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Table des matières
: [Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Décarbonation du transport maritime international
: [Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Réouverture des lieux culturels (I)
: [Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Coopération sanitaire transfrontalière
: [M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Réouverture des lieux culturels (II)
: [Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
: [Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Conclusions de la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire (I)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Conclusions de la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire (II)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Convention citoyenne pour le climat
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Réouverture des lieux culturels (III)
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Parquet européen et justice pénale spécialisée (Conclusions de la CMP)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Discussion du texte élaboré par la CMP
Projet de loi de finances pour 2021 (Nouvelle lecture)
: [M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Jean-François Husson, rapporteur général
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Ordre du jour du jeudi 17 décembre 2020
SÉANCE
du mercredi 16 décembre 2020
47e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous invite à respecter en conscience et non par habitude les gestes barrières. Rien ne serait pire que le désert de l'habitude, comme dit le chanteur. (Sourires et applaudissements)
La culture, secteur essentiel
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Je suis la danse et je vous écris, je suis la danse et je pleure, je suis la danse et je meurs ! » : c'est le cri du coeur de l'interprofession de la danse. Les artistes sont dans un profond désarroi et acceptent mal les interdictions sans explications claires. Le professeur Delfraissy refuse de justifier la fermeture des salles de spectacle, alors que, comme le soulignait le Conseil scientifique, le risque de transmission y est moindre que dans les autres lieux clos.
Les artistes, coeur battant de notre exception culturelle, se sont finalement vu refuser la réouverture accordée à d'autres secteurs.
Nous avons salué les 2 milliards d'euros consacrés au spectacle vivant par le plan de relance, même si nous regrettons que le crédit d'impôt au bénéfice du spectacle vivant voté par le Sénat ait été retoqué par l'Assemblée nationale.
Mais la réponse à ce grand vide ne saurait être uniquement budgétaire. La culture n'est pas un secteur non essentiel. Les spectacles, les musées, les artistes sont essentiels et nous avons besoin d'eux. Plutôt qu'une interdiction généralisée, inadaptée et incomprise, ne faut-il pas étudier une ouverture des lieux culturels en fonction du risque sanitaire encouru ? Quelles perspectives, quelle visibilité pouvez-vous apporter aux professionnels de la culture ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et SER)
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je partage votre diagnostic : la culture est au coeur de notre projet politique, de notre projet de société, quels que soient nos choix idéologiques.
Notre pays vit une tragédie qui nous impose à tous des sacrifices considérables, et notamment au secteur culturel. Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous avons pris ces mesures de sécurité sanitaire - les mêmes qui ont été prises en Italie, en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne... et hier aux Pays-Bas. Nous continuerons à être aux côtés de la culture.
Les mesures sectorielles viendront, car il faut de la visibilité : j'y travaille avec les acteurs de la culture, que je rencontre en continu, et avec les parlementaires. Le temps de la visibilité n'est pas encore venu, mais nous le préparons.
Dès que nous pourrons desserrer l'étau, nous le ferons. En attendant, nous accompagnons le secteur par des mesures financières exceptionnelles. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
EDF et projet Hercule
M. Fabien Gay . - EDG-GDF, c'étaient deux monopoles publics, deux entreprises intégrées de la production à la distribution, garantissant l'accès à l'énergie sur tout le territoire à un tarif réglementé. C'était un savoir-faire reconnu ; c'était l'indépendance et le patrimoine de la France.
Mais depuis trente ans, les libéraux ont dérégulé, déréglementé et privatisé, créant de toutes pièces des opérateurs alternatifs puis des mécanismes ubuesques comme « l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique ». Résultat ? Explosion du prix, dégradation des conditions de travail.
En quinze ans, vous avez démantelé GDF, devenue Engie. Voici venir le tour d'EDF, scindé en trois branches par le projet Hercule. Deux resteront publiques ; la verte, la plus rentable avec les énergies renouvelables et la commercialisation, sera privatisée. EDF sera privée de sa capacité à innover.
Plutôt que de céder à l'injonction de Bruxelles de tout brader, entendez les usagers et les salariés qui exigent un véritable service public de l'électricité.
Allez-vous renoncer à votre funeste projet ou, au moins, donner la parole aux Français par référendum ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Le Premier ministre a pris hier des engagements clairs. La France fait de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité, avec un objectif de neutralité carbone en 2050. EDF sera le moteur de cette transition énergétique ; il s'agit donc de lui en donner les moyens. Aussi, nous avons pris l'attache de la Commission européenne pour éteindre le contentieux sur les centrales hydrauliques et permettre à EDF de les gérer sans nouvelle mise en concurrence.
Il s'agit de donner à la France les moyens de développer massivement l'énergie renouvelable et de préserver les consommateurs français des hausses de prix. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe CRCE)
EDF restera un groupe intégré, dans lequel le statut des agents ne sera pas remis en cause.
M. Fabien Gay. - Mais bien sûr !
Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous ne souhaitons pas démanteler EDF mais lui donner les moyens d'être un acteur majeur de la transition énergétique. (Huées sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Décarbonation du transport maritime international
M. Dominique Théophile . - Le 18 novembre dernier, l'Organisation Maritime Internationale (OMI) a annoncé de nouvelles mesures sur la décarbonation du transport maritime. L'accord trouvé dans le cadre du 75e Comité de la protection du milieu marin porte sur une certification de l'efficacité énergétique et un système de mesures de l'intensité carbone.
La France a salué ces avancées tout en restant prudente. Ses propositions et celles de l'Union européenne n'ont pas toutes été adoptées, notamment des mesures de coercition pour les navires les moins efficients.
Ces annonces ont un goût d'inachevé. Le secteur maritime est pourtant responsable de 3 % des émissions de CO2, devant la France et la Grande-Bretagne. Pire, cet accord permettra au transport maritime d'accroître ses émissions de CO2 pendant la prochaine décennie, à rebours des objectifs de l'accord de Paris.
Certains ont accusé la France d'avoir revu ses ambitions à la baisse lors de la négociation pour obtenir un compromis. Les prochaines négociations seront cruciales. Nous comptons sur votre détermination ainsi que sur celle de la ministre de la Mer.
Quel a été le rôle de la France durant cette négociation ? Qu'attendre du prochain cycle de négociation, notamment en matière de financement ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - En effet, le transport maritime doit faire sa transition écologique. Pas moins de 200 millions d'euros sont prévus dans le plan de relance pour verdir nos ports. Le projet de loi de finances pour 2021 prolonge le suramortissement pour l'achat de navires plus propres.
Cette transition se fera avec nos partenaires, car elle relève d'une négociation multilatérale. Nous sommes mobilisés, avec Annick Girardin - actuellement à Bruxelles pour défendre nos pêcheurs.
L'accord de novembre est imparfait, c'est un compromis obtenu grâce à la mobilisation de la France. C'est néanmoins une première victoire, prélude à de nouveaux engagements. Nous ne nous arrêterons pas là. Nous réfléchissons à une taxation carbone, à un marché d'échanges et soutenons l'initiative FuelEU Maritime. Je sais pouvoir compter sur vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réouverture des lieux culturels (I)
M. Lucien Stanzione . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la ministre de la Culture, avez-vous entendu le cri de désespoir qui a retenti hier sur tout le territoire ? C'est celui des professionnels du spectacle qui n'arrivent plus à suivre le fil de vos indécisions. Le revirement du 10 décembre a été un coup de grâce pour tout le secteur. La culture, qui croyait voir le bout du tunnel, replonge dans le noir. On comprend le désarroi de ses acteurs devant l'affluence dans les grandes surfaces, les transports en commun ou les lieux de culte ! La perspective du 7 janvier, à l'aube d'un possible rebond de l'épidémie, n'est pas plus rassurante.
Comment convaincre le Premier ministre de lever immédiatement l'interdiction ? Quelles mesures pour préparer la relance en janvier ? Une réouverture se prépare et il faut accompagner les acteurs. Quelles mesures concrètes seront mises en place grâce au plan de relance ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je ne suis ni sourde ni aveugle, j'entends le désarroi, la colère, la frustration des acteurs de la culture et je prépare avec eux la sortie de crise. J'espère retourner bientôt au festival d'Avignon. C'est ainsi que j'ai mis en place un fonds d'urgence de 15 millions d'euros pour soutenir les festivals.
M. David Assouline. - C'est insuffisant !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. - J'écoute les acteurs et je les aide. La culture n'est pas un monde uniforme, il n'y a pas de solution toute faite. Aucun pays ne fait autant que la France pour la culture !
M. David Assouline. - Pourquoi les lieux culturels sont-ils fermés et les supermarchés ouverts ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. - Le monde de la culture est allant, il est prêt à s'engager, à faire des sacrifices sur les jauges, sur l'information, les protocoles. Nous travaillons sur l'intermittence et la prise en charge des plus fragiles. Je suis à l'écoute et à l'action. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Lucien Stanzione. - J'aurais aimé entendre des engagements. Que faut-il pour que la culture ne meure pas définitivement ? (Applaudissements à gauche)
Coopération sanitaire transfrontalière
Mme Véronique Guillotin . - Vendredi s'est tenue une conférence ministérielle de la Grande Région sur la coopération transfrontalière dans la gestion de la pandémie. Ce protocole doit aboutir à une coordination sur des sujets tels que le dépistage et la vaccination, la prise en charge transfrontalière, les secours d'urgence, la libre circulation, le soutien matériel et humain, la quarantaine ou encore l'échange d'informations.
Tous nos partenaires - Allemands, Belges, Luxembourgeois - ont signé ce protocole, sauf l'ARS Grand Est.
Le ministre de l'Europe gère les questions transfrontalières, celui de la Santé, les questions de santé. Mais quid des questions de santé transfrontalière ? Le dossier n'est pas porté.
Nous souhaitons tous l'émergence d'une Europe de la santé, mais faute d'engagement concret de l'État, la déclinaison territoriale fait défaut.
Comment expliquer que l'État n'ait pas signé un protocole sur un sujet aussi essentiel ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - (Exclamations de joie et applaudissements à gauche comme à droite, où l'on se réjouit de la présence du ministre.) Maurice Chapelan disait : « L'absence est un arsenic : un peu fortifie l'amour, beaucoup le tue. » Je me sens fortifié avec vous ! (Sourires)
La France est engagée dans l'Europe de la santé. La pandémie a mis en évidence les limites de l'organisation de la gestion de crise et le manque de coopération entre États membres. Aussi, la Commission européenne a-t-elle présenté le programme EU4Health, pour renforcer la résilience du système de santé. Elle propose d'étendre le mandat du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et de réviser la décision relative aux menaces transfrontalières graves pour la santé. Elle compte aussi renforcer la capacité de l'Union à prévenir et gérer les menaces sanitaires et créer une agence de recherche et de développement biomédicaux sur le modèle de la Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority).
La France souhaite une planification interrégionale reposant sur la coordination des mesures sanitaires et sur l'identification des infrastructures de part et d'autre des frontières, avec un registre conjoint des capacités en réanimation, un système de transfert de patients et le développement d'applications et de campagnes de communication multilingues.
Nous souhaitons une Europe de la santé robuste, efficace, solidaire. Ce sera une priorité de la présidence française de l'Union européenne en janvier 2022. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Véronique Guillotin. - Je salue vos propos, mais pourquoi ce protocole n'a-t-il pas été signé par la partie française ?
Votre venue à la prochaine réunion de la Grande Région témoignerait de l'intérêt de l'État. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Réouverture des lieux culturels (II)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous regrettons le manque de concertation avec les acteurs de la culture et les collectivités territoriales. La transparence du processus décisionnel a été plus que légère : annonces du Premier ministre le 10, recommandations du Conseil scientifique le 12, puis nouvelles annonces du Premier ministre le 14...
L'incertitude pèse sur les acteurs culturels. La CGT spectacle demande de la visibilité, notamment en augmentant la commande publique culturelle.
La justification sanitaire n'est pas acceptée, comme le montrent les manifestations d'hier : comment accepter de garder fermées les petites salles quand la foule se presse dans les transports et les magasins ? Comment accepter que la galerie marchande du Carrousel du Louvre soit ouverte et pas le musée ? Pourquoi ce choix de la consommation uniquement matérielle et non culturelle ? Le critère est-il celui des sommes dépensées ?
Théâtres, musées, salles de concert permettent un vivre ensemble qui resserre nos liens et répare les dégâts de l'isolement.
Pourquoi n'envisagez-vous pas un rééquilibrage dans les décisions d'ouverture en faveur des lieux culturels ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Il y a en effet une aspiration à la visibilité, mais celle-ci ne nous est pas acquise. Le ministre de la Santé, qui est un homme de culture, vous le dirait mieux que moi. (Sourires) Nous partions de 50 000 contaminations par jour, et espérions atteindre les 5 000 cas par jour pour rouvrir les lieux culturels.
M. David Assouline. - Et les commerces !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. - Or nous sommes à un plateau autour de 12 000 cas par jour, après une semaine à 15 000. Le ministre de la Santé et le Premier ministre ont donc décidé, avec raison, que la réouverture n'était pas encore possible.
Cette visibilité, nous allons l'atteindre ; j'y travaille. Il nous faut bâtir un modèle résilient, qui s'adapte aux à-coups de la pandémie, aux rebonds prévisibles, pour envisager une réouverture durable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Accompagnement des étudiants
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Pour de nombreux étudiants, 2020 aura été synonyme d'isolement social, de fins de mois difficiles. À l'âge de tous les possibles, l'horizon se réduit aux murs d'une chambre d'étudiant, aux files de distribution de l'aide alimentaire, aux coups de fil aux parents...
Les universités sont parmi les derniers lieux à rester fermés. Nous saluons l'annonce d'une reprise progressive des cours en présentiel dès le 4 janvier. Des incertitudes subsistent néanmoins. Quel aura été l'impact de la scolarité à distance ? Tous n'ont pas une connexion stable à internet ou un matériel adéquat. Les étudiants ont manqué d'interactions sociales et l'isolement a pesé psychologiquement : or il n'y a qu'un psychologue universitaire pour 30 000 étudiants...
Les étudiants s'inquiètent de la reconnaissance de leur diplôme, vu les difficultés à accéder à un stage ou à une expérience à l'étranger. Les risques de décrochage pédagogique sont réels, notamment pour les néobacheliers. Quelles sont les perspectives pour les étudiants ?
Vous êtes favorable à la création de milliers d'emplois étudiants pour les accompagner. Selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Votre question me permet d'adresser aux étudiants un message de soutien. Nous avons entendu les demandes, relayées notamment par votre assemblée. Le Premier ministre a décidé de doubler le nombre de psychologues dans les universités, de mettre à disposition 60 assistantes sociales supplémentaires, de doubler les fonds d'aide d'urgence.
Nous avons aussi recruté 1600 étudiants référents dans les Crous pour maintenir le lien social et sommes en train de recruter 20 000 tuteurs dans l'enseignement supérieur, qui seront sur le terrain dès janvier. Nous devons faire revenir les étudiants les plus fragiles.
Pendant le second confinement, les universités sont restées ouvertes pour les travaux pratiques et ont offert un accès sur réservation aux bibliothèques et aux salles de ressources. Le Gouvernement est à l'écoute et attentif à la situation des étudiants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Conclusions de la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire (I)
M. René-Paul Savary . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire vient de publier un rapport fourni : 101 heures d'auditions, 47 propositions fouillées. Il met le doigt sur certains dysfonctionnements qui appellent des explications, en toute transparence.
Qu'avez-vous tiré de notre rapport et que comptez-vous en faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et SER)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je vous félicite pour votre désignation à la présidence de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). J'aurai plaisir à travailler avec vous.
Après l'Assemblée nationale en son temps, le Sénat a publié le rapport de sa commission d'enquête. C'est à l'honneur du Parlement de s'emparer des sujets qui préoccupent les Français.
Honnêtement, je n'ai pas lu l'intégralité des 480 pages du rapport (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains) mais je l'ai feuilleté et j'en ai lu les bonnes feuilles. (Sourires)
Je retiens de ce travail indépendant, bien que politique, que rien ne vient contredire les propos que j'ai tenus devant vous, sous serment, lors de mon audition.
La France est un pays formidable : en pleine crise sanitaire, deux commissions d'enquête, une saisine de la Cour de justice de la République, sans compter d'autres commissions d'évaluation. Mon administration se prête à l'exercice avec professionnalisme et transparence même si elle est accaparée, matin, midi, soir et week-ends, par la gestion de la crise. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. René-Paul Savary. - Merci de votre franchise. Je vous invite donc à lire notre rapport, qui pointe certains dysfonctionnements et fait des préconisations. Nous devons la vérité aux Français !
Que comptez-vous en faire ? Le mettre sur une étagère, probablement, à côté du rapport Milon de 2009 sur le virus H1N1 - que vous auriez été bien inspiré d'étudier : cela aurait évité bien des retards.
Parfois, un peu d'autocritique ne nuit pas, quoi qu'il vous en coûte... (Applaudissements et rires sur les travées du groupe Les Républicains)
Mathématiques à l'école
M. Max Brisson . - L'enquête Timss (Trends in Mathematics and Science Study) est tombée : les élèves français de CM1 sont les derniers en mathématiques de l'Union européenne et les avant-derniers des pays de l'OCDE.
Les élèves de 4e sont également à la traîne. Ils sont 15 % à ne pas atteindre le niveau dit « bas » contre 6 % pour l'ensemble de l'Union européenne.
Monsieur le ministre, vous occupez le fauteuil de Jules Ferry depuis trois ans et sept mois. Vous êtes comptable de cette situation ! Comment infléchir cette trajectoire plongeante qui fait mal aux Français et à tous ceux qui aiment l'école de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - Je suis le premier préoccupé par ces résultats. Les enquêtes internationales ont toujours un décalage. Il s'agit de mesures faites en 2018-2019 sur la classe de 4e.
Notre action n'avait alors pas pleinement porté ses fruits, soyons honnêtes. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Mais dès 2017, nous avions pris la mesure de la situation et lancé le plan Villani-Torossian, dont 17 préconisations sont déjà appliquées, notamment sur la formation initiale et continue des professeurs des écoles ou sur les référents mathématiques présents dans chacune des 1 200 circonscriptions.
Notre plan a été repris ailleurs dans le monde, de même que le plan de Singapour, avec lequel nous travaillons. Il y a une énorme pente à remonter, je suis le premier à le dire. Plutôt que de polémiquer, mieux vaut analyser notre stratégie pédagogique, inscrite dans la durée. Je suis à votre disposition, monsieur Brisson, pour ce faire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Max Brisson. - Vous n'avez pas lésiné sur les réformes mais le niveau des élèves continue de baisser. Les mathématiques sont un révélateur implacable : l'école freine les meilleurs et a chassé de son vocabulaire le mot « effort »....
L'école doit retrouver l'excellence. Il fut un temps où un tiers des polytechniciens étaient d'origine populaire. L'école doit rester fidèle à la promesse républicaine. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le ministre se lève pour reprendre la parole, puis se rassied, M. le président lui ayant indiqué qu'il n'y avait pas lieu de le faire.)
Conclusions de la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire (II)
Mme Michelle Meunier . - L'un des constats de la commission d'enquête est accablant. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, semble avoir délibérément influencé la rédaction du rapport de Santé Publique France pour cacher sa mauvaise gestion du stock de masques.
Le fiasco des masques a nourri la défiance des Français envers vos décisions et les théories alternatives qui sapent le discours rationnel des décideurs ; il a mis en danger les soignants et les personnels d'aide à domicile, longtemps démunis, parfois malades et vecteurs de maladie.
Ce fiasco porte un nom : celui de Jérôme Salomon.
Monsieur le ministre, votre responsabilité politique est immense, à la veille de la campagne de vaccination.
Quand Jérôme Salomon sera-t-il remplacé à la direction générale de la Santé (DGS) ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Lorsque j'ai pris connaissance de ce rapport (« Ah ! » à droite), j'ai rencontré le professeur Salomon pour échanger sur ce qui lui était « reproché ». Les mails cités dans le rapport, c'est lui qui vous les a envoyés.
Vous faites référence à une saisine de Santé Publique France sur les antiviraux, à laquelle l'organisme a répondu sur bien plus de sujets dont les antibiotiques, les masques, les respirateurs, comme le montre un mail de janvier qui vous a également été transmis et que vous n'avez pas publié. Or c'est là-dessus qu'il a interpellé Santé publique France.
Mais force est de constater - je l'ai lu dans le rapport sénatorial (Nouvelles exclamations à droite) - que le rapport des experts, piloté par le Professeur Stahl, éminent infectiologue grenoblois, a été publié en l'état.
N'étant pas ministre à l'époque, je n'ai pas eu à en connaître, mais cela souligne l'engagement continu de M. Salomon comme serviteur de l'État, dans les fonctions de directeur général de la santé, qui ne sont pas politiques mais éminemment difficiles en temps normal ; et en pleine pandémie, encore plus compliquées. Jérôme Salomon est un grand serviteur de l'État, un grand professeur de médecine apprécié par ses pairs et je ne pouvais laisser passer votre intervention sans le souligner. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. François Patriat. - Bravo !
Mme Michelle Meunier. - La DGS va jouer un rôle pivot dans la campagne vaccinale. Il ne peut y avoir de doutes sur le pilotage. Si vous voulez garder le cap, il est temps de changer de capitaine. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Situation de la police
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, 132 policiers de la circonscription de Grenoble, sur 523, ont demandé une rupture conventionnelle au préfet de l'Isère, soit 25 % des effectifs. Depuis, les policiers grenoblois, assurant uniquement les interventions urgentes et nécessaires, ont cessé toute patrouille, toute action d'initiative et tout contrôle.
C'est inquiétant pour Grenoble, connue pour son haut niveau d'insécurité, mais cela traduit aussi un malaise profond, à l'échelle nationale.
Le Président de la République a mis le feu aux poudres en validant le terme de « violences policières » ou de contrôles au faciès systématiques et en annonçant la création d'une plateforme de dénonciation.
Des faits minoritaires, comme ceux cités dans l'affaire Zecler, doivent être sévèrement punis, mais la quasi-totalité des policiers et gendarmes sont irréprochables.
Or ils sont très nombreux à se faire blesser lors des manifestations ou agresser quotidiennement et deux d'entre eux ont encore été dernièrement roués de coups à Valenciennes.
Que pensez-vous des propos du Président de la République ? Les partagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Je suis fier d'être le ministre de l'Intérieur (« Ah ? » à droite) d'un Président de la République qui a créé 10 000 postes dans la police et la gendarmerie.
Un peu d'autocritique ne nuirait pas à la droite traditionnelle - pour reprendre les propos de M. Retailleau. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Monsieur Retailleau, quand on joue au tennis, on doit accepter de se faire renvoyer la balle. (Protestations redoublées sur les mêmes travées ; M. Bruno Retailleau répond au ministre, qui est applaudi sur les travées du RDPI) Ne vous énervez pas, monsieur Retailleau, même si je veux bien croire que le bureau politique s'est mal passé ce matin... (Huées sur les travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Répondez à la question posée, monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Justement, je recevrai demain l'ensemble des syndicats de police, en bilatéral, puis je ferai des annonces.
En janvier, le Beauvau de la sécurité rassemblera policiers, gendarmes, élus locaux, car ce sont les maires les premiers responsables. Le maire de Grenoble comme ceux des autres villes pourront mettre en place les moyens nécessaires. Et le Parlement donnera à la police les moyens législatifs de travailler.
J'ai eu au téléphone les policiers roués de coups à Valenciennes. Je me rendrai la semaine prochaine dans le département du Nord et je les décorerai au nom de la République, car ils se sont opposés à des rodéos urbains - qu'on a trop longtemps laissés faire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Souveraineté numérique
M. Michel Canevet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Bpifrance est l'un des bras armés de l'action de l'État en direction des entreprises. Je siège au titre du Sénat au sein de son conseil national d'orientation...qui ne s'est jamais réuni ! (Sourires)
Or la BPI, dépendant de l'État, a choisi un opérateur extérieur pour héberger ses données sur l'accompagnement des entreprises pendant la crise sanitaire. En l'occurrence, Amazon !
Quelle en est la logique ? Est-ce normal s'agissant de données aussi sensibles ? D'autant qu'Amazon est une entreprise domiciliée au Luxembourg. Mme Goulet pourrait évoquer le sujet de l'évasion fiscale...
Avez-vous la volonté de développer l'économie numérique dans notre pays ? Le Gouvernement entend-il agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable . - Vous avez raison : le sujet relève de la souveraineté de notre pays.
Depuis 2019, Bpifrance a choisi une solution de stockage hybride, par le recours à de multiples hébergeurs, pour favoriser la réversibilité, c'est-à-dire la migration d'un hébergeur à un autre, sans être dépendante d'un seul d'entre eux. Il a ainsi noué trois contrats, avec Amazon, Microsoft et OVH.
S'agissant du contrat avec Amazon, il avait pour but de déployer en cinq jours une plateforme des attestations de PGE en ligne, au profit de plus de 550 000 entreprises en une centaine de jours. Ces données sont protégées par une clé privée, détenue et hébergée par Bpifrance et la sécurité de la plateforme a été contrôlée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).
Nous respectons la jurisprudence européenne. Nous avons par ailleurs demandé à Bpifrance de financer OVH et d'autres solutions françaises. Alors oui, nous sommes vigilants et tenons notre ligne en termes de souveraineté numérique, à l'exception de ce point, dû à la situation créée par la covid.
M. Michel Canevet. - Je ne suis pas rassuré. Contrairement aux États-Unis où l'administration défend ses entreprises nationales, la France ne soutient pas ses intérêts.
Avec le Health Data Hub, c'est la même chose alors que des intérêts vitaux sont en jeu ! Il faut confier ces données à des entreprises françaises et européennes : elles sont capables de le faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE)
Pêcheurs face au Brexit
M. Alain Cadec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La date fatidique du 31 décembre 2020 approche : Londres va rompre ses dernières amarres. Il y a toujours des risques à proposer un référendum comme celui de M. Cameron...(Sourires)
Dès juin 2016, alors président de la commission de la pêche du Parlement européen, j'ai alerté la Commission européenne et les autorités françaises face au risque de considérer le secteur de la pêche comme une variable d'ajustement d'un éventuel accord de sortie du Royaume-Uni. Je n'ai eu de cesse, depuis cette date, de dire et de redire à mon ami Michel Barnier que ce risque devenait de plus en plus prégnant.
Il ne fallait pas dissocier l'accès aux eaux britanniques à nos pêcheurs du reste de l'accord. Les pêcheurs sont les premières victimes du Brexit. Sans cet accès, de nombreuses entreprises des Hauts-de-France, de Normandie, de Bretagne devront soit mourir, soit pêcher dans d'autres zones, ce qui raréfiera la ressource.
Le Premier ministre a même fait sortir des navires de guerre de Sa Gracieuse Majesté.
Quelles mesures prévoyez-vous pour faire face à ce désastre annoncé, cette catastrophe économique qui apparaît inéluctable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Oui, je connais votre engagement en faveur des pêcheurs, comme je suis sensible à l'inquiétude des quais face à des négociations qui n'en finissent pas de ne pas finir.
En aucun cas la pêche ne peut faire l'objet d'un accord séparé. Ce n'est pas une variable d'ajustement. Si les Britanniques veulent avoir accès privilégié au marché européen - stabilité dans l'accès, approche transversale, normes techniques claires et communes, y compris sur les filets et les chaluts, le maintien des droits historiques et du système de quotas actuels.... - ils devront faire des concessions sur la pêche. Les négociations continuent en ce moment même.
Le Premier ministre a annoncé à Boulogne-sur-Mer un plan d'action et de soutien pour la pêche qui profitera d'une bonne partie des fonds Brexit de 5 milliards d'euros, quoi qu'il advienne. Voyez notre détermination dans la vigilance et dans le soutien.
M. Alain Cadec. - Votre réponse ne me rassure pas. La France doit peser de tout son poids - ou ce qu'il en reste - pour sauver sa filière pêche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Convention citoyenne pour le climat
M. Joël Bigot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Lundi, le Président de la République a reçu la Convention citoyenne pour le climat qui avait formulé des recommandations pertinentes reprises pour partie par le groupe socialiste du Sénat dans le projet de loi de finances, mais rejetées par l'Assemblée nationale.
Ce matin, le Conseil national de la transition écologique s'est trouvé devant une situation aussi ubuesque qu'inédite : donner son point de vue sans avoir accès ni au texte de loi ni à l'étude d'impact !
On ne compte plus vos « jokers », qui sont autant de renoncements.
Le texte final ne comptera que 40 % des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. C'est trop maigre !
La crise sanitaire ne peut plus vous servir indéfiniment de parapluie. Le Gouvernement ne cesse de procrastiner. Au niveau international, vous continuez de soutenir des projets gaziers et pétroliers jusqu'en 2035.
Plutôt qu'organiser un référendum opportuniste, soyez à la hauteur de vos promesses ! Pourquoi ne présentez-vous pas au suffrage des citoyens les 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Seules 40 % des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat relèvent du législatif. Les autres relèvent du domaine réglementaire ou du droit européen ou sont infralégislatives. C'est pourquoi je ne vous soumets que les mesures de nature législative, en respectant les règles en vigueur.
Nous avons beaucoup débattu avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Le Président de la République s'est engagé à répondre aux 146 propositions.
L'enjeu, c'est d'être à la hauteur de nos engagements de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Il y aura une étude d'impact sur le projet de loi mais aussi le Haut Conseil pour le climat se prononcera sur toutes les mesures, quel que soit leur vecteur législatif, afin de vérifier qu'elles nous permettent d'atteindre nos objectifs. (Mme Sophie Primas s'exclame.)
Le Président de la République renforcera les moyens du Haut Conseil pour le climat. Vous aurez ainsi tous les éléments pour un vrai débat démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réouverture des lieux culturels (III)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait au Premier ministre qui aime tant Pablo Casals...
Si tous les groupes politiques ont posé une question sur le monde de la culture, c'est qu'il est à l'agonie. Il a vécu une double mort la semaine dernière. Il avait espéré une réouverture et programmé des événements pour les fêtes de Noël, à Périgueux avec Natalie Dessay à guichets fermés, à l'opéra de Massy, aux théâtres de Paris qui avaient déboursé 150 000 euros en publicité. Il a été inhumain de leur faire espérer une réouverture.
Mais dans une salle de cinéma, on ne postillonne pas et on respecte plus qu'ailleurs les règles sanitaires. Personne ne comprend !
L'absence de la ministre de la Culture à la conférence de presse a montré son mal-être. Je ne mets pas du tout en cause, madame la ministre, le fait que vous fassiez tout pour essayer de sortir de la crise...
M. David Assouline. - Moi, si !
Mme Laure Darcos. - Je suis terriblement déçue que l'Assemblée nationale n'ait pas repris nos crédits d'impôt dans le projet de loi de finances.
Je sais, madame la ministre, que vous faites tout pour sortir ce secteur de la crise mais à partir du 1er septembre 2021, il faudra être aux côtés de tous les artistes et de tous les auteurs, car c'est à ce moment-là qu'il faudra les soutenir - et attendre que les salles soient à nouveau pleines pour arrêter de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - J'ai déjà en grande partie répondu...Il n'est pas dans mes attributions de compenser la souffrance, le désespoir, la frustration. Nous n'avons pas pris ces décisions de gaîté de coeur.
Mais nous voulons accompagner, aider le secteur à surmonter les difficultés. Je sais combien vous êtes attachés au cinéma, notamment dans les territoires ruraux.
Le président de la fédération des cinémas Richard Patry estime que la crise a coûté 1 milliard d'euros au secteur. Je me suis fait apporter le tableau de toutes les aides à l'audiovisuel et au cinéma, ce dernier en recevant 80 %.
Avec nos aides transverses et dédiées, nous avons apporté, en 2020, 1,1 milliard d'euros auxquels s'ajoutent les 165 millions d'euros du plan de relance - dont 52 millions d'euros ont déjà été déboursés - les 400 millions d'euros de mesures fiscales et les 535 millions d'euros de prêts garantis par l'État, qui devront certes être remboursés mais qui comptent quand même.
Nous avons aussi été aux côtés du cinéma, à tous les stades de la création, de la distribution à l'exploitation, y compris en autorisant la reprise des tournages.
Je suis fière de faire partie d'un gouvernement qui a permis à la création de continuer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
TGV Est
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre de la Transition écologique, attaché au monde cheminot, j'aurais volontiers posé des questions sur les lignes d'équilibre du territoire ou les trains régionaux, les lignes rurales, le fret capillaire. Mais je dois me concentrer sur les 2 400 kilomètres de lignes à grande vitesse.
Inauguré en juin 2007, le TGV Est - co-financé par l'État, Réseau ferré de France (RFF) et les collectivités territoriales - ne dessert plus Rethel, Charleville ni Sedan, alors que deux allers-retours étaient prévus. C'est pareil dans la Meuse, les Vosges, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin... Les ouvertures de guichet sont réduites. La gare de Charleville-Mézières, 48 000 habitants, est fermée le dimanche...
À quand une véritable politique ferroviaire et de soutien de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit aussi.)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Notre effort financier pour la SNCF est sans précédent : reprise de 35 milliards d'euros de la dette, décapitalisation de 4 milliards d'euros dans le plan de relance, en particulier.
Les petites lignes bénéficieront de 6,5 milliards d'euros sur deux ans. Nous investissons dans les trains de nuit et le fret ferroviaire.
Pendant le confinement, la desserte a évolué : 30 % des TGV ont circulé, entre 60 % et 80 % des TER, à des horaires adaptés, mais la fréquentation était de 10 % en France et de 20 % dans le Grand-Est. La SNCF et ses agents se sont mobilisés pour que ces transports se fassent dans de bonnes conditions sanitaires.
Pendant les vacances, 100 % du trafic est assuré.
Je vous confirme qu'à partir du 5 janvier, deux allers-retours TGV direct de Paris vers Rethel, Charleville-Mézières et Sedan seront poursuivis. La liaison en correspondance à Reims sera possible.
Quant aux horaires des TER et des guichets de gare, ils relèvent de la compétence de la région. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Marc Laménie. - J'ose vous croire, mais c'est un combat permanent. Soutenons le rail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 15.
présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.
Conférence des présidents
Mme la présidente. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents sont consultables sur le site du Sénat. En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Parquet européen et justice pénale spécialisée (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
Discussion générale
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - En février, vous avez adopté ce projet de loi en commission des lois, puis l'avez voté en séance publique en mars. Votre travail, sérieux comme de coutume, a été pris en compte par l'Assemblée nationale. Vous trouverez donc maintenus la quasi-totalité de nos apports. La CMP positive ne nous surprendra pas et j'espère votre vote à l'identique.
Le Sénat a été la première chambre au sein de l'Union européenne à émettre au titre du contrôle dit de subsidiarité un carton orange et ce furent là les prémices du Parquet européen. Celui-ci a fait l'objet d'un règlement en 2017. Nous y sommes attachés, soucieux de l'équilibre que les coopérations renforcées favorisent. Le Parquet européen concerne en l'espèce 22 pays. Le Sénat a toujours été attaché à trouver des voies intermédiaires entre les décisions européennes prises à l'unanimité et le repli sur les six pays d'origine.
Il convient de réprimer grâce au Parquet européen les atteintes aux intérêts financiers de l'Union. L'Europe n'est pas seulement un marché ou une monnaie, mais aussi un État de droit. Le Parquet européen fonctionnera selon un système hybride, à la fois centralisé et décentralisé. Il combine ainsi la défense de la souveraineté, voulue par certains, et la poursuite de la construction européenne. Ce texte propose une intégration supplémentaire mais il respecte la souveraineté des États grâce au rôle donné aux juridictions nationales.
Le texte a été voté conforme par l'Assemblée nationale s'agissant des liens entre les parquets nationaux et le Parquet européen.
Le deuxième volet du texte concerne la matière pénale environnementale et les juridictions ad hoc. L'Assemblée l'a utilement étendu à l'ensemble du contentieux civil en ajoutant les modalités de réparation.
Les conventions créées par la loi Sapin II, qui ont connu le succès en matière fiscale, pourront être utilisées en matière de justice environnementale. Cela semble judicieux, d'autant que les conventions sont homologuées par le juge et elles sont publiques.
Le texte tire également les conséquences de plusieurs QPC, notamment en intégrant dans le droit la possibilité de réhabiliter les condamnés à mort. Un cas pourrait être concerné et je sais que M. le garde des Sceaux y est particulièrement attaché.
Nous ne regrettons pas l'article 11 auquel tenait beaucoup votre prédécesseur. Monsieur le garde des Sceaux, c'était une vieille demande des collectivités territoriales d'Île-de-France concernant les infractions dans les transports collectifs. Cet article visait les personnes utilisant les transports comme des lieux de travail irrégulier et créait une peine complémentaire de non-présentation dans les transports pour faciliter le travail des forces de l'ordre dans les transports, afin de leur éviter de jouer au chat et à la souris pour les prendre en flagrant délit.
Cette peine complémentaire était complexe dans sa mise en oeuvre. L'Assemblée nationale l'a supprimée, et c'est heureux, même si la solution retenue ne nous convainc pas, l'interdiction de séjour ne nous semblant pas adaptée à ce type de délit.
Vous allez enfin finir de supprimer une disposition de la loi Macron concernant les notaires et les commissaires judiciaires. Ce système était affreusement complexe. L'Assemblée nationale a supprimé la référence à l'Autorité de la concurrence qui restait seule prévue après notre vote.
La commission de lois est favorable au texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - La CMP a adopté hier à l'unanimité le projet de loi sur le Parquet européen, cher au ministère de la justice.
Je ne boude donc pas mon plaisir et salue Nicole Belloubet qui a engagé cette réforme en février, qui concerne l'Europe et l'environnement.
Ce texte promeut une instance opérationnelle pour exercer directement l'action publique dans les 22 États membres qui y participent.
Vos objections à la création d'un Parquet européen, depuis votre carton jaune émis il y a quelques années, ont été entendues. La consultation renforcée des parlements nationaux prévue par le traité de Lisbonne a, à nouveau, montré toute son utilité. L'unanimité a été le fruit d'un long travail.
Avec ce texte, nous serons ainsi plus efficaces dans la lutte contre les fraudes au budget de l'Union européenne, le terrorisme, la criminalité organisée et la délinquance économique et financière.
Le projet de loi améliore aussi la justice environnementale. Des juridictions spécialisées et des officiers judiciaires de l'environnement seront créés pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Je remercie le rapporteur Bonnecarrère pour son travail, notamment sur le titre 3 du projet de loi et sur le sujet des réquisitions judiciaires.
Un travail de près de deux décennies aboutit avec ce texte qui ouvre une nouvelle ère judiciaire pour l'Europe. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)
M. Jean-Yves Leconte . - Ce projet de loi adapte notre code de procédure pénale à la création des procureurs européens et met en oeuvre une justice environnementale spécifique.
Je salue le travail exemplaire mené à l'Assemblée nationale et au Sénat par les deux rapporteurs et je me félicite de l'accord trouvé en CMP.
Le Parquet européen poursuivra les fraudes transnationales à la TVA, le détournement de subventions européennes, la corruption des fonctionnaires européens. L'Office européen de lutte antifraude (OLAF) était jusqu'à présent chargé de les identifier mais leur sanction dépendait des états membres. Or certains ne les punissaient pas correctement.
La coopération renforcée relative au Parquet européen concerne 22 états membres, hélas ni la Hongrie ni la Pologne, qui ont une position critiquable sur l'État de droit. Il nous faudra être vigilant sur la mise en oeuvre de cette instance. De fait, on ne peut lutter contre la corruption sans respecter l'État de droit. On a vu quelques dérives en Roumanie...
Chaque État membre nommera deux procureurs européens délégués pour travailler sur ces sujets. Ces procureurs pourront prendre des mesures qui relèvent du juge d'instruction, comme des mises en examen. Le contrôle des mesures attentatoires aux libertés sera confié au juge des libertés et de la détention. Nous saluons cette mesure.
La spécialisation de la justice environnementale améliorera son efficacité ; nous soutenons cette avancée.
Nous regrettons cependant que n'ait pas été traité le sujet des conditions indignes de détention des demandeurs d'asile. Le législateur aurait dû intervenir. Comment envisagez-vous de traiter ce problème ?
Comment régler les conséquences de l'arrêt de la CJUE d'octobre 2020 sur les données de connexion ?
Enfin, quid des suites de l'annonce du Président de la République sur l'écocide et la réforme de la Constitution ?
Nous saluons l'issue positive de la commission mixte paritaire et voterons ce texte (Applaudissements sur les travées du groupe SER).
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi comportait divers dispositifs. Certains, comme l'interdiction d'apparaître dans les transports publics, ont disparu. D'autres, s'agissant des conditions de détention indignes, n'y ont pas été intégrés.
Le Parquet européen, idée vieille d'une quarantaine d'années, a fait l'objet d'un règlement en 2017. Ce parquet est issu du constat que le budget européen fait l'objet de multiples fraudes : 50 milliards d'euros par an pour la seule TVA transfrontalière. (M. le ministre renchérit.)
L'OLAF, Eurojust et Europol sont utiles mais aucun n'a de pouvoir de poursuite ni d'enquête. Cette lacune est désormais comblée, avec la création d'un Parquet européen. Celle-ci posait la question de la souveraineté nationale ; le Sénat s'était ému des premières moutures présentées par la Commission européenne.
Aussi, le texte que nous allons adopter est acceptable. Il prévoit un principe de collégialité et de décentralisation. Le Parquet européen est ainsi respectueux de la souveraineté nationale. En revanche, il faudra intégrer convenablement ce corps étranger dans notre ordre juridique interne.
La proposition du Président de la République d'y ajouter le terrorisme n'est pas une bonne idée : faisons fonctionner le nouveau Parquet avant d'accroître ses pouvoirs.
Pour le terrorisme, il convient avant tout d'accroître les contrôles aux frontières et les moyens accordés aux services de renseignement.
Le groupe Les Républicains votera ce texte, avec un regret : que le français n'ait pas été retenu comme langue officielle alors qu'elle l'est à la CJUE. (M. le ministre s'en désole également.) L'anglais sera la langue officielle à l'heure où le Royaume-Uni quitte l'Union européenne... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Marc . - Ce projet de loi concerne des sujets fondamentaux. Le Parquet européen jouera un rôle majeur dans la lutte contre les activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Ces fraudes représentent chaque année des milliards d'euros. L'échelon européen - même s'il ne concerne que 22 États - était indispensable dans ce domaine.
Les précisions apportées sur les compétences des procureurs européens délégués sont bienvenues. Nous serons vigilants quant à leur fonctionnement. Ce parquet fait partie d'une construction plus large à laquelle Eurojust et Europol participent également. La coopération judiciaire et policière au niveau européen est essentielle pour lutter contre la fraude financière.
Sur la justice environnementale, le travail des deux assemblées a abouti à un compromis satisfaisant, dans la perspective de l'évolution de notre droit environnemental en 2021. À cette occasion, je rappelle notre attachement au bicamérisme et au rôle du Parlement dans l'élaboration des lois.
La suppression de l'article 11 sur l'interdiction de paraître n'empêche pas de poursuivre la réflexion sur les infractions graves et souvent violentes dans les transports en commun.
Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Esther Benbassa . - Chaque année, plusieurs dizaines de milliards d'euros de fraude et de corruption affectent l'Union européenne. Ces chiffres gargantuesques ne pouvaient laisser indifférents, d'où ce texte créant un Parquet européen, souhait de longue date de la Commission européenne et de certains États membres.
Ce projet de loi adapte notre droit à cette création ; et il améliore la justice pénale spécialisée en France.
Nous saluons l'instauration de pôles régionaux spécialisés dans la criminalité environnementale. C'est un contentieux très technique du fait de la multiplication des normes. Nous saluons aussi l'attribution aux juridictions littorales de la compétence des pollutions maritimes.
Mais, sans moyens dédiés ni formations concrètes, ces innovations risquent de souffrir des mêmes maux que les juridictions classiques.
En outre, à l'article 8, la possibilité d'un accord entre le procureur et une personne morale délinquante pour des délits environnementaux au lieu d'un procès interroge. Allons-nous tolérer que les délinquants environnementaux ne répondent pas de leurs actes et bénéficient d'allègements procéduraux ?
Le manque d'ambition de ce texte sur la justice environnementale en minore la portée. Le GEST s'abstiendra donc.
M. Thani Mohamed Soilihi . - La CMP est parvenue sans peine à un texte commun. Je ne peux que m'en réjouir compte tenu de l'ampleur des fraudes.
La crise sanitaire nous a fait perdre du temps malgré la procédure accélérée décidée en janvier 2019.
Le Parquet européen, attendu de longue date, fera l'objet d'une coopération renforcée de 22 États membres. L'adaptation de notre législation représente donc une avancée majeure pour l'Europe.
Chacune des 36 cours d'appel de notre pays accueillera une juridiction spécialisée dans l'environnement pour rendre des décisions civiles et pénales rapidement. Des conventions judiciaires pourront être signées en matière environnementale, à l'instar de la loi Sapin II en matière fiscale. Une peine pouvant atteindre 30 % du chiffre d'affaires et l'éventuelle publicité de la convention seront certainement dissuasives.
Je me réjouis de la possibilité de saisir les juridictions spécialisées pour les navires larguant leurs eaux de ballast dans les eaux territoriales ou pour des infractions absentes du code de l'environnement, mais ayant un impact environnemental. Cette nouvelle justice pour l'environnement va dans le bon sens même s'il faudra aller plus loin dans le cadre d'une règlementation internationale.
Je salue l'adaptation du dispositif départemental des juridictions proposée par mon groupe.
Je suis favorable à l'adaptation procédurale prévue pour Mayotte, sur le droit à comparaître, qui améliorera le sort des détenus ; mais cela ne fait que mettre en évidence l'absurdité pour mon département de dépendre de la cour d'appel de La Réunion et la nécessité de doter d'une telle cour le 101ème département.
Je salue enfin la suppression de l'article 11 dont la rédaction n'était pas satisfaisante.
Le groupe RDPI votera les conclusions de la CMP.
M. Jean-Yves Roux . - Depuis 2016 et le référendum britannique, l'Europe subit les soubresauts sans fin du Brexit. Dans ce contexte, nous nous félicitons d'un tel renforcement de la coopération européenne et de l'accord trouvé en CMP.
Un parquet chargé de poursuivre les atteintes à l'Union européenne a été créé et il sera situé à Luxembourg. Il ne reste plus aux États membres qu'à désigner leurs procureurs délégués.
Quelles conséquences aura ce nouvel organisme sur le système judiciaire français ? Nous craignons que le binôme européen et national fonctionne mal.
La spécialisation des juridictions pénales pose le problème de l'accès à la justice. La création de tribunaux dans des domaines précis peut conduire à une centralisation excessive, ce qui mécaniquement éloigne le juge du justiciable.
Nous regrettons la concentration administrative en région parisienne au détriment des territoires ruraux.
Je regrette une forme de dispersion dans le titre III. Nous nous méfions des textes-balais disparates qui recèlent de mauvaises surprises.
Néanmoins, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP)
Mme Cécile Cukierman . - Adopté en début d'année par le Sénat, ce texte adapte notre droit à la création d'un Parquet européen, laquelle pourrait être une belle démonstration de l'utilité de l'Union européenne. La fraude transnationale à la TVA représente une perte de 50 milliards d'euros par an pour les États membres et les détournements de fonds s'élèvent à 700 millions d'euros.
Le Parquet européen devra avoir les moyens de fonctionner et être coordonné avec le parquet français, dont nous souhaitons une profonde réforme.
Nous sommes plus dubitatifs sur le volet environnemental. La convention transactionnelle d'inspiration américaine ne présage rien de bon, car elle ne permet pas une reconnaissance explicite de la culpabilité et fait l'impasse sur le procès. En outre, les nouveaux pôles régionaux spécialisés s'inséreront n'en pas douter au sein des juridictions existantes, à moyens budgétaires constants.
Il est urgent de donner plus de moyens à la justice environnementale et à la police de l'environnement, alors que les agences de l'État voient leurs budgets réduits.
Enfin, ce texte agglomère des sujets divers et variés sur lesquels nous sommes en désaccord.
Nous saluons cependant la suppression de l'article 11 sur les transports en commun.
Sur les détentions indignes, mieux vaut tard que jamais, après de multiples condamnations de la France.
Si la mise en place du Parquet européen est une bonne chose, le volet environnemental peine à convaincre. Le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Chaque année, des milliards d'euros échappent à l'Union européenne et aux États membres. Les causes sont multiples, mais la conséquence reste la même : une baisse des moyens alloués au projet européen.
La fraude transnationale à la TVA se monte à 50 milliards d'euros par an, sur un budget européen de 148 milliards d'euros. Force est de reconnaître qu'Europol, Eurojust ou l'Office européen de lutte contre la fraude n'ont pu endiguer le phénomène. La création d'un Parquet européen sera une réponse efficace. Nous l'appelions de nos voeux dès 2002, année de l'adoption par le Sénat d'une proposition de résolution sur ce point. Ce texte est donc un aboutissement pour nous, mais aussi un grand pas pour l'Union européenne : bien plus qu'un agrégat économique, l'Europe doit porter des valeurs communes.
La formule retenue rendra efficace la réponse à cette délinquance astucieuse largement internationale.
Nous adaptons notre code de procédure pénale aux règles de fonctionnement de ce nouveau Parquet européen, tout en préservant nos spécificités telles que le juge d'instruction.
L'attachement des Français à la biodiversité et au patrimoine écologique est sincère et, si j'en crois le Président de la République, nous devrions en débattre très prochainement...
Traiter des crimes et délits environnementaux est très attendu. Il n'est pas acceptable qu'il soit économiquement rentable pour une entreprise d'attenter à l'environnement. Une amende pouvant aller jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires sera dissuasive.
L'État doit être aux côtés des collectivités territoriales victimes de décharges sauvages ou de constructions illégales.
Nous aurions souhaité d'autres avancées, comme la création d'une force de police à l'échelle européenne, une sorte de FBI de l'Union...
Je regrette aussi le faible nombre de magistrats français alloués au Parquet européen - reflet de notre spécificité française...
Toutefois, à l'heure du Brexit, la création de ce Parquet européen est une bonne nouvelle. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le sénateur Leconte a évoqué les conditions indignes des détenus. Nous nous y pencherons prochainement dans le cadre d'un projet de loi à venir.
La jurisprudence « Quadrature du Net », madame Jourda, a été rendue en français même si nous avons perdu, et sachez que je déplore comme vous que le français n'ait pas été choisi comme langue du Parquet européen.
Nous attendons une décision du Conseil d'État sur la préservation des données.
À propos du projet de loi Convention citoyenne, je ne saurais, modeste ministre de la justice, vous indiquer la date du référendum ! (Sourires)
Madame Vérien, vous étiez sur le bon chemin, mais je regrette que vous n'ayez pas conclu par des éloges. (On s'amuse derechef.)
La discussion générale est close.
Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat, examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Discussion du texte élaboré par la CMP
ARTICLE 10
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
La première phrase du premier alinéa de l'article 362 du code de procédure pénale est
par les mots :
Au début du premier alinéa de l'article 362 du code de procédure pénale, est ajoutée une phrase
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Amendement de précision légistique qui évite de supprimer l'actuelle première phrase de l'article 362 du code de procédure pénale, précisant que la cour d'assises doit délibérer sans désemparer sur l'application sur la peine.
C'est la moindre des choses, sinon les décisions de cour d'assises pourraient se retrouver sans peine, ce qui est difficilement concevable.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis favorable bien évidemment.
Les conclusions de la commission mixte paritaire, ainsi modifiées, sont adoptées.
Projet de loi de finances pour 2021 (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2021.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics . - Nous examinons ce texte dans des délais particulièrement serrés, puisqu'il a été adopté à 5 h 45 ce matin à l'Assemblée nationale.
Pour éclairer la représentation nationale sur les conséquences de la crise sanitaire, et dans un souci de sincérisation, nous avons actualisé l'article liminaire à chaque fois que nous recevions de nouvelles informations en modifiant les équilibres généraux.
Nous avons ainsi révisé en première lecture le taux de croissance en 2020 de moins 10 % à moins 11 %, le déficit de 10,2 % à 11,3 % du PIB et la croissance en 2021 de 8 % à 6 %. Le Haut conseil des finances publiques a qualifié nos nouvelles prévisions de prudentes, et dans ce contexte la prudence est bonne conseillère.
Nous avons dû, en conséquence, abonder à nouveau certaines mesures de soutien en nouvelle lecture : j'en ai informé, conformément à mon engagement, le rapporteur général et le président de la commission des finances avant le dépôt des amendements qui portaient ces modifications.
La dégradation anticipée en 2021 conduit à revoir à la baisse le montant des prélèvements obligatoires de 22 milliards d'euros. Nous consacrons 20 milliards d'euros aux dispositifs d'urgence, dont 13,4 milliards d'euros n'étaient pas prévus initialement : 11,4 milliards d'euros pour les salariés ; 4,4 milliards d'euros supplémentaires pour l'activité partielle en plus des 6,6 milliards d'euros déjà prévus, 400 millions d'euros pour les intermittents et 8,6 milliards d'euros pour les entreprises, dont 7 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité, 600 millions d'euros pour le sport, la culture et les stations de montagne et 1 milliard d'euros d'aide au règlement des cotisations sociales.
Nous renforçons également le plan Jeunes de 200 millions d'euros, l'accompagnement de La Poste de 66 millions d'euros pour compenser les pertes du Fonds de présence postale territoriale ; les aéroports régionaux reçoivent une avance 250 millions d'euros, l'Agence française de développement une recapitalisation à hauteur de 500 millions d'euros. Nous prévoyons également 430 millions d'euros pour l'achat de matériel sanitaire et 120 millions d'euros au titre de l'aide alimentaire.
Le prélèvement sur recette pour l'Union européenne est aussi revalorisé à 336 millions d'euros afin de prendre en compte l'accord sur le cadre pluriannuel financier obtenu au dernier Conseil européen, qui entérine le plan de relance européen.
Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » est revalorisé de 300 millions d'euros pour tenir compte des pertes de recettes. Nous revoyons à la hausse l'allocation adultes handicapés (AAH) et consacrons 1 milliard d'euros au crédit d'impôt en faveur des bailleurs qui consentent des abandons de loyer aux entreprises en difficulté. Comme vous le souhaitiez, les collectivités seront accompagnées dans la prise en charge des abandons de loyer en novembre.
Ces mesures portent le déficit public à 8,5 % du PIB, après 11,3 % en 2020, et le taux d'endettement public à 122,4 % du PIB, contre 119,8 % en 2020. Ce sont des niveaux jamais atteints, qui témoignent de la violence de la crise.
Ces conditions particulières n'ont pas empêché des débats riches. L'Assemblée nationale a conservé une trentaine des six cents amendements adoptés au Sénat : le doublement du plafond de la réduction d'impôt dite Coluche proposée par le rapporteur général et votée par plusieurs groupes ; la TVA à 0 % sur les vaccins ; la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires atteints de la covid ; le filet de sécurité pour les recettes fiscales du bloc communal, même si la formule est légèrement différente ; la possibilité pour les collectivités territoriales de donner des biens aux fondations comme aux associations...
Ces exemples illustrent notre capacité à trouver des compromis au service des Français.
Le budget se traduit par une dégradation historique des finances publiques que nous assumons, car c'est la seule réponse possible à la crise, mais qui doit être temporaire : après la crise, nous devons retrouver une trajectoire et un niveau de dépense publique soutenables.
Merci encore pour la qualité de nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - L'Assemblée nationale a en effet terminé l'examen du PLF cette nuit à 5h50... La CMP réunie le 9 décembre n'avait pu aboutir, les divergences demeurant trop importantes sur les 285 articles restant en discussion.
En première lecture, 125 articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, qui ont également supprimé l'article 19.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a parfois suivi le Sénat. Je citerai les aménagements sur le crédit d'impôt pour les bailleurs qui acceptent des abandons de loyer, appliqué dès l'imposition de 2021, ou encore l'article 22 bis, plus substantiel, qui reconduit en 2021 le mécanisme de garantie des ressources fiscales des communes et EPCI adopté en LFR3.
L'Assemblée nationale a aussi conservé le prolongement d'un an du plafond à 1 000 euros du dispositif Coluche et la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires atteints par la covid-19.
Elle a maintenu, contre l'avis de la commission des finances et du Gouvernement, la prolongation jusqu'en 2024 du crédit d'impôt pour les productions cinématographiques internationales.
Au sein de la mission « Économie », les 66 millions d'euros votés par le Sénat au profit du Fonds de péréquation postal pour compenser la perte de recettes liée à la baisse des impôts de production ont été conservés.
L'Assemblée nationale a enfin conservé des améliorations de rédaction ou des précisions, et la suppression de rapports jugés inutiles.
Pour autant, de nombreuses divergences subsistent. Des amendements parfois adoptés à l'unanimité ont été supprimés. Le Sénat n'est pas toujours entendu...
Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas su redresser l'équilibre des finances publiques lorsque les indicateurs étaient au vert pour faire face à des crises comme celle-ci. Il aurait fallu des mesures temporaires et ciblées.
L'État se finance aujourd'hui autant par l'endettement que par l'impôt. Si les taux d'intérêt venaient à remonter, l'effort serait insurmontable.
L'effort du plan de relance a mal été calibré, car l'Assemblée nationale est revenue sur toutes les mesures introduites par le Sénat pour que le plan de relance porte ses fruits, comme le report en arrière des déficits dans la limite de 5 millions d'euros.
Les entreprises doivent voir leur niveau d'imposition baisser ; c'est pourquoi le Sénat ne s'est pas opposé à la suppression des impôts de production, mais il fallait une compensation juste et pérenne pour les collectivités territoriales. L'Assemblée nationale nous a suivis sur l'article 22 bis mais pas sur la compensation intégrale pour les départements des pertes de recettes de CVAE en 2021 - alors que les régions en ont bénéficié. C'est dommage.
L'Assemblée nationale n'a pas davantage retenu nos propositions de contribution exceptionnelle pour les assureurs et les plateformes de vente à distance.
La nouvelle couverture assurantielle proposée par le Sénat n'a pas été conservée, mais nous espérons que la proposition de loi que nous avions votée en juin prospérera.
Sur la fiscalité environnementale, l'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat pour un verdissement qui ne verse pas dans l'écologie punitive. Nous avions ainsi proposé un étalement sur cinq ans du malus automobile assorti d'une augmentation de la prime à la conversion.
L'Assemblée nationale a également rétabli l'article 54 sexies sur les contrats photovoltaïques et thermodynamiques, ainsi que la ponction d'1 milliard d'euros infligée à Action logement.
Le Gouvernement a enfin fait voter à l'Assemblée nationale de nouvelles mesures certes nécessaires, notamment pour les exploitants de remontées mécaniques ; mais pourquoi avoir attendu la nouvelle lecture pour augmenter le Fonds de solidarité de 5 milliards d'euros, ajouter 430 millions pour l'achat de matériel sanitaire, couvrir la prise en charge des congés payés pour certains salariés et mettre en place une aide exceptionnelle pour les saisonniers ?
Plusieurs lignes de crédit adoptées en 2020 seront reportées en 2021, notamment les 2,1 milliards ouverts par la LFR4 promulguée il y a à peine deux semaines.
Les sujets de désaccord restent donc nombreux. Même si le Sénat proposait des modifications en nouvelle lecture, il est peu probable qu'il ferait changer d'avis l'Assemblée nationale. La commission des finances vous proposera donc d'adopter la motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comment tracer des perspectives dans un contexte aussi fluctuant ? La tâche est difficile, elle l'aurait été pour tout gouvernement.
D'abord merci, monsieur le ministre, pour votre disponibilité et vos réponses toujours précises.
Les désaccords étaient trop nombreux pour que la CMP aboutisse, mais plusieurs avancées du Sénat sont actées : taux zéro de TVA pour les vaccins, doublement du plafond du dispositif Coluche, crédit d'impôt pour la sortie du glyphosate, extension du crédit d'impôt pour les investissements productifs ultramarins, entre autres.
En revanche, nous regrettons le rétablissement de l'article 54 sexies relatif au rachat de l'électricité photovoltaïque, qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour certaines exploitations agricoles.
Je salue les avancées au bénéfice des collectivités territoriales : maintien à 1,6 milliard d'euros de la péréquation départementale des DMTO grâce à un abondement du budget de l'État, abondement de 66 millions d'euros du Fonds postal de péréquation, engagement du programme Petites villes de demain.
Je me félicite aussi de l'engagement du Gouvernement à travailler sur l'élargissement de la dotation biodiversité aux communes, juste reconnaissance des aménités apportées par la montagne et la ruralité.
En revanche, je regrette que l'harmonisation des trois régimes de versement du FCTVA ait été rejetée ; je déplore aussi la compensation des pertes de recettes tarifaires des services publics locaux qui pénalise les collectivités ayant fait le choix des régies. Sur ce dernier point, le groupe de travail initié par la ministre de la cohésion des territoires ouvre cependant des perspectives.
D'autres avancées du Sénat pourraient être reprises à l'ouverture du prochain PLFR.
Le groupe Union centriste avait, dès le mois d'avril, défendu une contribution des assureurs pour faire face à la crise. Le vote du Sénat aura au moins servi d'instrument de négociation au ministre de l'Économie pour obtenir un gel des cotisations en 2021 pour les secteurs les plus touchés.
Compte tenu de l'échec de la CMP et du calendrier contraint, le groupe Union centriste, dans sa majorité, votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Sur la jeunesse, vous avez toujours un plan d'urgence de retard. Concrètement, au lieu de saupoudrer des crédits avec les aides aux boursiers ou la garantie Jeunes, vous devriez écouter les associations et étendre le RSA aux 18-25 ans.
Il y a, certes, quelques points positifs : le crédit d'impôt pour aider à la sortie du glyphosate, la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires atteints par la covid, les 5 millions d'euros de crédit pour la lutte contre la précarité menstruelle, initiative du GEST.
Hélas, l'amendement de lutte contre la fraude fiscale qu'Éric Bocquet avait fait voter a été rejeté, tout comme la taxe sur le commerce en ligne proposée par le rapporteur général, tout comme les amendements en faveur de la culture ou du logement social, pourtant votés à l'unanimité.
Plus de deux cents maires se sont mobilisés pour que le plan de relance bénéficie aussi aux quartiers politique de la ville (QPV) ; ils seront là, et nous aussi, pour s'assurer que le milliard d'euros prévu dans le plan de relance sera bien fléché.
Les demandes de RSA augmentent dans tous les départements et le Gouvernement les laisse en difficulté, alors que c'est le principal filet de sécurité pour les plus précaires.
Le budget n'est pas à la hauteur de la crise sociale ni de la crise environnementale. Le Président de la République veut intégrer la protection de l'environnement dans la Constitution ? Il aurait mieux fait de le placer dès ce budget au centre de l'action publique. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Didier Rambaud . - Je m'interroge... En commission des finances ce matin, le rapporteur général a salué tous les apports du Sénat conservés par l'Assemblée nationale : le crédit d'impôt pour les bailleurs consentant à des abandons de loyer, la suppression du jour de carence en cas de covid, le prolongement du dispositif Coluche, la TVA à 0 % pour les vaccins, le crédit d'impôt pour les agriculteurs qui veulent sortir du glyphosate. L'Assemblée nationale a conservé ces ajouts. Des compromis ont été acceptés.
Mais en dépit de ces avances, voici une question préalable, presque une habitude désormais. Sur le PLF 2018, alors que le Gouvernement était à peine nommé, le Sénat votait déjà une question préalable. Sur le PLF 2019, le Sénat se dessaisissait du texte avant même la nouvelle lecture. Pour le PLF 2020, même méthode.
Ce PLF n'échappe pas à la règle. Pourtant, en cette année marquée par une crise sanitaire sans précédent, l'État n'a jamais failli dans son soutien aux entreprises, aux collectivités territoriales et aux Français. Nous avons réussi à mettre de côté nos divergences à quatre reprises, en votant les lois de finances rectificatives pour accompagner ce soutien. C'est bien fini : nous revenons aux vieilles habitudes. D'année en année, les motifs invoqués perdent en cohérence ; nous sommes plutôt dans la loi des séries.
Vous avez considéré que les nouveaux crédits votés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale pour la culture et les stations de ski, les 5,6 milliards pour le fonds de solidarité, les crédits pour l'aide alimentaire étaient une atteinte à l'autorisation parlementaire. Mais la nouvelle lecture aurait justement été le lieu d'en discuter ; un tel renoncement ne fera certes pas changer d'avis l'Assemblée nationale...
Le RDPI votera contre cette motion et soutiendra le plan de relance du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Charité bien ordonnée commence par soi-même... L'Assemblée nationale a terminé ses travaux à une heure très matinale, ce qui pose la question de notre capacité à légiférer correctement dans ces conditions de travail ubuesques.
Ce PLF a battu de nouveaux records en termes de quantités : plus de 6 000 amendements examinés à l'Assemblée nationale, près de 3 000 au Sénat, et encore 1 000 en nouvelle lecture à l'Assemblée. C'est un record dont on se passerait bien : les délais d'examen prévus par la Constitution restent, quant à eux, incompressibles.
Je regrette également que les articles non rattachés soient devenus une troisième partie du PLF, avec des mesures telles que la prorogation pour 2021 du fonds de solidarité et des prêts garantis par l'État ou la refonte des missions des Douanes.
La mission « Plan de relance » a suscité de nombreux débats ; nous veillerons à la bonne exécution de ses crédits. Les Français ne croient plus à l'argent magique, nous non plus : comment allons-nous traiter cette dette colossale ?
Je regrette l'échec de la CMP, même s'il était prévisible.
L'Assemblée nationale a supprimé la contribution exceptionnelle sur les assureurs votée par le Sénat ; j'ose espérer que le Gouvernement a obtenu des engagements de leur part.
Je salue en revanche le maintien de l'aide à la sortie du glyphosate ainsi que du maintien du financement d'Ecophyto, objet d'un amendement de M. Henri Cabanel.
Le rapport de la Cour des comptes montre combien les collectivités territoriales sont de plus en plus fragiles, du fait de la crise, alors que les compensations aux pertes de recettes consenties par l'État sont partielles.
Rendez-vous dans un an pour analyser l'exécution de ce budget, en espérant que nous aurons réussi à maîtriser la crise sanitaire.
Le RDSE est attaché à la poursuite de la discussion parlementaire et s'opposera par principe à la question préalable, tout en en comprenant la philosophie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Éric Bocquet . - Le projet de loi de l'Assemblée nationale en seconde lecture ressemble beaucoup à celui de la première lecture. Dans le plan de relance, l'Assemblée nationale comme le Sénat n'ont pas voulu prendre en considération les propositions de la Convention citoyenne pour le climat dont le groupe CRCE s'est, avec d'autres, fait l'écho.
L'augmentation de la taxe sur les transactions financières, vous n'en voulez pas ; l'encadrement des dividendes, non plus ; la taxe sur le poids des véhicules est vidée de sa substance. Beaucoup d'autres mesures sont, de réunion en réunion, remises à plus tard alors qu'elles ont été décidées par les citoyens, pour les citoyens et pour le climat.
M. Philippe Dallier. - C'est le Parlement qui décide !
M. Éric Bocquet. - Nous avions aussi proposé des conditionnalités attachées aux aides aux entreprises, repoussées au motif qu'il ne faudrait pas contraindre les entreprises en temps de crise. Le Haut Conseil pour le climat critique vertement - c'est le cas de le dire - le plan de relance, qui n'est pas vert comme vous le prétendez : de fait, 70 % des mesures restent dans la continuité et le déni des enjeux climatiques.
Il faut un réel changement de paradigme. Par ailleurs, le soutien à l'emploi et à la formation occupe une place marginale. Au final, le plan de relance risque d'accroître les inégalités et les tensions sociales.
Vous refusez aussi de reconstituer les marges de manoeuvre des collectivités territoriales. Dans ces conditions, estime la Cour des comptes, « les possibilités de contribution des départements au plan de relance apparaissent plus qu'incertaines ». Ils seront incapables d'assumer la croissance des dépenses sociales. Leur épargne, souligne toujours la Cour des comptes, a baissé de 45 % en 2020. Face à cela, des mesurettes pour un petit sursis, alors que la bombe à retardement des avances remboursables ne demande qu'à exploser.
Vous vous cramponnez à vos certitudes sans prendre en compte la profondeur de la crise sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001, l'examen du budget par le Parlement se déroule dans des délais très contraints.
Cette année, malgré tout, ce texte a connu des changements majeurs. Les modifications apportées au cours du débat par le Gouvernement n'ont pas facilité notre examen, comme en témoignent les changements de prévisions sur le déficit public.
Ces modifications ont pris en compte les fluctuations du climat macroéconomique et les changements de stratégie gouvernementale.
L'essentiel est de rester cohérent dans le soutien à l'économie. En ce sens, le Gouvernement a promis de soutenir toutes nos entreprises, à commencer par nos commerçants, restaurateurs, hôteliers, acteurs de la culture...
Le Sénat a voté les quatre lois de finances rectificatives dans un esprit de responsabilité. Le désaccord en CMP tient surtout à des divergences de stratégie fiscale. Je salue cependant les apports du Sénat maintenus à l'Assemblée nationale, qu'ils concernent les collectivités territoriales ou les entreprises.
Notre assemblée obtient rarement gain de cause quand elle rejette en bloc. C'est pourquoi nous voterons contre la question préalable, en soutien au texte porté par le Gouvernement que nous avons eu plaisir à amender. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre amendement Coluche a fait parler de lui et je m'en félicite. Ce même Coluche disait en 1986 que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres : ce budget ne risque pas de changer la donne.
Attention à l'explosion de la pauvreté ! Le Gouvernement n'entend que lui-même. Ici nous avons porté une voix de gauche, face à deux voix de droite, pour défendre les plus démunis. Nous avons porté, dans une démarche cohérente et responsable, un budget alternatif soutenant les plus précaires et réellement écologique.
La jeunesse est la grande oubliée de ce budget. Elle n'a jamais été aussi fragilisée. Avoir 20 ans, ce n'est pas seulement difficile, c'est une question de survie quotidienne. Comment penser à l'avenir quand le présent est incertain ?
Dans ces conditions, le Gouvernement laisse nos jeunes sombrer dans la pauvreté. En 2019, un quart des jeunes de 18 à 30 ans vivaient sous le seuil de pauvreté. Combien désormais ?
Le groupe SER a notamment proposé une dotation pour l'autonomie des jeunes de 18 à 25 ans, l'élargissement de la prise en charge des frais de scolarité et d'alternance, le financement de projets associatifs et professionnels ; la totalité de ces mesures auraient pu être financées par le rétablissement de l'ISF.
En juin 2020, près de deux millions de foyers émargeaient au RSA. Nous avons donc proposé une augmentation du RSA, une augmentation d'1 milliard d'euros de l'aide alimentaire, un fonds d'aide pour le financement des quittances de loyer.
D'aucuns accusent les socialistes de vider les caisses de l'État, mais toutes ces propositions étaient financées, notamment par le report de la réforme de la taxe d'habitation et le décalage des baisses d'impôts pour les entreprises.
Les collectivités territoriales n'ont pas non plus été épargnées par ce budget. Le Gouvernement affirme son jacobinisme et nie la pertinence de l'action publique territoriale.
Je déplore que le redéploiement des services fiscaux se traduise par des fermetures de trésoreries. Ainsi les missions de conseil auprès des communes et de la population ne sont plus assurées, comme je le constate en Haute-Vienne.
Tous les choix du Gouvernement se sont faits au profit des plus aisés. Sur les 20 milliards d'euros supplémentaires votés à l'Assemblée nationale en seconde lecture, qui ne sont en réalité que 13,4 milliards, 8,5 milliards d'euros sont des reports et la répartition des crédits votés échappe à notre examen. Le Gouvernement refuse tout apport du Sénat, quitte à réintroduire des dispositions similaires à l'Assemblée nationale...
Pour toutes ces raisons, le groupe SER ne pourra pas voter le budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission mixte paritaire a échoué.
M. Roger Karoutchi. - C'est un drame !
M. Jérôme Bascher. - En responsabilité, nous avions pourtant réussi à trouver un accord sur les quatre lois de finances rectificatives.
Des 600 amendements que nous avons adoptés, il en reste à peine 5 %. Nous regrettons que l'Assemblée nationale ait retenu si peu du Sénat...
Avec Trenet, je m'interroge : « Que reste-t-il de ces beaux jours » passés ensemble, monsieur le ministre, à examiner ce budget ? Je vous en remercie, mais vous ne pourrez transmettre mes remerciements à Bruno Le Maire, qui fut absent du Sénat pour toute la durée des débats : une première historique !
L'Assemblée nationale a adopté le PLF en nouvelle lecture à 5 h 45 ; le texte fut déclaré transmis au Sénat par le secrétariat général du Gouvernement alors qu'il ne l'était pas... Encore une première. Est-ce cela que l'on appelle une démocratie sérieuse ?
Le Sénat avait introduit un mécanisme de compensation pour le bloc communal : je me réjouis de son maintien. Vous auriez dû écouter davantage le Sénat sur les collectivités territoriales ! La pauvreté qui se développe met en grande difficulté les départements.
La prolongation du dispositif Coluche - appelons-le Coluche-Retailleau-Féraud - permettra de soutenir davantage les associations, grâce à un plafond de dons porté à 1 000 euros.
Je déplore que vous sous-estimiez la hausse du chômage.
Le soutien au Fonds postal national de péréquation territoriale a été maintenu ; vous avez fait voter une affectation de dépense, nous une affectation de recette, mais cela revient au même.
La fiscalité du stockage des déchets radioactifs proposée par Gérard Longuet depuis trois ans a finalement été adoptée par l'Assemblée nationale avec le soutien du Gouvernement, qui y était défavorable au Sénat ; mais nous vous en remercions.
Nous nous félicitons également de l'adoption du crédit d'impôt pour les productions cinématographiques et audiovisuelles internationales, voté par le Sénat à l'initiative de Laure Darcos.
Des positions du Sénat semblent avoir été entendues. Cette nuit à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que l'aide aux espaces de loisirs et aux parcs animaliers votée par le Sénat dans le PLFR4 relevait d'une mesure réglementaire. Nous confirmez-vous que vous les aiderez ?
Les appels à l'aide des stations de ski s'étaient perdus dans la vallée de Bercy. Ils ont fini par déclencher une avalanche de crédits cette nuit : quelque 600 millions d'euros ont été débloqués pour soutenir les secteurs de la culture, du sport et de la montagne. Cela compensera les charges fixes des exploitants, mais c'est toujours plus d'argent dépensé...
Le Sénat a dit oui à une relance verte mais sans culpabilisation, notamment en supprimant le malus au poids des véhicules, en lissant sur cinq ans le malus CO2 pour les poids lourds. Oui à la baisse des impôts de production, avec une baisse du plafond de la contribution économique territoriale.
Vous avez répondu non. Non à la relance de l'investissement par la contemporanéisation du FCTVA. Non au carry back. Non sur l'IR-PME. Non sur le photovoltaïque, non sur la taxe Coluche, non sur le quotient familial. Non sur la culture, non sur le logement...
Le Sénat, dans sa sagesse, a été au rendez-vous en 2020. Mais dès que la bise fut venue, ce Gouvernement cigale nous oblige à crier famine pour nos amendements. « Il se faut entraider, c'est la loi de nature », nous dit La Fontaine dans la fable « L'âne et le chien ». Vous avez choisi d'aller seuls, vous assumerez seuls. L'âne finit dévoré par le loup car le chien ne lui vient plus en aide. Or le loup du chômage rôde...
Vous n'avez pas repris les propositions du Sénat, le groupe Les Républicains votera donc la question préalable. (« Bravo » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°I-1, présentée par M. Husson, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que l'absence d'effort de maîtrise des dépenses publiques au cours des années passées, alors que les indicateurs économiques du pays étaient encore favorables, n'a pas permis à la France de retrouver les marges de manoeuvre budgétaires utiles pour répondre le plus efficacement possible à toute nouvelle crise telle que la crise sanitaire, sociale et économique résultant de la pandémie de Covid-19 ;
Considérant, alors que l'État se finance désormais autant par l'endettement que par l'impôt, qu'il convient de garder à l'esprit l'impact de nos décisions actuelles sur l'état de nos finances publiques à moyen terme et le fait que toute hausse de taux d'intérêt pourrait très rapidement devenir insoutenable ;
Considérant qu'à ce titre, le Gouvernement aurait dû privilégier des mesures temporaires, puissantes et mieux ciblées pour favoriser la sortie de crise dans le cadre du plan de relance ;
Considérant que, plus globalement, ce plan de relance paraît trop tardif et mal calibré, tout en s'appuyant insuffisamment sur la réalité des territoires ;
Considérant qu'il est regrettable que l'Assemblée nationale soit revenue sur toutes les mesures adoptées par le Sénat pour renforcer le plan de relance et lui faire porter ses fruits à plus court terme, telles que le report en arrière des déficits dans la limite de 5 millions d'euros, les dispositifs spécifiques de suramortissement ou encore la contemporanéisation du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCVTA) qui permet de soutenir l'investissement local ;
Considérant qu'indépendamment de la nécessité de soutenir spécifiquement certains secteurs qui restent durement affectés par la crise, à l'instar des exploitants de remontées mécaniques des stations de ski ou de certains acteurs de la culture, le Sénat ne peut que déplorer le fait que le Gouvernement ait fait le choix d'attendre la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale pour abonder de 5,6 milliards d'euros le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire », pour créer un nouveau programme « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 » doté de 430 millions d'euros, et pour renommer le programme 357 « Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire » afin de tenir compte du fait qu'il devrait désormais couvrir la prise en charge de congés payés de certains salariés et une aide exceptionnelle aux actifs « permittents » saisonniers ou extras ;
Considérant qu'à ce titre, il est très critiquable, au regard de l'atteinte portée à l'autorisation parlementaire du volet « dépenses » du projet de loi de finances, que plusieurs milliards d'euros de crédits ouverts en 2020 soient de fait prévus pour être reportés sur l'année 2021, en particulier les 2,1 milliards d'euros ouverts sur le programme 356 par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, promulguée il y a seulement deux semaines, d'autant que ces crédits contribueront aussi au financement de dépenses nouvellement décidées ;
Considérant que, sans revenir sur la réforme des impôts de production prévue par le projet de loi de finances, dans la mesure où les entreprises, en particulier dans le secteur industriel, doivent voir leur niveau d'imposition se réduire pour rester compétitives, le Sénat rappelle qu'il importe aussi d'assurer une juste et pérenne compensation aux collectivités territoriales ;
Considérant qu'en conséquence, il convient de saluer le fait que l'Assemblée nationale a su rejoindre la position du Sénat en conservant, sous réserve de quelques aménagements, la reconduction du mécanisme de garantie des ressources du bloc communal pour l'année 2021, même si d'autres mesures tendant à améliorer la situation financière des collectivités territoriales auraient mérité d'être conservées, notamment pour couvrir les baisses de recettes tarifaires des régies municipales dotées de la seule autonomie financière ou encore les hausses de dépenses sociales pour les départements ;
Considérant qu'il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas conservé la compensation de la perte de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) subie en 2021 par les départements et le bloc communal, identique à celle prévue pour les régions dans le cadre de la réforme des impôts de production ;
Considérant que l'Assemblée nationale a fait le choix de supprimer les deux contributions exceptionnelles adoptées par le Sénat et visant, d'une part, les assureurs et, d'autre part, les grandes plateformes de la vente à distance, alors que l'impératif de solidarité nationale aurait dû imposer de tels efforts ;
Considérant qu'au contraire du ministre de l'économie, des finances et de la relance qui a exclu l'instauration d'une assurance pandémie, le Sénat considère qu'une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire, avec une répartition des responsabilités entre les assureurs d'une part, et l'État d'autre part, serait seule capable de garantir l'ensemble des entreprises contre un tel risque ;
Considérant que la majorité Gouvernementale a refusé les dispositifs proposés par le Sénat pour renforcer l'aide aux plus précaires et à ceux qui se trouvent le plus en difficulté face à la crise, comme par exemple une aide à l'embauche pour six mois supplémentaires, un fonds de solidarité renforcé pour mieux couvrir les charges fixes, ou encore les nombreuses mesures destinées à soutenir des secteurs comme la culture ;
Considérant que du point de vue de la fiscalité écologique et énergétique, les mesures prises par la majorité Gouvernementale ne permettent pas d'accompagner le changement nécessaire, en particulier s'agissant de la hausse du malus automobile sur trois ans qui, cumulée à la création du « malus poids », intervient alors que le secteur automobile traverse difficilement la crise et que les ménages ne pourront pas tous adapter leur comportement d'achat ;
Considérant qu'à ce titre, l'étalement de la hausse du malus sur cinq ans, accompagné d'un renforcement de la prime à la conversion, préconisés par le Sénat, aurait permis d'inciter davantage les automobilistes à faire le choix de solutions plus respectueuses de l'environnement sans tomber dans la fiscalité punitive ;
Considérant que le Sénat s'était à la quasi-unanimité opposé à plusieurs dispositions du projet de loi de finances qui ont, depuis, été rétablies par l'Assemblée nationale, à l'instar de l'article 7 relatif à la suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n'adhèrent pas à un organisme de gestion agréé (OGA) ou de l'article 47 qui prévoit une ponction d'un milliard d'euros sur la trésorerie d'Action Logement ;
Considérant que le Sénat a également rejeté les crédits des missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Immigration, asile et intégration » et « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que des comptes d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et « Développement agricole et rural » dont les crédits ont été rétablis par l'Assemblée nationale sans réponse aux objections qui avaient été soulevées ;
Considérant que l'Assemblée nationale a rétabli plusieurs articles qui ne relèvent pas du domaine des lois de finances selon la jurisprudence établie par le Conseil constitutionnel ;
Considérant que, certes, l'Assemblée nationale a par ailleurs conservé, en nouvelle lecture, plusieurs apports du Sénat de première lecture, à l'instar du prolongement pour un an du plafond à 1 000 euros de la réduction d'impôt au titre de dons aux organismes d'aide aux personnes en difficulté, dit « dispositif Coluche », de la suspension, pendant l'état d'urgence sanitaire, de l'application du jour de carence pour les agents publics dont l'arrêt maladie est directement lié à l'épidémie de Covid-19, des aménagements apportés au nouveau crédit d'impôt aux bailleurs consentant des abandons de loyers à des entreprises particulièrement touchées par la crise, en vue de prévoir son application dès 2021 et d'élargir le périmètre des bailleurs éligibles et des entreprises locataires susceptibles d'en ouvrir le bénéfice, ou encore des 66 millions d'euros de crédits votés par le Sénat en faveur du fonds de péréquation postale, permettant de compenser les conséquences de la réforme des impôts de production sur ce fonds ;
Considérant que, pour autant, l'Assemblée nationale est revenue sur beaucoup des amendements adoptés par le Sénat, même lorsqu'ils ont été votés à une très grande majorité voire à la quasi-unanimité, notamment dans le secteur du logement ;
Considérant, en conséquence, que l'examen en nouvelle lecture par le Sénat de l'ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2021 ne conduirait vraisemblablement ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement à revenir sur leurs positions ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 236 (2020-2021).
M. Jean-François Husson, rapporteur général . - Nous avons déjà exposé les raisons qui motivent cette question préalable, qu'il s'agisse de mesures macroéconomiques ou sectorielles.
Monsieur le ministre, je salue votre présence constante et votre éternelle bonne humeur, qui n'aura connu qu'une brève éclipse. (Sourires) Reste que l'examen de ce projet de loi de finances nous laisse un goût amer d'inachevé.
Nous avions fait un travail approfondi, avons formulé des propositions précises et abouties. Le Gouvernement et sa majorité devraient être plus attentifs aux sujets portés par le Sénat et les territoires. Vous avez l'importante responsabilité de ne pas laisser s'installer la défiance chez les élus des territoires. Les 550 000 élus locaux, dont 90 % sont des bénévoles, sont notre plus beau bouclier démocratique. Le Sénat porte leurs voix, dans leur diversité, des grandes métropoles aux plus petites communes.
Dans ces temps inédits, écoutez-les. Nous avons fait preuve de responsabilité lors des quatre PLFR de 2020 tout autant que dans ce projet de loi de finances, ce qui n'empêche pas les divergences.
Veillons à éviter une troisième flambée de tensions sociales, après les bonnets rougets et les gilets jaunes. Dans un cas comme dans l'autre, le déclencheur avait été une mesure à caractère écologique.
Aussi, nous avons eu des débats soutenus sur ce sujet comme sur d'autres. Au Sénat bat le coeur de la démocratie. La crise sanitaire, engendre des difficultés économiques qui peuvent conduire à une grave crise sociale en 2021. Pour tenter de trouver une oreille attentive, une dernière voie de compromis, nous avons déposé cette motion.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Le Gouvernement entend que les positions exprimées par le Sénat sont autant de points d'alerte et d'appel à l'action, au-delà de nos désaccords sur les solutions retenues.
Lors de la discussion générale, j'ai entendu des points de convergence comme de divergence, sur des mesures structurelles et des dispositions sectorielles. Chacun ici poursuit ce qu'il pense être l'intérêt général.
J'ai aussi entendu la critique sur les délais imposés par les règles organiques, qui nous privent, en nouvelle lecture, du temps nécessaire pour trouver un accord. Plutôt que de se livrer à un vain exercice, vous en prenez acte avec cette motion. Bien sûr, le Gouvernement ne peut être favorable à ce qui revient à rejeter son texte. Je m'en remets à votre sagesse.
M. Rémi Féraud. - Même en cette année exceptionnelle, certaines choses sont immuables. Nous comprenons les motifs de cette motion, à commencer par la défiance du Gouvernement vis-à-vis du Sénat, même si nous ne partageons pas les mêmes convictions politiques.
Nous nous abstiendrons comme chaque année.
Nous regrettons cependant de ne pouvoir de ce fait débattre du plan d'urgence abondé de 20 milliards d'euros à l'Assemblée nationale alors qu'il aurait très bien pu l'être au Sénat. Non pour inverser le cours des choses, mais pour faire vivre la démocratie...
Mme Sophie Taillé-Polian. - Le GEST votera contre la motion.
L'année est effectivement exceptionnelle. Plus de 5 milliards d'euros inscrits dans le PLF n'ont pu être examinés par le Sénat, parce qu'annoncés au fil de l'eau. Il s'agit pourtant souvent de sujets que nous avions soulevés ici...
Nous aurions pu trouver quelques heures pour débattre au moins de ces nouveaux crédits et adopter une position sénatoriale.
Peut-être cela aurait-il mérité un aménagement particulier de la procédure.
M. Philippe Dallier. - Ce n'est pas possible !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Il y avait, me semble-t-il, matière à ce que le Sénat s'exprime.
M. Pascal Savoldelli. - Un paradoxe est une opinion qui vit toujours aux dépens de la vérité. Cette question préalable l'illustre parfaitement.
Certes, l'Assemblée nationale a balayé la plupart des propositions du Sénat mais cela ne doit pas pour autant vous conduire à vous exonérer de vos propres contradictions, chers collègues !
Vous ne pouvez à la fois critiquer le recours à la dette et refuser de voter de nouvelles ressources !
Autre paradoxe, par quatre fois vous avez voté les PLFR « en responsabilité »...
M. Philippe Dallier. - Nous l'assumons.
M. Pascal Savoldelli. - ... mais il a fallu attendre le PLF pour que vous votiez enfin la notion d'établissement stable pour les GAFA ou la contribution exceptionnelle des assureurs !
On ne peut pas à la fois soutenir l'industrie coûte que coûte et se plaindre que l'ambition écologique demeure limitée ; regretter le manque d'aides aux plus pauvres et rejeter une taxe de 0,01 % sur la valeur ajoutée des transactions financières ; déplorer la situation financière des collectivités territoriales et supprimer les impôts de production pour préserver les dividendes !
Le Parlement est certes bicaméral, mais votre motion a un côté bipolaire ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Cela dit, je vous souhaite d'excellentes fêtes ! (Sourires)
Mme Christine Lavarde. - Le ministre nous appelle à la sagesse. Être sage, c'est reconnaître les divergences avec l'Assemblée nationale, et conclure qu'un nouveau débat n'apporterait pas grand-chose. Comment d'ailleurs discuter d'un texte que dont nous ne disposions toujours pas ce matin, à 11 h 30 ?
J'entends la demande de Sophie Taillé-Pollian de débattre de certains crédits d'urgence que le Gouvernement a inscrits à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous les aurions sans doute votés, s'agissant de soutien aux entreprises, comme nous l'avons fait en lois de finances rectificatives - tout en restant vigilants. Je note au passage que certains crédits votés dans les PLFR n'ont pas été consommés.
Le groupe Les Républicains votera la motion.
La motion n°I-1, tendant à opposer la question préalable, est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°52 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 78 |
Le Sénat a adopté.
Le projet de loi de finances pour 2021 n'est pas adopté.
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation mondiale de la santé relatif à l'octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires de l'Organisation mondiale de la santé de grade P5 et supérieur du bureau de l'OMS.
Pour ce projet de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
Le projet de loi est adopté.
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable - onze voix pour, une voix contre - à la nomination de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle Emploi.
Prochaine séance, demain, jeudi 17 décembre 2020, à 10 h 30.
La séance est levée à 18 h 55.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du jeudi 17 décembre 2020
Séance publique
À 10h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires : Mme Esther Benbassa Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l'épidémie de covid-19