Projet de loi de finances pour 2020 (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2020.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - L'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances est toujours un exercice particulier et cette année ne fait pas exception. La CMP n'est pas parvenue à un accord.
Quelque 111 amendements, soit un peu moins d'un quart, ont été adoptés conformes.
Les crédits des cinq missions que vous avez rejetées (Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, Justice, Sécurité, Immigration, asile et intégration), ce qui a réduit artificiellement le solde budgétaire de 52,7 milliards d'euros, mais ce n'était ni souhaitable ni crédible, ont été, sans surprise, rétablis par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement.
D'autres ajustements étaient nécessaires, puisqu'à l'issue de l'examen de la première partie au Sénat, le solde avait été dégradé par le Sénat de plus de 4 milliards d'euros.
Le Gouvernement proposait, par souci de simplification et de clarification, de réduire les dépenses fiscales inopérantes. Il s'oppose par exemple au relèvement du plafond de la déduction pour les oeuvres d'artistes vivants.
Le Gouvernement se félicite que certaines dispositions que vous aviez ajoutées aient été conservées, telle l'exonération de taxe d'habitation des Ehpad.
Nous avons repris d'autres mesures de simplification, que vous aviez proposées, par exemple, sur la fiscalité des jeux.
L'article 3 conserve le critère occasionnel introduit par le Sénat. L'Assemblée nationale n'a pas souhaité repousser la réforme de la taxe d'habitation à l'article 5 mais nous nous engageons à fournir des simulations extrêmement précises.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - Vous nous donnerez les tableaux... après le vote !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Le projet de loi de finances pour 2021 apportera les correctifs nécessaires contre les effets de bord de la réforme. Ainsi, un groupe de travail du comité des finances locales (CFL) est d'ores et déjà prévu dès mi-janvier pour aborder les conséquences de la réforme fiscale sur les indicateurs de ressources utilisés pour le calcul des dotations et des fonds de péréquation.
Nous avons renforcé le soutien à l'apprentissage avec 50 millions d'euros supplémentaires, répartis au prorata des primes d'apprentissage pour 2020 et 2021, avec un abondement spécifique de 11 millions d'euros pour les régions des Pays de Loire, Centre-Val de Loire et Guyane.
Le Gouvernement souhaite poursuivre la concertation sur le parc privé, afin de favoriser le renouvellement des engins, moins polluants, dans le secteur des travaux publics. Les contrôles sur le terrain seront renforcés, ainsi que les responsabilités des donneurs d'ordres, avec la création d'un registre des travaux relevant du secteur des travaux publics réalisés par les entreprises agricoles,
La reprise des plus-values fiscales nous conduit à rehausser les prévisions de recettes de 1,4 milliard d'euros, en raison du dynamisme des prestations sociales. En dépense, nous revalorisons de 750 millions d'euros les crédits consacrés à la prime d'activité et à l'allocation aux adultes handicapés.
Le déficit de l'État augmente donc légèrement de 93 millions d'euros pour s'établir à un peu plus de 93 milliards d'euros selon nos dernières prévisions, maintenues à 2,2 % du PIB, dans la continuité de notre action depuis deux ans.
Nous vous soumettrons des amendements de crédits allant dans le sens d'une plus grande sincérité des comptes.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - La CMP n'a pas pu aboutir favorablement. Il restait 282 articles en discussion. Nous en avions adopté 110 dans les mêmes termes en première lecture. L'Assemblée nationale a partiellement entendu le Sénat sur sa position initiale à l'article 3 sur la domiciliation fiscale des dirigeants d'entreprises dont l'État est actionnaire. Elle a maintenu l'exclusion du président du conseil de surveillance et du président du conseil d'administration lorsque ce dernier n'assume pas la fonction de président-directeur général.
Confirmant le vote du Sénat, l'Assemblée nationale est revenue sur la suppression de la taxe sur les spectacles perçue au profit de l'Association pour le soutien du théâtre privé ainsi que sur le bornage dans le temps de l'exonération d'impôt sur le revenu des gains nets réalisés lors des cessions à titre onéreux de titres de sociétés de capital-risque.
Elle a conservé le taux de TVA à 5,5 % pour le logement social, prévu à l'article 8 ; la réduction d'impôts pour les investissements au sein des foncières solidaires, créée à l'article 58 quater ; l'exonération de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs, introduite par un amendement de Roger Karoutchi à l'article 62.
Elle a rejoint le Sénat sur l'essentiel des modifications techniques à l'article 68 et confirmé la suppression de plusieurs articles proposés par le Sénat dont l'article 59 undecies. Malheureusement, l'Assemblée nationale a aussi rétabli beaucoup de mesures que nous avions rejetées.
Je regrette que le Gouvernement ait renoncé à rétablir les comptes publics et à réaliser des économies. On n'a jamais été aussi éloigné des règles européennes. L'État a aussi renoncé à baisser ses effectifs. Je regrette que l'Assemblée nationale ait rejeté nos propositions d'économies en dépenses. L'Assemblée nationale a également rétabli des mesures auxquelles le Sénat s'était fermement opposé, sur le mécénat d'entreprise, sur le financement de la société du Grand Paris et conservé assez peu de nos amendements sur les articles les plus emblématiques, notamment l'article 5.
Alain Richard, membre du groupe LaREM, avait pourtant appelé le Gouvernement à retenir la position du Sénat, adoptée à une large majorité, sur le schéma de financement des collectivités territoriales à la suite de la suppression complète de la taxe d'habitation.
Je regrette le rejet de la position du Sénat sur la revalorisation des valeurs locatives mais aussi sur la compensation intégrale des exonérations sur le foncier bâti.
Nous avions jugé que la fiscalité prétendue écologique était en réalité de rendement. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale sont revenus sur l'article 19. Les transporteurs routiers français seront donc désavantagés.
L'Assemblée nationale a supprimé toutes les mesures d'accompagnement au transport aérien et refusé tous nos aménagements à l'article 4 sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE).
L'Assemblée nationale a adopté, en nouvelle lecture, un amendement du Gouvernement refusé par le Sénat qui augmente la dotation particulière élu local financée pour moitié par les départements et pour moitié par les régions.
L'Assemblée nationale a aussi rejeté, parmi les mesures que nous avions adoptées à la quasi-unanimité, notre dispositif de lutte contre l'abus d'arbitrage des dividendes - nous en reparlerons, comme l'illustre le procès retentissant qui a eu lieu en Allemagne.
Je regrette aussi la position de l'Assemblée nationale sur le loto du patrimoine.
L'Assemblée nationale a aussi rétabli les ordonnances sur le transfert des missions des douanes vers la DGFiP.
Les sujets de désaccord restent nombreux. Ils sont tels qu'une nouvelle lecture complète n'aurait pas de sens. (M. Olivier Dussopt, ministre, sourit.)
Si le Gouvernement était prêt à nous suivre, je retirerais ma motion tendant à opposer la question préalable...(Sourires) Cependant, mon expérience me conduit à dire que le Sénat ne sera pas écouté tout de suite, mais aura pour seul tort, comme à chaque fois, d'avoir raison trop tôt. Nous serons patients. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Éric Bocquet . - Tout a été dit, argumenté, documenté, défendu, tranché. Je ne referai pas le débat financier, pendant les cinq minutes qui me sont imparties... La question préalable nous renvoie étrangement à notre situation initiale puisque Pascal Savoldelli, dès le début du débat budgétaire, en avait défendu une, certes sur des fondements bien différents.
En effet, la présente motion n'est qu'un pâté d'alouettes : une alouette de justice, un cheval d'injustice !
La compensation à l'euro près de la suppression de la taxe d'habitation nous convient, comme le taux de TVA réduit à 5,5 % pour le logement social. Mais nous condamnons la suppression du dispositif sur les arbitrages de dividendes - représentant 3 milliards à 5 milliards d'euros chaque année.
La question préalable comporte des points rédhibitoires. Elle s'appuie sur le carcan budgétaire, la hausse des prélèvements obligatoires et la baisse des effectifs publics. Ce budget presque de droite ne saurait déplaire à la majorité sénatoriale. Mais il semble qu'il y ait quelques nuances entre vous...
Pour le reste, ici comme à l'Assemblée nationale, nos amendements de justice fiscale et sociale ont été pareillement rejetés. Il y a eu consensus sur nombre de points dont le non-rétablissement de l'ISF. La réforme des retraites s'appuie sur la même philosophie, vers une capitalisation à terme. C'est symptomatique de l'affaiblissement de l'État.
Renvoyons donc dos à dos les auteurs de ce budget libéral à deux voix : nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Joël Guerriau . - Cette année encore, une motion opposant la question préalable a été déposée par la commission des finances, ce qui nous prive d'un examen détaillé du projet de loi de finances en nouvelle lecture.
Nous y sommes opposés, par principe, en, dépit des contraintes de calendrier qui ont dû inspirer les auteurs de la motion. Un principe de réalité s'impose : ce budget va, globalement, dans le bon sens. Nous saluons les efforts de maîtrise des comptes publics, même si nous aurions souhaité qu'ils soient plus importants.
Pourtant, les réserves ne manquent pas. Et pour cause, puisque la chambre des territoires a légitimement à coeur de porter leurs revendications, et d'examiner ce budget sous l'angle de la fiscalité locale.
Le groupe Les Indépendants ne soutient pas le report dans le temps d'une réforme des ressources des collectivités territoriales. L'Assemblée nationale aurait pu sur ce point se ranger à la sagesse du Sénat. La rationalisation du mécénat laisse voir une approche trop comptable qui risque de tarir des ressources qui manquent déjà. Il est dommage que l'Assemblée nationale ait dédaigné les aménagements que nous avions votés à la quasi-unanimité.
Notre groupe a été force de propositions pour que les collectivités territoriales s'engagent dans la transition écologique - ainsi via le FCTVA ouvert à la location de véhicules électriques et hybrides, réponse apragmatique et concrète à un besoin exprimé par les élus locaux. Mais notre amendement a été, lui aussi, hélas, repoussé.
Nous soutenions la position de sagesse de la commission sur la taxe forfaitaire sur les CDD d'usage. En vain ! Le budget affiche un recul du déficit nominal. Heureusement, les budgets régaliens sont sanctuarisés. Le budget de la mission « Défense », dont j'étais l'un des rapporteurs, a été voté, en responsabilité pour nos forces armées, et il respecte la loi de programmation militaire.
Le groupe Les Indépendants soutient une politique ambitieuse de réduction des dépenses publiques, tant qu'elle n'obère pas les missions régaliennes de l'État.
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Autant tuer le suspense tout de suite, le groupe UC votera dans sa grande majorité la question préalable, (M. Jean Bizet s'en réjouit.) grâce aux modifications, que M. le rapporteur général a acceptées, et qui nous font partager la quasi-totalité des considérants, à quelques nuances près, sans lesquelles nous ne serions pas centristes...(Sourires)
Le sentiment qui domine, à l'issue de cette discussion budgétaire, c'est la frustration : oui, nous sommes frustrés ! Tout ça pour ça ! Autant d'heures de travail en commission et en séance publique pour un résultat aussi maigre ? Doit-on se réjouir d'un record du projet de loi de finances sous la Ve République, en termes de volume, avec 396 articles ? Non !
Je crois que la loi n'en est pas plus claire, à cause de cet effet secondaire de la fin du cumul des mandats, qui mène à une inflation d'amendements. Certes, plusieurs de nos amendements ont été balayés d'un revers de main. Nous n'avons toujours pas de mécanisme pour mesurer efficacement l'impact budgétaire des dispositions que nous proposons. La forteresse de Bercy est restée inviolable. Nous évaluons donc nos chiffrages avec les moyens du bord pour nous entendre dire en séance que nos amendements sont trop ambitieux - au mieux.
Troisième frustration, le rejet de nos propositions de fond. Cela fait quatre ans que je fais adopter un amendement sur la fiscalité des plus-values immobilières, en vain. J'espère tout de même que les graines que nous semons ici finiront par germer.
Autre frustration, celle de ne pas voter un budget autre que bancal, avec cinq missions régaliennes supprimées par le Sénat, dont l'agriculture, la justice, la sécurité ou l'écologie, excusez du peu ! Quand on n'est pas d'accord avec un budget, il faudrait pouvoir l'amender.
M. Philippe Dallier. - C'est impossible !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Il faut supprimer la LOLF !
M. Vincent Éblé, président de la commission. - C'est infantilisant.
M. Vincent Delahaye. - Il faut aussi sortir de la logique selon laquelle un bon budget ne saurait être qu'en augmentation. Nous n'avons jamais dépensé autant, et l'insatisfaction des citoyens et des agents des services publics n'a jamais été aussi grande. (M. Jean Bizet le confirme.)
Cessons donc de distribuer de l'argent que nous n'avons pas ! Qu'en est-il des 17 milliards d'euros pour les gilets jaunes l'an dernier ? Où sont-ils passés sinon dans la consommation ou dans une épargne à taux zéro, qui ne rendent pas les gens plus heureux ? N'oublions pas que l'État est fauché !
Compte tenu du parcours de ce texte, nous n'avons que peu d'illusions sur l'utilité d'un examen complémentaire, d'où le vote que j'ai indiqué en introduction. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Thierry Carcenac . - Ce budget n'est pas assez redistributif ni assez ambitieux. La version de la majorité sénatoriale, à part quelques corrections bienvenues, n'est pas plus satisfaisante.
Je regrette que le Gouvernement adopte une démarche systématique de détricotage du travail du Sénat.
Il ne nous appartient pas d'arbitrer entre un budget de droite et un autre budget de droite.
M. Roger Karoutchi. - Allons bon !
M. Thierry Carcenac. - Si, la réduction de la masse salariale le montre. Nous avons rendu publiques des propositions budgétaires plus justes. Nos concitoyens pourront en juger.
Notre groupe comprend les motifs, ou à tout le moins la raison, de la question préalable.
Nous sommes inquiets du refus du report de la réforme de la compensation de la taxe d'habitation par le Gouvernement. Mais plusieurs considérants de la motion nous conduiront à nous abstenir. Nous convergeons sur la dénonciation de la méthode gouvernementale, mais divergeons sur l'analyse politique.
M. Éric Jeansannetas . - L'adoption probable de la question préalable est plus dictée par des raisons d'agenda que par des considérations strictement politiques. Le groupe RDSE comprend ces raisons mais regrette que cela réduise les prérogatives du Sénat, a fortiori, dans le contexte social actuel. Les délais sont trop contraints.
Le vote du budget traduit le soutien à la politique du Gouvernement, aussi le désaccord en CMP était-il prévisible.
En quatre ans, le nombre d'amendements a plus que doublé, sans doute à cause de la fin du cumul des mandats et de la suppression du collectif de fin d'année.
L'Assemblée nationale a supprimé beaucoup d'articles introduits par le Sénat, notamment sur la fiscalité numérique, l'agriculture et l'aménagement du territoire ; c'est dommage.
Il est difficile de se prononcer sur l'ensemble des modifications de l'Assemblée nationale. Sur le numérique, l'assujettissement des pure players à la taxe sur les surfaces commerciales était une question de justice.
La fiscalité environnementale ne doit pas être contradictoire mais complémentaire avec l'aide à l'agriculture. Nous l'avons montré dans des domaines cruciaux comme l'apiculture ou la protection des espaces forestiers.
En matière d'aménagement du territoire, nous avons défendu, comme chaque année, la cause des territoires ruraux et enclavés.
Le groupe RDSE a été à l'origine d'une revalorisation du budget de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et d'une clarification du financement du Grand Paris...
M. Philippe Dallier. - Raté !
M. Éric Jeansannetas. - ...mais nous en connaissons le résultat.
Gardons à l'esprit que nous examinons une loi de finances initiale : les hypothèses macro-économiques - croissance, inflation, etc. - sont par définition difficiles à anticiper.
Nous ne pouvons pas ignorer non plus le contexte européen, avec la confirmation de la volonté du peuple britannique de quitter l'Union européenne. Le récent film de Costa Gavras sur les négociations associées au règlement du problème de la dette grecque montre combien les questions budgétaires sont liées au bon fonctionnement de la démocratie.
Le groupe RDSE votera contre votre motion, sans illusion, par tradition, monsieur le rapporteur général.
M. Julien Bargeton . - Ce projet de loi de finances ressemble plus à une averse tropicale qu'à une bruine bretonne. Mais il n'y a plus de loi de finances rectificative avec des centaines d'articles fiscaux comme autrefois. Nous devons donc organiser nos débats de façon différente.
Le rejet de cinq missions s'explique par les contraintes de la Constitution....
M. Philippe Dallier. - Et de la LOLF !
M. Julien Bargeton. - ...Oui, mais il est paradoxal, voire incohérent, de rejeter une mission pour cause d'insuffisance de crédits alors que la majorité regrette par ailleurs une insuffisante réduction des dépenses...
La rectification du texte de la motion témoigne de ce paradoxe...
Certains dispositifs du Sénat ont été conservés, notamment les deux propositions de M. Dallier dont le taux de TVA réduit pour les terrains à bâtir destinés au logement social, ou encore l'utilisation des réseaux sociaux par le fisc à l'article 57, ainsi que les réductions d'impôts pour les foncières solidaires.
De nouveaux articles ont été maintenus, comme celui instaurant le taux de TVA réduit sur les livres audio. Même chose sur les agences comptables ou la dotation pour la protection fonctionnelle des maires.
Notre groupe, grâce à Patricia Schillinger, a permis une expérimentation de la distribution gratuite de protections périodiques dans divers lieux accueillant du public.
Nous nous félicitons de certains apports du Sénat, mais nous soutenons surtout l'importante baisse de la fiscalité des classes moyennes qui travaillent, voulue et réalisée par le Gouvernement, qui représente 9,3 milliards d'euros en 2020. Nous rejetterons donc la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Christine Lavarde . - La CMP a échoué, ce n'est pas une surprise. Il semblait impossible de trouver un accord sur 238 amendements restant en discussion.
L'Assemblée nationale a une conception particulière de l'intérêt général, avec son rejet de nombreux dispositifs parfois adoptés par le Sénat à l'unanimité.
À l'article 5, qui nous tient tant à coeur, et que nous avions pris le temps de travailler en détail, le Gouvernement a rejeté tous nos amendements.
Gageons qu'ils reviendront dans un projet de loi de finances rectificative. Mais il n'aurait pas été déshonorant de nous écouter. La réforme de la taxe d'habitation est particulièrement floue.
Sur la fiscalité écologique, nous vous avions alertés, avant les gilets jaunes, sur la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), fausse fiscalité écologique, en réalité une fiscalité de rendement - en vain, avant votre volte-face.
Pour incarner plus réellement le tournant vert, le Sénat a voté une affectation partielle du produit de la TICPE aux régions et EPCI qui agissent sur le terrain dans ce domaine.
Le Gouvernement nous a opposé, là aussi, une fin de non-recevoir, avant de faire marche arrière sous la pression des gilets jaunes.
Le bénéfice du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour la location longue durée par les collectivités territoriales de véhicules à faible émission, voté par le Sénat, a été supprimé à l'Assemblée nationale. Comment les collectivités territoriales pourront-elles, dans ces conditions, remplir les objectifs qui leur ont été fixés dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) ?
Le domaine de la culture a été largement évoqué lors des questions d'actualité au Gouvernement. Notre groupe croit en la nécessité de préserver le patrimoine. Le Président de la République avait dit en campagne : « Il n'y a pas de culture française ». Est-ce à dire qu'il ne se soucie pas de préserver notre patrimoine ?
Une demeure historique est un gouffre financier pour son propriétaire. Le Sénat avait proposé d'exonérer d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) les monuments historiques ou classés en zone rurale, ouverts au public avec un engagement de conservation. Vous l'avez rejeté, de même que l'exonération de taxation sur le loto du patrimoine, et rétabli votre réforme du mécénat d'entreprise.
Quant à notre proposition de lutte contre la fraude aux dividendes, vous persistez à la juger mal calibrée alors que le droit actuel est inadapté. Notre proposition, inspirée du modèle allemand, pourrait rapporter entre 1 et 3 milliards d'euros, selon l'Autorité des marchés financiers. Peut-être nous donnerez-vous raison dans un an.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Comme toujours !
Mme Christine Lavarde. - Le fossé entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle est trop grand pour espérer un accord. Nous le regrettons, car notre opposition se veut constructive.
Dans mon département des Hauts-de-Seine, la surtaxe sur les bureaux en zone dite premium a été rétablie - soit une hausse de 32 % en deux ans d'un impôt de production.
En dépit d'un vote unanime du Sénat, les départements franciliens vont devoir financer la part État du contrat de plan État-région, porté par la Société du Grand Paris, alors qu'ils ne sont pas compétents pour la politique des transports : on marche sur la tête !
Enfin, les communes franciliennes paieront au fonds de solidarité de la région Île-de-France plus que leur contribution naturelle, pour compenser le plafonnement dont bénéficie la ville de Paris. Là encore, point d'étude d'impact ni d'argument solide.
C'est mon troisième projet de loi de finances et chaque année j'ai le sentiment que nous rejouons la même pièce. Le Gouvernement se prive de l'éclairage du parlement, entre un Sénat ostracisé et une Assemblée nationale qui n'est qu'une chambre d'enregistrement. Inutile de refaire le débat, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Le groupe Les Républicains votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°I-1, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que le recul du déficit nominal masque en réalité l'absence d'amélioration structurelle de la situation des comptes publics, avec une trajectoire budgétaire une nouvelle fois dégradée et éloignée des règles européennes ;
Considérant que la baisse bienvenue des prélèvements obligatoires ne s'accompagne pas des efforts nécessaires pour diminuer les dépenses publiques, en particulier du côté de l'État pour lequel les objectifs déjà peu ambitieux de réduction des effectifs sont abandonnés ;
Considérant qu'à ce titre, il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas retenu, en nouvelle lecture, les propositions d'économies proposées par le Sénat en dépenses, notamment par l'augmentation du temps de travail dans la fonction publique et la baisse des primo-recrutements ;
Considérant, en outre, que l'Assemblée nationale est revenue sur l'ensemble des amendements, proposés par la commission des finances et adoptés par le Sénat à une très large majorité, concernant le schéma de financement des collectivités territoriales prévu à l'article 5 en conséquence de la suppression complète de la taxe d'habitation sur les résidences principales ;
Considérant que la majorité gouvernementale refuse de retenir les aménagements proposés par le Sénat, sur le dispositif de financement prévoyant une réelle compensation à l'euro près, conformément aux engagements pris auprès des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
Considérant que l'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, adopté l'amendement du Gouvernement que le Sénat avait refusé en première lecture, en ce qu'il augmente de seulement 28 millions d'euros la dotation particulière élu local en conséquence des dispositions en cours d'adoption dans le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, et qu'il fait porter cette hausse par les départements et les régions et non par l'État ;
Considérant que la fiscalité écologique continue d'être perçue par le Gouvernement comme une fiscalité de rendement, avec notamment le rétablissement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale de l'article 19 tendant à augmenter le prix du gazole pour les transporteurs routiers de marchandises et la suppression des mesures proposées par le Sénat pour accompagner l'augmentation des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, en particulier la création d'un mécanisme de suramortissement au titre de l'impôt sur les sociétés, permettant d'encourager les compagnies aériennes à renouveler leur flotte avec des avions moins polluants ;
Considérant que le Sénat s'était à la quasi-unanimité opposé à plusieurs dispositions du projet de loi de finances qui ont, depuis, été rétablies par l'Assemblée nationale, à savoir en particulier les modifications restrictives prévues concernant le mécénat d'entreprises ou encore les nouvelles modalités de financement de la Société du Grand Paris ;
Considérant que l'Assemblée nationale a également, en nouvelle lecture, rétabli sa rédaction à l'article 51, concernant la nouvelle taxe forfaitaire applicable aux contrats à durée déterminée d'usage, pour laquelle le Sénat avait préconisé de décaler son entrée en vigueur, afin de laisser le temps à la négociation collective d'aboutir à des accords, et à l'article 61, revenant ainsi sur le refus du Sénat que le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement de certains impôts indirects et amendes actuellement assuré par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) soit réalisé par voie d'ordonnance ;
Considérant que, dans sa nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2020, l'Assemblée nationale a aussi supprimé la proposition du Sénat de relever le plafond du quotient familial bien qu'elle constitue une mesure en faveur du pouvoir d'achat des familles qui aurait utilement complété la baisse de l'impôt sur le revenu prévue à l'article 2, l'exonération de fiscalité des sommes misées dans le cadre du loto du patrimoine votée à la quasi-unanimité au Sénat, ainsi que le mécanisme complet de lutte contre les opérations d'« arbitrage de dividendes » mises en lumière par la presse à l'automne 2018 et pour lesquelles le dispositif adopté en loi de finances pour 2019 demeure très insuffisant en termes de portée ;
Considérant que, certes, l'Assemblée nationale a conservé, en nouvelle lecture, plusieurs apports du Sénat de première lecture, permettant, soit d'améliorer et de corriger juridiquement plusieurs dispositifs, tels que les aménagements du champ d'application du taux de TVA à 5,5 % dans le secteur du logement social ou encore plusieurs des mesures d'encadrement du dispositif permettant aux administrations fiscale et douanière de collecter et exploiter les données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateforme, soit de supprimer certaines mesures inopportunes, à l'instar de l'augmentation de la quote-part pour frais et charges applicable aux plus-values de cession de long terme devant être intégrées au résultat, selon le dispositif dit de la « niche Copé » ;
Considérant que, pour autant, l'examen en nouvelle lecture par le Sénat de l'ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2020 ne conduirait vraisemblablement ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement à revenir sur leurs positions ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2020, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 212 (2019-2020).
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Parfois, on a l'impression de faire oeuvre utile : je me suis agacé il y a quelques semaines de l'état de propreté de cet hémicycle, dont les dessus de porte semblaient ne pas avoir été dépoussiérés depuis trente ans. Le ménage a été fait depuis ! (Sourires)
Je souhaite remercier tous nos collègues qui dans un délai très contraint ont su défendre leurs amendements avec concision tout en préservant des débats de fond. L'Assemblée nationale n'a malheureusement pas retenu les apports du Sénat. Une nouvelle lecture ne serait pas de nature à faire changer d'avis les députés - à moins que le Gouvernement ne nous annonce un revirement... Faute de quoi, je vous propose de voter cette motion.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Les désaccords sont entre l'Assemblée nationale et le Sénat, mais aussi entre le Gouvernement et le Sénat. M. Bargeton a souligné que bon nombre de dispositions introduites par le Sénat avaient été retenues. Vous les jugez insuffisantes, j'en prends acte.
Je ne désespère pas de voir à nouveau une CMP conclusive sur un texte financier, comme récemment sur la loi de finances rectificative, la première en dix ans. Je ne peux toutefois vous garantir une nouvelle lecture qui ne soit pas source de frustration. (Sourires) Par construction, avis défavorable à la motion, mais je prends acte de nos désaccords.
La motion n°I-1 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°62 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 253 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 66 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean Bizet. - Très bien !
Le projet de loi de finances pour 2020 n'est pas adopté.
La séance, suspendue à 17 h 40, reprend à 17 h 50.