Lutte contre les contenus haineux sur internet (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
Rappel au Règlement
M. Pierre Ouzoulias . - Cette proposition de loi est celle du Gouvernement, qui l'a défendue fortement. Opter pour une proposition de loi permet d'éviter l'étude d'impact. Selon l'article 8 de notre Règlement, celle-ci expose l'articulation du texte avec le droit européen, l'application sur le territoire national et les modalités d'adoption dans le temps des dispositions envisagées - autant de points sur lesquels nous aurions eu besoin d'éclairage.
L'avis de la Commission européenne n'a pas été transmis au Parlement, qui en a pris connaissance par la presse. C'est une forme d'obstruction. (M. David Assouline et Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudissent.)
Discussion générale
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Rares sont les textes qui répondent à un besoin aussi pressent, à une demande aussi forte de nos concitoyens.
Les événements de Noisiel, fin novembre, ont rappelé que si internet est un formidable vecteur de démocratie et de connaissance, il est aussi synonyme du pire. Menaces de mort, injures homophobes, banalisation du racisme et de l'antisémitisme : la haine y a libre cours, les premières victimes en sont les plus jeunes, les plus fragiles, les minorités.
Ceux qui profèrent les injures n'y voient que des mots sans importance ; pour ceux qui les reçoivent, ce sont des blessures dont les conséquences peuvent être tragiques. Des adolescents ont été poussés au suicide par le harcèlement subi sur les réseaux sociaux. Cette violence fragilise notre lien social.
La douleur des victimes est amplifiée par l'impuissance à faire supprimer les contenus et par l'impunité des auteurs. La victime de Noisiel a préféré fuir la France. Quel échec !
L'État porte une lourde responsabilité, lui dont le rôle premier est de protéger les citoyens.
Nos démocraties doivent apporter des gages clairs de leur capacité à faire respecter l'état de droit sur internet, faute de quoi les citoyens se tourneront vers des régimes plus autoritaires.
M. Bruno Retailleau. - Voilà un argument intéressant.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - C'est pourquoi le président de la République a confié à Lætitia Avia l'élaboration de cette proposition de loi, longuement murie - rapport Avia-Amellal-Taieb, mission auprès de Facebook, concertation avec la société civile et nos partenaires étrangers. Au-delà de nos divergences, je salue le travail des rapporteurs du Sénat.
Le parcours parlementaire du texte a précisé les trois objectifs du Gouvernement. D'abord, mieux outiller les autorités judiciaires pour lutter contre l'impunité des auteurs. La garde des Sceaux a annoncé la spécialisation d'un parquet sur les enjeux numériques et le déploiement des dispositifs de plainte en ligne.
Ensuite renforcer les responsabilités des plus grandes plateformes et surtout les rendre opérationnelles, à travers une obligation de moyens et une véritable supervision.
Enfin, mieux former, sensibiliser et éduquer contre la violence en ligne, notamment grâce à un Observatoire de la haine en ligne.
Le risque de sur-censure est bien sûr au coeur de nos préoccupations, c'est pourquoi l'Assemblée nationale a renforcé les garde-fous. Entre protection des victimes et respect vigilant de la liberté d'expression, il faut tenir une ligne de crête.
À l'article premier, le Sénat a supprimé la référence aux 24 heures - ce qui me semble excessif. Nous y reviendrons dans le débat.
La Commission européenne a soulevé des questions juridiques sur l'articulation avec le cadre réglementaire européen. Je salue le travail de votre commission des lois sur ce volet. Nous nous inscrivons pleinement dans une perspective européenne, mais une vraie régulation à ce niveau prendra des mois ; or il y a urgence à agir.
Les travaux menés en France sont observés avec intérêt à l'étranger, car ils jettent les bases d'une régulation agile, ferme et dissuasive. La nouvelle supervision des grandes plateformes est la clé d'une régulation plus ambitieuse du numérique. Nul doute que votre commission de la culture sera en phase avec notre volonté de demander des comptes aux géants du numérique.
Jamais la haine en ligne n'a été aussi destructrice, jamais le sentiment d'impunité aussi répandu. Je n'ignore pas le chemin à accomplir, mais nous sommes déterminés à bâtir, avec le concours du Sénat, un texte conforme à l'objectif initial, juridiquement robuste et équilibré.
Hommage à une délégation jordanienne
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs et M. le ministre se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d'honneur, d'une délégation du Sénat du Royaume hachémite de Jordanie, conduite par son président M. Fayçal Al-Fayez et composée de quatre sénateurs du groupe d'amitié présidé par Mme Haifa Najjar. La délégation est accompagnée par notre collègue Cyril Pellevat, président du groupe d'amitié France-Jordanie.
La délégation est en France jusqu'au 19 décembre, pour une visite d'étude consacrée notamment aux questions d'éducation et de santé. Elle a été reçue hier en audience par le président Larcher et s'est entretenue ce matin avec la secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées. Elle rencontrera en fin de journée les sénateurs de la commission des affaires sociales, présidée par Alain Milon.
Le Sénat français entretient d'excellents rapports de confiance et d'amitié avec le Sénat jordanien. Rapports qui ont vocation à s'intensifier dans le cadre de notre relation bilatérale qui s'est développée autour de deux priorités : la sécurité et l'économie.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat jordanien, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements)