Création de points d'accueil pour soins immédiats
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à répondre à la demande des patients par la création de points d'accueil pour soins immédiats.
Discussion générale
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - En abordant cette proposition de loi, nous exprimons notre gratitude, notre reconnaissance vis-à-vis des soignants mobilisés dans la crise depuis des semaines. Il y a les mots, importants, et les actes : ce sera le Ségur de la santé, riche de promesses et d'espoirs.
Nous devons reconnaître les soignants dans ce qu'ils sont et ce qu'ils font. Il est indispensable de soulager leur quotidien et d'adapter notre système de santé. La crise a révélé ses atouts et ses faiblesses, notamment au stade des urgences. Ces images de lits dans les couloirs ne datent pas d'hier et sont le reflet des évolutions de notre société... La figure rassurante du médecin de famille a perdu de son évidence et ne répond plus totalement à la conception des nouvelles générations de médecins.
De nombreux Français peinent à s'orienter dans notre système de santé. Les médecins libéraux se mobilisent aujourd'hui notamment dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui se structurent pour garantir l'accès de chacun à son médecin traitant qui est le gage d'un suivi au long cours. Sans lui, l'errance médicale s'accentuera et les urgences, premier et dernier recours, deviennent souvent le seul recours, s'en trouvant engorgés.
La proposition de loi a été enrichie à l'Assemblée nationale en novembre puis au Sénat en commission. Elle propose des solutions concrètes comme la création de points d'accueil pour soins immédiats (PASI). Ces nouvelles structures répondront aux besoins et elles seront labellisées par les ARS pour cinq ans : elles accueilleront des patients dans le cadre de soins non programmés mais qui n'ont pas besoin d'aller aux urgences. Une signalétique spécifique sera élaborée.
Entre la consultation chez le médecin traitant et les urgences, il y a des gradations. Il ne s'agit pas de créer une couche supplémentaire mais de matérialiser un chaînon parfois manquant.
Le Ségur de la santé réfléchit à l'organisation future de notre système de soins. Cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est favorable, contribue à cet objectif.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Je m'associe à l'hommage rendu aux soignants et je veux remercier les collègues qui se sont rendus disponibles, notamment Véronique Guillotin et Bernard Jomier.
La crise a rappelé une évidence simple : la santé est au coeur des priorités des Français. Cette proposition de loi du député Cyrille Isaac-Sibille, n'a pas pour ambition de refonder notre système de soins. Elle répond ponctuellement mais concrètement, de façon pragmatique, aux difficultés de nos concitoyens à accéder aux soins dans certains territoires et à l'engorgement des urgences, mis en lumière par René-Paul Savary et Laurence Cohen dans un rapport de 2017.
Les urgences répondent à une urgence médicale ressentie par les patients alors que, selon la Cour des comptes, dans 10 à 20 % des cas, une consultation simple serait plus appropriée et moins coûteuse pour l'assurance maladie.
Les PASI offriraient une solution de prise en charge intermédiaire, étroitement articulée à des plateaux techniques notamment d'imagerie et de biologie médicale. Ils entreraient dans le champ du tiers payant et seraient rendus visibles par une croix orange, rappelant la croix rouge des urgences et la croix verte des pharmacies.
Les PASI ont vocation à apporter une réponse ambulatoire à la prise en charge des soins non programmés, en complémentarité de Ma Santé 2022, du pacte de refondation des urgences et des mesures progressivement mises en place pour accompagner la structuration des acteurs de la médecine de ville et le déploiement de l'exercice coordonné.
Les PASI offriraient donc une prise en charge complémentaire. Ils seraient articulés avec les CPTS en cours de création.
J'entends certaines réserves.
Un premier écueil ressort d'une approche consumériste des soins. Pour éviter tout appel d'air, il faudra un filtrage médical. Cette régulation médicale devra être coordonnée avec les initiatives des professionnels dans les territoires et avec le projet de numéro unique envisagé par le Gouvernement.
En outre, l'information des patients sur l'offre de soins disponible sera un indispensable corollaire, afin d'éviter tout risque de confusion en cas d'introduction dans le paysage sanitaire d'une croix orange.
Il faudra aussi veiller à la clarté de l'organisation des soins : il ne s'agit pas de créer une structure supplémentaire, une nouvelle tranche du millefeuille, déconnectée des autres acteurs, comme le craignent certains syndicats de médecins. Les médecins généralistes sont les premiers acteurs des soins non programmés et il n'est pas question de leur dérober ce rôle : les PASI ont vocation à venir en appui de ces professionnels dans cette mission.
La commission a souligné la nécessaire complémentarité des PASI avec l'offre médicale présente dans un territoire et leur inscription dans un parcours de soins coordonné. En effet, toute concurrence est délétère alors que la ressource médicale est rare. Nous avons aussi souligné le rôle essentiel joué dans ces structures par les infirmiers, les kinésithérapeutes et les pharmaciens.
Cette proposition de loi n'a pas vocation à modifier l'organisation de notre système de santé mais offre un outil pragmatique et complémentaire aux professionnels. Les PASI pourront s'adapter aux situations locales : c'est essentiel. Le cahier des charges national devra rester simple et souple.
Certains collègues demeurent dubitatifs, alors que s'ouvre le Ségur de la santé, mais ce texte est conforme aux principes que le Sénat défend s'agissant de notre système de santé. Je vous demande donc de l'adopter.
M. Alain Milon . - J'avais prévu de saluer la foule à l'occasion de ma présentation ; je dois réviser mes prétentions à la baisse... (Sourires)
Cette proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale en novembre 2019, en plein mouvement social à l'hôpital public.
Mme Cohen et M. Savary ont parfaitement analysé les difficultés des services d'urgence. Ils doivent être, en effet, regardés non comme un point d'entrée défaillant dans le système de soins, mais comme un miroir grossissant des dysfonctionnements de l'ensemble de notre système de santé. Leurs difficultés résultent moins de leur organisation propre que de leur positionnement original, au confluent des carences de la médecine de ville et de la permanence des soins ambulatoires en amont, et des rigidités hospitalières en aval.
La gestion de la permanence des soins et l'accueil des soins non programmés sont des problèmes majeurs de notre modèle, de longue date soulignés par le Sénat.
Nous y avons travaillé dans le cadre des CPTS à l'échelle des territoires. Ces communautés ont pour mission de permettre aux patients du territoire concerné d'obtenir un rendez-vous le jour même ou dans les 24 heures dès lors qu'il s'agit d'une urgence non vitale. Depuis la signature en juin dernier de l'accord conventionnel interprofessionnel, ils s'organisent pour créer une offre de soins coordonnée. Il faudrait 1 000 CPTS pour couvrir le territoire selon le plan « Ma Santé 2022 ». Monsieur le ministre, où en est-on ?
Le pacte de refondation des urgences annoncé en octobre prévoyait la création d'un service d'accès aux soins (SAS). Là encore, la coordination entre les centres 15 et les médecins de ville est une question primordiale. Quid de la place des médecins libéraux ? La négociation conventionnelle entre les libéraux et l'assurance maladie est-elle engagée ?
Les territoires sont organisés en matière d'offres de soins, notamment grâce aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et aux maisons médicales de garde. C'est encore insuffisant, mais un nouveau label est-il la solution ? Je ne le crois pas, d'autant que le Gouvernement vient d'installer le Ségur de la santé qui, je l'espère, ne sera pas que le Ségur de l'hôpital. Je forme le voeu que ce Ségur ne soit pas un catalogue de demandes et qu'il apporte des solutions concrètes à tous les professionnels de santé.
Il faut notamment augmenter le temps médical ; tout le monde y gagnerait, patients et soignants.
Pour rendre hommage aux soignants, faisons-leur des propositions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Jomier . - Je salue le travail de la rapporteure et la remercie pour ses mots d'introduction.
Depuis vingt ans, les passages aux urgences augmentent de 3,5 % par an. Ils sont passés de 10 millions en 1996 à plus de 20 millions aujourd'hui, soit 30 000 personnes chaque année pour chaque structure, largement dans le public puisque seuls 18 % sont pris en charge par le secteur privé. Pour désengorger les urgences, la proposition de loi prévoit des PASI labellisés par les ARS.
La question de l'engagement des urgences a fait l'objet de multiples rapports. Tout a été dit et évalué, mais la dégradation s'est poursuivie, le personnel s'est fatigué et les patients se sont parfois révoltés.
L'heure des décisions ne peut plus être retardée. Pendant la crise, les urgences n'ont survécu que grâce à l'engagement extraordinaire des soignants et à la quasi-disparition des autres pathologies, ce qui aura des conséquences sanitaires.
Le choix des autorités sanitaires de ne pas, ou peu, faire appel au secteur privé a conduit à la submersion des urgences. On en a oublié les Ehpad...
Oui, il est impératif de revoir l'organisation de notre système de santé. Ce texte adopté par l'Assemblée nationale en novembre représentait un petit pas. En juin 2020, après la crise, nous nous posons la question de la signification de ce nouveau label par les ARS.
Comment pouvons-nous porter une réponse aussi faible au regard des besoins ? L'heure est aux décisions structurantes. Le Ségur de la santé a été convoqué : il est prématuré d'adopter cette proposition de loi très partielle avant ses conclusions, même si les refus déjà exprimés par le Premier ministre comme celui de modifier la gouvernance de nos hôpitaux ne portent pas à l'optimisme sur les résultats.
N'envoyons pas ce message minimaliste. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
Mme Véronique Guillotin . - Je félicite également notre rapporteure. À peine un an après « Ma Santé 2022 » et en plein Ségur, cette proposition de loi semble anachronique.
Toutefois, compte tenu du vote de l'Assemblée nationale et de l'avis de notre rapporteure, j'ai sondé les professionnels de la santé autour de moi. Si les objectifs sont partagés, le texte ne semble pas apporter de plus-value.
Les professionnels de santé de ville essayent de s'adapter dans un contexte difficile et alors que les réformes se sont enchaînées, créant leurs lots d'acronymes : PTS, PTA, CPTS, MSP, ESP...
Je pense particulièrement aux maisons de santé pluriprofessionnelles et aux communautés professionnelles territoriales de santé, dont l'une des missions première est l'amélioration de l'accès aux soins en ville, et notamment aux soins non programmés. Pourquoi un énième dispositif ? Quid des relations que ces professionnels ont déjà nouées dans les territoires ? Je préfère consolider l'existant et clarifier le rôle de chacun auprès des services de régulation et des patients. Il faut également donner aux structures existantes davantage de moyens et inciter les jeunes médecins à s'installer en zones sous-dotées.
Le plan Ma Santé 2022 est déjà ambitieux. Nous avons voté la loi Santé en juillet 2019 et son taux d'application stagnerait à 30 %. Nous attendons sa mise en application pleine et entière.
Des inquiétudes émergent quant au risque d'accroître le recours aux soins en labellisant des points d'accueil pour soins immédiats. Évitons tout self-service de la santé, et ne créons pas d'échelon supplémentaire. Depuis le confinement, le nombre de passages aux urgences et dans les cabinets médicaux a diminué, ce qui confirme l'analyse de la Cour des comptes qui estime à 3,6 millions le nombre de passages inutiles aux urgences.
Des incertitudes demeurent sur les moyens. La création des PASI pourrait les diluer plutôt que de permettre de baisser les dépenses. Je crains que les services de soins ne s'agglutinent en zone urbaine autour des PASI.
Tout le monde s'accorde sur les objectifs. Je souscris aux amendements de Mme la rapporteure. Je ne suis en revanche pas totalement convaincue que ce nouvel outil soit adapté. Là où les professionnels se coordonnent, tout fonctionne bien. En plein Ségur de la santé, il faudrait plutôt renforcer l'ingénierie de projets sur les territoires atones, là où les élus et professionnels peinent à s'organiser.
La période que nous venons de vivre a consacré la pratique de la télémédecine comme alliée indispensable de notre système de soins. C'est avec ces outils, et non avec des échelons supplémentaires, que nous devons penser la santé de demain.
Le groupe RDSE se répartira entre une large abstention et des votes favorables.
M. Xavier Iacovelli . - Je salue les professionnels de santé. Depuis vingt ans le nombre de passage aux urgences a doublé. En 2016, on comptait 21 millions de passages aux urgences.
Nous devons répondre à l'engorgement et aux personnels à bout de force. Selon la Cour des comptes, 3,6 millions de passages aux urgences sont inutiles. Mais, il faut prendre ce chiffre avec prudence, ces passages étant souvent dus au manque de médecins généralistes sur de nombreux territoires.
Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des Solidarités et de la Santé, près de 60 % des patients se rendent aux urgences parce que les soins y sont accessibles et qu'ils peuvent y réaliser rapidement des examens complémentaires.
Avec cette proposition de loi, les PASI assureraient des soins non programmés, offriraient un examen médical et réorienteraient, si nécessaire, les patients vers un service spécialisé. La création des PASI constituerait un début de réponse à l'engorgement des urgences.
En 2017, le rapport d'information de nos collègues Cohen, Génisson et Savary démontrait le changement de mentalité de nos concitoyens qui valorisent l'immédiateté de l'accès aux soins, d'où le recours aux urgences hospitalières.
L'éducation à la santé de la population serait une autre réponse. Les PASI pourraient jouer ce rôle.
La crise sanitaire a démontré la nécessité d'avoir des services d'urgences efficaces, et mis en lumière les difficultés de ceux qui sauvent des vies tous les jours.
Le 25 mars, le Président de la République a souhaité, à Mulhouse, un plan massif pour la santé, avec une organisation plus proche des collectivités et plus collective ente la ville, le médico-social et l'hôpital.
L'adoption de cette proposition de loi ne sera qu'une petite pierre à l'édifice. Cela va néanmoins dans le bon sens.
Le groupe LaREM votera ce texte.
Mme Laurence Cohen . - Merci à Mme Doineau pour son travail. La crise de la pandémie a été le révélateur des difficultés de l'hôpital dénoncées depuis des années. Or cette proposition de loi, qui part d'un bon sentiment, ne prend pas en compte l'ampleur des difficultés et reste floue sur le futur cahier des charges qui sera pris par décret.
En outre, le postulat de ce texte est faux : on dénombre seulement 6 % de recours inappropriés. Ce n'est pas parce qu'il y a trop de patients qu'il y a engorgement, mais en raison des déserts médicaux qui ne cessent de croître, du vieillissement de la population et de l'augmentation des maladies chroniques. C'est toute la chaîne des soins qu'il faut revoir. Il faut travailler sur la complémentarité entre médecine de ville et hôpital et non sur la mise en concurrence entre le public et le privé. Si les établissements privés ont peu pris part à la crise sanitaire, c'est parce qu'ils se concentrent sur les soins les plus rentables à cause de la T2A.
La labellisation serait ouverte aux établissements privés, y compris ceux qui pratiquent des dépassements d'honoraires, à condition de l'annoncer au patient. C'est un risque...
Dans le Val-de-Marne, on compte douze SAMI, qui assurent les urgences médicales durant les soirées et les week-ends. Ce système fonctionne grâce à l'implication du conseil de l'ordre départemental ainsi que d'une équipe de médecins volontaires et grâce à l'engagement de collectivités qui participent à certains frais. Mais aujourd'hui, ces médecins volontaires ont vieilli et ne trouvent pas de relève. Le fait que les SAMI soient labellisés PASI ne changera rien à l'affaire.
À ce propos, il faudrait revenir sur le décret Mattei, qui supprimait les gardes des médecins les soirs et les week-ends.
M. René-Paul Savary. - Ah oui !
Mme Laurence Cohen. - La proposition de loi renforce la coordination entre les professionnels de santé. Pour avoir visité plus de 130 établissements, je puis vous dire que les ARS devraient davantage aider les maires, qui se retrouvent souvent seuls lorsqu'ils veulent ouvrir un centre de santé.
Le Gouvernement, avec ses plans successifs, n'a pas cessé de suivre la logique de restriction budgétaire de la santé.
La solution, c'est l'augmentation globale des budgets hospitaliers.
J'ai participé hier avec plusieurs de mes collègues à une rencontre avec le ministre de la Santé dans le cadre du Ségur. Le Gouvernement va-t-il enfin remettre à plat l'intégralité du système de soins ? Il ne suffit pas de dire dans l'hémicycle que l'on soutient les professionnels de santé. Il faut relayer leurs demandes.
Cette proposition de loi ne peut convenir alors qu'il faut une réponse globale.
On ne peut se contenter d'un sparadrap sur une jambe de bois. Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Daniel Chasseing . - Je rends aussi hommage aux soignants qui ont pris en charge les patients Covid-19. Je salue cette proposition de loi de bon sens et le travail de la rapporteure. Les urgences prennent en charge une part significative de soins qui ne relèvent pas de leurs missions. Le nombre de passages aux urgences a doublé en vingt ans, passant de 10 à 20 millions. Près de 20 % des patients ressortent des urgences avec une simple ordonnance sans examen complémentaire.
Des kits de suture à usage unique sont présents dans les cabinets de ville depuis plus de vingt ans, contrairement à ce que soutient l'exposé des motifs, et il est fréquent d'avoir un résultat d'un laboratoire de biologie dans les deux heures.
Le PASI n'est pas un service d'urgence bis. Je l'aurais plutôt appelé Point d'accueil pour soins non programmés car le terme « immédiat » évoque les urgences. Les CPTS ne disposent pas forcément d'un établissement de santé sur le territoire. Pourtant, elles ont mission de faciliter l'accès aux soins et la prise en charge des soins non programmés. Il est essentiel que le tiers payant s'applique.
Permettez-moi de partager mon expérience ; vendredi et samedi, remplaçant mon successeur à la maison de santé, j'ai vu huit patients sans rendez-vous : fièvre du nourrisson, cystite, traumatisme du pied, rhino-pharyngite avec fièvre - pour laquelle j'ai demandé un test pour suspicion de Covid ; cette fois, pas d'otite, de tiques, de sutures ou de problème cardiaque. Si un élément de gravité avait été constaté, j'aurais adressé le patient aux urgences du CHR ou du CHU, après avis du médecin régulateur.
Dans les CPTS ne disposant pas d'établissement, les maisons de santé pourraient remplir le rôle de PASI à tour de rôle.
Fluidifier l'organisation des soins non programmés, c'est le pilier 4 du Ségur. Les ARS doivent procéder avec souplesse et pragmatisme, notamment en milieu rural.
Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi.
M. Olivier Henno . - Je salue le travail de notre rapporteure qui a su coordonner les acteurs.
Le nombre de passages aux urgences a doublé entre 1996 et 2015, et cette évolution semble se poursuivre. Cela met en lumière la demande de soins non programmés et le déséquilibre de notre organisation. Vieillissement de la population, exigence d'une réponse immédiate, désertification médicale, mauvaise répartition des généralistes, fin de la permanence des soins sur le territoire sont autant d'explications.
Un patient sur cinq se rend aux urgences par défaut, pour réaliser des examens complémentaires. Près des deux tiers s'y rendent par souci d'accessibilité, même si l'on attend des heures. Selon la Cour des Comptes, 20 % des patients des urgences hospitalières ne devraient pas les fréquenter. Cette situation engendre un engorgement des urgences, au bord de l'implosion, et un surcoût important pour l'assurance maladie.
Centres de santé, maisons de santé, maisons médicales de garde... Les différences statutaires ont peu de sens pour nos concitoyens. Les patients des urgences doivent pouvoir identifier clairement les structures.
À ce jour, il est difficile pour les médecins libéraux de disposer du matériel pour les soins de première urgence. D'où l'intérêt de proposer une alternative, avec un plateau adapté pour la prise en charge.
Cette proposition de loi apporte une réponse rapide pour mailler le territoire en labellisant des structures qui existent déjà. Il faudra choisir un marqueur fort - peut-être pas la croix orange, mais ce n'est pas l'essentiel. Les PASI offriront un choix supplémentaire aux régulateurs du SAMU. Ce label ne sera pas imposé par l'administration mais obtenu sur initiative des professionnels de santé, coordonnée par la CTPS. L'offre des PASI sera complémentaire de l'hôpital de proximité et de la médecine de ville classique.
Je conclus en rendant hommage aux soignants. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Laure Darcos . - Ce texte d'opportunité vise à répondre à la situation dramatique des urgences qui manquent de tout et dont le personnel est épuisé.
Je rends hommage aux soignants, mais aussi aux médecins de ville, souvent très seuls face à l'épidémie.
L'acte médical est devenu un bien de consommation courant. On va aux urgences pour obtenir une réponse immédiate, au risque d'accroître le malaise des soignants et le surcoût pour l'assurance maladie.
Cette proposition de loi aux intentions louables ne révolutionnera pas l'organisation de notre système de santé. Elle vient moins d'un an après la loi Santé et à la veille du Ségur de la santé. Pire, elle procède d'une vision technocratique en chargeant l'ARS de labelliser des structures existantes. Elle est vouée à l'échec, tant que l'on n'aura pas traité le problème de l'accès aux soins et de la démographie médicale.
J'attends plutôt du Gouvernement qu'il laisse les professionnels s'organiser et soutienne les initiatives des collectivités territoriales. Le village de Moigny-sur-École dans l'Essonne a ainsi installé le premier centre de télémédecine d'Île-de-France, au coeur du Gâtinais, avec pour objectif de faciliter l'accès aux soins et de libérer du temps médical pour les généralistes du territoire. L'expérimentation de la maison de santé hors les murs de Verrières-le-Buisson est aussi exemplaire. Faites confiance aux territoires pour innover ! Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - Le président Milon a demandé où nous en étions dans le déploiement des CPTS. Nous avions évalué les besoins à 1 000 CPTS ; en février, on comptait 533 projets structurés contre 450 en novembre, avec la poursuite d'une vraie dynamique pendant la crise. Mme Cohen pourra témoigner qu'il en a été question hier lors du Ségur des parlementaires.
La crise a apporté des enseignements sur le Service d'accès aux soins (SAS) et la régulation médicale. Le sujet sera débattu dans le cadre du Ségur avec les parties prenantes.
Il n'y a pas de négociations en cours entre les libéraux et l'assurance maladie mais le Comité des structures d'exercice coordonné reprendra ses travaux la semaine prochaine.
Monsieur Jomier, on peut certes s'interroger sur la temporalité de l'examen de ce texte. Il s'inscrit dans la lignée du projet Ma Santé 2022 qui vise à mieux articuler ville et hôpital, ainsi que dans les concertations en cours dans le cadre du Ségur - qui associera bien médico-social et médecine de ville, comme en témoigne la composition du comité Ségur.
Madame Guillotin, l'application de la loi Santé n'est en effet pas complète, nombre de concertations ayant été suspendues du fait de la crise.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure . - Mon invitation à voter cette proposition de loi n'a pas recueilli l'unanimité. La temporalité brouille les pistes, j'en conviens. Mais le texte a été présenté il y a longtemps et il ne s'agit que de labelliser des structures existantes.
Le docteur Grall, président de l'ARS de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, nous a vanté l'expérience de la région de Rumilly, en lien avec les urgences d'Annecy. La labellisation donne une dynamique et des financements ; on le voit également en Ardèche et dans le Grand Est. Il ne s'agit pas de surajouter de nouveaux dispositifs, mais de visualiser les points d'accueil existants et de permettre à d'autres territoires de s'en emparer.
Notre collègue Christine Bonfanti-Dossat me le disait, son territoire met en place un tel système, sur le mode du volontariat, qui bénéficierait de ce label.
J'entends parler de désinvolture et de minimalisme ; l'auteur de cette proposition de loi ne prétend pas tout bouleverser, mais souhaite être utile aux usagers.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Decool, Menonville, A. Marc et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus et Laufoaulu, Mme N. Delattre, MM. Longeot, Mayet, Bonne, Pierre, Bouchet, Détraigne, Lefèvre, Nougein, Genest, Bonhomme, Vogel et Laménie, Mmes Perrot et F. Gerbaud et M. Gabouty.
I. - Alinéas 2, 3, 6, 7 et 11
Remplacer le mot :
immédiats
par les mots :
non programmés
II. - En conséquence, intitulé de la proposition de loi
Remplacer le mot :
immédiats
par les mots :
non programmés
M. Daniel Chasseing. - Je ne suis pas obsédé par le vocabulaire, mais les PASI concernent les soins non programmés, pas les urgences vitales. Des patients sans rendez-vous doivent toutefois être vus dans la journée, sous peine de voir leur état s'aggraver.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Lors des auditions nous nous sommes interrogés sur le terme « immédiat ». D'aucuns y voyaient une image de consumérisme, voire de drive de la santé. Pour autant, il faut parler à l'usager : la notion de « soins non programmés » ne parle qu'aux médecins. Faute de mieux, nous conservons le terme « immédiat ». Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis. Le PASI n'a pas vocation à avoir le monopole de la prise en charge des soins non programmés : chaque médecin y contribue déjà quotidiennement. Votre amendement conduirait à devoir labelliser chaque cabinet libéral.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Iacovelli et les membres du groupe La République En Marche.
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Éventuellement, d'orienter le patient nécessitant des actions de prévention vers les professionnels de santé concernés.
M. Martin Lévrier. - Nous soutenons le dispositif des PASI, inspirés d'une expérimentation en région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais ils devront aussi participer à la prévention et à l'éducation de la population à la santé en orientant les patients vers les professionnels de santé les mieux à même de les prendre en charge, comme le préconisait le rapport d'information de nos collègues Cohen et Savary. Dans un souci de souplesse, nous avons rendu la mesure facultative et espérons que cette rectification nous vaudra un avis de sagesse.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Hélas, je ne le peux : il n'appartient pas au PASI de se substituer au médecin traitant. Mais le texte vous satisfait. Retrait ou avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Sagesse.
M. René-Paul Savary. - Merci aux collègues d'avoir cité le rapport sur l'organisation des urgences que nous avons signé avec Laurence Cohen et Catherine Génisson. Mais, il est presque has been car la population a pris conscience, avec la crise, que des téléconsultations pouvaient fonctionner. Vous parlez d'un autre numéro que le 15 ; non, il faut une téléconsultation pour effectuer un tri efficace des urgences.
Les ARS n'auraient pas la même logique que les préfets.
Dans le Grand Est - qui est grand et à l'Est - (Sourires) les hôpitaux étaient surchargés pendant l'épidémie, alors que les cliniques étaient vides. Les établissements médico-sociaux n'ont été mobilisés que plus tard.
Bref, monsieur le ministre, il faut revenir à la réalité, avec plus de rameurs et moins de barreurs... (Sourires)
M. Bernard Jomier. - À défaut de résultat sur cette proposition de loi, le débat est nécessaire - il l'était sur le terme « immédiat » que souhaitait remplacer l'amendement précédent. La dénomination n'est pas adaptée, mais nous le gravons dans la loi.
Mais l'expression « soin non programmé » n'est pas lisible pour les patients. Ils savent ce que sont les urgences, ou ce que c'est d'avoir besoin d'un médecin de garde et c'est pour cela qu'ont été créées les maisons médicales de garde. C'est un empilement de dénominations, sinon de structures technocratiques...
Il ne faudrait pas donner de la lisibilité à une immédiateté pour des soins non urgents, ce qui serait contreproductif. La rapporteure nous a dit hier en commission que les territoires pourraient se saisir s'ils le souhaitent des PASI, cela n'améliorera pas la lisibilité.
Pendant la crise sanitaire, on a entendu des messages clairs de santé publique que la population a compris mais que nous n'entendions pas parce que Santé publique France n'a plus de moyens. C'est dommage.
M. Alain Milon, président de la commission. - Je partage le propos de Bernard Jomier. L'amendement de M. Lévrier enjoint les médecins à faire de la médecine : c'est ce qu'ils font. Je vois l'embarras du Gouvernement qui donne un avis de sagesse. S'il n'y a pas de retrait, je vous invite à voter contre.
M. Martin Lévrier. - Mon amendement demande aux médecins de faire de la médecine et de la prévention. Je le maintiens.
M. Alain Milon, président de la commission. - La prévention fait partie de la médecine !
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Decool, Menonville, A. Marc et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus et Laufoaulu, Mme N. Delattre, MM. Longeot, Mayet, Bonne, Pierre, Bouchet, Détraigne, Lefèvre, Nougein, Genest, Bonhomme, Vogel et Laménie, Mmes Perrot et F. Gerbaud et M. Gabouty.
Alinéa 12
Supprimer les mots :
à proximité
M. Daniel Chasseing. - Dans certaines CPTS rurales, il n'y a ni labo de biologie ni plateaux techniques à proximité, terme que je souhaite supprimer à l'alinéa 12. Les PASI pourraient cependant y exister malgré tout. Tel est l'objet de mon amendement.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Sagesse. J'entends bien le propos de Daniel Chasseing s'agissant de certains territoires ruraux. Mais les PASI ne seront pas attractifs sans offre d'examens. Comme le terme de proximité n'est toutefois pas contraignant, le supprimer ne pose pas de problème.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - L'accès aux examens complémentaires doit être proche pour que les patients ne soient pas conduits à aller directement aux urgences. L'inscription des PASI dans une CPTS garantit la coopération entre acteurs d'un même territoire.
Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. Daniel Chasseing. - Ce que je pressentais se précise, hélas. Médecin, j'ai envoyé le patient d'un traumatisme du pied avec fracture de la dernière phalange au cabinet de radiologie, pas aux urgences ; le patient souffrait d'une cystite, je l'ai envoyé au labo, pas aux urgences.
Ne reniez pas la ruralité dans ce texte.
M. René-Paul Savary. - Je partage le sentiment de Daniel Chasseing. Ce n'est pas à la loi de dire ce qui se passe dans les cabinets médicaux ! Il y avait les consultations : pendant deux heures, on recevait sans rendez-vous et on ne prescrivait pas d'examens à chaque fois. C'est du bon sens.
Point n'est besoin de tout inscrire dans la loi. Ce n'est pas au patient de décider qu'il passe des examens mais au médecin de les prescrire, dans le cadre de sa responsabilité ! Ainsi la radio n'était pas systématique pour les entorses ! Soyons attentifs : laissons les territoires s'organiser et les professionnels exercer.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Il n'est pas question de renier la ruralité, bien au contraire. Nous pourrions disserter longtemps sur la question de savoir où commence et où finit la proximité.
Je maintiens mon avis de sagesse.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Decool, Menonville, A. Marc et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus et Laufoaulu, Mme N. Delattre, MM. Longeot, Mayet, Bonne, Pierre, Bouchet, Détraigne, Lefèvre, Nougein, Genest, Bonhomme, Vogel et Laménie, Mmes Perrot et F. Gerbaud et M. Gabouty.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un point d'accueil pour soins immédiats coordonné au sein d'une communauté professionnelle territoriale de santé comprenant plusieurs maisons de santé pluri-professionnelles, les praticiens s'organisent à l'intérieur d'une maison de santé pour permettre l'accueil pour soins immédiats cinq ou six jours sur sept. »
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement prévoit que les professionnels s'entendent pour assurer le rôle de PASI dans des maisons de santé. C'est précisément ce qui est souhaité dans le pilier n°4 du Ségur de la santé : « fluidifier l'urgence et la régulation des soins non programmés ».
En revanche, il ne faut pas préciser « six jours sur sept » dans la loi.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Malgré tout, je crois qu'il faut garder une plasticité et un cahier des charges souple. Retrait ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
M. Hervé Marseille. - Je regrette la situation : le texte a fait l'objet d'un vote unanime à l'Assemblée nationale. Les circonstances amènent le Sénat à une appréciation différente. J'en prends acte.
Nous avons demandé en conséquence un scrutin public, afin de marquer les différences.
À la demande du groupe Union centriste, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°111 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 95 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 2 demeure supprimé.
Mme la présidente. - En l'absence de texte, un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance est suspendue pour quelques instants.