SÉANCE

du mercredi 4 mars 2020

64e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Joël Guerriau, M. Dominique de Legge.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Chacun sera attentif au respect du temps et à celui des uns et des autres.

Réforme des retraites (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je vais vous parler de la réforme des retraites (« Ah ! » général) Avant même son parcours législatif, vous avez enchaîné les faux pas, les erreurs, les coups de menton. Peut-être est-ce cela l'amateurisme que vous revendiquez ?

Nous assistons à un naufrage sur le fond et sur la forme.

M. François Patriat.  - Il y a de la nuance !

M. Patrick Kanner.  - La forme nous empêche de traiter sereinement du fond. On ne peut aborder de cette façon une réforme systémique qui concerne tous les Français et représente 14 % du PIB. Quelle urgence y a-t-il à voter un texte dont personne ne connaît le financement ?

La seule urgence, c'est celle de sortir le Gouvernement du bourbier. Du bourbier naît l'enlisement et de l'enlisement la panique. La panique, c'est lorsque votre porte-parole affabule en disant que l'urgence vient des élections sénatoriales de septembre.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes prêts à siéger en juillet. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur celles du groupe Les Républicains ; on applaudit aussi sur plusieurs autres travées.) La panique s'installe quand vous rejetez la commission d'enquête sur la sincérité de l'étude d'impact demandée par les députés du groupe socialiste dans le cadre de son droit de tirage. Qu'avez-vous à cacher ?

Saisirez-vous la main tendue par le Sénat ? Nous permettrez-vous, en décalant le début de l'examen par le Sénat à la fin de la conférence de financement, de travailler sereinement dans l'intérêt des Français ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Jean-Pierre Corbisez et Jean-Pierre Decool applaudissent aussi.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Merci pour votre question qui porte en effet plus sur la forme que sur le fond. Sur la forme, vous évoquez le moment où le texte arrivera au Sénat. Les deux motions de censure déposées dimanche ayant été repoussées hier, par deux votes distincts, le texte est donc considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Mme Éliane Assassi.  - Quel texte ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Je sais, étant attentif à ce que vous avez dit et fait, comme vous l'êtes à ce que je dis et ce que je fais, que vous n'avez pas de problème de principe avec l'usage du 49-3. (Sourires sur diverses travées ; plusieurs rires à droite ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Raymond Hugonet applaudit aussi.) Vous l'avez utilisé comme nous.

L'adoption par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de notre Constitution ne met nullement un terme à l'examen parlementaire de ce texte. Oui, enrichi, complété, modifié par rapport au texte initial déposé par le Gouvernement, prenant en compte des amendements, ce texte sera soumis au Sénat.

Mme Éliane Assassi.  - Lesquels ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Je ne puis en faire la liste dans le temps qui m'est imparti... (M. le président le confirme.) Il y en a plus de 400 : vous le verrez lors de l'examen du texte. Le calendrier que j'ai fixé très tôt, c'est celui d'une adoption avant l'été.

M. François Patriat.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi et plusieurs voix sur les travées du groupe CRCE.  - Pourquoi ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Pourquoi ?

M. David Assouline et plusieurs voix sur les travées du groupe SOCR.  - Oui, pourquoi ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Pour que le 1er janvier 2022, le nouveau régime s'applique à ceux qui entreront sur le marché du travail et pour que les avantages nouveaux s'appliquent à tous les Français. (Marques d'incrédulité sur de nombreuses travées à droite et à gauche)

M. Roland Courteau.  - Lesquels ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Il faut prendre le temps d'appliquer les lois. Il nous faudra, entre l'adoption du texte et...

M. Rachid Temal.  - Et le point d'indice ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - J'ai reçu une lettre du président du Sénat. Et je lui ai répondu par téléphone. M'autorisez-vous, monsieur le Président, à en faire état ?

M. le président.  - Par téléphone et les yeux dans les yeux. (Rires et applaudissements sur la plupart des travées)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - En ces temps difficiles, cette volonté de contact direct me touche... (Sourires) Nous aurons la discussion nécessaire, dans les heures et les jours qui viennent, monsieur le président, avec toute la qualité de nos relations, pour garantir l'objectif que j'ai fixé d'une adoption avant l'été et pour que l'examen parlementaire au Sénat se déroule dans d'excellentes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; protestations à droite ; M. Fabien Gay sourit.)

Coronavirus (I)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe LaREM) La propagation du Coronavirus est devenue, en quelques semaines, la préoccupation majeure des Français, depuis qu'il n'est plus cantonné à la Chine et que plus de 200 cas se sont déclarés sur notre territoire.

Au-delà des aspects sanitaires, l'économie mondiale risque de se gripper ; vous avez annoncé qu'un ralentissement de la croissance était inévitable ; l'OCDE craint une récession en France et chez certains partenaires. En effet, de nombreuses usines chinoises sont sous cloche, d'où des problèmes d'approvisionnement pour notre industrie et un effet domino, notamment dans les services, l'hôtellerie, le tourisme ; notre industrie, pharmaceutique en particulier, prend conscience de sa dépendance à l'égard de la Chine.

Quelle stratégie pour limiter les conséquences pour les entreprises ? Quelle concertation européenne ? Quel impact sur nos finances publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur plusieurs travées du groupe LaREM)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Oui, cette crise aura un impact sur notre économie, encore difficile à évaluer. L'impact lié à la Chine est de moins 0,1 point de PIB sur notre économie. Bruno Le Maire et moi-même allons prendre des mesures pour soutenir la trésorerie des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

Le 21 février dernier, nous avons réuni les acteurs économiques pour faire le point : les entreprises liées à la Chine, celles qui perdent des clients et celles dont la chaîne de production est perturbée - par l'épidémie en Chine, mais aussi en Corée, en Italie, au Japon. Nous allons reporter les échéances fiscales et sociales, donner la possibilité de faire valoir la force majeure dans les contrats avec l'État, demander aux collectivités territoriales d'adopter la même attitude, recommander aux donneurs d'ordre de la bienveillance à l'égard des sous-traitants, financer du chômage partiel en en tirant profit pour faire de la formation professionnelle.

Nous allons coordonner les aides au niveau de l'OCDE et du G7. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Réforme des retraites (II)

M. Bruno Retailleau .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce devait être la mère de toutes les réformes. Le président Macron nous l'avait promis depuis l'Olympe. L'entrée dans l'atmosphère a été pour le moins dégrisante !

Deux années studieuses de M. Delevoye pour rien, avis du Conseil d'État cruel et pour finir un article 49-3 décidé au sein d'un conseil des ministres convoqué pour discuter de la crise sanitaire. Habileté ? Non ! Maladresse ! On ne peut pas débattre de cette réforme sans en connaître le financement, c'est se moquer des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pourquoi refuser la main tendue par le président du Sénat ? Pourquoi chipoter sur quinze jours qui amélioreraient la qualité du travail du Sénat, alors que l'application de la réforme est repoussée jusqu'à 2047 ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Passer de 42 systèmes de retraite avec leurs règles, leur originalité, parfois leur déséquilibre, leurs contraintes, à un système universel par répartition et par points est évidemment une tâche difficile et complexe -  je ne l'ai jamais caché. (Murmures à droite)

Nous savons tous que travailler sur 42 systèmes existants pour les amener à un système solidaire unique est un exercice redoutable. Certains nous disaient dans la phase préalable que cela prenait trop de temps - pas vous, monsieur Retailleau, mais je l'ai entendu pas très loin de vous. (M. Bruno Retailleau lève les bras au ciel.)

Nous devions travailler pour construire une réforme globale, en prenant le temps d'examiner les différentes options. J'ai indiqué que je souhaitais l'adoption du texte présenté en décembre avant l'été 2020, pour une entrée en application le 1er janvier 2022, en conformité avec certaines dispositions, d'autres devant entrer en vigueur au 1er janvier 2025 puis en 2037 ou 2047 pour le reste, en raison des périodes de transition que nous avons voulu progressives, à juste titre.

La discussion en conseil des ministres puis à l'Assemblée nationale n'a pas été possible, non pas à cause d'une absence de disposition financière, mais à cause de la stratégie d'obstruction développée délibérément par une partie des oppositions, qui ont sciemment déposé des milliers d'amendements pour discuter à l'infini de questions aussi cruciales que, par exemple, le choix entre « analogue » ou « similaire », « eu égard » ou « considérant »...

Tout cela permettant à l'évidence de faire avancer le débat, j'ai eu recours à l'arme constitutionnelle du 49-3 qui a été utilisée 88 fois avant moi, depuis 1958. Un coup de force, vraiment ?

M. David Assouline.  - Jamais pour une loi comme celle-là !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Le 49-3 a bien été utilisé face à une obstruction parlementaire : M. Raffarin l'a fait, par exemple, en 2003 sur le mode de scrutin régional, comme l'on doit s'en souvenir ici...

Nous travaillerons avec le président du Sénat sur la bonne organisation du débat. Je tiens à ce que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2022. (Protestations et interruptions à droite)

Nous aurons l'occasion de discuter de l'ensemble des détails, de l'architecture et des principes de ce texte. J'ai hâte de pouvoir le faire, parce que c'est un sujet passionnant et que des questions restent ouvertes qui méritent un débat approfondi. Je suis certain que nous pourrons l'avoir ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Marc Gabouty et Raymond Vall applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau.  - Nous vous demandons quinze jours, monsieur le Premier ministre, alors que pour des millions de Français, cette réforme n'aura pas d'effets avant 2037 !

Vous ne réformez pas, vous déformez notre modèle social en créant de l'insécurité sociale pour des millions de Français qui seront perdants....

MM. François Patriat et Julien Bargeton.  - Honteux !

M. Bruno Retailleau.  - Oui, vous créez un modèle social à deux vitesses, entre la majorité des Français et ceux qui gagnent plus que le triple du plafond annuel de la sécurité sociale.

J'ai le souvenir de l'extrême solitude de l'exécutif face aux gilets jaunes. Ce souvenir vous hante. Je ne crois pas qu'une poignée d'hommes et de femmes puissent décider, seuls contre tous, d'un pacte social aussi important pour l'avenir des Français. (Acclamations et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Valérie Létard. - Très bien !

Crise migratoire (I)

M. Olivier Cigolotti .  - Vendredi dernier, le président Erdogan a pris la décision d'ouvrir ses frontières aux exilés en route vers l'Union européenne, alléguant qu'avec quatre millions de migrants présents sur son sol, il ne pouvait faire face à un nouvel afflux, et violant ainsi l'accord de Genève conclu en 2016.

Or ces nouveaux flux sont provoqués par sa propre offensive à Idlib. Ankara accuse l'Union européenne d'avoir failli à ses obligations financières découlant des accords de 2016. C'est du chantage !

Pas moins de 24 000 tentatives d'entrées illégales ont été évitées ce week-end et 200 personnes ont été arrêtées.

L'Union européenne a réagi : Frontex a déployé des renforts à la frontière gréco-turque et Ursula Von der Leyen a promis à la Grèce « toute l'aide nécessaire », et 700 millions d'euros dans l'urgence.

L'Union européenne est-elle prête à faire face à une nouvelle vague de réfugiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je répondrai en plusieurs fois à des questions successives, l'ensemble formant ma réponse complète.

La crise que connaît le Nord-Ouest de la Syrie va vers un véritable cataclysme. Elle a une cause : la rupture des accords de Sotchi, qui prévoyaient que les environs d'Idlib, peuplés de quelque trois millions d'habitants, soient une zone de désescalade, afin que les groupes terroristes, nombreux, puissent être démantelés et que la population puisse y vivre normalement.

Or c'est la Turquie qui en avait la responsabilité. C'est elle qui a rompu cet accord. Cela entraîne une catastrophe humanitaire et un comportement inacceptable de la Turquie, qui a décidé d'instrumentaliser les migrants qui se trouvaient depuis longtemps sur son propre territoire. Cette prise d'otages n'est pas acceptable et doit être combattue. Tel est le sens de nos initiatives.

Nos actions sont doubles : demander à la Russie de revenir aux accords de Sotchi et apporter notre totale solidarité à la Grèce. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

Crise migratoire (II)

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) L'Europe fait face à une réaction en chaîne d'Idlib à Lesbos, en passant à Ankara et Moscou. Près de 13 000 réfugiés quittent la Turquie par la Grèce.

L'inaction aussi a un prix ; le Levant est une épreuve de vérité pour l'Europe qui n'a pas résolu la crise de 2015 : la solidarité a été mise à mal et le mécanisme de répartition des réfugiés est resté lettre morte. La stratégie de gestion migratoire avec la Turquie est un échec.

Il est trop choquant qu'un État instrumentalise des êtres humains pour sa politique étrangère. On le sait depuis Kant : l'être humain est une fin, pas un moyen. Erdogan fait un chantage cynique auprès de l'Union européenne.

Le Président de la République a dit l'engagement de la France au sein de Frontex. Quel est l'état d'esprit européen ? « Je me révolte donc nous sommes », disait Albert Camus. Il est temps pour l'Europe de se révolter. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Bernard Lalande applaudit également, ainsi que M. Jean-Marie Vanlerenberghe)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est totalement solidaire de la Grèce, pour des raisons humanitaires et politiques car nous faisons tous partie de l'espace Schengen.

La pression migratoire aux portes de la Grèce est organisée par le régime du président Erdogan, dans un chantage auquel l'Union européenne ne cèdera pas. Un accord a été passé avec la Turquie en mars 2016. Sur 6 milliards d'euros qui ont été engagés, la moitié a été versée.

Cet après-midi se réunissaient les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne pour évaluer les moyens d'aides à la Grèce et je me rendrai à Zagreb dès demain pour rencontrer mes homologues. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Bernard Lalande et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)

Établissements scolaires ruraux

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Au lendemain de la diffusion du rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, nous sommes sollicités par les conseils d'administration des collèges et lycées sur la baisse des dotations horaires globales dans les établissements du Puy-de-Dôme notamment ; plusieurs lycées et collèges ont vu baisser leur dotation, malgré des effectifs stables.

Ces heures d'autonomie servent aux dédoublements de classes, aux enseignements facultatifs, aux échanges entre filières générales des Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) et des Sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa), à l'accompagnement personnalisé, à l'orientation.

Il s'ensuit une dégradation des conditions d'enseignement et d'apprentissage, particulièrement marquée dans les régions éloignées des métropoles, où il y a moins d'options spécialisées et où l'offre culturelle est moindre.

L'école est un vecteur majeur d'ouverture sur le monde. Une offre éducative de qualité attire les familles. L'on peut donc craindre une perte d'attractivité de nos territoires. De plus, 42 % des élèves de zone rurale disent manquer d'informations pour s'orienter. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que les défis du monde rural appelaient un volontarisme politique. Comment éviter une fracture éducative s'ajoutant aux fractures sociales et territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - L'école, les collèges, les lycées en milieu rural, dont nous débattons souvent ici, sont une grande priorité. Il faut en la matière une stratégie quantitative et qualitative. Sur le premier aspect, on pourrait croire à vous entendre que le ministère serait défavorable aux écoles rurales. Ce n'est pas le cas : il y a 7 000 élèves en moins en milieu rural et nous créons à la rentrée prochaine plus de 250 postes dans les 45 départements les plus ruraux.

Dans le Puy-de-Dôme, le taux d'encadrement au collège est de 30 % supérieur à la moyenne nationale.

La stratégie doit donc être qualitative et votre question y fait référence.

Nous développons un plan bibliothèque pour l'offre culturelle, ainsi qu'un plan numérique dans les écoles et collèges, afin de soutenir les collectivités pour l'acquisition de livres et d'équipement informatique dans les établissements.

Nous menons aussi une nouvelle politique d'orientation dans les collèges et lycées. Le sujet est national. Il se décline département par département. D'où les contrats départementaux de ruralité que nous avons lancés avec le sénateur Duran, pour garantir des postes et améliorer le taux d'encadrement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Yvon Collin applaudit également.)

Crise migratoire (III)

Mme Esther Benbassa .  - Depuis décembre 2019, un drame se déroule à Idlib en Syrie. Le président Erdogan vient d'ouvrir ses frontières pour laisser passer, au mépris de leur sécurité et de leur dignité, les migrants présents sur son sol.

L'Union européenne est responsable de cette situation : au lieu de prendre nos responsabilités, nous avons préféré monnayer notre tranquillité : 3,6 millions de réfugiés en échange de 6 milliards d'euros et de notre silence sur la répression de nos alliés kurdes.

Aujourd'hui, la Grèce et la Bulgarie sont seules à faire face à cette crise, sans aide logistique. La France prendra-t-elle ses responsabilités en mettant sur pied un plan solidaire et ambitieux pour accueillir ces migrants ? (Murmures à droite) C'est le seul antidote à la montée de l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; protestations sur de nombreuses travées à droite)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous le savez, les frontières de la Grèce et de l'espace Schengen sont fermées - et nous veillerons à ce qu'elles le restent...

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - À Idlib, il y a 3 millions d'habitants, qui viennent des zones de désescalade, dont 1,5 million de réfugiés qui ne passent pas en Turquie, mais qui remontent vers la frontière turque, chassés par l'offensive de Bachar el Assad, déplacés donc pour la deuxième fois, exposés au froid, aux épidémies, aux violences envers les femmes et les filles.

Une enquête a été demandée par l'ONU sur le ciblage systématique des civils par les frappes aériennes - ce qui constituerait, si cela est suffisamment documenté, et nous nous y attelons, un crime de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mmes Françoise Gatel et Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)

Mme Esther Benbassa.  - L'Europe se prépare-t-elle à mettre en place un programme d'accueil pour répartir ces migrants ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR ; protestations à droite)

M. Jean Bizet.  - Non !

Crise migratoire (IV)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2015, l'Europe a laissé l'Italie et la Grèce seules face à la crise migratoire issue de la guerre au Levant. Afin de pallier son impréparation, elle a fini par signer un accord avec la Turquie : moyennant 6 milliards d'euros, celle-ci acceptait de contenir une partie des réfugiés sur son territoire.

Aujourd'hui, le régime turc exerce un chantage sur l'Europe, pour d'autres raisons. Que compte faire la France pour protéger les frontières extérieures et en matière de politique migratoire européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Depuis l'automne 2019, les îles grecques voient arriver des migrants en plus grand nombre. La France a renforcé Frontex et les capacités de traitement des demandeurs d'asile de la Grèce. J'ai d'ailleurs rencontré mon homologue à Athènes en janvier.

Un conseil des ministres de l'Intérieur se réunit aujourd'hui à 17 heures ; il examinera les moyens de renforcer Frontex aux frontières grecques. La politique de la France sera, évidemment, une politique de solidarité envers la Grèce.

À plus long terme, vous le savez depuis le débat que nous avions tenu en septembre, nous portons une réforme ambitieuse de l'asile, que nous défendons, avec Amélie de Montchalin, auprès de nos partenaires à la fois pour mieux accueillir ceux qui doivent l'être et reconduire ceux qui n'ont pas vocation à rester. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. François-Noël Buffet.  - La majorité sénatoriale plaide depuis longtemps pour une politique migratoire européenne et une protection claire de nos frontières. Il faut une politique de l'asile harmonisée, anticipée et efficace ; et enfin une stratégie de préparation du retour dans le pays d'origine. Qu'en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe UC)

Coronavirus (II)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Il y a une semaine, nous apprenions que deux cas de coronavirus avaient été détectés dans l'Oise. Dès le premier décès, le directeur général de l'ARS et le préfet ont pris toutes les mesures de protection et de prévention nécessaires. Je salue leur réactivité, leur sens des responsabilités et leur disponibilité auprès des élus locaux ; tous deux sont aujourd'hui confinés.

Il y a désormais 65 cas dans l'Oise, dont dix sur la seule base aérienne de Creil. La BA 110 est vue comme l'épicentre de l'épidémie dans l'Oise. Le ministère des Armées affirme qu'il n'y a aucun lien avec le rapatriement des Français de Wuhan. Cependant l'escadron Estérel était composé d'environ dix militaires, et chaque jour, 2 500 personnes passent par la base aérienne. Comment le commandant de la base aérienne peut-il affirmer de manière péremptoire que le patient zéro, qui n'a toujours pas été identifié, n'est pas sur la BA 110 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Cette question revient en boucle depuis une semaine. Les militaires de l'escadron Estérel qui ont rapatrié les Français de Wuhan ont suivi toutes les mesures indiquées. Ils ne sont pas sortis de l'appareil en Chine ; à leur retour, ils ont été mis à l'isolement chez eux. Aucun n'a présenté de symptôme, non plus que les rapatriés ou que le personnel du service de santé des armées présent à bord du vol.

Nous pouvons donc affirmer que le patient zéro n'était pas sur ce vol. Il a pu être en contact avec quelqu'un de la base aérienne. Le commandant a, quoi qu'il en soit, pris des mesures fortes : limitation des sorties inutiles, réduction des activités de la base, mise en oeuvre des mesures sanitaires préconisées par le ministère de la Santé.

L'épidémiologie est une science complexe, surtout dans un contexte de déplacements et de brassage des populations Ne jetons pas l'anathème sur la base aérienne de Creil ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Laurence Rossignol.  - Rien ne dit que la BA 110 est à l'origine du foyer, mais rien ne dit qu'elle ne l'est pas ! Quatre communes du bassin creillois ont vu leurs écoles fermer, alors que tous les cas recensés sont sur la base aérienne. Les conséquences sur la population civile sont importantes. Je persiste à trouver les propos du commandant de la base pour le moins hasardeux et audacieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Crise migratoire (V)

M. Robert del Picchia .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également.) La pédagogie repose sur la répétition, M. Blanquer ne le contestera pas ! Chacun a entendu les explications du ministre sur la situation aux frontières de la Grèce, mais chacun se demande comment mettre fin à la situation. Ne faut-il pas lancer un appel solennel à la Turquie - mais aussi à la Russie, qui est aussi responsable de la crise à Idlib ? Vu la situation humanitaire, je ne vois pas d'autre solution.

Josep Borrell est à Ankara et vous rendra compte demain à Zagreb de ses consultations. Il faut sortir de cette situation, trouver une solution avec la Turquie et la Russie. Oui, c'est difficile, mais nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Cela fait longtemps que j'ai avec M. Del Picchia une conversation sur la question turque. (Sourires)

Nous avons avec la Turquie plusieurs sujets de contentieux et d'irritation. Le non-respect de l'accord de 2017 est le dernier en date, mais il y a aussi l'offensive dans le Nord-Est de la Syrie, les opérations en Méditerranée orientale, la rupture de l'embargo en Libye, où la Turquie achemine des forces de Syrie, l'ambiguïté sur l'OTAN... Nous avons aussi des divergences sur la question des libertés.

Mais nous sommes dans la même alliance. Nous devrons avoir une grande explication, franche, publique, une discussion exigeante avec la Turquie. Cela n'exclut pas de parler aussi avec le président Poutine.

Nous avons en commun, malgré tout, la lutte contre le terrorisme, sachant que de nombreux groupes terroristes sont présents dans la zone d'Idlib. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mmes Françoise Gatel et Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)

M. Robert del Picchia.  - Et pourquoi ne pas envisager une solution politique imposée en Syrie, via l'ONU ?

Coronavirus (III)

M. Jacques Le Nay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Bruno Le Maire a déclaré vendredi que l'État considérait le coronavirus comme un cas de force majeure dans les contrats qui lient l'État et ses partenaires. Quid des contrats des collectivités territoriales, et du secteur privé ?

Les conséquences négatives du coronavirus sur notre économie paraissent inéluctables. L'étalement du paiement des cotisations sociales et impôts suffira-t-il ?

Le cas de force majeure est reconnu comme un évènement imprévisible et irrésistible, ce qui n'est pas le cas du coronavirus. Nos entreprises sont face à un risque imminent d'une inexécution de leurs contrats, sans garantie d'être assurées. Les secteurs des transports, du tourisme, de la culture sont déjà affectés. En cas de fort ralentissement de l'économie nationale, nombre d'entreprises seront fragilisées.

Quelles mesures d'accompagnement prévoyez-vous ? Ne devrait-on pas élargir le cas de force majeure à tous les contrats ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'État peut reconnaître le cas de force majeure dans ses contrats, ce qu'il a fait, rassurant ainsi ses fournisseurs. Il ne peut pas le faire à la place des collectivités territoriales. Je ne doute pas qu'elles le feront d'elles-mêmes, comme nous l'avons demandé à leurs associations.

Il n'appartient pas non plus à l'État de s'immiscer dans les relations contractuelles entre acteurs privés. Nous avons toutefois demandé aux filières de faire preuve de bienveillance dans les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants, activé la médiation en cas de conflits entre entreprises et demandé à être alertés en cas de tension.

Le report des échéances fiscales et sociales lors de la crise des gilets jaunes a permis de réinjecter quelque 400 millions d'euros dans l'économie : c'est une mesure puissante. Nous envisageons de rendre ce report plus automatique, comme en Italie, pour que les entreprises se concentrent sur leur chiffre d'affaires et ne perdent pas de temps avec l'administratif. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Coronavirus (IV)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) M. Véran serait-il confiné ? (Mouvements divers) J'adresse donc ma question à tous les ministres concernés par la lutte contre le coronavirus ; j'y associe mes collègues de l'Oise, du Morbihan et de Haute-Savoie. (Mouvements divers)

Dans l'Oise, les rues se vident ; la désorganisation est là. Les masques sont disponibles pour les professionnels médicaux depuis hier seulement. Ne vous en déplaise, l'impréparation est manifeste. L'improvisation règne. Dans votre pseudo-préparation, vous avez oublié les premiers de cordée : médecins libéraux et hospitaliers, infirmiers, pompiers, personnels des Ehpad.

Demain, il y aura les élections municipales. Que ferez-vous pour protéger ceux qui tiennent les bureaux de vote ? Allez-vous reporter les élections ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et mouvements divers)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je ne peux vous laisser parler d'impréparation. Dès la sortie du conseil de défense, j'ai appelé les élus de l'Oise pour leur expliquer les mesures prises. Jamais crise n'a été gérée de manière aussi transparente. Ne rompons pas le consensus sur un tel sujet. Or vous portez la responsabilité de le rompre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Pour reporter les élections municipales, il faudrait une loi et cela ne pourrait se faire que dans les limites du mois de mars.

M. Ladislas Poniatowski.  - Ou un décret sanitaire !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - À ce stade, il n'y a aucun risque sanitaire identifié à se rendre dans un bureau de vote, de sorte que la décision d'un report n'est absolument pas à l'ordre du jour.

M. Ladislas Poniatowski.  - Cela reste possible.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Nous discuterons avec les services concernés et les associations d'élus des mesures prophylactiques nécessaires. Le Gouvernement souhaite un déroulement normal des élections.

Au vu de l'engagement de l'appareil sanitaire français, de l'administration et du Gouvernement, vos propos, monsieur le sénateur, sont indignes ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe UC ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bascher.  - Nous sommes sur le terrain comme vous. Le préfet est contaminé, preuve qu'on n'a pas fait assez pour les premiers de cordée.

Le Parlement exercera son contrôle sur la gestion de la crise, il y aura une commission d'enquête. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Protection de l'enfance

M. Bernard Buis .  - En octobre dernier, vous présentiez la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, en y allouant des moyens importants : une enveloppe supplémentaire de 80 millions d'euros dès cette année, et des crédits complémentaires en 2021 et 2022, qui financeront bilans de santé obligatoires, prévention des risques de maltraitance et autres actions.

Un récent reportage sur la prise en charge des enfants en danger ou maltraités a secoué de nombreux élus.

Les départements ont en charge la compétence de la protection de l'enfance. Je salue le travail des professionnels qui interviennent parfois dans des conditions dégradées pour aider ces enfants de la République. Combien de département sont-ils volontaires pour contractualiser avec l'État dans ce domaine ? Envisagez-vous un nouvel appel à candidature ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - La protection de l'enfance est une compétence des départements, qu'ils partagent toutefois avec l'État - ce que ce dernier a oublié ces trente dernières années. (M. Jean-Louis Tourenne s'exclame.) D'où cette série de mesures nationales ; l'État doit être au rendez-vous de ses obligations, en matière de santé et d'éducation notamment.

J'ai demandé à la Haute Autorité de santé d'établir un référentiel sur l'évaluation des situations de danger, car il faut une harmonisation nationale, et au Conseil national de la protection de l'enfance de fixer des taux d'encadrement nationaux pour les établissements.

J'ai proposé aux départements de contractualiser avec l'État, au terme d'une concertation de trois mois, avec deux obligations : réinvestir dans la PMI et la prise en charge des enfants en situation de handicap. Sur 62 départements qui ont répondu favorablement, 30 ont été sélectionnés ; d'ici le 1er juillet, 30 contrats seront signés ; 30 autres départements seront sélectionnés pour une mise en oeuvre en 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Grève à l'université

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plus de trois mois, des universitaires sont en grève ; à Lille, certains n'assurent plus leurs cours depuis le 5 décembre. Ils ne sont pas astreints à déclarer leur grève, ce qui désorganise tout.

La liste de leurs revendications est sans fin, même si la baisse des crédits de recherche apparaît être le détonateur de la contestation.

Les étudiants sont inquiets et en colère. Je salue ceux d'entre eux présents en tribune.

La situation de l'enseignement supérieur est de plus en plus préoccupante. Nous reculons dans les classements internationaux. Si rien n'est fait, les inégalités vont s'accroître entre ceux qui iront dans les grandes écoles ou à l'étranger et les autres. Tous nos étudiants ont droit à un enseignement de qualité. Même si leurs examens finaux sont adaptés, ils ne pourront plus accéder aux concours nationaux. Madame la ministre, qu'avez-vous à dire aux étudiants privés de cours ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Ces situations sont heureusement très minoritaires. Il appartient aux responsables des formations et aux présidents d'universités de les éviter.

Les étudiants font entendre leur voix : au centre Cassin de l'Université Panthéon-Sorbonne, ils ont voté en assemblée générale la reprise des cours.

Il y a une forme de prise en otage des étudiants. (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Un peu de respect pour les otages !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Ces enseignants, très minoritaires, ont le droit de refuser de faire cours, mais il est important d'assurer la continuité de l'enseignement. Nous déplorons les blocages à l'université Paul-Valéry et dans quelques facultés de l'université de Lille. Je suis en lien avec les présidents d'université.

C'est l'honneur de la très grande majorité des enseignants-chercheurs que d'assurer les cours pour éviter que les étudiants ne soient pénalisés. La future loi de programmation pour la recherche valorisera leurs activités. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe LaREM)

Crise migratoire (VI)

M. André Vallini .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je m'immisce dans la conversation entre le ministre et M. Del Picchia pour poser à nouveau la question de la place de la Turquie comme membre de l'OTAN.

Or depuis quelques mois, la Turquie a acheté des missiles russes, a mené des attaques contre nos alliés kurdes sans prévenir ses alliés occidentaux, elle intervient en Libye hors de tout accord international, et désormais elle fait du chantage à ses alliés d'Europe occidentale.

Le Président de la République disait il y a quelques mois que l'OTAN était en état de mort cérébrale. Le moment n'est-il pas venu de provoquer un électrochoc en posant la question de l'appartenance de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et LaREM ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Bienvenue dans la conversation. (Sourires) Vous avez raison de souligner les ambiguïtés de la Turquie. En octobre, elle a mené une intervention unilatérale contre les Kurdes, qui sont nos alliés dans la coalition contre Daech - coalition dont l'OTAN, et partant la Turquie, est membre.

La Turquie a délimité unilatéralement des zones maritimes de juridiction propre, en contradiction avec le droit de la mer ; elle mène des manoeuvres militaires contre la Grèce, également membre de l'OTAN.

Elle demande à l'OTAN un soutien militaire et des mesures de réassurance dans le domaine de la défense aérienne mais achète à la Russie des missiles S400 à l'interopérabilité incertaine.

Attaquée à Idlib, elle demande l'application de l'article 4 et dans le même temps, elle instrumentalise avec cynisme les migrants. Oui, une grande explication s'impose, avec la Turquie et au sein de l'Alliance. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien !

M. André Vallini.  - Ces ambiguïtés sont insupportables. Le président Erdogan fait preuve d'une duplicité qui dépasse la mesure et bafoue les engagements de la Turquie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur plusieurs travées des groupes CRCE, LaREM, UC et Les Républicains)

Retraite des agriculteurs

Mme Christine Herzog .  - Les agriculteurs, les collaborateurs et les aides familiaux ont besoin de réponses sur l'avenir de leur retraite, en moyenne de 740 euros par mois pour un agriculteur et de 550 euros pour le conjoint collaborateur.

La promesse d'une retraite minimale de 1 000 euros - mesure très attendue, que le Sénat défendait déjà en mai 2018 - devait être concrétisée dans la réforme des retraites.

On apprend aujourd'hui que ce minimum ne concernera que les chefs d'exploitation ayant eu une carrière complète au Smic, ce qui exclut les trois quarts des agriculteurs, notamment les femmes. Et la mesure ne s'appliquerait qu'en 2022 ! Enfin, les 1 000 euros et les 85 % du Smic ne sont pas inscrits dans la loi mais renvoyés à un décret.

Le ministre de la Santé a annoncé une mission parlementaire à l'automne prochain. Ce n'est pas la réponse que nous attendons. L'urgence est connue depuis longtemps. Comment votre réforme améliorera-t-elle le sort des agriculteurs ? (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Les agriculteurs font partie de ceux qui gagneront à 100 % à cette réforme ! (Vives exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Comment pouvez-vous dire cela ?

M. Didier Guillaume, ministre.  - Il y aura bien une pension minimale de 1 000 euros pour tous les agriculteurs ayant eu une carrière complète. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE)

Nous ne pouvons traiter à la fois le cas des futurs et des actuels retraités ; la réforme du système de retraite prépare les quarante ans qui viennent, elle ne peut aussi réparer les errements des quarante dernières années. (Vives exclamations)

M. Jean-Louis Tourenne.  - Inadmissible !

M. Didier Guillaume, ministre.  - Pour la première fois, le Premier ministre s'est engagé à mettre en place un groupe de travail. (Exclamations ironiques) Les deux précédents gouvernements ne se sont pas occupés des retraités agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; vives protestations sur les travées du groupe SOCR)

Mme Christine Herzog.  - Nous avons besoin de réponses précises, sans attendre de futurs décrets ou ordonnances.

La séance est suspendue à 16 h 25

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.