Questions d'actualité
M. le président. - Je vous remercie d'excuser l'absence du président du Sénat qui assiste en ce moment même, à Puy-Guillaume, à la cérémonie d'hommage à notre ancien collègue Michel Charasse.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Référendum d'initiative partagée sur Aéroports de Paris
M. Fabien Gay . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Monsieur le Premier ministre, plus d'un million de personnes soutiennent le référendum d'initiative partagée (RIP) contre la privatisation d'Aéroports de Paris. Après les autoroutes et avant les barrages hydroélectriques, les Français sont majoritairement opposés au bradage de notre patrimoine commun.
Malgré un site Internet d'utilisation complexe, digne du minitel, malgré une information officielle inexistante, malgré un black-out médiatique effrayant et le mépris du Président de la République pour les parlementaires signataires, la pétition a recueilli plus d'un million de soutiens : c'est une grande victoire démocratique.
Monsieur le Premier ministre, vous aviez promis de ne pas toucher à la retraite à 62 ans, et vous imposez - au forceps - la retraite à 65 ans. Le Président de la République avait promis d'abaisser à un million le nombre de signatures nécessaires pour un RIP. Si la Constitution ne vous y contraint pas, l'engagement présidentiel vous y invite : plutôt que le 49-3, utilisez l'article 11-1 de la Constitution ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR ; M. Sébastien Meurant, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je suis un peu surpris par votre lecture du droit actuel et de la loi constitutionnelle. La procédure du RIP exige la signature de près de 4,7 millions de citoyens.
Mme Éliane Assassi. - Nous le savons !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Vous vous êtes engagés avec ferveur dans une campagne et avez obtenu un million de signatures.
M. Fabien Gay. - C'est une victoire.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Mais c'est très loin du seuil prévu par la Constitution. Quand bien même vous auriez atteint 4,7 millions de signataires, cela aurait invité à un débat parlementaire et, en son absence, à un référendum.
Mme Éliane Assassi. - Ce n'est pas la question.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - J'essaie de vous répondre et je le fais avec beaucoup de plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; rires sur diverses travées) Votre lecture juridique n'est pas correcte.
L'engagement que nous avons pris de ne pas modifier l'âge légal de la retraite sera tenu. Les précédentes réformes avaient déjà pour objet de faire cotiser plus longtemps les Français. Il y a un débat parlementaire sur la retraite, aujourd'hui à l'Assemblée nationale, demain au Sénat. Je ferai usage de toutes les prérogatives que la Constitution offre au Gouvernement, comme vous ferez usage, j'en suis sûr, de celles que vous offre la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur celles du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Politique agricole commune
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Jeudi dernier, le ministre Guillaume annonçait un accord sur un budget de la PAC maintenu à 375 milliards d'euros... Il rappelait son objectif, parvenir à 380 milliards. Or aucun accord n'a en fait été trouvé et les négociations sont suspendues. Tout reste à faire !
Quel est l'objectif du Président de la République pour la part française de la PAC, qui est de 9 milliards d'euros par an depuis 2014 ? Cela me semble un minimum. Et quelle PAC voulez-vous ?
La subsidiarité pourrait accroître les distorsions de normes de production entre les États membres. Quant au verdissement de l'agriculture, comment l'articulerez-vous avec le Green New Deal de la présidente de la Commission européenne ? Envisagez-vous la conditionnalité des aides, la rémunération pour le service rendu à l'environnement ? Les agriculteurs attendent des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; MM. Éric Bocquet, Henri Cabanel et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Les agriculteurs nourrissent la France. Nous nous battons pour que l'enveloppe française de la PAC ne baisse pas ; c'est la condition de notre accord à un budget européen.
Les agriculteurs ne seront pas ceux qui paieront pour le Brexit. La PAC n'est ni chère ni has been, elle est essentielle à notre projet d'Europe - de puissance, de souveraineté alimentaire, de transition écologique.
Trois points restent en discussion. D'abord la régulation des marchés, qui est plus d'actualité que jamais. Ensuite le verdissement : nous voulons des éco-schémas obligatoires, la conditionnalité verte et les aides à la compétitivité. Il faudra un an de transition avant la nouvelle PAC : un an pour mettre nos ambitions en oeuvre.
M. Franck Montaugé. - L'enveloppe française de la PAC ne baissera pas - dont acte. De nombreux problèmes restent en suspens : suicides, revenus des agriculteurs, ressource en eau, etc. Donnons à nos paysans la reconnaissance qu'ils méritent, et les moyens de vivre décemment. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; MM. Jean-Paul Émorine et Gérard Dériot applaudissent également.)
Négociation du futur budget européen
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Les discussions lors du sommet européen sur le cadre financier pluriannuel (CFP) ont démontré la complexité de la tâche : il faudra que l'Union européenne gère de front la sortie du Royaume-Uni et les négociations sur le budget européen pour la période 2021-2027. Le financement de la PAC risque d'en souffrir, alors que nous la souhaitons forte, réformée, juste, et financée à hauteur de nos ambitions. Avec Jean-Claude Luche, nous voulons relayer les inquiétudes des agriculteurs de l'Aveyron. La diminution de 13 % de la PAC et la répartition injuste entre ses deux piliers, annoncées le 14 février, n'étaient pas acceptables. Les 12 milliards d'euros en moins dus à la sortie britannique et l'entêtement des États dits frugaux sur le plafond de 1 % de RNB pour le budget européen nous dirigent vers une impasse. L'espoir réside dans une contre-proposition comme réponse à la crise.
« La vieille Europe ne revivra jamais » écrivait Chateaubriand. La jeune Europe aura-t-elle plus de chance ? Avoir une PAC forte, c'est avoir une Europe forte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Nous avions beaucoup à faire lors du dernier Conseil, jeudi et vendredi derniers. Nous devions nous donner des moyens à la hauteur de nos ambitions ; mais nous n'y avons pas réussi.
Il convient de changer notre méthode de travail. Notre force est dans l'union ; lorsque la division s'installe, c'est l'impuissance qui gagne. Nous avons trois priorités : la PAC, car on ne peut pas demander à nos agriculteurs de faire plus avec moins ; les nouveaux instruments de souveraineté, comme le Conseil de défense européenne ; et la réforme du financement. Nous ne voulons pas sacrifier l'agriculteur français au contribuable néerlandais, l'outre-mer au budget de la défense. Il faut plutôt trouver de nouvelles ressources pour financer nos nouvelles ambitions. Il est hors de question d'augmenter les impôts. Nous pouvons en revanche taxer le carbone aux frontières, le plastic non recyclé, les géants du numérique. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Martial Bourquin. - Chiche !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. - Ces acteurs bénéficient de l'Europe sans y contribuer. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)
Article 44 du projet de loi ASAP
M. Michel Raison . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Nous avons adopté à l'unanimité un rapport d'information sur la loi EGalim le 30 octobre 2019. À la suite de ce rapport, M. Gremillet a présenté une modeste proposition de loi pour corriger certains effets de cette loi, notamment sur l'encadrement des promotions. Proposition de loi, là encore, adoptée à l'unanimité. Mais le ministre était arc-bouté contre notre texte ; il souhaitait attendre la fin de l'expérimentation prévue fin 2020. Je comprends la logique, mais il y avait urgence.
Et voilà que nous voyons arriver l'article 44 du projet de loi ASAP, une demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prolonger de trente mois l'expérimentation. (Les membres du groupe Les Républicains s'indignent.) Comment comprendre la logique du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Merci pour votre question. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Ce matin, j'étais au Salon de l'agriculture (On s'en émerveille sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Tous les acteurs des filières m'ont dit qu'ils souhaitaient voir prolonger l'expérimentation, car elle fait bouger les lignes, autorisant par exemple des accords sur cinq ans, ce qui ne s'était pas vu depuis très longtemps. (Marques d'ironie à droite) Je vous dis ce qu'ils me rapportent. (On le conteste à droite.)
M. François Bonhomme. - C'est ce qui est écrit sur la fiche !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Ils veulent cependant aller plus loin. Mais pour cela, il faut d'abord une évaluation des premiers résultats ; elle est menée par deux économistes qui rendront leurs conclusions fin septembre. L'expérimentation se termine en décembre. Il nous faut du temps, c'est pourquoi le projet de loi ASAP ajuste l'expérimentation. Oui, je pense qu'une évolution du droit est souhaitable, par exemple pour la filière foie gras. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; marques de déception à droite)
M. Michel Raison. - Nous n'écoutons pas de la même manière ce que disent les agriculteurs... Tous les sénateurs en côtoient chaque semaine. Soit dit en passant, si le cours du lait a remonté en 2019, ce n'est pas grâce à la loi EGalim.
Il aurait été si simple d'adopter la proposition de loi ! Mais cela impliquait de laisser le Sénat corriger EGalim... Le Gouvernement en aurait été vexé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe RDSE ; applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE)
Coronavirus (I)
M. Loïc Hervé . - L'inquiétude de nos compatriotes grandit avec le risque d'une épidémie mondiale. En Haute-Savoie, j'ai vu la force de notre système de santé et j'approuve le plan d'urgence national.
Cette menace est aussi l'occasion de prendre conscience de l'interdépendance de l'économie mondiale.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Loïc Hervé. - En effet, 80 % des principes actifs pharmaceutiques utilisés en Europe n'y sont pas fabriqués, une part importante vient d'Asie. Quelles mesures allez-vous prendre pour y remédier et pour rassurer les citoyens et les professionnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Alors que nombre de pays dans le monde sont en proie à la menace d'épidémie de coronavirus, je salue le rôle des soignants, pompiers, ambulanciers, agents de sécurité, en première ligne dans notre lutte.
L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a été saisie pour déterminer si certains médicaments risquent de manquer. Elle a répondu par la négative.
Cependant les pénuries de médicaments se multiplient avec la désindustrialisation pharmaceutique de l'Europe. C'est ce qui a justifié le vote par le Parlement d'un stock obligatoire de quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
La seconde étape est la réindustrialisation ; nous y travaillons, j'en ai discuté à Rome avec mes homologues, comme au G7 la semaine dernière. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Loïc Hervé. - Il faut tirer les leçons des grandes pandémies pour garantir notre souveraineté pharmaceutique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe RDSE ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)
Réfugiés palestiniens et syriens en Guyane
M. Antoine Karam . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Depuis plus d'un mois, 70 personnes venues de Syrie et de Palestine sont installées, dans le plus complet dénuement, sur la place centrale de Cayenne. La Guyane ne dispose d'aucun centre d'accueil des demandeurs d'asile. On enregistrait pourtant 3 000 demandes en 2019 et 5 000 en 2016. Cayenne est devenu le premier guichet du pays, en pourcentage de la population, loin devant l'Île-de-France ! La loi Asile et immigration avait introduit une procédure expérimentale pour réduire l'attractivité de la Guyane. L'accueil devait être amélioré avec un centre d'hébergement d'urgence, or celui-ci a été entièrement détruit. La situation ne fait pas honneur à la tradition d'asile de la France. Les demandeurs palestiniens voient leurs demandes rejetées, or cette population continuera à arriver. Il nous faut donc repenser l'accueil de jour et de nuit à Cayenne, car les familles sont en pleine rue, le centre d'accueil provisoire étant saturé.
Quelles solutions envisagez-vous ? Quels moyens ? Confirmez-vous le financement supplémentaire annoncé pour reconstruire un centre d'hébergement d'urgence ?
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Des ressortissants du Yémen sont également concernés. En Guyane, il fallait il y a peu jusqu'à deux ans pour instruire les demandes d'asile. Le décret du 9 décembre 2019 a créé une procédure adaptée, de sorte que nous pouvons instruire les dossiers en moins d'un mois en Guyane. Une filière qui passe par le Liban puis le Brésil s'est formée, ce qui favorise la recrudescence de dossiers auxquels nous devons apporter une attention toute particulière. J'ai donc demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) de mettre en place des missions spécifiques afin d'accélérer l'examen de ces dossiers.
Quant à l'hébergement d'urgence, 1,4 million d'euros ont été notifiés pour créer 222 places en centre d'hébergement d'urgence ; j'ai également demandé au préfet de prévoir des dispositions pour que les réfugiés soient traités dans des conditions d'humanité dignes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Retraite des agriculteurs (I)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé, le Président de la République a été interpellé au Salon de l'agriculture sur la nouvelle retraite minimum des agriculteurs, qu'il refuse aux actuels retraités, au motif que cela coûterait 1,1 milliard d'euros. Il y a un an, le Gouvernement s'était opposé, grâce à un vote bloqué, à une proposition de loi déposée par le groupe CRCE qui revalorisait la retraite des agriculteurs à 85 % du Smic.
Les agriculteurs ont contribué à faire de notre pays une grande Nation agricole. Nous leur devons une solidarité à la hauteur de leur engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR, CRCE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - La retraite des agriculteurs a donné lieu à bien des débats sans avancée, que ce soit sous cette majorité ou sous la précédente.
Mais dès 2022, 100 euros de plus seront versés chaque mois aux futurs retraités agricoles, pour une carrière complète. Dès 2025, ce sera 185 euros de plus. Le système universel mettra fin au problème de soutenabilité financière du régime de retraite agricole actuel et c'est tant mieux : lorsque vous avez trimé dans votre champ pendant quarante ans, 700 euros de retraite ne sont pas suffisants. Les cotisations des retraités diminueront, et nous serons attentifs au rôle joué par la MSA.
Ce sera un système plus juste et nous tentons de convaincre les députés de nous aider à avancer pour que ce texte voie le jour dans les délais. Pour les retraités actuels, une mission parlementaire est en cours.
M. Rachid Temal. - Ce n'est pas sérieux !
M. Henri Cabanel. - Vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre ! Il ne faudrait pas 1,1 million d'euros, mais 380 millions pour les actuelles retraites, et nous devons bien cela aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SOCR et sur plusieurs travées au centre)
Retraite des agriculteurs (II)
Mme Anne-Marie Bertrand . - Je fais appel à la mémoire du ministre de l'Agriculture qui, sénateur, a voté la revalorisation des retraites agricoles en 2018 contre l'avis de la ministre Mme Buzyn...
M. Roland Courteau. - Exactement !
Mme Anne-Marie Bertrand. - Le Gouvernement renvoyait alors à la réforme des retraites et avait coupé court par le vote bloqué. Circulez, il n'y a rien à voir...
Cette réforme n'a pourtant rien d'une révolution : la retraite minimum à 1 000 euros ne concernera que 25 % des agriculteurs, dont ne font pas partie les très nombreux collaborateurs familiaux ou aides familiaux. Souvent des femmes, madame Schiappa...
La retraite d'un chef d'exploitation après une carrière complète est de 740 euros par mois, 550 euros pour une femme. À défaut de pouvoir être maire, M. Guillaume est ministre. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SOCR) Quand revalorisera-t-il les retraites agricoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l'ancien minimum vieillesse, a été augmentée et dépasse les 900 euros par mois pour un retraité seul, conformément aux engagements du candidat Macron.
On parle beaucoup d'amener la retraite minimale à 85 % du Smic ; Mme Touraine l'évoquait déjà pour les agriculteurs. Nous allons le faire dès 2022, pour tous les futurs retraités.
Pour les retraités actuels, la question dépasse le périmètre des agriculteurs, incluant les travailleurs indépendants, dont les retraites sont insuffisantes. Une mission formulera prochainement des propositions, avant l'adoption définitive du projet de réforme ou avant le prochain budget de la sécurité sociale. (M. François Patriat applaudit.)
Coronavirus (II)
M. Bernard Jomier . - On décompte plus de 80 000 cas de coronavirus sur la planète et 3 000 décès. Des villes entières sont confinées. L'épidémie s'étend avec ses dérives anxiogènes dans notre pays, et des manifestations de racisme regrettables. Nous ne devons ni minimiser le risque ni l'exagérer, et ne pas confondre la réalité sanitaire avec ses effets psychologiques.
Comment le Gouvernement compte-t-il préparer les hôpitaux sélectionnés pour répondre en première ligne à l'épidémie ? Quels moyens leur seront alloués, alors qu'ils sont déjà en situation financière et humaine périlleuses, notamment à Paris, où les trois hôpitaux désignés sont déjà débordés ? Comment les soignants de ville seront-ils associés à la détection ? Disposeront-ils de kits de protection ? Les élus locaux seront aussi en première ligne. Le Premier ministre leur a envoyé une lettre plus digne que la lamentable polémique lancée par un ex-ministre de la Santé. Comment les associerez-vous ? Leur expertise est indispensable, afin que les décisions soient comprises et mises en oeuvre efficacement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je salue l'esprit de responsabilité que vous évoquez. L'union nationale est indispensable. Certains gestes sauvent ; d'autres, les gestes de division et de repli, sont dévastateurs. J'étais hier à Rome pour dire notre soutien à l'Italie et définir une réponse européenne avec mes homologues. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Il est hors de question, je l'ai dit, de fermer les frontières.
La lettre du Premier ministre aux maires était nécessaire car ils sont inquiets, comme les présidents d'exécutifs locaux.
J'ai parlé ce matin au président de l'Ordre des médecins et à la présidente de l'Ordre des pharmaciens, je m'étais entretenu également avec les responsables syndicaux des professions médicales. Tout le matériel nécessaire aux soignants de ville sera mis à leur disposition dans les officines de ville, dans les meilleures conditions. Une lettre de réactualisation des consignes, pour la prise en charge des malades, va leur être adressée.
Quant aux hôpitaux, nous avons triplé le nombre de ceux destinés à prendre en charge les personnes atteintes ou les cas contact, si bien que chaque département bénéficie au moins d'un établissement capable d'organiser l'isolement des personnes, le dépistage, le diagnostic et le traitement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Fermeture de la centrale de Fessenheim
Mme Catherine Troendlé . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement vient de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim. Vous tenez la promesse de François Hollande, faite aux plus radicaux des écologistes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mmes Borne et Wargon ont fait une visite surprise sur place pour annoncer un comité interministériel, un commissaire à la reconversion et un technocentre, mais sans les Allemands...
Pour le volet fiscal, la collectivité devra payer 2,1 milliards d'euros alors qu'elle est déjà exsangue : vous créez donc un groupe de travail pour y réfléchir. La belle affaire !
Ce territoire est sacrifié.
Le contribuable indemnisera EDF, soit 400 millions d'euros ; nous devrons importer des millions de tonnes de gaz et d'électricité avec le déficit commercial afférent. La fermeture de Fessenheim entraînera l'émission de plus dix millions de tonnes de CO2 par an. Comptez-vous sur l'éolien et solaire ? Il faudrait quatre fois le niveau de production ciblé pour 2025 ! Or Mme Borne a dénoncé le développement anarchique de l'éolien en France. Comptez-vous sur le biométhane ? Là encore, nous sommes loin de compte. Le nucléaire représente un avantage économique et environnemental, c'est le GIEC qui le dit. Peut-on en priver la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire . - La fermeture de Fessenheim incarne l'écologie de responsabilité portée par le Président de la République et le Gouvernement. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains) Nous tenons nos promesses...
M. Philippe Dallier. - Même celles de Hollande !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - ... et accompagnons les territoires dans leur transition.
Le Parlement a voté dans la loi Énergie-climat une baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique en 2035. La production d'énergies non-renouvelables (ENR) a augmenté de 20 % entre 2018 et 2019, conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Dans le même temps, nous accompagnons le territoire de Fessenheim, grâce au contrat de territoire signé en février 2019. Sur place, la semaine dernière, j'ai annoncé la volonté de faire de ce territoire un centre d'excellence du démantèlement nucléaire, avec un technocentre - qui nécessite une modification réglementaire.
Notre politique énergétique est en cohérence avec l'accord de Paris. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)
Trajectoire des finances publiques
Mme Sylvie Vermeillet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Nathalie Goulet à ma question. D'après la Cour des comptes, le redressement des finances publiques est à l'arrêt. La Cour parle de contraste « saisissant » avec nos partenaires. L'État ne fournit aucun effort sur le déficit structurel. Or il faut agir maintenant : les taux d'intérêt sont très bas.
Mais l'incertitude demeure sur nombre de paramètres de la réforme des retraites : sur l'intégration des primes aux salaires des fonctionnaires, sur la revalorisation salariale des enseignants, la baisse de CSG pour les avocats...
Comment, aussi, connaître le coût de la dépendance et son impact sur la trajectoire financière ? Quelle évolution budgétaire le Gouvernement retient-il pour préserver la crédibilité de nos finances publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Je ne suis pas d'accord avec votre présentation. Le déficit du PIB est passé de 3,4 % en 2017 à 2,2 % aujourd'hui grâce à des efforts que cette Assemblée nous a parfois reprochés, sur les contrats aidés, la politique du logement, etc.
Nous avons aussi sorti la France de la procédure de déficit excessif et sincérisé la dette en lui ajoutant 35 milliards d'euros - notamment en reprenant la dette de la SNCF.
À l'Assemblée nationale, le débat, au lieu de tourner autour des conjonctions de coordination, pourrait porter sur le fond.
Mme Éliane Assassi. - Ne soyez pas méprisant !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y a aussi des conjonctions de subordination... C'est la Conférence de financement qui déterminera la trajectoire financière des retraites, et lorsqu'elle aura été validée par le Parlement, nous présenterons une loi de programmation des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Sylvie Vermeillet. - L'exigence doit s'exercer dans les deux sens : nous avons besoin d'estimations financières pour légiférer en toute connaissance de cause. La lisibilité de la dette vaut bien celle des retraites. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Médicaments innovants
Mme Catherine Deroche . - Le 8 février s'est tenue au Sénat la septième édition du colloque Fast consacré au cancer de l'enfant, avec l'association Imagine For Margo. L'innovation et la recherche portent leurs fruits en matière d'oncologie. Cependant des freins demeurent. Ainsi, la procédure d'évaluation de la Haute Autorité de santé n'est plus adaptée aux médicaments innovants, en particulier en matière de thérapies géniques, pour les enfants atteints de cancer. Nous avions déposé un amendement au dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale en ce sens, qui n'a pu être examiné. Où en sommes-nous sur ce point ?
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Les propositions concernant l'accessibilité aux médicaments innovants sont toutes venues du Sénat dans les trois derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je me rappelle les séances de travail, alors que j'étais député, avec Jean-Marie Vanlerenberghe et Alain Milon pour faire avancer les choses. Rien n'est pire que d'être face à un enfant gravement malade quand il n'y a pas de traitement reconnu, mais tout de même, parfois, des thérapeutiques à essayer. Certaines guérisons que l'on croyait impossibles ont eu lieu grâce à des actions comme le Téléthon.
Nous devons réviser notre système d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Les sénateurs ont été à l'initiative d'une réflexion sur le sujet. Je ferai prochainement un point d'étape avec vous, si vous le souhaitez, et nous y reviendrons lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. La question bien sûr dépasse les clivages politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Yves Détraigne et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)
Mme Catherine Deroche. - L'évaluation, mais aussi les accords sur les essais cliniques, sont essentiels. Nous avions déposé une proposition de loi avec Alain Milon, Véronique Guillotin et Yves Daudigny pour mettre fin aux dysfonctionnements des comités de protection des personnes.
Le temps est un facteur majeur, pour tous ces petits guerriers qui se battent, comme pour leurs familles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées des groupes LaREM et SOCR)
Plan hôpital 2020
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La crise du monde hospitalier est structurelle, et résulte de nombreux facteurs. Nos soignants sont exténués et l'on manque de lits.
Le plan Ma santé 2022 prévoit la fin du numerus clausus et la création de postes d'assistants médicaux ; le plan d'urgence comporte des ouvertures de lits, mais aussi la reprise de 10 milliards d'euros de dette, et 1,5 milliard d'euros pour l'investissement.
Si les premiers financements parviennent aux établissements, nous attendons encore de savoir quels hôpitaux bénéficieront de la reprise de la dette.
Il y a deux hypothèses : une approche régionale, via les groupements hospitaliers territoriaux (GHT) ou une approche nationale. Quelle est la méthode, quel est le calendrier prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Vous avez rappelé le plan Hôpital annoncé par Mme Buzyn, que nous devons concrétiser sur tous les territoires. Les hôpitaux ont 30 milliards d'euros de dette, datant des plans 2008 et 2012. Ils traînent cette dette comme un boulet. En reprendre 10 milliards d'euros, c'est leur donner une bouffée d'oxygène.
Une mission a été confiée à l'IGF et l'IGAS, elles rendront leurs conclusions d'ici trois ou quatre semaines. Certains hôpitaux sont endettés mais ont peu investi, d'autres sont dans la situation inverse. Il faut les aider tous, mais particulièrement ceux qui sont en difficulté du fait de ce fardeau.
Cet argent devra être utilisé selon les indications des professionnels, directeurs, médecins et soignants. J'ai tendu la main au collectif inter-hôpitaux et aux représentants du monde hospitalier : je me concerte avec eux sur les modalités. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Maryse Carrère. - Il est urgent de mettre en place cette réforme. J'attire votre attention sur les hôpitaux ruraux où il est nécessaire de maintenir la qualité des soins. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
Retraite des agricultrices
Mme Maryvonne Blondin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Dans le secteur agricole comme ailleurs, les difficultés pèsent plus lourdement sur les femmes qui ont longtemps travaillé sans statut officiel. Elles ont obtenu en 1999 un statut de conjoint collaborateur mais le chemin reste long. Les femmes représentent un quart des chefs d'exploitation et des co-exploitants agricoles. En 2017, la délégation aux droits des femmes a formulé quarante recommandations pour lever les difficultés persistantes, notamment sur la fin du travail sans statut, le congé maternité, l'accueil de la petite enfance en milieu rural et les retraites.
La moitié des 870 000 femmes retraitées agricultrices perçoivent moins de 500 euros par mois en droits propres.
En 2008, une proposition de loi prévoyait un minimum de 85 % du Smic. Votre Gouvernement l'a repoussée. Nous sommes désormais arrivés à votre réforme. Hélas, ce sujet n'y figure pas. Universalité rime avec précarité pour votre Gouvernement. Qu'allez-vous faire pour les femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Votre question touche toutes les conjointes d'agriculteurs, d'indépendants, de commerçants. Elles étaient invisibles, mais indispensables. Elles n'avaient pas de droits à la retraite corrects.
Notre Gouvernement n'est pas resté inactif. Il a créé le droit au congé maternité pour les agricultrices et, à travers le régime de retraite universel, traite la question des carrières hachées de ces centaines de milliers de femmes. Celles-ci pourront partir plus tôt à la retraite, au lieu d'attendre 67 ans.
Une mission sur les droits sociaux des retraités agricoles, confiée au Parlement, porte sur les conjointes des aides familiaux et des cotisants solidaires. Elle formulera des propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Actionnariat du Lac d'Argent
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La lutte sur les marchés internationaux, chaque jour plus féroce, est un danger pour nos entreprises. Le nouveau fonds d'investissement mis en place par la Bpifrance pour protéger les entreprises françaises contre les fonds internationaux avides est un projet louable ; il doit réunir 4 milliards d'euros dès avril et 10 milliards d'euros à terme. Mais après les premières levées auprès d'assureurs, d'investisseurs et de familles en France, nous apprenons qu'il sera alimenté à hauteur de 25 % par un fonds souverain émirati Mubadala.
Quelles garanties avez-vous fixées sur la provenance des fonds ? Les capitaux français demeureront-ils majoritaires dans le Lac d'argent ? Bpifrance gardera-t-elle la main ? Ne faudrait-il pas ouvrir ce fonds aux petits épargnants français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Lors de son déplacement à Abu Dhabi, lundi, Bruno Le Maire a annoncé la constitution d'un fonds dont l'objectif est de stabiliser le capital d'entreprises françaises sous-valorisées à un moment de retournement de cycle, comme cela a été le cas en 2007 pour Valeo, ou d'entreprises au capital morcelé, car elles sont vulnérables aux offres publiques d'achat (OPA), et ainsi menacées d'éclatement.
Soyez rassurés : les investisseurs français ou étrangers n'auront pas leur mot à dire sur la politique d'investissement. C'est la Bpifrance qui sélectionnera les investissements et portera la stratégie à l'entrée, pendant la gestion et au moment de la cession.
Bpifrance apportera 2 milliards d'euros, les investisseurs de la place de Paris lèveront un milliard d'euros. L'entrée d'investisseurs étrangers de long terme est une très bonne nouvelle pour l'attractivité de Paris. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)
M. Vincent Segouin. - Nos fleurons doivent rester français et Bpifrance demeurer à la manoeuvre. J'aurais souhaité que les épargnants français soient aussi sollicités comme investisseurs. Ne nous décevez pas comme vous l'avez fait sur la taxation des Gafam ou le redressement des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.