SÉANCE
du mardi 20 juillet 2021
12e séance de la session extraordinaire 2020-2021
présidence de M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires : Mme Esther Benbassa, Mme Corinne Imbert.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.
Financement des appareils de communication alternative améliorée
Mme Jocelyne Guidez . - Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) refusent de prendre en charge les outils de communication alternative améliorée (CAA) pour les personnes touchées par des troubles de langage.
De nombreux enfants et adultes affectés de troubles complexes de communication, notamment du syndrome de Rett, n'ont pas accès à la CAA. Les demandes des familles sont très souvent refusées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au motif que la CAA devrait être accompagnée par des professionnels lors des séances d'orthophonie.
Mais communiquer, c'est un droit. N'importe lequel d'entre nous peut potentiellement être un futur utilisateur de la CAA ! Afin de construire une réelle société inclusive, il est urgent d'évoluer. Les MDPH doivent enfin financer la CAA.
Qu'allez-vous faire pour mettre fin à des refus de prise en charge financière de la CAA par les MDPH qui vont à l'encontre de la convention internationale relative aux droits des personnes en situation de handicap ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées . - La technologie doit être au service de l'autonomie. Le dernier comité interministériel du handicap a permis de faire le point sur les avancées, dans le droit fil d'un récent rapport de Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, qui prévoit de renforcer l'accompagnement et réduire le reste à charge des familles. La CAA est un élément essentiel de l'autonomie et de la qualité de vie des personnes handicapées. Elle est financée à hauteur de 75 % du prix d'achat dans le cadre des aides techniques de la prestation de compensation du handicap (PCH) par la CDAPH.
Il y a un problème d'équité territoriale. Lors du comité interministériel du 5 juillet, j'ai annoncé le développement de ces outils pour généraliser la CAA, afin que chaque personne puisse bénéficier de moyens de communication. Nous allons travailler à une meilleure identification des besoins et à une meilleure appropriation des matériels, notamment grâce à un cahier pédagogique et à des pôles ressources dans lesquels les personnes pourront essayer le matériel. Enfin, nous travaillons avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les professionnels de la MDPH à la révision des modalités de financement dans le cadre de la PCH afin de réduire le reste à charge, ainsi qu'au changement des pratiques. Je vous tiendrai informés de ces avancées.
Mme Jocelyne Guidez. - Les inégalités sont encore trop criantes. Nous constatons de nombreux freins qui restent à lever : rupture des apprentissages, difficulté d'accès aux outils, réticence des soignants à faire les démarches... Près de 78 % des professionnels déplorent un manque de temps, et 65 % jugent leur formation insuffisante.
Place en établissement médico-social pour les jeunes en situation de handicap
Mme Laure Darcos . - Lucas, Zinedine, Camille sont des enfants autistes de l'Essonne. Ils sont invisibles et la vie de leurs parents est difficile, avec d'importants sacrifices, tant professionnels que sociaux. Le manque de places dans les établissements médico-sociaux est criant.
Lors de la cinquième conférence nationale du handicap du 11 février 2020, vous avez prévu de nouvelles solutions afin d'éviter les déplacements contraints en Belgique. Concrètement, 1 000 places devront être créées en trois ans sur trois régions prioritaires - Île-de-France, Hauts-de-France et Grand-Est, en plus des 2 500 déjà programmées pour 2021-2022 sur tout le territoire. Combien de places seront-elles créées, en Essonne notamment, et pour quels projets ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées . - En nous appuyant sur les départements et les associations de personnes handicapées, nous voulons réduire les déplacements subis en Belgique : il en va de notre responsabilité collective. Trois régions bénéficient de 90 millions d'euros sur trois ans pour déployer 1 000 places à partir de 2021. Nous allons proposer des solutions pour les adultes et libérer des places pour les enfants - plus de 6 000 jeunes bénéficient du dispositif Creton.
L'ARS d'Ile-de-France a perçu 51 millions d'euros pour renforcer son offre de services. En mars 2021, elle a lancé un plan pour répondre notamment aux troubles les plus complexes comme ceux du développement ou l'épilepsie sévère : les projets seront sélectionnés à la fin de l'année et ceux à développement rapide seront prioritaires.
L'Essonne bénéficiera de 3,5 millions d'euros supplémentaires. Quelque 944 places nouvelles - 646 pour les adultes et 298 pour les enfants - sont programmées en Île-de-France, dont 181 pour l'Essonne. Ces solutions inclusives reconnaîtront la compétence et le projet de vie de ces personnes en situation de handicap et permettront de rapprocher ces personnes de leur famille.
Mme Laure Darcos. - Vous mesurez bien l'enjeu et l'urgence de la situation. Il faut un soutien puissant à long terme. Le département de l'Essonne sera à vos côtés, et les familles comptent sur vous.
Places disponibles en institut médico-éducatif
M. Jean-Luc Fichet . - L'inscription en institut médico-éducatif est difficile. Dans le Finistère, le manque de places est criant, en raison du manque de places en foyer d'accueil médicalisé (FAM), en maison d'accueil spécialisée (MAS), ou en établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Les enfants restent sur des listes d'attente pendant des nombreuses années !
Il est urgent de créer de nouveaux instituts médico-sociaux. Comment comptez-vous agir afin que ces enfants bénéficient enfin d'une prise en charge de qualité ? Les familles ont besoin d'un avenir plus paisible. Comment répondez-vous à cette urgence ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées . - La création de places de foyer de vie pour les adultes est gérée par le département du Finistère. Son cinquième schéma départemental prévoit 120 places supplémentaires entre 2020 et 2025.
Plus de 6 000 jeunes relèvent de l'amendement Creton. Votre département compte aujourd'hui 543 places en FAM et 222 en MAS. Dès 2022, vingt nouvelles places de MAS seront créées - dix-sept pour les personnes polyhandicapées et trois pour les handicaps rares. Nous travaillons également à des solutions d'habitat inclusif, grâce à l'aide à la vie partagée, financée jusqu'à 80 % par la CNSA.
La feuille de route budgétaire pour le secteur médico-social de 2021 augmente les crédits disponibles. L'ARS Bretagne disposera d'un million d'euros pour créer de nouvelles places d'hébergement pour adultes en situation de handicap. C'est le fruit d'un travail de coconstruction avec les acteurs locaux.
Depuis le début du quinquennat, nous avons privilégié les places en services : services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) et unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ; sans oublier les places en institut médico-éducatif (IME). Il y aura 45 places en Sessad dès la rentrée 2021, et 16 places nouvelles d'IME en accueil temporaire, afin d'offrir un répit aux familles.
Jeudi prochain, je rencontrerai dans le Finistère des personnes autistes et leurs familles. Nous devons garantir un parcours sécurisé à chaque personne.
Nous lançons également une réforme globale et ambitieuse des ESAT.
M. Jean-Luc Fichet. - Il faut améliorer la concertation avec les professionnels du secteur médico-social pour trouver des solutions simples et immédiates. En outre, il faut augmenter les moyens. La détresse des familles est grande.
Prime informatique des enseignants
M. Olivier Paccaud . - La prime informatique de 150 euros par an - pour un total de 179 millions d'euros - décidée en octobre 2020 est la bienvenue. Elle complète l'insuffisante revalorisation salariale décidée dans le cadre du Grenelle de l'Éducation.
Mais il est dommage que cette prime ne concerne pas les conseillers principaux d'éducation (CPE) ni les documentalistes. Son montant est également discutable : le coût d'un ordinateur est de 400 euros, sans compter l'imprimante ni les logiciels. Plutôt que de prévoir un budget fixe, ne faudrait-il pas adapter cette prime aux besoins réels et la revaloriser ? L'école du XXIe siècle pourrait ainsi assurer la continuité du service public de l'enseignement.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - La crise sanitaire a révélé l'importance cruciale de l'équipement informatique des élèves, mais aussi des professeurs. Jean-Michel Blanquer a lancé en juin 2020 les États généraux du numérique pour l'éducation afin d'en tirer tous les enseignements, valoriser les réussites et renforcer la stratégie numérique éducative.
Cette prime de 176 euros bruts, soit 150 euros nets par an, décidée le 5 décembre 2020, a été versée en février dernier, pour un premier équipement ou un renouvellement sur trois à quatre ans.
Les professeurs documentalistes et les CPE qui ont un équipement sur leur poste de travail n'en bénéficient pas. Le ministère a engagé un important travail de recensement des besoins.
Les professeurs, CPE et psychologues ont bénéficié de revalorisations salariales : les CPE ont eu droit à une revalorisation spécifique de 236 euros brut par an et les professeurs documentalistes de 233 euros brut par an.
M. Olivier Paccaud. - Prévoir 150 euros pour l'informatique, c'est insuffisant. Les CPE et les professeurs documentalistes n'ont pas d'équipement mobile, mais fixe ; si 50 % des enseignants sont prêts à télé-enseigner, ils demandent à être formés.
Scolarisation des jeunes sourds et malentendants
Mme Nadia Sollogoub . - En théorie, chaque académie doit proposer un pôle d'enseignement pour les jeunes sourds (PEJS) depuis la maternelle jusqu'au lycée.
Or les annonces autour du concept « ensemble pour l'école inclusive » ont suscité de vives inquiétudes. L'inclusion au sein de l'école n'est pas techniquement et humainement possible pour tous les handicaps. Le taux d'illettrisme chez les enfants sourds avoisine les 80 %. Quelles solutions le Gouvernement entend-il prendre pour garantir l'accès à l'éducation et à la formation des personnes sourdes et malentendantes ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - Tous les élèves ont droit à l'éducation. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe de la liberté de choix entre la communication bilingue - langue des signes française (LSF) et langue française - et une communication en langue française. Le code de l'éducation reconnaît la LSF comme langue à part entière. L'élève peut donc être scolarisé dans l'école de son secteur. Des PEJS ont été créés pour favoriser les compétences linguistiques et sociales des élèves parlant en LSF ou en langue parlée complétée (LPC). Deux parcours sont ainsi possibles : parcours bilingue LSF - français écrit et langue française écrit et oral selon les besoins de l'élève. Ces PEJS proposent des ressources matérielles adaptées et un accompagnement humain.
Quatre instituts nationaux de jeunes sourds (INJS) ont été créés à Bordeaux, Chambéry, Metz et Paris. Des personnels médico-sociaux accompagnent ces élèves. L'Inspection générale de l'éducation nationale, du sport et de la recherche évalue actuellement les PEJS afin de proposer de nouvelles évolutions pour une éducation plus inclusive.
Mme Nadia Sollogoub. - Ces explications me semblent théoriques. Il est difficile d'être un élève sourd ou malentendant. Actuellement, ils sont 10 000, dont trois quarts scolarisés dans une école ordinaire. Ils sont confrontés à des obstacles majeurs dans leur parcours académique et professionnel, ce qui engendre dépression, suicide, chômage accru. Ils accusent un retard de six ans dans l'acquisition de la lecture.
Face à ces difficultés, le manque de moyens et de personnel est criant. En septembre 2020, les enfants du PEJS de la rue de Turenne à Paris n'avaient aucun enseignant spécialisé et se retrouvaient sans solution. Seuls les PEJS de Lyon, Poitiers et Toulouse offrent des parcours complets de la maternelle au lycée, et encore ! À Lyon, il n'y a que deux professeurs pour 39 élèves du CP au CM2, le rectorat refusant d'ouvrir des postes - alors que pour le dispositif ULIS, 12 élèves maximum sont prévus par classe.
Les enfants sourds doivent bénéficier des mêmes chances que les autres.
Revalorisation des accompagnants d'enfants en situation de handicap
Mme Laurence Harribey . - Je regrette la pénurie d'accompagnement d'enfants en situation de handicap et le manque de revalorisation de leur statut, deux facettes d'un même problème. La loi de 2005 affirme les droits « à la scolarité pour tout enfant ou adolescent handicapé en milieu ordinaire au plus près de son domicile » ainsi qu'à « un parcours scolaire connu et adapté ».
En réalité, l'école ne garantit plus l'inclusion scolaire pour tous. Le temps moyen d'accompagnement mutualisé a régressé d'une à quatre heures hebdomadaires pour des enfants dont le handicap, lui, n'a pas d'horaire. Pour certaines familles, l'obtention d'heures de suivi notifiées à leurs enfants est devenue un véritable combat individuel éreintant.
Les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), à qui on impose des temps partiels et une rémunération d'environ 830 euros par mois net, ont parfois jusqu'à quatre ou cinq enfants à leur charge. On déplore partout en France des notifications individuelles non respectées, notamment en Gironde.
Les premières victimes de ce manque de considération sont les enfants : pertes de repères, perturbations dans les apprentissages, etc.
Qu'allez-vous faire ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - À la rentrée de septembre 2020, nous avons créé 8 000 postes d'AESH, complétés de 4 000 équivalents temps plein à la rentrée de septembre 2021.
Nous avons créé un vrai service public de l'école inclusive. Tous les AESH ont désormais un contrat de droit public avec un statut pérenne. Dans chaque département, un référent leur fournit un appui. Ils ont une formation obligatoire de 60 heures dès le début de leur contrat. Un comité consultatif des AESH a été créé en février 2020. Nous avons lancé un agenda social et une réflexion sur le temps de travail et les modalités de rémunération.
Les modalités de décompte de temps de travail ont été modifiées pour reconnaître toutes les activités effectuées. Désormais, les AESH ne peuvent plus être payés moins que le Smic horaire. Leur indice sera réexaminé au moins tous les trois ans.
Les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) assurent une meilleure organisation du travail et un accompagnement humain renforcé.
La crise sanitaire explique aussi les difficultés d'accompagnement par les AESH : jusqu'à 30 % des AESH ont été absents sur certains territoires.
Mme Laurence Harribey. - Ce sont des intentions. Nous verrons votre bilan dans un an...
Perte de la reconnaissance de haut niveau pour la pelote basque
M. Max Brisson . - Créée en 1921 par Jean Ybarnégaray, la fédération française de pelote basque (FFPB) détient depuis 1983 le label de haut niveau.
La France est également classée première nation sur l'ensemble des résultats des championnats du monde « moins de 22 ans », témoignant de la qualité de la formation et de la performance de la jeune génération.
Pourtant, si la pelote basque participe directement au rayonnement de la France et de la culture basque à l'international par ses réussites sportives, l'avenir professionnel de la discipline se retrouve gravement menacé par la perte de leur reconnaissance de haut niveau. Les conséquences de cette décision pourraient être dramatiques pour la pelote basque. En effet, elle entraînerait son exclusion du plan de performance fédéral, la perte du statut de haut niveau pour les meilleurs de ses sportifs ainsi que la remise en question de toutes ses structures d'entraînement du pôle France et du pôle espoirs dans leur fonctionnement actuel. De surcroît, financièrement, elle provoquerait la perte du contrat de performance, de l'aide de 171 400 euros versée par l'Agence nationale du sport (ANS) qui en découle, des dispositifs d'aides à la formation, de l'accès aux aides individualisés nationales et régionales ainsi que la fin des contrats d'insertion professionnelle.
La qualité et la performance professionnelle des spécialités relevant de la FFPB seraient remises en cause, allant jusqu'à compromettre la participation des sportifs français aux compétitions internationales.
Si la FFPB ne s'est pas toujours soumise aux exigences de l'ANS, elle a récemment durci les conditions d'accès aux listes de sportifs de haut niveau, afin d'en limiter drastiquement le nombre. Comment le Gouvernement entend-il garantir la continuité de la qualité et de la performance professionnelle des spécialités de pelote basque ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - Le report des Jeux olympiques et paralympiques de 2020 à 2021 a conduit le ministère à prolonger certains actes juridiques : l'octroi de la délégation d'une discipline sportive confère aux fédérations des prérogatives de puissance publique et la reconnaissance du caractère de haut niveau des disciplines sportives. De nombreux droits en découlent : aménagements horaires, droits spécifiques pour la retraite ou les accidents du travail, accès aux concours administratifs... L'enjeu est majeur. L'ANS a engagé à l'automne 2020 une analyse préalable à la décision de reconnaissance, qui est liée à l'universalité de la discipline et aux résultats sportifs français. L'instruction de décembre 2020 relative à la campagne de reconnaissance du haut niveau l'a rappelé. Des premiers scenarii de reconnaissance ont circulé. Ces documents de travail n'ont que la qualité d'avis technique, et ne sont ni normatifs ni définitifs. La décision ne sera prise que fin 2021.
Nous mesurons l'inquiétude de la FFPB. La pelote basque constitue un élément important pour l'identité et la culture de ce territoire et pour le rayonnement de la France dans toute sa diversité.
M. Max Brisson. - Vous ne me rassurez qu'à moitié. Ce sport est universel : les championnats du monde de pelote basque se tiendront en 2022 à Biarritz. Il serait dommage qu'il n'y ait aucun Français. Il est urgent que le ministère, l'ANS et la fédération travaillent ensemble pour maintenir ce statut de sport de haut niveau.
Faculté de médecine aux Antilles
M. Dominique Théophile . - L'article 80 de la loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoit un rapport sur l'éventuelle création d'une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. Je n'ai de cesse d'en rappeler l'urgence depuis l'adoption de mon amendement.
Les étudiants de la faculté de médecine des Antilles et de la Guyane sont actuellement contraints de se rendre dans l'Hexagone, une fois leur troisième année terminée, pour y poursuivre leur cursus. Voilà un an que ce rapport aurait dû être publié. La crise sanitaire ne saurait seule expliquer ce retard.
Cette faculté de médecine est absolument nécessaire ; il reste juste à régler les modalités de financement et de regroupement. La lettre de mission vient enfin d'être signée. Que de temps perdu ! Quand le second cycle verra-t-il le jour ? En 2021 ou en 2022 ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - La crise sanitaire a retardé la publication de ce rapport très attendu. À ce jour, les étudiants doivent effectuer leur second cycle en métropole. L'UFR de médecine permettrait aux étudiants de rester aux Antilles et serait ouvert sur l'international, faisant rayonner la médecine française sur l'arc caribéen.
Les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur ont lancé, avec retard, une mission conjointe pour évaluer le nombre d'étudiants, la qualité et la quantité des stages, les moyens humains et financiers nécessaires et, enfin, les délais de création d'un UFR de plein exercice.
M. Dominique Théophile. - En 2011, c'était acté. Nous sommes en 2021. Toutes ces questions ont déjà été élucidées. Nous perdons du temps, car nous devrons attendre la rentrée 2022. Je veillerai à ce que des moyens suffisants soient prévus dans le projet de loi de finances. Remettons l'ouvrage sur le métier.
Accès régulé à l'électricité nucléaire historique
M. Marc Laménie . - L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), mis en place par la loi portant organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME, devrait prendre fin en 2025.
Par ce dispositif, EDF cède chaque année un quart de sa production à d'autres fournisseurs à un prix imposé de 42 euros par mégawattheure sur un volume annuel de 100 térawattheure. Mais l'entreprise estime que le prix de vente n'est pas suffisamment élevé au regard des charges assumées, tandis que les fournisseurs alternatifs voudraient voir augmenter les volumes d'énergie proposés. Par ailleurs, l'Arenh doit être conforme aux règles concurrentielles européennes.
Supprimer l'Arenh sans mesures de compensation fragiliserait une industrie moderne et performante, notamment dans les Ardennes, face à la concurrence mondiale. Quelles sont les solutions envisagées ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Les consommateurs français bénéficient d'une énergie compétitive grâce à notre mix énergétique décarboné, qui repose sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
Des négociations sont en cours avec la Commission européenne pour un nouveau dispositif remplaçant l'Arenh avant 2025, afin de mieux rémunérer EDF tout en protégeant les consommateurs.
Toute réforme nécessite l'assentiment de la Commission, compte tenu de la place d'EDF sur le marché français et de la sécurisation financière de la future régulation. Des garanties doivent être apportées pour éviter de fausser la concurrence. Nous serons attentifs à certaines lignes rouges : l'unité du groupe EDF et la protection des consommateurs, tant les ménages que les entreprises - et notamment les plus électro-intensives. Le Gouvernement, conscient des enjeux de compétitivité, veillera à mener à bien la reconquête industrielle.
M. Marc Laménie. - Il faut rassurer les chefs d'entreprises industrielles.
Commandes des TGV du futur
Mme Corinne Imbert, en remplacement de M. Daniel Laurent . - La question de M. Laurent porte sur la relance des trains à grande vitesse (TGV) du futur. Alors que la SNCF a accusé une perte de 3 milliards d'euros en 2020, elle envisage de réviser à la baisse ses investissements : elle passerait ainsi d'une livraison de douze trains à neuf par an, ce qui pourrait générer une baisse d'activité pour le groupe Alstom de l'ordre de 25 %.
Cette annonce, si elle devait être confirmée, serait un très mauvais signal pour notre industrie déjà en grande difficulté et ses sous-traitants. Elle aurait des conséquences importantes sur l'emploi. En 2018, la mission d'information du Sénat préconisait de renforcer la commande publique pour maintenir l'attractivité des sites français, conserver les compétences et les savoir-faire de ce fleuron industriel mondial. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - La crise sanitaire a considérablement affecté les transports. La SNCF a subi une baisse de fréquentation de 48 % et a perdu 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La reprise du trafic dépendra de l'évolution sanitaire et des comportements des clients professionnels.
Le contrat de 3 milliards d'euros avec Alstom pour la livraison de 100 rames de trains a toutefois été maintenu. Il est important pour la qualité de service et pour l'activité industrielle d'Alstom. Cependant, la SNCF a dû appliquer les conditions commerciales prévues pour adapter le rythme de livraison à ses besoins commerciaux : elle est passée de douze rames prévues entre 2024 et 2026 à neuf rames, tout en revenant à douze dès 2027. Ainsi, elle lisse les livraisons sans remettre en cause son engagement.
L'État a accompagné Alstom : il a cosigné avec quatre régions, le 15 avril 2021, un contrat pour douze trains hydrogènes, auquel il participera financièrement. De même, nous avons signé le 13 mai un accord intergouvernemental avec l'Ukraine pour des locomotives de fret ; il aura un impact positif sur le site de Belfort.
Mme Corinne Imbert. - Tout le monde a à l'esprit la crise sanitaire et son impact sur le trafic de voyageurs.
Merci d'avoir confirmé que le contrat de cent rames était maintenu. La part de l'industrie dans le PIB est passée de 24 % en 1980 à 12 % en 2017. Ce n'est pas irrémédiable : il suffit que l'État se comporte en stratège. Je sais que vous le faites ; ce rapport date d'avant la crise sanitaire.
Compensations des autorisations spéciales d'absence
M. Philippe Bonnecarrère . - Les collectivités territoriales pourront-elles être indemnisées pour leur personnel placé en autorisation spéciale d'absence (ASA) ?
La protection des agents qui pourraient développer une forme grave du Covid-19 est tout à fait compréhensible, surtout lorsque le télétravail n'est pas envisageable. Mais cela pose des problèmes aux collectivités. Un village qui a une école et dont un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) est absent doit recruter à titre temporaire et doit rémunérer deux personnes pour ce même emploi. Des compensations financières sont-elles envisageables ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - L'ASA a été créée lors du premier confinement pour garantir la rémunération des agents, quel que soit leur statut, lorsqu'il n'y avait pas de plan de continuité de l'activité. Une aide exceptionnelle a été versée aux collectivités territoriales.
Les personnes concernées pouvaient bénéficier d'un arrêt de travail soit via le médecin traitant, soit via un portail de l'assurance maladie, et le remboursement des indemnités journalières de l'employeur territorial pouvait être obtenu auprès de la sécurité sociale. Ce dispositif a été prolongé pour les seules personnes vulnérables ne pouvant être en télétravail.
Il est désormais du ressort de chaque employeur territorial de prendre en charge le maintien de la rémunération des agents vulnérables en ASA relevant du régime spécial de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Le Gouvernement n'envisage pas de nouveau dispositif spécifique de financement.
M. Philippe Bonnecarrère. - Cette réponse n'est pas satisfaisante pour les agents des collectivités territoriales relevant de la CNRACL. Le débat sur les suspensions sera rouvert dans quelques jours, à propos des personnels non vaccinés - même si le sujet est tout autre. J'espère que le Gouvernement reverra sa position.
Contrôle des ventes d'armes de la France
Mme Michelle Gréaume . - Alors que 78 % des Français pensent que le commerce des armes doit être mieux contrôlé et qu'un débat public s'impose pour 72 % d'entre eux, notre pays, troisième exportateur mondial d'armes, est à la traîne en matière de transparence.
Des doutes persistent sur des ventes à des pays soupçonnés d'atteintes aux droits de l'homme. Plus largement, comment justifier que des contrats d'armement alimentant les conflits internationaux ne fassent l'objet d'aucun débat ? C'est une anomalie démocratique inacceptable !
Un récent décret a marqué une avancée, mais il faut aller plus loin pour rompre avec l'opacité dans un secteur où le seul principe paraît être : peu importe l'éthique, pourvu qu'il y ait vente...
Quatorze ONG ont demandé un renforcement de la transparence et du contrôle parlementaire. Quelles suites comptez-vous donner à leurs propositions ? Le Parlement devrait être associé non seulement au contrôle, mais aussi à la définition de la politique d'exportation.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Les décisions d'exportation de matériel de guerre résultent d'un examen interministériel rigoureux. Le rapport d'information des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot confirme la qualité de ce processus. La commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre veille au strict respect de nos engagements internationaux.
Depuis 1998, le ministère des armées publie chaque année un rapport sur le sujet. Le format et le contenu de ce document ont évolué il y a trois ans, pour une meilleure transparence.
Les exportations de matériels jouent un rôle majeur pour la conservation de notre base industrielle et technologique de défense et le maintien de notre autonomie stratégique. Elles permettent de répondre aux besoins légitimes en matière de sécurité de certains États partenaires.
Nous poursuivons notre effort pour rendre l'information au Parlement plus complète. Ainsi, à partir de l'année prochaine, un rapport supplémentaire sera publié, sur les biens à double usage. Il n'y a pas d'opacité !
Mme Michelle Gréaume. - Un rapport ne suffit pas : il faut un débat. Il est inadmissible que le Parlement soit tenu à l'écart du processus. Corrigeons cette anomalie démocratique !
Place du français dans l'Union européenne
Mme Elsa Schalck . - Le recul de l'usage du Français dans les institutions européennes est inquiétant, notamment au sein des juridictions. En janvier dernier, le Conseil national des barreaux a adopté une motion sur le sujet.
Ainsi, le 30 septembre 2020, le collège du parquet européen a adopté l'anglais comme unique langue de travail pour les activités administratives ; l'usage du français sera réservé aux relations avec la Cour de justice de l'Union européenne.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) - dont le siège est pourtant à Strasbourg - a abandonné provisoirement la publication de ses communiqués de presse en français.
Profondément attachée à la francophonie, je ne me résous pas à cette situation. Nous devons rester vigilants et motivés pour défendre le plurilinguisme en Europe, source de richesse culturelle, et la place de notre langue, porteuse de valeurs universelles.
Le secrétaire d'État Lemoyne a annoncé que l'usage du français serait une priorité de la présidence française en 2022. Comment comptez-vous promouvoir l'usage notre langue dans les institutions de l'Union européenne, au service de notre rôle moteur de la construction européenne ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Nous sommes attachés à la diversité linguistique en Europe et à la défense du français, une des trois langues de travail de l'Union européenne, dans un contexte où, malgré le Brexit, il est à craindre que l'anglais conserve une place prépondérante.
Nous déplorons la décision du collège des procureurs de ne conserver que l'anglais pour le travail administratif ; notre langue restera utilisée pour les relations avec la Cour de justice. S'agissant de la CEDH, il n'est aucunement question d'y remettre en cause l'usage du français.
Nous serons pleinement mobilisés dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe et de la présidence française de l'Union européenne. Les réunions tenues en France seront conduites en français, et nous développons une offre de cours de français, qui rencontre un vif succès.
Sous l'égide du professeur Lequesne, une réflexion est en cours pour promouvoir la diversité linguistique et l'usage du français en Europe. Ses conclusions seront présentées en septembre, lors de la Journée européenne des langues. Elles serviront de base à notre ambition.
Statistiques sur l'abattage sans étourdissement
M. Arnaud Bazin . - Le ministère de l'agriculture m'a indiqué, en réponse à une question écrite, ne pas disposer de données statistiques sur la production ou la demande de viande issue de l'abattage rituel.
Pourtant, en 2016, dans le cadre de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie en France, le directeur général de l'alimentation avait déclaré : « selon les chiffres pour 2014, 15 % des bovins et 27 % des ovins sont concernés par l'abattage rituel ».
Pourquoi l'information qui était disponible à l'époque ne l'est-elle plus aujourd'hui ?
Par ailleurs, dans une réponse du 29 septembre dernier à la question d'un député, il est rappelé que l'arrêté du 28 décembre 2011 conditionne strictement la dérogation à l'obligation d'étourdissement préalable, prévoyant notamment un enregistrement destiné à vérifier que l'usage de la dérogation correspond à des commandes qui le nécessitent.
Oui ou non, le ministère de l'agriculture dispose-t-il de statistiques sur la production ou la demande de viande issue de l'abattage rituel ? Dans la négative, comment le contrôle prévu par l'arrêté est-il assuré ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Les dérogations à l'obligation d'abattage préalable à la saignée sont accordées par le préfet, en fonction des commandes. L'adéquation aux volumes commandés est auditée régulièrement par les services vétérinaires.
Ce contrôle étant réalisé sur la base de sondages ponctuels, il ne suppose pas de statistiques consolidées. Le ministère de l'agriculture ne dispose plus de telles données depuis le changement de système informatique intervenu en 2015.
En 2022, la collecte de ces données sera restaurée. Des développements informatiques sont en cours dans cette perspective.
M. Arnaud Bazin. - Le changement de système informatique a donc conduit à dégrader la qualité de l'information sur une question pourtant délicate... Nos concitoyens qui ne veulent pas consommer de la viande issue de l'abattage rituel doivent savoir ce qu'ils achètent ! Il est nécessaire qu'un étiquetage soit mis en place.
Cabanes de pêche au carrelet
Mme Nathalie Delattre . - La reprise de cabanes de pêche au carrelet ou la création de nouveaux carrelets donne lieu à la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public fluvial par les autorités compétentes - en Gironde, cela concerne notamment l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne, le grand port maritime de Bordeaux et Voies navigables de France (VNF).
Alors que le régime juridique des carrelets a été défini en 2004 en concertation avec les associations, VNF a indiqué aux pêcheurs de Gironde que les carrelets seraient désormais soumis aux règles d'urbanisme, avec déclaration en mairie pour les cabanes de cinq à vingt mètres carrés et dépôt d'un permis de construire au-delà.
Cette surinterprétation juridique conduit à modifier la nature de ces biens, les transformant en biens immobiliers alors qu'ils n'ont pas d'usage d'habitation, sont entièrement démontables et sans réelles emprises. Elle est également source de confusion en conférant aux municipalités une responsabilité nouvelle sans aucune forme d'explication. De nombreuses communes refusent d'ailleurs cette compétence.
Une telle décision est éminemment paradoxale, alors que les carrelets viennent d'être reconnus par le ministère de la culture comme patrimoine culturel immatériel de la France, distinction qui consacre une pratique et non un patrimoine immobilier.
Le Gouvernement peut-il clarifier le régime juridique applicable ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - Mme Pompili m'a chargée de vous répondre.
Le code général de la propriété des personnes publiques considère bien les cabanes de pêche comme des biens mobiliers. Reste qu'elles ne sont pas dispensées de respecter le code de l'urbanisme - les bases nautiques démontables et les paillotes sont dans le même cas. Il s'agit de s'assurer que ces constructions s'intègrent harmonieusement à leur environnement.
VNF n'a fait que rappeler le droit commun, sans prévoir d'obligation nouvelle. Le principe est simple : toute construction nouvelle est soumise à permis de construire - ou, par exception, à déclaration préalable, en fonction de critères appréciés au cas par cas.
Augmentation des litiges liés à Enedis
Mme Laurence Muller-Bronn . - La fourniture d'énergie est un service essentiel. Or, depuis que l'approvisionnement en électricité a été confié à Enedis, les choses se passent mal.
Les pratiques de cette entreprise sont catastrophiques, voire frauduleuses : dossiers perdus, visites de techniciens sans suite, relevés très supérieurs à la consommation... Le nombre de litiges augmente de 19 % par an. En outre, Enedis est l'opérateur avec lequel la médiation est la plus difficile. Nos artisans sont particulièrement touchés par l'incompétence de cette entreprise.
Par-dessus le marché, les compteurs Linky sont facturés aux clients - 130 euros par boîtier, sans compter les frais annexes -, contrairement à ce que l'entreprise avait indiqué.
Si l'État ne sanctionne pas ces mauvaises pratiques, la situation ne changera pas. Allez-vous agir pour que la fourniture d'électricité soit correctement assurée ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - La majorité des 8 600 litiges traités en 2020 par le médiateur de l'énergie concernent les fournisseurs d'énergie, et non le gestionnaire du réseau. Les litiges impliquant directement Enedis ne sont pas en hausse sensible ces dernières années.
Un certain nombre de sujets font toutefois l'objet de litiges récurrents : comptage, indemnisation de coupure, rénovation des colonnes montantes, facturation du raccordement au réseau.
Le compteur Linky résoudra le premier type de problèmes. Pour les autres, le Gouvernement travaille à des solutions ; le levier réglementaire sera actionné lorsqu'il sera utile.
Nous parlons de quelques dizaines, peut-être une centaine, de litiges par an pour 38 millions de clients... Il est excessif de parler de comportements frauduleux.
Transparence des coûts des énergies renouvelables
Mme Anne-Catherine Loisier . - Les coûts des énergies renouvelables (EnR) sont insuffisamment connus des décideurs comme du grand public.
En 2018, la Cour des comptes s'en est inquiétée, considérant qu'il était indispensable de calculer le coût complet du mix énergétique programmé et des soutiens publics induits par les décisions de programmation énergétique.
Dans un avis de 2019, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a rappelé que le niveau du complément de rémunération ne saurait conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés excède un niveau raisonnable compte tenu des risques. Or, malgré une baisse affichée de la rémunération des contrats, leur indexation annuelle tend à augmenter les charges pour la collectivité, du fait de l'accroissement de l'écart entre le prix payé et la valeur produite.
Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) évoque, dans un récent rapport conjoint avec l'Agence internationale de l'énergie, quatre ensembles de conditions techniques strictes devant être remplies pour permettre, avec une sécurité d'approvisionnement assurée, l'intégration d'une proportion très élevée d'énergies renouvelables variables.
Alors que les charges induites par les investissements de réseau pourraient exploser, il est indispensable d'éclairer le débat public sur la totalité des fonds publics destinés à promouvoir les EnR.
Quel est le bilan de l'indexation des tarifs des mégawattheures éolien et photovoltaïque sur le tarif actuel des contrats passés ? Quelle en sera l'incidence dans les années à venir, par rapport à l'évolution des charges induites ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - Le Gouvernement est très attaché à la transparence dans ce domaine. Un comité de gestion des charges a été mis en place.
Je rappelle que les cumuls de soutiens sont interdits. Les petits projets sont partiellement exonérés des coûts de raccordement.
Le rapport que vous avez cité montre que le développement de l'éolien et du photovoltaïque pourra s'appuyer sur les centrales pilotables existantes. Nos objectifs sont donc réalistes.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à l'augmentation dans le mix énergétique de la part des énergies renouvelables, dont le prix ne fait que baisser.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci pour ces observations générales, mais nous avons besoin de données chiffrées pour éclairer le débat public. Je réitérerai ma demande par écrit.
Gestion des décharges sauvages
M. Jérôme Bascher . - La France est sale, non seulement à Paris - où chacun peut le constater -, mais aussi dans nos campagnes, y compris dans le beau département de l'Oise...
À Néry-Saintines, où une décharge de produits chimiques toxiques exploitée il y a plus d'un demi-siècle est toujours en place, des résidus commencent à polluer l'eau.
À Orry-la-Ville, une casse auto s'est transformée en gigantesque décharge, avec plusieurs milliers de mètres cube de dépôts. Malgré l'arrêté de la préfète, l'entreprise continue son activité.
Dans nos forêts, le long de nos chemins, il n'est pas rare de trouver des décharges sauvages. Sans parler de la dernière mode : les voitures brûlées, dont les restes sont à la charge des communes qui ne savent qu'en faire.
L'État compte-t-il agir pour rendre la France plus propre ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - La police des dépôts sauvages relève des maires ; pour les décharges illégales, c'est le préfet qui est compétent.
La préfète de l'Oise a mis en demeure l'exploitant de la décharge d'Orry-la-Ville d'évacuer les déchets ; le dossier est suivi de très près.
À Néry-Saintines, l'Ademe surveille l'absence d'impacts sur l'environnement. Le fonds friches créé par le Gouvernement pourrait être mobilisé pour dépolluer le site.
La lutte contre les dépôts sauvages est une priorité du Gouvernement. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire crée une nouvelle filière à responsabilité élargie du producteur pour le bâtiment. Des amendes forfaitaires ont été instaurées, la vidéosurveillance est renforcée.
Par ailleurs, le ministère a diffusé à l'intention des collectivités territoriales un guide répertoriant les actions de prévention et de sanction.
M. Jérôme Bascher. - Au-delà des amendes, certaines communes ont besoin d'être aidées financièrement.
Conséquences en Moselle de l'écotaxe alsacienne
Mme Christine Herzog . - La collectivité européenne d'Alsace (CEA) a obtenu de nouvelles compétences pour les routes et autoroutes. Les élus alsaciens souhaitent réinstituer une écotaxe afin de collecter de nouvelles ressources, notamment sur l'A35.
Alors que les corridors européens nord-sud sont déjà saturés, le sillon lorrain risque de pâtir d'un report de trafic, avec son cortège de pollutions et d'accidents - un accident sur deux implique un poids lourd. Laissez faire serait une faute morale !
Le fret ferroviaire pourrait être une solution, mais pas à court terme. Les élus du Grand Nancy ont demandé une régionalisation, au nom de l'équité territoriale. Quelle est votre stratégie pour protéger les routes et autoroutes de Moselle ? Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement . - L'ordonnance du 26 mai 2021 précise les modalités d'instauration d'une écotaxe par la CEA, en réponse à une demande ancienne et constante des élus alsaciens. En 2005, la création d'une taxe côté allemand a entraîné un important report de notre côté du Rhin.
Il conviendra d'être attentif aux effets de report sur les territoires voisins. L'article 32 du projet de loi Climat et résilience permettra aux régions frontalières volontaires de mener une démarche similaire.
Des tarifs réduits seront possibles pour les poids lourds propres, mais il ne sera pas possible d'exonérer les véhicules nationaux, du fait du cadre européen.
Règlement européen et cartes d'identité
M. Jean-Pierre Sueur . - Le règlement européen du 20 juin 2019 fixe les caractéristiques des nouvelles cartes d'identité, qui doivent être mises en oeuvre pour le 2 août 2021.
Le nouveau document doit comprendre la mention « carte d'identité » dans la langue de chaque pays. La France a prévu une traduction de cette mention en anglais, à l'exclusion de toute autre langue. Surprenant, en période post-Brexit... D'autant que la place disponible permettrait de faire figurer cette mention dans les langues de nos trois autres pays frontaliers : l'allemand, l'italien et l'espagnol.
Prévoir cette mention en cinq langues serait un signe d'ouverture très apprécié. De nombreux acteurs de la promotion du français, dont le délégué général Paul de Sinety, y sont favorables. Comptez-vous retenir cette suggestion, qui manifesterait l'intérêt porté par la France au pluralisme linguistique ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Le règlement européen impose aux États membres de mettre en circulation la nouvelle carte d'identité au plus tard le 2 août prochain. Nous avons lancé le mois dernier ce document plus pratique et plus sécurisé.
Ce titre étant aussi un document de voyage, la mention dans au moins une des langues officielles de l'Union européenne vise à faciliter les contrôles internationaux. Comme l'Allemagne, l'Italie et de nombreux autres pays, nous avons choisi l'anglais, langue la plus largement utilisée.
Inscrire la mention en cinq langues nuirait à la lisibilité du document. Le nouveau format « carte bancaire » nous a déjà conduits à supprimer plusieurs mentions non obligatoires, comme l'autorité de délivrance. En revanche, nous avons conservé l'adresse et même prévu la possibilité d'en inscrire une seconde, par exemple pour les enfants en garde alternée.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je comprends bien vos raisons. Reste que vous avez fait le choix de l'anglais. Je n'ai évidemment rien contre cette langue, mais il est possible de faire figurer, sur une seule ligne, la mention en cinq langues. J'espère qu'une réflexion approfondie permettra d'aboutir à cette solution, qui serait très symbolique de notre ouverture européenne.
Pénurie d'inspecteurs du permis de conduire
Mme Sonia de La Provôté . - La pénurie d'inspecteurs du permis de conduire existait bien avant la crise sanitaire, mais s'est accentuée depuis lors. Dans le Calvados, le nombre d'inspecteurs est inférieur à la moyenne nationale et les ouvertures de postes sont insuffisantes pour couvrir les besoins.
Des facteurs aggravent la situation. En particulier, les places pour le passage du permis sont accordées aux auto-écoles en fonction du taux de réussite des candidats, ce qui est inéquitable.
Les candidats, souvent jeunes et aux moyens limités, doivent payer des heures de conduite supplémentaires dans l'attente de l'examen.
En Occitanie, une expérimentation est en cours qui permettrait de maîtriser les délais et d'augmenter les taux de réussite. Mais l'attente des résultats ne devrait pas pénaliser les autres départements en situation d'urgence.
Quelles solutions proposez-vous pour raccourcir les délais de passage et assurer l'équité entre auto-écoles ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Avec 1,9 million d'épreuves pratiques, dont 1,4 million pour le permis B, le permis de conduire est le premier examen de France.
Du fait du confinement, les délais se sont accrus de vingt et un jours, atteignant soixante-quatre jours en mars dernier. En mai, ils sont redescendus à cinquante-huit jours.
Nous avons augmenté le nombre de places, avec treize examens par jour et par examinateur. La rémunération de l'examen supplémentaire a été portée à quinze euros. Trente examinateurs supplémentaires ont été recrutés en provenance de La Poste. Nous avons ainsi multiplié par quatre le nombre d'examens début 2021 par rapport l'année précédente.
L'expérimentation d'Occitanie est progressivement généralisée depuis mai dernier. Quant au Calvados, il fait l'objet d'un examen attentif par la Délégation à la sécurité routière.
Mme Sonia de La Provôté. - Cette situation touche principalement les jeunes, pour qui l'obtention du permis de conduire est un passeport indispensable pour l'emploi et l'insertion. Aidons-les !
Financement des locaux de la gendarmerie nationale
M. Henri Cabanel . - À la suite de la réponse du ministre de l'intérieur à notre collègue Annick Jacquemet lors de la séance de questions d'actualité du 23 juin dernier, j'ai été interpellé par des maires sur le financement des locaux de la gendarmerie nationale.
Il arrive qu'une commune prenne en charge seule le coût de la construction d'une caserne. D'autres communes profitent du service rendu sans y contribuer financièrement : il en résulte un réel sentiment d'injustice. Même si le bâtiment sera, in fine, propriété de la commune, la situation interpelle au vu de l'importance des dépenses engagées.
Face à ces déséquilibres de prise en charge financière, le ministre de l'intérieur a évoqué une nécessaire évolution. Quelles pistes proposez-vous ? Y aura-t-il une concertation avec les élus locaux ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - La gendarmerie assure la sécurité de nos concitoyens sur 95 % du territoire national.
Les collectivités territoriales peuvent participer au financement de l'immobilier de la gendarmerie et s'associer pour construire conjointement une caserne et se répartir les coûts.
Pendant les neuf premières années, l'État verse un loyer forfaitaire. Ces revenus locatifs permettent aux collectivités territoriales de couvrir les charges et les frais.
Les offices publics de l'habitat peuvent également être partenaires de ces projets. Par ailleurs, l'État investit directement : 125 millions d'euros sont programmés pour le financement des casernes.
M. Henri Cabanel. - Sur le terrain, les maires ont du mal à négocier avec leurs homologues pour financer une caserne de gendarmes ou de sapeurs-pompiers ; certains, qui ont de petits budgets, ne veulent pas participer. Or les investissements nécessaires sont très lourds : Servian, dans l'Hérault, a dû conclure un prêt sur quarante ans !
Bail de sous-location d'une gendarmerie
M. Jacques Grosperrin . - En décembre 2019, une collègue sénatrice vous interpellait déjà sur les difficultés d'exécution d'un bail de sous-location d'une gendarmerie qu'une commune a fait construire.
La même situation prévaut dans plusieurs communes du Doubs, engageant leur viabilité budgétaire et leur capacité à assurer des services publics qualitatifs. Le président de l'agglomération de Montbéliard craint un effet domino préjudiciable pour son EPCI. Le fardeau du loyer des gendarmeries limite considérablement la participation des quatre communes concernées au financement de projets intercommunaux.
Si l'État n'a pas vocation à être propriétaire de ces gendarmeries, je relève néanmoins que les contrats sont pour le compte de l'État, au détriment des municipalités soumises, de fait, à un endettement sur plusieurs années.
À l'origine, les programmes étaient couverts par un loyer versé en contrepartie de la jouissance des locaux, ce qui n'est plus le cas. L'écart augmente entre le loyer demandé par les organismes constructeurs et celui versé par l'État. Les communes concernées perdent entre 25 000 et 50 000 euros par an.
Il est indispensable de rétablir l'équilibre entre les loyers demandés par les organismes et ceux perçus par les collectivités. Quelles pistes le ministère envisage-t-il pour régler ce problème ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Les baux emphytéotiques mis en place par la LOPSI prévoient deux contrats : celui qui est conclu entre la collectivité et son emphytéote pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier qui, à l'issue du bail, reviendra à la collectivité, et la simple location des locaux de gendarmerie par l'État.
Dans certains cas, il y a effectivement une différence importante entre les loyers que les collectivités territoriales versent et ceux qu'elles perçoivent.
La problématique a bien été identifiée. Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, avait créé un groupe de travail interministériel chargé d'élaborer une stratégie de rééquilibrage.
J'ajoute que la direction de l'immobilier de l'État accompagne les collectivités territoriales dans la renégociation du bail avec l'emphytéote.
M. Jacques Grosperrin. - Il y a effectivement des difficultés. Nous attendons les résultats du groupe de travail.
Droits des femmes au sein du CESE
Mme Laurence Rossignol . - Le 15 janvier 2021 a été promulguée la loi relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui prétend être « le carrefour des consultations publiques et renouer avec sa vocation à représenter la société. »
Le 8 mars 2021, j'ai alerté le Premier ministre sur la nécessité d'améliorer la représentation des associations expertes en droits des femmes.
Aucune ne figure parmi les huit représentants de la vie associative désignés par le mouvement associatif. Parmi les représentants de la cohésion sociale et territoriale, une représentante de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) a été nommée. Cette association est spécialisée dans la lutte contre les violences, sujet certes crucial mais auquel les droits des femmes ne peuvent se résumer.
Depuis sa création en 1925, le CESE a évolué afin de s'adapter aux besoins de la société. Puisque la grande cause du quinquennat est l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut des experts pour les questions spécifiques des droits des femmes et pour interroger les différentes transformations et réformes de manière intégrée.
Le CESE aurait pu être un levier de cette grande cause.
Comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer que les droits des femmes fassent pleinement partie de l'expertise économique, sociale et environnementale du nouveau CESE ?
Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Il y a quelques semaines, j'ai échangé avec le nouveau président du CESE. La délégation aux droits des femmes, présidée par Agathe Hamel, accueille de nombreuses personnalités qui ont des parcours féministes remarquables, comme Béatrice Clicq ou Aminata Niakate.
La FNSF, qui siège au sein de cette délégation, mène un travail important sur la promotion de l'égalité même en dehors du champ des violences.
Le CESE produit des travaux de qualité sur les droits des femmes - je pense aux rapports sur les droits sexuels et reproductifs en Europe ou sur l'impact de la crise sanitaire sur les femmes.
L'éradication des violences faites aux femmes mais aussi l'égalité professionnelle, la construction d'une culture de l'égalité ou encore la promotion des femmes dans les postes décisionnels font partie des priorités.
Mme Laurence Rossignol. - Même s'il y a des personnalités féministes au CESE, ce dont je ne doute pas, ce n'est pas la même chose qu'une association qui s'attaque aux inégalités systémiques.
Difficultés de la filière du sang
M. Cyril Pellevat . - Durant la crise sanitaire, la collecte rémunérée de plasma a chuté, entraînant une pénurie de médicaments dérivés du plasma et plus particulièrement des immunoglobulines. Cette situation est symptomatique du manque de souveraineté sanitaire de la France.
Pour y remédier, il faudrait d'une part renforcer la position du Laboratoire biopharmaceutique français (LBF) sur le marché, notamment lors de la mise en service de l'usine d'Arras, et d'autre part augmenter substantiellement la collecte de plasma et tendre vers une autosuffisance européenne.
Cela prendra du temps. Aussi la fédération française pour le don du sang bénévole (FFDSB) a-t-elle proposé la création d'un comité de pilotage de la filière sang, mais n'a pas obtenu de réponse à ce jour.
En outre, l'Établissement français du sang (EFS) fait face à de nombreuses difficultés financières. Les tarifs de cession du plasma matière première sont parmi les plus bas d'Europe, alors qu'il a été accordé une augmentation substantielle des médicaments dérivés du plasma aux entreprises privées de fractionnement. L'EFS est également confronté à des difficultés de recrutement. Cette spirale négative devrait se poursuivre, puisque le personnel de l'EFS n'a pas été inclus dans le Ségur de la santé.
Entendez-vous restaurer la place de l'État en organisant un comité de pilotage ? Reverrez-vous le tarif de cession au LFB afin de permettre une réelle souveraineté sanitaire ? Enfin, la mission Laforcade envisage-t-elle d'étendre au personnel de l'EFS les revalorisations du Ségur ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Les difficultés d'approvisionnement en immunoglobulines existent. Nous fondons beaucoup d'espoir sur l'usine d'Arras qui sera opérationnelle en 2025. D'ici là, le Gouvernement étudie les pistes pour diminuer la tension sur les médicaments dérivés du plasma.
Une augmentation du tarif de cession du plasma au LFB est envisageable, mais il faut tenir compte de la soutenabilité d'une telle mesure. Il faut aussi augmenter les capacités de collecte par l'EFS en France.
La FFDSB souhaite un comité de pilotage dédié à la filière du sang : le 29 septembre prochain, la direction générale de la santé réunira au sein d'un groupe de travail l'ensemble des parties prenantes - associations de patients, donneurs et industriels du secteur - pour envisager les perspectives à court, moyen et long terme.
L'EFS est un établissement public autonome, le dialogue social s'y fait entre la direction et les organisations syndicales. Je ne peux me prononcer sur son issue, mais sachez que pour accompagner l'EFS dans ces négociations et permettre une revalorisation des salaires, le Gouvernement a décidé de lui octroyer des financements spécifiques.
M. Cyril Pellevat. - Nous resterons attentifs.
Assurance maladie des retraités français vivant à l'étranger
M. Jean-Yves Leconte . - Une durée de cotisation en France de quinze ans minimum est exigée pour que les pensionnés du régime français établis à l'étranger puissent bénéficier d'une prise en charge de leurs soins médicaux effectués lors d'un séjour en France.
L'article 6 du règlement européen du 29 avril 2004 dispose pourtant qu'il est tenu compte de la même façon « des périodes d'assurances, d'emploi, d'activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État-membre ». Confirmez-vous que les durées de cotisation requises s'entendent bien comme quinze ans de cotisations à l'assurance retraite dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, et non uniquement en France ?
D'autre part, des accords bilatéraux de sécurité sociale permettent, selon les pays de résidence des retraités, de bénéficier de dispositions plus favorables - ainsi, trois mois de cotisations suffisent à ouvrir des droits à la prise en charge des soins en France pour les retraités français résidant au Maroc ou en Tunisie. Pourtant, plusieurs retraités établis au Maroc ont reçu fin mars 2021 un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne les invitant à justifier de quinze ans de cotisations, faute de quoi ils ne pourraient plus bénéficier de la couverture de leurs soins en France !
Il faut adresser aux intéressés un message rectificatif confirmant qu'il s'agissait d'une erreur, d'autant que les recours ne peuvent se faire que par voie postale, à l'adresse de la CPAM de Seine-et-Marne !
Le Gouvernement doit agir afin que nos compatriotes retraités établis à l'étranger ne soient pas violemment privés de leurs droits en méconnaissance de nos accords internationaux !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Un dispositif transitoire avait été prévu par une instruction du 1er juillet 2019, pour les personnes ayant cotisé entre cinq et dix ans à un régime français.
Or, dans une décision du 2 avril 2021, le Conseil d'État a invalidé ce dispositif, entraînant la clôture des droits des pensionnés à l'étranger n'ayant pas cotisé pendant quinze années. Il a considéré qu'en subordonnant la prise en charge des soins à une condition de durée minimale de cotisation, le législateur a entendu concilier l'exigence constitutionnelle de bon emploi des deniers publics et le droit à la protection de santé.
Cette disposition permet de prendre en charge les soins de plus de 780 000 pensionnés résidant à l'étranger lors de séjours temporaires en France.
Cette règle des quinze ans ne s'applique pas aux résidents de pays liés par une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France. Un rappel sera effectué, comme vous le demandez, auprès de tous les organismes de sécurité sociale.
M. Jean-Yves Leconte. - Vous faites comme si toutes les difficultés venaient du Conseil d'État ; or les courriers émanant de la CPAM de Seine-et-Marne sont antérieurs. Tout cela tient au choix de ce Gouvernement d'exclure des dizaines de milliers de pensionnés à l'étranger de la prise en charge de leurs soins en France !
Prise en charge de l'insuffisance rénale chronique terminale
M. Daniel Chasseing . - En France, 11 500 nouvelles personnes sont prises en charge tous les ans pour une insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), une maladie qui nécessite, à défaut d'une transplantation rénale, un traitement de suppléance via une dialyse. Cela représente plus de 4 milliards d'euros par an selon la Cour des comptes, dont 3 milliards pour les séances en centre et le transport, ce qui en fait la pathologie la plus onéreuse.
La dialyse à domicile, adoptée par 7 % des dialysés - deux fois moins que la moyenne de l'OCDE - est pourtant une option thérapeutique intéressante, et économique. Sa valorisation passe par une nouvelle tarification. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a ainsi créé un forfait de pré-suppléance, et le Haut Conseil de la santé publique plaide pour l'amélioration de prise en charge à domicile.
Comment comptez-vous tenir vos engagements de « MaSanté2022 » concernant la dialyse à domicile ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - La stratégie de transformation du système de santé vise à développer la logique de parcours, l'autonomie des patients et la prévention. Environ 90 000 personnes sont atteintes d'insuffisance rénale chronique et trois à cinq millions sont atteints de maladies rénales chroniques - des chiffres en constante augmentation - mais seuls 7 % des patients bénéficient d'une dialyse à domicile.
Dès octobre 2019, nous avons créé un forfait pour la prise en charge des patients de stade 4 et 5, afin de prévenir le développement de la maladie. La crise sanitaire a retardé les travaux mais nous avons débuté le recueil des données début 2021, pour une application effective en 2023.
La prochaine étape sera la mise en place d'un forfait pour la dialyse hors centre et à domicile, à articuler avec la réforme de l'autorisation et l'information des patients.
La dialyse à domicile sera favorisée en fonction des situations des patients, sans concurrence avec la greffe qui reste le traitement de choix.
M. Daniel Chasseing. - Avec la dialyse à domicile, l'assurance maladie fera des économies et les patients ne seront pas épuisés par les trajets trois fois par semaine.
Prime Ségur pour les professionnels des centres de santé de la fonction publique territoriale
Mme Sylvie Vermeillet . - Les 1 760 centres de santé, dont 30 % sont des centres infirmiers, constituent un relais essentiel dans l'organisation des soins à domicile. Or les professionnels de ces centres rattachés aux territoires ne sont pas éligibles à la revalorisation de 183 euros net par mois issue du Ségur de la santé. Cette disparité de traitement est en contradiction avec la volonté de promouvoir le maintien de la domiciliation des soins.
Dans le Haut-Jura, le centre de santé communal des Rousses a vu son activité se développer et se diversifier. C'est un maillon essentiel de la formation - mais les jeunes diplômés vont travailler en Suisse, où un infirmier débutant gagne en moyenne deux à trois fois plus qu'en France.
L'annonce d'une revalorisation des grilles de rémunération des personnels a paradoxalement renforcé ce sentiment d'iniquité : elle entre en vigueur pour la fonction publique hospitalière au 1er octobre 2021, mais début 2022 seulement pour la fonction publique territoriale.
Le désarroi se fait ressentir à l'hôpital, à Lons-le-Saunier notamment, face à l'inégalité des revalorisations selon les professions.
En cette période de pandémie, les infirmiers à domicile se font pourtant plus que jamais le relais de leurs collègues de l'hôpital et des Ehpad.
Quelles avancées envisagez-vous pour que ces professionnels de la première ligne soient équitablement reconnus à leur juste valeur ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Actuellement, le ministre de la Santé travaille sur les accords du Ségur, qui ont créé le complément de traitement indiciaire.
Les agents titulaires et contractuels des trois versants de la fonction publique sont éligibles. Le périmètre résulte des négociations avec les organisations syndicales et a été limité aux structures dont l'attractivité devait être restaurée.
La mission Laforcade a travaillé avec les organisations syndicales représentatives des secteurs sociaux et médico-sociaux et elle a abouti à la signature de plusieurs protocoles d'accords - un premier a été signé le 11 février 2021, un autre le 28 mai 2021.
Les centres de santé n'y sont pas éligibles pour l'instant, mais les cadres d'emploi de la fonction publique territoriale bénéficieront des nouvelles grilles bientôt mises en place dans la fonction publique hospitalière.
Le plus précieux reste l'accompagnement des soignants qui ont permis à notre pays de résister. Nous sommes attentifs au cas spécifique des zones transfrontalières.
Mme Sylvie Vermeillet. - Pourquoi pas toutes ces revalorisations « en même temps » ? Les oubliés du Ségur ne sont pas oubliés quand il s'agit des efforts quotidiens, ou de l'obligation vaccinale !
Statut des accueillants thérapeutiques familiaux
Mme Marie-Pierre Richer . - L'accueil familial thérapeutique intègre l'hébergement de patients psychiatriques, deux au maximum, dans un espace social, non médicalisé, qui rompt avec l'enfermement hospitalier.
La loi HPST de 2009 dispose que les accueillants familiaux thérapeutiques sont des agents non titulaires, en CDI ; de ce fait, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages que les autres agents contractuels de droit public.
Bien que disponibles presque sept jours sur sept, avec seulement vingt-trois jours de congés annuels, leur rémunération est divisée par deux s'ils n'ont qu'un patient, quelle qu'en soit la raison.
Les accueillants familiaux thérapeutiques jouent un rôle humain, médical et social essentiel auprès des patients psychiatriques tout en soutenant le tissu socio-économique des territoires ruraux.
Leur cadre d'emploi doit être clairement défini, avec un contrat type de recrutement, une harmonisation de leurs conditions de rémunération, et un parcours de formation. Il faut leur donner un véritable statut.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - La situation des personnes affectées d'un trouble psychique est préoccupante : la demande de soins est en augmentation constante. Selon l'OMS, une personne sur quatre est concernée, à un moment de sa vie.
La feuille de route « Santé mentale et psychiatrique » présentée le 28 juin 2018 fixe le cap d'une transformation structurelle du champ de la psychiatrie avec des réponses de qualité, coordonnées et diversifiées selon trois axes : bien-être mental et détection précoce ; parcours de soins coordonné ; conditions de vie ; inclusion sociale et accès à la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique.
L'accueil familial thérapeutique s'inscrit dans ce mouvement. Il s'adresse à des adultes ou à des enfants et représente une alternative à l'hospitalisation. Il est encadré juridiquement.
Des travaux sont menés par le Gouvernement pour améliorer les conditions de travail des assistants familiaux. Mais je ne peux en dire plus pour l'instant. Le ministère de la Santé vous apportera toutes les informations au fur et à mesure que le dossier avancera.
Mme Marie-Pierre Richer. - Cela fait longtemps que le dossier est sur la table des ministres. Avec les confinements, les assistants familiaux ont démontré toute leur utilité.
Attention à ne pas déshabiller Paul - les établissements - pour habiller Jacques.
Transport des greffons
M. Gilbert Bouchet . - J'attire l'attention du Gouvernement sur les améliorations à apporter dans le transport des greffons. Le code de la santé publique ne confie pas à l'Agence de la biomédecine la compétence légale pour organiser le transport des greffons d'organes humains. Depuis 2015, j'interroge tous les ministres sans recevoir de réponse, sinon des missions ou des rapports de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Cette dernière préconisait la mise en place d'une autorité unique d'organisation des transports.
Les problèmes sont nombreux : absence de contacts avec l'AP-HP ; fermeture des aéroports la nuit ; démobilisation des militaires ; gaspillage d'argent - des dizaines de millions d'euros d'économies sont pourtant possibles - et de greffons alors que la réduction du délai d'ischémie avant la greffe rénale influe considérablement sur les chances de réussite de cette dernière. La solidarité nationale des donneurs est gaspillée.
Pouvons-nous enfin envisager de confier à l'Agence de la biomédecine la compétence légale pour organiser le transport des greffons ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Le transport de greffons ne peut être isolé de la question plus globale des prélèvements.
La mutualisation de la permanence des soins a permis de réduire les déplacements des équipes chirurgicales. Les prélèvements peuvent être faits par une équipe différente de celle qui réalisera la greffe. L'utilisation des machines à perfusions a fait la preuve de son utilité pour les greffons rénaux et réduit les dommages pendant le transport.
Le plan Greffe pour 2022-2026 actuellement en préparation poursuivra les objectifs du plan précédent, afin de finaliser un modèle efficient. Je sais que vous vous joindrez à moi pour saluer les équipes de coordination hospitalières qui se mobilisent jour et nuit. Pour votre question précise, le ministère de la santé vous répondra.
M. Gilbert Bouchet. - Cela fait cinq ans que je plaide pour une telle évolution. Il est temps de passer aux actes.
Maladie thromboembolique veineuse chez le patient atteint d'un cancer
Mme Catherine Deroche . - La maladie thromboembolique veineuse est responsable d'un nombre significatif de séquelles et de décès. Les patients atteints d'un cancer présentent un risque majoré de développer cette maladie, première cause de décès hors cancer chez les patients cancéreux.
L'institut national du cancer (INCa) et l'ancienne Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ont rédigé des recommandations, hélas peu connues et peu utilisées.
En région Pays de la Loire, une enquête a été menée auprès des infirmiers, des pharmaciens et des médecins hospitaliers. La grande majorité a répondu n'avoir pas connaissance des recommandations nationales sur la prise en charge de la double pathologie thrombose et cancer, et les professions du premier recours ne sollicitent que rarement les hospitaliers sur cette maladie, signe que la coordination entre l'hôpital et la ville est très restreinte. L'information sur le traitement est particulièrement aléatoire.
Que compte faire le Gouvernement pour que les choses s'améliorent ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Je connais votre engagement sur la question du cancer.
Le Gouvernement et l'INCa sont conscients du travail à mener. Notre préoccupation pour le cancer s'étend à la prise en charge des séquelles - qui affectent les deux tiers des patients, cinq ans après le diagnostic du cancer.
La nouvelle stratégie de lutte contre le cancer annoncée par le Président de la République le 4 février dernier prendra la forme de deux feuilles de route : un plan 2021-2025 autour de quatre axes et une feuille de route spécifique sur les séquelles et la qualité de vie, comportant 14 actions déclinées en 77 mesures que je pourrai vous détailler.
Les travaux sont déjà engagés, un état des lieux sera dressé dès septembre afin de mieux connaître les principales séquelles.
Notamment, les professionnels de santé bénéficieront d'une information approfondie. L'enquête sur la thrombose et le cancer a rendu des résultats en juin 2021, qui seront analysés par les professionnels. Tous les acteurs sont mobilisés, le Gouvernement au premier chef.
Mme Catherine Deroche. - Oui, la stratégie décennale de l'INCa traite des séquelles, mais il faut mettre l'accent sur la maladie thromboembolique veineuse.
Déprogrammation d'opérations
M. Bruno Belin . - L'une des conséquences dramatiques de la pandémie est la déferlante de déprogrammations d'opérations : deux millions rien qu'en 2020, selon la fédération hospitalière de France ! Les hôpitaux franciliens estiment à 80 % le nombre de patients atteints d'un cancer concernés. Quelle perte de chance !
En cause, les suppressions de lits et les fermetures de services - même si ce Gouvernement n'est pas seul responsable. Les hôpitaux de proximité sont essentiels - dans mon département, ceux de Châtellerault, de Montmorillon ou de Loudun sont précieux.
Avec la quatrième vague, l'inquiétude augmente.
Depuis dix ans, combien de lits ont-ils été fermés ; combien de déprogrammations depuis dix-huit mois ? Que proposez-vous pour rattraper ce retard ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - La question des reprogrammations est au coeur des préoccupations du ministre de la Santé, des ARS, des établissements de santé et des patients.
Si la mobilisation exceptionnelle des soignants a permis d'assurer la continuité des soins tout au long de la crise sanitaire, celle-ci a eu un impact sur les actes hors Covid, avec une baisse de 12 % par rapport au niveau de 2019. Il n'y a toutefois pas eu d'annulations sèches : les soignants ont adapté les plannings en donnant priorité aux cas les plus urgents - cancers, diabètes, greffes, santé mentale - ce qui a limité l'impact sur la santé des patients lors des phases épidémique aiguës.
La baisse d'activité a été plus modérée fin 2020 et en 2021 qu'elle n'avait été au printemps 2020, avec une reprise franche entre les deux premières vagues.
Les plus fortes réductions du nombre de lits ont eu lieu dans les années 2000, de l'ordre de 2 % par an. Ce Gouvernement agit, avec une revalorisation historique de 9 milliards d'euros par an pour les métiers du soin et l'ouverture de 3 000 lits à la demande suite au Ségur de la santé. Les hôpitaux de proximité sont confortés avec une labellisation, un mode de financement protecteur et une gouvernance assouplie.
M. Bruno Belin. - Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais il y a urgence pour ces patients et pour les hôpitaux de proximité : il faut rouvrir des lits partout ! Il faut une vraie politique de santé !
Nous ne sommes pas en mesure de répondre à la quatrième vague, croyez-en le pharmacien d'officine que je suis : nous voyons arriver des moins de 50 ans et ne pouvons les vacciner, faute de stock de Moderna !
Centre hospitalier du Nord-Mayenne
M. Guillaume Chevrollier . - Le centre hospitalier du Nord-Mayenne s'est vu proposé un contrat d'engagement, sans que les élus locaux n'aient été associés à la réflexion de l'ARS ou de l'établissement. Ce plan proposait une fermeture de la chirurgie orthopédique et traumatologique à partir de décembre 2021, de la chirurgie viscérale et de la surveillance continue à partir de 2022, avec un basculement sur l'hôpital de Laval.
Devant la mobilisation des élus, des soignants et des habitants, l'État a gelé le projet. L'ARS a annoncé une nouvelle phase de concertation, en vue d'un contrat à finaliser d'ici le 30 septembre.
Où en est-on ? Quelles pistes suivez-vous ? Quelles garanties pouvez-vous nous apporter ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Depuis de nombreux mois, le centre hospitalier du Nord-Mayenne a engagé une réflexion avec l'ARS et le GHT. Son projet d'établissement devra répondre à l'enjeu de l'offre de soins. Cet établissement a des difficultés à recruter et à fidéliser les médecins. Dans la Loire-Atlantique, mon département, les difficultés sont les mêmes.
D'importantes concertations ont été engagées, en particulier entre les équipes médicales. L'ARS a décidé de la poursuivre avec les élus du territoire et la population. Je sais que vous y serez très attentif - comme l'est le Gouvernement. Ce qui se joue, c'est la qualité des soins.
M. Guillaume Chevrollier. - Nous attendons un investissement fort de l'État dans ce dossier. Les Mayennais sont aussi inquiets pour la cardiologie, la maternité, le Ssiad, sans compter la psychiatrie. Le Gouvernement doit être à l'écoute des élus locaux.
Madame la secrétaire d'État à l'engagement, je vous remercie, mais regrette l'absence du ministre de la Santé. Je compte sur le Gouvernement...
Offre médicale et zones de revitalisation rurale
M. Antoine Lefèvre . - Les territoires ruraux souffrent de différences majeures en termes d'accès aux soins. D'une part, une population vieillissante qui nécessite une offre de soins permanente, d'autre part, un déficit de médecins qui n'incite pas les familles à s'installer.
Une concurrence entre territoires s'instaure. Dans le sud du département de l'Aisne, parce que certaines intercommunalités sont classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), offrant des avantages fiscaux durant plusieurs années à tout nouveau médecin, les communes limitrophes sont pénalisées, alors que le besoin en médecins y est tout aussi criant.
Dans leur rapport de janvier 2020, nos collègues Hervé Maurey et Jean-François Longeot l'ont montré : les dispositifs d'aide à l'installation sont trop dispersés, peu lisibles et jamais évalués.
Dans l'Aisne, plus de 60 % des médecins ont plus de 60 ans. Ne faudrait-il pas refondre toutes les aides des collectivités territoriales, de l'État et de l'Assurance maladie ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Le défi démographique à relever est énorme. L'effet de la baisse du nombre de médecins depuis 2010 risque de se prolonger jusqu'en 2025.
Le Gouvernement a fait de l'accès aux soins une priorité, en faisant confiance aux acteurs des territoires. La dynamique des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) doit être saluée : les professionnels de santé s'organisent entre eux pour répondre aux besoins, trouver des consultations pour les personnes âgées, recevoir des patients sans rendez-vous, etc.
La crise de la covid-19 a joué un rôle de révélateur de la capacité à mobiliser rapidement les professionnels de santé sur nos territoires. Certaines des mesures structurelles que nous avons prises n'ont pas encore porté tous leurs fruits. C'est pourquoi nous avons pris aussi des mesures à impact plus rapide : recrutement de 4 000 assistants médicaux par exemple, déploiement de 600 médecins généralistes, notamment en exercice partagé.
C'est une mobilisation à différents leviers ; il faudra persévérer.
M. Antoine Lefèvre. - Le Gouvernement et les autorités de santé doivent porter une attention particulière à cette question. Veillons à l'égalité des territoires.
Situation des professionnels médico-sociaux du secteur privé solidaire
Mme Marie-Claude Varaillas . - .Oubliés du Ségur de la santé, les professionnels médico-sociaux du secteur privé solidaire ont répondu présent en période de Covid. Les accords signés le 28 mai 2021 prévoient la revalorisation de leurs salaires dès janvier 2022, mais sans effet rétroactif. C'est une santé à deux vitesses.
Aujourd'hui, les professionnels du médico-social perçoivent, pour un même travail, un salaire moindre que dans la fonction publique hospitalière. Pourtant le code du travail prévoit qu'« à travail de valeur égale, salaire égal ».
Cela crée une iniquité entre les salariés et des risques de contentieux pour les employeurs des établissements privés solidaires.
En Dordogne, les directeurs des établissements Les Papillons Blancs de Bergerac et Les Vergnes de Boulazac-Isle-Manoire s'inquiètent d'effets de concurrence entre professionnels et entre établissements, avec pour conséquence une fuite des salariés vers le secteur public et des difficultés à recruter du personnel qualifié.
La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) tire la sonnette d'alarme sur les risques de voir demain ces établissements dans l'incapacité d'assurer la continuité des soins.
Les professionnels du secteur médico-social étaient eux aussi engagés dans la crise sanitaire ; dans le public ou dans le privé, ils ont prêté main-forte pour accueillir les patients.
L'épidémie dure et éprouve tous les personnels, y compris ceux du médico-social : burn out, fatigue, démissions, arrêts de travail, reconversions professionnelles...
Pourquoi attendre de reconnaître cette catégorie d'agents ? Les personnels, quel que soit leur lieu d'exercice, sont à bout de souffle et en sous-effectif. La quatrième vague qui s'annonce risque de déstabiliser notre système de santé. Quelles mesures seront prises pour éviter une gestion de la santé à deux vitesses, ou pire, des établissements sans personnel ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et de l'engagement . - Par votre question, vous rendez hommage à ces soignants qui ont permis à notre pays de tenir. Leurs tâches vont au-delà de la santé ; ils participent à la cohésion sociale.
Le Gouvernement a pris des mesures ; le salaire des personnels hospitaliers a été revalorisé de 183 euros par mois. À la suite de la mission Laforcade sur l'attractivité des métiers de l'autonomie, l'accord du 11 février 2021 a également prévu une revalorisation pour le personnel non médical. Un décret a été pris le 8 juin 2021 pour la mise en oeuvre de la mesure.
Un nouveau protocole signé par de nombreux syndicats étend le bénéfice des compléments, à compter du 1er octobre 2021, à l'ensemble des personnels soignants de toutes les structures financées en tout ou partie par l'assurance maladie. La refonte des grilles de rémunération des personnels paramédicaux a également été annoncée le 12 avril dernier, applicable en 2021 pour la fonction publique, en 2022 dans le secteur privé. Mais une prime pourra déjà être versée par les employeurs privés dès la fin de cette année.
La séance est suspendue à 12 h 40.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 15 heures.