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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Intervention du Président du Sénat

Questions d'actualité

Réforme de l'assurance chômage

Mme Annie Le Houerou

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail

Perte de recettes des EPIC et régies communales

Mme Maryse Carrère

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Féminicides

Mme Esther Benbassa

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Désaffection pour le vaccin AstraZeneca

M. Dany Wattebled

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie

États généraux de la justice

Mme Muriel Jourda

M. Marc Fesneau, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Français de l'étranger vaccinés avec un vaccin non homologué

M. Olivier Cadic

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Organisation des épreuves du baccalauréat

M. Jérémy Bacchi

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Point d'étape sur Parcoursup

M. Abdallah Hassani

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Réforme des retraites

M. René-Paul Savary

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail

Réforme des APL

Mme Viviane Artigalas

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Panne des numéros d'urgence

M. Patrick Chaize

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Copropriétaires-bailleurs de résidence de tourisme

Mme Annick Jacquemet

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Rapatriement des personnels civils afghans de recrutement local

M. Étienne Blanc

Mme Florence Parly, ministre des armées

Restructuration des services financiers de La Poste

Mme Isabelle Briquet

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Déploiement des éoliennes

Mme Kristina Pluchet

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Situation des producteurs de fraises

M. Jean-Paul Prince

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Bibliothèques et développement de la lecture publique (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Mme Monique de Marco

M. Julien Bargeton

M. Bernard Fialaire

M. Jérémy Bacchi

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Elsa Schalck

M. Joël Guerriau

M. David Assouline

M. Philippe Folliot

Discussion des articles

ARTICLE 2

M. Jean-Claude Tissot

ARTICLE 7

ARTICLE 9

ARTICLE 12

ARTICLE 13

Interventions sur l'ensemble

Mme Laure Darcos

Mme Sylvie Robert

Protection sociale globale

Discussion générale

M. Rachid Temal, auteur de la proposition de loi

Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

M. Martin Lévrier

M. Jean-Claude Requier

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Henno

M. Édouard Courtial

M. Joël Guerriau

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Michelle Meunier

M. Christian Klinger

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Rachid Temal

M. René-Paul Savary

Mme Raymonde Poncet Monge

Ordre du jour du jeudi 10 juin 2021




SÉANCE

du mercredi 9 juin 2021

105e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Intervention du Président du Sénat

M. le président.  - Au nom du Sénat, je souhaite faire part de notre soutien et de notre solidarité au Président de la République qui a été agressé hier dans la Drôme.

Par cet acte inacceptable, c'est notre démocratie et la République elle-même qui ont été attaquées.

Cette agression est un symptôme symbolique, un acte qui illustre une fois de plus la montée de la violence dans notre société : certains discours et prises de positions sont de plus en plus marqués par l'agressivité, l'intolérance, le refus du débat démocratique et aujourd'hui le complotisme.

Ce sont désormais les représentants de l'autorité publique et du service public qui sont victimes de ces violences : les élus, policiers et gendarmes, les pompiers, les soignants, les enseignants, et maintenant le Président de la République.

Devant la multiplication de ces actes, il est de notre responsabilité comme élus de la Nation, mais aussi de la responsabilité de l'ensemble des citoyens de ce pays de faire vivre le débat d'idées, sans jamais transiger sur le nécessaire respect dû aux personnes et à la diversité des idées. Nous devons veiller à faire vivre la démocratie dans un cadre digne et apaisé.

Tel est le message que je souhaitais vous adresser, mes chers collègues, ainsi qu'à tous ceux qui nous regardent, à l'ouverture de notre séance de questions d'actualité au Gouvernement. (Applaudissements nourris sur toutes les travées)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Réforme de l'assurance chômage

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'Insee estime que 29 % des ménages ont vu leurs revenus baisser entre mars 2020 et mars 2021. Selon l'Observatoire des inégalités, la crise sanitaire a précipité dans la pauvreté les personnes qui en étaient proches. Votre Gouvernement met la réforme de l'assurance chômage en oeuvre alors que beaucoup ont encore la tête sous l'eau : 1,5 million de personnes vont constater une baisse de 17 % de leur allocation, dont 345 000 jeunes.

Les premiers à pâtir de la réforme ont des contrats courts, sont en intérim ou dans l'impossibilité d'obtenir un emploi stable. Cela touche les régions où le taux de chômage est le plus fort : 10 000 personnes dans les Côtes-d'Armor, 52 000 en Bretagne, 200 000 en Île-de-France.

Vous vantez une réforme de justice sociale grâce au bonus-malus qui n'entrera en vigueur qu'en août 2022 alors que les effets dévastateurs de la réforme se manifesteront dès juillet de cette année.

Vous faites des économies sur le dos des plus vulnérables. Monsieur le Premier ministre, abrogez cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail .  - Vous citez une étude du Parti socialiste (rires à droite) dont j'ai pris connaissance. Les données sont issues de l'Unedic mais le chiffrage est erroné, anxiogène, tronqué.

Nul ne découvre qu'il y a plus de chômage dans le Nord et le Sud du pays qu'ailleurs ! Mais aucun demandeur d'emploi actuel ne sera pénalisé. (Marques d'indignation sur les travées du groupe SER) C'est la réalité. La réforme ne concernera que ceux qui perdront un emploi au-delà de l'entrée en vigueur de la réforme.

Il n'est pas souhaitable de toucher plus en étant au chômage qu'en travaillant. Mais le capital d'allocation-chômage reste le même. Il est réparti sur une plus longue durée : le droit global est le même.

M. David Assouline.  - Faux.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - La réforme a été pensée dans une autre période, mais la situation actuelle de reprise du marché du travail la justifie également. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Perte de recettes des EPIC et régies communales

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) J'aimerais exprimer la solidarité et le soutien du RDSE au Président de la République après l'agression qu'il a subie. En République, on règle ses différends dans les urnes ou par le débat, non par la violence et l'intimidation.

Les pouvoirs publics ont été auprès des entreprises pendant la pandémie. Malgré les 200 millions d'euros accordés par le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR) aux collectivités territoriales, les pertes de recettes des régies communales ne sont pas prises en charge. Les communes qui ont été obligées d'abonder le budget des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) sont injustement exclues de la compensation.

Elles ont été contraintes, malgré des budgets très affectés par la crise, de faire face aux frais de fonctionnement, aux salaires et aux créances. Pour la commune d'Argelès-Gazost dans les Hautes-Pyrénées, 2 400 habitants, cela a représenté 400 000 euros en 2020 et 120 000 euros en 2021. Sa capacité d'autofinancement a été obérée de moitié, sans la moindre compensation. Cela crée des inégalités.

M. le président.  - Posez votre question.

M. Bruno Sido.  - Il n'y a pas de question !

Mme Maryse Carrère.  - Allez-vous compenser les pertes de recettes des EPIC et des régies communales ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Les collectivités territoriales ont été accompagnées pour leurs pertes de recettes, comme les autorités organisatrices de la mobilité.

L'article 10 du PLFR prévoit la prise en charge pour les régies qui ont vu leur épargne brute diminuer en 2020. Cela concerne aussi bien les services industriels et commerciaux soumis à la concurrence que les services publics administratifs pour leurs baisses de recettes tarifaires. Le Gouvernement déposera un amendement afin que les communes et intercommunalités qui ont abondé les budgets de régies et subi en conséquence une forte diminution de leur épargne brute soient aidées.

Plus de mille régies seront accompagnées pour 120 millions d'euros et 80 millions d'euros seront consacrés, via une dotation forfaitaire, au soutien aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Féminicides

Mme Esther Benbassa .  - Chahinez blessée par arme à feu puis brûlée vive par son ex-compagnon le 4 mai à Mérignac, Stéphanie poignardée le 23 mai à Hayange, Mezgebe tuée à coups de marteau le 24 mai à Arpajon, Odile poignardée le 27 mai à Valenciennes, Jennifer abattue d'un coup de revolver le 30 mai, Aurélie battue à mort le 31 mai, Doris défenestrée par son conjoint ivre le 3 juin... Ce sont au total 146 femmes qui ont été tuées en 2019, 101 en 2020, 49 au 5 juin de cette année.

L'augmentation des violences était prévisible, du fait des confinements successifs. Le 3919 a reçu 164 000 appels, soit une hausse de 70 % en un an. Seulement 60 % d'entre eux ont été pris en charge, faute d'une plateforme d'écoute suffisamment dotée.

Il faut donner plus de moyens à la justice, sensibiliser la police pour améliorer l'efficacité de la réponse, loger ces femmes... L'éducation à l'égalité homme-femme et l'engagement contre le patriarcat méritent toute votre attention.

Les lois ne servent que si l'on s'en sert. On en est loin. Le rapport du Haut Conseil à l'égalité est édifiant : les femmes sont en danger ! Ne pouvons-nous rien faire de plus que continuer à compter les victimes ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Vous évoquez des faits dramatiques, qu'aucune femme au monde ne devrait subir. Il y a quelques années, ils seraient restés invisibles. Ils occupent désormais tous les esprits et c'est tant mieux. Chaque féminicide est un de trop.

Le Gouvernement est mobilisé pour enrayer ce fléau. L'égalité femme-homme est une grande cause du Président de la République et la lutte contre les violences faites aux femmes en est un pilier.

Quel gouvernement a mis en place le Grenelle des violences conjugales, avec 4 500 participants ?

M. Pierre Laurent.  - Et après ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée.  - Quel gouvernement a fait voter quatre lois pour protéger les femmes, a augmenté de 60 % le nombre de places d'hébergement pour les victimes ?

Nous avons mis en place le téléphone grave danger, sanctionné le harcèlement de rue, étendu les horaires du 3919 à 24 heures sur 24, et augmenté le budget de ce ministère de 40 %.

Je sais combien le Sénat est mobilisé. Je rencontrerai demain la présidente Annick Billon et vous-même bientôt. Le Premier ministre recevra ce soir les ministres pour voir ce que nous pouvons faire encore pour mettre fin à ces intolérables assassinats. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Désaffection pour le vaccin AstraZeneca

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Notre groupe s'associe au soutien au Président de la République. Quand un élu est atteint, c'est toute la République qui souffre, encore plus lorsqu'il s'agit du chef de l'État.

Les rarissimes cas de thromboses ont mené à la brève suspension du vaccin AstraZeneca, qui connaît désormais une véritable désaffection. Comment relancer son emploi ? Nous en voyons l'efficacité au Royaume-Uni. Qu'adviendrait-il des stocks s'ils n'étaient pas utilisés ?

La France et l'Europe font maintenant partie des plus avancés pour la vaccination, mais moins de la moitié des personnes obèses ont été vaccinées. Comment résoudre ce problème ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La vaccination est le seul moyen de nous prémunir du virus et de protéger nos proches. Elle est une chance après une année difficile. Les Français l'ont compris. Plus de 28,5 millions d'entre eux ont reçu leur première dose et 15 millions présentent aujourd'hui un schéma vaccinal complet. La vaccination s'accélère : plus de 650 000 doses administrées hier.

La vaccination avec AstraZeneca a repris après la suspension. Les vaccinés se portent bien - je me porte très bien ! Elle est de plus en plus déployée en médecine de ville, pour promouvoir la méthode du « aller vers ». Dans le Nord, plus de 52 % des personnes en situation d'obésité ont reçu au moins une dose. Nous comptons sur l'engagement de tous pour que la campagne s'intensifie. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Dany Wattebled.  - Il nous restera beaucoup de doses d'AstraZeneca. Il faut agir pour relancer son utilisation.

États généraux de la justice

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mars 2019, Nicole Belloubet faisait voter une réforme pour redonner aux Français confiance en la justice. Initiative sans doute peu efficace puisque, un an après, le Gouvernement annonçait une nouvelle loi... pour restaurer la confiance.

Le Parlement n'a pas commencé à l'examiner que le Président de la République convoque des états généraux de la justice. Il est vrai que la moitié des Français disent ne plus avoir confiance en la justice, que des policiers manifestent pour dénoncer l'institution judiciaire, et que dans une tribune, des hauts magistrats accusent les politiques.

Ces états généraux, au-delà du « coup de comm' » à un an de l'élection présidentielle, seront-ils un remède efficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - Le garde des Sceaux est retenu à l'Assemblée nationale par le projet de loi bioéthique.

Nous ne partons pas d'une feuille blanche : augmentation de 21 % du budget de la justice depuis 2017, lancement de la justice de proximité, doublement du nombre des délégués du procureur, décision de créer 8 000 places de prison supplémentaires, après les 7 000 du plan adopté en 2018... Plus de la moitié seront livrées ou en construction en 2022, mais surtout, fait nouveau, elles sont programmées budgétairement !

Le projet de loi Confiance dans l'institution judiciaire comprend des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes et contre les élus.

Les états généraux ont été lancés à la demande de la première présidente et du procureur général près la Cour de cassation. Il reviendra à l'automne au garde des Sceaux de décliner ces rencontres sur les territoires, pour établir avec toutes les professions concernées et les élus un constat partagé. Il faut continuer à se projeter dans l'avenir de la justice et mener les actions dont elle a besoin. Tel est le sens de cette initiative. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Muriel Jourda.  - Le budget de la justice augmente depuis vingt ans, sans discontinuer. Il y a deux ans, la commission des lois a reçu tous les acteurs mais Mme Belloubet n'écoutait rien et n'a donc rien repris de nos travaux...

Policiers fuyant sous les tirs de mortier à Saint-Denis pendant le confinement, retraité démuni face aux squatteurs de sa maison, riverains de Stalingrad qui chassent les drogués au mortier... Les policiers fuient devant les délinquants et les citoyens recourent à la justice privée.

L'État de droit se délite. Ce n'est pas une aimable causerie qui règlera le problème mais la restauration de l'État régalien. Nous en sommes loin ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Français de l'étranger vaccinés avec un vaccin non homologué

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 17 mars, vous disiez devant le Sénat que 84 % des Français établis hors de France étaient éligibles aux vaccins locaux et qu'il n'était donc pas besoin de leur envoyer des doses. Beaucoup ont obéi à votre conseil et ont suivi la politique vaccinale de leur pays d'accueil. Ils ont reçu les vaccins chinois ou russe, reconnus par l'Organisation mondiale de la santé.

Mais voici que le Gouvernement, à la réouverture des frontières, ne prend pas en compte ces vaccins : nos compatriotes seront à leur retour considérés comme non vaccinés, ils seront placés en quarantaine pendant sept jours et devront subir des tests coûteux.

Ils sont inquiets et indignés. Pourquoi une telle discrimination ?

L'Espagne et la Grèce reconnaissent ces vaccins étrangers afin d'attirer les touristes. Faut-il que nos compatriotes se connectent à Vitemasurdose.com ? (Sourires)

Vous créez une inégalité de droit entre les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - J'adresse toutes mes félicitations aux conseillers des Français de l'étranger qui viennent d'être élus ou réélus.

Nos compatriotes, parfois, ne peuvent prétendre dans leur pays de résidence à des vaccins homologués par l'Union européenne. Nous avons donc organisé leur vaccination, en envoyant les doses dans 35 pays, Afrique du Sud, Djibouti, Afghanistan et ailleurs, avec l'accord des autorités de résidence. Nous discutons dans le même esprit avec 28 pays, en particulier d'Amérique latine.

Cela est cohérent avec la stratégie Covax, dont j'ai pu voir les effets positifs à Madagascar. C'est tout à l'honneur de nos postes diplomatiques de s'en charger, en assumant les missions confiées ici aux préfets et aux Agences régionales de santé.

Tout Français établi hors de France peut revenir sur le sol français, quel que soit le vaccin reçu. Si c'est un vaccin non autorisé par l'Agence européenne du médicament, il faut suivre les recommandations sanitaires : test PCR, voire auto-isolement.

Organisation des épreuves du baccalauréat

M. Jérémy Bacchi .  - C'est la dernière ligne droite pour des milliers d'élèves qui passeront le bac. La tension a été portée à son comble dans la section européenne, où des couacs ont affecté les oraux.

Le Gouvernement n'a pas tiré de leçons de l'an passé et les bacheliers sont victimes de ces tâtonnements, des incertitudes sur le mode d'évaluation comme des modalités changeantes de cours, entre présentiel et distanciel.

Les dysfonctionnements des plateformes ont renforcé la détresse des lycéens, alors que les hospitalisations de jeunes en psychiatrie ont augmenté de 80 % depuis le premier confinement.

Les élèves n'ont pas tous accès à internet. Ils ne bénéficient pas tous d'un environnement familial porteur. Bref, le cap inégalitaire est maintenu... Les protocoles varient entre secteurs public et privé, les écarts entre établissements s'accroissent. Et Parcoursup est une machine à sélectionner à l'entrée dans le supérieur.

La sagesse aurait été de supprimer le grand oral. Vous n'avez pas voulu nous entendre. Nous avons perdu un temps précieux. À présent, à quelques jours du bac, comment assurer l'égalité de traitement et rassurer les élèves et leurs parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Pendant cette période sanitaire si particulière, nous n'avons jamais cessé de nous adapter pour assurer la sécurité de nos élèves et pour faire preuve de bienveillance et de pragmatisme.

Nous avons souhaité conserver le grand oral et l'épreuve de philosophie. Il faut préparer les élèves à l'enseignement supérieur et conserver la solennité du baccalauréat et sa valeur.

Nous avons appliqué néanmoins une réponse pragmatique, en adaptant ces épreuves de philosophie, comme celles de français, aux conditions sanitaires. Depuis janvier, nous n'avons cessé d'augmenter la part du contrôle continu, qui représente aujourd'hui 82 % de la note globale.

Nous mettons tout en oeuvre pour un bac passé dans les meilleures conditions, dont les élèves soient fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Point d'étape sur Parcoursup

M. Abdallah Hassani .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les élèves de terminale sont inquiets. Cette année, entre la réforme du lycée, la pandémie et l'aménagement des épreuves du bac, la situation s'est encore aggravée.

Certes, la plateforme Parcoursup s'est améliorée mais des bugs demeurent, qui annulent des voeux en attente. La promesse d'une solution pour tous n'empêche pas un sentiment d'injustice.

La situation est d'autant plus complexe pour les lycéens d'outre-mer qu'ils doivent trouver un logement très loin de chez eux et acheter un billet d'avion.

Avec la pandémie, nos jeunes ont choisi des formations pour construire un monde plus solidaire et une économie responsable. Ils privilégient les professions de santé, les formations d'ingénieur, le droit, l'apprentissage. Nous devons les accompagner. Que faire pour qu'ils ne soient pas pénalisés par les dysfonctionnements de Parcoursup ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La plateforme est ouverte depuis quinze jours. Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons mis en place une cellule d'observation pour voir comment la transformation du baccalauréat affecte les choix d'orientation.

Avec le plan de relance, nous avons créé six mille places supplémentaires dans les filières les plus demandées des métiers du soin. Nous avons aussi développé l'apprentissage grâce au plan « Un jeune, une solution ». Nous dépasserons peut-être le record de l'an dernier !

En cas de difficulté de connexion, les rectorats prennent le relais pour remplir les dossiers avec les jeunes.

Quant à ceux qui ont émis uniquement des voeux sélectifs et n'ont aucune réponse positive, nous les appelons au téléphone, et cela depuis le 28 mai, pour qu'aucun ne reste sur le carreau.

Plus de neuf lycéens en bac général sur dix ont déjà reçu une proposition. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Réforme des retraites

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les Français sont très attachés à leur régime de retraite. Il faut dire que notre pays est celui où l'on part le plus tôt à la retraite, avec les pensions les plus élevées, en contrepartie de cotisations importantes. Cela ne suffit pas, et le déficit est chronique. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR) indiquent que l'équilibre pourrait hypothétiquement être atteint, mais au prix d'une baisse du niveau des pensions, quel que soit le scénario retenu.

Quelles sont les pensées, voire les arrière-pensées, du Président de la République ? N'hésitez pas à nous faire part des pistes que vous envisagez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État, chargé des retraites et de la santé au travail .  - Vous êtes fort averti de ce sujet, mais voici ma pensée : la priorité absolue du Gouvernement est d'accompagner la reprise de l'activité et le rebond de l'économie.

Je reste convaincu qu'une réforme est nécessaire pour assurer l'équité et la pérennité du système de retraite par répartition. Une solidarité durable suppose un équilibre durable.

La transformation du pays engagée en 2017 reste indispensable, aujourd'hui plus encore qu'hier.

La crise de la covid-19 a montré l'importance de la solidarité, sur laquelle repose notre système par répartition.

Les projections du COR indiquent que le système est durablement en déficit : 18 milliards d'euros en 2020, corrigé par 5 milliards d'euros d'abondement. Le système est en difficulté. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - On l'a compris !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Comme l'a indiqué le Président de la République, rien n'est exclu, mais rien n'est encore décidé. (Même mouvement)

Mme Sophie Primas.  - Magnifique !

M. René-Paul Savary.  - Merci pour cette réponse précise ! (Rires à droite) L'étau se resserre. Attendre, c'est laisser le déficit se creuser et menacer le système par répartition, inciter les Français à épargner plutôt qu'à consommer. Agir dans la précipitation, c'est un déni de discussion, avec le risque de mettre les Français dans la rue - ce qui compromettrait la reprise. Cessez ces tergiversations inutiles, et passez à l'acte !

Vous avez vu le fiasco du projet de loi que le Président de la République a lui-même jugé trop complexe. Proposez-nous des mesures simples. Dites la vérité aux Français, même si ce n'est pas populaire. À vouloir tout changer, on ne change rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Réforme des APL

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que le Président de la République souhaite consacrer sa dernière année de mandat aux réformes sociales, celle des aides personnalisées au logement (APL) est un fiasco. Elle devait avantager ceux qui subissent une chute brutale de leurs revenus ; elle a surtout été l'occasion pour l'État d'économiser 750 millions d'euros. Il y a eu 8,4 % de jeunes allocataires en moins, et 41 % des allocataires ont vu leurs APL baisser. Une étude d'impact aurait été bienvenue...

Pour les jeunes, le recalcul des APL tous les trois mois est très pénalisant : l'effet de rattrapage brutal ne fait que des perdants. Le dispositif mis en place par Action Logement ne suffit pas.

Comment compenser cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Le principe même du calcul des APL en temps réel est de rendre le système plus juste, plus moderne et plus simple. Tout est calculé de façon automatique, ce qui diminue le taux de non-recours.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Bref, tout va bien !

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Une première actualisation des droits a lieu en avril. Il n'existe pas à ce stade de données consolidées et les chiffres qui circulent sont provisoires. Le ministère du Logement communiquera les chiffres stabilisés en juillet.

Les jeunes actifs dont le salaire augmente rapidement verront leurs APL baisser plus vite qu'auparavant - mais l'inverse est aussi vrai. Les dispositifs de soutien mis en place pendant la crise ont fonctionné : les étudiants ont vu le niveau de leurs APL maintenu, voire augmenté ; stagiaires et alternants bénéficient d'un système de calcul avantageux.

Attentif à la situation des jeunes, le Gouvernement déploie le plan « Un jeune, une solution » afin d'aider chaque jeune à accéder à un emploi. (M. François Patriat applaudit, tandis que M. David Assouline ironise.)

Mme Viviane Artigalas.  - Les chiffres sont têtus : ce que vous proposez ne suffit pas. Tout ce que le Gouvernement a mis en place en matière de logement n'a fait qu'accroître les inégalités. La baisse de 5 euros des APL était déjà choquante. Désormais, la baisse est huit fois supérieure ! Et ces diminutions sont couplées avec la réduction loyer solidarité qui fragilise les bailleurs sociaux, selon la Cour des comptes.

Le Gouvernement s'appuie entièrement sur Action Logement, dont il ponctionne le budget. Pour vous, le logement est une variable d'ajustement, une source d'économies et il illustre votre désengagement en matière sociale ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

Panne des numéros d'urgence

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Qui appeler au secours, quand même les secours sont aux abonnés absents ?

C'est la question angoissante suscitée, le 2 juin dernier, par la panne grave et inédite des numéros d'urgence. J'ai une pensée pour les victimes.

Selon Stéphane Richard, PDG d'Orange, cet incident serait la conséquence d'une panne logicielle sur des équipements critiques du réseau. Sont d'emblée exclus tout problème de maintenance ou toute cyberattaque. Soit. Mais ce service était redondé au moins cinq fois - la redondance ne sert-elle donc à rien ?

La panne n'aurait pas été détectée d'abord par Orange, mais lui aurait été signalée par les services de l'État. Le confirmez-vous ?

Orange a annoncé une enquête interne, le Gouvernement un audit. J'espère que la lumière sera faite sur cet incident. Quels enseignements tirer de cet évènement ? Ne faut-il pas accélérer le passage de nos services publics vers le tout IP ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Le 2 juin, vers 16 h 30, les services de l'État ont en effet signalé à Orange une diminution de 30 % des appels d'urgence vers le 15, le 17 et le 18. Orange a constaté, une heure après ce signalement, non pas la fin du service mais sa dégradation. Environ 30 % des appels auraient été perdus : soit l'opérateur ne répondait pas, soit la connexion s'interrompait au bout de 30 secondes. Je rappelle que chaque jour, 150 000 Français appellent les numéros d'urgence.

J'ai activé immédiatement la cellule interministérielle de crise et les préfets ont mis en place en quelques minutes de nouveaux numéros, plus longs, dans 80 départements. Le basculement vers d'autres opérateurs a résolu une partie des problèmes. Pour chacun des six cas critiques, dont quatre décès, une enquête administrative sera menée.

Nous n'excluons aucune cause. Le rapport que nous avons demandé à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) sera rendu public. Une attaque informatique n'est pas exclue, mais ce n'est pas l'hypothèse privilégiée.

J'ai convoqué Stéphane Richard dès le lendemain pour dire combien cet incident était inacceptable et demander à Orange de prendre les mesures nécessaires pour qu'une telle panne ne se reproduise plus. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Chaize.  - C'est en effet inacceptable. La desserte fixe et mobile est de plus en plus urgente ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Copropriétaires-bailleurs de résidence de tourisme

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à cette question Jean-Michel Arnaud et Loïc Hervé.

Plusieurs dizaines de milliers de copropriétaires-bailleurs ne perçoivent plus de loyers de la part des exploitants de résidences de tourisme depuis mars 2020. Ils sont pris à la gorge car ils doivent continuer à payer leurs charges et leur emprunt - la plupart ont investi pour s'assurer un complément de retraite. Les exploitants arguent de la crise sanitaire pour ne pas verser les loyers. Or ils ont été largement aidés par l'État, notamment à travers le PGE : 32 millions d'euros pour Appart City et 240 millions d'euros à Pierre et Vacances-Center Parcs.

Mais les bailleurs attendent toujours... Avez-vous connaissance de cette situation et comment comptez-vous y mettre fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Le tourisme est une chaîne d'acteurs très divers : si certains plongent, tous plongent. Il faut trouver une solution ensemble, par le dialogue.

L'État a soutenu les acteurs économiques via les PGE, le fonds de solidarité, le dispositif « coûts fixes » - sans seuil pour les résidences de montagne - afin d'aider les opérateurs à faire face à leurs obligations contractuelles. À la montagne, seuls 50 % des loyers ont été versés.

Pour faciliter la conciliation, la loi de finances pour 2021 a instauré un crédit d'impôt pour abandon de loyer et mobilisé le médiateur des entreprises ainsi que les commissions locales des baux commerciaux.

Le Syndicat national des résidences de tourisme travaille avec l'Union nationale des propriétaires immobiliers et la Fédération bancaire française pour trouver des solutions au cas par cas pour les propriétaires investisseurs.

De nombreux cas ont été résolus, mais il faut que les deux parties poursuivent le travail. Soyez assurée de la vigilance du Gouvernement.

Mme Annick Jacquemet.  - Nous nous faisons le relais des propriétaires bailleurs, pris à la gorge et désespérés. C'est le pot de terre contre le pot de fer ! Ils ont besoin du soutien de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Rapatriement des personnels civils afghans de recrutement local

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Entre 2001 et 2014, environ 50 000 soldats français ont servi en Afghanistan. Quelque 700 Afghans ont travaillé à leurs côtés, comme chauffeurs, magasiniers ou interprètes. Un grand nombre se sont vus attribuer des visas pour rejoindre la France, mais pas tous.

Les armées talibanes sont aux portes de Kaboul et visent très explicitement les Afghans qui ont travaillé à nos côtés. Ils sont identifiés, ainsi que leur famille, d'où leur angoisse.

M. David Assouline.  - C'est honteux!

M. Étienne Blanc.  - Quelle est la position du Gouvernement sur l'attribution de titres de séjour qui permettront à ces Afghans qui ont servi notre pays de rejoindre une terre d'asile ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et RDSE)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - La France était engagée en Afghanistan entre 2001 et 2014. Au cours de cette période, 90 militaires français sont morts au combat. Je leur rends hommage. Nous avons eu recours à 1 000 personnels civils de recrutement local (PCRL) dont une majorité d'interprètes.

Entre 2013 et 2015, nous avons rapatrié 171 d'entre eux avec leur famille, soit 550 personnes.

En 2017, vu la dégradation de la situation sécuritaire à Kaboul, le Président de la République a souhaité une deuxième vague de rapatriements : en 2018-2019 nous avons accueilli 51 ex-PCRL et leur famille, soit 218 personnes. Au total, 222 PCRL et leur famille, soit près de 800 personnes, ont été accueillies.

Le retrait des États-Unis et de l'OTAN nous a conduits à créer un nouveau dispositif : 400 PCRL ont déjà été rapatriés et une centaine d'autres devraient l'être d'ici la fin du mois.

La France a assumé ses responsabilités et exprimé sa solidarité envers ces personnels qui l'ont accompagnée pendant ces années d'engagement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Étienne Blanc.  - Votre réponse était très attendue.

Dans certains cas, il y a eu des contestations de visas, il a fallu plaider devant le tribunal administratif. Sur ces sujets, et l'article L.435 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le permet, soyons ouverts et conciliants.

Nous pensons tous aux Harkis. Il y va de l'honneur de la France, que ces Afghans ont servi loyalement.

Les questions juridiques ne doivent pas être un frein. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et RDSE ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Restructuration des services financiers de La Poste

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe M. Redon-Sarrazy à ma question. La Poste est en réorganisation permanente depuis plusieurs années. Certaines décisions sont incompréhensibles -  c'est le cas de la restructuration des services financiers.

Cinq centres financiers employant près de 500 personnes vont être fermés : à Limoges, 150 emplois sont concernés, indépendamment de tout critère qualitatif objectif, mais en fonction des possibilités de reclassement, sans prise en compte des grades, des compétences ni des salaires.

La stratégie semble être de concentrer les activités dans quelques grandes métropoles. Il faut au contraire lutter contre les inégalités territoriales, ce qui passe par une présence territoriale équilibrée. La Poste doit avoir les moyens d'assurer ses missions de service public. La fermeture des services financiers serait un nouveau recul.

Comment comptez-vous amener La Poste à persévérer les emplois et le maillage territorial ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Les inquiétudes sont légitimes ; elles ont été relayées par la députée Sophie Beaudouin-Hubiere.

Le président du groupe La Poste est conscient que le développement économique du groupe ne peut se faire sans maillage territorial.

Le centre financier de Limoges, quatrième de France, va évoluer, avec des investissements à la clé, ainsi qu'un effort de formation. Le président Wahl s'est engagé à ce que ce centre reste le quatrième de France ; il est même appelé à croître en matière de gestion de titres et de valeurs mobilières, de développement des actifs numériques et du paiement à distance.

Cela nécessite d'investir dans les outils numériques et la formation et d'organiser les mobilités au sein du groupe. Une concertation a débuté hier, la prochaine réunion se tiendra vendredi.

Le groupe La Poste a pris des engagements fermes et le Gouvernement suivra ce dossier avec la plus grande attention, pour que la réorganisation ne soit préjudiciable ni à Limoges ni aux autres territoires.

Mme Isabelle Briquet.  - La Poste joue un rôle particulier auprès des Français, et les élus sont attachés à la présence postale. Elle doit contribuer à l'aménagement du territoire et au maintien d'emplois qualifiés partout en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Déploiement des éoliennes

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre, depuis quelques jours, la presse se fait l'écho des naufragés de l'éolien anarchique. Les Français découvrent, scandalisés, ce leurre écologique.

Vous connaissez les arguments. Vous avez reconnu que certains parcs ont été installés trop vite, sans suffisamment de concertation.

Je suis la porte-parole d'élus et riverains ulcérés d'être mis à l'écart, inquiets du mitage et de l'artificialisation des sols, cette dernière combattue dans la loi Climat.

Les arguments en faveur de l'éolien ne convainquent plus que les acteurs qu'il enrichit. L'engagement pour le mix énergétique n'est pas le tout-éolien. L'écologie, ce n'est pas la dictature des lobbies !

Il faut renouer avec une vraie concertation et donner aux élus une possibilité de choix. Or jusqu'ici, la concertation a été muselée à force d'ordonnances et d'arrêtés. Il est temps de donner un coup d'arrêt à cette tromperie, et non un coup d'accélérateur !

Nous devons laisser la place à des énergies moins coûteuses pour l'environnement et la démocratie. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Ayons un débat calme, serein et factuel. De fausses informations circulent, il importe de rétablir la vérité.

Nos besoins en électricité évoluent car nous voulons décarboner les transports, l'industrie. La programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2035 (on le déplore sur les travées du groupe Les Républicains) et d'accroître la part des énergies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique.

RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, travaille sur six scénarios, avec une part plus ou moins importante de nucléaire ou d'ENR ; tous prévoient une hausse de la part d'ENR - éolien et autres. (M. Bruno Sido s'exclame.)

Oui, il faut plus de concertation et de lisibilité, une meilleure association des territoires. Dans cet esprit, ma circulaire aux préfets vise à l'établissement de cartographies pour disposer d'une meilleure visibilité sur les possibilités d'implantation. Je suis sûre qu'ensemble, nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST)

Situation des producteurs de fraises

M. Jean-Paul Prince .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La filière fraisière est particulièrement dynamique. La production hexagonale de plants de fraisiers est réputée pour sa diversité et la qualité gustative de ses produits.

Les producteurs de plants doivent respecter des obligations sanitaires strictes et la réglementation française est plus exigeante encore que le droit européen.

La qualité des sols est déterminante. Les producteurs français utilisent le Basamid, seul produit encore autorisé après l'interdiction du métam-sodium. Or son homologation n'a pas été reconduite par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), ce qui créé une distorsion de concurrence avec les producteurs européens qui utilisent des produits de désinfection interdits en France.

Si les producteurs de plants cessent leur activité, nos producteurs de fraises devront se fournir à l'étranger.

Il y va de la survie d'entreprises françaises, de l'emploi, de la préservation d'un savoir-faire et de notre souveraineté alimentaire.

Avez-vous pris la mesure de l'enjeu et comment y répondre ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nous avons pris la mesure de la difficulté. En matière de transition, nous portons les débats au niveau européen et accompagnons les producteurs pour n'en laisser aucun sans solution.

Le Basamid est un désinfectant des sols. L'Anses, autorité indépendante, a mis fin à son utilisation à partir de 2020.

D'abord, nous nous sommes assurés d'un délai pour utiliser le stock. Ensuite, la firme qui produit le Basamid pourra déposer une nouvelle demande d'autorisation auprès de l'Anses, avec des règles d'utilisation plus strictes, comme l'a fait la Belgique.

Enfin, il faut investir dans la recherche d'alternatives comme l'eau ozonée, très prometteuse. Nous avons accordé à l'entreprise productrice, française, un permis d'expérimentation de trois ans.

Plus la transition est partagée à l'échelle européenne, plus elle sera rapide. (M. François Patriat applaudit.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Bibliothèques et développement de la lecture publique (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Faut-il une loi sur les bibliothèques ? La question peut sembler provocante, puisque je vous présente cet après-midi un texte sur ce sujet...

Elle témoigne pourtant d'un long cheminement. Que de débats parmi les professionnels ! Préciser sans brider, encadrer sans enfermer : l'équilibre n'a pas été évident à trouver.

Je remercie pour leur implication le ministère de la culture, les professionnels et les élus.

Ce texte est l'expression de mon attachement profond aux bibliothèques, mais aussi le reflet de la mobilisation de professionnels et de l'importance que les Français accordent à cette expérience culturelle, ludique et sociale.

« Si la bibliothèque est, comme le veut Jorge Luis Borges, un modèle de l'univers, essayons d'en faire un univers à la mesure de l'homme », disait Umberto Eco.

« Je crains l'homme d'un seul livre ». Cette formule de Saint-Augustin rappelle combien les bibliothèques sont un lieu de raison dans notre monde incertain. Nous avons la chance de siéger à quelques mètres de l'une des plus belles bibliothèques de France, voulue par Thiers en 1837. (M. David Assouline désapprouve la référence.) Elle nous permet de prendre de la distance par rapport à l'actualité.

Avec ce texte, j'ai voulu ancrer les bibliothèques dans notre droit. Seuls cinq articles les concernent dans le code du patrimoine, douze fois moins que pour les archives. Cette proposition de loi est une consécration légale et, pour moi, l'aboutissement de douze ans de travail comme élue à la culture de Rennes et en Bretagne et comme parlementaire.

Mon rapport de 2015 sur l'extension des horaires et le soutien financier de l'État aux bibliothèques territoriales, ainsi que celui d'Erik Orsenna et Noël Corbin de 2018 ont conduit au plan Bibliothèque avec un investissement de 88 millions d'euros.

Avec Colette Mélot, j'ai ensuite commis un rapport d'information, dont est issue la certitude qu'il faut donner un cadre à ces structures et réaffirmer les principes de pluralisme et de gratuité - qui ont été remis en cause ces dernières semaines. Il fallait sécuriser juridiquement et prévenir les dérives.

Ce texte renforce aussi le lien entre les élus locaux et leurs bibliothèques, sans imposer d'inutiles contraintes, pour les faire davantage rayonner dans les territoires.

Nous connaissons tous des bibliothécaires passionnées qui font preuve d'imagination et de création, parfois avec peu de moyens. Grâce à elles - ce sont souvent des femmes - les bibliothèques sont des lieux vivants qui ont su évoluer.

Je profite de cette tribune pour témoigner ma reconnaissance amicale et admirative aux bibliothécaires.

Les bibliothèques sont les seuls lieux de services publics où vous pouvez venir librement et rester si vous le souhaitez toute la journée... Ce sont des lieux de sociabilité, d'accueil, de bienveillance -  en fait, d'hospitalité.

J'ai recherché le consensus dans cette proposition de loi ; aussi il restera des sujets à traiter, notamment le chaînage entre les bibliothèques et les collectivités territoriales. Je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre engagement. Je vous remercie d'avoir bien voulu engager la procédure accélérée sur ce texte.

Après cette étape, il faudra évoquer le cas des bibliothèques départementales et la situation outre-mer et s'assurer de la pérennisation dans le projet de loi de finances des crédits supplémentaires au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD).

Tel est l'esprit de ce texte. Je suis sensible à la concomitance de notre débat avec l'adoption à l'unanimité, hier, de la proposition de loi de Laure Darcos. Cette séquence sénatoriale est signifiante. Le Sénat s'est honoré en soutenant le livre et les acteurs de la culture. Je vous en remercie. (Applaudissements)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Je suis heureuse de vous retrouver après nos débats d'hier sur la chaîne du livre.

Les 16 500 bibliothèques constituent le premier équipement culturel de notre pays ; 13 000 collectivités territoriales y consacrent plus de 1,7 milliard d'euros chaque année.

L'État gère deux bibliothèques nationales, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d'information (BPI), et accompagne les bibliothèques territoriales. Le partenariat noué autour des bibliothèques est remarquable.

Sur la base du diagnostic posé par Erik Orsenna en 2018, les horaires ont été étendus et la formation des professionnels renforcée. Avec le plan Bibliothèque, une vraie dynamique est née et les résultats sont là : plus de 11,3 millions de Français bénéficient de 8 heures 30 supplémentaires d'ouverture dans 710 communes. Les bibliothèques furent parmi les seuls équipements culturels largement ouverts pendant le confinement - à part quelques semaines pendant le premier et le second confinement.

Ce « moment bibliothèque » trouve aujourd'hui un prolongement législatif grâce à l'engagement sans faille de Sylvie Robert.

Le corpus législatif consacré aux bibliothèques se limite à cinq articles - contre soixante pour les archives et trente pour les musées. Plusieurs tentatives de légiférer n'ont pas abouti.

Ce texte affirme les missions des bibliothèques dans le cadre du pluralisme et de la neutralité du service public - elles doivent plus que jamais être des lieux hors de toute pression, où s'exprime la diversité des opinions. Il rappelle que les bibliothèques doivent être accessibles à tous gratuitement. Il accompagne la collaboration entre bibliothèques et collectivités territoriales en précisant le rôle des bibliothèques départementales. C'est enfin un texte concis, propre à faire consensus.

Pour ces raisons, le Gouvernement soutient sans réserve cette proposition de loi sur les bibliothèques, « carrefours de tous les rêves de l'humanité », disait Julien Green. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Monique de Marco .  - Notre pays compte plus de 16 500 bibliothèques, dont le réseau et les compétences n'ont cessé de se développer. Ce sont des portes ouvertes vers de nombreuses expressions culturelles et des lieux d'échange et de rencontre.

Mais leur cadre juridique reste insuffisant. Seule la BNF et la BPI disposent d'une législation propre. Les agents des bibliothèques attendaient un corpus juridique et une reconnaissance de leur rôle. Je remercie donc Sylvie Robert de son initiative.

Ce texte rappelle les principes d'accessibilité, de gratuité d'accès aux collections et de pluralisme, expression de la neutralité du service public. Il s'inspire du principe affirmé par l'Unesco, selon lequel « les collections et les services ne doivent être soumis ni à une forme quelconque de censure idéologique, politique ou religieuse, ni à des pressions commerciales. »

L'article 12 limite la destruction des livres lors du « désherbage » annuel, en prévoyant de les céder à des associations caritatives. Cela donne une base légale au principe selon lequel on ne détruit jamais un livre. Nous avons déposé deux amendements pour autoriser la cession à des entreprises de l'économie sociale et solidaire ou à des acteurs comme Emmaüs.

Je salue l'action des collectivités territoriales. Espérons que le projet de loi 4D - ou 3DS - leur accordera davantage de moyens pour développer la lecture publique.

Le GEST votera chaleureusement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Julien Bargeton .  - Notre groupe le votera également. Les bibliothèques sont les premiers équipements culturels de France, avec 16 500 établissements et 12 millions d'usagers.

Quelque 40 % des Français fréquentent une bibliothèque chaque année, mais seulement 50 % d'entre eux y empruntent un livre, signe de la diversification de leur action.

J'ai souvenir d'avoir écouté des contes, enfant, à la bibliothèque Faidherbe dans le XIe arrondissement de Paris...

Malgré l'extraordinaire adhésion des Français, les bibliothèques n'étaient encadrées par aucun texte. Celui-ci est donc bienvenu. Le rôle des communes, intercommunalités et départements mériterait d'être précisé. Peut-être faudra-t-il donner aux départements une compétence obligatoire sur les bibliothèques départementales ?

Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté la procédure accélérée. La commission a voté ce texte à l'unanimité, comme hier celui sur les librairies indépendantes. C'est que le livre rassemble, et que les bibliothèques sont le lieu du lien, entre les personnes mais aussi avec le passé et le futur.

« C'est grâce à cet oubli seul que nous pouvons de temps à autre retrouver l'être que nous fûmes, nous placer vis-à-vis des choses comme cet être l'était, souffrir à nouveau, parce que nous ne sommes plus nous, mais lui, et qu'il aimait ce qui nous est maintenant indifférent. Au grand jour de la mémoire habituelle, les images du passé pâlissent peu à peu, s'effacent, il ne reste plus rien d'elles, nous ne le retrouverons plus. Ou plutôt nous ne le retrouverions plus, si quelques mots n'avaient été soigneusement enfermés dans l'oubli, de même qu'on dépose à la Bibliothèque nationale un exemplaire d'un livre qui sans cela risquerait de devenir introuvable. » Marcel Proust illustre bien combien les bibliothèques sont les gardiennes de la mémoire, des lieux de mémoire.

Ce texte vient utilement acter leur variété d'usages.

Dans Le Nom de la rose, Umberto Eco écrit : « La bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu'elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu'elle conserve. Labyrinthe spirituel, c'est aussi un labyrinthe terrestre. » Mes chers collègues, entrons dans le labyrinthe pour mieux en sortir ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe SER)

M. Bernard Fialaire .  - Pour Gaston Bachelard, « le paradis est une immense bibliothèque ». En bon radical, si je veux accéder au paradis, c'est sur terre ! (Sourires)

La France, pays de littérature, bénéficie d'un large réseau de bibliothèques : 89 % des Français y ont accès et 27 millions d'entre eux les fréquentent régulièrement. Elles participent à la lutte contre l'illettrisme et la fracture numérique.

Sur la base du rapport Orsenna-Corbin, les horaires des bibliothèques ont été élargis pour en faire un troisième lieu entre le travail et la maison.

Au-delà, une loi-cadre est bienvenue, pour définir les missions remplies par ces 16 500 établissements.

Les principes de liberté et de gratuité - on ne paie pas pour entrer au paradis ! (sourires) - du pluralisme et du renouvellement des collections sont consacrés.

Le cadre fixé est respectueux de l'autonomie des collectivités territoriales. Le texte étend utilement le financement de la DGD aux intercommunalités et aux groupements d'intérêt public. Nous voterons avec enthousiasme ce texte indispensable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Jérémy Bacchi .  - « La lecture est à l'esprit ce que l'exercice est au corps », disait Joseph Addison, intellectuel anglais qui s'opposait à la monarchie absolue.

C'est en lisant qu'on se construit une âme de citoyen ! Les régimes autoritaires le savent bien : leur premier réflexe est toujours de s'attaquer aux livres.

Les bibliothèques publiques participent à la démocratisation de la démocratie, selon les mots d'Étienne Balibar. Il faut valoriser leurs collections et améliorer l'accessibilité, en y attirant les personnes qui s'y sentent illégitimes mais aussi en accueillant les scolaires.

Il faut aussi garantir la diversité des contenus : la tentation est grande chez certaines majorités municipales de restreindre les contenus bibliothécaires à ce qui leur agrée. Les bibliothécaires ont une responsabilité pour préserver le champ des possibles : nous devons les y aider.

Les bibliothèques sont aussi le lieu de diffusion d'oeuvres musicales ou cinématographiques qui attirent les jeunes. Il est malheureux que certaines communes les désabonnent des journaux, car ce sont aussi des lieux pour s'informer.

Les bibliothèques permettent à chacun de construire son rapport au monde. Maisons du savoir, elles sont facteur d'intégration sociale. En nationalisant les bibliothèques ecclésiastiques, c'est cette mission civique que suivait la Révolution.

Selon Mary Higgins Clark, « la bibliothèque est un chemin vers le futur. » Nous remercions Mme Robert pour cette proposition de loi-cadre, qui manquait. Mon groupe la votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Pierre-Antoine Levi .  - En politique, il faut apprécier les moments de consensus, tant ils sont rares.... L'examen de cette proposition de loi en est un. Elle arrive au moment opportun, à l'heure où les lieux de culture rouvrent.

Qui pourrait défendre que l'accès aux bibliothèques ne soit pas libre ou gratuit ? Ce serait comme taxer l'air que l'on respire !

La consécration de ces principes est néanmoins utile, comme celle du pluralisme dans le contexte de la cancel culture et de la pensée décoloniale. Attention aux ingérences politiques : ne risquons-nous pas une politisation en faisant délibérer les collectivités sur le sujet ?

Les bibliothèques se sont beaucoup modernisées, avec des espaces multimédia et de coworking, notamment.

Au-delà de la loi, ce mouvement doit être accompagné par les collectivités. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La richesse des livres est inestimable. Ils sont facteur de savoir, mais aussi d'émancipation et de créativité.

Les textes de Laure Darcos sur les librairies et de Sylvie Robert sur les bibliothèques sont à saluer. Cette proposition de loi répond à une attente. Elle est très favorablement accueillie car elle comble des lacunes.

Les Français sont 76 % à penser que les bibliothèques sont utiles à tous, 20 % à les considérer comme indispensables.

La proposition de loi consacre trois grands principes, tout en respectant la libre administration des collectivités territoriales : libre accès, gratuité, pluralisme des collections.

Les musées, les auteurs ont eu leurs lois. Désormais, les bibliothèques, premier équipement culturel de France, auront leur loi-cadre, avec une définition.

Grâce à leur maillage territorial dense, elles participent à la découverte de la lecture, à la construction de la citoyenneté, à la lutte contre l'illettrisme, à l'ouverture sur le monde, à l'épanouissement des individus.

Environ 70 % des communes de plus de 2 000 habitants ont une bibliothèque. Il y a 16 500 équipements de lecture publique en France, soit autant que de points postaux.

Les missions des bibliothèques départementales sont précisées et confortées. La bibliothèque d'Alsace, créée en 1946, suscite un fort engouement autour de ses six sites qui offrent 700 000 ouvrages à 288 bibliothèques fonctionnant avec plus de 3 000 bénévoles.

Les bibliothèques ont su se transformer. Lieux de savoir, d'études, elles ont aussi une vocation sociale. La médiation culturelle et l'éducation aux médias font partie des enjeux actuels, comme le développement de l'engagement citoyen.

Les partenariats noués avec le système éducatif encouragent l'apprentissage et les joies de la culture dès la maternelle - alors que 15 % des enfants n'ont pas de livres chez eux.

Enjeux de développement local, les bibliothèques sont aussi un facteur d'attractivité.

Inscrire ces lieux de vie dans la loi, c'est les protéger et reconnaître leurs personnels.

Je remercie Mme Robert pour son engagement.

Le groupe Les Républicains votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDPI, RDSE et SER)

M. Joël Guerriau .  - Depuis André Malraux, l'accessibilité des oeuvres et l'encouragement à la création sont au coeur de notre politique culturelle. Cette proposition de loi est le premier texte à proposer un cadre juridique bienvenu pour les bibliothèques.

Rappelons que 7 % des Français, soit 2,5 millions d'entre eux, souffrent d'illettrisme, et 20 % d'illectronisme.

Les bibliothèques sont des lieux de culture indispensables et un levier contre l'analphabétisme ; elles jouent aussi un rôle social et contribuent à réduire les fractures territoriales et générationnelles.

Elles remplissent des missions d'aides pour les migrants, les personnes âgées dépendantes, les détenus... Elles réparent ainsi le lien social et constituent de précieux relais sur le territoire.

Veillons à ne pas fixer un cadre trop contraignant pour les élus locaux. Le texte consacre les principes de liberté d'accès et de gratuité de consultation. Les municipalités doivent néanmoins pouvoir réserver des plages horaires à certains publics et conditionner l'emprunt des livres à un abonnement - mais la proposition de loi n'y fait pas obstacle.

L'encouragement à la création est nécessaire. Alors que 15 % des auteurs professionnels en France gagnent moins de 400 euros par mois et qu'il faut deux ans pour réaliser une bande dessinée, pourquoi ne pas verser des droits d'auteur en fonction des livres empruntés - comme c'est le cas pour les oeuvres musicales ?

Ce texte est une excellente initiative ; le groupe Les Indépendants le votera. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. David Assouline .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La lecture est une amitié, disait Marcel Proust. La bibliothèque est l'intermédiaire de cette amitié pour plus de 6 millions de Français, qui ont emprunté 247 millions de livres en 2019.

Ce service public essentiel est l'équipement culturel de référence pour les Français. Il méritait une loi-cadre. C'est un acte historique que nous nous apprêtons à poser, grâce au travail de longue date de Sylvie Robert, qui méritait d'associer son nom à cette loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Grâce au travail de bibliothécaires et documentalistes passionnés, les enfants découvrent à la bibliothèque le plaisir de lire et y construisent leur citoyenneté. C'est le lieu où les barrières sociales et générationnelles s'effacent devant le plaisir commun de la découverte.

Les bibliothèques ont été longtemps délaissées par le législateur, mais elles ont su s'adapter, avec l'élargissement de leurs missions, et l'extension des horaires.

Aujourd'hui, le peu d'intérêt du législateur va être réparé.

Les principes de liberté et de gratuité sont fondamentaux en démocratie ; il est essentiel de les inscrire dans la loi.

Le pluralisme est important aussi. Ce n'est pas un luxe dans le monde tel qu'il va, alors que l'uniformisation gagne à travers les grandes plateformes.

Les bibliothèques forgent l'esprit critique, la liberté.

Contre les vérités alternatives, les thèses complotistes, les religieux extrémistes, la lecture est le meilleur antidote.

Ce texte est consensuel. Pour garantir au service public des bibliothèques les moyens de ses ambitions, nous le voterons avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Philippe Folliot .  - Il est des inventions qui changent le monde. Née il y a 470 ans, l'imprimerie a bouleversé la société en favorisant la diffusion des connaissances et leur démocratisation. Les Lumières en sont le fruit.

D'autres révolutions numériques sont en cours : numérisation, intelligence artificielle.

Les livres, les bibliothèques ont-ils un avenir ? Oui ! Ils sont le socle sur lequel le reste se construit. Je remercie donc Mme Robert pour ce texte fort utile.

Président d'une association qui a ouvert il y a une dizaine d'années la première bibliothèque-restaurant de France, et qui fonctionne sans aucune aide d'une collectivité (Mme la ministre apprécie) je suis attaché à l'esprit des « tiers lieux » de culture largement accessibles.

Il est important que cette proposition de loi nous fournisse un socle juridique.

« Une bibliothèque, c'est le carrefour de tous les rêves de l'humanité », disait Julien Green. Souhaitons que les bibliothèques le restent encore longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Jean-Claude Tissot .  - Je salue l'engagement et le travail de Sylvie Robert. Cet article inscrit dans la loi le principe de liberté d'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales.

C'est la garantie d'un égal accès de tous à ces lieux de culture et de savoir, y compris les scolaires et les personnes éloignées de la culture, en partenariat avec les centres sociaux, les hôpitaux, les prisons... Oui, les bibliothèques participent activement aux politiques d'inclusion sociale et de cohésion dans notre pays.

Nous pouvons toutefois regretter la non-priorité des bibliothécaires dans l'accès à la vaccination. (Mme la ministre se récrie.)

J'invite chacun à voter cet article 2 et cette proposition de loi.

L'article 2 est adopté, de même que les articles 3, 4, 5 et 6.

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Mandelli et Retailleau.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

La présentation peut être suivie d'un vote.

M. Didier Mandelli.  - Je n'avais pas regardé dans le détail cette proposition de loi. Le directeur départemental des bibliothèques de Vendée m'a dit tout le bien qu'il en pensait.

En me penchant sur la rédaction, je me suis interrogé sur une formulation que cet amendement éclaircit : le débat de l'organe délibérant doit-il être suivi d'un vote ? Nous proposons que cela soit une possibilité.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Pourquoi contraindre le maire à faire voter sa politique ? Cet amendement prévoit une simple faculté, donc avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par MM. Mandelli et Retailleau.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Élaborer un schéma de développement de la lecture publique à l'échelle du département, validé par l'assemblée départementale. »

M. Didier Mandelli.  - Dans le même esprit, cet amendement confère au conseil départemental, comme il est prévu à l'article 11 pour les EPCI, la capacité d'élaborer un schéma de développement de la lecture publique à l'échelle du département, validé par l'assemblée départementale.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Ce serait une avancée très utile. Je pensais l'inscrire dans le projet de loi 4D. Avec Colette Mélot, nous avions noté, dans notre rapport d'information, qu'il n'était pas précisé si la compétence lecture publique des départements était obligatoire ou optionnelle. Avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Même avis favorable.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

L'article 10 est adopté, de même que l'article 11.

ARTICLE 12

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 2, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, à l'exception des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires mentionnés à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles

Mme Monique de Marco.  - L'article 12 prévoit la possibilité pour les bibliothèques territoriales de céder des documents dont elles n'ont plus l'utilité à des écoles, fondations ou associations caritatives à but non lucratif.

Nous y ajoutons la cession de livres à des organismes d'accueil communautaire comme Emmaüs, qui pratiquent des prix solidaires. Les bénéfices de ces cessions à titre onéreux permettent aux personnes accueillies de participer à des activités solidaires et d'obtenir une forme de rémunération.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - L'article 12 autorise le don quand il n'y a pas de vente ensuite. Les collectivités territoriales ne peuvent faire don de leur propriété. L'article 12 est déjà une exception à ce principe. Cet amendement pourrait modifier l'équilibre de la vente de livres d'occasion.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Lorsqu'aucune association ou fondation n'est en capacité, au moment de la cession, de recevoir les documents, au sein du département de la collectivité territoriale concernée, les bibliothèques peuvent céder ces derniers, à des entreprises de l'économie sociale et solidaire telles que définies à l'article 1er de la loi n° 2014-856 relative à l'économie sociale et solidaire. Ces entreprises peuvent procéder à la cession des biens alloués, à titre onéreux, dans la mesure où les bénéfices perçus respectent les principes fondamentaux de l'économie sociale et solidaire comme définis au même article 1er.

Mme Monique de Marco.  - Il convient d'autoriser la cession des documents inutilisés, par les bibliothèques territoriales, à des entreprises de l'économie sociale et solidaire.

Cet amendement donnerait une base légale à ce qui se fait déjà. Durant la pandémie, beaucoup de bibliothèques ont donné des livres à ce type d'associations. Plutôt que de mettre des livres au pilon, laissons donc Emmaüs et les associations sociales et solidaires les récupérer, afin de les vendre à très bas prix.

Les livres bon marché favorisent la lecture publique.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Même argumentaire que pour l'amendement précédent. La question des droits d'auteur et des éditeurs se pose. Retrait ou avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Roselyne Bachelot, ministre.  - Je lève le gage prévu par l'article 13.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Je ne peux que remercier Mme la ministre. Avis très favorable, bien sûr ! (Sourires)

L'amendement n°1 est adopté et l'article est supprimé.

Interventions sur l'ensemble

Mme Laure Darcos .  - Je remercie ma collègue Sylvie Robert. Pour elle comme pour moi, cela aura été une grande semaine. Merci à Mme la ministre d'avoir demandé la procédure accélérée pour nos deux textes : j'espère que l'Assemblée nationale s'en saisira rapidement.

Je félicite Sylvie Robert dont les bibliothèques sont toute la vie. Le Sénat peut s'enorgueillir de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Mme Sylvie Robert , rapporteure.  - Je remercie Mme la ministre, le Service du Livre et de la lecture et tous nos collègues.

Cette semaine, nous avons parlé de culture, cité des auteurs, des poètes. Ce sont des moments de grâce et d'émotion.

Je fais confiance à Mme la ministre dont l'attachement à la culture est sans faille. Pour les bibliothécaires, j'espère que cette proposition de loi se transformera en loi, et qu'il en ira de même pour celle de Laure Darcos. (Applaudissements sur toutes les travées)

La proposition de loi est adoptée

Mme la présidente : À l'unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Protection sociale globale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection sociale globale, présentée par M. Rachid Temal et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Rachid Temal, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi a un objectif, combattre la pauvreté, et une ambition, mettre fin à une hypocrisie française.

La Constitution dispose que « la Nation offre à l'individu et sa famille les conditions nécessaires à leur développement ».

Le programme du Conseil national de la résistance (CNR) prévoyait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ».

Notre système de protection sociale s'est développé au fil des années. Pourtant, la pauvreté s'est installée massivement et 9,3 millions de nos concitoyens sont considérés comme pauvres par l'Insee, dont un tiers d'enfants et d'adolescents ; la moitié a moins de 30 ans. Ces quinze dernières années, le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 29 ans a augmenté de plus de 50 %.

Selon le Secours populaire, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et ne mange pas toujours à sa faim.

Quelque 800 000 personnes handicapées sont en situation de pauvreté. Enfin, d'après la Fondation Abbé Pierre, près de 300 000 personnes sont sans domicile, sans parler des mal-logés.

Depuis le début de la crise sanitaire, près d'un million de personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté. Elle touche 11 millions de nos concitoyens, soit 17 % de la population de la sixième puissance économique mondiale !

Un phénomène participe à cet enfermement dans la précarité : c'est le non-recours aux droits.

Une enquête de 2018 démontrait que 53 à 67 % des ayants-droit ne recouraient pas à l'aide à la complémentaire santé. Selon le Secours catholique, un tiers des allocataires potentiels du RSA n'en bénéficient pas. La méconnaissance et la difficulté d'accès pèsent pour 70 % du non-recours.

J'en arrive à ce que j'ai nommé l'hypocrisie française face à la pauvreté. Nous créons des droits théoriques sans nous soucier de l'accès réel aux prestataires. Parfois, c'est l'occasion de faire des économies sur les précaires. Enfin, pour reprendre une citation célèbre, nous n'avons pas tout essayé pour lutter contre la pauvreté.

Cette proposition de loi vise à passer d'un droit théorique à un droit réel.

La pauvreté brise des vies, parfois dès la naissance. Je salue le travail des CAF et des caisses de sécurité sociale sur l'accès aux droits. Il ne s'agit nullement de les remplacer mais de les compléter.

La commission des affaires sociales reconnaît le problème du non-recours et considère que la proposition de loi a le mérite d'offrir un mécanisme applicable dans un délai raisonnable. C'est maintenant qu'il faut agir, plutôt que d'attendre un hypothétique revenu universel d'activité.

Deux visions s'affrontent : il y a ceux qui considèrent que les bénéficiaires des prestations sociales doivent être surveillés, et d'autres, comme moi, qui font de la lutte contre la pauvreté une priorité.

Pour certains, bénéficier du RSA imposerait de fournir un effort supplémentaire d'insertion. Depuis quand les droits garantis par la loi sont-ils conditionnés aux « efforts » des citoyens ? A-t-on demandé aux bénéficiaires de la suppression de l'ISF d'en manifester le souhait ?

D'autres craignent que cette proposition de loi n'entraîne un versement automatique des prestations : qu'ils soient rassurés, le mécanisme proposé repose sur une demande initiale de l'ayant-droit.

Pour d'autres enfin, réduire le non-recours aurait un coût. Mais quel modèle de société voulons-nous ? Si des droits existent, ils doivent être appliqués !

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement avait jugé qu'une telle mesure allongerait les délais, que les bénéficiaires en pâtiraient. Ce n'est plus le cas dans cette version, je vous rassure. Ces arguments sont de circonstances et, pour certains idéologiques.

Cette proposition de loi a été adoptée le 12 novembre dernier, par amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Réaffirmons notre vote !

Quel que soit le sort de ce texte, nous continuerons à porter ce combat. Il n'est plus acceptable que certains droits soient seulement théoriques et que seuls les plus précaires aient à justifier de leurs efforts pour bénéficier de leurs droits. Il en va de la vie quotidienne de millions de Français. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Nombre de personnes éligibles aux droits et prestations sociales n'y recourent pas. Les sociologues ont relevé ce phénomène dès 1976 et des dizaines d'ouvrages l'ont abordé depuis. Le non-recours est désormais massif : un tiers des allocataires potentiels du RSA et un quart de ceux éligibles aux allocations familiales ne les perçoivent pas.

L'explication classique veut que si les personnes n'ont pas recours à leurs droits, c'est d'abord par ignorance. Le non-recours pourrait aussi être volontaire, par peur de la stigmatisation. Mais la principale cause réside dans la complexité des démarches qui découragent les demandeurs.

Pour y remédier, les organismes gestionnaires ont été responsabilisés : la lutte contre le non-recours fait désormais partie des missions des caisses de sécurité sociale. Les CAF obtiennent des résultats grâce à leurs « rendez-vous des droits ». Les modalités de repérage des personnes les plus en difficulté sont de plus en plus sophistiquées, notamment grâce aux techniques de data-mining - c'est l'article 82 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

Il faut aussi mieux informer les administrés sur leurs droits. Outre les simulateurs en ligne, le portail mesdroitssociaux.gouv.fr informe les assurés ; le portail monparcourshandicap sert de guichet unique numérique. Mais on se heurte à l'illectronisme et à la fracture numérique : selon le Secours catholique, près de 55 % des personnes interrogées disent rencontrer des difficultés avec les démarches en ligne. Parmi ceux que l'association prend en charge, un tiers n'a pas ou peu accès aux outils informatiques.

Souvent, les démarches sont mal conçues : il faut les refondre et les simplifier. Le nombre de prestations devrait aussi être limité.

En juin 2018, le projet de loi sur le revenu universel d'activité devait améliorer le dispositif. Trois ans plus tard, il s'est ensablé.

Dans ce contexte, la proposition de loi de Rachid Temal est astucieuse : elle ne touche ni aux prestations, ni aux conditions d'accès. Sans tout bouleverser, elle propose un mécanisme plus opérationnel.

Elle fait peser sur l'administration et non sur l'assuré la responsabilité de frapper à la bonne porte. Ainsi, pour les prestations relatives à l'autonomie, l'admission au bénéfice de l'AAH, de la PCH, de l'APA ou de la carte mobilité inclusion entraînerait automatiquement l'examen de l'éligibilité aux autres de ces droits et prestations qui ne sont pas incompatibles.

Un même mécanisme est prévu pour les personnes à faible ressources : la prime d'activité et les trois aides au logement.

Des liens sont prévus entre ces deux groupes de prestations et reliés avec le RSA et la complémentaire santé solidaire.

Un organisme saisi se prononcerait alors automatiquement sur toutes les prestations requises, ou transmettrait l'information.

Le principe de quérabilité des aides est respecté, puisqu'il faut une demande originelle pour déclencher l'examen de l'éligibilité à d'autres prestations. Ce mécanisme existe d'ailleurs déjà pour tout bénéficiaire du RSA qui a accès à la complémentaire santé solidaire (C2S).

Cette mesure alourdirait-elle les charges de gestion des organismes délivrant les prestations ? Ce n'est pas certain. En outre, la simplification des démarches éviterait les ruptures de droits en cascade, voire dégagerait des économies.

Quoi qu'il en soit, l'essentiel est d'accorder effectivement à chacun ce qui lui revient de droit.

Cette proposition de loi n'est pas chiffrée. Mais le manque d'étude d'impact concerne surtout nos budgets annuels, qui omettent d'évaluer les économies que nous procure le découragement des plus fragiles. Le Secours catholique appelle cela des « économies honteuses », Rachid Temal a parlé « d'hypocrisie française ».

Le législateur ne peut se payer de mots. À quoi sert de renforcer les aides si les bénéficiaires n'en profitent pas réellement ? Le non-recours peut, à terme, nous coûter bien plus.

Que le Sénat soit cohérent avec ce qu'il avait voté lors du PLFSS, après avis de sagesse de la commission.

Néanmoins, la commission des affaires sociales n'a pas adopté cette proposition de loi, que je soutiens à titre personnel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Bourguignon, en déplacement au Danemark.

Le lien entre l'éducation prioritaire et ce texte n'est pas évident, mais il y a des ponts, comme la précarité alimentaire ou le non-recours aux bourses.

La lutte contre le non-recours aux droits, qui précarise des personnes déjà fragiles, est au coeur de notre pacte social.

Les causes du non-recours sont multiples : ignorance de l'existence de ces prestations ; complexité des démarches administratives ; plus rarement, choix délibéré.

La problématique est complexe et les solutions doivent être adaptées.

Cette proposition de loi, quoique louable, présente des faiblesses techniques et opérationnelles. (M. Rachid Témal s'exclame)

Tout d'abord, le choix des prestations ciblées interroge. II ignore que les MDPH instruisent déjà un dossier unique rassemblant les demandes d'AAH, PCH et CMI.

Par ailleurs, ce texte méconnaît la complexité de notre filet de protection sociale, notamment au regard des liens et incompatibilités entre certaines prestations. Ainsi, l'AAH peut rarement être cumulée avec la prime d'activité.

Les informations disponibles pour une allocation peuvent être insuffisantes pour en obtenir une autre. Il faudrait alors revenir vers les intéressés, au risque d'allonger les délais de traitement.

L'harmonisation des bases ressources requerrait l'autorisation de la CNIL, qui refuse l'utilisation d'une même base de données pour différentes prestations, y compris au sein du même organisme de sécurité sociale.

Un tel dispositif nécessiterait d'allouer des moyens humains et financiers considérables aux organismes concernés, déjà surchargés, pour absorber ces nouvelles charges. (M. Rachid Témal le conteste.)

La proposition de loi poursuit un objectif légitime mais souffre d'insuffisances. Le Gouvernement a agi depuis le début du quinquennat pour que chacun bénéficie des aides et prestations auxquelles il peut prétendre. (M. Rachid Témal feint de s'en féliciter)

Depuis 2018, les campagnes de datamining donnent des résultats encourageants. En 2020, 7 705 allocataires ont ouvert un nouveau droit lié à la prime d'activité grâce au repérage.

Les « rendez-vous des droits » des CAF et des MSA sont utiles pour les plus vulnérables. En 2017, 50 % des bénéficiaires de ces entretiens personnalisés ont obtenu 1,4 prestation de plus. C'est considérable !

Quelque 107 équipes mobiles des CPAM et CAF se rendent dans les structures d'hébergements temporaires, permettant plus de 4 000 nouvelles ouvertures de droits. (M. Rachid Témal estime que de tels résultats sont loin d'être satisfaisants)

Nous avons simplifié les formulaires et diminué le nombre de justificatifs requis. Nous renforçons les échanges de données entre organismes de sécurité sociale.

Des simulateurs sont mis à disposition comme le portail des droits sociaux ou le site « Ma boussole » pour les jeunes. Je vous invite à les consulter.

Nous avons lancé des travaux ambitieux sur le revenu universel d'activité, conformément à l'engagement du Président de la République. (M. Rachid Témal ironise) Un rapport public sera remis d'ici la fin de l'année.

Le défi pour le Gouvernement est grand, mais nous sommes prêts à le relever.

M. Martin Lévrier .  - Le taux de non-recours aux aides sociales reste important : entre 32 et 44 % pour la CMU-C. Entre 7,5 et 8,2 % des allocataires ne recourent pas aux aides à la famille.

Ignorance, complexité des démarches, peur de la stigmatisation, les raisons sont complexes et multiples.

M. Rachid Témal propose un système par îlots - handicap et faibles ressources - avec un examen automatique des droits pour chacun d'entre eux.

Le manquement aux obligations ainsi créé serait constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. Ne risquons-nous pas d'aller ainsi vers la déresponsabilisation des allocataires ? (M. Rachid Témal le conteste)

En outre, le dispositif se heurte à des impossibilités matérielles. Le montant de certaines allocations est conditionné aux ressources, à la situation familiale ou au niveau de handicap. On pourrait demander inutilement certaines informations. Les démarches supplémentaires risquent d'allonger les délais d'obtention des prestations.

Le plan local d'accompagnement du non-recours et la plateforme d'intervention départementale pour l'accès aux soins aident les Français à accéder à leurs droits, de même que le site mesdroitssociaux.gouv.fr, ou les maisons France services : 200 millions sont prévus pour leur déploiement d'ici 2022.

N'oublions pas non plus les « rendez-vous des droits » des CAF et des MSA ou les démarches proactives des organismes afin de repérer les non-recours.

Cette proposition de loi se heurte à des impossibilités matérielles et ne prend pas en compte les actions du Gouvernement depuis 2018. C'est pourquoi le groupe RDPI ne la votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté en 2018, le Président de la République déclarait qu'« on n'a jamais réglé le problème de la pauvreté en s'assurant que des gens n'aient pas recours à un revenu ».

Nombre de personnes éligibles aux aides sociales n'en bénéficient pas. Outre la peur d'être stigmatisé, les principales raisons sont la méconnaissance des dispositifs et, surtout, la complexité d'accès aux aides.

Les réponses comme les « Rendez-vous des droits » organisés par les CAF ont montré leur efficacité, mais restent insuffisantes.

Environ un tiers des personnes éligibles au RSA ne le demandent pas, et un quart des personnes éligibles aux allocations familiales.

Avec la pandémie, le nombre de bénéficiaires du Secours populaire a augmenté de 40 %. Dans ce contexte, je remercie le groupe SER pour ce débat : la lutte contre le non-recours est en effet une question de justice sociale.

Certains pourraient penser que le non-recours permet de réaliser des économies. Mais ce sont des économies honteuses, pour reprendre la formule du Secours catholique. Comme l'a souligné Oxfam en 2015, le non-recours aux droits fait surtout obstacle à la réussite de notre politique sociale et augmente à long terme le coût de la lutte contre l'exclusion.

On ne peut que souscrire à l'objectif de lutter contre ce fléau, mais le mécanisme prévu par la proposition de loi interroge. Le revenu universel d'activité (RUA) proposé en septembre 2018 par le Président de la République, qui fusionnerait les prestations et s'accompagnerait d'une simplification des démarches, nous semble préférable ; il améliorera la lisibilité et l'équité des prestations. Le Premier ministre a récemment annoncé la reprise de la concertation sur ce sujet.

Aussi le RDSE ne votera-t-il pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Laurence Cohen .  - Alors que les débats se focalisent trop souvent sur le contrôle des bénéficiaires, cette proposition de loi a le mérite d'évoquer le non-recours aux droits et ses conséquences négatives en matière d'accès aux soins, d'exclusion sociale, d'accès au logement, d'alimentation, de réussite active et d'autonomie.

Il est inconcevable de ne pouvoir bénéficier d'une prestation faute d'avoir déposé un dossier, ou parce que les démarches sont trop complexes, ou que l'on n'a pas connaissance du dispositif.

Le coût du non-recours est supérieur à celui la fraude sociale, et l'automaticité de l'examen d'éligibilité à d'autres prestations lorsqu'une aide est octroyée constituerait un progrès indéniable. Cependant, cela pose la question de la formation des agents, dont le nombre ne cesse de reculer au gré des politiques d'austérité des gouvernements successifs.

Nous craignons aussi que le data mining ne conduise à un fichage et à un contrôle renforcé des bénéficiaires.

Enfin, la proposition de loi entretient la confusion entre la sécurité sociale, fondée sur les cotisations et gérée paritairement, et la protection sociale qui inclut la mutuelle, l'assurance, la prévoyance, les régimes de retraite et de chômage, dont la logique est tout autre.

Déjà en 2018, un amendement du député Olivier Véran prétendait introduire la notion de protection sociale dans la Constitution. Ensuite, un autre député, Thomas Mesnier, déposait une proposition de loi organique pour refonder le financement et la gouvernance de la Sécurité sociale. Enfin, dans cette même logique, la majorité sénatoriale déposait une proposition de loi organique pour refondre l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale en incluant l'assurance chômage et les complémentaires retraites.

Tout cela procède d'une reprise en main par l'État, avec un financement par l'impôt et l'intégration des assureurs privés.

On utilise la sémantique de la protection sociale pour effacer la Sécurité sociale. Pourquoi ne pas remplacer cette notion dans l'intitulé par celle de lutte contre le non-recours ?

Malgré cela, le groupe CRCE ne s'opposera pas à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Olivier Henno .  - Nous sortons à peine de l'une des plus grandes crises sanitaires de notre histoire contemporaine. Nous avons tenu ensemble grâce à la solidarité nationale, à l'engagement de nos soignants et au courage et à la discipline des Français.

L'État-providence est une chance. Mais jusqu'où doit aller la solidarité ? Comment permettre à chacun d'accéder à ses droits ?

Il n'est pas certains que les fondateurs du Conseil national de la résistance aient eu à l'esprit l'accès automatique à la solidarité nationale...

Les causes du non-recours sont multiples : complexité des démarches, ignorance ou méconnaissance des dispositifs, mais aussi non-recours volontaire par refus de la stigmatisation. Il touche davantage les plus précaires, les personnes isolées.

L'automaticité remet en cause le principe de démarche personnelle de l'assuré, signe de son adhésion au système de protection sociale. Depuis quelques années, l'État et les collectivités ont instauré des portails d'information et des simulateurs de droits ; les caisses d'allocations familiales (CAF) ont mis en place des « rendez-vous des droits ». S'il faut faire davantage contre le non-recours, il convient surtout de renforcer l'accompagnement individuel.

Cette proposition de loi, comme celle de Rémi Cardon qui étend le RSA aux 18-25 ans, pose la question sous-jacente du revenu universel d'activité. Les réflexions de Christophe Sirugue et la mission d'information menée par Jean-Marie Vanlerenberghe serviront de base à ce débat, qui devra intégrer toutes les dimensions du sujet : la solidarité, l'évaluation financière, la valeur travail, qui structure notre société.

En attendant, il n'est pas opportun de nous engager dans une démarche aussi complexe.

M. Rachid Temal.  - Toujours plus tard !

M. Olivier Henno.  - La réponse apportée par la proposition de loi est incomplète et insatisfaisante ; le groupe UC ne la votera pas.

M. Édouard Courtial .  - La solidarité nationale est la traduction du principe de fraternité. Il faut s'assurer qu'elle atteigne tous ceux qui en ont besoin.

Depuis 1945, notre pays s'honore de cette solidarité, sans cesse étendue.

Nous observons cependant un fort non-recours. Les dispositifs ne sont pas toujours connus, les démarches sont souvent jugées complexes et certains n'ont pas accès aux outils informatiques. Nous ne pouvons nous y résoudre.

Comme président du Conseil départemental de l'Oise, je me suis efforcé de garantir l'accessibilité des aides, en rappelant qu'elles sont le fruit du travail des Français. Il faut remplir les promesses que la République a faites à ses enfants les plus fragiles.

La proposition de loi classe les prestations en deux catégories - les aides liées à un handicap et celles liées à de faibles ressources - et prévoit que l'accès à une prestation sociale déclenche automatiquement l'examen d'éligibilité aux autres.

Elle n'est cependant pas satisfaisante. D'abord certaines prestations comme l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et l'allocation de l'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne sont pas concernées.

Ensuite, la répartition des responsabilités entre l'organisme qui notifie l'éligibilité et celui qui verse la prestation n'est pas précisée.

Le transfert de données entre les différents organismes nécessiterait d'importants moyens humains et techniques.

Enfin, le problème du non-recours est réel, mais les efforts menés aussi, notamment grâce aux acteurs associatifs que sont le Secours catholique, les Restos du coeur, la Croix-Rouge ou la Fondation Abbé-Pierre qui délivrent des aides. Faut-il placer entièrement la solidarité sous la responsabilité de l'État ? Je ne le crois pas.

Ce texte pose davantage de difficultés qu'il n'offre de solutions : le groupe Les Républicains ne le votera pas.

M. Rachid Temal.  - « C'est bien, mais... »

M. Joël Guerriau .  - Cette proposition de loi automatise l'examen de l'éligibilité à plusieurs prestations pour lutter contre le non-recours. La moitié des personnes éligibles au RSA et à la CMU-C n'en bénéficient pas par ignorance, en raison de la complexité des démarches ou par refus de la stigmatisation.

Nous partageons la volonté de trouver des solutions pragmatiques et pérennes. Ce texte reprend un amendement voté dans le PLFSS 2021 contre l'avis du Gouvernement, qui lui préfère un versement social unique dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

La première étape de ce plan est enclenchée, avec la révision des règles de calcul pour une meilleure prise en compte de la situation des bénéficiaires. La deuxième est la simplification des démarches administratives.

L'automaticité de l'examen de l'éligibilité pourrait être envisagée, mais elle appelle des réserves : la responsabilisation et l'accord des bénéficiaires doivent primer.

Le groupe INDEP remercie Rachid Temal pour son initiative, mais ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Je remercie le groupe SER pour cette initiative, alors que la crise et la contre-réforme de l'assurance chômage risquent d'accroître le nombre de bénéficiaires du RSA.

Cette proposition de loi renoue avec la démarche propre au travail social, qui s'attache aux besoins et à la situation globale de la personne, au-delà de la demande initiale des droits.

Le principe de quérabilité n'est pas remis en cause, le conditionnement et le périmètre des droits ne sont pas modifiés.

S'attaquer au non-recours, c'est aller au-delà du constat pour passer à une obligation de moyens afin que les organismes assument leur mission première de protection contre les risques et de réduction des inégalités. L'accès aux droits est de la responsabilité du politique.

Écartons l'argument financier, sauf à dire que l'on table, dès la conception d'une aide, sur une part de non-recours.

La protection sociale, par souci d'économie, se concentre sur un public de plus en plus restreint. Le refus de la stigmatisation conduit ainsi au non-recours, alors que le discours sur l'assistanat sature le débat public.

Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi vise à rendre concret le fruit de la solidarité nationale.

Loin de relever de l'assistanat, elle acte que certaines situations ouvrent des droits, qu'elles soient liées à la condition du bénéficiaire - perte d'autonomie liée au vieillissement, à la maladie ou au handicap - ou au faible montant de ses revenus, qui appelle une redistribution.

La rapporteure a rappelé les aides concernées et leurs objectifs. Les conquêtes de notre histoire sociale sont précieuses, elles nous obligent à faire du sur-mesure pour ne laisser personne au bord du chemin.

Pourtant, tous ne parviennent pas à s'en sortir, alors que, en même temps, beaucoup de personnes qui pourraient être épaulées par la solidarité nationale n'y ont pas accès faute d'avoir su ou pu faire instruire leurs droits. Cela concerne un cas sur dix pour les aides au logement, un sur trois pour la CMU complémentaire, deux sur trois pour l'aide à la complémentaire santé.

Ce texte répond à une partie du problème : l'instruction insuffisante des dossiers.

Malgré un constat partagé, pour la majorité sénatoriale l'urgence est relative. La solution retenue n'est pas idéale, des organismes de sécurité sociale seraient décriés, on ferait peser une charge injuste sur les collectivités... Pour d'autres, l'instruction automatique éloigne de la valeur travail ; certains entendent veiller à l'équilibre des comptes sociaux ; les derniers évoquent des contreparties...

L'automaticité n'est pas l'alpha et l'oméga de notre approche. Nous refusons les économies faites par le Gouvernement sur le dos des plus précaires. La baisse des APL puis leur contemporanéisation se feraient au détriment des plus précaires, en particulier des jeunes actifs.

Nous prônons un accompagnement humain des plus fragiles. L'instruction automatique libérera du temps pour les personnels - conseillers économiques et sociaux, au plus près des familles, en maraude dans les rues, en veille devant les établissements scolaires et les hôpitaux.

Les sciences sociales mettent en évidence diverses raisons au non-recours. L'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) souligne que certains bénéficiaires redoutent la stigmatisation. Pour ces personnes, faisons en sorte que fraternité ne rime pas avec indignité !

D'après le président de l'Odenore, Philippe Warin, les élus ont compris que le non-recours entraînerait des dépenses supplémentaires à terme. Rien que pour cette raison, il vaut la peine de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Christian Klinger .  - La sécurité sociale exprime notre conception de l'égalité et de la fraternité à travers l'État-providence.

Le non-recours aux droits sociaux est un phénomène bien réel, complexe et mal connu. Le recours à l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) se situe seulement entre 33 % et 47 % ; il est de 77 % pour la prime d'activité.

Les chiffres sont difficilement exploitables. Les raisons du non-recours sont diverses, mais la complexité des démarches y est pour beaucoup. Les bénéficiaires potentiels manquent de connaissances et de compréhension. Le non-recours touche particulièrement les plus fragiles.

Cette proposition de loi vise à remédier à ce problème via l'examen automatique de l'éligibilité des personnes. Ce mécanisme appelle de nombreuses réserves.

D'abord, le périmètre retenu n'englobe pas toutes les prestations.

Il y a aussi des difficultés concrètes de mise en oeuvre pour les caisses et les organismes de sécurité sociale. Ces derniers mettent déjà en place des mesures pour contrer le non-recours.

Enfin, le texte ne vise que ceux qui ont déjà formulé une demande de prestation, excluant les publics les plus éloignés.

Cette proposition de loi n'est pas une solution satisfaisante. Il faut prendre le problème par le bon bout en engageant une grande démarche de simplification de notre protection sociale.

En 2018, Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, avait confessé ne pas connaître toutes les aides existantes... Comment le simple citoyen s'y retrouverait-il dans cette tuyauterie si même le plombier en chef s'y perd ?

Il faut une approche globale du problème, en prenant également en compte la fraude sociale, évaluée à 1 milliard d'euros par la Cour des comptes et en augmentation continue... (M. Rachid Temal s'indigne.) En 2017, elle était estimée à 850 millions d'euros. Il y aurait aussi 2,4 millions de bénéficiaires fantômes de l'assurance maladie.

Trop peu est fait pour lutter contre ce phénomène ; les systèmes de contrôle, souligne la Cour des comptes, sont insuffisants.

Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Rachid Temal .  - Le non-recours est un vrai fléau et nous sommes d'accord pour le combattre.

Certains orateurs disent qu'il faudrait intégrer d'autres prestations, d'autres que le mécanisme est trop complexe. Mais pourquoi n'ont-ils pas déposé d'amendements ?

Les pauvres apprécieront la sagesse du Sénat consistant à ne rien faire... J'ai compris : il est urgent d'attendre !

Quant au Gouvernement, dont la ministre a voulu souligner la volonté, son bilan est éloquent : baisse des APL et des allocations chômage.

Votre démarche active, c'est de proposer un rapport en fin d'année... Les bras m'en tombent ! Où est la conviction, où sont les propositions ?

Ce texte n'est pas parfait mais il méritait mieux que l'absence d'amendement et un scrutin public pour sauver la majorité qui - comme l'Allemagne au football, disait Gary Lineker - gagne toujours à la fin...

M. René-Paul Savary .  - Avant de voter une nouvelle loi, il faudrait appliquer ce qui existe. Le décret en Conseil d'État prévu sur les catégories de données utilisées faisant l'objet d'un partage entre organismes et les garanties données aux usagers est toujours en préparation.

La majorité sénatoriale n'a pas à rougir de ses politiques sociales. C'est nous qui avons créé le RSA.

M. Rachid Temal.  - Et nous qui avons créé le RMI !

M. René-Paul Savary.  - L'essentiel à nos yeux, c'est l'équilibre entre les droits et les devoirs. Or l'instruction automatique ne favorise pas la conscience des devoirs.

M. Temal a évoqué le problème des silos. Certes, le croisement des données est intéressant. Cependant, proposer un partage des données numériques laisse en dehors les cas les plus difficiles, ceux qui n'entrent dans les critères d'aucune prestation. Le data mining n'est pas inutile pour repérer le non-recours ; je l'avais pratiqué en tant que président de conseil départemental.

Le texte ne mentionne pas d'avis de la CNIL sur les partages de données ; or l'expérience montre que dans ce domaine, nous nous heurtons souvent à un certain manque d'ouverture d'esprit de la part de cette commission.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le dernier orateur de la discussion générale est revenu sur la fraude sociale, évaluée à un milliard d'euros. Le montant du non-recours, je le rappelle, est de 13 milliards...

Je relève aussi que lorsque la majorité sénatoriale a présenté une proposition de loi contre la fraude sociale, la question des partages de données semblait moins problématique !

Lutter contre le non-recours dans le cadre des droits existants ne signifie pas que ceux-ci seraient parfaits. Simplement, un tiers de ceux qui devraient toucher le RSA n'y ont pas accès. Nous avons une obligation de résultat. C'est pourquoi nous voterons la proposition de loi.

Le Secours catholique, plusieurs fois cité dans la discussion, demande un revenu minimum garanti sans contrepartie. C'est un autre débat, tout aussi nécessaire.

Ne pas déposer d'amendements reflète une absence de volonté de s'attaquer au non-recours.

D'aucuns ont parlé de devoirs pour les bénéficiaires : où sont les devoirs exigés des entreprises en contrepartie des milliards du CICE ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°130 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 92
Contre 238

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 10 juin 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à 19 h 20.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 10 juin 2021

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

Présidence : M. Pierre-Laurent, vice-président M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires de séance : M. Loïc Hervé - M. Pierre Cuypers

1. Proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, présentée par M. Pierre-Antoine LEVI et plusieurs de ses collègues

2. Proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie, présentée par Mme Anne-Catherine LOISIER

À l'issue de l'espace réservé au groupe UC

M. Roger Karoutchi, vice-président

3. Débat sur le thème : « Revitalisation des centres-villes : quelles stratégies, quels résultats ? »

4. Débat sur le thème : « Quelle portée de l'intervention du Parlement dans l'élaboration du projet de loi de finances ? »