SÉANCE

du mardi 29 juin 2021

117e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Lutte contre le dérèglement climatique (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

M. Ronan Dantec .  - Le patron du programme alimentaire mondial (PAM) a alerté cette semaine sur la grave famine à Madagascar, la première depuis longtemps en Afrique qui ne soit pas causée par un conflit. Après plusieurs années de sécheresse, c'est la première famine liée au réchauffement climatique.

L'urgence de l'action s'impose à nous. Les effets de nos décisions se feront sentir dans dix ans : si nous souhaitons stabiliser le climat, nos émissions de CO2 doivent diminuer dès 2030. L'Europe, à cet égard, prend seule ses responsabilités en fixant un objectif de 55 % de baisse de ses émissions à cette échéance. Cette ambition nécessite une mutation importante de nos économies qu'accompagnera le Green Deal européen décliné pour chaque État membre.

Le respect de cet engagement par la France a fait l'objet d'un amendement transpartisan, dont le vote par le Sénat fut un moment important, l'occasion d'affirmer collectivement notre adhésion à l'objectif fixé par l'Europe.

Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce projet de loi ; je rends hommage aux rapporteurs et les remercie d'avoir fait adopter 44 de nos amendements, dont certains très ambitieux.

Cependant, le texte adopté par le Sénat ne permettra pas d'atteindre une réduction de 55 % des émissions en 2030 - le projet de loi initial non plus. Selon le Boston Consulting Group et le Haut Conseil pour le climat (HCC), nous arriverons au mieux à une diminution de 30 à 35 %. C'est extrêmement problématique.

À Glasgow, lors de la réévaluation quinquennale de l'Accord de Paris, les pays devront prendre de nouveaux engagements pour limiter le réchauffement climatique à un maximum de deux degrés. Les négociations internationales apparaissent difficiles. Certes, l'Europe arrive en force en affichant un objectif de réduction de 55 %, mais les déclinaisons nationales devront être crédibles pour imposer notre vision au niveau mondial. Les négociateurs des autres pays nous observent.

Nous ne pouvons que voter contre ce texte qui fragilisera la position européenne dans ces négociations.

Je n'ai guère le temps d'analyser les avancées et les reculs opérés au Sénat. Une certitude cependant : sans la mobilisation des collectivités territoriales, responsables de 50 % des émissions, nous ne tiendrons pas nos engagements. Or l'État ne leur octroie aucun financement nouveau.

Notre stratégie sur le transfert modal de l'avion vers le rail apparaît cohérente : TVA à 5,5 % sur les billets de train, maintien de la compensation et, surtout, de la taxe Chirac, qui ne doit en aucun cas être remplacée par un échange de quotas carbone au niveau européen ou mondial.

Sur le photovoltaïque, le texte envoie aussi des signaux intéressants.

En revanche, le refus de limiter la publicité et l'offensive contre l'éolien, y compris offshore, dont la production sera limitée à 50 gigawatts, avec droit de veto des communes s'agissant des installations sur le domaine maritime, sont inacceptables et absurdes ! (M. Daniel Gremillet proteste.) Il en va de même du refus d'encadrer les pratiques agricoles polluantes, comme l'usage d'engrais azotés, extrêmement émetteurs de CO2. (Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, le conteste.)

Ce texte est une occasion manquée, dont la Convention citoyenne sur le climat (CCC) n'est pas responsable. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous devrons rapidement y revenir, en tout état de cause avant la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévue en 2023.

Dans la perspective de la commission mixte paritaire, madame la ministre, je ne puis que vous conseiller de garder le meilleur de chaque assemblée en matière de protection du climat ; au moins aurons-nous un peu progressé ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Roger Karoutchi.  - J'ignorais que la ministre siégeait à la commission mixte paritaire...

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous y voilà ! Après deux semaines de débats riches et passionnés, nous arrivons au bout de ce texte sur la résilience, dont Boris Cyrulnik parle le mieux : « le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur ». La résilience, c'est notre capacité à nous développer malgré l'adversité. Ce texte nous invite donc à l'action.

Nos débats ont coïncidé avec le dernier rapport, alarmiste, du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui appelle à une action rapide et résolue : un changement est encore possible, à condition de transformer nos comportements. Cela suppose une adhésion de nos concitoyens, car nous ne croyons pas aux vertus de l'autoritarisme.

La France prend toute sa part à l'effort ; elle s'est imposée comme leader de la lutte contre le réchauffement climatique en menant, depuis 2017, une politique ambitieuse. Les faits sont têtus : 30 milliards d'euros pour la transition énergétique dans le cadre du plan de relance, objectif de neutralité carbone en 2050 inscrit dans la loi, plan biodiversité de 90 mesures et 600 millions d'euros, fermeture de Fessenheim, abandon du projet Montagne d'or en Guyane et de la construction de Notre-Dame-des-Landes.

Nous sommes face à un double défi, démocratique et écologique. Ce texte traduit les propositions de la Convention citoyenne (M. Albéric de Montgolfier proteste.) pour mettre un terme à l'étalement urbain, aux passoires thermiques, aux voitures polluantes, aux vols domestiques de courte durée, notamment. Si la France montre l'exemple, la réponse au réchauffement climatique ne peut cependant être qu'européenne et internationale.

Ce texte a fait l'objet d'un examen minutieux au Sénat. Je salue le travail remarquable des rapporteurs, même si nous ne partageons pas tous les choix retenus. Je pense au manque de volonté patent sur énergies renouvelables et sur les zones à faibles émissions (ZFE) ou aux contradictions de la majorité sénatoriale sur l'artificialisation des sols, sans oublier sa position sur les engrais azotés. Nous aurions pu tendre, sur ces sujets, vers plus de volontarisme.

De nombreux collègues regrettent le manque d'ambition du texte. Je crois, au contraire, qu'en se fondant sur la confiance et la responsabilisation, il rendra possible l'appropriation de l'écologie par les Français. Ce texte fait le pari du bon sens pour faire évoluer les comportements de consommation, de voyage et de logement vers un plus grand respect de l'environnement. Les objectifs à atteindre sont connus et les Français disposent désormais d'une feuille de route.

Ce texte conjugue pragmatiquement les objectifs environnementaux, économiques et sociaux. Des avancées ont été votées, que nous saluons. Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le rapport du GIEC est parfaitement clair : les mesures actuelles ne suffiront pas pour éviter un changement climatique majeur, fatal à l'humanité. Il est encore possible d'éviter ce scénario en agissant résolument.

Les résistances, pourtant, demeurent fortes, alors qu'un nombre croissant de nos concitoyens prennent la mesure de la situation. Si l'échelon européen doit être privilégié, la France doit prendre ses responsabilités. Tel est le sens de l'amendement transpartisan voté par le Sénat en ouverture du projet de loi.

La loi, cependant, ne peut pas tout. Notre rôle est de sensibiliser, de convaincre et d'accompagner les Français. Hélas, leur adhésion n'est pas acquise - voyez l'abstention.

Pour changer en profondeur les comportements, il convient également d'améliorer l'information des consommateurs. À cet égard, nous sommes satisfaits du transfert au préfet du pouvoir de police en matière de publicité ; les communes rurales n'auraient pu l'assurer. Avec le prêt à taux zéro (PTZ) sur l'achat de véhicules moins polluants ou la TVA à 5,5 % sur les billets de train, le Sénat a fait oeuvre utile pour accompagner les ménages modestes dans leur transition écologique.

En matière de logement, en revanche, les mesures votées déçoivent, alors que la rénovation énergétique constitue un enjeu majeur pour atteindre l'objectif d'un parc BBC (Bâtiment basse consommation) en 2050.

L'agriculture étant responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre, je considère qu'il ne peut y avoir de lutte efficace contre le réchauffement climatique sans nos agriculteurs. Il faut récompenser les bonnes pratiques et mieux partager la création de valeur. À cet égard, nous saluons l'adoption de l'amendement de Franck Montaugé sur la reconnaissance des externalités positives de l'agriculture en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire.

En revanche, les dispositions relatives à l'artificialisation des sols auraient dû davantage protéger les terres agricoles ; il faudrait mener une étude de terrain pour préserver ces espaces de l'urbanisation. Le Sénat a montré ici une curieuse contradiction.

Le Gouvernement est également passé à côté d'une simplification nécessaire du droit pénal environnemental. Je regrette que le délit de mise en danger environnementale n'ait pas été créé. Quant à celui d'écocide, nous veillerons à ce qu'il soit mis en oeuvre à l'échelle internationale.

Le compromis démocratique qu'a constitué la Convention citoyenne mérite d'être perfectionné. Toutefois, il n'enlève rien à la légitimité de la démocratie représentative, défenseur de l'intérêt général. Avec la Convention citoyenne, le Gouvernement recherchait l'acceptabilité. Dommage que la méthodologie n'ait pas été expliquée au départ, cela aurait évité bien des frustrations.

Je songe à ce dessin de Xavier Gorce, paru en 2017, où un pingouin dit : « C'était mieux avant. Quand ? lui demande un autre. Quand je croyais que ce serait mieux après. » Il est temps d'agir.

Je m'abstiendrai, comme la majorité des membres de mon groupe, sur ce texte important, mais insuffisamment ambitieux. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe SER)

M. Fabien Gay .  - Il est déjà minuit pour notre planète, pour l'humain, pour le vivant. La Terre se dégrade irrémédiablement, le vieux monde s'écroule, les espèces disparaissent, l'habitat de bien des peuples est en danger, mais nous regardons ailleurs... Les catastrophes naturelles sont de plus violentes, de plus en plus fréquentes, mais nous regardons ailleurs...

Dans trente ans, notre monde subira des pénuries d'eau et des exodes massifs de populations en raison du changement climatique.

En 2050, que diront nos descendants de notre inaction ? Nous avons fait si peu ! Il fallait changer nos modes de vie et de pensée, rompre avec le modèle capitaliste qui épuise les ressources du monde. Nos efforts ne représentent guère plus qu'un sparadrap sur une hémorragie massive !

Pourtant, nous sommes la dernière génération d'hommes à pouvoir agir avant qu'il ne soit trop tard ! Hélas, ce projet de loi apparait déjà obsolète.

Vous n'avez écouté que vos peurs, ignorant ceux qui se mobilisent. Les propositions de la Convention citoyenne, établies avec énergie, réflexion et espoir, ont été piétinées.

Le mot d'ordre de nos débats fut l'évitement. Nous avons échangé durant des heures sur l'agriculture, sans avancer sur le revenu paysan ou sur la politique agricole commune. (M. Laurent Duplomb le conteste.) Le régime autorisant les pesticides sera rétribué au même niveau que l'agriculture biologique. Or les aides aux protéines végétales ne suffisent pas pour limiter les importations.

M. Laurent Duplomb.  - Avec le goulag, c'était mieux !

M. Fabien Gay.  - Et que dire de votre attentisme face au fléau des engrais azotés ?

Alors que se multiplient les accords de libre-échange mortifères, notamment en matière de déforestation, vous évitez de vous confronter aux problèmes. Vous refusez de voir la cohérence de vos actions avec les conventions internationales et préférez débattre des cantines scolaires...

Certes, l'amendement rehaussant l'objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre de 40 à 55 % en 2050 a été adopté, conformément à l'objectif européen. Mais, selon le HCC, ce texte n'engage aucun changement structurel permettant de l'atteindre.

Nous nous sommes émus du partage de la ressource en eau, tandis que le Gouvernement autorise la privatisation de l'eau potable avec la fusion Veolia-Suez.

Quant aux banques, Oxfam a dénoncé leur absence d'engagement environnemental et leur soutien aux énergies fossiles à hauteur de 100 milliards d'euros. Le texte ne les contraint nullement. En revanche, il renonce à toute mesure de justice sociale, alors que les inégalités explosent. Vous ignorez les plus précaires, touchés au premier chef par le réchauffement climatique. Il faut lier justice climatique et sociale - la transition doit être accessible à tous.

Vous êtes aussi restés discrets sur le logement et sur le ferroviaire et avez évité d'évoquer le partage du temps de travail, de la valeur ajoutée, de la taxation du capital (M. Pascal Martin, rapporteur, proteste.)

Certes, le Sénat a amélioré le texte sur les véhicules polluants ou la TVA à 5,5 % sur les billets de train, mais les reculs sur les ZFE apparaissent inacceptables, de même que la casse de SNCF Réseau par l'externalisation des terminaux de fret.

Sans remise en cause du dogme de la concurrence libre et non faussée, nous ne pourrons répondre à l'enjeu climatique. Les biens communs et le service public devraient être au coeur du débat, mais vous préférez démanteler EDF.

Vous avez voulu tout changer pour que rien ne change. Nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur quelques travées du GEST)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie les membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et ses rapporteurs, ainsi que les rapporteurs pour avis des autres commissions pour le travail mené collectivement.

Nous voici à la fin de ce marathon, débuté avec la présentation, en juin 2020, des propositions de la Convention citoyenne sur le climat. Si celle-ci a démontré que certaines formes de démocratie participative pouvaient s'avérer utiles, elle n'a jamais eu vocation à se substituer au Parlement. Nous n'avons pas abandonné notre pouvoir de proposition ni d'amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE et du groupe Les Républicains)

Nous regrettions que le projet de loi initial fut bavard sur certains points et muet sur des sujets importants. De fait, la Convention citoyenne n'abordait ni le mix électrique, ni la tarification carbone, principaux leviers pour atteindre la neutralité carbone. Le texte préférait traiter des échantillons commerciaux et des avions publicitaires... Il présentait des faiblesses originelles, que nous avons souhaité corriger.

Les apports du Sénat s'articulent autour de trois ambitions : d'abord, la suppression des angles morts du texte, avec le doublement du fret ferroviaire-fluvial ou la protection de nos forêts - qui absorbent 11 % des émissions des gaz à effet de serre.

Ensuite, nous avons tenté de concilier les enjeux économiques, écologiques et sociaux. Je pense notamment aux aides à la rénovation énergétique des bâtiments et au taux à 5,5 % appliqué à ces travaux, qui créent des emplois non délocalisables et améliorent la qualité de vie de la population. Signe que la transition écologique soulève davantage d'opportunités que de menaces !

Enfin, nous avons défendu une écologie responsable et pragmatique, au plus près du territoire, avec un droit d'option pour les 200 communes concernées par le recul du trait de côte, la déclinaison de l'objectif « zéro artificialisation des sols » (ZAN) au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et la dynamisation de la politique alimentaire territoriale.

Le Sénat a démontré son ambition écologique. Il n'est pas une assemblée ringarde ou hors sol. Nous avons collectivement approuvé les engagements pris par la France : si notre pays ne représente qu'1% de la population mondiale, il peut avoir une influence sur les négociations internationales. « Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue », disait Victor Hugo. La France peut donner une impulsion.

Le groupe UC a pris toute sa part au débat. Il a fait entrer dans le code minier la gestion minière durable, introduit l'écotaxe modulée pour les poids lourds à faibles émissions, les schémas cyclables et les dérogations au code de la commande publique pour la rénovation des bâtiments publics.

Nous voterons ce texte et souhaitons que la CMP aboutisse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc des commissions)

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous voici au bout d'un marathon législatif effréné de quinze jours. La voie fut étroite pour notre groupe, entre une majorité présidentielle et un Gouvernement qui dénaturaient les propositions de la Convention citoyenne et une majorité sénatoriale qui tentait vainement de se verdir et arcboutée contre l'écologie « punitive » - beau prétexte à l'immobilisme. (M. Antoine Lefèvre proteste.)

Pourtant, la canicule à Paris, comme le rapport du GIEC et le rapport Tirole-Blanchard auraient dû nous alerter. Nous préférons, hélas, multiplier les expérimentations sans entendre les citoyens. À force de sur-place et d'aveuglement, nous construisons des usines à gaz et nous organisons notre propre impuissance en démantelant EDF !

La France n'assume pas son leadership écologique quand elle affaiblit sa stratégie nationale bas carbone (SNBC) !

Le GIEC invite à une transformation radicale des comportements individuels et collectifs. Ce projet de loi, hélas, n'y participe guère... Il faut lier écologie et justice sociale, redéfinir notre mode de vie et de consommation.

Je regrette que le Sénat n'ait pas terminé sa mue écologique. La jeunesse appelle légitimement à ce que la classe politique soit formée aux enjeux climatiques, comme le furent les membres de la CCC.

Nos efforts furent insuffisants pour convaincre la majorité sénatoriale de rehausser ce texte parcellaire, même si nous saluons l'introduction de critères sociaux dans l'affichage environnemental, l'inscription des objectifs de développement durable (ODD) dans l'achat public, la réduction de la TVA sur les billets de train, ainsi que les dispositions faisant suite à la commission d'enquête sur la pollution des sols de notre collègue Gisèle Jourda et à la mission d'information sur les catastrophes naturelles de Nicole Bonnefoy. La reconnaissance des externalités positives de l'agriculture, portée par Franck Montaugé, représente également une avancée importante. Il faut préserver nos agriculteurs de la concurrence déloyale des produits importés.

Au vu des avis défavorables du Gouvernement, je crains cependant que ces acquis ne résistent pas à la commission mixte paritaire...

Ce projet de loi comporte trop peu d'objectifs sociaux, comme la garantie emploi vert que nous proposions. N'oublions pas, cependant, que les Gilets jaunes sont nés d'une augmentation de la taxe carbone sans étude d'impact ni concertation. Privée de dimension sociale, la transition écologique est condamnée à échouer et les inégalités, à se renforcer.

Illustration de nos paradoxes : d'un côté, le Gouvernement refuse d'interdire les vols en jet privés supérieurs à deux heures et demie - ne touchons pas aux ultra-privilégiés - alors qu'il s'agit de protéger nos enfants...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Caricature !

M. Joël Bigot.  - ... de l'autre, la droite, tout en reculant la date à laquelle les logements classés F ou G ne pourront plus être loués, favorise les expulsions pour travaux.

Ce projet de loi, alors que le CCC fut une réussite démocratique, est un constat d'échec. Nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST et du groupe CRCE)

M. Stéphane Ravier .  - « Nous empruntons la terre à nos enfants », disait Saint-Exupéry. Il nous incitait à envisager la vie dans le temps long et à protéger notre bien commun.

Par son titre, confondant climat et écologie, ce projet de loi annonçait déjà un prêt-à-penser. Il fait le lit de l'écologie punitive, en érigeant la taxation comme l'alpha et l'oméga de nos politiques. Pour le reste, dans une sorte d'« en même temps » progressiste, il se contente de mesures de surface, comme les éoliennes, totem écolo-boboïste, qui tuent nos oiseaux et ruinent les contours poétiques de nos paysages. Dans les Bouches-du-Rhône, leur implantation au pied de la Sainte-Victoire chère à Cézanne est un crime !

Vous défigurez le pays pour un bilan carbone négatif, qui favorise in fine le retour des centrales à charbon ! Il faut que les maires refusent cette implantation. Le Sénat l'a permis, de même qu'il a supprimé l'écocide, qui aurait pu se retourner contre le parc éolien offshore que vous préconisez dans la baie de Saint-Brieuc, madame la ministre !

Le Sénat est également revenu sur l'obligation de proposer un menu végétarien dans les cantines scolaires. Quelque 70 % du poulet qui y est servi est importé, notamment du Brésil, mais vous vous focalisez sur le menu végétarien !

Les questions environnementales sont instrumentalisées par des idéologues, qui s'acharnent à couper nos racines.

M. Guy Benarroche.  - Cela suffit !

M. Stéphane Ravier.  - Revenons aux circuits courts, luttons contre la mondialisation !

Il existe encore un bon sens local : je remarque qu'il n'y a pas d'éoliennes dans le jardin du Luxembourg, ni de panneaux solaires sur le toit du Palais... (Sourires)

M. Jean-Pierre Grand.  - Vous brassez suffisamment de vent !

M. Guy Benarroche.  - Ce serait une bonne idée !

M. Stéphane Ravier.  - Je remercie le Sénat d'avoir porté la vision des élus locaux sur ce projet de loi et je le voterai.

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 juin, lors de la discussion générale, j'avais regretté le manque d'ambition du texte au regard des engagements pris par le Président de la République. Nous avons, ensemble, adopté un amendement exigeant le respect de l'Accord de Paris, pour rappeler au Gouvernement ses obligations, alors que le HCC et les organisations non gouvernementales (ONG) s'inquiètent.

Nos échanges ont été riches, sans sombrer dans la caricature. Individuellement et collectivement, nous partageons la conviction de l'urgence climatique. La France, grande puissance, doit faire porter sa voix et contribuer à cet effort. Ce projet de loi y contribue.

Les commissions des affaires économiques et du développement durable l'ont enrichi, décortiquant chaque article, avec le sens des responsabilités qui caractérise le Sénat. Les rapporteurs ont su trouver un équilibre subtil entre raison, négociation et tentation de suppression. Je les en remercie.

Sommes-nous allés assez loin, ou trop loin ? Cette question signifie sans doute que la voie médiane adoptée est la bonne. Nous avons voté des avancées sur tous les titres : économie sociale et solidaire, commande publique, pollution des eaux, éolien, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), transport ferroviaire, compensation carbone, vélo, ZFE, recul du trait de côte, pollution des sols, restauration collective, déforestation... Cette liste non exhaustive montre l'importance de la contribution de tous les groupes.

Notre économie évolue vers la décarbonation, les énergies renouvelables et les investissements respectueux de l'environnement. Ces enjeux sont désormais largement intégrés par les associations, les entreprises, les agriculteurs, les collectivités territoriales et les syndicats. Engagé depuis toujours, j'attendais cette évolution rapide et positive.

Restons lucides cependant : il reste beaucoup à faire pour modifier la trajectoire du réchauffement climatique. Nous sommes confiants sur la capacité de l'Union européenne à réagir. Ne cédons pas au défaitisme ; nous avons besoin d'une espérance, loin de tout catastrophisme. J'ai foi en notre humanité !

Le groupe Les Républicains votera ce texte. Les ministres présents en séance ont pu constater notre engagement et notre espoir d'aboutir à une commission mixte paritaire conclusive. Ce serait un signal fort avant la COP26 de Glasgow et la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une fois de plus, le Sénat a apporté sa touche territoriale à un texte « XXL » qu'il a ancré dans le concret, avec pragmatisme et équilibre. La commission a mené un travail remarquable.

Selon les adeptes de la décroissance, le Gouvernement aurait trahi les ambitions de la CCC. Je crois plutôt qu'il s'est montré pragmatique. Il faut dire que s'agissant d'écologie, la bien-pensance et la bureaucratie ont trouvé un terrain d'entente...

Ce texte est une mine d'or pour tous les administrateurs convaincus que la complexification des normes et l'alourdissement des charges sont gages d'une action publique vertueuse. Comment de simples citoyens auraient-ils pu inventer de telles complexités sans l'aide bienveillante des fonctionnaires de l'Hôtel de Roquelaure ?

Les huit parties du texte traitent de sujets aussi divers qu'importants. Nous avons débattu de la rénovation des bâtiments, de l'écocide, des transports, de la publicité ou encore des énergies et de l'agriculture. Mais nous avons eu l'impression de passer à côté des sujets primordiaux.

Comment avoir un objectif ambitieux de diminution des gaz à effet de serre en évoquant du bout des lèvres la question du nucléaire et le report modal ?

Les Indépendants ont déposé de nombreux amendements qui reflètent notre vision écologique pragmatique au service d'une transition rapide, efficace et juste.

En évitant les sur-transpositions ou les auto-flagellations, nous devons parvenir à un consensus sur l'agriculture pour concilier juste rémunération et transition écologique. Sachons reconnaître que notre agriculture est l'une des meilleures et des plus propres du monde. À écouter les intégristes en tout genre, nous finirons par importer n'importe quoi pour nous nourrir ! (Marques d'approbation à droite)

Dans notre mix énergétique, le nucléaire est essentiel et la France doit continuer à investir et à innover dans ce domaine.

M. Jean-Claude Requier.  - Très bien !

M. Pierre Médevielle.  - Membre du Conservatoire du littoral, je tiens à souligner l'importance extraordinaire du littoral pour notre territoire.

Cessons de pénaliser nos PME dans le secteur du transport routier. Donnons du temps à la transition tout en accompagnant réellement nos entreprises. La transition ne doit pas détruire nos emplois et notre économie !

L'écart entre les objectifs fixés pour réduire l'artificialisation des sols et les moyens alloués est vertigineux. Quel manque de réalisme ! Nous risquons d'imposer aux territoires ruraux une double peine, freinant leur développement et pénalisant ceux qui ont peu artificialisé récemment.

En matière de transition écologique comme dans d'autres domaines, les solutions ne seront efficaces que si elles sont territorialisées. Nous aurons l'occasion, au cours de l'examen du projet de loi 3DS, d'approfondir les débats sur la différenciation et la décentralisation.

Le dérèglement climatique est sensible sur tous les territoires ; nous devons nous adapter rapidement, mais pas en reculant. Trouvons des solutions ambitieuses, audacieuses et novatrices. Elles n'auront de sens que si nous les élaborons à l'échelle européenne puis mondiale.

Le groupe Les Indépendants unanime votera ce texte, en espérant une CMP conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur le banc des commissions)

Scrutin public ordinaire

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°148 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 293
Pour l'adoption 193
Contre 100

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Je salue celles et ceux qui ont été à l'initiative de ce texte : les 150 citoyens de la Convention citoyenne sur le climat, qui y ont consacré beaucoup de temps, de nombreux week-ends loin de leurs familles... (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - Et nous alors ?

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Et ce de façon bénévole.

Ce dispositif est sans doute perfectible, mais il a le mérite d'apporter une réponse au désarroi dans une démocratie que nous devons réinventer. Ceux qui s'inquiétaient - et j'en faisais partie - d'une opposition entre la Convention citoyenne et la démocratie représentative peuvent être rassurés.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous êtes bien la seule !

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Chacun a fait son travail et joué son rôle. Ce texte fait suite à d'autres lois sur la mobilité, l'économie circulaire, la lutte contre le gaspillage ou encore l'énergie.

Le plan de relance consacre 30 milliards à la transition écologique. C'est pourquoi cette loi n'aborde pas tous les sujets - et je comprends votre frustration. La programmation pluriannuelle de l'énergie fera, quant à elle, l'objet d'une loi d'ici quelques années.

Nous avons cherché à éviter les erreurs du passé : penser la transition écologique sans se soucier des retombées sur les territoires et les citoyens. Pas une disposition de ce texte n'est dénuée de mesures d'accompagnement, surtout à l'égard des personnes les plus en difficulté.

Je salue le travail réalisé par vos rapporteurs, vos présidents de commissions, même si nous sommes en désaccord sur certains points. Mais - immense progrès ! - je n'ai entendu sur aucun banc de remise en cause de l'urgence à combattre le changement climatique.

J'entends les grandes déclarations appelant à tenir les objectifs fixés, mais il est bien plus difficile de les traduire dans la pratique...

Nous avons des désaccords importants sur les ZFE, l'artificialisation, la continuité écologique des cours d'eau, les énergies renouvelables, la publicité, l'écocide.

Nous verrons ce qu'il en sera en commission mixte paritaire.

Quoi qu'il en soit, je souhaite que le texte garde toute son ambition !

La séance, suspendue à 15 h 45, reprend à 16 h 05.