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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Cour de justice de la République (Élection d'un juge suppléant)

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Alain Richard

M. Jérôme Durain

Mme Éliane Assassi

Mme Dominique Vérien

Cour de justice de la République(Résultat du scrutin)

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Stéphane Ravier

Mme Maryse Carrère

M. Roger Karoutchi

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Hussein Bourgi

M. Philippe Dominati

M. Henri Leroy

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Laurent Burgoa

M. Philippe Tabarot

Mme Nathalie Delattre

M. Marc Laménie

RAPPORT ANNEXÉ

Ordre du jour du mercredi 12 octobre 2022




SÉANCE

du mardi 11 octobre 2022

4e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : Mme Victoire Jasmin, M. Pierre Cuypers.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Cour de justice de la République (Élection d'un juge suppléant)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

Je déclare ce scrutin ouvert. Il se tiendra en salle des conférences pendant la séance publique et sera clos dans une demi-heure.

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Ce projet de loi d'orientation et de programmation est très important pour le ministère de l'intérieur et l'ensemble des services concourant à la sécurité des Français. La sécurité, il faut d'ailleurs l'entendre au pluriel : lutte contre la délinquance, sécurité civile, cybersécurité. Ce texte porte également sur l'organisation des services de l'État dans les préfectures et sous-préfectures.

Plus de 15 milliards d'euros supplémentaires sont prévus sur cinq ans - une programmation déjà concrète, puisque le projet de loi de finances pour 2023, examiné par l'Assemblée nationale en ce moment même, est en phase avec elle.

Il n'y a pas de précédent à cette Lopmi. Certes, nous avons connu des lois d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) : la première introduisant la vidéosurveillance - Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur -, la deuxième mettant en oeuvre la révision générale des politiques publiques - Nicolas Sarkozy était Président de la République. Mais le ministère de l'intérieur n'a jamais bénéficié d'une programmation permettant de réfléchir à tous les enjeux d'aujourd'hui et de demain.

Nous prévoyons des stratégies et des moyens sur cinq ans pour répondre à cinq crises.

La première, persistante, est la crise terroriste. La menace demeure extrêmement prégnante sur notre sol. Plus de 39 attentats ont été déjoués depuis 2017. La menace se modernise et se technologise. Les attentats de demain seront commis, par exemple, au moyen de drones chargés d'explosifs.

Face à cette menace, le texte engage des moyens extrêmement importants. Je pense en particulier à la mise en oeuvre du réseau radio du futur, réseau unique remplaçant l'actuel système, éculé, et qui fonctionnera indépendamment des attaques terroristes. À cet égard, le Gouvernement a déposé un amendement visant à inscrire dans le texte les mesures qui devaient initialement être prises par ordonnance. Plusieurs sociétés françaises ont remporté le marché public, dont Airbus.

La deuxième crise est celle de l'ordre public. Les manifestations de papa, l'époque où le ministre ou le préfet s'accordait avec un service d'ordre, y compris pour des cortèges très nombreux, c'est terminé. Les manifestations sont devenues plus spontanées, moins déclarées, plus difficiles à chiffrer ; elles sont aussi plus dispersées sur le territoire, comme on l'a vu au moment des Gilets jaunes.

Nos services de renseignement étaient peu préparés à affronter ce phénomène, qui n'est pas propre à la France. Par ailleurs, nous avons trop peu de forces spécialisées dans l'ordre public : quinze escadrons de police et de gendarmerie ont été supprimés ces vingt dernières années. C'est ainsi que, lors de la crise des Gilets jaunes, les policiers municipaux ont parfois dû être mobilisés. Cette insuffisance d'agents aguerris a entraîné de graves difficultés pour les policiers eux-mêmes et pour les manifestants. Ma tâche est qu'il soit possible de manifester en toute sécurité, quand bien même il s'agit d'une manifestation contre les policiers.

Nous recréons donc onze escadrons, sept de gendarmerie mobile et quatre unités de CRS. Il s'agit aussi de faire face aux difficultés en outre-mer, où ce sont les gendarmes mobiles qui interviennent. En Nouvelle-Calédonie, à Mayotte ou en Guyane, par exemple, la puissance publique a besoin de plus de moyens humains.

Nous entendons professionnaliser davantage encore le maintien de l'ordre. Nous devons notamment être prêts pour le grand rendez-vous des jeux Olympiques de 2024.

La troisième crise à laquelle nous devons faire face est la crise cyber. La prochaine pandémie sera sans doute cyber. Les attaques se multiplient contre nos entreprises, y compris les petites, nos collectivités et nos services publics. Certaines sont le fait d'États menant une guerre qui ne dit pas son nom, d'autres de groupes terroristes ou délinquants. Songez que 50 % des escroqueries sont déjà cyber ! Cette proportion n'était que de 15 % il y a deux ans... Dans peu de temps, elle atteindra quasiment 100 %.

Au cours des jeux Olympiques de Tokyo, qui n'ont pourtant pas drainé un large public dans le contexte du covid, quelque 4 milliards de cyberattaques ont été constatées. Dans notre pays, la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques entraîneront sans doute des dizaines de milliards de cyberattaques. Nous devons nous préparer à un scénario noir : une attaque terroriste par drone combinée à une attaque cyber visant nos hôpitaux, avec peut-être des milliers de morts.

Sur les 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires que je sollicite du Parlement, 8 milliards sont consacrés à la cybersécurité. Il faut que la voiture numérique du gendarme aille aussi vite que celle du voleur.

La quatrième crise que nous affrontons est celle des violences, en particulier des atteintes aux personnes. Leur augmentation touche l'ensemble des pays occidentaux, même si je me réjouis de la baisse récente constatée dans notre pays, une baisse à deux chiffres en région parisienne.

Cette crise est liée aussi à une baisse des moyens d'investigation. Nous mettons beaucoup plus de policiers et gendarmes sur la voie publique, et les interpellations augmentent. Mais il faut aussi des moyens pour enquêter. Or nous manquons d'environ 5 000 officiers de police judiciaire (OPJ). Lorsque les Français, et parfois les policiers eux-mêmes, se plaignent qu'une personne n'est pas condamnée pour un vice de forme, le ministère de l'intérieur doit aussi balayer devant sa porte et fournir à la justice des procédures irréprochables.

Je précise que le ministre de l'intérieur n'a pas le pouvoir d'affecter d'autorité des OPJ, seulement d'ouvrir des postes. Nous ne pouvons forcer personne à postuler.

Des améliorations révolutionnaires sont prévues par ce texte : un policier pourra passer directement le bloc OPJ, sans attendre trois ans après sa sortie d'école, et un OPJ à la retraite pourra prêter main-forte aux équipes.

Dans la même logique, nous créons des assistants d'enquête, à l'image des greffiers qui secondent les magistrats. Ils aideront les policiers, qui actuellement se chargent de tout : accueillir le gardé à vue, appeler le médecin, répondre aux sollicitations de l'avocat et aux interrogations du procureur, faire des photocopies, taper à l'ordinateur - lorsque l'ordinateur fonctionne...

Nous préférons aider les policiers à remplir le formalisme nécessaire de la procédure plutôt que d'alléger cette dernière, comme le préconisent les démagogues. Les 3 000 postes que nous créons seront occupés par des fonctionnaires administratifs du ministère, qui monteront en compétences. Cette mesure révolutionnera le travail des OPJ.

En ce qui concerne les amendes forfaitaires délictuelles, vous m'aviez interrogé il y a quelques mois sur l'efficacité de l'amende pénale prévue en cas de consommation de stupéfiant, craignant une banalisation de l'infraction.

Comme nombre d'entre vous, j'ai été maire. Un soir que j'accompagnais les policiers dans le métro de Tourcoing, nous voyons un homme fumer un joint de cannabis. Le commissaire me demande : on fait comme d'habitude ou parce que vous êtes là ? Je réponds : comme d'habitude. Le joint est écrasé par terre, mais l'homme n'est pas interpellé... Les policiers m'expliquent que la procédure aurait été beaucoup trop lourde, pour que finalement le procureur leur dise ne pas pouvoir s'en occuper.

Une réponse possible est de légaliser.

M. Guy Benarroche.  - Et voilà !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'est pas la position du Gouvernement. (On s'en félicite sur plusieurs travées à droite, tandis qu'on ironise sur les travées du GEST.)

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'autre réponse, c'est l'amende forfaitaire. Elle permet d'apporter une réponse pénale, laquelle ne saurait se limiter au rappel à la loi. Depuis septembre 2020, 260 000 amendes ont été délivrées, avec un taux de recouvrement très élevé.

Grâce à cette mesure, policiers et gendarmes peuvent aussi contrôler l'identité de personnes troublant la tranquillité publique. Une autre amende forfaitaire est d'ailleurs en cours d'expérimentation, pour le délit d'occupation illicite d'un hall d'immeuble. Dans les Bouches-du-Rhône comme en Seine-Saint-Denis, cela fonctionne. Il ne s'agit pas de rendre la sanction pénale moins dure, mais de la rendre plus certaine. Condamner à des peines de prison qui ne sont jamais purgées ne sert pas la force de la loi...

C'est pourquoi une simplification d'envergure de la procédure pénale est prévue, consistant à transformer en amendes forfaitaires l'ensemble des peines de prison inférieures à un an, dont nous savons qu'elles ne sont pas exécutées. Le Conseil d'État a estimé que nous visions trop large. Nous nous rangeons à la position du rapporteur Loïc Hervé, consistant à dresser une liste d'infractions.

Le Sénat a enrichi le texte en ce qui concerne les rodéos et les atteintes aux élus.

Le garde des sceaux vous présentera prochainement les conclusions des États généraux de la Justice. Je ne me substituerai pas à lui : d'abord parce que ce n'est pas mon rôle, ensuite parce que vous seriez déçus...

Enfin, nous devons affronter la crise climatique. Notre modèle de sécurité civile, résilient et fondé sur des pompiers valeureux et un système de volontariat, est confronté à deux problèmes : les pompiers sont de plus en plus sollicités hors de leur domaine de compétence, par exemple pour pallier l'absence de médecin, et les crises climatiques, comme les mégafeux, ne font que commencer. Cet été, les feux ont été nombreux au nord de la Loire - Jura, Vosges, Finistère... -, dans des territoires où les pompiers n'étaient pas habitués à ces situations. Les phénomènes extrêmes comme Irma à Saint-Martin ou les crues dans la vallée de la Vésubie vont se multiplier. Cet été, le taux d'humidité était inférieur à 10 % dans les forêts de Gironde...

C'est pourquoi nous renouvelons notre flotte d'hélicoptères et renforçons les pouvoirs du préfet en cas de crise exceptionnelle.

J'aurai l'honneur de vous présenter en janvier prochain un texte sur l'immigration ; cette politique n'est donc pas négligée, mais nous avons tenu, comme le Sénat le souhaite, à soumettre aux parlementaires des textes resserrés - même si ce texte s'accompagne d'un long rapport annexé.

Nous poursuivons ainsi le réarmement du ministère de l'intérieur : 200 brigades de police et gendarmerie seront recréées, et une agence unique du numérique verra le jour dans un ministère naguère un peu arriéré dans ce domaine... En outre, pour la première fois depuis dix-sept ans, nous recréons des postes dans les sous-préfectures et les préfectures ; ces agents apportent une aide essentielle aux collectivités territoriales en matière d'ingénierie.

Je remercie le Parlement, qui a toujours soutenu, de façon quasi unanime, les forces de l'ordre et de sécurité civile. J'ai la responsabilité de diriger en votre nom des femmes et des hommes qui prennent des risques quotidiens pour nous protéger. Je me dois d'évoquer les 17 enterrements que j'ai présidés et les 3 400 agents blessés depuis le début de l'année. L'action de l'État, c'est celle de femmes et d'hommes de terrain qui risquent leur vie. Faisons de notre mieux pour les protéger. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, je vous souhaite au nom de mes collègues un joyeux anniversaire... qui est aussi un changement de décennie ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques travées du groupe SER)

Je déclare clos le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois .  - La présence du ministre à nos côtés le jour de ses 40 ans est une marque de considération... Si le rapport annexé compte 90 pages, 115 amendements ont été déposés sur l'article premier : nous passerons donc ensemble une belle soirée d'anniversaire ! (Sourires)

Nous nous associons à l'hommage que le ministre vient de rendre aux forces de l'ordre.

La genèse de ce texte est longue : il fait suite au Livre blanc de la sécurité intérieure et au Beauvau de la sécurité, suivis avec compétence par notre collègue Henri Leroy.

Par rapport au projet de loi déposé en mars dernier, le texte que nous avons reçu est plus resserré.

Ministre délégué auprès de Jean-Louis Borloo, j'ai présenté une loi d'orientation et de programmation : je mesure donc l'importance d'un tel texte, qui engage l'État pour cinq ans. Il faut espérer que la programmation financière ne soit pas détricotée au jour le jour par Bercy... Au total, 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sont prévus, notamment, comme le ministre l'a expliqué, pour la digitalisation, la numérisation et l'intelligence artificielle.

La commission a entendu que la réforme de la police nationale tienne compte des spécificités de la police judiciaire (PJ), qui doit rester sous l'autorité fonctionnelle du procureur. Il serait utile d'envisager une organisation zonale, au-delà des limites départementales. La mission d'information créée au sein de la commission des lois présentera des préconisations à cet égard.

Sur l'initiative du groupe SER, nous avons insisté sur l'accessibilité des démarches dématérialisées notamment pour les personnes en situation de handicap.

Nous soutenons la politique du Gouvernement en matière d'investissement dans les nouvelles technologies.

En ce qui concerne le recours à la visioconférence pour la prise de plainte, il s'agit d'une simple faculté. Notre commission a d'abord considéré qu'elle ne pouvait concerner que les atteintes aux biens. Le ministre souhaite l'élargir à certaines atteintes aux personnes. Nous nous en remettrons à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je dois dire que le ministre m'a convaincu.

La commission a amélioré la réponse pénale en matière d'atteintes aux élus et de refus d'obtempérer, en hausse de respectivement 57 et 17 % sur un an, ainsi que de rodéos urbains.

Les groupes CRCE, SER et GEST ont déposé un très grand nombre d'amendements. La commission s'est efforcée d'être cohérente avec ses positions passées. Sur la formation des policiers et gendarmes, elle considère qu'il faut attendre les résultats de la mission d'information lancée par le président Buffet. C'est pourquoi nous ne donnerons que peu d'avis favorables aux amendements déposés... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC ; M. François Patriat applaudit également.)

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Pascal Allizard et Jérôme Bascher applaudissent également.) L'article 5, relatif au réseau radio du futur, et les articles 7 à 16 ont été approuvés dans leur ensemble : ils simplifient la procédure pénale et dotent nos forces de nouveaux outils juridiques.

Toutefois, la commission a modifié les dispositions touchant aux amendes forfaitaires délictuelles, en réintégrant certains éléments figurant dans la première version du texte.

La commission est bien sûr favorable au réseau radio du futur, mais elle a supprimé l'habilitation à procéder par ordonnances, prévue à l'article 5. Le Gouvernement a pris en compte nos observations et déposé un amendement qui nous satisfait.

En ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des enquêtes, il est nécessaire de réformer la filière investigation. Le recrutement de 5 500 assistants d'enquête permettra aux enquêteurs de se concentrer sur leur coeur de métier. La commission souhaite une évaluation dans trois ans de ce nouveau cadre d'emploi. En outre, elle a mieux encadré leur rôle en matière de transcription d'enregistrements : nous avons adopté à cet égard un amendement d'Alain Richard répondant à une préoccupation du Conseil d'État.

Le texte prévoit la possibilité de passer l'examen d'OPJ dès la sortie d'école. Nous avons souhaité étendre la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie.

En revanche, nous n'avons pas été convaincus par la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis de moins d'un an d'emprisonnement - soit 3 400 infractions pénales. Sur la consommation de stupéfiants, je me range à la démonstration du ministre. Mais la généralisation de l'amende forfaitaire n'est pas la panacée pour désengorger les tribunaux et lutter contre l'insécurité du quotidien. Nous privilégions une extension limitée à certains délits, comme les tags, la détention sans permis d'un chien d'attaque ou l'entrave à la circulation.

La commission est favorable à une sanction plus dure de l'outrage sexiste, encore trop peu réprimé sur le terrain.

Elle soutient aussi l'extension des pouvoirs du préfet en cas de crise d'une particulière gravité ; elle a même étendu le dispositif aux agences régionales de santé, qu'il n'y a aucune raison de maintenir à l'écart de cette unité de commandement.

M. Michel Savin.  - Très bien !

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Beaucoup reste à faire, mais les mesures proposées sont un pas dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est le fruit d'un long cheminement. En 2018 déjà, la commission d'enquête du Sénat sur les forces de sécurité intérieure attirait l'attention sur le malaise policier : ses rapporteurs, François Grosdidier et Michel Boutant, proposaient un Livre blanc de la sécurité intérieure, suivi d'une loi de programmation...

Nous vous savons gré d'avoir mené à bien ces chantiers. Le Beauvau de la sécurité a ouvert la voie à des mesures importantes pour les policiers et gendarmes, notamment en matière de lutte contre les violences intrafamiliales et de prévention des crises.

Les 15 milliards d'euros prévus représentent un effort important, sans doute à la hauteur de l'enjeu.

En revanche, nous regrettons que le texte soit trop centré sur la sécurité et trop imprécis sur les missions des policiers et gendarmes. Nous nous inquiétons de l'état indigne du parc immobilier de la police et de la gendarmerie : rien dans le texte sur ce point, le rapport annexé laissant entendre qu'il faudra attendre la création d'un nouveau service. Il est pourtant urgent d'agir !

Nous déplorons aussi la mise en place précipitée de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, car les collectivités territoriales risquent d'être sollicitées, alors qu'elles n'en ont pas les moyens. Nous avons déposé à cet égard un amendement commun avec la commission des lois.

Nous saluons à notre tour l'engagement contre la délinquance des forces de sécurité, notamment de la gendarmerie dont le statut militaire est gage d'efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Parmi ses grandes orientations, le texte prévoit le renforcement de la présence de nos forces dans la ruralité.

La relocalisation de certains services du ministère, l'objectif de doublement des forces de sécurité sur le terrain et le recours accru à la réserve opérationnelle vont dans le bon sens. Encore faut-il que les effectifs suivent. Nous avons adopté un amendement pour favoriser l'acquisition de compétences par les réservistes et leur fidélisation.

Le chapitre consacré au renforcement du maillage des forces de sécurité a trop maigri depuis le Livre blanc. Seule avancée concrète, la création de 200 brigades de gendarmerie, mais sans plus de précisions. La question de la répartition territoriale entre une police spécialisée et une gendarmerie polyvalente n'est pourtant pas anodine : il faut un ajustement fin sur la base de critères objectifs reposant sur la réalité de la délinquance, plutôt que les critères existants, trop simplistes.

En cas d'urgence, il faut aussi généraliser les protocoles départementaux police-gendarmerie : c'est l'objet de plusieurs amendements.

Les modalités de création des 200 brigades soulèvent plusieurs questions, comme l'a souligné l'Association des maires de France. Les annonces sur le terrain se sont succédé avant même l'examen de ce texte. Espérons que nos débats dissiperont les ambiguïtés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Voici un texte de grande importance, qui ouvre de façon tonique notre session et le second quinquennat du Président de la République.

Il définit le cadre des moyens de nos forces pour les cinq années à venir, avec une forte augmentation des crédits. Le texte, cohérent, offre un bon débouché aux débats approfondis auxquels ont donné lieu le Livre blanc sur la sécurité intérieure et le Beauvau de la sécurité.

La programmation ne peut concerner tous les ministères, sans quoi il deviendrait difficile de construire la loi de finances annuelle... Mais elle est bienvenue en matière de sécurité intérieure : elle nous servira de balise chaque année pour assurer le déploiement cohérent des moyens.

Ces moyens bénéficient bien sûr à la diffusion territoriale de la police et de la gendarmerie, mais aussi à la sécurité civile, ainsi qu'au support numérique du ministère, qui s'est fait attendre.

Des emplois sont recréés dans les préfectures, qui ont vu leurs moyens humains baisser depuis quinze ou vingt ans. Il y aura des enjeux de recrutement et de formation, autour desquels le ministère se mobilise.

Nous faisons le bon choix en ne suivant pas le projet initial du Gouvernement mais en adoptant une liste limitative d'infractions concernées par l'amende forfaitaire délictuelle. Il y avait un problème juridique mais aussi pratique : la capacité des agents à mémoriser 500 infractions... Si le dispositif se révèle efficace, nous pourrons ultérieurement l'étendre.

Le recrutement d'assistants d'enquête est bienvenu, comme la procédure simplifiée pour demander des actes de police scientifique.

La police judiciaire connaît une situation de tension ; la décision formelle concernant son organisation gagnerait à être prise au plus vite, sans affecter la liberté professionnelle des agents concernés. Le malaise de ces derniers vient aussi du sentiment d'insuccès qui découle de la complexification du code de procédure pénale, les pièges de procédure étant trop nombreux. Il faudrait donc que sa refonte soit menée le plus vite possible par des autorités juridiques indiscutables pour faciliter le travail des OPJ. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce projet de loi est en quelque sorte un texte 2.0 : depuis la version présentée en pleine campagne présidentielle, il a été réduit de moitié et expurgé de ses dispositions sur l'immigration, ce que je salue. Ne confondons pas causalité et corrélation.

Il n'est donc pas le texte sécuritaire le plus déséquilibré que nous ayons eu à examiner en dix ans. Cela tient à son architecture, autour de trois piliers : budgétaire, d'orientation et législatif.

Sur le plan budgétaire, nous nous félicitons des moyens supplémentaires accordés. Profitons de ce débat pour exprimer un soutien sans réserve aux forces de l'ordre qui ne comptent ni leurs heures, ni leurs efforts, du Creusot à Saint-Denis.

La plupart des candidats à la présidentielle s'étaient engagés à augmenter les moyens : nous ne ferons pas la fine bouche face à ces 15 milliards d'euros, même si nous resterons vigilants sur leur exécution.

En matière d'organisation, le rapport annexé est cohérent avec le Livre blanc et le Beauvau de la sécurité. La place du numérique parait légitime : sans tomber dans un « solutionnisme » technologique, donnons les moyens à la police de lutter contre la criminalité à armes égales. Nous saluons la volonté de rapprocher la police de la population, même si l'on pourrait aller plus loin. Reste des interrogations sur le continuum de sécurité : il faudrait préciser que les collectivités territoriales agissent en complément et non en substitution de l'État. Nous présenterons des amendements au rapport annexé pour préciser la place de la police, en particulier de la police judiciaire.

Sur la partie normative, nous saluons le travail de la commission. Non, le Sénat n'a pas durci le texte. Les rapporteurs ont apporté des éléments de cadrage sur le dépôt de plainte en visioconférence et sur l'amende forfaitaire délictuelle. L'alignement des sanctions visant la violence contre les élus sur celles visant d'autres dépositaires de l'autorité publique est bienvenu.

Notre groupe ne se satisfait pas pour autant du texte issu de la commission. Nous formulerons des propositions sur l'amende forfaitaire délictuelle, sur la création d'une juridiction spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles, sur le refus d'obtempérer ou le rodéo urbain. La réponse ne réside pas dans le simple durcissement.

Le Sénat, bien conscient de l'état du pays, prônait le dialogue parlementaire avant même la majorité introuvable de juin 2022... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - La Lopmi a été annoncée dès 2021 dans le prolongement de la loi relative à la sécurité globale, dont nous demandons l'abrogation. Plus de la moitié des crédits vont à la transformation numérique, alors que la formation des policiers exige plus de moyens.

Mon groupe a toujours refusé la stigmatisation des forces de l'ordre. Nous préférons cependant le dialogue et la pédagogie à la répression. Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, la Lopmi éloigne les citoyens des forces de l'ordre, avec le dépôt de plainte en ligne par exemple.

En outre, le tout répressif rejette au loin la coopération entre police et justice. Simplifier la procédure pénale sans l'expliquer, n'est-ce pas considérer que nos agents ne peuvent la comprendre ?

Ce n'est pas un texte sur la justice, dites-vous ? Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Conseil d'État, généraliser l'amende forfaitaire délictuelle prive les justiciables de la procédure pénale et la police de fonctions d'autorité judiciaire. La constatation d'examens par les OPJ sans justification éloigne aussi les juges : la police scientifique ne saurait s'autosaisir.

L'abaissement des conditions de recrutement des OPJ est regrettable, car cette fonction exige de l'expérience. Idem pour la création d'un statut d'assistant.

Cette Lopmi entraîne une « macdonaldisation » de la procédure pénale, alors que la mission première de la police est de servir le citoyen. Fantasmer des agents « augmentés », équipés d'exosquelettes, n'en fera pas de meilleurs policiers de proximité, exemplaires et dignes, voués au triptyque prévention, dissuasion, répression.

Notre mission est de restaurer une confiance perdue. Comment parlez-vous à la jeunesse populaire ? Nous déplorons les partenariats avec des entreprises privées, qui vont dans le sens d'une sécurité mercantile. Cette loi est l'antichambre de la départementalisation de la police judiciaire, qui permettra à l'exécutif d'interférer dans les enquêtes -  d'où la colère des magistrats et des enquêteurs.

Alors qu'à la crise sociale s'ajoutent la crise sanitaire et la guerre, la police doit apaiser et non ajouter de l'anxiété à l'anxiété. Votre approche ne répond pas à ce défi, nous rejetterons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc des commissions.) Policiers et gendarmes ont besoin de soutien et d'accompagnement, et le rapport annexé en tient compte. Je ne suis pas sûre, toutefois, qu'il soit applicable sans modification législative. Je pense à la sécurité de grands évènements sportifs à venir... Mais nous pourrons toujours y revenir.

Un syndicat de police bien connu dit souvent que le problème de la police, c'est la justice... L'inverse est aussi vrai. L'investigation n'attire plus guère, ce qui augmente le stock d'affaires non traitées et de justice non rendue, d'où un sentiment d'injustice -  mais s'agit-il seulement d'un sentiment ?

En réponse, ce texte facilite l'investigation, qui sera plus présente dans la formation initiale. Je salue la proposition des rapporteurs d'attribuer la qualité d'OPJ aux élèves officiers de la gendarmerie, renfort appréciable. Ainsi, davantage de dossiers pourront être traités et les victimes seront mieux accompagnées.

Attention toutefois : le dépôt et le suivi de plaintes en ligne, formidable idée, est-il bien réaliste ? Je crains des déceptions...

Sur les violences intrafamiliales, devenu un contentieux de masse avec la libération de la parole, le rapport prévoit le doublement des enquêteurs et le recrutement de 200 intervenants sociaux. Je salue aussi la création du fichier de prévention de ces violences, pour empêcher leur réitération : son efficacité dépendra de la formation des forces de l'ordre et de leur capacité à repérer les signaux faibles. Un gendarme ne doit plus hésiter à demander le retrait de l'arme d'un chasseur dans un tel contexte. Les associations pourront accompagner plus efficacement les femmes victimes de violences en organisant le dépôt de plainte dans leurs locaux et en signalant les faits. J'imagine que cela se fera avec le concours d'un assistant de police judiciaire, d'où la création de ces postes. Bien sûr, nous resterons vigilants sur l'application de ces mesures.

J'ai eu l'occasion de me pencher sur l'utilisation du numérique par les magistrats ; je n'ai pas été dépaysée en m'intéressant aux policiers, Cassiopee pénalisant autant les uns que les autres. Créer une grande agence du numérique pour l'ensemble du ministère est une idée pertinente, mais uniquement si les leçons de l'échec de Scribe sont tirées.

Enfin, peut-être certains problèmes matériels pourraient-ils être réglés rapidement : certaines gendarmeries, dans l'Yonne par exemple, ne sont toujours pas fibrées. Je vous ai adressé une question écrite à ce sujet, restée sans réponse...

S'agissant du maillage territorial, je salue la création de brigades de gendarmerie, notamment mobiles.

Je note toutefois que vos services parlent souvent de la création de maisons France Services...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pas moi.

Mme Dominique Vérien.  - Je pense aux préfets. Il s'agit en réalité de la montée en compétences de structures déjà existantes.

Ce texte, s'il est bien appliqué, apportera une bonne réponse ; l'UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

Cour de justice de la République(Résultat du scrutin)

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : ...................................288

Suffrages exprimés : ..................................261

Majorité absolue des suffrages exprimés : ......131

Bulletins blancs : .........................................27

Bulletins nuls : .............................................0

M. Gilbert Favreau a obtenu 261 voix, il est donc élu juge suppléant à la Cour de justice de la République. (Applaudissements)

M. Gilbert Favreau prête serment. (Applaudissements)

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Stéphane Ravier .  - Monsieur le ministre, je peux m'exprimer ici contre votre politique sans crainte d'être démis de mes fonctions : tel ne fut pas le cas d'Éric Arella, directeur zonal de la PJ de Marseille, limogé ce vendredi. Vous avez coupé la tête d'un géant, et cela ne vous a pas grandi. Vous ne réformez pas ; vous détruisez un monument, avec des méthodes qui seraient qualifiées à l'étranger d'autoritaires. (M. François Patriat proteste.)

Loin d'éradiquer l'insécurité, vous vous contentez de gérer les conséquences de son augmentation. Vous êtes incapable d'expulser un seul imam islamiste, qui a fini par s'expulser tout seul, et restez impuissants face aux rodéos urbains et aux refus d'obtempérer mortels pour les agents et les passants. Pendant ce temps, s'insinue la petite musique en provenance du Wokistan selon laquelle « la police tue »...

La présomption de légitime défense pour la police aurait été un symbole fort, vous l'avez refusée. La police municipale est oubliée, alors qu'elle est la dernière garante de l'ordre et souvent la première arrivée sur les lieux ; elle devrait se voir confier des compétences de police judiciaire et bénéficier du port d'armes de catégorie B1.

Vous oubliez la surreprésentation des étrangers dans la délinquance : 55 % des délinquants interpellés à Marseille ! Aucun début de réponse ; vous légiférez avec des oeillères, alors que Marseille et Nice sont classées moins sûres que Bagdad et Tripoli... (Mme Patricia Schillinger s'amuse.) Un chercheur a évalué le coût de ce grand ensauvagement à 69 milliards d'euros par an, un torrent de larmes et de sang dans un gouffre financier. Limogez la racaille plutôt que ceux qui la combattent !

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre pays accueillera les jeux Olympiques et la coupe du monde de rugby, qui s'ajouteront aux défis habituels : ne revivons pas le fiasco de mai dernier au Stade de France !

Le texte va pour l'essentiel dans la bonne direction. Outre l'adaptation au numérique, il tient compte de l'ancrage local des forces de sécurité : nous serons vigilants, lors du projet de loi de finances, sur le bon déploiement des moyens. Il ne faut pas oublier le milieu rural.

Je salue aussi les apports de la commission sur l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap.

La formation du personnel nous préoccupe, en particulier la formation continue, trop délaissée. La mission d'information sur les moyens d'action et les méthodes de la police révèle une forte marge de progression.

L'article 9 assouplit l'accès aux fonctions d'OPJ en supprimant la condition de trois années de service ; nous le regrettons, car ces fonctions sont exigeantes.

La simplification de la procédure pénale ne doit pas aller de pair avec la dégradation des droits fondamentaux, protégés de l'arbitraire par l'encadrement procédural. On ne peut y renoncer sous prétexte que policiers et gendarmes n'ont pas les moyens de le respecter.

La généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle est une fausse bonne idée : je salue à cet égard l'équilibre trouvé par la commission des lois.

Un mot sur la polémique liée à la réforme de la PJ. Quels sont les résultats des expérimentations menées ? Le manque de concertation vous pénalise, même si vous avez fait récemment un pas en ce sens, monsieur le ministre.

Le renforcement de la réponse pénale aux violences sur les élus est bienvenu, tant ces dernières augmentent. Nous avions déposé plusieurs amendements sur ce sujet, hélas déclarés irrecevables.

Notre groupe votera ce projet de loi dans sa quasi-intégralité. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.) Plutôt que Robocop, j'aurais évoqué Les quarantièmes rugissants. Dans ce film, qui a exactement 40 ans - comme vous, monsieur le ministre  - le héros, interprété par Jacques Perrin, affronte des lames de fond. La lame que vous affrontez, vous, c'est la course-poursuite entre l'État et les collectivités territoriales d'une part et la délinquance d'autre part, de plus en plus violente et technique.

Nous n'avons jamais réussi à faire de la sécurité un droit fondamental. Elle ne correspond à aucun critère supra-législatif. En la matière, l'État a vis-à-vis du citoyen une obligation de moyens et non de résultats.

Merci aux excellents rapporteurs. Naturellement, le groupe Les Républicains votera le texte issu des travaux de la commission. Pour la première fois, l'État reprend la tête de la course et se donne, peut-être, les moyens de gagner contre les délinquants. Vous avez de la chance : à 40 ans, ministre de l'intérieur, vous ferez voter un texte marquant, qui crante un certain nombre de sujets importants.

Les représentants des policiers se réjouissaient, il y a six mois, de voir enfin les choses bouger, d'avoir davantage de moyens... Mais l'affaire de la réforme de la PJ a ravivé les mécontentements.

Il faut trouver une solution. Il n'y a pas de République sans police reconnue par les citoyens comme étant leur police. Personne dans mon camp ne se permettrait de critiquer la police. Son action doit être reconnue si nous voulons que chaque citoyen se l'approprie.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que le garde des sceaux nous présenterait un texte sur les états généraux de la justice. Or depuis des années, j'entends la police se plaindre que la justice ne la suive pas. À quand des états généraux de la police et de la justice, ensemble ? Les Français le méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans notre pays, les homicides sont en hausse. Cela doit nous alarmer. Qu'il s'agisse de délinquance du quotidien ou de grande criminalité, la sécurité doit être une priorité.

Répondant à la promesse du candidat Macron de renforcer la présence des forces de l'ordre sur le terrain, le ministère prévoit les moyens financiers nécessaires d'ici à 2027.

Il est indispensable de juguler la progression de l'insécurité qui met en péril le pacte républicain et nuit au développement de notre économie, alors que la France s'apprête en outre à accueillir la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques.

Le groupe INDEP est favorable à l'augmentation des budgets des ministères de l'intérieur et de la justice, missions régaliennes les plus essentielles de l'État.

Le zonage des interventions en zone gendarmerie est crucial : il faut connaître son terrain.

Il est indispensable que la PJ conserve sa capacité d'enquête.

La problématique des effectifs ne doit pas masquer celle de la vétusté des équipements et installations. Le rapport annexé la prend en compte.

Il a été question de généraliser l'amende forfaitaire délictueuse pour toutes les incriminations punies de moins d'un an de prison. Le Conseil d'État en estime le nombre à plus de 3 400. La position de la commission des lois est plus sage. Nous sommes cependant inquiets du faible taux de recouvrement de ces amendes : moins de 50 % pour l'usage de stupéfiants en 2021. Il faut améliorer ce rendement.

Nous nous félicitons de la création des assistants d'enquête.

De 2008 à 2022, le code de procédure pénale est passé de 1 700 à 2 400 articles. Cette complexification est porteuse de risques. L'inflation normative doit être jugulée.

Le groupe INDEP soutiendra ce projet de loi, car nos concitoyens demandent une action forte de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'avenir du ministère de l'intérieur est au coeur du pacte républicain. Je ne surprendrai personne en exprimant les craintes du GEST sur ce texte qui évoque « Big Brother is watching you », 1984 ou Robocop, avec des « mystery shoppers », des policiers augmentés, des robots d'accueil aux frontières... Cela alors que nos concitoyens sont de plus en plus éloignés de l'accès à un humain du service public.

Nous avons voulu être force de proposition, puisque vous avez écrit, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à toutes les propositions.

Nous n'avons cependant pas la même vision de la police, de la sécurité et du maintien de l'ordre. Nous ne partageons pas non plus la position attentiste des rapporteurs et de la majorité sénatoriale, par exemple sur l'amende forfaitaire délictueuse.

Ce projet de loi reprend les allégations selon lesquelles la justice serait un frein à l'action des forces de l'ordre. Les femmes et hommes qui composent les forces de l'ordre, dont le rôle est d'assurer la sécurité et la tranquillité publiques, doivent être traités avec respect et considération. Ils doivent retrouver le sens de leur métier.

Le besoin de sécurité des citoyens repose aussi sur la transparence de l'action de la police, une meilleure gestion des dérives parfois violentes, une nouvelle vision de l'IGPN et des données publiées.

Il faut améliorer la protection contre l'incendie et envisager la création d'une police environnementale.

Nous ferons des propositions sur la transparence des forces de l'ordre pour renforcer la confiance de nos concitoyens à leur égard. Nos propositions sont plus protectrices que les vôtres, pour les citoyens comme pour les forces de l'ordre.

Nous ne voulons pas de drones à nos frontières mais une réelle réflexion sur les migrations, ainsi que sur notre politique d'accueil.

Le rattachement de la PJ à la direction départementale de la police nationale (DDPN), par la confusion entre pouvoirs administratif et judiciaire qu'elle entretient, provoque un rejet. Nous voulons une sanctuarisation de sa spécificité.

Nous ne voulons pas vider les commissariats juste pour mettre plus de bleu dans les rues !

J'observe avec surprise la dérive sécuritaire de certains textes. Nous avons déposé un grand nombre d'amendements, dont le sort scellera notre position sur le texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Ce projet de loi a pour vertu de doter nos forces de l'ordre de moyens humains et matériels à la hauteur de leurs missions. Il a aussi pour vertu d'être ambitieux.

Issu du Livre blanc et du Beauvau de la sécurité, ce texte illustre les grandes trajectoires du Gouvernement, il manque de précisions chiffrées. Souhaitons le débat soit l'occasion de les fournir.

Le Gouvernement a annoncé un partenariat renforcé avec les collectivités territoriales dans la lutte contre l'insécurité, mais les maires sont de plus en plus nombreux à déchanter. Lorsqu'ils demandent que l'État aide financièrement à installer des caméras de vidéosurveillance, ils se voient répondre par les préfectures que l'enveloppe n'a pas évolué. Lorsqu'ils participent à la rénovation des locaux, comme à Frontignan, ils constatent quelques années après que les policiers ont été transférés à Sète...

Les maires ont le sentiment d'un partenariat déséquilibré. C'est pourquoi ils ont accueilli avec circonspection l'annonce de la création de 200 brigades de gendarmerie. Ils craignent que certains territoires ne soient favorisés.

La lecture automatisée des plaques d'immatriculation se heurte à la réglementation. Il faut pourtant aider les collectivités territoriales à lutter contre le stationnement gênant qui peut entraîner des accidents mortels.

Plusieurs maires de grandes villes attendent une réponse, notamment Michaël Delafosse, maire de Montpellier, qui vous a écrit à ce sujet. Cela relève du domaine réglementaire, mais je relaie leurs attentes.

Certes, les effectifs de police et gendarmerie sur le terrain seront doublés, mais les infractions constatées, forcément plus nombreuses, seront-elles toutes traitées ?

Le dépôt de plainte par visioconférence ne pose pas de problème tant que le plaignant est bien informé tout au long de la procédure.

Le groupe SER est particulièrement attentif aux juridictions spécialisées dans les violences intrafamiliales. Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous fassiez un pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après avoir écouté mes collègues, je constate un premier succès : rarement une loi a été aussi attendue. Pendant le premier quinquennat, nous avons eu l'impression que la sécurité n'était pas une priorité du Président de la République.

Monsieur le ministre, vous êtes le septième ministre de l'intérieur en sept ans. Malgré le terrorisme, ce ministère n'a fait que gérer une succession de crises. Cela a mené au Livre blanc, suivi par les rencontres de Beauvau et par deux versions successives de la Lopmi.

Monsieur le ministre, vous avez réussi à recentrer le débat autour de la sécurité en ce début de mandature.

Je m'arrêterai sur l'article 2 de la Lopmi relatif à l'effort financier. En 2009, la Loppsi portrait sur 500 millions d'euros ; la Lopmi apporte six fois plus de crédits. L'effort financier sur les cinq ans à venir est plus que satisfaisant, avec une progression des crédits de paiement de 22 %, contre 17 % entre 2018 et 2022 et 12 % auparavant.

La Lopmi répond aussi aux besoins de la révolution numérique.

Le doublement des effectifs sur le terrain ne doit pas se faire au détriment des investissements.

Il n'est pas simple de réformer le ministère de l'intérieur. Depuis la crise terroriste, Il n'y a eu qu'une réforme, celle du temps de travail, initiée par Bernard Cazeneuve qui a occupé le ministère pendant cinq ans.

La réforme de la PJ n'est pas simple à mener en raison des inquiétudes qu'elle suscite. Elle répond à la nécessité de faire incarner par une seule personne la fonction de policier.

La disparité entre police nationale et préfecture de police est un sujet clé. Or cette Lopmi ne l'évoque pas ; c'est pourtant le coeur du pays. Toutes les sensibilités politiques sont désormais favorables à une police municipale... (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Henri Leroy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici une réforme qui va dans le bon sens. C'est rare : elle répond aux espoirs des forces de sécurité intérieure, aux attentes des élus locaux et nationaux exprimées lors le Beauvau de la sécurité -  auquel j'ai participé avec mon collègue Durain.

Monsieur le ministre, deux réserves cependant. D'abord, trop de textes votés restent lettre morte faute de décrets d'application et, surtout, de suivi concret sur le terrain - et vous êtes un homme de terrain.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - J'essaye !

M. Henri Leroy.  - Ma seconde réserve porte sur le contenu. Vous départementalisez judicieusement la police nationale, mais vous renoncez à revoir la répartition territoriale des forces de sécurité intérieure, pourtant attendue par de nombreux élus. La répartition actuelle date du siècle dernier, or la criminalité a évolué. Il faut s'y atteler, en étroite collaboration avec les maires, face à l'hydre de la délinquance. Pourquoi avoir renoncé ? Pour apaiser des craintes corporatives, voire sectorielles, au détriment de l'intérêt général. Parce que vous avez cédé à la pression syndicale. Or la situation est grave : trop de territoires sont perdus, délaissés, sacrifiés de la République. L'incivilité, la délinquance, le crime, la barbarie frappent partout, y compris dans la France rurale et périphérique, cette douce France autrefois épargnée.

Agir efficacement implique de combattre les lobbies et les habitudes, mais c'est aussi à cela qu'on mesure la pertinence d'une réforme.

Montrez, monsieur le ministre, que comme Pierre Joxe et Charles Pasqua avant vous, vous intégrez la stratégie organisationnelle et fonctionnelle. La réorganisation territoriale est une des clés de notre Lopmi, c'est la seule chance qu'ont nos forces de sécurité intérieure de prendre le dessus sur la délinquance. Ne restons pas au fond des classements, derrière le Mexique et la Malaisie... Nous le devons à nos concitoyens, à nos forces de sécurité, à nos élus de première ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je remercie les orateurs pour leurs critiques et leurs encouragements. Je note le soutien de la majorité sénatoriale, du RDSE et du groupe INDEP, mais aussi les interrogations du groupe SER. J'espère y répondre dans la suite des débats. La position du groupe CRCE et du GEST est plus négative...

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas très étonnant !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - J'essaierai de les convaincre !

Plusieurs orateurs ont déploré certaines lacunes du texte. C'est paradoxal : le Parlement demande des textes de plus en plus courts... mais regrette qu'ils ne soient pas exhaustifs.

Votre rapporteur M. Daubresse s'interroge sur le dépôt de plainte en visioconférence. Mon intention n'est pas de substituer la visio à 100 % à la présence effective ; il y aura toujours un accès au papier, comme je l'ai fait pour le prélèvement à la source ou pour l'e-procuration. La Lopmi permettra de déposer plainte sans se déplacer au commissariat. Devoir passer deux à trois heures au commissariat pour une plainte vénielle - car l'assurance l'exige en cas de dégradation de véhicule, par exemple - ne relève pas d'une police moderne. Nous pouvons déclarer nos impôts en ligne, consulter un médecin en ligne, mais en matière de police, nous en sommes restés à « Pinot simple flic » !

Les pré-plaintes en ligne sont déjà possibles pour les atteintes aux biens - soit 50 % des plaintes enregistrées en zone urbaine. Cela fonctionne. Passons désormais à la plainte en ligne. Pourquoi faut-il poser une demi-journée de congé pour déposer plainte pour un vol de Vélib' ? Chacun comprend l'intérêt de ne pas encombrer les services de police et en même temps de simplifier la vie des gens.

Les forces de l'ordre doivent pouvoir se consacrer aux plaintes les plus graves, comme les atteintes aux personnes ou les violences intrafamiliales, qui demandent du temps et de l'écoute.

Le rapporteur veut réserver la visio aux plaintes pour les atteintes aux biens. Je ne suis pas de cet avis. Les plaintes qui réclament des examens médicaux, un entretien plus intime, doivent bien sûr se faire en présentiel. Les policiers peuvent recueillir des plaintes au commissariat, mais aussi en se déplaçant, chez l'avocat, la famille, le centre communal d'action sociale (CCAS) ou dans une association. Nous expérimentons ainsi « l'aller vers » dans dix départements.

Mais il serait absurde que seules la police nationale et la gendarmerie n'aient pas accès aux outils numériques pour faciliter la vie de nos concitoyens. Cela a été le cas pour les drones, que nos forces de sécurité intérieure ont été les dernières à avoir le droit de faire voler...

M. Hervé, quant à lui, souhaite limiter les dépôts d'amendements. Le Gouvernement n'en dépose que deux, dont l'un supprime l'habilitation à légiférer par ordonnance - à la demande de votre commission.

Mme Jourda et M. Leroy ont évoqué la répartition police-gendarmerie, sujet passionnant s'il en est, en particulier pour les sénateurs. C'est surtout vrai en période électorale, et mon département du Nord, très représenté aujourd'hui, est renouvelable en 2023... (Sourires)

Quoi qu'il en soit, cette répartition n'est pas si difficile à établir. En la matière, il n'y a qu'un article du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui fixe la limite entre les zones à 20 000 habitants. Quelques exceptions demeurent, comme Libourne, restée en zone gendarmerie malgré sa croissance démographique.

Je n'ai pas repris la proposition du Livre blanc de revoir la répartition. Les gendarmes vivent dans leur caserne, ce n'est pas le cas des policiers. Une révision nécessiterait de longues discussions avec les syndicats ainsi qu'un accompagnement social.

Alors que nous devons lutter contre une forte délinquance, rattraper notre retard sur le cyber et organiser les jeux Olympiques, la répartition territoriale police-gendarmerie n'est pas le premier combat à mener, même si certaines situations, notamment en outre-mer, méritent d'être examinées. Priorité à la lutte contre la délinquance, et les derniers chiffres - 23 % de violences aux personnes en moins par rapport à l'année dernière, une première en quatre ans - montrent que notre politique de présence sur le terrain fonctionne.

La question de la répartition n'est-elle pas d'ailleurs un peu datée ? Les points de deal sont désormais sur le territoire numérique, les échanges d'armes se font sur le dark web, les zones de transport, par exemple dans l'agglomération toulousaine qui augmente de 15 000 habitants par an, dépassent les frontières territoriales.

Ne peut-on envisager une répartition non par territoire, mais par thématique de délinquance ? La police pourrait par exemple prendre en charge l'intégralité des voies de transport. Je me contente de poser la question, un futur ministre de l'intérieur pourra y répondre.

Sur l'allocation des brigades de gendarmerie, j'ai été un peu surpris des propos de M. Bourgi... Si vous ne voulez pas de brigades supplémentaires, il n'y en aura pas dans votre département ! (Sourires) La création de 200 brigades n'est pas une promesse en peau de lapin -  comme on dit dans le Nord. Je propose une répartition des effectifs à 52 % pour la police et 48 % pour la gendarmerie ; c'est la première fois qu'un ministre de l'intérieur propose une quasi-parité.

Comment allons-nous les répartir ? Nous réunirons les maires et parlementaires, avec le commandement de gendarmerie et le préfet, pour faire le point sur les brigades supplémentaires - entre deux et cinq, selon les départements. Nous ferons des propositions aux élus, en leur donnant trois ou quatre mois pour un retour. Tout le monde sera consulté. Enfin, sur double proposition des élus locaux et du commandant de groupement, nous ferons les arbitrages. Je précise que plus il y aura de locaux disponibles, plus les brigades seront implantées rapidement. Aucun chantage là-dedans, et l'effort commence par l'État, qui dispose d'implantations vacantes - anciennes casernes, par exemple. Nous financerons les rénovations nécessaires, mais si une collectivité offre des locaux, je ne bouderai pas mon plaisir.

Ces 200 brigades seront annoncées en mars et créées dès l'été prochain, puisque nous avons les effectifs pour le faire.

Madame Assassi, je partage votre opinion sur la formation. Le Gouvernement a porté la durée de la formation initiale des gardiens de la paix et gendarmes de huit à douze mois. Pour la formation continue, nous manquons de formateurs. Nous en recrutons 250 pour la gendarmerie et 500 pour la police nationale. Encore faut-il trouver les formateurs de formateurs. Un tel progrès est inédit. Vous avez raison, la formation aide les policiers et gendarmes à mieux respecter la loi de la République ; c'était une demande du Beauvau de la sécurité.

Sans compter que les forces manquent de temps pour se former - je dois cinq semaines de congés payés aux CRS et aux gendarmes mobiles ! - parce qu'elles sont sans cesse sollicitées par leur service : matchs de foot, police aux frontières, manifestations du samedi, attaques de l'ultragauche... (On se récrie à gauche.) La création de onze unités de forces mobiles aidera à assurer les trois tiers : un pour le repos, un pour la formation, un pour l'action.

La police technique et scientifique n'est, aujourd'hui, pas une police au sens légal du terme, d'où des demandes d'autorisation et des protocoles d'intervention qui prennent un temps fou. Il s'agit de faire confiance aux agents et mettre fin à cette gabegie administrative, pas de lever tout contrôle.

Madame Assassi, vous m'interrogez sur notre politique pour la jeunesse. Mais nos gardiens de la paix sont des jeunes - ils entrent à 19 ou 20 ans ! Ce sont des enfants du peuple, pas de patrons du CAC 40.

Monsieur Durain, je comprends vos interrogations. Je suis très favorable à l'amendement que vous avez déposé avec le co-rapporteur de votre mission d'information sur la filière judiciaire. Je précise toutefois que l'immigration n'a jamais figuré dans la Lopmi, mais fera l'objet d'un texte ad hoc.

Madame Vérien, vous évoquez les 400 000 affaires de violences intrafamiliales. Nous doublons le nombre d'enquêteurs spécialisés, nous affectons des assistants sociaux et des psychologues. Oui, je suis favorable à une juridiction spécialisée pour les violences intrafamiliales, comme en Espagne. Cela aidera les policiers et gendarmes.

Seulement 30 % des victimes avaient déposé une plainte ou un signalement. Autrement dit, mieux former policiers et gendarmes ne suffit pas à résoudre le problème des féminicides. La solution est aussi au sein du monde associatif et médical, où l'alerte n'est pas toujours donnée.

L'ordre public fera l'objet de dispositions d'un texte ultérieur.

M. Ravier déplorait l'absence de dispositions sur la police municipale. Il a sans doute manqué les débats sur la loi Sécurité globale : c'est le Conseil constitutionnel qui nous a indiqué que lui donner plus de pouvoirs signifierait la placer sous l'autorité du procureur de la République. J'imagine que peu de maires y sont favorables. M. Ravier veut donner plus de pouvoirs judiciaires à la police municipale, mais refuse que la PJ se réforme. C'est assez antinomique... 

J'ai conscience des difficultés que pose la réforme de la PJ. C'est le lot de toute réforme importante. Celle-ci était demandée par Pierre Joxe en 1988. La police nationale travaille en silos, dit M. Leroy à juste titre.

Monsieur Karoutchi, vous nous reprochez de ne pas suffisamment écouter le Sénat, avant ensuite de nous reprocher d'aller trop vite. Ces vingt-cinq dernières années, pas moins de sept rapports du Sénat ont préconisé la réforme que nous mettons en place. Selon le rapport Boutant-Grosdidier, le dernier en date, la police nationale souffre de sa segmentation et de son manque de cohésion, alors que le commandement de la gendarmerie nationale est unifié. Nous nous proposons de mener à bien cette réforme. Que fait la gendarmerie nationale ? Elle rend rapport au commandant régional. La section spécialisée de police judiciaire est saisie, depuis deux siècles, par les magistrats.

Le préfet de police est responsable de toutes les forces de police dans un ressort territorial qui concentre 35 % de la délinquance. Pour autant, pour ce qui est de l'enquête, la PJ répond aux magistrats. Ainsi, la police nationale est l'exception, et non l'inverse.

Je lis les rapports sénatoriaux, monsieur Karoutchi, et je vous réponds : travaillons ensemble !

Monsieur Richard, les élections professionnelles se tiendront début décembre. Certaines expérimentations, à Mayotte, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, ont montré l'efficacité de la réforme de la DDPN. J'ai commandé un rapport à l'Inspection générale de l'administration (IGA) et à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), que je recevrai le 15 décembre prochain : nous discuterons alors de la réforme avec les syndicats.

On ne peut pas éternellement s'en référer à Clemenceau. Je ne lui arrive pas à la moustache, mais depuis, il y a eu internet, la mondialisation, le taux d'élucidation a baissé. Clemenceau a retiré la police aux pouvoirs municipaux, non sans opposition : devant une criminalité organisée, il a contraint la police à s'organiser.

Aujourd'hui, devant une criminalité numérisée, internationale, multiforme, il nous faut réformer la police nationale. On en parle depuis Pierre Joxe, depuis le Livre blanc de la sécurité et le Beauvau de la sécurité. Je rassure les magistrats : ils conservent l'entière responsabilité des enquêtes et le libre choix du service selon l'article 12 du code de procédure pénale. Sur les questions de probité, les affaires locales pourront remonter au niveau national -  je ne m'y opposerai pas.

Je précise, sans renier nos débats, qu'il ne s'agit pas de dispositions législatives : nous modifions 176 textes réglementaires. Cela figure dans le rapport annexé, par honnêteté. Il faut savoir se réformer, en respectant les métiers et l'action de la police, qui a été créée pour les gens.

Monsieur Benarroche, je connais la souffrance au travail des policiers. Évitons de les insulter, de dire que la police tue, si l'on veut qu'ils aillent mieux. Pas d'amalgame, dites-vous ? Me comparer à Orwell me semble un peu excessif -  je n'ai pas son talent littéraire, et je suis né en 1982, non 1984 (Sourires). Vous réclamez une police environnementale ?  Nous créons la première gendarmerie verte, et nous renforçons l'office concerné.

Vous dites être vigilant face à l'autoritarisme tout en regrettant les disparités entre départements en matière d'amende forfaitaire délictueuse. En effet, la quantité de cannabis menant à une amende forfaitaire délictueuse n'est pas la même dans le Val-d'Oise et en Savoie, car elle est fixée par le procureur de la République dans son ressort. Acceptons que les procureurs ne soient pas aux ordres du ministère de l'intérieur... Ce dernier ne détermine pas la politique pénale, mais il demande que la sanction s'applique. Il ne s'agit pas de se substituer au juge, mais de savoir si un délit -  un tag, par exemple  - mérite une contravention ou une procédure pénale. Les amendes forfaitaires délictueuses ont été créées pour des délits routiers, par des gouvernements de gauche.

Monsieur Bourgi, je m'étonne que l'argent manque dans l'Hérault pour les caméras de vidéoprotection.

M. Hussein Bourgi.  - Je parle de Béziers !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - En 2022, il y a eu 5 millions d'euros de plus du Fonds interministériel de la prévention de la délinquance (FIPD) qu'en 2021, et 5 millions d'euros de plus encore qu'en 2020. Cinq millions d'euros supplémentaires sont encore prévus pour 2023. Je suis heureux d'entendre des sénateurs socialistes demander des caméras supplémentaires : je ferai de mon mieux pour trouver les moyens de les fournir. (Sourires)

Je m'engage à ce que les maires obtiennent compétence en matière de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi) ; c'est réglementaire. Il vous reste à convaincre M. Hervé, votre représentant à la Cnil.

Enfin, sur les effectifs, la ville de Montpellier ne peut pas se plaindre.

M. Wattebled a parfaitement raison de dénoncer les conditions matérielles des policiers. Ministre des comptes publics, je m'étonnais que les dépenses de personnel du ministère de l'intérieur augmentent alors que celles de matériel diminuaient. Nous avons tous fait des tours dans des voitures de gendarmerie délabrées...

Grâce à vous, le plan de relance a été l'occasion d'importants efforts pour la police et la gendarmerie. Dans le projet que nous vous présentons, le T2, les dépenses de personnel, augmente moins que le hors T2. Pour la première fois, nous osons dire au personnel que le rattrapage technologique est plus important qu'un chèque supplémentaire. (M. Philippe Dominati approuve.)

Sur les 15 milliards d'euros de budget, la moitié porte sur le numérique et sur le cyber. C'est contre-intuitif pour tous ceux qui voudraient des policiers supplémentaires ici et maintenant, mais on ne gagnera pas la bataille contre la délinquance en prenant encore un train de retard. Comme dans l'armée, les moyens matériels sont aussi importants que les moyens humains.

Monsieur Dominati, vous avez rappelé que j'étais le septième ministre de l'intérieur en sept ans. Les syndicalistes me disaient : « les ministres passent, les syndicalistes restent » ; j'ai vu quatre d'entre eux partir. (Sourires)

J'ai déjà effectué deux ans et demi : dans trois mois, j'aurai dépassé Cazeneuve ; fin 2023, Gaston Deferre. Si je passe les jeux Olympiques, j'aurai tenu presque aussi longtemps que Raymond Marcellin. (Sourires) Je suis d'accord avec vous : il faut durer pour réformer en profondeur. Plus je resterai, plus je m'efforcerai de transformer la police.

Le doublement de la présence policière sur le terrain est au coeur de notre discussion. Il y a des effectifs supplémentaires, 6 000 pour les forces de police et de gendarmerie. Nous en demandons 8 500 de plus, mais cela ne suffira pas à doubler la présence sur la voie publique. Nous demandons donc des efforts sur le taux horaire : là où il fallait huit policiers pour un sur la voie publique, nous passons à sept.

Les réserves, très utiles à la gendarmerie, n'existaient pas pour la police nationale. La création de la réserve de la police nationale renforcera le lien police-population ; c'est une grande avancée. Nous sanctuariserons les crédits, trop souvent annulés en fin d'exercice. Cela contribuera au doublement de la présence.

Ensuite, tous les policiers sont désormais équipés d'un téléphone NEO, fabriqué par une PME d'Aix-en-Provence. (M. le ministre brandit un téléphone mobile.) Ainsi, ils ne retournent pas à la caserne ou au commissariat pour consulter les fichiers ou dresser une contravention : tout se fait par ce biais. D'ici un an, la radio sera installée sur ce téléphone, avec l'image. Puis ce sera au tour des pompiers, des douaniers... Là encore, cela fait gagner du temps et favorise la présence.

La procédure pénale sera simplifiée, comme l'a demandé le Président de la République, avec par exemple la fusion de l'enquête préliminaire et de l'enquête de flagrance.

Pourquoi ne réformons-nous pas la préfecture de police ? À Paris, le maire n'a pas le pouvoir de police des autres maires. Mais Paris n'est pas n'importe quelle ville : elle concentre les lieux de pouvoir et 23 % de la délinquance. À lieu exceptionnel, moyens exceptionnels. Faut-il entamer une telle réforme alors que nous luttons contre une délinquance considérable - songez que davantage de voitures y ont brûlé le 14 juillet qu'en Seine-Saint-Denis - et que nous accueillons les jeux Olympiques ? La mission que j'ai donnée au préfet de police est de faire baisser la délinquance et de réussir les Jeux. Si j'atteins la longévité de Marcellin, si je survis aux jeux Olympiques et qu'en septembre 2024, vous me demandez quel chantier j'ouvrirai, je vous ferai peut-être une autre réponse... (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 17 h 25, reprend à 17 h 35.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Laurent Burgoa .  - L'été dernier a démontré la réalité du réchauffement climatique et le risque d'incendie s'accroît chaque année. La base aérienne de sécurité civile de Nîmes, par le niveau technique de ses hommes et la qualité de ses structures, devrait être le centre d'expertise européen. Le fait que sa position soit inscrite dans le texte favorisera le renforcement des synergies.

La métropole de Nîmes est très investie dans le projet européen Nemausus. Une véritable agence européenne devrait s'installer sur notre base.

Monsieur le ministre, il faut continuer à défendre ce projet dont la France et l'Europe ont besoin.

M. Philippe Tabarot .  - Cet article décrit les projets du ministre à partir de 2023. On peut saluer les avancées, mais je déplore les carences de la sécurité dans les transports ; il y a eu 122 170 victimes d'agressions dans les transports en commun en 2021. Comment comprendre que rien de tangible ne figure sur ce sujet dans le projet de loi ? J'ai déposé des amendements -  cosignés par 70 de nos collègues  - , mais ils n'ont pas passé le filtre de la recevabilité, signe d'un projet de loi trop restreint.

Comment expliquer qu'un usager fraudant dans le TER pour la trentième fois puisse continuer à narguer les agents de sécurité ?

Pourquoi la fouille au corps, par des agents dûment agrémentés, n'est-elle possible que dans certaines stations, au point que les autres deviennent des refuges pour les voleurs ?

Pourquoi s'abandonne-t-on à cette fatalité ? N'est-ce pas le signe d'une indifférence ou, pire, d'un renoncement ?

Mme Nathalie Delattre .  - Les gendarmeries assurent le maintien de l'ordre dans les territoires ruraux. Un bon équipement motive les gendarmes. Il faut implanter de nouvelles brigades, notamment dans les territoires qui connaissent une poussée démographique, comme la Gironde. J'espère qu'Ambès fera partie des communes retenues.

La formation continue est encore trop négligée. Nombreux sont les agents qui n'ont pas même une journée de formation par an. Malheureusement, mon amendement sur le sujet a été jugé irrecevable.

M. Marc Laménie .  - Cet article premier a suscité beaucoup d'amendements, notamment sur la cybercriminalité.

Le ministre a souligné la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Mais dans les Ardennes, département frontalier, des brigades ont été supprimées.

En 2010 et 2011, les lois d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 1 et 2) ont apporté des avancées significatives. Réinstaller des brigades est important pour bien mailler le territoire.

Le rôle des réserves est fondamental.

Il faut aussi recruter des jeunes gendarmes et policiers, et pour cela le travail avec l'Éducation nationale est important.

Mme la présidente.  - Amendement n°174, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement supprime l'article premier, car en matière de sécurité, l'ambition première doit être de restaurer le lien de confiance entre population et police, et d'assurer la sécurité des biens et des personnes, y compris de la police.

Le groupe CRCE sait ne pas s'enfermer dans une posture de rejet. Nos nombreux amendements en témoignent. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi pour le rétablissement de la police de proximité, qui est indispensable pour articuler la prévention, la dissuasion et la sanction.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui nous priverait d'un débat intéressant sur la centaine d'amendements qui suit.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°174 n'est pas adopté.

RAPPORT ANNEXÉ

Mme la présidente.  - Amendement n°90, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 1

Insérer dix alinéas ainsi rédigés : 

Le Gouvernement restaure une véritable police de proximité, dont la priorité est de rétablir une relation privilégiée avec la population. Il remet en cause l'évaluation chiffrée de la performance policière : le travail de la police nationale, de la police municipale et de la gendarmerie sera évalué en fonction du service rendu aux habitantes et habitants, et non en fonction de la politique du chiffre et de statistiques de la délinquance.

Le Gouvernement mènera une réflexion d'ampleur sur les missions de la police, dans l'objectif de réaffirmer son caractère de service public, mû par les principes d'accessibilité et d'égalité. La restauration de la confiance entre la police et la population sera l'objectif majeur et incontournable de ces réflexions. 

L'importance de la distinction claire et étanche entre les missions de police administrative, intervenant en amont de troubles à l'ordre public, et les missions de police judiciaire, intervenant en aval de la commission d'infractions, sera rappelée. 

Il revalorise les missions sociales des policiers et gendarmes : des partenariats sont systématiquement mis en place afin de renforcer les liens avec les collectivités territoriales et les différents acteurs oeuvrant sur le terrain, des missions sociales pour accompagner les populations vulnérables sont développées, à l'instar de l'opération #Répondreprésent lancée par la Gendarmerie nationale lors de la crise du Covid-19. Ces partenariats se traduisent également par l'organisation de rencontres fréquentes entre les habitants et les policiers affectés à leur territoire.

Le Gouvernement évaluera régulièrement la qualité de la relation entre population et habitants, au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, à partir d'indicateurs précis et participatifs évaluant la satisfaction des usagers, qui doivent être tout autant pris en compte en termes de carrière, d'avancement et d'évaluation de l'activité policière que les indicateurs traditionnels (taux d'élucidation d'affaires, taux de présence policière sur la voie publique, etc.). À l'échelle locale, la qualité de l'accueil policier devrait faire l'objet d'un « programme d'action local », élaboré en concertation avec les habitants et les élus, adapté à chaque situation qui identifie d'une part les besoins et les attentes des usagers et, d'autre part, les manques et les actions à entreprendre.

Le Gouvernement mettra en place des programmes de formation permettant d'améliorer le professionnalisme de l'accueil. Ces formations devraient notamment porter sur l'acquisition de savoir-faire en communication (accessibilité ; clarté et fiabilité des informations et des échanges) en psychologie/victimologie (empathie, respect et adaptation de la réponse) et en gestion (qualité et facilité des procédures). L'ensemble des forces de police devrait être formé aux méthodes d'accueil, en mettant l'accent, conformément au code de déontologie, sur le traitement respectueux et égalitaire des usagers.

Tous les commissariats et brigades seront rendus accessibles aux personnes en situation de handicap.

Les pratiques de contrôle d'identité et de verbalisation seront évaluées à l'aune de leur impact, positif ou négatif, sur la confiance entre la police et la population. Le Gouvernement restreindra les possibilités de contrôle d'identité qui laissent une marge d'appréciation extrêmement large sur l'opportunité de contrôler une personne. La légalité des contrôles d'identité sera conditionnée à la remise d'un récépissé papier nominatif, indiquant le fondement légal du contrôle et les éléments de faits permettant à l'agent de justifier la légalité du contrôle. Un dispositif de suivi des contrôles, interne au service de police, sera mis en place pour permettre aux hiérarchies de prendre connaissance des conditions de leur mise en oeuvre.

Une formation sera dispensée aux élèves policiers et gendarmes au sein de leur formation initiale, afin de les sensibiliser au caractère discriminatoire de l'usage de préjugés liés à l'apparence physique des administrés et des justiciables dans l'appréciation de l'opportunité de contrôler l'identité et de verbaliser.

Le Gouvernement refusera tout usage du pouvoir de verbalisation à d'autres fins que celle prévue par la loi. Aussi, cesseront les verbalisations ayant pour objectif informel d'évincer des individus jugés indésirables de l'espace public, ou de les intimider. Les services hiérarchiques prohibent par ailleurs la verbalisation à distance des usagers, qui empêchent le destinataire d'en être informé avant de recevoir l'avis de contravention.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement définit notre doctrine sur la présence des forces de l'ordre sur le terrain. Emmanuel Macron voulait « remettre du bleu » sur la voie publique, mais quelle sera la mission du policier ? Veut-on le réduire au rôle d'agent verbalisateur et de contrôleur d'identité ? Ce texte est muet sur le contrôle de l'action policière et ne pose aucune perspective d'amélioration des liens entre police et population. Ces silences et la culture du résultat ne peuvent qu'encourager une logique strictement répressive, ce qui joue contre les policiers eux-mêmes, on le voit déjà bien dans le malaise de la police. En réalité, seule une réforme d'ampleur revalorisera les métiers.

Le GEST défend une police au plus près de la population, facteur de confiance. Le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) montre que l'instauration du sentiment de confiance s'avère plus efficace sur le long terme que la répression.

Le Livre blanc de la sécurité intérieure concède qu'améliorer le lien avec le public est essentiel. Nous proposons un programme local pour bien identifier les besoins et les attentes des usagers, et évaluer la satisfaction des usagers sur leur accueil dans les services de police et de gendarmerie.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Comme en commission, je dis à M. Benarroche, qui reprend des préconisations de la CNCDH, que les priorités qu'il met en avant sont problématiques. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je suis très étonné de votre posture de défiance vis-à-vis des forces de l'ordre.

M. Guy Benarroche.  - Pas du tout !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vos propos me choquent même, par exemple quand vous dénoncez des verbalisations hors-la-loi. Expliquez-moi quelles verbalisations, dans notre pays, se feraient en dehors de la loi...

Je vous rappelle ensuite que le contrôle d'identité ne se fait que sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Ce qui ressort de votre amendement, c'est que vous n'avez pas confiance dans nos forces de l'ordre.

La souffrance au travail est liée aux suspicions des personnes sous l'autorité desquelles on se trouve : votre amendement ne ferait que l'accentuer, avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Je suis choqué en retour et je ne me suis pas permis de résumer votre position de façon aussi caricaturale que vous venez de le faire pour la nôtre.

Nous défendons la satisfaction des usagers : ce n'est pas un signe de défiance, mais une manière d'accroître le bien-être au travail des policiers.

Il faut revoir les pratiques de la police. Elle est l'institution de la République à laquelle tout le monde s'adresse, son rôle est primordial. Or l'évaluation de l'impact de son action est un angle mort, un impensé de votre politique.

Il faut prendre en compte les conséquences des choix politiques sur la confiance entre citoyens et forces de l'ordre, et voir que certaines pratiques policières ne font que renforcer la dimension répressive des forces de l'ordre.

Certaines catégories de la population connaissent la police et la gendarmerie surtout par les contrôles d'identité, cela ne peut qu'alimenter la défiance. (M. le ministre se récrie.)

M. François Bonhomme.  - Vous jetez la suspicion sur les forces de l'ordre. La demande de récépissés à tout va alourdirait la tâche des policiers. Vous alimentez le sentiment de suspicion, alors que les forces de l'ordre françaises sont parmi les plus contrôlées au monde. La police française n'a pas à rougir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°137, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

À ce titre, l'utilisation du numérique par les forces doit se faire dans le plus strict respect de la vie privée et des libertés individuelles, collectives et politiques telles que reconnues par la loi et la constitution. L'utilisation des technologies d'identification et de fichage de la population ne peut être qu'une solution limitée dans des objectifs particuliers et qui doit être contrôlée dans sa mise en oeuvre par des organismes externes au ministère et indépendants (CNIL, associations de défense des libertés, monde universitaire, etc.).

M. Thomas Dossus.  - Avec M. le ministre, nous avons le même âge, et donc assisté aux mêmes évolutions technologiques avec les progrès qu'elles peuvent représenter, mais aussi les menaces. La fascination pour la technologie dont témoigne ce projet de loi me semble naïve. Le ministre appelle à plus de moyens sans jamais questionner les technologies. On nage dans un « techno-solutionnisme » béat.

L'usage du numérique doit se faire dans le respect absolu de la vie privée et des libertés individuelles.

Nous connaissons tous les dérives des technologies. La Chine nous offre le parfait exemple de dangereuses pratiques techno-sécuritaires.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Oui, l'utilisation du numérique doit se faire dans le respect de la vie privée, mais ne jetons pas la suspicion en faisant allusion au fichage de la population. Nous ne sommes pas en Chine !

Une voix à droite.  - Il n'y a pas de Parlement en Chine !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le Sénat a défendu les libertés sur ce texte comme sur d'autres. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°137 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 41

1° Première phrase

Supprimer les mots :

, qui permettra de supprimer le nécessaire passage devant une autorité habilitée (officier de police judiciaire ou adjoint de police judiciaire)

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement porte sur la dématérialisation de la procuration. C'est la seule modalité qui fait courir un risque sur le vote, et M. Kerrouche, qui connaît bien la question, pourrait en témoigner.

L'usager n'aura plus à se déplacer pour établir sa procuration. Le Gouvernement prévoit donc implicitement la fermeture des guichets, alors que 13 millions de personnes sont en situation d'illectronisme. On pourrait abuser de leur confiance et les faire voter à leur insu.

Les usagers doivent conserver le choix de leur relation avec les agents du service public, au lieu d'être enfermés dans une relation uniquement numérique.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le ministre vient de dire que les guichets ne seraient pas fermés. La procuration restera une possibilité, qui n'empêche en rien d'aller au commissariat.

L'amendement est donc satisfait en pratique ; avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Effectivement, on pourra toujours passer physiquement dans un site dressant les procurations.

La pré-procuration en ligne a eu un grand succès : 170 000 ont été demandées lors des dernières élections.

Les policiers et gendarmes ont beaucoup d'autres choses à faire que vérifier des identités pour établir des procurations. Nous allons travailler sur l'identité numérique - chacun de nous utilise la sienne pour faire des virements bancaires, sans que cela pose problème. Ce texte propose d'aller dans ce sens pour les procurations, ce sera utile. Reste que vous pouvez être contre les procurations par principe, mais c'est un autre débat. Monsieur le sénateur, soyez rassuré, et soyez moderne !

J'ajoute que ce projet de loi ne porte pas seulement sur la police, mais sur toutes les missions du ministère de l'intérieur. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Quand on dématérialise des procédures, on dit toujours que les guichets seront conservés, mais la réalité, c'est qu'ils ferment ensuite rapidement, et ensuite il est trop tard... Cela ne pose guère de problème à ceux qui maîtrisent parfaitement les outils numériques, mais je rappelle que 13 millions de personnes sont touchées par l'illectronisme.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°175, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 45 et 46

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Après chaque dépôt de plainte issu de la procédure dématérialisée, un agent de police judicaire sera obligatoirement chargé de prendre attache avec la victime, à l'expiration d'un délai de trois mois après le dépôt de plainte. Ce délai correspondant à celui auquel est soumis l'examen de la plainte simple par le ministère public prévu à l'article 85 du code de procédure pénale.

Mme Éliane Assassi.  - Un chatbot n'a jamais rassuré l'utilisateur et cet outil contredit la volonté affichée par le ministère d'un contact humain pour chaque procédure. Dans cet amendement de repli, nous proposons que toute plainte fasse l'objet d'un suivi personnalisé, avec un contact téléphonique dans un délai de trois mois par un agent de la police judiciaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°70, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 45

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour chaque procédure dématérialisée, un guichet doit être maintenu pour accueillir physiquement les personnes qui ne souhaitent pas effectuer des démarches en ligne.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement prévoit le maintien systématique d'un guichet pour les procédures dématérialisées. Vous allez dire, monsieur le rapporteur, qu'il est satisfait, mais les quinze dernières années prouvent le contraire. Selon le rapport du Défenseur des droits du 16 février dernier, 22 % des Français n'ont ni ordinateur ni tablette, 8 % n'ont pas d'adresse mail, 15 % n'ont pas de connexion internet à domicile. La généralisation de la plainte en ligne doit nous alerter sur l'accessibilité des services publics numériques.

Les acteurs locaux disent leur besoin d'une présence territoriale des forces de l'ordre. Nous encourageons au Sénat l'implantation de médecins dans les zones sous-denses ; il serait étrange qu'un avis défavorable soit rendu à cet amendement qui relève de la même logique.

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 46, première phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

Le recours croissant aux téléprocédures ne suppose pas la suppression des démarches en présentiel à un guichet, dans un besoin d'accompagnement des usagers. L'ouverture des espaces France connect ne suppose pas la fermeture des guichets des services publics.

M. Guy Benarroche.  - C'est la même idée. Le Gouvernement supprime les guichets de service public, comme pour la prise de rendez-vous pour les titres de séjour. Les téléprocédures ne devraient pas entraîner la suppression de guichets. Les points d'accueil France Connect dans les préfectures garantiront-ils un égal accès aux services ? Les maisons France Services accompagnent, mais ne font pas les démarches. Le Défenseur des droits dénonce le fait que l'usager est désormais coproducteur malgré lui de ces démarches, chargé de s'équiper et de s'informer lui-même, tout en répondant aux canons fixés par l'administration. Le non-recours au droit augmente.

En réalité, on demande à l'usager de faire plus, pour que l'administration fasse moins. Les collectivités territoriales financent une grande partie des 1 100 espaces France Services et reçoivent une aide insuffisante pour cela : l'État contribue au coût de fonctionnement à hauteur de 30 000 euros par an, soit le coût de l'agent d'accueil...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Madame Assassi, le rapport d'orientation prévoit que chaque téléprocédure sera dotée d'un moyen d'accompagnement effectif et adapté à tous les usagers. Votre amendement supprime cette phrase. Aux procès d'intention de M. Benarroche, je réponds la même chose. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Jérôme Bascher.  - Dans l'Oise, la gendarmerie a choisi de fixer des rendez-vous pour permettre aux victimes de porter plainte, au lieu de laisser ses gendarmes attendre le chaland. Autre initiative : les gendarmes recueillent les plaintes à domicile, munis de leurs ordinateurs portables. Le ministère de l'intérieur fait des efforts pour gagner du temps homme de terrain. Tout cela va dans le bon sens et encadre ces démarches, je voterai contre ces amendements.

L'amendement n°175 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos70 et 72.

Mme la présidente.  - Amendement n°139, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 55

Remplacer les signes et le mot :

« augmentés »

par les mots :

mieux protégés et responsabilisés

II.  -  Alinéa 56

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 57, deuxième phrase

Après le mot :

allégé

supprimer la fin de cet alinéa.

M. Thomas Dossus.  - Avec les exosquelettes et les policiers augmentés, nous continuons dans le fantasme technologique du Gouvernement. Or l'augmentation du poids des équipements complique la tâche des policiers, comme l'a relevé la commission. Mais quelle est la solution ? Plutôt que de réduire les équipements, on prévoit un exosquelette ! Comme Robocop, le policier de demain sera bardé de capteurs. Voilà qui est de nature à améliorer les relations avec la population...

De plus, les projets d'équipement ayant recours à des exosquelettes sont abandonnés les uns après les autres, comme le projet américain Thalos.

Évitons ces dépenses et supprimons ces dispositions.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le fantasme est plutôt dans la tête de l'auteur de l'amendement... Je suis sidéré de voir le GEST remettre en cause la possibilité qu'a la science de progresser (Les sénateurs du GEST se récrient.) C'est un ingénieur qui vous parle : les exosquelettes sont très utiles, en particulier aux pompiers. Avec les précautions et l'évaluation (M. Guy Benarroche : « Ah ! »), nous avons les techniques nécessaires pour accroître notre efficacité. Vous parlez d'Orwell et de Robocop dès qu'on vous parle de science. J'ai conduit récemment une mission d'information sur la reconnaissance biométrique dans l'espace public, qui fait appel aux algorithmes de reconnaissance faciale. Nous avons en France les meilleures entreprises au monde dans cette technologie. Se priver de ces possibilités dans un projet de loi d'orientation à cinq ans serait une lourde erreur. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'objet de votre amendement mentionne « la pensée techno autoritaire » des auteurs du projet de loi. Votre vision est totalement irréaliste. Je vous invite à vous rendre aux congrès de sapeurs-pompiers : les exosquelettes aident à porter des charges lourdes, ils évitent des maladies professionnelles, allègent la souffrance au travail.

En fait, vous voulez que les gens souffrent ! (Protestations sur les travées du GEST) Avec vous, il faut subir le tripalium...

Remettons la caserne de sapeurs-pompiers au milieu du village. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°139 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°138, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 58

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

À ce titre, les caméras-piétons et caméras embarquées devront être maintenues allumées afin de permettre un enregistrement vidéo durant la totalité du temps de présence des équipes sur le terrain. Dans le cas d'un arrêt intentionnel ou non de ces dispositifs, les personnels concernés seront tenus de présenter à leur hiérarchie un compte-rendu détaillant les circonstances de cet arrêt qui sera versé au dossier des éventuelles procédures légales dont l'objet concerne un événement qui se serait déroulé pendant ces périodes d'interruption d'enregistrement.

M. Thomas Dossus.  - Nous sommes loin d'être contre la science et avec cet amendement, nous proposons même d'enrichir la technologie. Vous nous dites que les caméras-piétons, qui filment les interventions sur le terrain, vont améliorer les relations entre les forces de l'ordre et la population. De telles caméras sont utilisées ailleurs : aux États-Unis et au Canada, par exemple, où les autorités disent plus clairement l'objectif de cet outil -  dissuader les violences policières et les abus d'autorité. Les études américaines montrent que ces caméras ont fait fortement diminuer les plaintes contre la police, ce qui est un succès.

Mais il y a une condition essentielle pour cette réussite : que la caméra soit allumée en permanence. Pourquoi, alors, déciderions-nous qu'en France, c'est le policier qui décide d'allumer ou d'éteindre la caméra ? Nous proposons que, comme aux États-Unis et au Canada, elle soit allumée en permanence - et qu'en cas contraire, l'agent motive sa décision d'éteindre l'appareil.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Vous défendez tout et son contraire. Lors de l'examen du projet de loi Sécurité globale, Loïc Hervé, qui est membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), s'est montré très attentif à l'usage proportionné des caméras, nous avons pris des mesures pour le garantir. Ensuite, je vous signale que l'utilisation permanente de la caméra pose un problème de batteries. L'usage des caméras a donc été validé par la Cnil et le Conseil constitutionnel. N'allons pas au-delà, avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Jérôme Bascher.  - Je suis surpris de voir le GEST demander toujours plus de caméras...

L'amendement n°138 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°103, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 58

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

L'utilisation de caméras individuelles portées par les agents de la police nationale et les militaires a pour objectif premier la diminution des cas de recours illégal à la force, la prévention des violences policières et, en ce sens, le contrôle a posteriori de l'action de ces agents.

Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises aux autorités compétentes, lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la preuve d'infractions commises par un agent lors de l'exercice de ses fonctions, dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire l'impliquant.

Dans le cadre d'une procédure judiciaire à l'encontre d'un agent, ces images seront transmises au parquet sous scellé, dès l'ouverture de la procédure.

Les modalités de déclenchement de l'enregistrement seront élaborées afin de permettre une captation en continu.

Le traitement des images recueillies par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement définit l'utilité de la caméra-piétons et précise son but. Je ne comprends pas la réticence de cette assemblée à en encadrer le développement. L'objectif premier doit être de diminuer le recours illégal à la force. C'est pourquoi les images captées doivent être transmises sous scellés aux autorités en cas de mise en cause d'un agent.

Il convient aussi d'exclure l'usage de logiciels de reconnaissance faciale, qui feraient craindre l'instauration d'une surveillance de masse. Cette technologie n'est pas comme les autres comme le montre le Livre blanc de 2020 de la Commission européenne. Le RGPD garantit au citoyen le droit de ne pas faire l'objet d'une décision exclusivement fondée sur un traitement informatisé, y compris le profilage.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je renvoie M. Benarroche au rapport. Une grande partie de votre amendement est satisfaite. Sur la reconnaissance faciale, le ministre a indiqué qu'une loi spécifique serait nécessaire. Avec le président Buffet, et les rapporteurs Durain et de Belenet, nous avons présenté un rapport qui apporte toutes les réponses nécessaires.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Gouvernement a retiré les dispositions prévoyant le recours aux ordonnances pour toutes ces dispositions, à la demande de la Cnil et du Conseil d'État, selon lesquelles la multiplicité des vecteurs de captation d'images - caméras, drones - requérait un statut unique de l'image.

Nous avons d'abord envisagé une ordonnance pour cela, mais le Parlement s'y est opposé. Nous l'avons écouté. Un rapport de M. Philippe Latombe sera prochainement présenté ; il débouchera soit sur une proposition de loi, soit sur un texte spécifique pour les jeux Olympiques.

Je peux vous le dire en chtimi ou en chinois médiéval : je suis opposé à la reconnaissance faciale. Comme vous le savez, ce n'est pas la même chose que l'introduction d'intelligence artificielle dans les images. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Ma question est simple : pourquoi ne pas l'inscrire dans ce texte, qui sera la feuille de route de votre ministère pour les années à venir ?

L'amendement n°103 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°116, présenté par Mme de Marco et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 60

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Est créée une seconde base pour les Canadairs et autres aéronefs de la sécurité civile en Nouvelle-Aquitaine afin de pouvoir intervenir au plus vite lors des départs de feux.

Mme Monique de Marco.  - Les incendies de l'été ont montré la nécessité d'une seconde base de sécurité civile dans l'Ouest. Les élus locaux en ont formalisé la demande par la voix des présidents des départements des Landes et de la Gironde. C'est cohérent avec la promesse présidentielle d'étoffer la flotte européenne de Canadair.

Sur douze Canadair, seuls huit seraient opérationnels en même temps. La France se contentera-t-elle des deux bombardiers d'eau promis par l'Europe ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je comprends vos préoccupations, mais cet amendement serait une injonction inconstitutionnelle au Gouvernement. C'est à ce dernier qu'il appartient de faire ces choix. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je propose un sous-amendement qui retirerait à votre amendement son caractère impératif.

Créer plusieurs bases, ce serait diluer les moyens. Même si nous pouvions en acheter la même quantité, les Canadair ne sont plus produits. Ce matériel nécessite des mécaniciens spécialisés, qui interviennent la nuit, car les Canadair ne volent que le jour ; or nous ne pouvons pas nous permettre de disperser ces techniciens, très peu nombreux. En matière de feu, la rapidité d'intervention est cruciale. Au demeurant, l'aérien n'est pas le seul moyen d'éteindre les feux ; c'est l'intervention au sol et l'entretien de la forêt qui permettent de lutter efficacement contre l'incendie.

De plus, vous suggérez d'installer une base supplémentaire au sud de la Loire, mais que diront les territoires au nord de la Loire, qui subissent eux aussi de grands incendies ?

Je propose donc de sous-amender, pour mettre à l'étude cette possibilité d'une base supplémentaire.

Les sénateurs du Gard ont raison : la base de Nîmes doit être la référence française, voire européenne et même euroméditerranéenne.

Je recevrai le commissaire européen compétent prochainement à Nîmes.

Mme Laurence Harribey.  - Sénatrice de la Gironde, j'avais interpellé le ministre en audition. Soucieux de l'équité des territoires, mon groupe a fait adopter un amendement sur le maillage territorial, afin de ne pas créer de concurrence entre territoires. L'amendement me semble donc satisfait. Cela étant, on pourrait mentionner plusieurs bases.

M. Daniel Gremillet.  - Je salue la réponse du ministre. Je suis de l'Est de la France : qui aurait imaginé tant de départs de feux dans les massifs vosgien et jurassien ? Oui, de nouveaux territoires sont désormais exposés au risque d'incendie. Nous parlons de forêts séculaires, avec des pertes économiques terribles et une présence humaine forte. D'autres pays européens connaissent des situations similaires : positionnons-nous à l'échelle européenne. Il y a urgence.

Mme Nathalie Delattre.  - Tout comme mes collègues de Gironde, j'ai été évacuée. Je salue votre proposition de rectification, monsieur le ministre.

Une nouvelle base coûterait entre 16,8 et 18 millions d'euros en investissement, sans compter le fonctionnement ! Tout le monde ne pourra avoir une seconde base...

En cas de canicule, prépositionner des avions est important : il y a 45 minutes de vol entre Nîmes et Bordeaux. Ces avions pourraient être abrités sur des bases militaires ou civiles.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je propose à Mme de Marco de rectifier son amendement en rédigeant ainsi le troisième alinéa : « Le Gouvernement étudie l'opportunité de la création d'une seconde base pour les Canadair et autres aéronefs de la sécurité civile. » J'y serai favorable à titre personnel.

Mme Monique de Marco.  - Je donne mon accord en espérant un examen très rapide.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pour répondre aux sénatrices de la Gironde sur le maillage territorial : l'amendement n'est pas satisfait, car c'est une base qui est mentionnée.

Des prépositionnements d'avions ont déjà cours, comme en Corse. La stratégie de la sécurité civile est de concentrer l'intégralité de la flotte pour éteindre le feu. Pour le repérage, drones et hélicoptères suffisent ; mais pour éteindre, nous avons besoin de toute la flotte.

La création d'une deuxième base dépend de l'acquisition d'une autre flotte. Cela suppose des moyens budgétaires, des avions disponibles, des compétences pour les piloter et les réparer. Le prépositionnement ne suffit pas.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le ministre a présenté plusieurs paramètres techniques. C'est pourquoi la rectification de l'amendement ne saurait mentionner de critère géographique.

Mme Nathalie Goulet.  - Je note avec intérêt cette rédaction. À l'approche du PLF, je vois une nouvelle jurisprudence émerger, mentionnant que « le Gouvernement étudie l'opportunité de... », au lieu des demandes de rapport, traditionnellement rejetées. Je voterai cette rédaction astucieuse. (Sourires)

M. Alain Richard.  - Je m'abstiendrai. Cela n'a aucun sens !

L'amendement n°116 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°176, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 70 à 73

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Loin de nous la volonté de remettre en cause le recours au numérique. Mais de là à l'ériger au rang des priorités stratégiques du ministère...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Si la rédaction laissait penser que le numérique était notre stratégie et si j'étais sénateur, je voterais votre amendement. La question des moyens est cependant centrale : c'est une demande des policiers que, par exemple, de ne plus avoir à multiplier les photocopies. Vous-mêmes travaillez mieux et plus vite munis d'ordinateurs et de tablettes. Le numérique n'est pas une finalité, mais un moyen. Le ministère de l'intérieur a une dette numérique importante qui contribue à la souffrance au travail.

L'amendement n°176 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°177, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 74 à 78

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°177 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°141, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 87

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Concernant ces partenariats industriels, le ministère s'engagera dans une démarche proactive d'enquête auprès de ces entreprises afin de s'assurer qu'aucun de ses contractants ne soit impliqué - de près ou de loin - dans des activités contraires aux droits de l'homme (fourniture d'équipements de surveillance ou de répression à des dictatures par exemple).

M. Thomas Dossus.  - La technologie va prendre de plus en plus de place dans le quotidien des forces de l'ordre. Pour préserver l'éthique des marchés publics d'équipement, il faut des garde-fous.

Ils ne sauraient être conclus avec des entreprises qui ne respectent pas les droits de l'homme. L'État a envisagé de signer avec l'israélien NSO Group, connu pour son logiciel Pegasus et sa coopération avec plusieurs dictatures ; seul le fait du prince a évité de justesse ce contrat scandaleux !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Cet amendement n'est pas opérationnel : comment s'assurer de l'ensemble des activités d'une entreprise et de ses cocontractants ? Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Connaissez-vous un label sur lequel nous pourrions nous appuyer, comparable aux labels environnementaux ? Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Je vous invite à vous tourner vers des ONG, comme Amnesty International, qui listent les entreprises compromises avec des dictatures et qui publient aussi des rapports sur l'état de notre police...

L'amendement n°141 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°140, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 88

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le ministère de l'intérieur devra s'ouvrir au monde universitaire, dans le respect des libertés académiques, en soutenant des travaux de thèses, de post-doctorat ou en s'associant à des chaires, sans exercer de pression ou tenter d'influencer le contenu de ces travaux. Au-delà des domaines relatifs aux nouvelles technologies de la sécurité, le ministère soutiendra avant tout les recherches ayant lieu dans le champ des sciences sociales, particulièrement celles relatives au renforcement du lien police / population.

M. Thomas Dossus.  - La rédaction initiale comportait une injonction envers les universitaires : le monde académique devait nouer des partenariats privilégiés avec le ministère de l'intérieur. Je salue l'inversion opérée à l'initiative du groupe SER.

Nous proposons d'aller plus loin. Les libertés académiques font partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; le déroulé des travaux universitaires ne saurait tolérer d'ingérence du ministère, qui doit soutenir des recherches en sciences sociales particulièrement sur le lien entre police et population. Il est urgent d'investir ce champ pour apaiser nos politiques.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - En commission, j'ai accepté l'amendement du groupe SER, selon lequel c'est au ministère de nouer des relations avec le monde universitaire. Mais ici nous entrons dans un procès d'intention : avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°140 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 96, dernière phrase

Supprimer les mots :

et à une réorganisation de la police nationale par filières

II.  -  Alinéas 136 à 139

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mon amendement porte sur le sujet sensible de la PJ au sein de la réforme unifiant l'organisation des services de police au niveau départemental sous l'autorité d'un directeur départemental. Beaucoup de représentants de la PJ évoquent un risque de déconnexion avec la délinquance organisée, le grand banditisme et la délinquance financière, qui dépassent le cadre départemental. Professionnels, magistrats, avocats dénoncent ce projet.

Madame la présidente, je regrette l'absence du garde des sceaux qui aurait pu nous éclairer sur ces questions.

Mme la présidente.  - Amendement n°19, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéa 96, dernière phrase

Supprimer les mots :

et à une réorganisation de la police par filière

II. Alinéa 138

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 139

Remplacer les mots :

Cette réforme de l'échelon territorial s'accompagne par une réforme de l'administration centrale, qui

par les mots :

L'administration centrale

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, vous avez déclaré que cette réforme ne serait pas mise en oeuvre avant le second semestre 2023. Dès lors, pourquoi la mentionner dans le rapport annexé ? Un avis favorable à notre amendement, monsieur le ministre, n'enlèverait rien à vos propos, d'autant qu'aucun article de ce projet de loi n'a trait à cette réforme. Et ce faisant, vous favoriseriez le dialogue.

Mme la présidente.  - Amendement n°75, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéas 136 à 139

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Notre amendement va dans le même sens, compte tenu d'une opposition quasi unanime à ce projet de réforme dont le limogeage du directeur de la PJ de Marseille, Éric Arella, est la dernière illustration.

On nous parle de bon sens et de pragmatisme : ce sujet a tant inquiété la commission des lois qu'elle a créé une mission d'information sur ce sujet. Pourquoi alors n'est-elle pas favorable à nos amendements ?

Les nouvelles directions départementales, au nom du chiffre, risquent d'accentuer le traitement des contentieux de base au détriment de la grande criminalité. La spécialisation de la police judiciaire pourrait disparaître au profit de la police du quotidien. Enfin, on peut craindre une confusion entre les pouvoirs judiciaires et administratifs, conduisant à terme à une soumission des services d'enquête au pouvoir exécutif.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°118 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel, MM. Artano, Cabanel, Corbisez et Fialaire et Mme M. Carrère.

Alinéas 136 à 139

Supprimer ces alinéas.

Mme Nathalie Delattre.  - Nous faisons écho aux inquiétudes des acteurs de la PJ et des magistrats. L'investigation interdépartementale, interrégionale, voire internationale, ne doit pas être abandonnée.

M. le ministre affirme que le traitement de ces investigations ne sera pas modifié : pourquoi ne pas l'écrire dans le rapport annexé ?

Mme la présidente.  - Amendement n°179, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 137 à 139

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

Les policiers doivent faire face à de multiples formes de délinquance et d'incivilité qui constituent à l'évidence un cercle vicieux susceptible à tout moment d'entraîner une spirale de la violence. Privés de la légitimité que confère une relation durable avec des habitants, et de la source de renseignements qu'elle constitue, les policiers paraissent uniquement chargés d'interventions ponctuelles dans des conditions ainsi rendues plus dangereuses. Et chaque intervention fait courir le risque d'une montée de la violence.

Briser ce cercle vicieux appelle une démarche de longue haleine, excluant que chaque situation dramatique donne lieu à un revirement de doctrine et à des annonces spectaculaires. Une politique de sécurité axée sur la police de proximité, sans être l'unique remède à des situations dont les causes sont multiples, est le seul moyen d'y parvenir.

Dans cette perspective, la police de proximité assurera des relations de confiance entre la police et les habitants, dont les attentes guident le travail policier. Elle repose sur la territorialisation de l'action et sur l'autonomie des agents, qui recevront à cet effet une formation spécifique. La gestion des effectifs garantira la valorisation de la fonction de policier de proximité ainsi que l'adaptation de la composition des équipes à la situation du territoire. 

Ainsi, pour anticiper et prévenir les troubles à l'ordre public, tout en prenant en compte les attentes de la population, dans le cadre de l'article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure, la police nationale formera et encadrera des agents de police de proximité. Chaque agent de police de proximité sera responsabilisé à son secteur, dans le cadre d'un maillage territorial bien identifié et cohérent avec le découpage administratif par quartier ou « secteur ».

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°133, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 137

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans un souci d'équité territoriale, les maires doivent être informés annuellement des effectifs déployés sur leur territoire et des critères objectivés conduisant à la répartition des forces de l'ordre sur le territoire national.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement met fin à une incohérence : les forces de l'ordre invoquent parfois sur le manque d'effectifs, mais les élus locaux ont peu d'information. D'où l'impression que certains territoires sont mieux dotés que d'autres. Il s'agit d'informer les maires sur les effectifs et les critères présidant à leur répartition.

Mme la présidente.  - Amendement n°171 rectifié, présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Cadec, Burgoa et Genet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon, Tabarot et J.P. Vogel.

Alinéas 138 et 139

Supprimer ces alinéas.

M. Gilbert Favreau.  - Nous aurions espéré une loi complète sur le sujet, plutôt qu'un simple rapport annexé. Les professions judiciaires sont troublées, la séparation des pouvoirs est menacée. Comme M. Sueur, je pense qu'il faut prendre le temps d'étudier cette question.

Cette série d'amendements a été préservée, ce qui signifierait que la commission n'a pas encore d'avis définitif sur la question...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Ce projet de départementalisation de la police est une réforme importante. Mon père, fonctionnaire de police, l'évoquait déjà dans les années 1990. M. Joxe, grand ministre de l'intérieur, l'avait alors envisagée. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, car le fonctionnement en silos doit être évité.

Mais la PJ a une spécificité dont il faut tenir compte : elle doit rester sous l'autorité du procureur, conserver toutes les affaires sensibles, et ne pas être limitée par les frontières départementales.

Le président Buffet a chargé M. Durain et Mme Bellurot d'une mission d'information, ne préjugeons pas des résultats de leurs travaux. Nous avons déjà entendu les représentants du barreau, de la conférence des procureurs, de la PJ et d'autres.

Ces amendements suppriment la départementalisation ; ce n'est pas la position de la commission. Avis défavorable.

L'amendement de Mme Assassi, légèrement différent, va dans le même sens. Quant à celui de M. Breuiller, M. le ministre s'est engagé à informer les maires.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous êtes contradictoire : mieux vaut ne rien écrire dans le rapport annexé puisque l'on attend les résultats de la mission d'information !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - D'ici à la CMP, la mission d'information Bellurot-Durain aura progressé. Je me dois d'être cohérent : avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Quel est le constat ? La délinquance augmente et les taux d'élucidation sont en baisse, notamment en haut du spectre -  je pense aux homicides.

Que faut-il en conclure ? Peut-être sommes-nous mal organisés ? Sept rapports sénatoriaux depuis l'époque de M. Joxe ont conclu que l'organisation de la police nationale en silos était une mauvaise chose. Le premier rapport était signé d'un sénateur RPR, en 1991 ; le second d'Aymeri de Montesquiou, radical ; le troisième d'un socialiste ; et je pourrais poursuivre. Sept fois, on aboutit à la même conclusion.

Ne relayez pas de fake news ! Cette organisation n'est pas attentatoire à la séparation des pouvoirs. Sinon que devrait-on dire de la gendarmerie et de la préfecture de police ?

Au demeurant, cette réforme n'est pas de niveau législatif. L'article 12 du code de procédure pénale est parfaitement respecté : le magistrat conserve le libre choix du service instructeur.

Monsieur Sueur, la PJ est un service du ministère de l'intérieur, même si d'aucuns souhaiteraient la voir relever du ministère de la justice (M. Jean-Pierre Sueur proteste). Pas moins de 90 % des enquêtes judiciaires relèvent de la sécurité publique, et donc des commissariats. C'est le choix des procureurs. Seulement 10 % relèvent de la PJ. La PJ ne change pas de statut ; les liens entre PJ et magistrats demeurent.

Élus, vous avez tous fait l'expérience d'accueillir le Président ou un ministre sur un tarmac d'aéroport. Qui y voit-on ? Un préfet, un commandant de la gendarmerie... et quatre policiers : le directeur départemental de la sécurité publique, le directeur départemental de la police aux frontières, le directeur départemental de la territoriale... On voit bien qu'il y a un problème !

La délinquance est de plus en plus protéiforme. Alors que la gendarmerie et la préfecture de police bénéficient d'une unité de commandement, dans la police, il faut des protocoles entre services pour travailler. Rendez-vous compte !

Je suis prêt à sous-amender pour inscrire dans la loi que nous laisserons aux magistrats le libre choix des services de police.

Nous parlons de 2 500 officiers de PJ sur 150 000 policiers.

Devons-nous préciser ce qui relève de l'échelon départemental ou du zonage, y mettre ce qui concerne par exemple la délinquance financière ou la probité des élus ? Je suis d'accord.

Mais je n'accepte pas que la police fonctionne comme à l'époque de Clemenceau -  même si j'ai beaucoup d'admiration pour cet ancien sénateur ! Les temps changent.

Le rapport annexé n'a rien de législatif. On aurait pu omettre ces éléments, mais j'ai préféré être transparent avec le Parlement.

Cette réforme de la police nationale est, mutatis mutandis, celle qui a courageusement fusionné la comptabilité publique avec l'administration fiscale, sous un gouvernement socialiste. À l'époque, grèves, manifestations, hauts cris... Mais qui s'en plaint aujourd'hui ? Le secret fiscal est absolument respecté.

De grâce, ne voyons pas dans cette réforme une atteinte à la démocratie. La véritable atteinte, c'est de ne pas retrouver l'auteur d'un homicide et d'avoir besoin de protocoles pour coopérer entre polices.

Nombreux sont ceux qui se penchent sur cette réforme, dont plusieurs inspections -   l'IGA, l'IGPN, mais aussi l'Inspection générale de la justice (IGJ). Il y aura aussi le rapport Durain-Bellurot et une mission est en cours à l'Assemblée nationale.

Si vous ne voulez pas de réforme, mais le rattachement de la PJ au ministère de la justice, dites-le ! Mais dans ce cas, revoyons le fonctionnement de la gendarmerie et de la préfecture de police. Et si vous voulez une autre réforme, laquelle ?

On peut manifester, mais on ne manifeste pas cagoulé, masqué, dans des locaux de police. Cela en revanche, je ne l'accepte pas.

Je suis prêt à faire la réforme, car au bout de trente-cinq ans de réflexion, il est temps de conclure !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le ministre a expliqué sa position pendant douze minutes ; ne disposant que d'un sixième de son temps, je serai lapidaire.

Le rapporteur nage dans la contradiction : la commission des lois est en train de préparer un rapport sur la réforme de la PJ, sa position n'est pas encore arrêtée. Pourquoi, dès lors, accepter d'écrire dans le rapport annexé que la PJ sera rattachée au directeur départemental ?

Pierre Joxe a beaucoup parlé de réforme de la police. Mais aucun de ses propos n'a jamais porté atteinte à l'indépendance de la justice : ne l'enrôlez pas dans votre opération ! (M. le ministre se récrie.)

Sincèrement, vous auriez intérêt à retirer quatre lignes, plutôt que d'ajouter deux pages complexes, afin d'envoyer le signal du dialogue.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous aurions pu ajouter quelques lignes pour indiquer qu'il faut attendre la fin de la mission Durain-Bellurot, dont les conclusions seront connues d'ici à la CMP. Mais je m'engage à défendre en CMP les principales conclusions de la mission.

Ces amendements suppriment la départementalisation, ce qui n'est pas ce que la commission souhaite. Le ministre dit être d'accord pour maintenir un certain nombre de garanties vis-à-vis de la PJ. (M. le ministre opine du chef.) Nous déposerons des amendements au stade de la CMP, afin de ne pas préempter les conclusions de la mission d'information.

Mme Nathalie Delattre.  - Aux propos rassurants du ministre, je constate que nous avons été entendus.

L'amendement n°118 rectifié est retiré.

M. Guy Benarroche.  - Je partage les propos de M. Sueur, notamment sur les contradictions du rapporteur. On préempte les résultats de la mission d'information en conservant le texte du rapport annexé en l'état et en acceptant d'emblée la départementalisation de la PJ. À quoi bon amender si l'on ne peut pas discuter des orientations du ministère ? Bis repetita placent, nous devons attendre les résultats de la mission d'information et de la consultation. Un très grand nombre d'acteurs s'opposent à la réforme.

Monsieur Darmanin, les manifestants que vous évoquez n'étaient pas particulièrement menaçants.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne peux pas laisser M. Sueur dire que la réforme porte atteinte à l'indépendance de la Justice. Ce serait induire en erreur les personnes qui nous écoutent.

La réforme de la police que je mène ne comporte aucune modification législative ; or s'il fallait modifier les rapports entre l'autorité judiciaire et les forces de l'ordre, il en faudrait forcément ! De plus, personne ne présente de proposition alternative à la mienne - qui est celle de tout le monde depuis trente-cinq ans.

Les homicides sont de moins en moins résolus. La délinquance est de plus en plus complexe, armée technologiquement et internationale - les gangs à la papa, c'est terminé ! La filière investigation est en souffrance, faute d'investissement des pouvoirs publics.

Fort de ces constats, je propose une réforme, appuyée sur des travaux parlementaires. On me dit que j'ai raison... et qu'il ne faut rien changer. Ce n'est pas une réponse !

Permettez-moi de citer deux affaires très récentes, l'une menée par la PJ et l'autre par la sûreté départementale. La PJ a saisi 5,5 kilogrammes de drogue et trois véhicules, tandis que la sûreté a saisi 21 kilogrammes de drogue et trois véhicules. Comment peut-on continuer à dire que le haut du spectre est confié à la PJ et le « petit judiciaire » à la sûreté ? Il y a 20 000 enquêteurs en France, dont 5 000 à la PJ et 15 000 dans les commissariats. L'objet de cette réforme est de faire bénéficier aux services départementaux d'une chaîne technologique et de tous les échanges, notamment internationaux, et de donner à la PJ les 15 000 enquêteurs qui dépendent actuellement de la sécurité publique.

Quand un OPJ repère que le point de deal ou le chouf à côté de chez lui est lié à un réseau plus important, il faut lui donner les moyens d'agir non seulement contre les détaillants, mais aussi contre les grossistes qui, souvent français, se trouvent à Dubaï, en Asie, et commandent de leur ordinateur de la cocaïne qui arrive par les ports.

Il y a deux solutions. Soit on s'oppose à la réforme pour des raisons politiques, monsieur Sueur. Je le comprends. Soit on considère qu'une réforme attendue depuis trente ans, conforme à l'intérêt général, mérite d'être menée. On peut commencer par évaluer les directions territoriales de la police nationale (DTPN) créées en outre-mer, les expérimentations dans dix départements de la métropole... Une fois les rapports des trois inspections connus, je vous les présenterai volontiers.

Il me semble que vous souhaitez davantage entraver le Gouvernement que servir la police nationale...

M. Patrick Kanner.  - Pris de doute, j'ai consulté les archives sur la réforme Joxe, défendue ensuite par MM. Marchand et Quilès, annulée en 1993 par M. Pasqua. Elle territorialisait trois des quatre polices : la police aux frontières, la sécurité publique et les renseignements territoriaux ; la PJ n'a jamais été intégrée dans les rapports que vous évoquez depuis tout à l'heure ni dans les réformes portées par les gouvernements socialistes successifs.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La réforme souhaitée par M. Joxe en 1989 n'a pas été portée par M. Marchand. Je vous trouve bien énergique à défendre l'héritage de M. Pasqua ! (Sourires)

Le rapport sénatorial de M. Boutant, en 2018, évoquait bien la départementalisation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai très bien connu MM. Joxe, Marchand et Quilès...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Discutons-nous de l'intérêt général ? M. Kanner sait bien que je suis aussi capable de faire de la politique et de la mauvaise foi...

M. Rachid Temal.  - Ah bon ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Mais ici, il s'agit de la sécurité de nos concitoyens. Je vous propose, par trois fois, d'amender moi-même ma réforme, et vous m'accusez de porter atteinte à l'indépendance de la Justice, à l'État de droit et à la démocratie. Or, si le garde des sceaux est chargé des libertés individuelles, je suis le ministre chargé des libertés publiques. C'est très blessant !

Je vous réponds : chiche. Intégrons les garanties dans l'amendement : maintien de l'article 12 du code de procédure pénale avec le libre choix du service instructeur, garanties de l'indépendance des magistrats. Mais vous ne saisissez pas la proposition au bond.

De deux choses l'une : soit il faut considérer que la gendarmerie et la préfecture de police vivent dans un État de droit parallèle, soit, puisque vous n'acceptez pas mes propositions, je dois donner un avis défavorable à vos amendements de suppression, à mon grand regret, car j'aurais préféré que nous travaillions ensemble.

La police nationale n'a pas été créée pour les ministres de l'intérieur, ni pour les policiers, mais pour protéger les gens. Quand cela ne marche pas, il faut en tirer les conséquences, au risque de bousculer les habitudes. Ne mobilisons pas de faux arguments sur une réforme aussi importante.

Je m'engage à vous présenter les conclusions des rapports d'inspection avant le moindre changement réglementaire.

M. Gilbert Favreau.  - Je retire mon amendement n°171 rectifié. La commission veillera à préserver la séparation des pouvoirs et à trouver une solution qui aille dans le sens de cet amendement.

L'amendement n°171 rectifié est retiré.

À la demande du groupe SER, l'amendement 18 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°1 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption   93
Contre 242

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos75, 179 et 133.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 101, deuxième phrase

Après le mot :

conforté

insérer les mots :

notamment en utilisant les nouvelles possibilités permises par l'intelligence artificielle

M. Jérôme Durain.  - D'après le rapport annexé, les nouvelles technologies vont améliorer les relations entre la police et la population, avec plus d'exemplarité et de transparence dans le travail des inspections. Nous n'y sommes pas hostiles par principe ; elles peuvent même contribuer à pacifier les actions de police administrative, améliorer la qualité des investigations, mais aussi le contrôle par les inspections.

Il peut donc être utile de mentionner que l'on fait appel à l'intelligence artificielle au service de la défense des usagers.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Le ministre a annoncé une loi sur l'image, dans la perspective des jeux Olympiques. Il y aurait sa place plus que dans le présent texte.

Si le Gouvernement y est favorable, toutefois, je puis me rallier à son point de vue.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'intelligence artificielle, bien encadrée, est très utile. Sans préjudice d'une future loi sur l'image, cet ajout me semble pertinent. Avis favorable.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Sagesse. À titre personnel, j'y suis favorable.

L'amendement n°20 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°144, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 101

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans un souci de transparence et d'exemplarité, le ministère de l'intérieur récoltera, analysera et publiera les statistiques relatives aux opérations de contrôle de la population, notamment par zone géographique et par classe d'âge.

M. Thomas Dossus.  - Quoi que vous en disiez, tous les citoyens ne sont pas égaux devant la police. Le nombre de contrôles d'identité, notamment, varie considérablement en fonction des territoires, selon l'endroit où vous vivez et votre âge. Les jeunes des quartiers populaires peuvent être contrôlés plusieurs fois par mois, sans justification. (Murmures désapprobateurs à droite) Cela leur donne une idée dégradée de la police. Un jeune de La Courneuve a bien plus de chance d'être contrôlé qu'ici dans le 6e arrondissement de Paris. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Pour éviter les caricatures, nous proposons d'objectiver les faits et de publier les statistiques des contrôles d'identité. Peut-être que l'on y découvrira qu'il y a beaucoup de plus de contrôles dans le 6e qu'à La Courneuve... ou l'inverse !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - L'article 78-2 du code de procédure pénale cite de façon limitative les motifs pour lesquels un contrôle d'identité peut avoir lieu. N'ajoutons pas à la lourdeur administrative, ne détournons pas les policiers du terrain. Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Tout va bien, alors ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Je suis ébahi. Tout serait parfait, il n'y aurait aucun problème dans ce domaine ? Tous les témoignages disent le contraire et indiquent qu'aucun critère ne permet de savoir si les contrôles d'identité sont homogènes et circonstanciés ! C'est l'une des raisons de la perte de confiance de nos concitoyens. Tout le monde sait qu'ils ne sont pas menés de la même manière selon les couches sociales, raciales... (On se récrie à droite.)

M. Stéphane Ravier.  - Ça y est, vous avez lâché le mot !

M. Guy Benarroche.  - J'utilise les mots qui me viennent, ceux qu'utilisent les gens !

Il faut se donner les moyens d'une étude sociologique, qui serait utile à tout le monde. (M. Stéphane Ravier proteste.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vos propos ont sans doute dépassé votre pensée (M. Guy Benarroche le conteste), puisque vous affirmez clairement qu'une partie de la police est raciste. C'est profondément blessant et insultant pour les policiers de la République. Vous ne devez pas en connaître beaucoup. C'est aussi une insulte aux policiers et gendarmes issus de l'immigration qui n'ont que trois couleurs : le bleu, le blanc et le rouge. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux font aussi l'objet d'insultes racistes.

Ne me parlez pas des quartiers populaires : j'en viens, j'y suis encore élu municipal. Je n'ai pas de leçons à recevoir. Les discours bien-pensants, cela suffit ! Accuser la police de racisme, c'est grave !

M. Laurent Burgoa.  - Bravo !

M. Thomas Dossus.  - Personne n'a dit cela !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il y a bien une filiation politique avec M. Mélenchon ; j'ai d'ailleurs remarqué que certains des membres de votre groupe ne vous suivaient pas.

La vérité, c'est que ces policiers et gendarmes victimes de racisme se font traiter de traîtres, de harkis - même si, pour moi, ce dernier mot n'est pas une insulte !

La police nationale est la plus aimée de toutes les administrations.

M. Thomas Dossus.  - Par la jeunesse ? Vous dites le contraire dans votre rapport.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Votre gauche a quitté les forces de l'ordre, qui protègent avant tout les populations les plus pauvres, souvent issues de l'immigration, qui sont les premières à souffrir de la délinquance. Les quartiers riches, eux, ont leurs caméras de surveillance, parfois leur propre police. Les autres, vous les avez abandonnés, avec vos politiques wokistes et racialistes. (Vives protestations sur les travées du GEST)

M. Guy Benarroche.  - Vous avez oublié de dire « islamo-gauchistes » !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La vérité, c'est que pas un gendarme, pas un policier ne fait de contrôle d'identité sans autorisation du procureur de la République. Vos accusations sont blessantes et fausses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Guillaume Gontard.  - C'est vous qui êtes blessant. Cet amendement prévoit simplement d'évaluer pour apaiser - mais l'apaisement n'est visiblement pas ce que vous recherchez. Nous avons besoin de statistiques transparentes, pour que les Français renouent avec leur police. Ce ne sont pas vos propos qui y contribueront. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Hervé Gillé applaudit également.)

L'amendement n°144 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

L'amendement n°183 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°142, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 103, dernière phrase

1° Au début, remplacer le mot :

Le

par la phrase et les mots :

Cette utilisation de la vidéo-protection pourra être évaluée par le monde universitaire, aussi bien dans ses finalités que dans sa mise en oeuvre ou que dans son aspect relatif aux respects des libertés publiques, à qui il sera garanti un accès aux données et aux documents nécessaires. C'est pourquoi, à ce sujet, mais également pour le reste de ses activités, le

2° Supprimer le mot :

également

M. Thomas Dossus.  - La vidéosurveillance est un sujet qui vous est cher, dans tous les sens du terme. La Cour des comptes s'interroge pourtant sur son efficacité et une étude menée en Isère conclut à un apport très marginal de la vidéosurveillance tant sur l'élucidation que sur la dissuasion. Il est temps d'évaluer cette politique, en permettant aux chercheurs d'apporter un éclairage.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous avons eu le débat, avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°143 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 109

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

S'agissant d'un service public essentiel, le ministère de l'intérieur pose ici un principe clair qu'il s'engage à respecter : aucun commissariat ou brigade de gendarmerie ne pourra être fermé sans que le maire de la commune siège soit préalablement consulté.

M. Thomas Dossus.  - Le recul de la présence des services publics touche tous les domaines. Depuis 2008, quelque cinq cents brigades de gendarmerie et vingt commissariats ont fermé.

Cet amendement pose un principe simple : pas de fermeture sans consultation du maire, comme pour les classes de primaire. Les maires connaissent les besoins de leur territoire ; il faut améliorer le dialogue avec les élus locaux.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous avions demandé que l'amendement fût rectifié pour prévoir une consultation et non un accord préalable. Dès lors, avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°143 rectifié est adopté.

(M. Guy Benarroche applaudit.)

Mme le président.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 111

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Afin de garantir la soutenabilité des dépenses des collectivités territoriales liées à la construction de bâtiments destinés à accueillir des brigades, leurs modalités de financement seront adaptées, le cas échéant par l'adoption de dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales. Le dispositif de soutien financier sera par ailleurs renforcé.

M. Patrice Joly.  - De nombreux territoires ont besoin de reconstruire leurs casernes à neuf, car elles ne répondent pas aux normes de confort et de sécurité.

Le décret du 26 décembre 2016 garantit au maître d'ouvrage un loyer dont le montant est décorrélé de la taille réelle de la caserne, ce qui pénalise les plus petites.

Cet amendement ajuste la subvention d'investissement aux collectivités en fonction du nombre d'unités logements et aligne la durée du bail sur celle du remboursement des emprunts.

Mme le président.  - Amendement identique n°211 rectifié, présenté par M. Paul, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis.  - La création de 200 brigades est bienvenue, mais il faut aussi construire les locaux professionnels et les logements pour les accueillir. Or ces équipements ne sont pas neutres pour les collectivités, auxquelles il revient de réaliser les dépenses nécessaires, ce qui crée des inégalités entre elles, car les aides ne suffisent pas.

Cet amendement adapte les règles budgétaires et comptables pour les soutenir.

Mme le président.  - Amendement identique n°225, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Les investissements nécessaires à la création ou à l'agrandissement des casernes représenteront un endettement et des charges de fonctionnement non négligeables pour les collectivités territoriales. Les dépenses et recettes de fonctionnement liées risquent de déstructurer leurs ratios de financement. Nous avons tous été alertés dans nos départements.

Cet amendement invite à trouver une solution avec Bercy pour traiter à part ces investissements.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable. Il faut trouver une solution, et j'espère que l'Assemblée nationale ne dénaturera pas trop votre invitation à réfléchir.

Que sera le modèle de caserne demain ? Les militaires y vivront-ils encore en famille, avec les nouvelles compositions familiales ? Peut-être faut-il accepter un habitat plus diffus.

Quel modèle financier permet la participation de la collectivité ? Dans 40 % des cas, les collectivités territoriales ont été entraînées dans des dépenses excessives, à cause de taux trop élevés ou variables. Il existe non pas un, mais plusieurs modèles, qu'il faut étudier.

Au ministère de l'intérieur, nous réfléchissons à créer une foncière.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La SNCF l'a fait en son temps.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'idée n'est pas neuve, mais intéressante. Les ministères qui ont à gérer beaucoup de logements, dont beaucoup sont à rénover énergétiquement, n'y ont-ils pas intérêt ? La question du périmètre se pose, sachant que la gendarmerie concentre les plus fortes difficultés. Sans doute faudra-t-il modifier le décret.

Les collectivités territoriales ont aussi intérêt à recourir davantage aux bailleurs sociaux ou au 1 % logement.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vote ces amendements des deux mains. Les chiffres sont éloquents : 1,75 million d'euros de coûts et 193 000 euros seulement de loyers pour la gendarmerie de Tourouvre dans l'Orne, pour laquelle je salue votre action. Je me félicite que l'on puisse désormais bénéficier du FCTVA.

Mme Gisèle Jourda.  - Je suis très favorable à ces amendements. Les collectivités locales s'interrogent, tant en milieu rural qu'en périurbain. On a tellement redéployé que l'on manque désormais de locaux pour héberger des forces de l'ordre ! Or nous devons leur proposer des logements dignes, adaptés à la vie moderne.

La rénovation des locaux est cruciale pour crédibiliser la création des 200 brigades supplémentaires.

M. Olivier Rietmann.  - Il faut que les projets de gendarmerie aboutissent. Cela peut prendre des années. Trois projets sont en cours en Haute-Saône, ceux de Pusey, de Champagney et de Mélisey : le plus récent date d'il y a dix ans.

Les bâtiments de la gendarmerie de Jussey sont à la limite de l'insalubrité, alors que nous avons des terrains à disposition.

Trop de grains de sable ralentissent les dossiers, et la promesse d'une belle gendarmerie faite aux nouveaux gendarmes est toujours repoussée à l'année suivante. Accélérons !

M. Marc Laménie.  - Ces sujets sont importants. L'humain est fondamental. Les gendarmes et leurs familles habitent sur place. Historiquement, les casernes des Ardennes sont propriété du Département. Elles doivent toujours faire l'objet de travaux, d'entretien et de maintenance, sans parler de la rénovation énergétique. La tâche est immense. Habiter dans de bonnes conditions est important et une marque de respect pour nos forces de sécurité.

Je soutiendrai ces amendements.

M. Dany Wattebled.  - On part de loin. Depuis deux budgets, on met de l'argent : ce n'est qu'alors qu'on peut commencer à rénover. On n'a pas fait Paris en un jour et on ne rattrapera pas le retard en un jour, mais il faut aider le ministère.

Les amendements identiques nos23 rectifié bis, 211 rectifié et 225 sont adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°215 rectifié ter, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Théophile et Hassani, Mme Phinera-Horth et MM. Dennemont et Rohfritsch.

Après l'alinéa 111

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Au regard des spécificités des problèmes de sécurité rencontrés par ces territoires, une attention particulière sera apportée dans le choix d'implantation de ces nouvelles brigades en outre-mer.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Les faits divers tragiques se multiplient en outre-mer, où les crimes et délits sont en augmentation.

De nouveaux moyens matériels et humains sont toutefois déployés : scanners - à rayons X, corporels ou à conteneurs, radars de surveillance, moyens nautiques.

Les outre-mer bénéficieront de gendarmes supplémentaires. C'est une mesure rassurante pour restaurer l'ordre républicain dans ces territoires.

Au regard du climat sécuritaire, il s'agit de porter une attention particulière à l'implantation des nouvelles brigades outre-mer.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Là encore, j'avais demandé qu'on rectifiât cet amendement pour qu'il s'insère mieux dans le texte. Il est légitime de poser la question de la spécificité des outre-mer. Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Étant ministre des outre-mer et de l'intérieur, je ne peux que donner un avis favorable.

La spécificité ultramarine tient aussi à la très forte croissance de la population en zone gendarmerie, singulièrement à Mayotte.

Je n'ai pas de position de principe. J'ai annoncé quatre nouvelles brigades de gendarmerie en Guyane. Je reviendrai à Mayotte, où nous annoncerons également quatre nouvelles brigades, dès l'été prochain si nous pouvons les y installer.

L'amendement n°215 rectifié ter est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°156, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 111

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans un souci de meilleure éducation et formation de nos citoyens au respect de la nature, il convient de développer et de généraliser au niveau national la présence des gardes champêtres, tels qu'ils existent sous le nom de « Brigade Verte », dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, depuis 1989. Sur la base de l'article 44 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation du 5 janvier 1988, les groupements de collectivités réunies dans un syndicat mixte, vont oeuvrer pour le développement et la mise en commun de gardes champêtres compétents sur l'ensemble du territoire des communes constituant le groupement. En plus de leurs prérogatives prévues par la loi, leurs périmètres de compétence et d'intervention seront élargis aux domaines de la ruralité et de l'environnement. Un tel dispositif constituera une garantie de la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore sauvage sur les territoires des communes qu'il couvre, contribuant à réduire drastiquement les incivilités dans les milieux naturels.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement renforce et généralise la mutualisation intercommunale des gardes champêtres, appelés brigades vertes en Alsace où ils sont nombreux. Un amendement du sénateur Goetschy traitait déjà de ce sujet.

C'est une garantie du respect de la faune et de la flore ainsi qu'un appui aux agriculteurs en réduisant les vols. Les coûts sont répartis, la collectivité européenne d'Alsace prenant une large part.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - J'invite M. Fernique à relire les débats du Sénat sur les lois Sécurité globale et Engagement et Proximité. Nous avions voté la possibilité de mutualiser les gardes champêtres et souhaité une fusion des cadres d'emplois avec la police municipale. (Mme Françoise Gatel le confirme.) Défavorable à cet amendement tel que rédigé, car il porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°156 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°157, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 111

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Aux fins de constater les infractions prévues à l'article 24 du code de procédure pénale, il serait utile de permettre aux gardes champêtres de recourir aux appareils photographiques, mobiles ou fixes. Ces appareils photographiques ne pourraient être disposés que dans des lieux ouverts tels les bois, les forêts ou les propriétés comportant des bâtiments qui ne sont pas à usage de domicile sous réserve d'avoir obtenu l'accord préalable du ou des propriétaires concernés et après en avoir informé le procureur de la République, qui peut s'y opposer. Les clichés photographiques obtenus dans le cadre d'un constat d'infraction seront conservés conformément aux dispositions prévues par le code de procédure pénale.

M. Jacques Fernique.  - Il s'agit de permettre aux gardes champêtres de recourir aux moyens technologiques modernes tels que les appareils photo afin d'établir la réalité de l'infraction.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par la loi Sécurité globale. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°157 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°158, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 111

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans un souci d'efficacité de la gestion et du contrôle des collectes des déchets et des déchets sauvages, il convient d'élargir le périmètre des agents pouvant être assermentés en matière de police des déchets, tel que prévu à l'article L. 541-44 du code de l'environnement. Par dérogation à cet article, et sans pour autant en modifier les dispositions, il paraît nécessaire d'opérer un transfert de certains pouvoirs de police administrative spéciale des maires aux présidents d'intercommunalité. En effet, de nombreuses prérogatives en matière de collecte des déchets, habitats, et environnement sont prévues à l'échelle intercommunale et non municipale. Il serait donc cohérent que les décisions de police administrative soient prises à cette même échelle. Il convient donc de permettre au président d'intercommunalité de missionner des agents spécialement assermentés pour rechercher et constater les infractions en matière de collecte des déchets et de déchets sauvages.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement, demandé par plusieurs intercommunalités, élargit le périmètre des agents pouvant être assermentés en matière de police des déchets, le code de l'environnement étant assez restrictif en la matière.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous en avons plusieurs fois débattu au Sénat. Je cite Françoise Gatel : laissons l'intelligence territoriale jouer son rôle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne saurais mieux dire. Toutefois l'article 293 de la loi Climat et résilience ouvre déjà cette possibilité. Avis défavorable.

M. Guillaume Gontard.  - Relisez l'amendement : il ne s'agit que d'offrir aux présidents d'intercommunalité la faculté d'assermenter certaines personnes, ce qui leur est impossible aujourd'hui. Je suis prêt à en parler avec la présidente Gatel pour avancer sur ce sujet.

L'amendement n°158 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°206, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 125, dernière phrase

Supprimer les mots :

, du fait de la lourdeur de la procédure pénale, d'outils numériques insuffisamment performants et de tâches administratives chronophages

Mme Michelle Gréaume.  - Postuler que la procédure pénale représente une lourdeur inutile est erroné. La modification de la procédure pénale n'a en outre pas sa place dans une loi de programmation du ministère de l'intérieur : elle relève du ministère de la justice.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je suis d'accord, mais rien n'empêche de mentionner dans le rapport annexé qu'alléger la procédure pénale renforcera la présence des gendarmes et policiers sur le terrain. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°206 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°101, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 126

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette visibilité de l'ensemble des forces de sécurité devra aussi passer par rendre possible l'identification des agents et des agentes, via le port visible de la carte professionnelle ou du RIO (référentiel des identités et de l'organisation) ; cette identification devra être visible tout au long de l'exécution de leurs missions sous peine de sanctions.

M. Guy Benarroche.  - La commission prétend que notre amendement serait satisfait, mais nous entendons imposer l'identification des forces de l'ordre dans la culture du ministère de l'intérieur.

Si la visibilité de la carte professionnelle d'agent est déjà obligatoire, il faut la compléter par l'identification des agents. C'est un premier pas vers la reconstruction du lien de confiance entre les citoyens et la police.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Pour une fois, M. Benarroche est pour les contrôles d'identité... (Sourires) Toutefois cet amendement est satisfait par l'article R.434-15 du code de la sécurité intérieure. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°101 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°178, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 127 à 133

Supprimer ces alinéas.

Mme Michelle Gréaume.  - La compensation financière des heures supplémentaires plutôt que les jours de récupération et l'ouverture d'une discussion sociale sur le temps de travail traduisent une fuite en avant libérale qui casse les droits sociaux des policiers et brade le service public.

On veut doubler la présence sur le terrain en supprimant des missions périphériques, mais qui s'occupera du transfert de détenus ? L'administration pénitentiaire ? La création d'assistants de police et de gendarmerie n'est pas un gage d'efficacité. La procédure pénale exige vigilance et rigueur.

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 132, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce bilan annuel des activités policières par les indicateurs chiffrés permettra de regarder de près comment l'action policière est appréhendée sur la base de tableaux de bord, agrégats statistiques et comptes rendus d'activités, comment ces données sont lues, comment cela affecte l'action policière et quels sont les effets sur les pratiques et les relations de travail.

M. Éric Kerrouche.  - Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les représentants des gardiens de la paix ont critiqué la politique du chiffre et les pressions associées. Il s'agissait plus d'affichage que de lutte contre la délinquance. Il en va de même pour la mesure proposée ici.

Monsieur le ministre, de nombreux sociologues montrent les limites des bilans chiffrés en la matière. Utilisons des expérimentations ou des modélisations, comme au Canada ou au Royaume-Uni, pour les compléter.

La mesure statistique de l'effectivité de l'action policière ne peut se limiter à la seule communication du relevé chiffré de l'activité policière dans les médias, par ailleurs soumis à la conjoncture.

Mme le président.  - Amendement n°74, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 133, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Guy Benarroche.  - Avançons modérément sur le tout numérique : le Sénat n'a-t-il pas mis fin à la visioconférence pour les auditions de commission ?

Le texte prévoit que le placement en centre de rétention administrative (CRA) se fera prioritairement par communication audiovisuelle. Cela ne convient à aucune des parties. Les audiences à distance n'assurent ni confidentialité ni solennité. Avocats et magistrats décrient ce choix du Gouvernement en faveur d'une justice expéditive au détriment du droit des justiciables. Déjà, les audiences en matière de droit des étrangers se dégradent. Il convient de maintenir systématiquement une présence physique des agents pour les usagers qui le souhaitent.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le ministre annonce le doublement des forces de l'ordre sur la voie publique. Le minimum serait que le rapport annexé en précise les modalités. Par conséquent, avis défavorable aux amendements nos78 et 21, car il faut bien des chiffres pour le vérifier. Avis défavorable à l'amendement n°74 également : toutes les garanties de confidentialité sont apportées pour les audiences à distance, en particulier pour les étrangers.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne comprends pas les amendements de suppression. En quoi mettre davantage de policiers dans la rue, renforcer l'accompagnement et la présence de proximité, serait-il une fuite en avant libérale ? C'est par la hausse de l'effectif, que vous demandiez tous, par l'utilisation de la réserve opérationnelle, par la suppression de tâches périphériques que l'on mettra des policiers et gendarmes sur la voie publique.

Qui s'occupera des autres missions ? Pour les extractions de prisonniers, ce sera l'administration pénitentiaire, qui disposera désormais des moyens appropriés, avec la création de 200 ETP. Longtemps, le ministère de l'intérieur a suppléé au manque de moyens du ministère la justice.

Je ne comprends pas non plus vos critiques sur les assistants d'enquête : tous les syndicats que j'ai consultés, y compris proches de vos orientations politiques, madame Assassi, sont pour. Cela va dans le sens de la montée en compétences des personnels de catégorie B et C, soumis au même risque que les policiers. Il n'est pas question d'embaucher des contractuels ou de recourir à des sociétés privées ! Vous vous trompez de combat.

Monsieur Kerrouche, là encore, il y a incompréhension. La politique du chiffre consiste à fixer aux services des objectifs chiffrés de réussite : baisser la délinquance de 5 % en Saône-et-Loire, faire 150 amendes forfaitaires délictuelles dans le mois. Ce n'est pas ce que je demande : les chiffres que je rends publics ne sont pas des objectifs, mais des statistiques, des moyens de suivi. Le ministre du travail observe bien les chiffres du chômage ! Rendre publics les chiffres de la délinquance n'est, finalement, que rendre publique l'activité des services. Comment fixer un objectif chiffré sur les violences intrafamiliales ? En l'espèce, les chiffres montrent à la fois l'ampleur de ces drames et l'enregistrement de plaintes qui auraient autrefois fait l'objet de mains courantes.

Pour autant, il n'est pas anormal que le ministère explique comment il compte doubler la présence sur la voie publique. Outre les 8 500 effectifs supplémentaires, nous créons la réserve opérationnelle de la police nationale, dont nous gelons les crédits, et nous mettons fin à des cycles horaires qui grevaient nos forces. Nous mettons fin aussi aux extractions judiciaires et aux procurations - chacune représente dix minutes de temps d'un OPJ. Je ne fais pas de politique du chiffre, mais je justifie devant le Parlement l'emploi des crédits que je sollicite.

En effet, la politique du chiffre amène à refuser des plaintes en ne prenant que des mains courantes, ou à retarder des procédures : c'est inacceptable. Publier les chiffres de la délinquance, en revanche, est légitime, tout comme expliquer la manière dont nous entendons doubler la présence des forces de l'ordre sur la voie publique.

L'amendement n°178 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos21 et 74.

Mme le président.  - Amendement n°205, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 134

Supprimer cet alinéa.

M. Gérard Lahellec.  - Nous supprimons la présentation de la simplification de la procédure pénale dans le rapport annexé. Cette procédure n'est pas une lourdeur inutile, mais un ensemble de droits pour les citoyens. La simplifier, c'est courir le risque de supprimer des garanties procédurales, comme pour les gardes à vue. Cela ne va pas dans le sens de la valorisation des missions.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Les rigidités de la procédure pénale préservent des droits, certes, mais elles préservent aussi des procédures superfétatoires. En attendant, telle soeur Anne, la réforme systémique de la justice, nous ne pouvons pas empêcher un ministre de détailler des allégements de procédure retirant des tâches excédentaires afin de remettre des policiers sur le terrain. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°205 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°180, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 140 à 148

Supprimer ces alinéas.

M. Gérard Lahellec.  - Nous supprimons la sous-section 2.4, qui refond le parcours de la victime depuis l'accueil jusqu'au suivi de plainte en privilégiant la dématérialisation. La prise en charge de la plainte hors les murs est hors de propos et éloigne la victime de la police.

Mme le président.  - Amendement n°76, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 141

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Dans un souci de meilleure prise en charge des spécificités des victimes, il convient également de développer la présence des officiers LGBT+, qui existent déjà à Bordeaux ou à Paris, chargés d'accueillir les plaintes et les déclarations des victimes comportant une circonstance anti-LGBT+. 

Les officiers de liaison LGBT+ sont en lien permanent avec les victimes et les associations LGBT. Ils assurent le lien avec les référents LGBT dans les commissariats et gendarmeries et peuvent animer des sensibilisations à destination des agents chargés de recevoir les plaintes.

M. Guy Benarroche.  - Le GEST demande le recrutement d'officiers de liaison LGBT+. Présents dans certaines villes comme Bordeaux ou Paris, ils traitent les plaintes et les procédures liées à l'homophobie et la transphobie et forment leurs collègues sur ces violences. Dans les territoires dans lesquels ils sont implantés, le taux de plaintes des victimes d'actes homophobes et transphobes a augmenté.

En commission, le rapporteur m'a demandé pourquoi nous ne proposions ces dispositions que pour les LGBT+ et par pour d'autres populations fragiles. Chiche ! Nous acceptons toute extension que vous proposerez.

Mme Sophie Primas.  - Vous discriminez !

Mme Nathalie Goulet.  - Ce sont des victimes quand même.

Mme le président.  - Amendement n°131, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 142

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Celles-ci se verront proposer un enregistrement de leur déposition dans le respect de leur droit à l'intimité qui leur sera remis sur simple demande. Les filles et femmes victimes de cyberharcèlement à caractère sexiste ou sexuel se verront également proposer un enregistrement de leur audition ou dépôt de plainte dans le respect de leur droit à l'intimité qui leur sera remis sur simple demande.

M. Thomas Dossus.  - Alors qu'une femme sur cinq est concernée par le cybersexisme, nous proposons de rendre accessibles les enregistrements des entretiens avec les victimes dans le cadre de l'enquête, pour éviter de leur imposer de douloureuses répétitions.

La présence de spécialistes formés et d'un avocat ou d'une avocate lors du dépôt de la plainte est également souhaitable.

Mme le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Vérien.

Alinéa 143

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

À compter de cette date, il sera maintenu a minima une maison de confiance et de protection de la famille dans chaque département.

Mme Dominique Vérien.  - Les maisons de confiance et de protection de la famille sont très utiles. Je pense aux maisons France Services, dont le nombre d'une par canton n'était pas suffisant. Ajouter les mots « au moins » a tout changé : faisons de même ici.

Mme le président.  - Amendement n°173 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Artano, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Requier et Roux.

Alinéa 145, deuxième phrase

Remplacer les mots :

et d'ergonomie

par les mots :

, d'ergonomie et d'accessibilité

Mme Maryse Carrère.  - Nous voulons renforcer l'accessibilité des points d'accueil pour les personnes en situation de handicap. La France accuse un retard considérable en matière d'accessibilité des transports, de la voirie ou encore des administrations. Les textes ne sont pas appliqués alors que l'accès aux services publics est essentiel à l'effectivité des droits.

Puisque le ministre de l'intérieur souhaite moderniser des locaux, nous proposons de prendre en compte l'accessibilité des commissariats et gendarmeries.

Mme le président.  - Amendement n°73, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 145, avant-dernière phrase 

Supprimer cette phrase.

M. Guy Benarroche.  - Revoilà Robocop, avec l'expérimentation d'un robot d'accueil dans les commissariats. Ceux-ci existent déjà en Asie ou au Moyen-Orient : ils ne sont pas facteur d'amélioration de la prise en charge des victimes. La confidentialité est déterminante à l'accueil, elle dépend pour beaucoup de l'attitude des agents, du fait de devoir, ou pas, énoncer la raison de sa plainte lors de ce premier contact.

La préfecture de police de Paris préconise que les victimes soient entendues dans un cadre confidentiel : un robot ne saurait effectuer de telles missions d'accueil ! Lors du premier contact, la victime doit être en relation avec des humains, non des machines.

Mme le président.  - Amendement n°130, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 148, dernière phrase

Après le mot :

ligne)

insérer les mots :

, le cyberharcèlement, notamment à caractère sexiste et sexuel

M. Thomas Dossus.  - Le cyberharcèlement a été exclu de la loi contre le harcèlement scolaire, alors qu'une jeune femme sur cinq serait concernée. Des jeunes filles mineures se suicident après la publication sur internet de photos d'elles nues. Le cybersexisme est omniprésent.

Ces drames nous rappellent que nous devons favoriser les cours contre le sexisme dès l'école. Vous proposez de mobiliser la police spécialisée pour protéger les enfants : je propose d'inclure le cybersexisme à la formation des policiers.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - L'amendement n°180 concerne l'application « Ma sécurité » que je trouve tout à fait intéressante et efficace. Avis défavorable.

Je pense que le ministre est très favorable à la présence d'officiers de liaison LGBT+. Il n'y a pas de souci là-dessus mais si vous l'inscrivez dans le rapport, il faudra y inclure d'autres éléments. Avis défavorable à l'amendement n° 76.

Le recueil de la parole dans des conditions spécifiques existe déjà pour les mineurs. En outre, lorsque plusieurs entretiens ont lieu successivement, c'est pour recueillir des informations supplémentaires. Avis défavorable à l'amendement n°131.

L'amendement n°9 me paraît plutôt bon. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Carrère pose des questions sur l'accessibilité : je suis favorable à son amendement n°173 rectifié.

Monsieur Benarroche, le texte prévoit une expérimentation, on ne va pas remplacer tous les accueils des commissariats par des robots, enfin !

M. Guy Benarroche.  - Pour l'instant !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Jamais la présence humaine ne sera remplacée. Avis défavorable à l'amendement n°73.

J'en viens à l'amendement n°130 : les actions de prévention contre les violences sexuelles et sexistes figurent déjà dans le rapport. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Téléchargez l'application « Ma sécurité » sur votre téléphone, vous en verrez toute l'utilité. Elle informe sur la gendarmerie ou le commissariat de police proche de chez vous et ses horaires. Il n'y a pas là d'atteinte à la liberté individuelle ! Elle permet de déposer une pré-plainte en ligne et de prendre contact avec un gendarme plus discrètement qu'en appelant le 17. Ces services ne remplacent pas le rapport à la victime, ils répondent à des besoins de nos concitoyens. J'ai donc du mal à comprendre l'amendement n°180. Je n'ai pas proposé de remplacer les forces de sécurité par des robots. Relisons ensemble le texte, il commence par annoncer que l'accueil en commissariat ne sera plus le même en 2030 : c'est plutôt heureux.

Nous progressons sur la confidentialité. Désormais, devant le comptoir d'accueil du commissariat, il y a un rond orange et un rond bleu. Une femme victime de violences conjugales n'a qu'à désigner le rond adéquat pour être immédiatement accueillie par un OPJ. Ce dispositif a été proposé par un policier au Mans, nous l'avons expérimenté puis généralisé, il préserve la confidentialité puisque les policiers n'ont plus à demander l'intitulé de la plainte à l'accueil.

Je reprends les éléments présentés par le rapport : les rendez-vous en ligne seront généralisés et, pour optimiser le temps d'attente, des vidéos seront diffusées dans l'espace d'accueil - c'est utile et d'une modernité bienvenue.

Le robot d'accueil est pertinent lorsque l'on vient chercher une information, par exemple une copie de document pour déclarer une perte de pièce d'identité. Avez-vous besoin de mobiliser le temps d'un policier pour ce faire ? Aujourd'hui à La Poste, il y a un guichet et une borne numérique, chaque usager a le choix et tout le monde y gagne du temps. Je ne comprends pas qu'on s'oppose à de telles évidences.

La pratique de l'usager mystère sera développée. Je souhaite que l'on me fasse remonter en direct ce qui se passe dans les services. Je me livre moi-même à l'exercice, mais j'ai tendance à être reconnu par les services de police. (Sourires)

Avis défavorable à l'amendement n°180.

L'amendement n°76 de M. Benarroche est redondant. Avis favorable, toutefois, puisqu'il va dans le sens du texte.

Avis défavorable à l'amendement n°131, car le code de procédure pénale prévoit une remise immédiate du procès-verbal de la plainte. L'amendement est largement satisfait. Monsieur Dossus, je suis prêt à transmettre une instruction aux services de police lorsque vous constatez des actes non conformes au droit.

Avis favorable à l'amendement n°9, qui est frappé du coin du bon sens. Dans le Nord, département le plus peuplé de France, il y a plusieurs maisons de confiance et de protection de la famille.

Le sujet est surtout celui du traitement des auditions des enfants, qui doivent être retranscrites au mot près à la demande du Procureur de la République. Les policiers et gendarmes passent jusqu'à dix heures pour retranscrire une audition particulièrement difficile, qui a été déjà filmée et enregistrée. Avec des PV de synthèse et la vidéo, on irait bien plus vite et on pourrait auditionner davantage d'enfants. Le mieux est l'ennemi du bien, car nous perdons du temps qui serait mieux employé ailleurs. L'intelligence artificielle, les logiciels de retranscription seraient précieux.

Avis favorable à l'amendement n°173 rectifié. Le ministère de l'intérieur n'est pas le plus en retard en matière d'accessibilité toutefois.

Avis défavorable à l'amendement n°73.

Avis favorable à l'amendement n°130 sur le cyberharcèlement et la formation aux violences sexuelles et sexistes.

L'amendement n°180 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos76 et 131.

L'amendement n°9 est adopté, ainsi que l'amendement n°173 rectifié.

L'amendement n°73 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°130.

Mme le président.  - Amendement n°214 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'alinéa 153

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

Au regard des nombreuses spécificités, une attention particulière sera apportée aux violences intrafamiliales en outre-mer, notamment dans la formation des agents et l'accompagnement des victimes.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Malgré les grands progrès accomplis depuis 2017, les violences faites aux femmes tuent encore. Or ces violences sont plus fréquentes en outre-mer - c'est ce qu'a montré un rapport du CESE de 2017, ainsi que le rapport Billon-Magras de 2020. Les traditions et la religion rendent les démarches plus difficiles pour les victimes.

En juillet dernier, un guide sur les violences faites aux femmes en outre-mer a été publié, le 3919 est joignable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Néanmoins les moyens doivent être renforcés.

Cet amendement propose qu'une attention particulière soit portée sur ce thème dans les formations des agents.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - On comprend votre préoccupation, alors que les violences intrafamiliales dépassent parfois l'imagination. Cependant, je crains qu'en stigmatisant les outre-mer, on obtienne un effet contraire à l'objectif, alors que les agents sont en réalité déjà au fait de ces réalités. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je comprends le principe de cet amendement. Les violences intrafamiliales sont plus fortes dans les territoires ultramarins, mais faut-il pour autant les distinguer du reste des territoires de la République ? De plus, tous les outre-mer ne sont pas égaux : si les violences augmentent dans les cinq départements et régions d'outre-mer, ce n'est pas le cas dans le Pacifique, par exemple.

Je m'engage à tenir compte de ces réalités en affectant aux territoires concernés davantage d'OPJ parmi les effectifs supplémentaires qui seront ouverts. Cela me paraît préférable à la stigmatisation que votre rédaction risque d'emporter. Retrait, sinon rejet.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Soit - mais je ne suis pas convaincu par l'argument du risque de stigmatisation : je ne fais que souligner une situation documentée par des rapports publics, il faut en tenir compte.

L'amendement n°214 rectifié bis est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 159

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Afin de mieux détecter et de mieux réprimer les violences sexuelles et sexistes infligées aux femmes et aux enfants, une juridiction spécialisée sera créée à titre expérimental pour une durée de trois ans, dans le ressort de deux cours d'appel au moins. Cette juridiction sera en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales. Cette juridiction sera compétente pour juger les faits de viol, d'inceste et d'agressions sexuelles, d'outrage sexiste et de recours à la prostitution. Cette nouvelle juridiction aura également à connaître des violences physiques, sexuelles et morales, commises au sein du couple ou sur un enfant de la cellule familiale. Une compétence civile de la juridiction lui permettra de prendre des décisions rapidement concernant les modalités de l'autorité parentale, du droit de visite et d'hébergement ainsi que de statuer sur l'ordonnance de protection. Cette expérimentation se fera par redéploiement des moyens existants et apportera en conséquence aux magistrats engagés de nouveaux leviers pour améliorer la réponse pénale et civile vis-à-vis des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales.

Dans les deux ans à compter de l'entrée en application de cette réforme, il sera procédé à une évaluation de la mise en place de cette juridiction.

M. Jérôme Durain.  - Malgré plusieurs avancées récentes, comme la pénalisation de l'inceste ou l'allongement de la prescription, les progrès sont insuffisants. Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon.

La création d'une juridiction spécialisée, sur le modèle espagnol, a été promise par plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Elle serait compétente pour juger des cas d'inceste, de violences sexuelles, d'outrage et de violences sur un membre de la cellule familiale.

Nous proposons l'expérimentation d'une telle juridiction pour créer un levier juridique immédiatement mobilisable.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Nous n'y sommes pas opposés et la voie de l'expérimentation nous paraît intéressante. Néanmoins, difficile de trancher une question aussi complexe au détour d'un amendement, sans consultation ni d'autre débat que nos échanges en commission.

Cet amendement serait plus à sa place dans un texte porté par la Chancellerie.

Les questions de procédure et de champ de compétence de cette juridiction restent en suspens. Les professionnels sont réservés. Attendons le rapport de la mission confiée à Dominique Vérien et à la députée Émilie Chandler, dans six mois. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - À titre personnel, je suis favorable à une juridiction spécialisée. Je ne peux toutefois pas porter une telle transformation dans un texte sur la sécurité. Avis défavorable.

M. Jérôme Durain.  - Vous l'avez compris, ce projet compte pour nous. Ne l'abîmons pas par un vote alors qu'il semble rencontrer un assez large consensus dans nos travées. Nous retirons l'amendement.

L'amendement n°22 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°145, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 160

Rédiger ainsi cet alinéa :

2.6 L'inclusion de la jeunesse : un levier  -  parmi d'autres  -  pour renforcer le lien police / population

II.  -  Alinéa 161, deuxième phrase

Remplacer le mot :

La

par les phrases et les mots :

Cette image, qui conduit à une relation dégradée, est multifactorielle : logique parfois purement répressive dans certains quartiers, discriminations face aux contrôles de police, familiarité de langage de la part des agents... Toutes ces questions doivent être traitées sérieusement et en priorité. De manière marginale, la

M. Thomas Dossus.  - Il y a des wokistes dans votre ministère, monsieur le ministre ! Votre rapport fait état d'une image dégradée de la police auprès des jeunes, et l'impute à la non-ressemblance des agents à la jeunesse, en oubliant la violence policière et la multiplication des contrôles. C'est un déni extrême, mais partagé sur certaines travées et sur le banc de la commission.

Traduisons en acte les principes de la République, en particulier celui d'égalité. Les discriminations, le langage familier des agents, doivent prendre fin : cela commence par ne pas détourner le regard.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Depuis le début de ce débat, le GEST est dans le procès d'intention et la stigmatisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Oui, la République a pour principe l'égalité ; elle a aussi la fraternité. Mentionner le fait que la police ne ressemble pas à la jeunesse, pour expliquer le rejet de la première par la seconde, ce n'est pas un déni de réalité : rassemblons plutôt que de diviser. Je préfère le texte du ministère à votre amendement discriminant et haineux ! Avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Monsieur Dossus, que la jeunesse de France soit rétive à l'autorité, cela n'a rien de nouveau. Nous avons le même âge : nous avons tous écouté des rappeurs évoquant la police en termes peu amènes, à la fin des années Mitterrand, pas spécialement techno-autoritaires avec une participation des communistes au Gouvernement... Nos parents écoutaient Renaud.

Non, tout n'est pas la conséquence des années précédentes. Oui, des jeunes rejoignent l'armée et la police et d'autres sont rétifs à l'autorité. Les propos de M. Daubresse sont justes : votre groupe est le seul à se placer systématiquement dans la sanction non des voyous, mais des policiers. (M. Thomas Dossus proteste.) Vous dites que vous aimez la police, mais votre langage corporel montre le contraire...

M. Marc Laménie.  - Je ne veux pas soulever de polémique, mais ne faisons pas le procès permanent des forces de sécurité. Certes, la société a des problèmes, mais chaque année, les parlementaires que nous sommes sont associés, sous l'autorité du préfet, aux journées nationales des sapeurs-pompiers, des policiers et des gendarmes décédés en service. Toutes nos forces de sécurité méritent respect et reconnaissance, ne l'oublions pas.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

L'amendement n°181 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 167

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La focalisation trop importante sur les centres éducatifs fermés nuit aux autres solutions plus limitées mais parfois plus efficaces et territorialisées. Les centres éducatifs fermés peuvent être efficaces pour permettre une prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire mais nécessitent une conjonction de facteurs de réussite qui s'avère difficile à réunir. En partenariat avec le ministère de la justice, le ministère travaillera à la mise en place d'une méthodologie d'évaluation des résultats des mesures mises en oeuvre et la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux centres éducatifs fermé vers les dispositifs existants plus adaptées aux besoins de terrain.

Mme Laurence Harribey.  - Mon rapport sur la prévention de la délinquance des mineurs, présenté le 21 septembre dernier, estime que la focalisation sur les centres éducatifs fermés (CEF) est excessive et invite à porter plus d'attention aux autres solutions apportées par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), plus limitées mais plus efficace, avec une réorientation des moyens vers d'autres dispositifs.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement dont la rédaction est pertinente.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse : ces sujets relèvent du garde des sceaux.

L'amendement n°25 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°111, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 167

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Pour améliorer l'attractivité des métiers de la sécurité civile, le Gouvernement engagera aussi une réflexion qui portera notamment sur les conditions dans lesquelles l'engagement en tant que jeune sapeur-pompier ou jeune marin-pompier ainsi que le fait d'être titulaire du brevet national de jeune sapeur-pompier ou de jeune marin-pompier ouvrent droit à des points de bonification pour l'obtention des diplômes de l'enseignement secondaire.

M. Guy Benarroche.  - Nous souhaitons valoriser l'engagement des élèves sapeurs-pompiers ou marins-pompiers en leur octroyant des points de bonification pour l'obtention de diplômes d'enseignement secondaire.

Soit dit en passant, je regrette l'avis défavorable de la commission sur notre amendement précédent, malgré la volonté du ministre d'accepter des expérimentations qui fonctionnent avec l'inclusion d'officiers LGBT+. J'espère que nous n'aurons pas un nouvel avis défavorable, en pleine campagne de recrutement de pompiers...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Lors de l'examen de la loi Matras, nous avions rejeté un amendement similaire pour ne pas créer de distorsion avec d'autres jeunes qui s'engagent et pour préserver le caractère bénévole. Par cohérence, avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Gouvernement a déjà prévu que les jeunes sapeurs-pompiers pouvaient bénéficier de bonifications dans Parcoursup. Votre demande de reconnaissance est en partie exaucée. Avis défavorable.

L'amendement n°111 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°79, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 174

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une réflexion de fond sera menée sur l'encadrement légal et la pratique des contrôles d'identité afin de lutter contre leur banalisation, notamment en précisant les motifs légaux pouvant justifier un contrôle, et par la mise en place de récépissés de contrôle d'identité.

M. Guy Benarroche.  - Selon la CNDH, les forces de l'ordre ont un pouvoir d'appréciation extrêmement étendu sur l'opportunité de contrôler une personne. Le Défenseur des droits reconnaît que des pratiques discrétionnaires sont généralisées sur certains territoires : ce ne sont donc pas des gauchistes wokistes qui l'affirment !

Le contrôle au faciès génère des tensions avec la population. La Cour de cassation a rappelé en 2016 qu'un contrôle d'identité associé à des caractéristiques physiques est discriminatoire et constitue une faute lourde qui engage la responsabilité de l'État. Le Conseil constitutionnel considère que cette pratique est incompatible avec le respect de la liberté individuelle.

La remise d'un récépissé à l'issue de chaque contrôle, sans être une solution miracle, limiterait la latitude dans le choix des contrôles d'identité, qui empoisonnent la vie de certains.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous avons eu ce débat tout à l'heure. Toutes les modalités de contrôle d'identité sont précisées par le code de procédure pénale. Je suis le ministre du logement qui a imposé aux agents immobiliers la charte de non-discrimination : je sais de quoi je parle. Vous poussez le bouchon très loin ! Avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Guy Benarroche.  - La parole du rapporteur est légitime : la mienne, celles de la CNDH, du Conseil constitutionnel et du Défenseur des droits le sont aussi. Ne balayez pas cela d'un revers de la main. (Protestations sur les travées Les Républicains)

La disparité des contrôles d'attestation covid selon les lieux est elle aussi avérée : cela nuit à la confiance entre les citoyens et la police.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Ces débats sont récurrents : depuis des années, des tensions existent entre une partie de la population, jeune ou non, et les forces de l'ordre. Dans certains cas, certes minoritaires, on a le sentiment d'un acharnement. On a mentionné les caméras-piétons, mais le seuil de confiance réciproque n'est pas atteint.

Pourquoi ne pas expérimenter ce qui existe ailleurs ? Cela pourrait d'ailleurs être l'occasion de révéler des exagérations dans l'autre sens. En quoi la transparence affaiblirait-elle la relation entre la police et la population ? (« Merci ! » et applaudissements sur les travées du GEST)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce débat me frappe toujours. Non, les policiers et les gendarmes ne sont pas à l'initiative des contrôles. Ils ne les réalisent que sous l'autorité du procureur de la République. Celui-ci peut demander des contrôles dans des zones criminogènes comme les gares ou les stations de métro.

Les officiers de police judiciaire peuvent aussi effectuer de tels contrôles ; mais le procureur de la République peut retirer ce pouvoir à l'officier concerné en cas de mésusage. Enfin, un policier peut effectuer un contrôle lorsqu'il constate une infraction.

Non, la loi ne prévoit pas de contrôle d'identité d'initiative des policiers. Si vous considérez que ces contrôles sont trop nombreux, est-ce parce que les procureurs de la République organiseraient un contrôle au faciès ?

Monsieur Dossus, les contrôles fiscaux sont faits sur les personnes les plus riches. Tiendriez-vous la même démonstration pour eux ? (Exclamations sur les travées du GEST) La réalité, c'est que vous ne faites pas confiance aux forces de l'ordre et que, pour vous, un homme ou une femme en uniforme est par nature suspect ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur celles du GEST)

L'amendement n°79 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°129, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 174

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Afin de lutter contre les contrôles d'identités discriminatoires pouvant avoir lieu dans les quartiers dits sensibles dans des zones n'étant pas assez attractives comme l'Ile-de-France, des moyens sont mis en place pour fidéliser les personnels de police expérimentés, afin que ceux-ci puissent encadrer les personnels de police plus jeunes.

M. Thomas Dossus.  - Je cite à nouveau la CNDH : les jeunes policiers, dans certains quartiers sensibles, dénoncent un manque d'encadrement par des supérieurs qui peut mener à des contrôles au faciès. La Cour des comptes a aussi souligné les faiblesses de l'encadrement, la faible attractivité et le manque d'effectifs à Paris. Augmentons l'attractivité de ces zones pour améliorer les recrutements.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°129 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 175

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

Afin de prévenir de bavures policières ou d'accidents mortels lors des interpellations policières, le Gouvernement prend des mesures visant à interdire définitivement les techniques d'immobilisation qui auraient pour effet d'entraver les voies respiratoires, telles que le pliage, la clé d'étranglement et le placage ventral.

M. Guy Benarroche.  - On nous taxe d'extrémisme alors que nous citons des organismes gouvernementaux. Cela me semble excessif.

Nous déplorons de trop nombreux accidents mortels à la suite d'opérations de police : Cédric Chouviat en 2020, Mohamed Boukrourou en 2017, Ali Ziri en 2018, Mohamed Saoud en 2007...

Les techniques d'intervention controversées, comme la clé d'étranglement et le placage ventral, ont été interdites. Le placage au sol demeure cependant, alors qu'il est à l'origine de décès et a été interdit dans plusieurs pays.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Votre proposition entre dans le champ de la mission d'information de Mmes Carrère et Di Folco : attendons leurs conclusions. Avis défavorable.

M. Philippe Mouiller.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas insérer certains éléments, par cohérence, même avant les conclusions de la mission ? C'est bien ce que le rapporteur nous a proposé tout à l'heure s'agissant de la police judiciaire... Nous ne demandons qu'une clarification de la doctrine du ministère de l'intérieur. Il faut interdire certaines techniques dangereuses et améliorer la formation.

L'amendement n°88 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 175

Insérer neuf alinéas ainsi rédigés : 

Dans un souci de rétablir la confiance des citoyens avec les organes de contrôle des forces de l'ordre, le Gouvernement s'engage vers une réforme en profondeur de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Cette réforme permettrait notamment, en parallèle de l'existence de l'IGPN et de l'IGGN : 

La création d'un déontologue des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et des forces de sécurité privées, bénéficiant d'un pouvoir d'investigation en cas d'infraction pénale commise par un membre des forces de l'ordre. 

Le Déontologue des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et des forces de sécurité privées est nommé sur proposition du Défenseur des droits par le Premier ministre, après avis conforme des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, en indiquant qu'il doit s'agir d'un magistrat de l'ordre judiciaire. Il est chargé :

1° De superviser le traitement des plaintes contre les forces de police et de gendarmerie nationale ;

2° De veiller au respect par les forces de l'ordre des lois et règlements et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale ;

3° D'enquêter sur le fonctionnement, les activités et les méthodes des services de police et de gendarmerie nationale sur l'ensemble du territoire ;

4° D'instruire les affaires disciplinaires concernant les forces de l'ordre ;

5° De procéder à des investigations en cas d'infraction pénale commise par un membre des forces de l'ordre.

Le Déontologue des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions et des forces de sécurité privées est chargé d'évaluer et de mettre à jour la pertinence et l'efficacité des formations initiales et continues des forces de l'ordre et leurs méthodes de recrutement. Il veille à la prévention des risques psychosociaux et à la lutte contre le harcèlement. Il veille à la bonne organisation et au bon fonctionnement des services de police grâce à des études et des évaluations des règles et pratiques professionnelles relatives à la déontologie. En conséquence, il soumet annuellement au ministre de l'intérieur la révision des normes de conduite applicables par les forces de police dans leurs relations avec le public.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement est inspiré de la proposition de loi de Sophie Taillé-Polian demandant la création d'une autorité indépendante rattachée au Défenseur des droits, en charge de la déontologie des forces de l'ordre. L'IGPN et l'IGGN ne tiennent pas leur rôle, faute d'impartialité et de transparence. Or le respect de la déontologie par les forces de l'ordre est la condition de la confiance.

En 2019, les réclamations contre le manque de déontologie des forces de l'ordre ont augmenté de 29 %. Sur plus de 1 400 demandes adressées à la police des polices, le Défenseur des droits a demandé l'engagement de poursuites disciplinaires dans 36 dossiers, mais aucune demande n'a été suivie d'effet.

La promesse du président Macron, le 14 décembre 2021, de créer un organe parlementaire de contrôle des forces de l'ordre, est restée lettre morte.

L'État doit de toute urgence réformer la culture policière.

Mme le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 175

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Réforme de l'organisation et du fonctionnement des corps d'inspection des forces de l'ordre nationales

La réforme de l'organisation et du fonctionnement des corps d'inspection des forces de l'ordre nationales sera engagée. Elle se traduira par l'élaboration d'un modèle reposant sur un organisme public indépendant qui exercera ses missions, en coordination avec les inspections générales (inspection générale de la police nationale, inspection générale de la gendarmerie nationale et inspection générale de l'administration). Cet organisme public indépendant sera doté d'un pouvoir d'initiative d'enquêtes et sera composé de membres appartenant aux corps respectifs de la police et de la gendarmerie nationales, du Défenseur des droits et de personnalités qualifiées.

M. Jérôme Durain.  - La demande sociale d'exemplarité des forces de sécurité s'accroît et s'exprime par une demande d'indépendance et de transparence. Malheureusement, les pistes envisagées par le ministère ne prennent pas cette direction et les critiques sont récurrentes.

Le rattachement administratif des inspections entretient un soupçon de partialité. Un entre-soi professionnel et une culture corporatiste y règnent. On pourrait pourtant s'inspirer de ce qui a été proposé lors du Beauvau de la sécurité, c'est-à-dire le modèle de l'IOPC (Independent Office for Police Conduct) britannique.

Un contrôle indépendant de l'usage de la violence par la police est essentiel dans un État de droit.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Une réforme des inspections a déjà été lancée : leurs rapports sont désormais publiés ; le renforcement de la formation en matière de déontologie est prévu ; tout comme la création d'un comité d'évaluation de la déontologie au sein de l'IGPN, comprenant des représentants de la société civile.

Avis défavorable à ces amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Encore un amendement de confiance envers les forces de l'ordre, même si la modération de M. Durain tempère les propos de M. Benarroche !

La question des inspections est d'autant plus intéressante à évoquer que nous n'avons pas de fait divers particulier dans l'actualité récente.

Les discussions sénatoriales sont paradoxales. Premièrement, les magistrats saisissent les services instructeurs, en application de l'article 12 du code de procédure pénale. C'est donc tout à fait librement que le procureur saisit l'IGPN et l'IGGN, ou tout autre service. Si le service d'enquête n'était pas conforme à l'État de droit et à la déontologie, le magistrat instructeur ne le saisirait pas.

Deuxièmement, monsieur Durain, votre affirmation est juste, mais datée : j'ai nommé des magistrats à l'IGGN et une magistrate à la tête de l'IGPN, pour la première fois. Avouez que c'est original. Il n'y a pas eu de contestation. Il est donc faux de dire que ce sont des policiers ou des gendarmes qui dirigent ces inspections.

Troisièmement, l'IGPN et l'IGGN ne sont pas simplement des services d'enquête sur ce que les agissements des gendarmes et policiers, mais aussi une inspection à la main du ministre. Elles me rendent des rapports d'audit et d'inspection. Distinguons leur fonction d'enquête de celle d'audit. Il ne vient à l'idée de personne de dire que l'IGF devrait être indépendante de Bercy ! Elle est parfois saisie par la justice, lorsque le secret fiscal a été rompu - pourtant personne ne dit qu'ils se jugent entre eux !

Oui, ces inspections avaient des problèmes : pour lutter contre le manque d'enquêteurs, nous en avons recruté ; les rapports n'étaient pas publiés : c'est le cas désormais ; enfin, j'ai demandé que les sanctions soient prises dans les deux mois. La Défenseure des droits a souligné ces avancées.

En vertu du principe de séparation des pouvoirs, ce n'est pas à l'exécutif de créer un organe parlementaire de contrôle de l'action des forces de l'ordre.

L'IGPN n'est pas représentative du corps policier dans son ensemble. On voit dans le film Bac Nord qu'elle n'a d'ailleurs pas toujours une excellente image auprès de tous les policiers... L'IGPN a une haute conscience de son travail d'enquête.

Faut-il une nouvelle fois que le pouvoir exécutif se dessaisisse de son pouvoir et le confie à une autorité administrative indépendante ? Son président ou sa présidente ne viendra pas débattre avec vous dans l'hémicycle.

Par ailleurs, sanctionner un policier ne suffit pas sans réflexion sur les processus et sur la doctrine. Distinguer les fonctions d'enquête et d'audit nous priverait d'une certaine fluidité.

La Défenseure des droits, autorité administrative indépendante, peut elle-même être saisie, et elle contrôle l'action de l'IGGN et de l'IGPN.

Certes, tout n'est pas parfait, mais les améliorations successives apportées à ces services me conduisent à donner un avis défavorable à ces amendements.

L'amendement n°82 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°121.

Mme le président.  - Amendement n°122, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 175

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Mise en oeuvre de la doctrine du maintien de l'ordre au regard des règles de déontologie

La multiplication des tensions et des incidents, parfois graves, entre les forces de l'ordre et les participants aux manifestations conduira à s'interroger sur les conséquences de la doctrine du maintien de l'ordre et de sa mise en oeuvre au regard des règles de déontologie qui s'imposent en la matière. Plusieurs recommandations seront formulées en vue d'apaiser la gestion du maintien de l'ordre, notamment en améliorant la formation des forces de l'ordre, en encadrant davantage l'usage des armes de force intermédiaire et en distinguant mieux les missions de police administrative de celles relevant de la police judiciaire.

M. Lucien Stanzione.  - Le rapport annexé n'aborde pas le maintien de l'ordre. Pourtant, la multiplication des tensions entre forces de l'ordre et manifestants devrait conduire à s'interroger sur la relation police-population. La logique du chiffre prend le pas sur la bonne connaissance de la population.

Il faudrait recentrer le maintien de l'ordre sur l'accompagnement des manifestations, en suivant un modèle de désescalade. Cela suppose que les services de renseignement maîtrisent les motifs de manifestation, mais aussi d'adapter l'équipement des policiers et de renforcer la formation initiale et continue des forces de l'ordre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui empiète sur le champ de la mission d'information Carrère-Di Folco.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il faut renforcer la formation, ce que nous faisons en passant de huit à douze mois pour la formation initiale et en recrutant 750 formateurs en formation continue. Il faut aussi améliorer le matériel, même si la désescalade ne passe pas forcément par là. Soit dit en passant, nous n'alourdissons pas matériel pour des raisons pratiques : les forces mobiles doivent le rester.

Notre schéma de maintien de l'ordre a été écrit, retoqué par le Conseil d'État, réécrit et validé par la profession. Mais le meilleur moyen d'améliorer le maintien de l'ordre, c'est d'y affecter davantage d'effectifs - et j'espère que vous soutiendrez notre projet de créer onze unités mobiles. Ainsi, ils sont plus reposés et mieux formés. Les missions de maintien de l'ordre sont extrêmement difficiles. Dans un climat de violence et de surveillance, hors contrôle de la Cnil, par des manifestants, des difficultés peuvent survenir. Nous recréons donc des escadrons de gendarmerie et de CRS, car c'est le nombre qui fait le calme de la manifestation. Le manque d'effectifs peut créer la panique du côté des policiers ou l'envie d'en découdre en face.

Le Sénat a une mission, j'ai un schéma : avis défavorable. J'espère cependant que vous voterez la hausse d'effectifs.

L'amendement n°122 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 175

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Réexamen de la législation relative à l'usage des armes par les forces de l'ordre

Depuis la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique et l'introduction de l'article L. 435-1 dans le code de la sécurité intérieure visant à mettre en place un cadre commun de l'usage des armes par les forces de l'ordre, les relevés statistiques montrent l'augmentation des tirs mortels sur les conducteurs ou passagers de véhicule en mouvement à la suite d'un refus d'obtempérer ou dans les cas d'interpellations. Cette augmentation des homicides déclenche un très légitime débat public autour des causes d'un tel phénomène. Au vu de ces faits, dans une approche pragmatique, il est nécessaire de reconsidérer la pertinence du champ d'application de la législation en vigueur permettant de recourir à la force armée pour arrêter la fuite d'une personne qui ne serait que probablement dangereuse au regard des informations dont les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale disposent au moment où ils font usage de leurs armes.

M. Jérôme Durain.  - Le refus d'obtempérer met en jeu la vie humaine - d'un policier, de l'auteur des faits ou d'un passager. J'évite la litanie d'exemples récents de personnes tuées dans ces circonstances...

Je n'ignore pas nos responsabilités : la loi du 28 février 2017 était d'inspiration socialiste. Mais des études récentes indiquent qu'elle a induit davantage de tirs de policiers, ce qui a entraîné des pertes de vies humaines.

Certes, les policiers se défendent. Mais on constate que les tirs sont plus mortels que dans d'autres circonstances. Le nombre de refus d'obtempérer est en hausse ; le nombre de tués l'est encore plus.

Il faut une solution pour éviter la répétition de cette triste actualité : il y va de la qualité des rapports entre la police et la population.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous en sommes à 75 refus d'obtempérer par jour, en hausse de 28 % depuis 2015. Le ministre lui-même a dit avoir assisté à plusieurs funérailles de policiers décédés à la suite de refus d'obtempérer. Et vous voudriez désarmer les policiers dans ces conditions ? J'ai lu des études qui disent exactement le contraire de ce que vous avancez... Mon amendement durcit les sanctions en cas de refus d'obtempérer.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Jérôme Durain.  - Personne n'a parlé de désarmer les policiers ! Laisser prospérer des situations où l'on confronte la population aux policiers n'est pas responsable. Si des passagers ou des passants continuent de mourir, nous n'obtiendrons pas l'efficacité souhaitée.

Selon le ministre, il n'y a pas d'intermédiaire entre tirer et ne rien faire... mais le libellé même de la loi conduit à des pertes de contrôle et certains commissaires font état d'usages inadaptés de leur arme par des policiers. N'en restons pas à des solutions inefficaces.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous avez remarqué que le Gouvernement n'avait pas déposé d'amendement sur les refus d'obtempérer.

Le sujet est difficile : nul ne peut se satisfaire du décès d'un policier ou d'un gendarme, ni d'un contrevenant ou d'un passager. Nul ne peut accepter non plus que l'autorité de l'État soit à ce point bafouée ; force doit rester à la loi alors qu'on compte un refus d'obtempérer toutes les demi-heures.

Quand un policier ou un gendarme demande de s'arrêter, on s'arrête. On constate bien souvent, malheureusement, que la personne qui refuse de s'arrêter n'a pas de permis, est sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants ou transporte des substances illicites.

Il est rare qu'une personne qui n'a rien à se reprocher refuse de s'arrêter. (On le confirme à droite) Nous ne sommes pas d'accord sur les statistiques : il n'y a pas, à ma connaissance, plus de tirs de policiers et de gendarmes en 2021 qu'en 2016 et 2017, donc d'après la loi que vous mentionnez, il y en aurait même moins. En 2019 et en 2020, malgré le confinement, les refus d'obtempérer n'avaient d'ailleurs pas cessé. Il est faux de dire que policiers et gendarmes tirent plus à cause de cette loi. Tandis qu'il y avait davantage de refus d'obtempérer, il y a eu moins de tirs, mais plus de tirs mortels, ce qui n'est pas la même chose.

Plusieurs hypothèses méritent donc d'être explorées. Les policiers et gendarmes blessent-ils plus mortellement les personnes parce que leur formation au maniement de leur arme serait insuffisante ? Les personnes refusant d'obtempérer prennent-elles plus de risques en fonçant sur les policiers et sur les gendarmes, ce qui les forcent à tirer ? En effet, c'est ce qu'on apprend à l'école de police : on ne doit tirer que pour contrer une tentative d'homicide. Dernière hypothèse : peut-être devrions-nous trouver un autre moyen pour arrêter un véhicule qu'un tir d'arme à feu : une arme intermédiaire, à l'image des LBD pour le maintien de l'ordre, dont on peut critiquer l'usage, mais qui sont moins létaux que les revolvers. La loi Sécurité globale a néanmoins amélioré les choses : avant elle, il fallait être OPJ pour utiliser les stop sticks.

Ce débat est toujours difficile. Vous évoquez les propos de certains commissaires de police... Malgré tout mon respect, ce sont rarement eux sur lesquels on fonce à deux heures du matin au bord d'une route du Lot-et-Garonne... Au Sénat ou dans le confort de mon bureau, nous sommes bien loin des conditions d'exercice du gardien de la paix confronté à une voiture fonçant sur lui à toute vitesse, de nuit, sans phares. Lorsque je parle avec des agents confrontés à ces situations, qui ont quelques secondes pour décider de tirer ou de ne pas tirer sur la voiture qui menace leur collègue, j'ai du mal à leur jeter la pierre.

Vous remarquerez que ces affaires ne font pas du scandale longtemps. C'est grâce à la belle action de l'IGPN et de l'IGGN, qui placent systématiquement en garde à vue et en examen le policier qui a tiré, même s'il est évident qu'il était dans son droit. Cela permet de démontrer qu'on ne laisse pas faire n'importe quoi.

Qu'il ne soit pas dit que nous ne prenons pas en compte les menaces contre l'autorité de l'État, lorsqu'un policier demandant à une voiture de s'arrêter n'est pas obéi.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°146, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 177

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un comité d'éthique indépendant sera créé pour évaluer l'action du ministère de l'intérieur. Sous la présidence du Défenseur des droits et composé de représentants du monde universitaire - chercheurs en criminologie, en sociologie et dans toutes les branches des sciences humaines et sociales intéressées par les questions de sécurité -, de représentants du monde associatif et de la population, il pourra se saisir de tous les sujets concernant les prérogatives du ministère. Il sera structuré en collèges thématiques (par exemple, maintien de l'ordre, technologies, interventions des forces de l'ordre, rétention, relation police/population, etc.) Les recommandations émises par le comité seront immédiatement prises en compte par le ministère qui rendra compte de son action dans ces domaines auprès de lui. Il remettra un rapport annuel sur son activité au Parlement. Sa mise en place sera effective au plus tard un an après la promulgation de la présente loi.

M. Thomas Dossus.  - Le comité d'éthique prévu par le rapport annexé est une excellente idée. Mais la rédaction actuelle ne présente pas les garanties d'une action efficace. Le comité devrait être indépendant du ministère de l'intérieur et présidé par le Défenseur des droits.

En outre, parler de « personnalités qualifiées indiscutables » nous semble, pour le coup, discutable : nous préférons prévoir la représentation de chercheurs spécialisés dans les domaines liés à l'action du comité et de représentants de la population.

Nous proposons enfin que les préconisations du comité soient rapidement prises en compte par le ministère et que le Parlement soit régulièrement informé de ses travaux.

Mme le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 177, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Parce qu'il appartient à l'État de garantir la liberté de manifestation, le Gouvernement entend revoir les modalités du maintien de l'ordre dans les manifestations. En privilégiant les stratégies de désescalade, notamment par la mise en oeuvre de sommations plus compréhensibles, par l'annonce de l'emploi imminent des armes dont disposent les forces de l'ordre, par un usage de la force plus proportionné et par l'interdiction des nasses.

M. Guy Benarroche.  - Le droit de manifester est une composante de nos libertés fondamentales qui ne souffre d'aucun compromis. Il est pourtant limité aujourd'hui par les violences au sein des cortèges, mais aussi par un usage disproportionné de la force et des armes par les forces de l'ordre.

Il est temps de recourir à la force de façon plus proportionnée. Le GEST appelle à l'interdiction des nasses et à l'encadrement de l'utilisation des grenades lacrymogènes, qui ont fait l'objet d'un usage excessif en mai 2022 au Stade de France.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable comme à tous les amendements relatifs aux inspections et au maintien de l'ordre.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°146 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°80.

Mme le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 179

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une plateforme unique de signalement des manquements à la déontologie, commune au Défenseur des droits, à l'Inspection générale de la police nationale et à l'Inspection générale de la gendarmerie nationale sera mise en place pour faciliter les signalements.

M. Guy Benarroche.  - Dans son avis du 11 février, la CNCDH s'interroge sur le fait qu'une pluralité d'acteurs soit susceptible de recevoir un signalement. Nous demandons une plateforme unique de signalement des manquements à la déontologie commune au Défenseur des droits, à l'IGPN et à l'IGGN.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Guy Benarroche.  - Les avis se font plus brefs alors que le sujet est grave...Il est tard, mais j'aimerais bien entendre vos arguments.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Je le redis, une mission d'information est en cours. Préjuger de ses propositions casse le travail, pluraliste, de nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°201, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 180

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Instaurer un délai maximal de traitement des plaintes par l'inspection générale de la police nationale de 3 mois, avec une obligation de suivi

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le rapporteur, nous ne faisons qu'user de notre droit constitutionnel d'amendement. Oui, des missions sont en cours, mais rien ne nous empêche de déposer des amendements pour avancer et demander des explications.

Nous souhaitons ici garantir l'effectivité du traitement des plaintes devant l'IGPN, qui peut être saisie en ligne par la victime d'un comportement abusif de la police. Celle-ci n'est en effet informée des suites que si elle le demande, alors que la plateforme l'avertit que toute dénonciation mensongère peut faire l'objet de poursuites. Nous demandons l'établissement d'un délai de traitement des plaintes de trois mois par l'IGPN, calqué sur celui des plaintes judiciaires.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il n'est pas illogique que la dénonciation calomnieuse de policiers soit réprimée, comme elle l'est pour tout un chacun. Je ne suis pas certain qu'un délai de trois mois soit réaliste. Je peux toutefois vous adresser des éléments sur le délai moyen de traitement et m'engager sur sa réduction.

Il est à noter que les personnes effectuant un signalement sur la plateforme ne donnent pas toujours l'ensemble des informations : la phase d'instruction prend parfois du temps.

Contre toute attente, nous avons été la dernière administration dénoncée pour discrimination, avec 5 % des signalements, bien loin derrière celles qui traitent du logement ou de l'accès à l'emploi.

J'aurais dû publier le rapport de M. Vigouroux, qui évoque la discrimination dans les forces de sécurité intérieure. Il en recense de trois types : les premières sont celles dont les forces sont l'auteur, et qui ne sont pas limitées au faciès, d'ailleurs. Les deuxièmes sont celles commises par des membres des forces de sécurité sur leurs collègues, parce que femmes, homosexuels ou originaires de certains territoires. Les troisièmes sont celles que subissent les forces de l'ordre : là encore, cela peut être pour des raisons de genre, de couleur ou d'orientation sexuelle, réelle ou supposée, ou en raison du port de l'uniforme.

Monsieur le président Buffet, je propose de rendre public ce rapport instructif dont nous suivrons les recommandations. Avis défavorable.

L'amendement n°201 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°199, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 180

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Doter l'inspection générale de la police nationale du statut d'autorité administrative indépendante

Mme Éliane Assassi.  - J'use de mon droit d'amendement, mais je n'en abuse pas : je retire l'amendement n°199, car M. Durain a traité d'une problématique similaire, ainsi que l'amendement n°200, qui est une erreur puisqu'une magistrate a été nommée à la tête de l'IGPN.

L'amendement n°199 est retiré, ainsi que l'amendement n°200.

Mme le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 182

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

Le devoir de réserve n'est pas opposable aux agents des forces de l'ordre ayant signalé ou divulgué des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ils n'ont pas à s'adresser prioritairement à leur hiérarchie pour divulguer de telles informations.

M. Guy Benarroche.  - Le 24 janvier dernier, le lanceur d'alerte Amar Benmohamed a été sanctionné pour avoir témoigné devant l'Assemblée nationale après avoir tenté en vain d'alerter sa hiérarchie. Son combat relève pourtant de l'intérêt général. Il y va de la dignité de nos concitoyens et de leur confiance envers les forces de l'ordre.

Les fonctionnaires sont tenus à un devoir de réserve ; exposés à des pressions, ils sont dissuadés de dénoncer les faits dont ils sont témoins ; ils sont enfin prisonniers de l'article 40, qui ne permet qu'un signalement judiciaire.

Nous demandons à étendre le statut de lanceur d'alerte issu de la loi du 21 mars 2022 aux forces de l'ordre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La loi que vous mentionnez a fait l'objet de débats nourris ; l'amendement est satisfait. Avis défavorable

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°84 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Nous avons examiné 66 amendements. Il en reste 138.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 12 octobre 2022, à 15 heures.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 12 octobre 2022

Séance publique

À 15 h et à 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Suite du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (procédure accélérée) (texte de la commission, n°20, 2022-2023)

À 21 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

3. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France