de la production mondiale, et est largement responsable de la surproduction mondiale. Les aciers plats ont vu leur prix baisser de 21 % entre janvier 2018 et mai 2019. Le G20 a obtenu de ce pays qu'il baisse sa production. C'est un premier pas.
Deuxième enjeu : respect d'une concurrence loyale, développé aux propositions 7, 8 et 27. Or ce n'est pas toujours le cas. C'est pourquoi je saisis souvent le Conseil compétitivité de l'Union européenne.
L'impératif climat est le troisième enjeu, que l'on retrouve dans la proposition 9. La sidérurgie est responsable de 7 % des émissions atmosphériques de CO2 dans le monde. La rupture technologique peut remédier à ce problème.
Quatrième enjeu : le prix de l'électricité. Je vous renvoie aux propositions 13 et 15. La sidérurgie est un grand consommateur d'électricité. Des négociations sont en cours au niveau national et européen. Merci de saluer nos efforts pour défendre au niveau européen un budget de compensation de CO2 pour que nous bénéficiions de tarifs compétitifs d'électricité.
Cinquième enjeu : la R&D, secteur de différenciation, fait l'objet des recommandations 12, 22 et 26 du rapport.
Le crédit impôt recherche (CIR), que douze pays ont repris, est un outil souple et efficace. Mais il faut travailler plus à l'industrialisation de la R&D sur le territoire national. C'est en créant un cadre accueillant que l'on attirera les investisseurs.
La banque publique d'investissement (BPI) s'est engagée de façon constante pour l'industrie. Depuis sa création, elle a été présente sur de nombreux dossiers du secteur des métaux. Elle a participé à de grands succès comme Constellium, et elle est un acteur crucial dans les dossiers plus sensibles, comme Vallourec. Bpifrance est un investisseur avisé en économie de marché soumis aux règles de concurrence communautaire en matière d'aides d'État. Elle n'intervient pas directement en retournement mais elle gère pour le compte de l'État le Fonds de Fonds de Retournement (FFR), doté de 74 millions d'euros dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir.
Face à ces défis, je veux affirmer ici que depuis ces deux dernières années, l'État a une stratégie industrielle, mène des actions et obtient des résultats.
Le 18 janvier dernier, j'ai signé le Contrat stratégique de filière « Mines et métallurgie » avec la présidente du Comité stratégique de filière Mme Christel Bories, en présence des organisations syndicales. Cette instance rassemble tous les acteurs, employeurs, administration et syndicats de la filière. Cela est nouveau. Des travaux sont menés sur les approvisionnements stratégiques, objet des propositions 2 et 17.
Le Gouvernement est très attentif au risque de monopole de la Chine sur les terres rares. Le Conseil général de l'économie a remis au ministère de l'économie un rapport sur la vulnérabilité de l'approvisionnement en matières premières des industries françaises, qui a permis d'identifier plusieurs pistes de travail. Pour les mettre en application, le lancement de travaux applicatifs sur la sécurisation des approvisionnements en matières premières a été confirmé lors du Comex du Conseil National de l'Industrie (CNI) de septembre et les premières conclusions sont attendues pour la fin 2019.
Des travaux sur l'avenir des aciéries électriques sont menés, liés proposition 16. La filière hauts-fourneaux est stabilisée en France. Ce n'est pas vrai pour l'aciérie électrique, même si elle est une réponse à l'enjeu du gaz à effet de serre. Les travaux du Comité stratégique de filières vont dans le bon sens.
Si Ascoval continue à travailler, c'est grâce à l'action déterminée de l'État, et aux élus locaux, et je veux vous rendre hommage à ce titre, madame Létard.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - J'aimerais mentionner une dernière action, en matière de formation, car la filière est en tension. Nous devons y travailler ensemble.
Tous ces sujets sont pris en compte dans la réflexion du pacte de filière.
Mme la présidente. - Nous en arrivons aux questions.
M. Bernard Buis . - Merci à notre rapporteure pour le travail réalisé. La situation périlleuse de l'acier français est causée par le développement de la concurrence étrangère. En 2017, 1 700 millions de tonnes étaient produites dans le monde dont la moitié en Chine. La Chine, le Japon et l'Inde concentrent plus de 68,8 % de la production. Quid de l'acier français ? L'avenir de la France réside dans le développement de nouveaux savoir-faire.
La technologie peut être une issue pour notre industrie. En 2017, le sidérurgiste américain Nucor, soit 30 % de tout l'acier américain, avec dix-huit aciéries électriques, a aligné des performances de premier plan : un recyclage massif, un souci de l'environnement et des dividendes redistribués depuis 1972.
Les préoccupations environnementales peuvent être une opportunité. L'acier est une filière sèche avec peu de déperdition énergétique. Il peut être 100 % recyclable. Comment faire de nos entreprises des acteurs de développement durable ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Oui, si la France est capable de faire de cette filière un acteur de développement durable, cela lui donnerait de nouvelles marges de manoeuvre. La France se distingue par une production d'aciers spécifiques, superalliages et aciers plats.
De nombreux projets de R&D sont engagés. La filière fonte ne disparaîtra pas et la sidérurgie électrique, quoique handicapée par une faible rémunération alors qu'elle émet peu de CO2, doit retrouver de la compétitivité. C'est pourquoi nous nous sommes battus pour Ascoval, pensant que l'Histoire nous donnerait raison.
M. Fabien Gay . - Mois après mois, mêmes débats et mêmes réponses. Pendant ce temps, les fermetures de site se multiplient : Firminy, Saint-Saulve, Vallourec : les sites ferment les uns après les autres. 10 000 emplois directs ont été perdus entre 2013 et 2017, quelle hécatombe ! Et nous entendons les mêmes larmes de crocodile du Gouvernement. Nous continuons de formuler des préconisations dont nombre d'entre elles se retrouvent dans le rapport de Mme Létard.
Soit, depuis quinze ans, les solutions sont erronées, soit il y a une volonté de sacrifier cette industrie sur l'autel du profit. Il faut le dire, si c'est le cas.
Votre politique industrielle est-elle de laisser les emplois partir à l'étranger, en finançant les entreprises sans rien demander en échange ?
Allez-vous enfin interdire les délocalisations et nommer un ministre de l'Industrie ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains et sur le banc de la commission)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Je ne partage pas votre avis. L'emploi industriel a progressé dans le pays depuis 2017. Effectivement, ce n'était pas le cas auparavant ! (M. Fabien Gay s'emporte.) Il y a les contrats stratégiques de filière. Ascoval a été sauvé, grâce au Gouvernement.
Monsieur Gay, ne vous payez pas de mots ! Le mécanisme d'inclusion carbone sur lequel nous travaillons avec l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, est en passe de devenir réalité. Je n'attends pas que les choses se passent, assise sur ma chaise. (M. Fabien Gay proteste.)
Les relocalisations, cela existe aussi ! Certes, la bataille va être rude, mais le Gouvernement est déterminé à agir. Nous sommes là pour accompagner les entreprises dans leur transformation. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR)
M. Dany Wattebled . - Ascoval remonte la pente mais ses mésaventures symbolisent une action de l'État qui se limite à la gestion de crise.
Il faut pourtant un cadre légal favorable au développement de l'industrie. Or la taxe carbone européenne ne s'applique pas aux importateurs... Il aurait fallu, quand General Electric (GE) a racheté la branche énergie d'Alstom, que l'État soutienne son champion. Mais pour cela, il faut une vision stratégique portée par un ministre de l'Industrie.
Qui sera chargé de redonner à la France une stratégie industrielle et avec quels moyens ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Nous avons 18 contrats stratégiques de filières dont un sur les mines et la métallurgie : il permet d'anticiper la transition écologique et les innovations à venir. Le dispositif « Territoires d'industrie », le programme de numérisation des entreprises, le fonds d'innovation pour l'industrie, tous ces éléments traduisent notre stratégie industrielle.
Nous accompagnons aussi les entreprises en difficulté. Un accord a été trouvé entre les syndicats et la direction de GE, grâce à l'appui du Gouvernement. Le CNI est présidé par le Premier ministre ; c'est dire que la vision est portée au plus haut niveau.
Mme Nadia Sollogoub . - L'État a accordé 500 millions d'euros d'aides publiques en dix ans mais au coup par coup, dans la précipitation. Peut-on croire à un discours de vérité ? Voyez Vallourec : sur le site de Cosne-sur-Loire, les élus et salariés ont fait les frais de décisions spasmodiques dont la stratégie leur échappait. Les évolutions sont nécessaires et vitales, mais y a-t-il un cap et surtout le connaissons-nous ?
Les cessions-reprises à suspense prennent l'aspect de liquidations savamment orchestrées. Quelle est la stratégie de production nationale de Vallourec, notamment pour les tubes sans soudure ? Ils sont laminés par un producteur ukrainien à des prix compétitifs.
L'État va-t-il laisser les collaborateurs de la première heure de Vallourec au bord du chemin ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Vallourec a vu s'effondrer le marché de fourniture d'équipements pétroliers. L'entreprise a dû prendre des décisions difficiles. Elle est victime d'un problème de compétitivité. Si le coût de production est supérieur à celui des concurrents, vous perdez des parts de marché. La numérisation des entreprises est donc indispensable.
BPI est entré au capital de Vallourec pour parer à une OPA ; mais l'État reste un actionnaire ultra-minoritaire, le capital étant très largement réparti.
L'État ne gère pas directement l'entreprise, mais pose son regard sur le devenir des sites français, au-delà de son rôle d'actionnaire.
Mme Nadia Sollogoub. - Je comprends toutes ces problématiques de productivité, mais il y a la manière. Un repreneur baisse les bras après un an sous prétexte qu'il n'a pas obtenu les brevets de Vallourec... C'est insupportable pour les salariés et les élus. (Mme Josiane Costes applaudit.)
Mme Sophie Primas . - En 1954, la France comptait 152 hauts-fourneaux, contre 8 aujourd'hui. C'est une évolution de fond. Vous devez défendre notre industrie sans naïveté face aux attaques étrangères.
Pourquoi une telle apathie de l'État pour General Electric qui, après avoir racheté Alstom, annonce 1 000 suppressions d'emplois ? On pourrait citer Ascoval, les Chantiers de l'Atlantique, Saint-Louis en Normandie, Eramet en Nouvelle-Calédonie, Technip, qui est au coeur d'un nouveau scandale.
Le Parlement agit. La loi Florange de 2014 a institué l'obligation de trouver un repreneur. La loi Pacte élargit les contrôles des actionnaires étrangers. Et chaque année, dans le projet de loi de finances, nous demandons des moyens pour le Fonds de développement économique et social (FDES). Quand assumerez-vous de vous saisir de ces outils ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Depuis deux ans, l'État bloque fréquemment des reprises. Le screening, au niveau européen, a été obtenu grâce aux initiatives françaises.
L'installation à laquelle vous avez fait référence a été rachetée par General Electric en 1999. Or l'accord avec GE n'a été conclu qu'en 2014. Nous avons 50 millions d'euros prêts à investir sur cet accord. En outre, 600 emplois sur la filière éolienne en mer vont être créés. Ne soyons pas fatalistes !
Nous utilisons le FDES assez largement. En 2018, il a surtout été mobilisé sur Presstalis.
M. Jean-Claude Tissot . - La filière sidérurgique française symbolise le déclin de notre industrie. La mission d'information a rappelé que l'industrie était essentielle à l'économie de notRe pays. Pour le secteur sidérurgique, il faut un soutien fort de l'État, qui doit accompagner la transition énergétique. Cette filière représente 4 % des émissions de carbone nationales. Il faut donc développer le recyclage et l'écoconception.
Nous sommes dépendants de matières premières non disponibles sur le territoire national.
Il convient enfin d'anticiper la croissance des ENR, notamment en développant des fournisseurs à l'échelle nationale. Allez-vous suivre les préconisations de notre mission d'information pour relever ces grands défis ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - La recherche, sur fonds publics et privés, est capitale. Il faut organiser une filière de recyclage compétitive, ce qui n'est pas encore le cas. Pour les matières premières stratégiques, notamment le titane, nous développons des stratégies d'approvisionnement, notamment avec Eramet.
Concernant les ENR, nous privilégions les fournitures européennes et françaises, puisque nous avons une approche plus éthique des mines que d'autres pays. Nous prévoyons une labellisation pour nous appuyer sur des zones où les exigences sociales et environnementales sont conformes aux nôtres.
Mme Véronique Guillotin . - Je salue le président et la rapporteure de la mission d'information pour la qualité de leurs travaux. Issue d'un département lorrain, je suis très touchée par le sujet. Deux réussites symboliques dans ma région : le projet de transition énergétique de Novacarb en Meurthe-et-Moselle et la transformation industrielle du site de Florange.
En revanche, Saint-Gobain Pont-à-Mousson spécialisé dans la production de tuyaux en fonte pour l'adduction d'eau potable souffre de la concurrence asiatique et du protectionnisme américain. Je rappelle que ce sont 2 000 salariés, 123 brevets déposés depuis vingt ans et un leader européen. Sa modernisation, avec un plan de 230 millions d'euros, commence à porter ses fruits.
Mais il faut un environnement favorable. Le code des marchés publics (CMP) permet désormais l'introduction dans les marchés publics de critères d'origine géographique.
Que pensez-vous de l'introduction de quotas de CO2 dans les règles européennes ou encore la taxation des imports extra-européens ? Qu'allez-vous faire pour rassurer les collectivités pour qu'elles s'approprient ce nouveau code ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Avec le nouveau CMP, Il est en effet possible d'activer l'article 85 de la directive 2012-84 pour les marchés publics ; mais dans les faits, identifier des contenus européens dans un produit peut poser des difficultés techniques.
En revanche, la clause environnementale peut être activée et elle l'est d'ailleurs dans 20 % des marchés publics des collectivités territoriales. C'est un levier prometteur qui permet de réinternaliser les externalités environnementales. Peut-être pourrait-on intégrer systématiquement cette mention dans les cahiers des clauses administratives générales des marchés publics des collectivités territoriales ?
Mme Anne-Catherine Loisier . - Madame la ministre, je salue votre discours volontariste. Mais quid des moyens et de l'accompagnement de l'État ?
Le programme Territoires d'industrie a produit, pour le moment, des résultats décevants. Quant à l'accompagnement numérique, il n'est possible qu'avec une connexion à très haut débit...
Il faut un pilotage interministériel résolu. Que comptez-vous faire ? Quel dispositif réactif ? Un exemple : les éoliennes, en France, ne peuvent pas être reconditionnées puisque l'énergie rachetée par le Turpe doit provenir d'installations neuves. C'est peut-être un sujet à creuser.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Territoires d'industrie, ce sont 305 millions d'euros qui financent plus de 300 actions, en associant les régions, qui jouent le rôle de pilote, et les entreprises à titre individuel. C'est concret.
Le très haut débit sur tout le territoire est pour la fin 2020 et 37 % des Français ont d'ores et déjà activé leur accès en THD, mais il faut que tous nos concitoyens qui y ont accès sachent qu'ils peuvent le faire : il faut aussi travailler là-dessus.
Le pacte productif appelle un travail collaboratif et une vision à l'horizon 2025-2030, associant entreprises, syndicats, collectivités territoriales et État, et surtout en raisonnant à l'échelle des bassins de vie.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Vous me rappelez les éléments du plan de financement, mais il faudrait mieux cibler les priorités au sein des territoires d'industrie.
Quant au Très Haut Débit à 8 mégabits par seconde, cela ne suffit pas pour la robotisation de l'industrie.
Mme Martine Filleul . - Ascoval est emblématique : il a été un fleuron industriel, il symbolise les difficultés de la sidérurgie... mais constitue la preuve que les pouvoirs publics doivent s'impliquer pour protéger l'industrie. L'État et les collectivités territoriales lui ont apporté 35 millions d'euros.
En présentant le Pacte productif, Bruno Le Maire a surtout évoqué la baisse des impôts pour les entreprises, très peu les investissements. Quand le Gouvernement investira-t-il de manière significative dans la sidérurgie ? Ascoval a survécu grâce à l'implication des collectivités territoriales qui ont travaillé d'arrache-pied pour trouver des solutions. Le rapport de la mission d'information souligne la nécessité de partenariat État-régions. Pouvez-vous en dire plus ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. - Très bien.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Vous avez raison de parler de volontarisme. Les conditions d'intervention de l'État imposent que pour un euro d'argent public, il y ait un euro d'argent privé. C'est une règle de base du jeu européen. Imaginez si les Allemands se mettaient à subventionner leurs industries, avec les réserves budgétaires dont ils disposent !
BPI France investit le tiers de son argent dans le secteur industriel. C'est largement supérieur à la part de ce secteur dans l'économie française, entre 10 et 12 %.
Nous avons réuni à plusieurs reprises les patrons de région pour caler une stratégie collective. Nous voulons pratiquer le même exercice dans chaque région, avec les entreprises.
M. Cyril Pellevat . - La France est confrontée à un double enjeu : la lutte contre le décrochage industriel et la préservation de sa souveraineté industrielle.
La filière sidérurgique emploie encore 38 000 salariés en France. Dans les années cinquante, les quatre plus grandes entreprises produisaient encore 50 % de la production française. Désormais, les deux tiers de cette production sont issus d'Arcelor Mittal. Nous sommes dans un marché européen et l'Europe joue dans un marché mondial. Arcelor emploie un tiers des salariés du secteur.
Il ne reste en France que 8 hauts-fourneaux contre plus de 150 en 1954. Nous déplorons ce fort déclin, qui a de lourdes conséquences sociales dans le Grand Est et les Hauts-de-France.
La France peut-elle mener des actions européennes pour défendre la sidérurgie ? Est-ce un effort qu'elle doit supporter seule ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - La stratégie propre aux entreprises dépend de leur segment de marché. Les entreprises doivent viser les segments à plus forte valeur ajoutée, où elles peuvent retrouver des marges, dans un contexte de fortes surcapacités.
Quelque 80 millions d'euros ont été investis pour le numérique et 200 millions d'euros pour le suramortissement numérique. À l'échelon européen, nous défendons des mécanismes de concurrence loyale, et de réciprocité des marchés publics, dans le cadre d'accords commerciaux transparents. La Chine produit 50 % de la production mondiale contre 4 % en 1978. Il faut aussi une approche de la commande publique plus stratégique.
M. Jean-Marc Todeschini . - Je salue l'excellent rapport de Valérie Létard. Malgré le traitement médiatique dont elle fait l'objet, la sidérurgie existe encore en France et emploie 40 000 personnes. Elle fait appel à des technologies de pointe. L'industrie de l'acier n'a pas disparu de Moselle en 2017, ni même de Florange, car 3 000 personnes « n'ont rien lâché », comme a dit Édouard Martin.
Pour ce qui est de la nécessaire adaptation aux enjeux de la transition énergétique, la part des émissions de CO2 est de 6 % pour la production d'acier. Les investissements dans ce domaine mettront quinze à vingt-cinq ans à porter leurs fruits. Les projets de stockage et de capture du carbone sont porteurs.
Quel est le soutien du Gouvernement à leur égard ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Le défi de la transition écologique est clé pour cette industrie. C'est pourquoi nous l'avons sélectionnée pour travailler sur la trajectoire de réduction des émissions de CO2. Il y a la question de l'investissement dans l'innovation. Quelque 20 millions d'euros de subvention sont attribués au centre de recherche de la Fensch, pour travailler sur des produits techniques comme des poudres. Il faut une nouvelle façon de produire - le captage de CO2 est aussi une solution.
Nous travaillons sur les investissements dans la transition énergétique pour éviter que les industriels pâtissent des coûts trop élevés. En effet, les impôts de production pèsent sur les entreprises avant même qu'elles aient généré des bénéfices.
Mme Christine Lavarde . - La filière sidérurgique est à la croisée des chemins. L'État doit lui donner une boussole.
L'évolution du système européen d'émissions des quotas entraînera une augmentation mécanique de la tonne de carbone. La filière sidérurgique a besoin pour fonctionner d'une énergie propre à faible coût. Électro-intensive, elle reste très sensible aux prix de l'électricité.
Quelle politique de l'énergie la France peut-elle promouvoir en Europe ? Le nucléaire est une réponse. Le rapport Folz a été récemment publié. Qu'en pense le Gouvernement ? La réponse dépend du ministre...
M. Jean-Marie Bockel. - Très bien.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Les électro-intensives ne sont pas soumises aux mêmes règles que les autres. Elles bénéficient de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et du Turpe, autrement dit de tarifs plus agressifs.
Nous souhaitons maintenir un prix européen de l'énergie compétitif.
La décarbonation des processus industriels est une chaîne de valeur stratégique qui pourra faire l'objet d'un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC).
Des aides d'État peuvent être autorisées dans l'ensemble de l'Union européenne. L'électricité française est décarbonée à 98 %. C'est un avantage compétitif majeur. Le rapport de Jean-Martin Folz porte essentiellement sur Flamanville. La question du futur programme nucléaire, s'il y en a un, sera tranchée dans les prochains mois. Il n'y a à ce jour pas de réponse tranchée.
Mme Christine Lavarde. - Quid de l'après 2025 pour l'Arenh ?
Mme Martine Berthet . - Pour rester compétitives, les entreprises ont besoin de visibilité. Une feuille de route claire sur les quotas de CO2 et le prix à la tonne doit être donnée, avec un horizon à cinq ans.
Quelle mise en place aux frontières européennes du mécanisme d'inclusion carbone, en remplacement des quotas ETS - Emission Trading Scheme ?
Le coût de l'énergie est primordial pour les industries sidérurgiques, électro-intensives ou non. Diminuer leur empreinte carbone suppose aussi de s'attaquer au transport des matières premières et des produits finis. Mais la SNCF est frileuse sur le multimodal. La filière tente de s'organiser, mais attend des aides. Quelle est votre vision, madame la secrétaire d'État ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Les calculs ETS sont effectués au niveau européen. La France fait valoir sa position dans les négociations qui portent sur la prochaine période de cinq ans. Les entreprises auront donc une visibilité à cinq ans.
Les fluctuations de marché sont le quotidien de toute entreprise. Des travaux sont en cours sur l'inclusion carbone. Actuellement, nous travaillons sur l'acier, l'aluminium et le ciment, où la transformation est simple. Dans d'autres filières, l'impact est plus difficile à isoler.
Il faut s'assurer de la compétitivité des filières, et éviter d'augmenter le prix final...
Mme Valérie Létard, rapporteure . - Je remercie la ministre. J'associe Franck Menonville, tous les participants de la mission d'information et les élus qui se sont exprimés. La sidérurgie n'est pas une industrie du passé mais bien de l'avenir.
Elle constitue le haut de la chaîne de valeur de l'industrie française. La France doit rester indépendante dans sa production.
La ministre a cité les dispositifs d'aides, notamment à la recherche et au développement. Nous savons que vous êtes mobilisée, mais vous n'avez pas les moyens de vos ambitions. Il faut un ministère plein de l'Industrie, doté de moyens financiers et humains, pour soutenir les neuf contrats stratégiques de filière.
Il n'y a pas de grand pays sans industrie forte. Ce doit être une priorité nationale. Nous devons préserver ces centaines de milliers d'emplois. Les acteurs industriels, quand on les rencontre, nous disent qu'ils ont besoin de contacts avec le ministère de l'Environnement, celui de la Recherche, celui de l'Économie... Un ministère de l'Industrie serait un interlocuteur privilégié.
Donnons-nous les moyens d'être à la hauteur. Les actes doivent être au rendez-vous. Faisons le choix d'un ministère pilote et stratège. (Applaudissements sur toutes les travées)
La séance, suspendue à 18 heures, reprend à 18 h 10.
Quel avenir pour l'enseignement agricole ?
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : quel avenir pour l'enseignement agricole ? ».
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe CRCE . - Le 18 octobre 2006, Françoise Férat présentait à la commission de la culture un rapport sur la place de l'enseignement agricole dans le système français. Il plaît au Sénat de prendre appui sur ces travaux pour réévaluer régulièrement les politiques publiques. Ce débat n'a pas d'autre vocation que de poser les traits généraux d'un bilan qui devra être prolongé.
Depuis 2006, le système d'enseignement agricole en France n'a cessé de se transformer. Les deux dernières années n'ont pas été épargnées par le maelström de la réforme permanente : réforme de l'enseignement supérieur, du lycée et de l'apprentissage avec des conséquences lourdes pour l'enseignement agricole, toujours plus affaibli et privé de ses moyens. Il demeure la cinquième roue du tracteur (Sourires) et si Françoise Férat le voyait à la croisée des chemins en 2006, il est désormais tombé dans l'ornière !
En tant qu'historien de l'agriculture, vous me permettrez de faire d'abord remarquer que la ruralité n'est pas ce monde immobile qu'imaginent avec mépris les urbains. Notre pays ne peut accepter ce lien distendu entre villes et campagne, entre habitants de la campagne et cultivateurs. L'enseignement agricole est l'outil pour le renforcer.
Depuis la révolution néolithique, les agriculteurs - les paysans comme j'aime à les appeler - doivent faire face à des mutations profondes. Une civilisation agricole disparaît, une autre la remplace qui doit affronter les enjeux climatiques et sociaux - car il faut faire vivre dans la même campagne des populations n'ayant pas les mêmes usages de la nature - mais aussi environnementaux et économiques. La formation, l'enseignement, la recherche sont fondamentaux pour éclairer ces transformations majeures.
L'Observatoire national de l'enseignement agricole avait formulé des propositions dans son rapport annuel de 2013. Il a été remplacé depuis par un Observatoire de l'enseignement technique agricole, aux compétences réduites. Ce rapport préconisait une coopération entre les régions et l'État pour développer des centres de formation assurant un maillage territorial. Or les moyens n'y sont pas et il nous reste à évaluer les conséquences de cette dépossession.
La loi donne aux établissements de formation agricole la mission de participer à l'orientation des territoires, mais aussi d'évaluer l'intelligence de la main et de l'outil et d'éclairer des savoirs sur les relations complexes entre le végétal, l'animal et l'humain en société. L'engagement de l'État doit être sans faille pour restaurer la pluralité des modes d'accès à ces connaissances.
Les établissements d'enseignement agricole sont essentiels, tels l'École d'agriculture et des industries rurales de Neuvic en Corrèze qui, en créant une coopérative en fin d'études pour ses anciens élèves, avait su créer un lien fort avec les professionnels et les terroirs.
L'enseignement agricole doit rester attractif. Or les réformes récentes du baccalauréat et la nouvelle organisation de la classe de terminale laissent à craindre que les élèves qui auraient souhaité poursuivre leur formation agricole dans le supérieur ne puissent plus le faire. La procédure Parcoursup a écarté de l'enseignement supérieur les bacheliers issus de l'enseignement agricole. Nous devons savoir ce qu'ils sont devenus.
Certains acteurs de l'enseignement agricole sont présents en tribunes. Je les salue. Les directeurs d'établissement doivent pouvoir bénéficier de la possibilité d'intégrer un corps de la fonction publique. (Applaudissements des travées du groupe CRCE jusqu'à celles du groupe UC)
Mme Céline Brulin . - Le budget 2020, après la suppression de 20 postes l'an passé en Normandie, en supprime encore 35, alors même que le nombre des élèves a recommencé à augmenter. Comment réaliser des travaux pratiques consistant par exemple à manier des outils d'horticulture, au lycée de Fauville, dans de telles conditions ? Et que dire des salles informatiques du lycée d'Évreux, prévues pour accueillir 16 élèves et pas plus?
Les réformes récentes ne font que consacrer des diminutions de moyens qui obligent les élèves à choisir entre enseignement facultatif et optionnel. L'autonomie des établissements renvoie à la salle des profs des arbitrages qui devraient avoir lieu à la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), forçant les enseignants à choisir entre la plus et la moins mauvaise des solutions.
Le lycée agricole d'Yvetot proposait un stage professionnel qui a été détricoté, saucissonné en différentes périodes, alors même que le bac pro dans lequel il s'inscrivait donnait la possibilité de s'installer.
Quant aux lycées professionnels maritimes, ils sont également en situation critique, avec un assèchement des recrutements chez les marins pêcheurs qui souffrent d'un manque de considération.
Les moyens manquent pour accueillir des lycéens en pension complète, ce qui réduit le recrutement aux élèves présents sur le territoire. Les exigences de la pêche durable sont enseignées uniquement sous la forme de réglementations à respecter alors qu'il faudrait compléter cet enseignement par des sorties en mer et des rencontres avec l'observatoire de la biodiversité marine.
Cet exemple de la pêche, trop rarement évoqué, est symbolique de ce qui se joue.
Le manque de considération pour l'enseignement agricole est très ancien. Il faut redonner à cet enseignement ses lettres de noblesse. Souhaitons que ce débat soit l'occasion de lui redonner des couleurs. (Applaudissements des travées du groupe CRCE à celles du groupe UC)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. - Très bien !
M. Franck Menonville . - En 1850, à Nancy, une statue fut érigée à l'effigie de Mathieu de Dombasle, agronome, père de l'enseignement agricole, qui avait compris que l'enseignement contribue à améliorer la technique mais aussi la productivité, et que le travail de la terre donnait à l'homme une activité noble lui permettant de s'élever.
La diversité de l'enseignement agricole en fonde l'excellence. La loi attribue à l'enseignement agricole public des missions qui dépassent la seule formation scolaire et professionnelle : il doit participer à l'animation du territoire, à la coopération internationale, à l'expérimentation et à l'insertion. C'est dire la responsabilité qui incombe aux acteurs.
Première agriculture européenne, la France doit évoluer pour conserver sa place sur les marchés internationaux et préparer ses agriculteurs au monde de demain. Pour cela, il faut adapter les savoirs et les techniques, développer de nouvelles pédagogies.
Nouveaux besoins, nouveaux publics, nouveaux savoirs. L'enseignement agricole doit s'adapter pour maintenir son attractivité et son excellence. Premier axe, le développement de nouvelles formations, pour s'adapter aux besoins des acteurs. Dans la Meuse, une formation méthanisation a été développée en partenariat avec l'École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires de Nancy.
Second axe : le renforcement des moyens, contrepartie à la diversification et à la nécessité de renouveler les générations - indispensable lorsque la moitié des agriculteurs a plus de 55 ans.
Investir dans l'enseignement agricole, c'est investir dans notre souveraineté alimentaire, dans la transition écologique et dans la cohésion de nos territoires. En ce début de XXIe siècle, il faut se souvenir du message de Mathieu de Dombasle : l'humain joue un rôle central dans l'enseignement agricole. Notre agriculture en a bien besoin actuellement.
Mme Dominique Vérien . - Merci au groupe CRCE pour ce débat sur un sujet aussi important. L'enseignement agricole forme nos futurs agriculteurs, mais pas seulement ; il propose des diplômes du CAP au diplôme d'ingénieur. Ses caractéristiques qui résident moins dans la formation que dans le modèle d'organisation : l'internat, source de brassage social, propice au travail studieux mais aussi à la camaraderie, avec des professeurs présents dans l'établissement.
Les maisons familiales rurales sont une autre forme d'enseignement qui donne un cadre aux élèves susceptibles de les guider vers la réussite. Le critère d'âge en limite l'accès aux enfants de plus de 14 ans, alors que des élèves de quatrième y seraient avantageusement accueillis.
La réussite de cet enseignement, malheureusement, est limitée aux territoires ruraux. Les régions faisaient vivre de petits centres de formation d'apprentis (CFA), tel celui de Champignelles, dans l'Yonne, qui fermera ses portes avec la fin de la compétence régionale sur l'apprentissage.
Monsieur le ministre, vous aviez promis d'élargir le recrutement des enseignants et de revaloriser la grille indiciaire. Or le projet de loi de finances est muet, et seuls 50 nouveaux postes au concours... L'enseignement agricole est inventif, force de renouvellement, mais aura besoin de votre soutien pour faire face à ces bouleversements. Car l'avenir de l'enseignement agricole, c'est l'avenir de nos enfants ! (Applaudissements)
M. Jean-Marc Boyer . - L'enseignement agricole public et privé, sans oublier les maisons familiales rurales, a su s'adapter aux évolutions agricoles, de l'attelage à la mécanisation poussée, parfois excessive. Mais depuis vingt ans, une fracture se creuse. Certains promeuvent l'image d'un agriculteur pollueur, voire criminel. Les réseaux sociaux ont promu une vision outrancière du bien-être animal. Or l'agriculteur aime son travail et ses animaux. L'agribashing porte un réel préjudice à la profession agricole.
M. Stéphane Piednoir. - C'est bien de le rappeler !
M. Jean-Marc Boyer. - L'enseignement agricole se trouve dogmatisé vers des filières environnementalistes, en décalage avec une grande partie de la profession agricole, alors qu'il devrait faire une place à toutes les formes d'agriculture.
Il y a une dizaine d'années, 90 % des élèves étaient issus du milieu agricole, avec un vrai projet d'installation. Ils ne sont plus que 30 %. L'enseignement agricole forme désormais des « jardiniers de la nature » qui viennent trop souvent grossir les rangs des demandeurs d'emploi. L'agriculture traditionnelle doit retrouver sa place, avec comme objectif l'installation de jeunes chefs d'exploitation gestionnaires.
Les établissements sont un outil d'aménagement du territoire et les formations tiennent compte des spécialités régionales : filière viticole dans le Bordelais et en Alsace, filière laitière dans le Massif central et les Alpes. Ce lien avec le territoire doit être valorisé.
Il faut revoir les fondamentaux de l'enseignement agricole pour l'adapter aux réalités. L'agriculture a vocation à nourrir la planète ; c'est une des meilleurs au monde, sinon la meilleure. (M. le ministre approuve.) Assez d'agribashing !
L'enseignement agricole est toujours à la pointe. Il pratique depuis quinze ans le contrôle continu au bac. L'Éducation nationale n'a rien inventé ! Sans se fondre dans le dogme de l'écologie intégrale, l'enseignement agricole doit se réinventer ; sinon, il finira annexé par l'Éducation nationale. (M. Yves Détraigne applaudit.)
M. Patrice Joly . - L'enseignement agricole, c'est 200 000 élèves à la dernière rentrée, 800 établissements publics et privés, soit le second secteur éducatif, qui accueille collégiens, lycéens, étudiants, apprentis. Merci au groupe CRCE d'avoir mis le sujet à l'ordre du jour.
L'enseignement agricole s'adapte à la modification des métiers agricoles. La parité désormais atteinte, le recrutement élargi au-delà des familles agricoles sont des bons points. La formation doit favoriser la reprise des exploitations en accueillant des néo-agriculteurs. Produire plus en qualité qu'en quantité, répondre aux attentes de la société en s'appuyant plus sur l'agronomie que sur la chimie, prendre en compte le bien-être animal, intégrer les enjeux environnementaux, s'adapter aux évaluations climatiques, saisir l'opportunité de la numérisation, de l'automatisation, de l'intelligence artificielle : voilà certains des enjeux nombreux qui s'imposent à l'enseignement agricole.
Les établissements doivent adapter leurs formations aux besoins des territoires ; ils offrent ainsi des formations en matière de service à la personne, d'aménagement de l'espace ou de développement économique, notamment touristique.
L'enseignement agricole facilite l'accès à une formation universitaire aux étudiants éloignés des grandes villes. Il est une voie de promotion sociale : plus de huit diplômés sur dix trouvent un emploi à la sortie.
Il faut promouvoir les formations, faire connaître les gisements d'emplois. Pour ce faire, l'enseignement agricole doit disposer de moyens suffisants. Or ils diminuent encore dans le prochain budget.
Les perspectives ne sont pas encourageantes : les dotations globales horaires ont été diminuées, le seuil d'effectifs par classe relevé. Les réductions se poursuivraient, de 2 % par an jusqu'en 2022. La réforme de l'apprentissage, largement ouvert au privé, fragilise les CFA en zone rurale. Il y a un risque d'abandon des territoires.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Patrice Joly. - Les chefs d'établissements attendent un statut en rapport avec leurs responsabilités. L'autonomie des établissements doit être préservée, tout comme la polyvalence de leurs missions.
La croissance démographique des territoires ruraux plus élevée que la moyenne ne doit pas faire oublier...
Mme la présidente. - Il faut vraiment conclure !
M. Patrice Joly. - ... la désertification de certains territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; M. Antoine Karam applaudit également.)
M. Henri Cabanel . - Notre agriculture manque de bras. Quelque 70 000 offres d'emploi ne sont pas pourvues et les agriculteurs font de plus en plus appel à une main-d'oeuvre étrangère. Pourtant le ministre de l'Agriculture se félicite des effectifs de l'enseignement agricole : 800 établissements, 195 000 élèves. Cherchez l'erreur...
La réalité est tronquée : la filière des services à la personne a supplanté les filières de production. Certains lycées n'ont d'agricole que le nom. On y forme au paysagisme, plus chic, à l'hippologie, plus gentleman-farmer...
Ces changements reflètent la mutation de notre ruralité, de moins en moins agricole. Se poser la question de l'avenir de l'enseignement agricole, c'est se poser celle de l'avenir de l'agriculture et de son attractivité pour les jeunes.
En 1984, les lycées agricoles formaient majoritairement des enfants d'agriculteurs ou des jeunes voulant le devenir. Aujourd'hui, ils forment majoritairement à d'autres métiers. Il faut désormais les considérer comme des partenaires des politiques publiques territoriales, leur donner les moyens de réaliser l'interface entre monde économique, population et jeunes, en faire des centres de ressources pour les territoires.
Il est primordial de coller aux besoins des territoires, dont les mutations démographiques, sociologiques, économiques, paysagères et environnementales impactent directement l'enseignement agricole.
Les experts sollicités par le ministère de l'Agriculture ont élaboré quatre scenarii à l'horizon 2030 : dualité urbain-rural, économie verte, politique du moins cher, lien social. Tous présentent les mêmes caractéristiques : capacité d'encadrement d'équipes, circuits courts, médiation, conseil en agroécologie, métiers de la qualité.
Mais à quoi serviront nos techniciens agricoles, nos ingénieurs agro, nos experts en organisation si notre agriculture se meurt, victime de l'artificialisation des sols, des normes toujours plus contraignantes, de la lourdeur administrative, de la pression de la concurrence internationale, des aléas climatiques et sanitaires et des prix non rémunérateurs ?
Comment rendre ce métier attractif ? Comment donner aux jeunes envie de s'installer ? La réussite au bac dans les lycées agricoles a beau être supérieure à la moyenne nationale, l'image du secteur est déplorable. Les filières paysagères ou de soins aux chevaux plaisent plus car le métier paraît moins dur et l'image est meilleure. Comment sommes-nous arrivés à ce point de dénigrement de notre agriculture ?
Le rapport de Françoise Férat en 2006 préconisait de ne plus tenir l'enseignement agricole à l'écart des procédures d'orientation de de promouvoir une image plus moderne de ces filières. Si l'enseignement agricole s'est adapté aux mutations des territoires, il s'est surtout adapté à la baisse de l'activité agricole. Nous sommes coresponsables de cette baisse d'attractivité, nous avons tous lâché prise.
L'Occitanie a su inverser la tendance en collaborant avec les chambres d'agriculture.
La réponse passera forcément par un travail sur la juste rémunération des agriculteurs. Il faut une politique agricole, de l'enseignement à la production, à la hauteur des enjeux. Et s'en donner les moyens. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, SOCR et CRCE)
M. Antoine Karam . - En tant que rapporteur sur les crédits de l'enseignement technique et agricole, je remercie le groupe CRCE pour son initiative.
L'agriculture est à la croisée des préoccupations sanitaires et environnementales ; l'enseignement agricole, en prise avec les défis émergents, ne regarde pas le train passer.
Quatre élèves sur dix étudient les services à la personne. Cette évolution reflète celle du monde rural, où le poids de l'agriculture recule. On ne compte plus que 12 % d'élèves issus d'une famille d'agriculteurs. Les élèves sont de plus en plus jeunes et la parité est atteinte. Le budget 2020 comptera des indicateurs d'égalité entre hommes et femmes.
La passerelle vers l'enseignement supérieur est de plus en plus empruntée : plus de 30 % des titulaires d'un bac pro vont en BTS. L'enseignement agricole a un taux d'intégration professionnelle plus élevé que la moyenne, c'est un choix séduisant. Pourtant, les effectifs ne sont pas à la hauteur des espérances. Il faut rompre avec l'idée que l'enseignement agricole serait une voie de garage réservée aux jeunes en situation d'échec.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. - Très bien !
M. Antoine Karam. - C'est une école de la seconde chance, oui, mais surtout une filière d'excellence. Combien d'élèves savent qu'ils peuvent devenir ingénieurs par cette voie ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Eh oui !
M. Antoine Karam. - Combien savent qu'un élève de terminale professionnelle agricole a 59 % de chance de trouver un emploi contre 42 % dans l'enseignement général ?
Vous avez lancé la campagne de promotion « L'Aventure du vivant » lors du dernier Salon de l'agriculture. Quel en est le premier bilan ?
Il faut mieux communiquer sur la diversité de l'enseignement agricole, qui donne accès à plus de deux cents métiers, de l'agriculture au numérique. L'enseignement agricole offre la possibilité de poursuivre ses études de la quatrième au doctorat. Il est pleinement engagé dans la réforme du baccalauréat. Il doit jouer un rôle prépondérant dans la valorisation de nos territoires en s'articulant autour de projets locaux. C'est aussi un levier essentiel pour tendre vers l'autosuffisance alimentaire de nos territoires d'outre-mer.
Il faut aussi donner aux établissements privés les moyens de leur développement.
L'année 2020 sera marquée par la mise en oeuvre du plan « Enseigner à produire autrement », axé sur l'agro-écologie. Pour mieux armer les futurs agriculteurs face aux réglementations changeantes et aux incertitudes économiques, il conviendra de développer notamment la formation à la gestion d'exploitation.
L'enseignement agricole doit entrer dans une logique d'expansion. La manière dont nous nous y investissons déterminera en partie l'avenir de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées des groupes UC et SOCR ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Avec près de 75 % des apprentis dans 806 établissements scolaires, l'enseignement agricole a une part majeure dans l'apprentissage. La réforme de celui-ci votée en 2018 propose un choc de simplification qui ne va pas sans difficultés : l'aide pour les diplômés supérieurs a été supprimée, or le diplôme le plus recherché est le BTS Analyse Conduite et Stratégie de l'entreprise agricole. La suppression des aides fléchées vers les diplômes post-bac risque de pénaliser une profession qui cherche pourtant à monter en compétences.
Autre interrogation : les classes mixtes mêlant apprentis et élèves sont bien accueillies par les enseignants mais ceux-ci ne sont pas habilités statutairement à intervenir auprès d'apprentis.
Enfin, la réforme du baccalauréat ne laisse les lycées agricoles proposer que trois spécialités - maths, physique-chimie et biologie - au lieu des douze en filière générale. Les lycéens incertains quant à leur orientation - ils sont 50 % au niveau du bac - risquent de se tourner vers les filières offrant un plus large choix. Les lycées agricoles souhaiteraient pouvoir offrir des enseignements de sciences économiques et sociales, de numérique et de sciences de l'informatique. L'enseignement agricole n'a pas vocation à ne former que des éleveurs et agriculteurs. Monsieur le ministre, avez-vous pris en compte ces problématiques ? Prévoyez-vous des ajustements ? (Applaudissements)
Mme Anne-Marie Bertrand . - L'agriculture d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui, qui n'est pas celle de demain. Quelle agriculture voulons-nous ? Quel rapport à l'environnement, à la consommation ? Comment mieux appréhender les aléas climatiques et les crises sanitaires ? Comment tirer bénéfices des nouvelles technologies, des drones, de la data, de la méthanisation ? Pour produire différemment, il faudra enseigner différemment, ce qui a un coût.
L'enseignement agricole a fait la preuve de sa capacité d'adaptation. Il convient de renforcer les passerelles avec l'enseignement général d'autant que les reconversions sont nombreuses. Cela suppose d'améliorer la visibilité sur les parcours et leurs débouchés.
L'enseignement agricole forme du CAP à la licence, à l'agriculture mais aussi à la gestion et maîtrise de l'eau, au paysagisme ou à l'agroalimentaire. Encore faut-il mieux faire connaître ces formations. Près de 80 % des diplômés ne seront pas agriculteurs. Les conseillers d'orientations doivent être informés des formations spécifiques dans chaque région.
L'enseignement agricole va être confronté au manque d'enseignants. Déjà, les étudiants en licence pro ABCD à Rodilhan, près de Nîmes, suivent en téléconférence des cours de l'université Clermont-Auvergne.
Soyons à la hauteur de notre héritage agricole. Je salue le formidable travail des maisons familiales, notamment celle d'Eyragues. Toutes n'ont malheureusement pas le même soutien du département.
L'agriculture de demain se prépare aujourd'hui. Soyons à la hauteur. (Applaudissements)
Mme Marie-Pierre Monier . - L'enseignement agricole en France est exemplaire mais on en parle peu. Ce débat est utile - souhaitons qu'il ait un large écho.
Les effectifs réduits permettent un apprentissage dans de bonnes conditions et l'expérimentation pédagogique. L'enjeu est de taille : réussir la transition agro-écologique, assurer la relève de toute une génération, créer un modèle économique et alimentaire viable.
Pour cela, il faut se pencher sur l'enseignement délivré. C'est grâce à l'école que les grandes batailles se gagnent. Nous sommes à un moment charnière : suscitons l'envie, formons les paysans de demain, garantissons à ceux qui partent qu'ils pourront transmettre sereinement leur exploitation.
Nous ne pourrons pas relever ces défis sans un enseignement agricole de qualité. Elle existe, mais pour combien de temps ?
Monsieur le ministre, je salue vos grandes ambitions mais elles doivent s'accompagner de moyens. La baisse de la dotation horaire globale, les 50 suppressions de postes de 2018, pas compensées totalement en 2020, ne sont pas des signes encourageants. Surtout, l'enseignement agricole est frappé de plein fouet par toutes les réformes de l'éducation, qui ne prennent pas sa spécificité en compte.
Ainsi de la réforme de l'apprentissage - or les branches professionnelles n'ont pas la même connaissance des besoins locaux que les régions. Le financement est lui aussi bouleversé, attisant la concurrence entre public et privé.
L'enseignement agricole est à un moment clé de son histoire. Il est porté avec passion par des personnes qui y croient ; elles ont besoin de nous. Portons la réflexion sur cette question en mettant en place un groupe de travail qui produira un rapport parlementaire sur l'enseignement agricole dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, RDSE et LaREM)
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Mme Marie-Christine Chauvin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Créé pour former les agriculteurs, l'enseignement agricole a su évoluer avec la société. Actif, réactif, innovant, ouvert, c'est un précieux partenaire des territoires.
L'innovation pédagogique, l'innovation technique et les expérimentations joueront un rôle essentiel. Il faudra néanmoins des moyens humains supplémentaires pour permettre aux exploitations et ateliers d'expérimenter sans risque pour leur viabilité.
Les maisons familiales rurales pourraient prendre en charge les jeunes de moins de 14 ans qui s'écartent du milieu scolaire ordinaire. Beaucoup de formations se font en apprentissage, qui donne au jeune une bonne connaissance de l'univers professionnel et facilite l'insertion professionnelle car le jeune est immédiatement opérationnel.
Des défis sont devant nous, parmi lesquels l'adaptation au changement climatique. L'enseignement agricole devra, bien sûr, intégrer le thème de l'environnement dans son enseignement initial. Soyons compétitifs, efficaces.
L'enseignement agricole mène à des métiers très divers, à la croisée de l'agriculture, du numérique et de l'industrie. Monsieur le ministre, comment comptez-vous faciliter la communication sur la modernité et la technicité de ces métiers ?
De plus en plus de jeunes non issus du monde agricole intègrent l'enseignement agricole ; c'est une bonne nouvelle mais il convient de les former à la gestion d'entreprise. L'enseignement agricole aura besoin de moyens humains et financiers. Cette formation donne le goût de l'effort et de la persévérance. Gageons que l'enseignement agricole aura les moyens de les inculquer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, LaREM et Les Indépendants)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Ce débat me tient à coeur ; je salue la hauteur de vue de M. Ouzoulias et de tous les intervenants. L'avenir de l'enseignement agricole, c'est tout simplement celui de l'agriculture. C'est une chance pour les jeunes, un atout pour le monde rural, un moteur de la transition agro-écologique.
Dans l'Hexagone et les outre-mer, l'enseignement agricole est le second dispositif d'enseignement du pays. Nos plus de 800 établissements accueilleront bientôt, je l'espère, plus de 200 000 apprenants, de la quatrième au BTS.
L'enseignement agricole, ce sont aussi 19 écoles d'excellence qui forment les cadres de demain ; plus de 120 formations dans l'agroalimentaire, la filière forêt-bois, les services à la personne. Je regrette que les lycées maritimes ne soient pas sous la tutelle de mon ministère : cela compléterait la panoplie. (M. Michel Canevet approuve.) Madame Brulin, si vous pouvez m'aider sur ce dossier... (Sourires)
L'enseignement agricole est un atout riche de sa diversité : établissements publics, privés, maisons familiales rurales. J'ai fait la rentrée à Yvetot, à Magnanville, dans une MFR.
L'enseignement agricole, c'est 60 % des fonctionnaires du ministère et 40 % de son budget. Ce n'est pas la cinquième roue du tracteur, monsieur Ouzoulias, mais son moteur ! Et j'en suis fier.
Quelques constats, factuels et transpartisans - les interventions de ce débat l'ont quasiment toutes été. Grâce à l'enseignement agricole, nous avons un maillage territorial au service des jeunes et de l'emploi, qu'il faut absolument préserver. Il permet de répondre aux attentes des employeurs, en formant des jeunes qui travailleront sur place, dans des postes non délocalisables.
Deuxième constat : l'enseignement agricole marche : on le voit au nombre de diplômes obtenus et au taux de réussite élevé.
Troisième constat : c'est une école du succès, notamment pour les jeunes issus de milieux modestes et ruraux - cette école compte en effet 35 % de boursiers.
Quatrième constat : c'est une école inclusive où la proportion d'élèves en situation de handicap est très supérieure à celle de l'éducation nationale. Le nombre d'auxiliaires de vie scolaire a été multiplié par six, les crédits dédiés au handicap par sept - ils augmenteront de 26 % en 2020 pour la transformation des contrats aidés en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Cinquième constat, les 15 000 fonctionnaires de l'enseignement agricole méritent d'être salués, encouragés et soutenus. Sans eux, l'enseignement agricole ne serait rien. De même, la fonction publique sans les fonctionnaires marcherait beaucoup moins bien. Nous leur devons les succès de l'enseignement agricole ; je remercie le sénateur Ouzoulias de l'avoir dit dans son intervention. Les directeurs attendaient depuis longtemps un nouveau statut : je m'y étais engagé et c'est chose faite.
Sixième constat : l'enseignement agricole est capable de se réformer, au gré des évolutions de la société, même si cela génère des inquiétudes légitimes. La réforme de l'apprentissage a ainsi conforté nos effectifs avec 1 400 apprentis supplémentaires, soit 4 % d'augmentation. L'enseignement agricole produit 10 % des apprentis de notre pays. C'est un succès, grâce à une communication plus efficace et une plus forte mobilisation des maîtres d'apprentissage. Il faut croire dans les CFA. Les professionnels y ont investi 25 millions d'euros directement : c'est la preuve que la profession y croit.
Oui, la réforme du bac a repris des éléments importants de l'enseignement agricole comme le contrôle en cours de formation, nous pouvons en être fiers.
Sur la question des spécialités, je ne partage pas vos inquiétudes. Les lycées agricoles ne peuvent rivaliser avec les grandes écoles, mais ils peuvent compter sur leurs atouts : le cadre de vie, l'internat, l'ouverture internationale, la possibilité de pratiquer un sport de haut niveau tout en étudiant. C'est une filière d'excellence, avec 93,5 % de réussite au bac en 2018, contre 91,2 % dans l'éducation nationale. (M. Michel Canevet approuve.)
Un dernier constat assombrit malheureusement le tableau : malgré les 855 postes en plus et les 210 classes ouvertes en six ans, le nombre d'élèves avait tendance à baisser : ils étaient 4 000 en moins à la rentrée 2018. Aurions-nous dû fermer des classes ? Je ne m'y suis pas résolu car l'enseignement agricole est une pépite qui va briller encore longtemps. J'ai donc souhaité reconquérir des effectifs. À la rentrée 2019, il y a eu 750 élèves de plus.
Henri Cabanel a raison : l'enseignement agricole doit être un primo-choix. Notre campagne « l'aventure du vivant » a eu dix millions de vues sur Snapchat, le site qui lui est consacré a eu 18 600 visites. La remontée des effectifs est une formidable réponse à l'agribashing. Nous gagnerons le pari de la reconquête et si nous avons plus d'apprenants demain, il y aura plus d'enseignants dans les classes.
Je fais confiance à la gouvernance inclusive des établissements pour étoffer leur offre, sous la surveillance des Directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF). Je crois au terrain car c'est là que ça bouge, mais il faut néanmoins un cadre national.
Cette année nous avons augmenté les seuils du dédoublement de certaines classes pour optimiser les moyens. Nous avons veillé à la sécurité des jeunes. Mais croyez-moi, la principale difficulté que rencontrait l'enseignement agricole, c'étaient des effectifs trop faibles, pas des classes trop chargées. C'est pourquoi nous avons fixé le cap des 200 000 apprenants l'an prochain. Je le crois atteignable aussi bien dans l'hexagone qu'outremer.
À Mayotte et en Guyane, nos effectifs sont en très forte hausse, comme le lycée de Matiti, fondé par Antoine Karam, qui a connu la plus forte augmentation du nombre d'élèves.
Je lancerai très prochainement le plan « Enseigner et produire autrement » qui affirmera l'engagement des jeunes à l'éco-responsabilité. En second lieu, nous allons rénover toutes les formations pour intégrer l'agroécologie et le bien-être animal. Ensuite, nous voulons que toutes les parcelles cultivées dans les lycées agricoles soient biologiques ou certifiées. Enfin, il faudra être exemplaire au niveau de la qualité des repas servis dans nos cantines, avec 50 % de bio.
L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), issu de la fusion de l'Institut national de recherche pour l'agriculture (Inra) et de l'institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), sera le plus gros centre de recherche publique du monde dans le secteur agricole. Je ne partage le pessimisme sur les exploitations de nos lycées agricoles. Les 200 directeurs de ces exploitations, que j'ai réunis récemment, n'ont pas le moral dans les chaussettes. Ils sont prêts à avancer.
Nous n'oublions pas les formations de base, mais il faut intégrer plus d'agroécologie et de bien-être animal, mais aussi du numérique, de la communication, du management et de la gestion puisque les jeunes qui sortent d'un lycée agricole ont vocation à devenir chefs d'exploitation. Il faut remettre le tracteur au milieu du village ! (Sourires)
Il faut encourager les jeunes à aller dans le supérieur. J'adore voir des jeunes issus de milieux populaires le faire grâce à l'enseignement agricole.
Je suis fier de notre enseignement agricole, de ses agents et des jeunes que je rencontre, et je suis conscient de l'ampleur du travail qui reste à accomplir. L'enseignement agricole est sur tous les territoires et doit y rester. Nous devons sortir d'une logique de conservation pour entrer dans une logique d'expansion. L'enseignement agricole doit former plus, doit former mieux, doit former partout !
J'espère que vous m'y aiderez, et que vous aiderez les jeunes à aller dans ces établissements.
Quelques chiffres encourageants pour finir : sur les 450 000 agriculteurs, 150 000 prendront leur retraite dans les dix prochaines années, mais l'an dernier, 12 000 jeunes se sont installés, malgré les difficultés. Nous en sommes presque au renouvellement des générations. Si nous passons cette barre symbolique, nous aurons gagné la plus belle des batailles. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM, RDSE et UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)
Violations des droits humains au Venezuela
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour le renforcement des sanctions adoptées par le Conseil européen contre des responsables des violations des droits humains au Venezuela et pour soutenir les États signataires de l'enquête auprès de la Cour pénale internationale (demande du groupe UC).
Discussion générale
M. Olivier Cadic, auteur de la proposition de résolution . - Cette proposition de résolution a pour objet de renforcer les sanctions contre les responsables des violations des droits humains au Venezuela et de soutenir le dossier déposé devant la Cour pénale internationale par six pays ; les responsables de ces crimes doivent être condamnés. Merci à tous ceux qui ont soutenu ce texte.
Cette proposition de résolution trouve sa source dans l'audition le 29 mai, à l'initiative de Christian Cambon par la commission des affaires étrangères, de Lorent Saleh, prix Sakharov 2017, qui nous a décrit les traitements inhumains qu'il a subis dans une cellule de torture dénommée « la tombe ». Ce cas est hélas loin d'être isolé.
Depuis 2014, 14 471 personnes ont été arrêtées pour des motifs politiques au Venezuela et plus de 400 sont encore en prison aujourd'hui. En 2019, plus de 50 manifestants ont été abattus par les forces de l'ordre ou les Colectivos, nom donné aux groupes paramilitaires. Dans ce pays, la violence est une politique d'État. Quelque 18 000 personnes ont été tuées depuis 2016, selon l'ONU, qui voit dans la violence un « modèle de conduite systématique ».
Nous avons tous reçu une lettre du représentant de Nicolás Maduro en France, qui nie les faits - c'est le propre des régimes criminels. Pourtant, le 4 juillet dernier, la Haute commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet a pointé un « nombre extrêmement élevé d'exécutions extrajudiciaires ». Entre le début et la fin de ce débat, il y aura eu deux morts assassinés pour « résistance à l'autorité ». Ils auront subi le sort de Fernando Albán, jeté du dixième étage par le service d'intelligence militaire du régime, ou d'Edmundo Rada, kidnappé, torturé, assassiné, son corps calciné, au moment même où le Venezuela obtenait son siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
M. Alain Fouché. - Quelle horreur !
M. Olivier Cadic. - Son crime ? Être un leader politique apprécié à Petare, le barrio - le bidonville - le plus grand du pays.
Personne ne doit ignorer que Nicolás Maduro et ses appuis militaires persécutent, font disparaître et massacrent la population vénézuélienne.
Le Venezuela a les réserves pétrolières les plus importantes du monde, avec 297 milliards de barils, selon l'OPEP. Mais l'inflation y a atteint un million de pour cent en 2018 et il en ira de même en 2019. La pauvreté frappe 94 % des Vénézuéliens. Ils subissent de graves pénuries d'eau et de médicaments. Au moins 80 % de la population est en situation d'insécurité alimentaire.
Pourquoi ce pays si riche est-il devenu si pauvre ? Parce que le chavisme s'appuie sur une corruption endémique. Le régime tient car il utilise illégalement des ressources de la forêt amazonienne, dans l'Arco Minero, qui regorge de réserves exceptionnelles en or, diamants, cuivre, fer et coltan. L'exploitation de pierres précieuses se fait avec des substances toxiques et les populations indigènes sont spoliées.
Le Venezuela est un État failli où les groupes criminels font partie des forces de l'ordre. Il est soutenu pour des raisons géopolitiques par des États peu regardants sur les droits de l'Homme : Turquie, Russie, Chine, Iran ou Cuba. En vingt ans de chavisme, 393 milliards d'euros d'actifs issus de la corruption sont sortis du pays, alors qu'il connaît la pire crise humanitaire de son histoire.
Les Vénézuéliens partent massivement. Chaque jour, 5 000 personnes traversent la frontière à la recherche d'une vie digne. Ils sont actuellement plus de 4,5 millions ; d'ici 2020, ils seront plus de 8 millions. C'est plus que le nombre de Syriens ayant quitté leur pays en guerre.
La France doit montrer aux Vénézuéliens qu'ils ne sont pas seuls. Notre pays, puissance de paix, soutient toutes les médiations pour sortir de ce drame par une voie politique, et je souhaite remercier le Gouvernement pour cela. Je salue le travail de Romain Nadal, notre ambassadeur à Caracas. Mais la France, berceau des droits de l'Homme, ne saurait être un sanctuaire pour les responsables des violations des droits de l'Homme.
Des sanctions de l'Union européenne doivent être appliquées sur tout l'espace Schengen. Les autorités doivent être vigilantes sur les liens avec le narcotrafic. Enfin, la France devrait rejoindre les pays signataires de la plainte devant la CPI.
Je salue la présence en tribune de Mme Zubillaga, représentante du président par intérim Juan Guaido.
Je compte sur vous pour voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles des groupes SOCR et CRCE)
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Pierre Laurent . - La crise sociale, économique et politique au Venezuela est grave. Elle laissera des traces pendant de longues années. Mais cette proposition de résolution traduit-elle la contribution attendue de la France ? Nous ne le pensons pas. Elle est caricaturale, comme les propos de M. Cadic.
M. Bruno Sido. - Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
M. Pierre Laurent. - La proposition de résolution apporte un soutien sans faille au président autoproclamé Juan Guaido, alors que son soutien à l'intérieur du pays recule avec les révélations sur ses liens directs avec les tentatives de déstabilisation des États-Unis. La proposition de résolution met aussi en cause la Russie dans une logique de guerre froide. Ne marginalisons pas la France dans la région. La crise politique a débouché sur la violence et les Vénézuéliens payent un prix élevé. Le HCR parle de 3,7 millions de Vénézuéliens ayant quitté le pays. Quelque 80 % des habitants sont sous le seuil de pauvreté.
Après des années de lutte contre la pauvreté, l'affaissement des prix du pétrole a fait reculer l'économie vénézuélienne. Le PIB a baissé de 50 % depuis 2015. Les réponses du pouvoir n'ont pas toujours été appropriées - même les forces qui soutiennent Nicolás Maduro en conviennent. Les attendus de la proposition de résolution ne disent rien du fait que la déstabilisation du pays a été alimentée par les États-Unis, hostiles déjà à Hugo Chavez, qui imposent leurs sanctions extraterritoriales - qui, étonnamment, ne posent problème à personne...
Pourquoi s'en tenir à emboîter le pas aux États-Unis, dont les sanctions ont nourri le désordre dans ce pays, clef de voûte de l'Amérique latine, à travers laquelle les États-Unis frappent Cuba, appuient les gouvernements du Chili et de l'Équateur qui répriment leurs peuples ? Cela fleure bon le retour de la doctrine Monroe en Amérique latine. La France suivra-t-elle ? (Protestations sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains)
Où mène la reconnaissance unilatérale de Juan Guaido, sinon, à la confrontation ? Les élections récentes ont eu des résultats contradictoires : la présidentielle étant remportée par Maduro, les législatives par l'opposition. Sortir de cette situation par la violence, voire la guerre civile, serait un calcul effroyable.
La droite vénézuélienne a ses responsabilités dans les violences. Dans le bassin du lac de Maracaibo - à la frontière avec la Colombie - où elle a remporté l'élection de trois gouverneurs, narcotrafiquants et paramilitaires règnent en maîtres. La tentative de 2016 en toute inconstitutionnalité de la majorité parlementaire de destituer Nicolás Maduro a enflammé la situation. En revanche, le retour des députés de la majorité au sein de l'Assemblée nationale à la faveur d'un accord avec une partie de l'opposition est un premier pas. Le Mexique et l'Uruguay ont proposé leur médiation, comme la Norvège. La France devrait soutenir ces efforts. L'ONU appelle à un dialogue politique inclusif et crédible dans le plein respect de l'État de droit.
Le rapport de Michelle Bachelet pour l'ONU chiffre à 5 000 le nombre de tués par les forces de sécurité en 2018, dans la spirale de violences alors provoquées. Notons à ce propos que 400 membres des forces d'action spéciale sont jugés en ce moment pour ces crimes. Deux représentants de l'ONU ont été autorisés à accéder à tous les centres de détention.
À l'inverse des sanctions de Washington soutenues par cette proposition de résolution, il faudrait soutenir les efforts de dialogue d'où qu'ils viennent.
Cette proposition de résolution ne fait qu'alimenter le portrait caricatural d'une situation complexe. Nous voterons contre.
Mme Catherine Morin-Desailly. - C'est dommage !
M. Alain Fouché . - Nombreux sont les rêves d'inspiration marxiste ou communiste qui ont tourné au cauchemar. Celui du Venezuela promet d'être long et douloureux : près de 15 % de la population a fui le pays et 94 % vit sous le seuil de pauvreté. Bienvenue à Caracas ! Le pays ne parvient pas à sortir de la crise qui a dégénéré lorsque Maduro a proclamé sa réélection au prix d'une fraude électorale. Juan Guaido a ensuite été reconnu par 55 pays comme président par intérim jusqu'à ce que de nouvelles élections présidentielles aient lieu.
Personne ne s'attendait à ce que Maduro quitte le pouvoir de son plein gré. Mais ce qui a surpris, c'est le niveau des violences par lequel il s'y est maintenu. L'ONU dénonce un usage systématique d'une force excessive à l'encontre des manifestants. Depuis 2018, des milliers d'opposants sont arrêtés, torturés, assassinés. Il est insensé qu'un siège ait été accordé au Venezuela de Maduro au sein du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
Quels sont les soutiens du régime de Maduro ? Corée du Nord, Turquie, Chine, Russie, Bolivie d'Evo Morales - expert en victoires électorales - telle est l'équipe de choc de la démocratie qui est au chevet du Venezuela. Dormez tranquilles, braves gens !
Jean-Luc Mélenchon s'en est donné à coeur joie, soutenant ces régimes autoritaires, oubliant, dans un délire de révolutionnaire de salon, que s'il avait été opposant politique à Caracas, il aurait peut-être été défenestré du dixième étage comme Fernando Albán.
En janvier puis en août, les États-Unis ont décrété de lourdes sanctions, pariant sur le soulèvement de la population ou de l'armée - avec plus de tweets que de résultats pour l'instant.
Le Conseil européen a infligé des sanctions au régime. Certains les ont dénoncées qui aggravent la crise humanitaire. Mais fallait-il laisser ce peuple sombrer dans la misère et la torture ? (M. Bruno Sido renchérit.) Les Vénézuéliens ont le droit de choisir librement leurs dirigeants. Les sanctions économiques inciteront le régime à négocier. Nous ne croyons pas à l'action violente et les atteintes aux droits de l'Homme doivent cesser. La procureure de la CPI a ouvert une enquête préliminaire pour violation des droits de l'Homme et crime contre l'humanité. L'action prendra du temps, mais on ne peut que la soutenir.
Nous sommes nombreux à avoir signé cette proposition de résolution pour aider un peuple opprimé, maltraité dans des conditions scandaleuses, et je ne comprends pas que tous ne s'y associent pas. Mais nous ne pouvons pas faire mieux que des sanctions économiques. Les Indépendants voteront cette excellente résolution. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles des groupes SOCR et CRCE)
M. Olivier Cigolotti . - Syrie, Sahel, détroit d'Ormuz, Corée du Nord, Algérie, Liban, Chili... Les foyers de crise sont si nombreux et complexes qu'ils nous font oublier ceux qui perdurent depuis longtemps. Cette proposition de résolution remet sur le devant de la scène le Venezuela.
Il n'a pourtant jamais été aussi urgent de venir en aide à ce pays qui a longtemps été la nation la plus prospère et développée de l'Amérique latine, avec Caracas comme perle du continent, et qui s'enfonce dans une crise humanitaire sans précédent depuis que le pays a détruit son économie en soumettant toute son économie au prix du baril de pétrole.
Alors que crise politique et crise économique se nourrissent l'une l'autre depuis maintenant des années, des vents contradictoires soufflés par la communauté internationale viennent attiser les braises.
Quelle ironie que cette crise ait réactivé un clivage stratégique que l'on croyait disparu depuis les années 1990 ! Alors que Juan Guaido est en effet reconnu par le Groupe de Lima, les États-Unis et la quasi-totalité de l'Union européenne, Maduro, lui, a pour soutien la Chine, la Russie, la Turquie, l'Iran, le Nicaragua et Cuba : que du beau monde !
Les Vénézuéliens souffrent et s'exilent en nombre vers les pays voisins : 10 % d'entre eux sont déjà partis, parce qu'ils ne supportent plus les pénuries de médicaments, les coupures d'eau et d'électricité, l'inflation qui se compte en millions de pourcents et l'insécurité croissante.
La France n'est pas restée indifférente et a durci sa position à l'égard de Maduro. En 2018, elle a apporté son soutien à la demande d'ouverture d'une enquête par la CPI à l'encontre de Maduro par cinq États d'Amérique latine et du Canada. Elle a reconnu Guaido comme président chargé de la mise en oeuvre d'un processus électoral dès le 4 février 2019.
L'Europe n'est pas non plus restée les bras croisés, comme en témoigne la conférence internationale tenue récemment à Bruxelles. Cette proposition de résolution va dans le bon sens. L'État français doit soutenir la procureure de la CPI Fatou Bensouda pour que soient condamnés les auteurs de violation des droits humains.
Pour la première fois, des États et non plus des individus, ont porté plainte contre un autre État devant la Cour pénale internationale. La France a déclaré son soutien à cette démarche, mais n'a pas signé la plainte. Pourquoi ne l'a-t-elle pas encore fait, madame la ministre ?
Le groupe UC soutiendra cette proposition de résolution et espère que le Gouvernement saura l'entendre. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles des groupes CRCE et SOCR)
M. Bruno Sido . - Le Venezuela est plongé dans une descente aux enfers sans fin. Les Vénézuéliens vivent une situation dramatique. L'impasse est totale. Les pénuries de nourriture, les difficultés d'accès aux soins, les coupures d'électricité rendent la vie insupportable. Il ne s'agit plus de vivre, mais de survivre : 7 millions de Vénézuéliens ont besoin d'une assistance humanitaire, un quart des enfants souffre de malnutrition.
Cette situation est le résultat d'une gestion catastrophique du pays, d'un manque d'investissement, d'une corruption aggravée, qui durent depuis des années.
Les habitants fuient massivement le pays. 10 % de la population l'a déjà fait et les départs continuent, malgré la fermeture des frontières. L'exode massif est sans précédent et dangereux, notamment pour les mineurs isolés, victimes de passeurs, condamnés à vivre dans la rue.
À cela s'ajoutent les risques de déstabilisation régionale. La Colombie, premier pays d'accueil avec près de 1,5 million de réfugiés, est elle-même confrontée à des difficultés économiques et doit mener à terme son fragile processus de paix.
L'Union européenne et la France ne sont pas restées inactives, agissant via le Haut-Commissariat aux réfugiés, la Croix-Rouge ou Médecins du Monde. Mais le régime de Maduro entrave l'arrivée de l'aide internationale. Il démantèle les contre-pouvoirs et fait subir à son peuple des arrestations arbitraires, tortures, violences, exécutions. Selon le Gouvernement Maduro lui-même, plus de 1 500 personnes auraient ainsi été tuées pendant les six premiers mois de 2019 et plus de 800 personnes seraient détenues arbitrairement. La commission des affaires étrangères a reçu le bouleversant témoignage de Lorent Saleh, prix Sakharov 2017. Comment comprendre l'entrée du Venezuela dans le Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies il y a deux semaines ?
La solution politique est la seule issue, mais nous ne voyons aucun signe d'espoir. Les différentes tentatives de médiation, dont celle d'Oslo, sont au point mort. Le régime entretient un simulacre de dialogue avec une opposition minoritaire. Il faudrait une élection présidentielle libre et transparente dans le cadre d'une transition négociée pour sortir de cette crise.
Pas moins de 24 pays de l'Union européenne ont reconnu Juan Guaido comme président par intérim. La population est désespérée et n'a pas d'autre choix que de reprendre le chemin de la rue.
Il faut accroître les sanctions. Le 25 septembre, des sanctions individuelles ont été prises par l'Union européenne contre sept membres des forces de sécurité, ce qui porte à 25 le nombre de responsables qui ont fait l'objet d'interdictions de visas et de gels d'avoirs.
Cette proposition de résolution appelle la France à appliquer strictement ces sanctions et à rejoindre les pays ayant engagé la procédure devant la Cour pénale internationale. Ce serait une reconnaissance du drame vécu par les Vénézuéliens et le signal de la fin de l'impunité pour les crimes commis.
Si la France, pays des Droits de l'Homme, s'y associait, ce serait un acte fort. Pendant ce temps, Maduro continue à opprimer son peuple, sans faiblir, et se permet de soutenir les manifestants en Équateur et au Chili. Notre groupe Les Républicains votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles des groupes CRCE et SOCR)
M. Rachid Temal . - La crise que connaît le Venezuela a débuté il y a six ans à la mort de Chavez. La contestation de la désignation de Maduro comme son héritier a pris une dimension nouvelle lorsque l'opposition a remporté en 2015 les élections et que Juan Guaido s'est proclamé président par intérim le 23 janvier 2019. Les contre-pouvoirs ont alors été démantelés, la population étant à la fois otage et victime. La crise a ouvert une situation d'une gravité sans précédent d'un point de vue humanitaire avec 1 557 personnes décédées entre novembre 2018 et février 2019 à cause d'une défaillance des hôpitaux et 95 % des Vénézuéliens vivent sous le seuil de pauvreté - un comble dans un pays si riche.
Les droits de l'Homme sont maltraités, les députés de l'opposition poursuivis et les manifestations réprimées dans la violence. Le Gouvernement vénézuélien évoque 1 500 morts au cours d'opérations de sécurité et 66 personnes seraient décédées dans les manifestations depuis janvier.
Face à cette situation, il y a deux options. Celle des États-Unis, qui accentuent sans cesse leurs sanctions, ce qui ne fait qu'aggraver la situation humanitaire des Vénézuéliens. Ces sanctions ont été intensifiées par Trump, qui n'excluait pas une intervention militaire. Cette stratégie repose sur le pari qu'un soulèvement populaire pourrait renverser le régime Maduro. Ce pari semble perdu, le régime ayant le soutien de l'armée et de certaines puissances étrangères.
L'autre option, celle de l'Union européenne, est celle de l'aide humanitaire et la tenue d'élections démocratiques. Dans ce but, elle a formé un groupe de contact international et une tentative de médiation s'est tenue en Norvège récemment.
Évitons le manichéisme : nous condamnons le régime Maduro qui fait fi des règles élémentaires de la démocratie. (M. Bruno Sido s'en réjouit.) Pour autant, considérer que Guaido serait l'incarnation du bien contre le mal ne va pas de soi. Notons d'ailleurs qu'il peine à maintenir l'unité de l'opposition dont une partie a passé un accord avec Maduro.
Des interrogations se profilent sur les liens qu'il entretient avec des organisations paramilitaires. Cependant, nous ne mettons pas sur le même plan Guaido et Maduro.
L'Union européenne a adopté de nouvelles sanctions comprenant l'interdiction de pénétrer sur son territoire et le gel des avoirs des dirigeants vénézuéliens impliqués dans des violences.
Michelle Bachelet a remis un rapport sans concession sur l'état du droit au Venezuela et les actes de violence qui y sont commis. Le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a ouvert, le 27 septembre dernier, une enquête sur les violations des droits de l'Homme depuis 2014 au Venezuela. Celui-ci, de façon surréaliste, a obtenu un siège à ce même conseil pour la période 2020-2022 !
Le groupe votera cette proposition de résolution, malgré ses manques. Il faut en effet réaffirmer ce qu'est notre boussole : le droit de chaque peuple de choisir librement et démocratiquement son destin.
Il faudrait ajouter dans cette proposition de résolution le soutien de la France à des élections libres et transparentes, à tout processus de médiation pour sortir de la crise et aux programmes humanitaires dans et hors du Venezuela.
Nous aurions aimé que ces trois points soient, sinon inscrits dans le texte, du moins rappelés par l'ensemble des membres de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)
M. Guillaume Arnell . - La situation politique au Venezuela réveille le souvenir des années de plomb dans les décennies soixante et soixante-dix en Amérique latine. Le Venezuela s'en était démarqué, instaurant dès 1958 une longue tradition républicaine.
Nicolas Maduro a été réélu en 2018 dans des conditions que nous savons troubles. La France l'a déploré, à juste titre. Amnesty International et le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ont dressé un bilan sans appel des violences : arrestations arbitraires, exécutions extrajudiciaires par centaines. Plus de 4 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays en cinq ans. La Colombie a ouvert ses frontières, mais la coopération régionale se dégrade. Par crainte de déstabilisation, Chili, Pérou, Équateur ont durci les conditions d'entrée. Une dégradation plus globale, qui n'est pas à exclure, pourrait toucher nos territoires d'outre-mer de la région dont Saint-Martin.
Le groupe RDSE soutient toute initiative destinée à la reprise du dialogue entre le gouvernement et l'opposition et pour la défense des libertés fondamentales. Mais les moyens de pression internationale sont limités : une fois de plus, la Russie et la Chine ne suivent pas. Une ingérence directe n'est pas souhaitable.
L'indécence s'est invitée le 17 octobre au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, quand le Venezuela y a obtenu un siège alors même qu'en septembre, ce conseil a diligenté une enquête sur les violations des droits de l'Homme au Venezuela. Cela devrait nous faire réfléchir sur le fonctionnement des institutions multilatérales.
Intervention inenvisageable, pressions onusiennes limitées ; restent les sanctions que la proposition de résolution appelle à renforcer. Le groupe RDSE la soutient, même si les sanctions n'ont pas toujours la portée espérée.
Le président Wilson estimait qu'une « nation boycottée est une nation en voie de capitulation » et que le boycott était un moyen de parvenir à la paix évitant le recours à la force ; pourtant l'Irak n'a pas été épargné et l'Iran, la Corée du Nord, la Russie se sont à peine émus des sanctions qu'on leur a infligées.
Notre responsabilité est d'apporter une aide humanitaire à tous les Vénézuéliens. Nos collègues appellent à une sanction rigoureuse par la CPI. Le tribunal suprême du Venezuela est dominé par des proches du régime : justice doit être apportée aux Vénézuéliens au plan international.
Le renoncement n'est pas dans les gènes de notre République. Le groupe RDSE votera cette proposition de résolution. Le respect des droits de l'Homme a toujours été au coeur de l'action internationale de la France. Madame la ministre, le groupe RDSE vous soutiendra dans toutes vos initiatives en faveur du Venezuela, n'en déplaise à l'ambassadeur en France de la République bolivarienne du Venezuela. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Bernard Cazeau . - Le Venezuela est depuis six ans le théâtre d'une crise économique effroyable : effondrement de la rente pétrolière - la production a chuté de 40 % en 2018 - engendrant une hyperinflation - plus de 8 millions de pour cent en 2019. Crise humanitaire ensuite : le système de santé s'est effondré, 3,7 millions de citoyens seront touchés par la malnutrition, 300 000 en grave danger par manque de médicaments.
Enfin, c'est l'une des pires crises migratoires à l'échelle mondiale. Plus de 4 millions de Vénézuéliens ont fui, sans compter les déplacés intérieurs.
Les opposants politiques sont la cible d'attaques impunies : aucune enquête judiciaire n'a été diligentée.
Il faut trouver une solution politique au conflit, intégrant toutes les parties. Nicolas Maduro a utilisé tous les subterfuges : mise en oeuvre inconstitutionnelle d'une assemblée constituante de citoyens pour dépouiller le Parlement de son pouvoir législatif, notamment. Conformément à la Constitution vénézuélienne, il revenait à Juan Guaido, président du Parlement d'assurer la présidence par intérim en attendant des élections libres.
Semer la confusion, créer la précarité alimentaire et énergétique, obtenir, suprême cynisme, un poste au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU : Maduro n'a reculé devant rien.
La France s'est engagée à apporter une aide humanitaire d'1,3 million d'euros en deux ans pour les Vénézuéliens et les pays voisins du Venezuela qui les accueillent. Il n'est plus possible de faire l'apologie du modèle chaviste. Les Vénézuéliens sont les cobayes d'une dictature populiste où les adversaires politiques sont désignés comme ennemis du peuple. Le pouvoir vénézuélien est un pouvoir autoritaire et agressif, incompétent et corrompu.
La seule issue, pour nous, démocrates, est de rendre la parole à ce peuple. Le groupe LaREM votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; M. Bruno Sido applaudit également.)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Nous sommes comme vous très préoccupés par la situation au Venezuela. Vous avez à bon droit salué notre ambassadeur, Romain Nadal, dont le travail nous fait honneur.
Au Venezuela, quelque 10 à 14 millions de personnes ont besoin d'assistance alimentaire. Quelque 7 millions de personnes auront quitté le pays d'ici à la fin 2020. Il est essentiel que les acteurs humanitaires aient accès au terrain.
Sur le plan politique, le processus de médiation d'Oslo a été ajourné le 15 septembre. France et Union européenne portent le même message : seule une issue pacifique et négociée, avec des élections présidentielles crédibles, est envisageable.
Le groupe de contact où siège la France s'est réuni cette semaine ; il appelle à l'élaboration d'une feuille de route sur les garanties à mettre en oeuvre pour une solution politique.
Tout recours à la force, d'où qu'il vienne, de l'intérieur comme de l'extérieur, doit être rejeté.
Mme Michelle Bachelet, dans son rapport présenté en juillet, a dénoncé des exécutions extrajudiciaires. La France l'appuie sans réserve et condamne les violences à l'encontre d'élus comme Edmundo Rada, membre du parti Voluntad Popular, mort le 16 octobre dernier. Elle demande que toute la lumière soit faite sur ce drame.
La France veillera avec rigueur à la façon dont le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies mènera à bien sa mission avec le Venezuela parmi ses membres.
L'enquête préliminaire de la CPI est soutenue sans réserve par la France. En septembre 2018, le Canada et les États latino-américains ont demandé au procureur d'ouvrir une enquête sur la commission de crimes contre l'humanité. Le président de la République est clair sur le sujet. Au-delà du cas du Venezuela, cela illustre comment les États s'approprient le Statut de Rome pour lutter contre l'impunité. C'est en effet la première fois qu'un groupe de pays défère un État lié par le Statut devant la CPI.
Nous suivons avec attention la procédure menée à la CPI par Fatou Bensouda. Le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a constitué une mission de vérification des faits, que nous soutenons également. En outre, le rapport de la Haut-Commissaire de l'Union européenne en juillet a mené à une enquête sur place.
Vous avez évoqué de possibles liens avec le narcoterrorisme. L'Union européenne a prononcé un embargo sur tout équipement susceptible de faciliter la surveillance ou la répression. La France l'applique strictement.
Nous maintenons aussi notre soutien aux structures annoncées au niveau européen : le 27 septembre, sept nouvelles personnalités étaient ciblées, avec un gel des avoirs et une interdiction d'entrée sur le territoire européen, donc français.
Notre position associe appui aux négociations et sanctions accrues.
Le Gouvernement soutient votre proposition de résolution. En revanche, si nous avons pleine confiance dans la CPI pour établir les faits, le processus doit être accepté par toutes les parties. Une fois les faits établis par la CPI, nous évaluerons l'opportunité d'aller plus loin.
Je vous remercie de votre engagement en faveur des valeurs de liberté et de fraternité. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)
La discussion générale est close.
Vote sur l'ensemble de la proposition de résolution
À la demande du groupe UC, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°20 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 324 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance, mardi 5 novembre 2019, à 14 h 30.
La séance est levée à 21 h 5.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du mardi 5 novembre 2019
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
1. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, d'orientation des mobilités (n°730, 2018-2019)
2. Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2019-235 du 27 mars 2019 relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l'urbanisme de Saint-Martin (procédure accélérée) (n°594, 2018-2019)
3. Proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, présentée par Alain Milon (procédure accélérée) (n°16, 2019-2020)
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°20 sur l'ensemble de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour le renforcement des sanctions adoptées par le Conseil européen contre les responsables des violations des droits humains au Venezuela et pour soutenir les États signataires de l'enquête auprès de la Cour pénale internationale
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 339
Suffrages exprimés : 339
Pour : 324
Contre : 15
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, président de séance
Groupe SOCR (71)
Pour : 71
Groupe UC (51)
Pour : 51
Groupe RDSE (23)
Pour : 23
Groupe LaREM (23)
Pour : 23
Groupe CRCE (16)
Pour : 1 - Mme Esther Benbassa
Contre : 15
Groupe Les Indépendants (13)
Pour : 13
Sénateurs non inscrits (7)
N'ont pas pris part au vote : 7 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, M. Xavier Iacovelli, Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier