« Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision »
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport d'information : « Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision ».
M. Didier Mandelli, rapporteur pour la mission commune d'information sur le sauvetage en mer . - « Aussi suis-je venu vous dire, ce matin, que nous nous battrons pour faire vivre ce beau modèle, solidaire et fraternel, du sauvetage en mer. Le Gouvernement et le Parlement le feront et j'y veillerai ». Ces mots ont été prononcés par le Président de la République le 13 juin 2019 lors de la cérémonie d'hommage aux trois sauveteurs, Yann, Alain et Dimitri, morts en mer, le 7 juin en portant secours à un bateau de pêche au large des Sables-d'Olonne. Dès le mois suivant, à l'initiative de Bruno Retailleau, notre mission d'information était créée pour comprendre comment un accident avait pu survenir. L'objet de notre travail était de dépasser la réaction compassionnelle pour comprendre comment cet accident avait pu intervenir. Il nous appartenait donc d'étudier le modèle économique et social de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et ses besoins logistiques.
Nous nous sommes rendus en Vendée, aux Sables-d'Olonne, où un hommage a été rendu aux sauveteurs disparus, puis dans les départements des Alpes-Maritimes, du Calvados, de la Manche, du Finistère, de Loire-Atlantique, du Pas-de-Calais, des Côtes d'Armor, d'Ille-et-Vilaine, du Morbihan, ainsi qu'en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Nous y avons recueilli les témoignages des différents intervenants du sauvetage en mer. Nous avons poursuivi par l'audition des responsables institutionnels et conclu par le témoignage de deux rescapés du drame du 7 juin. Nous avons travaillé avec célérité, en trois mois et demi afin d'être prêts pour la tenue du comité interministériel de la mer et pour le projet de loi de finances.
La mission a établi 30 propositions réparties en trois axes, conformément à nos réflexions et à certaines demandes qui nous ont été faites ; parfois modestes mais à forte valeur symbolique.
D'abord, le bénévolat doit être soutenu, d'autant qu'il est l'ADN du sauvetage en mer, mais les sauveteurs ne se sentent pas assez reconnus. Il faut donc améliorer le cadre de disponibilité des sauveteurs, et renforcer leur accès aux services de formation à travers le droit individuel à la formation (DIF). Trop souvent, le bénévole négocie seul avec son employeur : ce devrait être au délégué départemental de la SNSM de faire les démarches auprès de celui-ci.
La mission préconise aussi l'accès aux congés de formation, l'octroi de jours de délégation pour certains cadres, la reconnaissance d'équivalence et l'uniformisation des diplômes de formation entre les différents ministères.
Sur le financement, deux points sont essentiels. En premier lieu, la mission d'information estime urgent de faire diminuer la pression qui pèse sur les stations locales en les exonérant du financement systématique de l'investissement qu'elles assurent aujourd'hui à hauteur de 25 % grâce à un effort considérable de collecte des dons tout en minimisant autant que possible leurs frais de fonctionnement comme du gros entretien des navires, qui absorbe souvent plusieurs dizaines de milliers d'euros, alors même que les stations peinent à s'alimenter en carburant pour assurer les sorties en mer.
En second lieu, il n'est pas nécessaire de créer de nouvelles taxes, particulièrement sur la plaisance qui est déjà mise à contribution. Il conviendrait d'affecter des taxes existantes à la SNSM, comme la fiscalité des permis plaisance ou le produit des redevances de l'État sur l'occupation du domaine public maritime, et d'autre part la mise en place d'incitations fortes pour que l'ensemble des usagers de la mer participent au financement du sauvetage en mer. Nous avons envisagé la création d'une contribution volontaire à l'achat de navires neufs et d'engins et matériels nautiques, dont le montant serait progressif en fonction du coût de l'équipement.
Enfin, concernant la gouvernance, la mission a constaté que les bénévoles des stations et le siège de la SNSM ne se comprennent et ne se parlent plus. Cette situation est due en grande partie au caractère pyramidal, centralisé et peu démocratique de la SNSM. Il s'agit d'une « vache sacrée » selon les termes même de son ancien président. Il conviendrait de s'inspirer en matière de gouvernance, de la sécurité civile. La SNSM gagnerait à devenir une organisation de type fédérale. Les stations devraient avoir davantage d'autonomie, y compris dans le choix de leur matériel.
La flotte des sauveteurs en mer est vieillissante. Son renouvellement est estimé à 140 millions d'euros. En outre, ses bénévoles sont âgés ; leur démographie est préoccupante.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé un engagement supplémentaire de 4,5 millions d'euros en faveur de la SNSM dans le dernier projet de loi de finances.
Une table ronde a été organisée au ministère à laquelle nous avons participé. Enfin, les résultats de l'enquête menée par les préfets auprès des associations locales de la SNSM sont conformes à nos conclusions.
Enfin, le Premier ministre a évoqué à l'occasion du Comité interministériel de la mer (CIMer) les effets attendus des mesures à engager : « La condition de bénévole est clarifiée et améliorée, la stabilité financière de l'association est garantie et la gouvernance est accompagnée vers un fonctionnement plus participatif ». C'est tout ce que nous attendons.
Je me réjouis de vos engagements ; nous les devons collectivement à ceux qui ont péri, aux survivants et aux 8 000 bénévoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports . - Notre débat témoigne de notre attachement collectif au modèle français du sauvetage en mer. Le naufrage tragique de juin dernier a ébranlé la communauté maritime. Je rends hommage ce soir aux disparus, à leurs familles et à tous ceux qui participent au sauvetage en mer, dont nous avons pu mesurer à cette occasion leur engagement.
Nous souhaitons la pérennisation du modèle français, fondé sur le bénévolat, l'autonomie financière et le statut associatif. Il faut, pour cela, revoir la gouvernance de la SNSM.
Élisabeth Borne a réuni les acteurs concernés au mois de novembre, qui ont tous rappelé leur attachement au modèle français : bénévolat, autonomie financière et statut associatif.
L'État a porté son soutien annuel à la SNSM, passant de 6 millions d'euros à près de 11 millions d'euros. Les enfants des bénévoles morts en mission seront pupilles de la Nation et les règles d'indemnisation des bénévoles blessés ou décédés en opération seront revues. Le nouveau président de la SNSM, Emmanuel de Oliveira, est mobilisé pour entrer dans une nouvelle dynamique.
Il faut d'abord s'assurer de la pérennité financière de l'association grâce à l'État, à l'appui des collectivités territoriales et à la collecte de fonds privés, dons et mécénat, car l'État ne doit pas être le seul investisseur : la trajectoire financière de la SNSM doit être clarifiée et stabilisée. Cela passe par l'assurance des autres ressources financières. L'appui des collectivités territoriales devra se construire en lien avec les associations représentatives en privilégiant une approche pluriannuelle.
En outre, la collecte de fonds privés, dons ou mécénat, doit poursuivre sa montée en puissance. Au-delà, l'État entend amorcer avec la SNSM un « pacte d'engagement pour les sauveteurs » pour mobiliser toutes les filières économiques et les usagers bénéficiaires de l'action de cette association.
Le paiement des prestations rémunérées assurées par la SNSM doit être mieux assuré. Votre rapporteur le propose également.
Le bénévolat doit être conforté pour susciter des vocations. Dans ce cadre, le renforcement de la formation et leur meilleure reconnaissance sont nécessaires. Cet effort est également celui des employeurs ; l'État sera à leurs côtés avec un label « Employeur partenaire de la SNSM ». Le service national universel et le service civique pourront contribuer à certaines fonctions d'appui.
Votre rapport préconise des actions pour revoir la gouvernance et les fonctionnements internes. Mais toute association est autonome : l'État ne peut interférer dans sa gouvernance, mais il sera à ses côtés.
Nous avons le même objectif : le maintien du modèle français du sauvetage en mer. Je sais pouvoir compter sur votre engagement.
Mme Céline Brulin . - La SNSM fait honneur à notre pays. Le drame des Sables-d'Olonne a rappelé les risques inouïs que prennent les sauveteurs pour sauver des vies : plus de 10 000 personnes secourues par an. La SNSM est une organisation puissante, appuyée sur 8 000 bénévoles, 450 bateaux et 32 centres de formation.
Cependant, l'accident a aussi mis en lumière les difficultés croissantes de l'association et son manque de financement. Dans les dix prochaines années, 140 bateaux devront être renouvelés. Le besoin de financement immédiat est de 9 millions d'euros. L'État doit renforcer sa participation, qui se monte aujourd'hui au tiers du budget de la SNSM, en amplifiant la rallonge de 4,5 millions d'euros prévus en 2020. Plusieurs pistes existent, notamment la taxation des yachts.
M. Michel Canevet. - Elle n'a rapporté que 280 000 euros !
Mme Céline Brulin. - Effectivement, mais nous pouvons faire mieux. Que pensez-vous de cette proposition ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - J'ai dit dans mes propos liminaires que le Gouvernement avait relevé son soutien annuel à la SNSM pour le porter à près de 11 millions d'euros. Ses besoins financiers pour les prochaines années sont satisfaits.
Le Gouvernement va continuer à accompagner la collecte de dons et de legs. Le mécénat pourra être développé, comme c'est le cas dans des pays voisins. Les collectivités territoriales devront accompagner ce mouvement d'autant que le sauvetage en mer n'est pas la seule activité de la SNSM.
M. Emmanuel Capus . - Le sauvetage en mer repose sur un paradoxe : l'État dirige le sauvetage et décide de l'engagement des moyens, mais ne l'assume pas financièrement. C'est grâce à la SNSM que le sauvetage en mer lui coûte si peu. Il doit prendre toute sa part, notamment pour l'investissement dans les navires dont la durée de vie avoisine 30 ans. Le renouvellement de la flotte ne peut dépendre des fluctuations des dons.
Les stations ont assumé leurs missions jusque-là mais la flotte est obsolète et les sauveteurs doivent être davantage formés.
Quelles mesures allez-vous prendre pour alléger la charge financière excessive qui pèse sur les stations ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Les traités internationaux imposent à l'État la veille et la coordination des secours.
De plus, la subvention de l'État représente désormais plus de 30 % des ressources de la SNSM. Les dons étant défiscalisés, les recettes sont moindres pour l'État.
Le sauvetage en mer ne représente qu'une des six missions de l'association : assistance, surveillance des plages, sécurité civile, évacuation sanitaire et prestations commerciales. Un plan d'action est en outre en cours de rédaction, qui reprend diverses propositions de votre rapport.
Les moyens à disposition de la SNSM correspondent désormais à ses besoins.
Mme Annick Billon . - Pendant l'Épiphanie, les habitants de Cherbourg, de Saint-Malo et d'autres villes peuvent soutenir la SNSM en achetant des galettes dont les fèves arborent les couleurs des stations respectives. (On s'en félicite sur diverses travées.)
Le financement des stations doit être pérennisé, comme le préconise notre rapport. Plusieurs pistes ont été évoquées ces dernières années. On avait parlé de taxe sur l'éolien en mer, sur le permis côtier, sur l'achat de navires de plaisance... en vain. Le modèle français du sauvetage en mer, une mission de service public, demeure donc à part. L'État devrait y participer davantage.
Comment allez-vous assurer un financement pérenne des stations ? Vous estimez que les moyens sont à la hauteur des besoins, ce qui ne semble pas être le cas aux Sables-d'Olonne.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - J'ai rappelé l'augmentation de 4,5 millions d'euros de l'engagement de l'État. Nous allons, avec son nouveau directeur, définir la trajectoire financière et la programmation du renouvellement des moyens de la SNSM. La participation financière des collectivités territoriales est positive, les impliquant davantage dans le fonctionnement des stations.
S'agissant de la sécurité civile, l'État finance divers matériels, comme les avions et les hélicoptères.
M. Jean-François Rapin . - Je souhaite vous interroger sur la formation des sauveteurs en mer. Nous comptons de moins en moins d'anciens marins parmi les bénévoles, d'où l'importance de la formation, qui apprend la mer et familiarise avec les nouveaux navires.
Le 3 décembre à Montpellier, aux Assises de l'économie de la mer, le Président de la République a déclaré que l'État devait soutenir ces formations. J'aimerais que vous nous précisiez concrètement ces engagements.
Je demande depuis longtemps que la formation des bénévoles soit éligible au fonds France compétences. Cette garantie de financement serait indispensable à la SNSM.
Enfin, les lycées maritimes, qui constituent des lieux de formation de proximité, dépendent de votre ministère ; ma région souhaiterait y mener une expérimentation sur la formation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - L'effort de formation a commencé et il doit perdurer. Nous allons développer l'offre de proximité, valoriser les compétences et les formations dispensées, accompagner le financement. France compétences sera pleinement associée à cette évolution.
M. Jean-François Rapin. - Je m'attendais à cette réponse. Qu'en est-il de ma dernière proposition ?
M. Jean-Luc Fichet . - Notre mission préconise une valorisation de l'action des bénévoles et une clarification de la gouvernance de la SNSM : c'est l'objet de la proposition n°22 de la mission d'information qui préconise une structure fédérale.
Il convient aussi de renforcer la signalétique des littoraux afin d'éviter les accidents. Dans le Finistère nord, un bateau de 28 mètres remplacera les deux bâtiments actuels de 17 mètres pour l'entretien des phares et balises. Cette mesure inquiète le personnel car la régularité des passages diminuera et la maniabilité du bateau sera plus difficile. Un navire plus grand ne pourra desservir toutes les zones. Le Gouvernement va-t-il revoir sa copie ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Nous allons moderniser la flotte des navires baliseurs, en optimisant les prestations et les coûts d'entretien. Nous allons effectivement réduire le nombre de bateaux, mais pas au détriment de la qualité des interventions. Les nouveaux navires auront un taux d'utilisation plus important et seront plus performants.
La réforme du service des phares et balises s'inscrit dans une démarche de progrès pour les usagers et sera menée en concertation avec les acteurs de terrain.
M. Jean-Luc Fichet. - Votre réponse ne me satisfait pas. Deux petits bateaux sont plus agiles ; sans compter la question des emplois si vous réduisez le nombre de bâtiments.
Mme Mireille Jouve . - Le matériel de la SNSM est de plus en plus vétuste ; l'origine majoritairement privée - 80 % - des fonds ne favorise pas l'investissement sur le long terme. Le financement de la SNSM doit gagner en visibilité pour que ses missions soient garanties.
Sur la contribution des usagers de la mer, la solution visant à responsabiliser les plaisanciers qui ne disposent pas d'assurance en cas d'intervention, proposée par M. Yves Lyon-Caen, président de la Fédération des industries nautiques, serait une voie intermédiaire intéressante avant la généralisation d'une assurance obligatoire, proposée par la mission d'information. Le recouvrement des créances de la SNSM, lorsqu'elle intervient en assistance aux biens, doit en outre être amélioré.
Les petits plaisanciers ne doivent pas être pénalisés.
La mission d'assistance étant régalienne, l'État doit au moins prendre en charge l'entretien et le renouvellement de la flotte. Quels seront les engagements pluriannuels de l'État ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - L'État finance 30 % des ressources de l'association. L'assistance aux biens, en revanche, entre dans le champ concurrentiel. L'État ne peut intervenir dans les relations commerciales de la SNSM.
La SNSM doit améliorer la visibilité de ses prestations de remorquage pour alléger la charge des bénévoles.
M. Bernard Cazeau . - L'an dernier, près de la moitié des plaisanciers en difficulté - soit environ 20 000 hommes, femmes et enfants - ont été secourus par la SNSM. Le 7 juin, trois secouristes ont péri en mer aux Sables-d'Olonne ; ce drame nous a tous bouleversés.
Le chef de l'État a annoncé lors des Assises de l'économie de la mer que leurs enfants seraient reconnus pupilles de la Nation.
L'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une proposition de loi en ce sens mais elle n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que l'augmentation de la contribution de l'État votée dans le projet de loi de finances conformément à la recommandation de la mission d'information sénatoriale sera mise en oeuvre ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La proposition de loi à laquelle vous faites référence a été votée le 12 décembre 2019. Le Sénat dispose de quatre semaines à compter de cette date pour l'inscrire à son ordre du jour.
Je vous confirme l'augmentation budgétaire annoncée.
M. Michel Canevet . - Le groupe UC remercie les trois sénateurs de Vendée d'avoir pris l'initiative de cette mission d'information. La plupart des navires ne sont pas assurés alors que l'assurance des véhicules routiers est obligatoire. Or la SNSM a des difficultés à recouvrer ses créances, qui sont pourtant très modestes. La mission a suggéré des mesures dans ce sens, notamment une étude d'opportunité, sur une obligation d'assurance. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Aux termes des conventions internationales, le sauvetage en mer est gratuit. En revanche, les prestations d'assistance aux biens sont payantes pour un coût de quelques centaines d'euros. Les préjudices aux biens n'ont pas vocation à faire l'objet d'une assurance obligatoire. Cela poserait la question des coûts de gestion et de contrôle. L'État est favorable à une assurance obligatoire, en revanche, pour les navires mouillés à l'année dans les ports et pour prendre en compte les risques liés à l'enlèvement des épaves.
M. Michel Canevet. - La position du Gouvernement est regrettable. Il est important que la question de l'assurance soit abordée. La taxe sur les assurances devrait aussi contribuer de façon pérenne au financement de la SNSM, via une taxe sur ces assurances.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Merci au président Retailleau d'avoir été à l'initiative de cette mission d'information, qui a bien travaillé.
Dans les Alpes-Maritimes, les sauveteurs de la SNSM doivent aller se former à Saint-Nazaire. Cela pose des difficultés de déplacements importants...
M. Jean-François Rapin. - Certes.
M. Bruno Retailleau. - Notre-Dame-des-Landes !
M. Christophe Priou. - Eh oui !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Cela implique trois jours de disponibilité pour un jour de formation. La SNSM des Alpes-Maritimes souhaiterait donc pouvoir proposer des formations dans les lycées maritimes locaux.
Enfin prendre en compte des heures de bénévolat dans le calcul de la retraite serait une juste reconnaissance du temps passé par les bénévoles loin de leurs familles.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Le plan d'action du Gouvernement en faveur de la SNSM comporte, je l'ai dit, la reconnaissance de l'engagement des bénévoles et nous souhaitons développer l'offre de formation de proximité. Nous allons créer un label employeur partenaire de la SNSM. Sur les lycées maritimes, nous allons y développer les formations SNSM. Enfin, la prise en compte du temps de bénévolat pour la retraite impliquerait des cotisations pour les bénévoles. Nous n'y sommes pas favorables.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - C'est une réponse décevante. Dommage que le Gouvernement ferme la porte, alors que la mission d'information a proposé des mesures très concrètes.
M. Yannick Vaugrenard . - Cette mission d'information a été l'occasion de rencontrer des femmes et des hommes d'un grand dévouement et d'une humanité rare. Hommage doit leur être rendu. Au-delà des mots, le service des bénévoles doit être mieux reconnu en facilitant et en indemnisant les heures d'absence des entreprises et en rendant leur formation gratuite et diplômante.
Les plaisanciers ne sont pas obligés d'assurer leurs bateaux, bien qu'ils bénéficient du service gratuit des sauveteurs. C'est anormal. Il faut davantage de solidarité de la part des usagers de la mer. Une fraction du coût de l'assurance devrait financer la SNSM, ce qui résoudrait ses difficultés financières et répondrait à un principe républicain fondamental. Il est urgent d'agir. Que comptez-vous faire ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Le plan d'action pour la SNSM prend en compte la nécessaire reconnaissance du bénévolat. S'agissant de l'assurance, il faut distinguer le sauvetage des personnes en mer, qui doit être inconditionnel et gratuit, selon un principe fondamental et international, de l'assistance aux biens, activité payante, car commerciale et concurrentielle. Calquer l'assurance maritime sur l'assurance automobile, selon un contrat aux tiers, mais ne couvrant pas le remorquage, ne serait pas opérant.
M. Yannick Vaugrenard. - Beaucoup de missions n'ont pas vu leurs préconisations suivies. Je souhaiterais que le Gouvernement s'engage à dresser d'ici un an ou deux ans un bilan de la mise en oeuvre de nos recommandations. Nous ne sommes pas une démocratie de l'émotion - elle passe - il faut agir.
Votre réponse sur les assurances ne me satisfait pas : il faut responsabiliser les plaisanciers.
M. Michel Vaspart . - La SNSM de La Réunion s'est vu livrer des gilets de sauvetage neufs mais périmés ; le siège de la SNSM leur a recommandé de changer les étiquettes pour modifier leur date de validité, afin « d'éviter de longues discussions inutiles avec le centre de sécurité des navires » ! Le patron de la station s'y est refusé. Un tiers de la station a démissionné début décembre.
À côté de cela, nous avons 12,3 millions d'euros en autofinancement pour le nouveau siège de la SNSM, non loin de l'Opéra. Les bénévoles de la SNSM ne sont pas l'armée des poilus. Un homme, une femme égale une voix. La démocratie de la gouvernance est un impératif fondamental. Quand le siège de la SNSM se réformera-t-il ? Allez-vous l'inciter à suivre les recommandations du rapport du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Quant à l'imbroglio que vous évoquez sur la date de validité des gilets, je rappelle que c'est à la SNSM de s'engager sur la pérennité de ses équipements.
M. Bruno Retailleau. - Il y a un devoir de vigilance !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - L'État accompagnera la structure de la SNSM dans la réforme de sa gouvernance de manière à la rendre plus performante.
M. Michel Savin. - Comment donc ?
M. Jérôme Bascher. - C'est un peu court !
M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de M. Roland Courteau . - La SNSM remplit une vraie mission de service public avec ses 8 000 bénévoles.
Alors que la survie du modèle nous concerne tous, la SNSM ne dispose pas des moyens suffisants pour entretenir et renouveler sa flotte. Elle en appelle régulièrement à l'État et aux collectivités territoriales.
Il convient d'assurer un financement pérenne à la structure. Elle ne peut dépendre des lois de finances successives. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à nos préconisations concrètes, notamment la proposition numéro 14 qui prévoit la prise en charge par l'État de 25 % du coût de renouvellement des canots et des vedettes ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a porté son soutien annuel de 4,5 millions d'euros à 11 millions d'euros, avec les taxes affectées en 2020, et ce, je le rappelle, dans le cadre d'une convention pluriannuelle.
La collecte de dons et legs connaît une forte croissance avec l'accompagnement de l'État.
Les collectivités territoriales doivent également maintenir leur soutien.
M. Dominique de Legge . - Historiquement, le sauvetage en mer a été pensé par et pour des professionnels de la mer. Depuis, le trafic maritime s'est développé, avec les gros-porteurs, ainsi que les loisirs et les sports nautiques, ce qui a changé la physionomie des populations secourues.
Comment responsabiliser ces nouveaux usagers ? Sans être désobligeant, je le dis sans qu'il m'ait autorisé à le faire, mais par solidarité bretonne, votre réponse à la question de M. Vaspart était un peu légère. Doit-on laisser la mission du sauvetage en mer aux mains d'une structure dont la gouvernance demeure fragile ? À défaut de répondre à ma question, pouvez-vous compléter votre réponse à celle de M. Vaspart ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - J'ai rappelé que les trois piliers de la SNSM sont le bénévolat, l'autonomie financière et le statut associatif. Votre proposition reviendrait à renoncer au statut associatif de la SNSM, auquel le Gouvernement est attaché et que votre mission ne remet pas en cause.
L'État soutient par sa subvention annuelle (M. Jérôme Bascher proteste.) la mission de sauvetage en mer. La SNSM exerce aussi des missions payantes.
Nous ne sommes pas favorables à l'instauration de taxes sur les plaisanciers, ce qui pourrait dissuader les dons.
M. Jérôme Bascher. - Faites donc de la politique, pas de la lecture de fiches !
M. Dominique de Legge. - J'ai l'impression que vous vous satisfaites de la situation et que vous n'avez pas lu le rapport de la mission.
Je vous en prie, monsieur le ministre, réformez, ne lisez pas vos fiches ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jérôme Bascher. - C'est le niveau zéro de la politique !
Mme Agnès Canayer . - L'engagement des 8 000 sauveteurs bénévoles est total pour répondre à leurs nombreuses missions. Ils ne comptent pas leur temps, y compris de formations dans l'un des 32 centres agréés. Elles sont censées être gratuites, mais cela n'est pas toujours le cas. Comment assurer la validation des acquis de l'expérience et inciter les jeunes au bénévolat au sein de la SNSM ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a engagé un plan d'action dans lequel la formation et la reconnaissance du statut de bénévole occupent une place centrale.
Mme Agnès Canayer. - Après le drame des Sables-d'Olonne, chacun doit prendre ses responsabilités, notamment l'État.
M. Max Brisson . - Je m'éloignerai un peu du sujet du sauvetage en mer au-delà des 300 mètres pour m'approcher de la plage et faire ce que j'interdirais à mes élèves : du hors sujet.
Avant cette limite, les sauveteurs secouristes côtiers interviennent sous la responsabilité des maires. Leur formation est assurée par la SNSM, les SDIS et les associations locales. Mais les collectivités territoriales peinent à recruter. Le diplôme de sauveteur secouriste aquatique en milieu naturel dont ils doivent être titulaires dépend de la sécurité civile, comme la formation des candidats.
Ne faudrait-il pas accélérer la réforme du brevet national de sauvetage et de sécurité aquatique (BNSSA) pour en faire un diplôme de sauveteur aquatique en milieu naturel, adapté à leurs missions ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Les professionnels sont déployés dans plus de 260 postes de secours sur le littoral pendant l'été, afin d'assurer la surveillance de plus d'un tiers des plages métropolitaines. Ils reçoivent à cet effet une formation spécifique de haut niveau dans les 32 centres de formation et d'intervention de la SNSM et qui couvrent l'ensemble du territoire national, grâce à l'implication des instructeurs bénévoles qui consacrent chaque année plusieurs dizaines de journées d'engagement à la qualification des jeunes nageurs sauveteurs.
Les différents référentiels de formation existants sont cohérents les uns avec les autres. Même si des évolutions peuvent avoir lieu à l'avenir, les nageurs sauveteurs de la SNSM forment un vivier de recrutement de choix pour les maires des communes littorales et sont devenus des interlocuteurs incontournables pour les maires des communes littorales.
M. Max Brisson. - Vous n'avez pas répondu à ma question. Le BNSSA n'est pas bien adapté aux milieux naturels côtiers, notamment atlantiques. Il convient davantage à la surveillance des milieux artificiels. Il faudrait un véritable brevet de sauveteur secouriste aquatique en milieu naturel et l'inscrire dans le code général des collectivités territoriales et le code du sport.
Mme Corinne Féret, présidente de la mission commune d'information sur le sauvetage en mer . - Je vous remercie pour votre participation à ce débat. Le sujet nous tient tous à coeur. Les sauveteurs méritent notre admiration et notre soutien. Ce fut un honneur et un plaisir de présider cette mission, avec Didier Mandelli comme rapporteur.
Les sauveteurs ont été sensibles à ce que nous nous déplacions sur le terrain, comme ce fut le cas dans mon département du Calvados fin août, et que nous les écoutions, sur les lieux mêmes où ils exercent leurs missions, en libérant leur parole avant de recevoir les institutionnels.
Nous avons mis en lumière des sujets méconnus de financement et de gouvernance, ignorés des rapports administratifs précédents.
Nous aurions aimé échanger avec le Gouvernement avant la remise du rapport, mais notre invitation à entendre la ministre chargée du dossier n'a pas été acceptée...Nous avons travaillé rapidement pour pouvoir présenter nos conclusions avant le CIMer qui s'est réuni le 9 décembre, quelques jours après le discours du président de la République aux Assises de Montpellier.
La trajectoire financière doit être stabilisée à hauteur de 10,5 millions d'euros par an de manière pérenne et la gouvernance réformée.
La proposition de loi tendant à « attribuer la qualité de pupille de la Nation aux enfants de sauveteurs en mer péris en opération de sauvetage avec effet rétroactif », adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 12 décembre et transmise le même jour au Sénat, va dans le bon sens mais elle ne répond pas à toutes les demandes.
La mission a formulé de nombreuses préconisations. Nous regrettons de ne pas avoir pu rencontrer la ministre Élisabeth Borne pour lui en faire part.
S'agissant de la gouvernance de la SNSM, c'est une association indépendante, mais le Gouvernement pourrait l'inciter à se réformer. Le 9 décembre, nous sommes restés sur notre faim et attendons des actes concrets. Nous ne considérons pas que le sujet soit clos pour le Sénat et nous sommes prêts à travailler à vos côtés. Nous reviendrons de toute façon dans quelques mois pour mesurer les progrès réalisés auprès des stations de sauvetage de nos départements. (Applaudissements sur toutes les travées)
Prochaine séance demain, mercredi 8 janvier 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 22 h 50.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication