Bioéthique (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Mises au point au sujet de votes
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Au scrutin 66, M. Panunzi souhaitait voter pour ; au scrutin 67, M. de Montgolfier souhaitait s'abstenir, M. Dominati souhait voter contre et Mme Boulay-Espéronnier, pour.
M. Jean-Pierre Grand. - Au scrutin 67, j'ai été porté votant pour alors que je voulais voter contre.
M. Daniel Chasseing. - Au scrutin 66, Alain Fouché ne souhaitait pas participer au vote. Dany Wattebled souhaitait s'abstenir, Robert Laufoaulu voter pour.
Au scrutin 67, Jérôme Bignon voulait voter contre, Dany Wattebled souhaitait s'abstenir et Alain Fouché ne pas prendre part au vote.
M. le président. - Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.
Ces mises au point sont sans doute liées à la façon de voter. Voyons-y un encouragement à préparer les votes en amont, pour éviter de créer tout malaise démocratique si jamais il arrivait un jour que de telles mises au point contredisent le résultat, qui ne peut, lui, être modifié.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - La commission spéciale demande la priorité à l'amendement n°24 de Mme Procaccia et à ses sous-amendements au moment du vote.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. - Je suis d'accord.
M. le président. - La priorité sera accordée.
Amendement n°272 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, M. Daudigny, Mme Lepage, MM. Vaugrenard, Dagbert et Manable, Mme Tocqueville, MM. Féraud, Tourenne, M. Bourquin, Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité du décès de l'un d'entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
« Dans l'éventualité du décès d'un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l'assistance médicale à la procréation avec les gamètes ou l'embryon issus du défunt, si le couple a manifesté son accord au moment du consentement à l'assistance médicale à la procréation. Il ne peut être procédé à l'implantation post mortem qu'au terme d'un délai de six mois prenant cours au décès de l'auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement permet au membre survivant du couple, s'il s'agit d'une personne pouvant porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l'ont successivement recommandé l'Agence de la biomédecine, le Conseil d'État et le rapport d'information de la mission parlementaire.
Peut-on ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser à une femme veuve de poursuivre son projet ? Ne serait-il pas traumatisant de demander à une femme endeuillée de donner ou détruire les embryons conçus avec son compagnon défunt tout en lui proposant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ?
Plusieurs délais sont possibles. La loi espagnole limite ce transfert à six mois après le décès. La législation belge n'autorise le transfert qu'au terme d'un délai de six mois prenant cours le jour du décès et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent ce décès.
La femme veuve peut ainsi faire son deuil. Elle a deux ans pour décider si elle souhaite aller au terme de la PMA entamée avec son compagnon décédé, détruire les embryons ou les donner à un couple ayant besoin d'un double don.
M. le président. - Amendement n°224, présenté par M. J. Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité du décès de l'un d'entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
II. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement, comme plusieurs autres, autorise la PMA post mortem en l'encadrant. Notre approche est pragmatique : nous voulons respecter la douleur de la veuve et préserver l'avenir de l'enfant. Puisque nous autorisons la PMA aux femmes seules, pourquoi les veuves en seraient-elles exclues ? Dès lors qu'il existe un projet parental concret, celui-ci doit pouvoir être poursuivi et réalisé post mortem dans un délai encadré. Cette solution est équilibrée ; elle respecte la femme en deuil, l'enfant à naître et le père décédé.
M. le président. - Amendement n°231, présenté par M. J. Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l'éventualité du décès d'un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l'assistance médicale à la procréation avec l'embryon issus du défunt. Il ne peut être procédé à l'implantation post mortem qu'au terme d'un délai de six mois prenant cours au décès de l'auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
M. Jacques Bigot. - Cet amendement prévoit le cas des femmes qui souhaiteraient poursuivre leur projet parental, alors qu'elles ont perdu leur compagnon et qu'un embryon existe.
Les sous-amendements nos325 et 326 prévoient un délai de six à vingt-quatre mois après le décès du père. Pourquoi faudrait-il une autorisation de l'Agence de la biomédecine comme le prévoit l'amendement n°24 ?
M. le président. - Amendement n°102 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Gréaume.
I. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès d'un des membres du couple, l'assistance médicale à la procréation peut se poursuivre, dès lors que le membre décédé y a consenti explicitement de son vivant. Le consentement de la personne à poursuivre cette démarche est assuré lors des entretiens prévus à l'article L. 2141-10.
Mme Esther Benbassa. - Plusieurs amendements prévoient l'autorisation de la PMA post mortem. Toutes les propositions prônent la mise en place d'un délai après le décès.
Pour notre part, nous ne voulons pas de laps de temps défini. Le temps de deuil est très personnel. Il peut être de six mois ou de dix ans chez certains.
Rien ne doit entraver le projet parental. Dans le droit actuel, les seules options ouvertes aux veuves sont la destruction des gamètes et des embryons, ou bien leur don. Ce choix est insurmontable pour les personnes endeuillées. Il faut ouvrir une voie nouvelle.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Procaccia.
I. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le père doit avoir préalablement consenti à la poursuite du projet parental s'il venait à décéder. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'un transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. »
Mme Catherine Procaccia. - Je n'ai pas étudié les législations étrangères pour rédiger cet amendement, mais je me suis fondée sur l'extension de la PMA aux femmes célibataires et sur la situation aberrante de veuves qui ne peuvent pas se faire implanter l'embryon de leur mari défunt.
Mon amendement est bien plus circonscrit que les précédents : il concerne des embryons déjà conçus. Les cas sont exceptionnels, mais pourquoi les exclure ? J'ai pris en compte les délais prévus par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), mais je suivrai la commission spéciale.
Je remercie les cosignataires, qui n'apparaissent pas à cause d'un bug... (Sourires)
M. le président. - Sous-amendement n°324 à l'amendement n°24 de Mme Procaccia, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer les mots :
au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine
par les mots :
au maximum vingt-quatre mois après le décès
Mme Patricia Schillinger. - Dès lors que nous permettons l'AMP aux femmes seules, il est délicat de l'interdire aux veuves. Cela signifierait qu'elles pourraient procréer avec les gamètes d'un donneur tiers, mais pas avec l'embryon produit avec leur conjoint décédé.
Dans ce sous-amendement, nous prévoyons un délai de 24 mois pour que la décision soit éclairée.
En cas d'adoption de ce sous-amendement, je voterai l'amendement de Mme Procaccia.
M. le président. - Sous-amendement n°325 à l'amendement n°24 de Mme Procaccia, présenté par M. J. Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer le mot :
dix-huit
par le mot :
vingt-quatre
M. Jacques Bigot. - Défendu.
M. le président. - Sous-amendement n°326 à l'amendement n°24 de Mme Procaccia, présenté par M. J. Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Supprimer les mots :
après autorisation de l'Agence de la biomédecine
M. Jacques Bigot. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°268 rectifié, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
I. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme, lorsque le couple est formé d'un homme et d'une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu'il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu'il ou elle s'engage dans le processus d'assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L'insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum deux ans après le décès. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'une insémination ou d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L'insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
Mme Patricia Schillinger. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°116 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux.
I. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme, dès lors qu'il y a préalablement consenti par écrit. Cette faculté lui est présentée lors des entretiens prévus à l'article L. 2141-10. Son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert.
Mme Véronique Guillotin. - Cet amendement propose une réponse empreinte d'humanisme à la situation douloureuse des femmes qui ont entamé avec leur conjoint un projet d'AMP, mais qui ne peuvent pas accéder à l'embryon de ce conjoint, lorsqu'il est décédé. Si elles le donnent, une autre femme pourra avoir un enfant grâce à lui. C'est totalement paradoxal.
Le décès d'un parent avant la naissance d'un enfant est-il un obstacle à son développement ? Je ne le crois pas, car la qualité de l'accueil d'un enfant prime sur la conformité de la famille. Notre amendement est prudent, puisque nous prévoyons que le projet parental se poursuive dans un délai raisonnable de six à dix-huit mois.
M. le président. - Amendement n°279 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Meunier, MM. Vallini et Temal, Mme Tocqueville, MM. Duran, Jacquin, Kerrouche et Tissot, Mme Lepage, M. Tourenne, Mme Féret et M. Manable.
I. - Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :
sauf dans le cadre de la précision du consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation. Dans l'éventualité du décès d'un des membres du couple, la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l'assistance médicale à la procréation avec les gamètes ou l'embryon issu du défunt, si le couple a manifesté son accord au moment du consentement à l'assistance médicale à la procréation. Il ne peut être procédé à l'implantation post mortem qu'au terme d'un délai de six mois prenant cours au décès de l'auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité du décès de l'un d'entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement porte à vingt-quatre mois à compter du décès le délai dans lequel une veuve peut engager la PMA post mortem. Il exclut l'Agence de la biomédecine (ABM) du processus, car elle n'a pas de rôle à y jouer.
La PMA post mortem est une question troublante. Elle peut donner l'impression que l'on enjambe la mort du père. C'est pourquoi le consentement du père est indispensable. Il ne faudrait pas non plus que la mère subisse les pressions de la belle-famille pour poursuivre le projet. Les éléments psychologiques sont importants.
M. le président. - Amendement n°157, présenté par M. Canevet.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, sauf si un projet parental a été établi avant le décès du père et sous réserve d'un accompagnement médical et psychologique de la conjointe. Dans ce cas, le transfert des embryons ne peut se faire que six mois au minimum et dix-huit mois au maximum après le décès du père ;
M. Michel Canevet. - Il convient d'élargir la PMA aux veuves. Le CCNE prévoit des délais maximum et minimum.
M. le président. - Amendement n°96 rectifié, présenté par Mmes Doineau et Guidez, MM. Chasseing, Cazabonne et Guerriau, Mme Vérien, MM. Cadic, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Saint-Pé et M. Delcros.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par cinq phrases ainsi rédigées :
Par exception, l'insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme, lorsque le couple est formé d'un homme et d'une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu'il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu'il ou elle s'engage dans le processus d'assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L'insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum trois ans après le décès. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'une insémination ou d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L'insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant ;
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement autorise la procréation post mortem dans des conditions d'encadrement équilibrées lorsque l'autre membre du couple a consenti préalablement à l'insémination ou au transfert d'embryons post mortem ; la naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'une insémination ou d'un même transfert mettrait fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert ; l'insémination ou le transfert d'embryons ne pourrait être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum trois ans après le décès.
L'amendement n°64 rectifié n'est pas défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale. - La situation visée est celle d'un couple engagé dans un processus de PMA et dont l'un des membres décède. Le droit actuel ne permet pas à la veuve d'implanter l'embryon de son conjoint défunt, de sorte que quand l'un manque, il n'y a plus de projet parental.
La veuve acquiert le statut de femme seule. Elle pourrait donc mener un projet avec les gamètes d'un tiers donneur, mais elle ne peut pas utiliser ceux de son défunt mari. C'est un paradoxe qui ne manque pas de cruauté.
L'intérêt de la femme est de bénéficier de l'AMP en utilisant l'embryon conçu avec son défunt mari. Quel est l'intérêt de l'enfant ? Il naîtra orphelin de père ; il naîtra d'un mort. Voilà une rupture anthropologique d'ampleur !
J'émets personnellement les plus grandes réserves sur cette série d'amendements mais la commission spéciale a émis un avis favorable à l'amendement n°24 qui prévoit l'expression du consentement de l'époux, encadre les délais et mentionne l'autorisation de l'ABM.
Avis défavorable aux sous-amendements et aux autres amendements.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Lorsque j'ai réfléchi à cette mesure, j'y ai d'abord été favorable par souci de cohérence vis-à-vis des femmes non mariées ; j'ai également considéré qu'il ne fallait pas ajouter au drame du deuil la frustration de ne pas pouvoir mener le projet parental à bien. Je comprends l'émotion. Puis, tirant tous les fils du raisonnement, je me suis construit une conviction différente.
Oui, mener à terme ce projet parental dans de telles conditions, c'est un acte d'amour. Mais l'argument de la cohérence ne tient pas. Une femme seule projetant une AMP a mûrement réfléchi l'accueil d'un enfant, en construisant un référentiel familial, en tissant une forme de nidation.
La situation d'une veuve est totalement différente : tout est rupture dans le deuil. Tout est à reconstruire. Ce que nous souhaitons à cette femme, c'est de faire son deuil, de se remarier ou de mener un nouveau projet parental seule. Pas de la laisser s'engager dans un projet d'AMP dont les maigres chances de succès ne feront qu'entretenir un deuil interminable et renouvelé.
C'est une fausse sécurité, une fausse liberté que nous leur donnerions. D'autant qu'il peut y avoir une pression sociétale et amicale - l'aimais-tu jusqu'au bout ? - et familiale - Mme Rossignol l'a dit.
Les embryons congelés donnés à d'autres couples sont très rares : vingt par an. La femme peut demander sa destruction. Surtout, l'embryon n'est pas le stade ultime de l'AMP. Il ne fait que refléter le type d'infertilité ; nous devons donc le traiter de la même façon que les spermatozoïdes. Car aujourd'hui, il y a des milliers de cas où les spermatozoïdes sont conservés, notamment en cas de cancer.
La rupture anthropologique dont parle Mme la rapporteur est réelle. Enfin, l'intérêt de l'enfant est central : qui peut le garantir dans cette situation ? Sa place ne serait pas la même que pour l'enfant issu du projet parental d'une femme seule.
Même si je peux comprendre l'émotion et le souci de cohérence, je crois que ces amendements seraient des erreurs : le Gouvernement s'y oppose.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. - Du point de vue juridique, autoriser la PMA post mortem présente deux difficultés. Le consentement à l'AMP n'emporte pas filiation. L'enfant naîtra après le délai des 300 jours pendant lesquels la reconnaissance de paternité reste valide. Il faudrait donc imaginer un autre système de filiation ; ce n'est pas impossible, mais difficile. La succession serait aussi problématique : pour le code civil, il faut exister lors de l'ouverture de la succession pour hériter. Il faudrait donc modifier ces textes, ainsi que ceux qui régissent les legs.
La succession devrait rester ouverte pendant tout le délai que vous voulez donner à la veuve, en vérifiant que l'enfant est viable à la naissance. Rien n'est impossible en droit, mais avouez que ce serait très compliqué. Avis défavorable à tous les amendements et sous-amendements.
M. Philippe Bas. - Les modalités de prise en compte que Mme la garde des Sceaux vient de présenter n'ont en effet pas été prévues par les amendements. Le problème juridique est sérieux.
Mais surtout je dois dire, madame la ministre de la Santé, que j'ai trouvé votre argumentation très convaincante. Nous risquons en effet d'installer les femmes dans un deuil interminable, et de placer les enfants dans une forme d'ambiguïté, comme continuation d'un amour interrompu par la mort. On est saisi de vertige...
Vos arguments sont de raison, mais aussi d'une profonde humanité. L'empathie, ce n'est pas faire sienne l'émotion sincère et profonde du deuil de ces femmes, mais prendre en compte leur souffrance et chercher le meilleur moyen de l'apaiser. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et LaREM)
M. Roger Karoutchi. - On voit combien un débat serein et pédagogique, non dénué de coeur, est utile. En commission spéciale, l'amendement de ma collègue Procaccia me semblait le mieux rédigé, le plus encadré. J'étais pourtant assez réticent à l'idée d'une PMA post mortem. Mme la garde des Sceaux, il faut étendre vos arguments, mais le droit, de votre propre aveu, peut toujours être modifié.
En revanche, à la suite du président Bas, je me rallie totalement à la position de Mme Buzyn. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman. - Je ne voterai pas ces amendements. La PMA post mortem, c'est jouer avec la vie, qui est faite de joies mais aussi de deuils. La mort peut arriver à tout moment et peut interrompre des projets faits à deux.
Faut-il que la loi permette à quelqu'un qui n'est plus de donner la vie ? Les arguments sur la construction de l'enfance sont convaincants. On risque de faire peser sur l'enfant un héritage émotionnel trop lourd. Il n'est déjà pas simple de naître de père inconnu ; cela l'est encore moins de naître de père décédé. (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. - La parole est au président Retailleau, mais pas pour un rappel au Règlement.
M. Bruno Retailleau. - Je vois que vous avez retrouvé votre sens de l'humour ! (Sourires)
Le meilleur amendement était à mes yeux celui de Mme Procaccia. Je n'avais toutefois pas l'intention de le voter, avant même le discours des ministres. Pour les partisans de l'ouverture de la PMA aux femmes seules, il est délicat de refuser à une veuve les gamètes de son mari alors qu'elle pourra en recevoir d'un inconnu. Cela relève de la logique.
Mais votre discours humain, madame Buzyn, ne fait que renforcer notre conviction qu'il faut faire preuve de prudence. Sur un sujet aussi sensible, l'approche préventive doit s'imposer. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Amiel. - Pour quelqu'un qui n'a pas voté la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules le choix était difficile. Vous m'avez convaincu, madame Buzyn, en raison de la notion de deuil.
Nous, médecins, savons qu'au-delà d'une certaine durée, le deuil devient pathologique. Partant de là, n'est-il pas morbide de vouloir prolonger le syndrome de deuil, à travers un acte qui se veut initialement humaniste ? L'enfant naîtrait dans un environnement de deuil. Cela me rappelle le conte de Tristan, né orphelin qui tournait autour de cette notion.
Peut-être faudrait-il retirer ces amendements pleins de bonnes intentions ?
Mme Michelle Meunier. - Il y a quelque chose d'injuste à refuser aux veuves ce qu'on accepte pour les femmes seules. Des femmes enceintes et veuves, cela existe, et on ne leur demande pas de comptes.
J'en fais une question de principe, de justice, de cohérence.
Je voterai stratégiquement pour l'amendement n°24 de Mme Procaccia.
Mme Laurence Cohen. - J'apprécie ce débat. Au début des auditions, je n'étais pas favorable à la PMA post mortem, mais j'ai changé d'avis. L'audition du professeur Frydman, notamment, m'a conduite à me poser des questions.
Donner à ces femmes l'unique choix de détruire les gamètes de leur mari défunt et de recommencer un projet avec ceux d'un donneur anonyme est cruel.
Nous devons légiférer en toute humilité. L'argumentation de Mme la ministre est très forte et donne à réfléchir. Le professeur Frydman nous a dit qu'il y avait peu de cas et qu'il était préférable de faire confiance aux femmes. Quoi qu'il en soit, il faut légiférer.
Je ne suis pas d'accord sur le cadre prévu par Mme Procaccia, notamment l'intervention de l'Agence de la biomédecine, mais je me rallie à son amendement.
M. Bernard Jomier. - La question n'est pas d'empathie : nous en avons tous. Mme Cohen l'a bien dit : les réactions, le travail de deuil des personnes concernées ne nous appartiennent pas. Ne pas ouvrir cette possibilité aux veuves, c'est leur faire injonction de trouver une autre voie pour leur projet parental.
Les femmes qui se battent pour continuer ce projet avec les gamètes de leur défunt mari obtiennent souvent gain de cause, comme au tribunal de Rennes notamment.
Il ne faut certes pas encourager des deuils interminables. Mais le délai de dix-huit mois y remédie. Il ne s'agit que d'une possibilité offerte aux veuves, pas d'une injonction à poursuivre un projet parental. Peut-on obliger à utiliser les gamètes d'un donneur anonyme alors que celles du mari existent ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Les ministres nous ont exposé des arguments intéressants, même si la question de la succession de l'enfant à naître ne doit pas encombrer notre réflexion : elle est traitée par le droit en vigueur, dans le code civil.
Mme Buzyn a posé les bonnes questions. Entretenir le deuil éternellement serait morbide. Cependant, il faut faire confiance aux femmes. Pourquoi serions-nous mieux placés qu'elles pour décider ce qu'elles doivent faire de leur vie ? Le délai de six mois minimum offre un cadre satisfaisant pour laisser passer le temps de l'émotion.
Ne refusons pas de légiférer, alors que le Conseil d'État a accepté que des femmes exportent leurs gamètes pour une insémination à l'étranger. (Murmures de protestation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Vincent Segouin. - Et alors ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je ne dis pas qu'il faut introduire en France ce qui existe à l'étranger, mais qu'il faut se rallier à l'amendement de Mme Procaccia, plus protecteur que la législation en vigueur.
M. Alain Houpert. - Il est plus aisé d'être dans la position du législateur que dans celle du médecin qui est présent lorsque tout bascule. Le professeur René Frydman, le professeur Christian Hervé, avec lesquels j'ai écrit une tribune, m'ont dit qu'il était dur de dire non à une femme sous le coup du deuil. Ce serait une seconde violence, après celle du sort...
Rappelons qu'un gamète n'est pas un embryon déjà conçu. C'est là toute la différence. (Applaudissements sur diverses travées)
M. le président. - À chaque argument, je reçois de nouvelles inscriptions de parole...
Mme Catherine Procaccia. - Je comprends les arguments des ministres et respecte la profondeur de leurs convictions.
Il faut aussi penser à l'enfant, qui naîtra sans père. Mais cela ne vaut-il pas mieux que de rechercher ses origines à 18 ans ? Je ne nie pas les problèmes juridiques mais on voit bien des tribunaux trouver des solutions pour les enfants nés de GPA...
Oui, faisons confiance aux femmes. La plupart d'entre elles abandonnent leur projet. Pour les rares veuves qui vont jusqu'au tribunal, cependant, pourquoi ne pas régler la question dans le sens recommandé par le CCNE en 2014, celui de mon amendement ? Puisque le texte ouvre une vraie navette, votons-le pour poursuivre la discussion. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains ; Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. Jean-Michel Houllegatte. - Sur ce sujet qui touche l'infini, je me rallie aux arguments de la ministre de la Santé. Ces amendements pourraient créer de nouvelles fragilités. Avoir été implanté après la mort de son père, cela ne sera-t-il pas trop lourd à porter pour l'enfant, qui aura au-dessus de son berceau, à côté d'Éros, l'ombre de Thanatos ? Il aura la responsabilité d'un enfant du miracle !
Au nom de cette fragilité, je ne voterai pas ces amendements.
M. André Reichardt. - Je ne les voterai pas non plus, n'ayant pas hier soir voté la PMA pour les femmes seules. Sinon, je les voterais sans doute ! Car une veuve qui veut réellement, dans les délais prévus par l'amendement de Mme Procaccia, élever l'enfant de son mari défunt, le ferait-elle moins bien qu'une femme seule dans un projet de PMA ? Les deux mesures sont liées. (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. Guillaume Chevrollier. - Revenons à la raison et au bon sens. Le législateur doit-il institutionnaliser la PMA post mortem - après six mois, dix-huit mois, trois ans ? Est-ce un progrès ? Les droits de l'enfant sont-ils respectés ? Les conséquences psychologiques, que je crois dramatiques, sont-elles prises en compte ? Il faut faire justice à l'enfant davantage qu'à l'adulte. C'est bien l'intérêt supérieur de l'enfant qui est en jeu ici. Le législateur prend un risque vertigineux et je voterai pour ma part contre les amendements.
M. Olivier Cadic. - J'ai cosigné l'amendement de Mme Doineau, en pensant aussi aux parents du mari disparu. Ce débat me renvoie au roman de Marcel Pagnol qui dit la détresse de perdre un enfant unique.
Cet amendement, c'est la liberté des personnes, qui est l'un des fondements de notre République. Je voterai pour.
M. Bernard Bonne. - J'ai voté contre l'extension de la PMA et voulais néanmoins voter pour ces amendements. Mais les arguments des ministres m'ont convaincu, ainsi que le débat. Imaginons le poids pour l'enfant, mais aussi pour la mère, pour les grands-parents paternels. Quelle relation auront-ils avec l'enfant ?
Il est vrai qu'un problème de cohérence se pose ; mais implanter les gamètes du mari décédé n'est pas concevable. (MM. Dominique de Legge et Jean-Paul Émorine applaudissent.)
M. Daniel Chasseing. - L'humilité s'impose à nous. J'ai écouté le professeur Frydman en audition, et Mme la ministre à l'instant, mais mon avis rejoint ceux de M. Houpert et Mme Cohen. La veuve n'est pas obligée de recourir à la PMA avec l'embryon conçu avec son mari. Je ne crois pas à l'argument des pressions familiales : les femmes sont aujourd'hui indépendantes et capables d'y résister. Mais pourquoi le médecin devrait-il refuser à la veuve ce qu'il accorde à une femme célibataire ?
Plutôt que de prévoir un deuil permanent, je préfère imaginer une nouvelle vie avec l'enfant. Je voterai l'amendement de Mme Procaccia.
M. Olivier Henno. - Merci à Mme la ministre d'avoir élevé le débat ; elle m'a fait chanceler, hésiter, mais finalement je suis renforcé dans mon point de vue.
PMA ou non, il y a déjà des enfants qui naissent orphelins. (Murmures sur certaines travées du groupe Les Républicains)
La monoparentalité choisie n'est pas la monoparentalité subie. Je voterai l'amendement de Mme Procaccia, mais pas pour des motifs compassionnels. Le plus important, c'est la détermination, le désir d'enfant et l'amour que les personnes veulent porter à l'enfant. (Mme Valérie Létard et M. Olivier Cadic applaudissent ; Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
Mme Patricia Schillinger. - Le législateur doit toujours songer aux cas exceptionnels, comme les mariages post mortem sur lesquels nous, élus, sommes parfois sollicités.
À titre personnel, je voterai cet amendement parce qu'il est indispensable de poser un cadre. Même s'il ne s'agit que de trois cas, l'amendement me rassure. Il ne réglera pas tout, certes, mais il est utile et je le voterai.
M. Yves Daudigny. - J'ai cosigné l'amendement de Mme Meunier, avec beaucoup de conviction ; j'ai entendu les arguments de Mme la ministre de la santé mais je voterai les amendements. Je reprends à mon compte les propos de M. Henno. Il faut laisser à la personne concernée, dans un moment très difficile, la liberté de choisir.
Mme Annick Billon. - J'ai, moi aussi, chancelé mais, à la différence de M. Henno, j'ai été convaincue par les ministres, malgré les arguments de Mme Cohen. Je voterai contre les amendements, comme j'ai voté contre l'élargissement de la PMA.
M. Jacques Bigot. - Merci à Mme Procaccia d'avoir déposé cet amendement qui apporte une solution conforme à l'éthique. La mort du père doit-elle mettre fin au projet de PMA ? Cela relève de l'intime, pas de la bioéthique. Le droit peut tout régler, et ce n'est pas au nom du droit que le législateur peut dire non à ces femmes ! Laissons ouvert le champ des possibles. L'amendement de Mme Procaccia, précautionneux, encadre suffisamment le processus, tout en laissant aux femmes le choix de poursuivre ou non le projet. Le législateur n'a pas à s'immiscer ainsi dans l'intime. (Mmes Maryvonne Blondin et Valérie Létard applaudissent.)
M. le président. - Le nombre des inscrits grandit encore...
Mme Catherine Deroche. - Rien dans le Règlement n'interdit aux sénateurs de s'exprimer, monsieur le président.
Beaucoup de mes collègues ont fait évoluer leur position en entendant le professeur Frydman. J'ai, de mon côté, entendu, lorsque je siégeais au conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, des médecins me dire que des femmes dans ce cas les avaient remerciés, quelques mois après, d'avoir dit non. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Mizzon. - Oscar Wilde disait : « Je déteste les discussions : elles vous font parfois changer d'avis ». (Sourires)
N'ayant pas voté l'extension de la PMA, j'estime, puisque cet amendement ne fait qu'offrir une possibilité, sans imposer rien à personne, qu'il faut le voter. Entre une fermeture totale et une possibilité, je préfère la seconde approche. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe SOCR ; Mmes Catherine Fournier et Valérie Létard applaudissent également.)
M. Jean-Pierre Corbisez. - J'ai failli vivre cette situation. Quand on avale beaucoup de médicaments à l'année et qu'on souhaite fonder une famille, on peut avoir besoin d'un accompagnement. C'est un processus à la fois technique, médical et juridique. On parle de l'intérêt de l'enfant, mais quid de la liberté, pour le couple, de se faire aider par la science ? Quid de la volonté du mari qui meurt ? Pourquoi ne pas laisser la veuve donner naissance à l'enfant et par la suite, peut-être, refaire sa vie ?
Par l'amendement de Mme Procaccia, on respecte la liberté du couple. L'arrivée de l'enfant respecte la volonté initiale.
Mme Laurence Rossignol. - Madame Buzyn, je suis entrée dans ce sujet avec les mêmes réflexions que les vôtres ; j'ai fait le chemin inverse. Je me suis éloignée des questions de souffrance et d'affect, qui ne sont pas de bons guides pour le législateur. Je suis revenue sur des principes qui opèrent comme une boussole : l'autonomie des femmes, en particulier.
Dans votre volonté de protéger ces femmes, de les abriter des pressions, il y a une remise en cause de leur capacité totale. Elles sont pourtant capables de prendre des décisions touchant leur corps, pour tous les sujets, comme pour interrompre une grossesse, alors pourquoi leur refuser le droit de mettre en route une grossesse, dès lors que le consentement du conjoint a été recueilli explicitement ?
Je ne sais pas quel est le meilleur modèle familial : un papa mort, disparu, inconnu ; deux mamans, deux papas, une maman, un papa, un beau-père et une belle-mère ? Je crois en la résilience. Je voterai l'amendement de Mme Procaccia.
M. le président. - La liste des orateurs s'allonge encore. Je trouve ce débat incroyable, d'une qualité rarement égalée. Ne vous méprenez pas, je ne vous demande pas de le raccourcir ! Pour une fois que nous ne sommes pas contraints par le temps, prenons-le !
Mme Anne Chain-Larché. - Le Sénat a voté la PMA pour toutes. Chacun parle avec son expérience, et avec le plus grand respect des couples et des personnes isolées. Mais si on croit à la vie, on se résout à la mort.
N'ayant pas voté la PMA pour toutes, je ne voterai pas la PMA post mortem, même si je comprends ces femmes.
Je crains un glissement vers la GPA. Si un couple hétérosexuel formait un projet de PMA et que la mère disparaissait, quelle serait votre position ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Maryvonne Blondin. - Je soutiens l'amendement de Mme Procaccia. Dans mon département du Finistère, une femme déterminée a déposé un recours devant le Conseil d'État pour transférer ses embryons de Bretagne en Espagne, où la loi autorise à transplanter les embryons un an après le décès.
Son mari a écrit une lettre émouvante et pleine d'amour lorsqu'il a su qu'il était atteint de leucémie, à destination de ses enfants à naître, disant qu'il les soutiendrait de là où il serait.
Lorsque les deux époux sont sur la même ligne, comment peut-on accepter de détruire l'embryon ou de le donner à une autre famille ? Et comme l'a souligné Mme Rossignol, qu'est-ce qu'une vraie famille ? C'est un enfant désiré, en sécurité, qui saura comment son père a voulu qu'il vienne au monde.
Mme Valérie Létard. - Ces sujets, extrêmement touchants, en appellent à l'intime. Mon avis est partagé ; nous nous mettons tous à la place de ces femmes.
Les propos de MM. Bigot et Cadic m'ont beaucoup touchée. De quel droit fermons-nous la porte à ces femmes ? Je me suis abstenue sur les amendements de suppression mais voterai l'article premier tel qu'encadré par les amendements : six mois de réflexion, évaluation médicale, sociale, psychique, et accompagnement. PMA pour toutes ? Actuellement, pas pour une veuve...
Je suis une femme ; je ne sais pas ce que je ferais dans une telle situation ; mais je n'aimerais pas qu'on me prive de choix... (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, SOCR et RDSE)
Mme Lana Tetuanui. - Pour avoir grandi dans une société qui a gardé la valeur de la famille, je m'interroge : jusqu'où l'intelligence humaine ira-t-elle ? Ou plus exactement : où atteindra-t-elle sa limite ?
On parle de procréation. Pour moi, et pour la société polynésienne, cela se passe entre deux êtres vivants. Doit-on légiférer sur des cas exceptionnels ?
Mme Claudine Lepage. - Cela nous arrive.
Mme Lana Tetuanui. - Pour avoir toujours combattu « l'invasion » de certains phénomènes nouveaux, aux côtés d'un gouvernement polynésien qui a toujours tout fait pour sauvegarder la famille - qui pour nous est composée d'un homme, une femme et des enfants - je ne peux que voter contre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC)
Mme Élisabeth Doineau. - Je respecte chaque opinion ; chacun chemine, soupèse les divers arguments ; et je vous remercie pour la sérénité de ce débat.
Après avoir écouté les médecins en auditions, je me suis mise à réfléchir à ce problème que j'ignorais auparavant.
Il y va ici de la liberté. Laissons les femmes décider. La plupart renoncent, mais lorsque certaines veulent persister, c'est un projet de couple mûrement réfléchi qu'elles veulent poursuivre. Évitons-leur un double deuil.
C'est aussi une question d'égalité. Après avoir permis l'extension de la PMA à toutes les femmes, en couple ou seules, il serait injuste d'interdire aux femmes veuves de concevoir un enfant avec leurs embryons.
Notre devise est « liberté, égalité, fraternité. » C'est faire preuve de fraternité que d'accompagner dans ce projet une personne qui ne sera pas seule, mais entourée par sa famille et les médecins. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Françoise Laborde. - Je ne suis ni à la commission des lois, ni juriste, mais je suis une utopiste. Il y a beaucoup de lois d'obligation, de devoir. Il y a aussi des lois d'autorisation, de liberté. Merci à Lucien Neuwirth, à Simone Veil. Merci aux auteurs de ces beaux amendements, qui seront votés, je l'espère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)
M. Sébastien Meurant. - J'ai voté contre l'extension de la PMA. Par cohérence, je voterai contre ces amendements. La rupture anthropologique se poursuit aujourd'hui...
Ce n'est pas la liberté de ce que la science permet de faire qu'il faut prendre en considération. Il convient de fixer des repères, de dire jusqu'où on peut aller.
Demain, pourquoi ne pas autoriser les femmes à faire un enfant à 70 ou 75 ans, au nom de la liberté ? Et si c'est la mère qui meurt et non le père, on aura la liberté de partir faire un enfant à l'étranger en GPA ! Le Conseil d'État et la Cour de cassation autoriseront la transcription de la filiation. On en arrive à une dérive : « je veux, je peux, j'ai droit ». Le droit n'est pas l'extension infinie des désirs individuels. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - Lors de la dernière loi de bioéthique, il y a sept ans, nous avions déjà eu cette discussion. J'étais déjà favorable à l'AMP post mortem. En arrivant dans l'hémicycle, j'étais favorable à l'amendement de Mme Procaccia.
J'ai écouté les orateurs et les ministres. J'en ai été perturbé. Oui, le droit est un outil, madame la garde des Sceaux. Il doit le rester.
Madame Buzyn, vous avez très bien parlé ; vous avez failli me convaincre mais je reviendrai à mon premier avis.
Selon la loi telle qu'elle est actuellement, l'AMP s'arrête au décès du conjoint. Laissons la liberté de poursuivre ; ce n'est pas une obligation. Même si la possibilité que nous ouvrons est choisie une fois, elle ne le sera pas par hasard. La femme aura débattu avec son entourage. C'est une décision difficile à prendre, mais prenons-la. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe SOCR)
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Je ne reviendrai pas sur mon argumentaire. Cette discussion augure d'autres débats dans l'examen de ce texte, où seront mis en balance la liberté accordée à quelques-uns, qui traversent des situations dramatiques et que nous souhaitons aider, et la protection des plus vulnérables, qui seront dans l'incapacité de résister aux glissements et aux dérives possibles.
Lorsque l'on convoque des cas individuels, on ne peut qu'être en faveur de cette « autonomie », madame Rossignol. Mais toutes les femmes n'ont pas le même degré d'autonomie. La PMA n'est pas réservée à certains milieux socioculturels où l'autonomie est réelle. Elle peut concerner des femmes en situation de plus grande précarité. Mais je m'inquiète surtout de la vulnérabilité en situation de deuil ; certaines femmes pourraient subir des pressions.
Je veux répondre à certains arguments. Soit dit en passant, traiter différemment les embryons et les spermatozoïdes revient à traiter différemment des femmes ayant des causes d'infertilité différentes... Quoi qu'il en soit, l'injustice, selon moi, ce n'est pas de ne pas pouvoir accéder à ses gamètes ou ses embryons, c'est la mort du conjoint. Pour la grande majorité des couples français qui n'ont pas recours à la PMA, la mort du conjoint entraîne la fin du projet parental commun.
Je m'interroge sur la notion de consentement libre de l'amendement de Mme Procaccia. Quel conjoint au seuil de la mort refusera de donner son consentement ?
En contrepartie, quelle liberté aura la veuve qui subit le poids de ce consentement, six mois après ? L'amendement de Mme Procaccia n'est pas si protecteur. Il induit une obligation.
Dans tous mes raisonnements, je me suis placée du côté de la vulnérabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Loïc Hervé applaudit également ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Sur les conséquences juridiques de la PMA post mortem, il faudra nécessairement changer les règles de filiation et de succession.
Actuellement, le code civil prend en considération les enfants nés ou...
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Ou à naître.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ... conçus et viables au moment où ils naissent : « Pour hériter, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable » dit l'article 725 du code civil. Pour la succession, il faudra prendre en compte de nouveaux délais et établir la répartition des parts avec les cohéritiers. Certes, le droit est un outil. Ici, la complexité induite sera réelle.
Le sous-amendement n°324 n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements nos325 et 326.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
(Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
L'amendement n°272 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°224 est retiré, ainsi que les amendements nos231, 102 rectifié bis, 268 rectifié, 116 rectifié bis, 279 rectifié, 157 et 96 rectifié.
M. le président. - Amendement n°98 rectifié quater, présenté par M. Retailleau, Mme Noël, MM. Chevrollier, B. Fournier et Danesi, Mmes Di Folco et Deromedi, MM. de Legge et Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Bruguière, Chain-Larché, Thomas et Gruny, MM. Bascher, Chaize, Mouiller, Schmitz et Cuypers, Mmes Deseyne et Deroche, MM. Mandelli, Mayet, Longuet, Cambon et Bignon et Mme Micouleau.
Après l'alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un médecin n'est jamais tenu de participer à l'assistance médicale à la procréation prévue à cet article mais il doit informer l'intéressée de son refus et l'orienter vers un médecin compétent.
« Aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de participer à l'assistance médicale à la procréation. » ;
M. Bruno Retailleau. - Je salue le talent de la ministre Buzyn qui a emporté la conviction de beaucoup de nos collègues. (Mme Laurence Cohen en doute.)
Revenons à l'historique de la clause de conscience. En 1974, Simone Veil construit ce concept en indiquant que personne ne doit aller contre ses convictions. Cela doit nous parler, à nous qui sommes engagés en politique d'abord en vertu de nos convictions.
Cette clause de conscience découle de la liberté de conscience, principe constitutionnel précisé par de nombreuses jurisprudences du Conseil constitutionnel, dont je retiendrai celle de 2001, car elle concerne le milieu médical.
Le législateur avait reconnu la clause de conscience non seulement pour l'IVG, mais aussi pour les recherches sur l'embryon.
Mais certains m'opposeront le code de déontologie. Le code de théologie et sa clause générale de conscience... (Sourires)
Mme Laurence Cohen. - Lapsus révélateur !
M. Bruno Retailleau. - Le code de déontologie concerne les soins, ce que n'est pas la PMA. D'autre part, il relève du réglementaire, alors que la PMA est ouverte par la loi.
M. André Reichardt. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°164, présenté par M. Meurant.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Aucun médecin, aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est jamais tenu de participer à l'assistance médicale à la procréation selon les modalités prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.
M. Sébastien Meurant. - Défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Dommage que l'objet de l'amendement n'ait pas été plus détaillé comme vient de le faire M. Retailleau. La commission a donné un avis défavorable sur les deux amendements.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Malgré votre remarque sympathique à mon sujet, je vais être obligée de donne un avis défavorable. (Sourires)
Je comprends la cohérence avec votre vote d'hier. Mais la clause de conscience existe pour les actes médicaux et non pour les individus. Le médecin qui ne veut pas pratiquer une IVG renvoie la patiente à un collègue.
La clause de conscience du médecin ne saurait cibler les publics en faisant de la discrimination. D'ailleurs le Conseil d'État ne dit pas autre chose dans son avis. Les autres professionnels de santé et les auxiliaires médicaux ne peuvent pas se soustraire aux actes en invoquant une clause de conscience. Les professionnels de santé spécialisés dans la PMA savent qu'ils sont amenés à réaliser des actes orientés vers la procréation et donc invoquer une clause de conscience serait discriminatoire puisqu'orientée vers des personnes et non des actes. Avis défavorable.
M. Philippe Bas. - J'étais plus convaincu, madame la ministre, quand vous exprimiez une conviction personnelle que quand vous interprétez les raisonnements du Conseil d'État.
L'AMP pour traiter un problème médical d'infertilité est différente de l'AMP pour traiter une demande de femmes en couple ou de femme seule qui ne sont pas infertiles.
Le code de déontologie prévoit qu'un médecin peut refuser des soins lorsqu'il ne se sent pas assez qualifié. Là, il s'agit non de cas individuels mais de collectif. Pour traiter une catégorie d'actes, et non le cas de M. ou Mme Dupont, il est nécessaire de légiférer, comme ce fut le cas pour l'IVG, les actes à visée contraceptive et les recherches sur embryon.
Cet amendement est nécessaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Houpert. - L'AMP est un acte extrêmement difficile et spécialisé réalisé par peu d'équipes qui ont choisi de le faire. Je ne comprends pas ces amendements. (Mme Laurence Cohen le confirme.)
Mme Laurence Rossignol. - La clause de conscience sur l'IVG est une clause de conviction politique, comme celle qui nous est proposée ici.
Je rejoins Mme la ministre qui distingue la clause de conscience pour un acte médical de celle pour une personne. Il y aurait abus du pouvoir médical vis-à-vis des femmes seules ou en couple qui veulent un enfant. M. Houpert a encore très bien parlé. Nous voterons bien sûr contre ces amendements.
Mme Laurence Cohen. - On vient d'avoir un débat long mais absolument passionnant, respectueux de chacun et chacune. Je m'en félicite.
Là, il s'agirait d'utiliser la clause de conscience pour limiter la liberté de choix des femmes. On veut choisir à leur place. Les équipes qui aujourd'hui en France pratiquent la PMA ont choisi de le faire et lorsque nous les avons auditionnés, leurs questions étaient nombreuses et pertinentes.
Pourquoi ces amendements sinon pour se donner bonne conscience ?
Mme Véronique Guillotin. - Je voterai contre ces amendements. La PMA est réalisée par des équipes spécialisées, donc je ne comprends pas cette clause de conscience sauf à discriminer les femmes.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - La clause de conscience sur l'IVG, madame Rossignol, n'est pas un acte politique. Le serment d'Hippocrate consiste à préserver la vie et l'IVG, ce n'est pas tout à fait cela... d'où la mise en place de la clause de conscience.
M. Houpert a raison, les médecins qui travaillent en AMP sont ultra-spécialisés et choisissent d'aller dans un service ultra-spécialisé. Ils n'ont pas besoin d'une clause de conscience. Si ces amendements n'étaient pas retirés, je m'abstiendrai.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Référons-nous au texte. La lecture de l'article sur la clause de conscience dans le code de déontologie permet de voir qu'il n'est nul besoin d'en prévoir une spécifique pour l'AMP. Pourquoi catégoriser les actes médicaux ?
L'amendement n°98 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°164.
M. le président. - Amendement n°273 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, MM. Daudigny, Vaugrenard, Dagbert, Manable et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Féraud et Tourenne, Mme S. Robert, MM. Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-.... - Toute personne ou tout couple pris en charge dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation doit pouvoir recourir à ses propres gamètes. » ;
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement empêche que les personnes ou les membres d'un couple en parcours d'AMP soient contraints de recourir à un don de gamètes alors qu'elles disposent de leurs propres gamètes.
Évitons que la technique de FIV-ROPA (réception d'ovocytes de la partenaire) soit refusée aux couples de femmes.
Un couple de femmes qui réalise une FIV-ROPA ne recourt pas à une donneuse puisque les deux femmes sont mères mais réalise une maternité partagée.
M. le président. - Amendement n°197 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-.... - Lorsque l'assistance médicale à la procréation implique un couple formé de deux femmes, le don d'ovocytes d'un membre du couple à l'autre membre du couple peut être autorisé. » ;
Mme Laurence Cohen. - Une des deux est la mère génétique qui apporte l'ovule et l'autre la mère biologique qui portera à terme la grossesse. Ce peut être un choix de maternité conjointe ou pour répondre à des problèmes médicaux.
M. le président. - Amendement n°271 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Blondin, M. Daudigny, Mme Lepage, MM. Vaugrenard, Dagbert, Manable et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Féraud, Tourenne, Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-.... - Lorsque l'assistance médicale à la procréation implique un couple formé de femmes, la réception des ovocytes d'un membre du couple par l'autre membre du couple peut être autorisée, après avis de l'équipe pluridisciplinaire. » ;
Mme Michelle Meunier. - Il s'agit d'un amendement de repli : le choix de la méthode ROPA est encadré par un avis de l'équipe médicale pluridisciplinaire.
M. le président. - Amendement n°172, présenté par M. Meurant.
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas d'un couple de femmes, le don d'ovocyte de la compagne est interdit.
M. Sébastien Meurant. - L'article 16-8 du code civil dispose que le don des éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci. »
La pratique qui consisterait pour une femme à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait donc à contourner cette interdiction.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Les amendements nos273 rectifié bis, 197 rectifié bis et 271 rectifié bis concernent le prélèvement des gamètes de chacun des membres du couple pour réaliser une PMA. Cela existe déjà pour les couples hétérosexuels. Bien entendu, cela n'est pas possible dans le cas d'un couple de femmes.
Ces amendements ont pour visée de faire participer les deux femmes à la grossesse. Or, aujourd'hui, le don dirigé est strictement interdit et le don est anonyme : c'est un principe de bioéthique.
Avis défavorable à ces trois amendements et avis favorable à l'amendement n°172 qui renforce le principe actuel.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Ces amendements touchent à un principe fondamental de la médecine : ne pas pratiquer un acte médical non nécessaire et non justifié médicalement. Dans le cas d'un couple de femmes, l'AMP consistera en une insémination de spermatozoïdes dans l'utérus sans autre opération, et en particulier sans stimulation ovarienne de la receveuse. Or les trois premiers amendements imposent à l'autre membre du couple une stimulation ovarienne en plus de la fécondation in vitro, du transfert embryonnaire et de la congélation d'embryon. C'est exactement ce que nous voulons éviter, y compris congeler des embryons surnuméraires. La méthode ROPA occasionne des stimulations ovariennes pour la femme qui donnerait des ovocytes à sa conjointe et des congélations d'embryons non nécessaires. Même si nous sommes sensibles à la volonté de maternité partagée, tout le projet de loi repose sur le principe que le donneur de gamètes n'est pas forcément parent, et que les parents sont ceux qui élèvent leurs enfants.
Avis défavorable aux amendements nos273 rectifié bis, 197 rectifié bis et 271 rectifié bis. L'amendement n° 172 est satisfait : retrait ?
L'amendement n°273 rectifié bis n'est pas adopté,non plus que les amendements nos197 rectifié bis et 271 rectifié bis.
L'amendement n°172 est retiré.
M. le président. - Amendement n°125 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Bonne, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers, Mayet et Piednoir, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mmes Ramond et Lavarde, M. Gilles, Mme Lopez, MM. Longuet, Regnard, Leleux, H. Leroy et Rapin, Mme Micouleau et MM. Cambon, Meurant, Bignon, Segouin et Hugonet.
Alinéa 16
Remplacer la première occurrence du mot :
que
par les mots :
qu'avec les gamètes de l'un au moins des membres d'un couple et
M. Dominique de Legge. - La loi permet le recours à un don de gamètes mais interdit le double don : l'enfant est toujours biologiquement issu d'un des deux membres du couple.
Cet amendement maintient l'interdiction du double don. Cette évolution n'est en effet pas un progrès pour l'enfant.
M. le président. - Amendement n°146 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mmes Loisier et Thomas et M. Meurant.
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple.
M. Sébastien Meurant. - Le texte prévoit la possibilité d'une AMP avec deux « tiers donneurs » : un homme et une femme. L'enfant qui en serait issu ne partagerait donc aucun patrimoine génétique avec ses parents. Cette disposition, en plus de priver un enfant de ses parents biologiques, ouvrirait la porte à un marché de la procréation, en permettant aux parents de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant. Nous proposons un retour au droit actuel.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Même avis. Pourquoi autoriser le double don de gamètes ? Cela n'entraîne aucun tri.
Dans les cas d'une double infertilité, les couples refusent le plus souvent d'accueillir un embryon congelé déjà existant, issu d'un autre projet parental. Au total, ce procédé concerne une vingtaine d'embryons chaque année, pour 10 000 congélations d'embryons au total. Nous ne voulons pas le leur imposer. La majorité des instances est en accord, considérant qu'un embryon existant hérite d'une histoire, alors que celui issu du double don de gamètes est issu du projet de ses parents.
M. Dominique de Legge. - Après vous avoir entendu, madame la ministre, je suis encore plus convaincu de l'intérêt de cet amendement. Vous nous expliquez que la rupture du lien biologique serait autorisée sur demande des parents ? J'ai dû mal comprendre ! Ou alors ce serait proprement monstrueux.
Mme Agnès Buzyn, ministre. - Nous parlons uniquement des couples souffrant d'une double stérilité. Leur seule possibilité, aujourd'hui, est d'accueillir un embryon déjà congelé venant d'un autre projet parental, ce qui est difficile pour eux. Ils sont assez réticents ; cela a été constaté.
M. Bruno Retailleau. - Je comprends mieux. Notre crainte, c'est de toucher au principe. Nous sommes contraints de légiférer à partir de cas uniques ou très spéciaux. Mais ces cas vont ensuite ouvrir une règle générale.
Pourquoi la loi a-t-elle interdit jusqu'à présent le double don ? Pour préserver le lien charnel.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Le lien biologique.
M. Bruno Retailleau. - Le Conseil d'État lui-même rend l'enveloppe charnelle indissociable de la personne.
Supprimer le lien charnel, c'est supprimer la lignée pour l'enfant. Cela est très proche de la notion de filiation dont nous parlerons demain. Ce sont ces doutes qui nous conduisent à voter cet amendement.
M. Michel Amiel. - Je ne suis pas l'argumentation de M. Retailleau car ce serait remettre en cause le principe même de la PMA, qui est d'introduire des possibilités pour des cas de stérilité.
Je ne voterai pas l'amendement.
M. Jacques Bigot. - Avec la notion de lignée, M. Retailleau tente de revenir à une conception de la famille totalement dépassée.
Avant 1972, seul l'enfant légitime avait un lien. L'enfant naturel n'avait aucun rapport avec la lignée. Il ne pouvait pas même hériter de ses grands-parents. Parler de lignée dans le cas de la PMA est rétrograde. (Murmures sur les travées à droite ; Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. Philippe Bas. - Revenons à la discussion présente.
Des générations d'enfants arrivés à l'âge adulte peuvent témoigner de leur trouble du fait de la méconnaissance de leurs origines.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. - Ils ne sont pas nombreux.
M. Philippe Bas. - Certes, la génétique ne fait pas à elle seule la paternité ni la maternité, mais elle ne peut être totalement écartée.
Lorsqu'il y a un donneur extérieur, il y a déjà un problème. Mais s'il y en a deux, il n'y a plus aucun lien génétique avec les parents. Nous pouvons avoir un réflexe de prudence, alertés par les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens issus de dons de gamètes dans la construction de leur personnalité.
Il me semble que nous pourrions encourager les couples doublement stériles à se tourner vers l'adoption. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Les Républicains)
Mme Annick Billon. - Madame la ministre, vous avez cité 20 naissances par an issues de dons d'embryons. Est-ce bien cela ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. - En effet, des couples souffrant de double infertilité peuvent accueillir des embryons. Il y a 10 000 embryons congelés qui sont soit destinés à ces couples, soit donnés à la recherche, soit détruits. Il existe déjà des enfants sans liens génétiques avec leurs parents.
Ce que nous proposons, c'est de les autoriser à bénéficier d'un double don de gamètes, et non plus seulement d'un don d'embryon. L'absence de lien génétique existe déjà et est admise par la loi.
M. Philippe Bas. - Ce n'est pas bien pour autant...
Mme Laurence Rossignol. - La discussion donne l'impression qu'on ouvrirait la possibilité des dons de gamètes pour tous. Non, l'immense majorité de nos concitoyens ont des enfants en leur transmettant leur patrimoine génétique. Au nom de quelle mythologie de la filiation génétique interdirait-on cette possibilité à des couples infertiles d'avoir des enfants ?
Tout le monde sait qu'il y a peu d'enfants adoptables aujourd'hui. Si Mme la garde des Sceaux veut fusionner les deux régimes d'adoption, simple et plénière, pour éviter que le couple qui adopte ne s'approprie intégralement l'enfant et maintenir une forme de double filiation, je serai ravie de m'en faire le relais au Sénat.
Mme Laurence Cohen. - Très bien !
Mme Cécile Cukierman. - Amendement après amendement, il semble qu'on ne serait parent qu'en donnant la vie, et qu'un seul type de famille est valable.
Attention aux cas particuliers : nous avons tous de bons et de mauvais exemples à citer. Personnellement, je voterai cet amendement.
M. Bernard Jomier. - Le groupe Les Républicains propose des amendements qui restreignent l'application de l'article premier. Ce faisant, il porte atteinte à des droits existants puisqu'il existe déjà une parentalité sans lien biologique.
Réfléchissez ! Je respecte votre combat, mais délier la paternité et la maternité de la génétique, c'est déjà fait.
M. André Reichardt. - Non !
M. Bernard Jomier. - Je comprends que vous craigniez le délitement à l'infini de ce lien. Mais ce n'est pas ce que propose ce texte qui ne porte atteinte à aucune de nos valeurs. Je vous invite à la retenue car, avec cet amendement, vous allez causer des torts à des couples existants. (M. André Reichardt proteste.)
M. Roger Karoutchi. - J'ai du mal à saisir le sens de la dernière intervention. Si j'ai bien compris, le double don de gamètes n'est pas autorisé. (On le conteste sur les travées de la gauche.) Ce texte envisage d'aller plus loin pour répondre aux attentes de couples hétérosexuels doublement stériles. Allons-nous changer la loi à chaque fois que des cas particuliers se font jour, petit bloc par petit bloc ? Peut-être devrions-nous laisser la loi à un niveau général. Chacun sait qu'ensuite, les médecins disposent d'une marge de manoeuvre. Un peu de prudence ne nuit pas : je voterai l'amendement.
L'amendement n°125 rectifié ter est adopté.
L'amendement n°146 rectifié n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°302, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.
Alinéa 16
Remplacer les mots :
à l'article L. 2141-1
par les mots :
aux articles L. 2141-1 et L. 2141-2-1
L'amendement rédactionnel n°302, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.