SÉANCE

du mercredi 19 octobre 2022

8e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Climat social

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI) Après la crise des gilets jaunes et la pandémie, voilà l'explosion des prix de l'énergie, des matières premières et de l'alimentation. C'est un nouveau choc pour notre économie, à l'origine de fortes tensions sociales.

Nous devons entendre ceux qui appellent de leurs voeux une répartition plus juste de la valeur ajoutée et la solidarité doit continuer à s'exercer envers les plus démunis.

Dans ce climat, la négociation doit rester la voie de sortie de crise, notamment dans les raffineries où le blocage pénalise des millions de personnes et fait planer le risque d'une récession. Nous comptons sur la responsabilité des entreprises.

Madame la Première ministre, comment allez-vous agir pour répondre aux attentes de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP ; M. Michel Canévet applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Monsieur le sénateur Requier, vous êtes élu dans un département où la voiture n'est pas un luxe, plutôt une nécessité du quotidien. Nos compatriotes sont inquiets de la montée des prix ; ils subissent les tensions d'approvisionnement aux stations-service et craignent le blocage du pays.

Certains cultivent ces inquiétudes. Nous choisissons d'apaiser et de rassembler les Français, avec le bouclier tarifaire - créé en octobre 2021 et prolongé jusqu'en 2023 -, les textes d'urgence de juillet sur le pouvoir d'achat et la remise de 30 centimes d'euros sur le carburant - maintenue jusqu'à la mi-novembre. C'est ainsi que nous avons l'inflation la plus basse de toute la zone euro.

Mais le pouvoir d'achat durable viendra du travail. Nous avons un système unique au monde de revalorisation automatique du Smic - qui a ainsi augmenté de 8 % en un an, plus vite que l'inflation -, entraînant la signature de plus de 500 accords de branche sur les salaires depuis le début de l'année. (M. David Assouline le conteste.)

Les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires...

M. David Assouline.  - Pas de 49.3 pour elles ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... et elles ont une responsabilité particulière si elles ont réalisé plus de profits malgré le contexte.

Des voix à gauche.  - Des superprofits ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Il faut des négociations rapides, car la solution vient toujours du dialogue social. Le blocage, la grève préventive ne sont jamais des réponses. La situation s'améliore dans les stations-service, mais nous restons mobilisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Claude Requier.  - Dans les zones rurales et périphériques, on a besoin d'une voiture pour se déplacer et la voiture a besoin d'essence : il faut approvisionner nos stations-service. Chez nous, la « bagnole » reste appréciée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Pouvoir d'achat

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Travaillons-nous pour rien ? Conseil national de la refondation (CNR), travail transpartisan, dialogues de Bercy : vous multipliez les instances de concertation mais laissez planer la menace du 49.3 sur des sujets aussi essentiels que les retraites, l'assurance chômage ou le projet de loi de finances !

Voilà une conception bien déroutante de la démocratie. Les mobilisations montrent bien les attentes des Français : contre la vie chère, pour le climat, pour les salaires. Les amendements des parlementaires au projet de loi de finances les reflètent ; des consensus ont été trouvés sur MaPrimeRenov', sur la taxation des super dividendes ou encore sur le crédit d'impôt pour le reste à charge en Ehpad.

Madame la Première ministre, pouvez-vous vous engager à nous présenter un projet de loi de finances enrichi des amendements de l'Assemblée nationale ? Et qu'adviendra-t-il des amendements adoptés par le Sénat ? Seront-ils jetés dans les poubelles du tri présidentiel ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Merci d'avoir souligné la volonté farouche de concertation du Gouvernement, au-delà des clivages politiques traditionnels. (Marques d'ironie et rires sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Les débats à l'Assemblée nationale sont riches, passionnants et passionnés et le Gouvernement s'est engagé à reprendre certains des amendements adoptés. (Brouhaha)

Plusieurs voix à gauche.  - Tous !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Mais la somme des amendements des oppositions, c'est 8 milliards d'euros de surdépenses, non financées. (Le brouhaha s'intensifie.)

M. Didier Marie.  - C'est la CVAE !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Malgré notre attachement au dialogue, nous n'accepterons ni hausse d'impôts ni explosion de la dette. Nous ne renierons pas les engagements pris par le Président de la République lors de la dernière campagne présidentielle. (Brouhaha général ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Daniel Breuiller.  - Conservez la taxation des superprofits. La démocratie sans dialogue social et sans Parlement, ce n'est plus tout à fait la démocratie. (Applaudissements à gauche)

Blocages dans les raffineries et les centrales nucléaires

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les idées des cégétistes sont simples : Total ne nous accorde que 8 %, vengeons-nous sur les Français ! Alors ils bloquent ouvriers, infirmières, artisans...

C'est le syndicalisme trash : des salariés payés le double de la moyenne, qui empêchent les autres de travailler, tout en prétendant les défendre ! (Huées sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Or on finit toujours par payer le joueur de pipeau.

Ces grèves n'ont rien à voir avec le pouvoir d'achat : c'est « règlements de comptes à CGT-Corral ». Les durs de la CGT-Chimie veulent déstabiliser Martinez et sa successeure qu'ils jugent trop molle ; du coup, lui en rajoute dans la radicalité, sur le dos des Français.

Personne n'est dupe : les grèves sont condamnées par une majorité de Français (on le conteste à gauche), la journée d'hier fut un échec, comme, dimanche, la marche des Groucho-marxistes de la Nupes. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; brouhaha général).

La prochaine étape est encore plus obscène : alors que des Français vont avoir froid cet hiver, la CGT empêche la maintenance des centrales nucléaires - pour la plus grande joie de Poutine... (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Madame la Première ministre, prendrez-vous toutes les mesures nécessaires pour que quelques personnes ne puissent empêcher les Français de se déplacer et de se chauffer ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le conflit social chez Total et Esso touche le quotidien de millions de Français dont je partage les préoccupations. (Marques d'ironie à droite)

Pour eux, nous devons agir vite et fort. Le Gouvernement est totalement mobilisé. Je réunis quotidiennement une cellule interministérielle de crise. Dès les premiers jours de grève, nous avons libéré des stocks stratégiques de l'État, augmenté les importations, autorisé l'ouverture des dépôts et les livraisons le week-end. Ces derniers jours, les livraisons ont ainsi été deux fois plus importantes qu'en temps normal, mais la demande a été plus forte en raison de la crainte de pénurie. (Protestations à droite)

Mme Sophie Primas.  - C'est la faute des Français !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Il est essentiel de sortir du conflit social. Grâce à des syndicats majoritaires, des accords ont été signés chez Total et chez Esso. Le travail doit reprendre ; une minorité ne saurait bloquer le pays. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et INDEP)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - C'est pourquoi j'ai demandé aux préfets de réquisitionner le personnel nécessaire dans certains dépôts.

La situation s'améliore sur l'ensemble du territoire : 20 % des stations sont en rupture sur au moins un carburant, contre 30 % ce week-end. Dans les Hauts-de-France, 55 % des stations étaient en rupture la semaine dernière, 15 % cette semaine. En Île-de-France, c'est huit points de moins. Dans votre région Auvergne-Rhône-Alpes, avec le déblocage de Feyzin, c'est 26 %, contre 36 % il y a une semaine. La situation est encore difficile, mais la dynamique est là.

J'appelle les grévistes à reprendre le travail. Mon gouvernement continuera à agir jusqu'au retour à la normale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)

Meurtre de Lola

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis dimanche, la France est sous le choc : Lola, 12 ans, est morte, sauvagement agressée par une ressortissante algérienne qui n'aurait pas dû être sur le sol français. (Brouhaha désapprobateur à gauche) On voudrait bâillonner le débat, mais c'est l'essence même de notre démocratie.

Ce meurtre m'en rappelle un autre, commis par un homme qui avait passé plus de dix ans en situation irrégulière, qui s'était vu remettre trois obligations de quitter le territoire français (OQTF) sans être expulsé, qui avait incendié la cathédrale de Nantes, qui n'était ni en prison ni en hôpital psychiatrique...

Le désordre migratoire tue, reconnaissons-le.

M. Xavier Iacovelli.  - Récupération !

M. Bruno Retailleau.  - Reconnaissez-vous une défaillance de l'État ?

M. Xavier Iacovelli.  - Quand a lieu le congrès de LR ?

M. Bruno Retailleau.  - Que ferez-vous pour que ces tragédies ne se reproduisent plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - En politique, quelles que soient les circonstances, nous devons toujours faire le choix de la dignité. (Applaudissements depuis les travées du groupe CRCE jusqu'à celles du RDPI ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)

Une famille, des voisins, un collège sont en deuil. Respectons-les.

M. Philippe Pemezec.  - La faute à qui ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Le Président de la République a reçu la famille (huées à droite) pour lui dire l'émotion de la Nation et l'assurer de notre plein soutien.

Savez-vous ce qu'ont demandé les parents de Lola ? Du respect, de la dignité, la paix pour la mémoire de Lola.

M. Max Brisson.  - Et alors ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je vous demande de ne pas exploiter la mort d'une enfant à des fins politiciennes. (Applaudissements depuis les travées du groupe CRCE jusqu'à celles du RDPI ; huées à droite)

Il faut maintenant que la justice passe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Deux suspects ont été interpellés en quelques heures, l'une d'entre eux est en détention provisoire. L'enquête est en cours. L'autorité judiciaire est indépendante : je n'ai donc pas d'autre commentaire à faire. Laissons les enquêteurs travailler, laissons la famille de Lola faire son deuil, la République lui rendra justice. (Applaudissements depuis les travées du groupe CRCE jusqu'à celles du RDPI)

M. Bruno Retailleau.  - La mort de Lola n'est pas un simple fait divers. (Mme Patricia Schillinger s'exclame.) Au lieu de pleurer les conséquences, dénonçons les causes. Ayez le courage d'affronter la réalité : le laxisme et le laisser-faire migratoire. Prenez des décisions pour aujourd'hui et pour demain. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également ; protestations à gauche.)

Aides à l'industrie automobile

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Mondial de l'Automobile a été l'occasion d'annonces importantes, avec l'entretien du Président de la République dans Les Échos et les déclarations de Bruno Le Maire. Nous devons soutenir l'ensemble de la filière automobile française confrontée à de lourdes contraintes : c'est un fleuron ! Le virage de l'électrique est un défi, qui impose des évolutions majeures de l'outil de production.

Dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie, l'industrie du décolletage avec sa myriade de PME doit être accompagnée. Les aides vont-elles bien aller aux entreprises qui le méritent, de manière équitable et sans qu'elles soient obligées de faire appel à des cabinets de chasseurs de primes touchant des rémunérations indécentes, qui font baisser d'autant le montant des aides ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Toute la filière est effectivement réunie Porte de Versailles - je vous invite à y aller à vos moments perdus. (Murmures à droite)

J'étais avec Bruno Le Maire dans la vallée de l'Arve il y a peu. Les entreprises de votre département ont reçu 54 millions d'euros sur les 750 millions de France Relance pour le secteur. L'objectif n'est pas de préserver, mais de changer et développer toute la filière, y compris les petits sous-traitants qui ne sont pas oubliés.

Nous souhaitons que les appels d'offres soient simples et que les entreprises soient accompagnées localement, via les chambres de commerce et les pôles de compétitivité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Loïc Hervé.  - Ça tombe mal, le pôle de compétitivité de la vallée de l'Arve a été assassiné politiquement il y a quelques mois ! Tirons les leçons des trois premières vagues du plan de relance et moralisons les aides pour que toutes les entreprises y aient accès. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Défense de la souveraineté industrielle

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Deux fleurons de notre industrie aéronautique et spatiale risquent de passer sous pavillon américain en devenant la propriété de la société Heico : Exxelia, qui devait bénéficier de France 2030, et Trad, fondamentale pour la recherche spatiale et l'armement. Comment pouvez-vous laisser faire cela ? Il s'agit de haute technologie, essentielle pour notre autonomie stratégique et notre souveraineté industrielle !

Cela me rappelle la vente des turbines Arabelle par Emmanuel Macron, que nous avons dû racheter le double... Ce sont des emplois perdus, de l'argent perdu, des savoir-faire perdus !

Pourquoi, monsieur le ministre, n'avez-vous pas déclenché la procédure Montebourg ? Que comptez-vous faire pour qu'Exxelia et Trad restent françaises ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER, du GEST et du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Catherine Morin-Dessailly applaudissent également.)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Avec la loi Pacte, le champ du décret Montebourg sur les investissements étrangers en France a été élargi à plusieurs secteurs et l'information du Parlement a été améliorée via un rapport annuel. Ainsi, en 2021, 328 dossiers ont été examinés et 124 autorisés, dont 67 sous conditions.

Il est difficile d'aller plus loin dans l'information afin de préserver le secret des affaires et celui de la défense nationale. Mais depuis la loi Pacte, les cas particuliers peuvent être examinés par les présidents des commissions des affaires économiques et les rapporteurs généraux du budget, sous le sceau du secret.

S'agissant des deux sociétés que vous évoquez, je ne peux guère vous en dire plus, mais sachez que nous avons à coeur de préserver nos intérêts stratégiques et notre souveraineté industrielle. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hussein Bourgi.  - Avec quels résultats ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nos concitoyens ne comprennent rien. On parle de souveraineté industrielle et on laisse partir des fleurons ! Dès le premier tour de table sur le dossier Exxelia, vous n'aviez pas trouvé les actionnaires français : ce n'est pas secret, c'est dans tous les journaux de France et de Navarre. Pouvez-vous nous garantir que les capitaux resteront majoritairement français ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Réforme du RSA

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis 2004, les départements versent le revenu de solidarité active (RSA) et assurent l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires. Pourtant, sans remettre en cause le volontarisme des élus et le professionnalisme des équipes, une longue liste d'emplois restent non pourvus dans la restauration, l'entretien, l'animation socioculturelle, etc. La question de l'adéquation des parcours proposés avec le marché de l'emploi se pose.

Des départements sont volontaires pour expérimenter ce que certains comparent à un retour au servage. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Héritier du RMI, le RSA apporte un revenu minimum à ceux qui sont sans revenus. C'est là une fierté de notre modèle social.

Mais les résultats en matière d'insertion ne sont pas satisfaisants : la Cour des comptes a montré que sept ans après l'entrée dans le RSA, 42 % des bénéficiaires y sont toujours, seulement trois bénéficiaires sur dix ont retrouvé un emploi ; un sur dix un emploi stable.

La société est-elle quitte de son devoir de solidarité une fois allouée cette indemnité de moins de 600 euros ? Non, elle ne le sera qu'une fois un emploi retrouvé.

Nous allons intensifier l'accompagnement des bénéficiaires, mais il n'a jamais été question de bénévolat obligatoire ni de travail gratuit.

Le RSA est un droit inconditionnel, proposer une offre de formation adaptée est l'un des devoirs de la puissance publique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Hausse des salaires

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le prix du litre de gasoil dépasse les 2 euros ; le prix des produits de première nécessité comme les pâtes ou le beurre augmente de 22 % à 47 %. Hélas, nous savons qui seront les premiers à sacrifier le nécessaire.

Vous répondez : primes aléatoires, défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires, rachat de RTT... mais refusez obstinément d'ouvrir d'un grand débat sur les salaires. Les salariés ne demandent pas l'aumône, ils veulent vivre de leur travail !

Vous évoquez la valeur travail - surtout pour stigmatiser ceux qui en sont privés. Nous disons : pas de travail sans valeur, et celle-ci se mesure à la rémunération. Or depuis 2008, le salaire des 10 % les mieux payés a augmenté trois fois plus vite que celui des 10 % les moins rémunérés. Est-il juste que le patron d'une grande enseigne gagne trois cents fois ce que gagne la caissière ? À quand une grande conférence nationale sur les salaires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Vous évoquez l'inflation : vous auriez pu dire qu'elle est de 6,5 % en France, c'est beaucoup, mais moitié moins que chez nos voisins européens, grâce à notre politique qui protège les Français.

La hausse des salaires ne dépend pas de la loi mais du dialogue social. Nous encourageons les entreprises à négocier, notamment dans les branches où le salaire minimum est inférieur au Smic.

Vous avez aussi oublié de rappeler que désormais les accords d'intéressement sont plus faciles à conclure et les primes plus faciles à verser - et leurs bénéficiaires sont contents de les recevoir !

Vous dites que l'écart se creuse ? C'est faux, l'écart entre le premier et le dernier décile ne s'est pas creusé depuis 2008, grâce à un système redistributif dont nous pouvons être fiers.

Dans quelques semaines, j'ouvrirai une conférence sur le partage de la valeur. J'espère que votre énergie se mettra au service de cette discussion. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Pierre Louault et Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)

Mme Monique Lubin.  - Je continuerai à la mettre au service des salariés. Vous êtes plus prompts à dégainer le 49.3 pour mettre fin au débat qu'à satisfaire les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mobilisation interprofessionnelle et hausse des salaires

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À vous entendre, madame la Première ministre, tout va bien... Pourtant, la France devient le pays de toutes les pénuries. Médicaments, carburants, transports confrontés à la grève, électricité : le terrible constat s'impose que le Gouvernement n'a rien anticipé. Il vous aura fallu plusieurs semaines pour réquisitionner une partie du personnel de quelques raffineries ; pendant ce temps, les Français font la queue devant les stations-services...

La grève s'étend aux centrales nucléaires. RTE (Réseau de transport d'électricité) prévoit des conséquences lourdes cet hiver, si elle se poursuit.

Combien de semaines attendrez-vous cette fois avant d'agir ? Allez-vous enfin réquisitionner toutes les raffineries ? Mettre en place un service minimum dans les transports, comme le prévoit la proposition de loi de Bruno Retailleau, adoptée par notre assemblée ? Il faut des mesures fortes pour protéger les Français des pénuries : en aurez-vous le courage ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion .  - Pour assister aux rencontres de Mme la Première ministre avec les présidents de groupe parlementaire dans le cadre de la réforme des retraites,...

M. Bruno Retailleau.  - C'est dans Le Canard enchaîné !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - ... je puis vous assurer que les partenaires sociaux qui participent aux négociations salariales ne se demandent pas si elle a du courage : ils le constatent. (Murmures à droite)

Dans le nucléaire comme dans tous les secteurs, nous encourageons la négociation. Un cycle va s'ouvrir : nous espérons qu'il évitera la grève.

Par ailleurs, nous sommes respectueux du droit de grève et appliquons la jurisprudence en matière de réquisitions : celles-ci doivent être proportionnées et justifiées par un impératif d'urgence. C'est parce que nous avons veillé au respect de ces principes que les tribunaux administratifs de Lille et Rouen ont confirmé nos décisions. S'affranchir du droit, ce serait nous condamner à l'inefficacité. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Anne Chain-Larché.  - L'impératif est là : la grève nous fait perdre des milliards d'euros chaque jour. En vérité, votre Gouvernement est débordé par ses contradictions, son arrogance et son déni de la réalité. (M. Julien Bargeton s'exclame.) Les Français galèrent, et vous n'avez pas pour eux la moindre empathie. La chienlit règne dans le pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Finances locales

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je me fais le porte-parole des régions, départements, intercommunalités, villes et villages de notre pays, durement touchés par l'inflation. Sans nos collectivités territoriales, qui représentent 70 % de l'investissement public total, des pans entiers de notre économie s'effondreraient.

Nous travaillons au quotidien avec les élus et leurs associations. Ils nous disent que, pour la première fois, ils n'arrivent pas à boucler leur budget et sont contraints d'envisager la fermeture de services ou la suppression de postes. Que penseront les Français lorsqu'ils trouveront la porte de la piscine close ?

Allez-vous modifier le projet de loi de finances pour 2023 pour donner aux collectivités territoriales les moyens de fonctionner dignement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Éric Bocquet applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Les élus, nous les rencontrons tous. Il est indéniable que le retour de l'inflation, même si elle est mieux contenue en France qu'ailleurs, ne facilite par les équations des collectivités territoriales.

S'agissant de l'énergie, nous protégeons les villages avec le bouclier tarifaire - le même qui bénéficie aux ménages. (Mme Sophie Primas proteste ; M. Jean-Raymond Hugonet joue d'un pipeau imaginaire.)

M. Laurent Duplomb.  - C'est faux !

M. Christophe Béchu, ministre, rapporteur.  - L'inflation fait aussi progresser certaines recettes : les régions percevront cette année 9 % de TVA en plus. La revalorisation des bases d'imposition représente un surcroît de recettes de 1,2 milliard d'euros.

Des difficultés de bouclage, les collectivités territoriales en ont connu quand les gouvernements que vous souteniez ont baissé la DGF de 11 milliards d'euros... Pour la première fois depuis treize ans, un gouvernement revalorise cette dotation !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Enfin, nous mettons en place un filet de sécurité autrement plus robuste que celui que vous avez contribué à construire.

Nous bataillons pour obtenir une baisse des prix de l'énergie au niveau européen et établissons une protection tarifaire pour les collectivités territoriales et les entreprises qui ne sont pas au tarif réglementé. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Rachid Temal.  - Le maire Béchu tiendrait-il les mêmes propos que le ministre ? (On renchérit à droite.) Les maires de nos villages disent tous la même chose : 45 millions de Français ne sont pas inclus dans vos mesures. Les associations d'élus proposent un bouclier fiscal pour toutes les communes, qui n'obère pas leur capacité à investir. Je rappelle aussi que la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) se traduit par 8 milliards d'euros en moins pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard et M. Hervé Maurey applaudissent également.)

M. Laurent Duplomb.  - Exactement !

Coût de l'énergie pour les collectivités territoriales

M. Thierry Meignen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, votre réponse à M. Temal ne nous satisfait pas.

Les contrats d'électricité et de gaz de nombreuses collectivités territoriales arriveront à échéance le 31 octobre. Faute de nouveau contrat, des coupures totales sont à craindre. Ces régions, départements et communes devront donc acheter leur énergie au prix du marché, qui flambe.

En Seine-Saint-Denis, les prix du gaz sont multipliés par quinze, ceux de l'électricité par trente-deux. Dans mon département comme partout en France, une commune moyenne verrait sa facture d'énergie passer de 2 à 15 millions d'euros.

Comme d'habitude s'agissant des collectivités territoriales et des élus locaux, la réponse du Gouvernement n'est pas à la hauteur des besoins. L'aide annoncée par M. Attal, de 438 millions d'euros, est largement insuffisante : s'il avait voulu afficher son mépris pour les maires, il ne s'y serait pas pris autrement.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Thierry Meignen.  - De plus, cette aide ne bénéficiera qu'aux communes dont l'épargne brute s'est fortement dégradée. Comme d'habitude, donc, vous sanctionnez les bons élèves. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Vous demandez beaucoup d'efforts aux collectivités, aux entreprises et aux Français. Vous demandez même aux salariés de porter des cols roulés dans les bureaux... Les Français sont prêts aux efforts, mais ils ne doivent pas être les seuls à en consentir.

Que répondez-vous aux maires démunis face à la flambée des prix de l'énergie ? Devront-ils sacrifier des services à la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Françoise Férat et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Il y a plusieurs manières de mépriser les gens : l'une est de manier l'outrance et la caricature. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP.)

Débattons dans le respect, sur le fondement des réalités. Je le répète : pour la première fois depuis treize ans, la DGF augmente ! Faut-il rappeler qu'elle a été désindexée par les uns d'abord, baissée ensuite par les autres ? (Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hussein Bourgi.  - Et l'inflation ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Une multiplication par quinze ou trente est en dehors des tarifs cibles : il ne faut pas signer à ces conditions délirantes. (On s'exclame sur de nombreuses travées.)

M. Thierry Meignen.  - Qu'est-ce qu'on fait, alors ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je ne puis pas croire que, dans vos départements, vous relayiez de fausses informations ou alimentiez l'inquiétude. (Vives protestations à droite et sur certaines travées à gauche ; quelques huées montent des travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson.  - C'est honteux !

M. Hussein Bourgi.  - Allez sur le terrain !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Dire qu'on ne donne pas assez aux collectivités territoriales, c'est le succès assuré au Sénat. (Brouhaha continu à droite et sur certaines travées à gauche ; M. le ministre doit élever la voix pour se faire entendre.) Nous faisons le choix de la responsabilité en matière de finances publiques et d'un filet de sécurité à la fois robuste et conforme au droit européen. Débattons sur le fond, pas sur des postures ! (Huées sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Pierre Louault, Jean-Paul Prince et Emmanuel Capus applaudissent également.)

Aides à la voiture électrique européenne

M. Patrick Chauvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La voiture électrique est la star du Mondial de l'Auto. Et pour cause : la vente de véhicules thermiques sera interdite à partir de 2035.

Justifié sur le plan environnemental, cet objectif fait toutefois peser un risque majeur sur l'industrie automobile française. En l'état actuel des choses, généraliser le véhicule électrique, c'est dérouler le tapis rouge à la Chine. Les grands constructeurs européens ont consenti des investissements colossaux pour améliorer les moteurs thermiques  - des efforts passés par pertes et profits avec le tout électrique. Nous sommes en train d'offrir une industrie d'excellence à l'Asie !

Mme Sophie Primas.  - Bravo !

M. Patrick Chauvet.  - La moitié de la chaîne de valeur d'un véhicule électrique est située en Asie, et la Chine contrôle 56 % de la production mondiale de batteries. Même quand nous fabriquons des batteries, nous en importons les principaux composants. Résultat, les voitures électriques chinoises coûtent 20 à 30 % de moins que les Européennes. Nos constructeurs estiment entre cinq et sept ans le temps nécessaire pour résorber cet écart.

Alors que la location avec option d'achat ne sera pas possible avant 2024, le Gouvernement augmente la prime à l'achat de 1 000 euros pour les ménages modestes. Mais ce dispositif subventionne massivement les constructeurs chinois... Les États-Unis réservent leurs incitations aux véhicules dont les batteries sont produites sur leur sol. Ne pourrions-nous pas, nous aussi, cibler les constructeurs européens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Ce Mondial de l'Auto, le premier depuis quatre ans, est entièrement consacré aux véhicules décarbonés.

Vous soulignez à raison les risques d'atteinte à notre souveraineté et la nécessité de protéger notre filière automobile.

Renoncer à la décarbonation et à la transition écologique, nul ne le propose. Il nous faut donc assumer cette transition.

Sans naïveté ni optimisme excessif, nous avons démontré qu'une réindustrialisation est possible. Nous avons commencé à produire des batteries, rendant crédible pour 2027 le cap d'indépendance fixé par le Président de la République.

Nous mènerons la transition électrique en réindustrialisant, en investissant et en soutenant l'achat de ces véhicules. Dans votre département de la Seine-Maritime, vous connaissez bien les transformations en cours des sites de Renault à Cléon et Dieppe.

Relever ce défi de l'industrialisation électrique en Europe nécessitera, en effet, de réformer nos outils de concurrence et de protection commerciale. Les aides que nous devons aux consommateurs et aux constructeurs ne doivent pas profiter aux acteurs chinois qui convoitent notre marché. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - C'est pourtant bien ce qui se passe !

M. Patrick Chauvet.  - Attention aux conséquences terribles sur l'emploi dans ce secteur !

Remboursement des prêts garantis par l'État

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Crise énergétique, difficultés d'approvisionnement et de recrutement : l'industrie souffre, et les trésoreries se dégradent.

À ces difficultés s'ajoute le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et des charges sociales non réclamées depuis 2021. Ces contraintes exceptionnelles rendent nos entreprises encore plus vulnérables.

La commission des finances avait lancé l'alerte sur la durée de remboursement des PGE, incompatible avec les marges des entreprises. Certes, les entreprises peuvent passer par la Médiation du crédit, mais avec une conséquence sur leur cotation ; elles seront empêchées de souscrire des emprunts bancaires pour se développer. Nombre de chefs d'entreprise injectent leur patrimoine personnel, au risque de tout perdre.

L'entreprise française a une moyenne de six salariés. Alors que vous avez entrepris une démarche de réindustrialisation, ne laissons pas tomber les TPE et PME ! Allez-vous accepter des étalements de PGE sans médiation et des reports de remboursement des cotisations ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Les PGE ont sauvé notre tissu entrepreneurial. Au total, 140 milliards d'euros de prêts ont été consentis - dans l'Orne, plus de 260 millions d'euros, au bénéfice de 1 700 entreprises.

Il n'y a pas, à ce stade, de risque systémique identifié sur le remboursement de ces prêts : le taux de défaut est estimé à 5 %.

Nous sommes conscients qu'un certain nombre d'entreprises rencontrent des difficultés. Des facultés d'amortissement ont donc été ouvertes, en juillet 2021 puis février 2022. Les entreprises dont le PGE est inférieur à 50 000 euros peuvent se tourner vers le Médiateur du crédit ; les autres, vers le conseiller départemental de sortie de crise.

Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 750 000 euros n'ont pas de notation Fiben ; seule la banque en question est au courant de la restructuration. Pour les autres, la dégradation de la note n'est pas systématique.

Par ailleurs, des aides ont été décidées pour les TPE et PME dans le contexte de hausse des prix de l'énergie.

M. Vincent Segouin.  - Je suis surpris, compte tenu de vos compétences, que vous ayez été chargé de me répondre.

Les radiations d'entreprise ont bondi de 37 % par rapport à 2019. Les entreprises abandonnent, et vous répondez : « circulez, il n'y a rien à voir »... Vous envoyez les entreprises dans le décor ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Qualité de l'air

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST) Encore une condamnation pour inaction : le Conseil d'État vient de condamner l'État à une astreinte de 20 millions d'euros pour non-respect des seuils de pollution au dioxyde d'azote dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille. L'État avait déjà été condamné, il y a un an, pour le même motif...

Les mesures prises pour abaisser les émissions de ce gaz sous le seuil de 40 microgrammes par mètre cube sont insuffisantes. Le trafic routier est le principal émetteur.

Or le dioxyde d'azote se dissout dans l'eau pour donner de l'acide nitrique, substance corrosive, qui entraîne picotements et irritations, voire inflammations en cas d'exposition prolongée. Quantité de pathologies en résultent : asthme, maladies pulmonaires, cancer du poumon. Bilan : 40 000 décès prématurés par an. Les enfants et les pauvres sont particulièrement vulnérables.

Dans la nature, l'acide nitrique provoque pluies acides et acidification des océans ; c'est un facteur majeur de perte de biodiversité.

Pourtant, le trafic de camions s'intensifie, le fret ferroviaire n'est toujours pas revenu au niveau des années 1980 et les mobilités douces ne sont pas suffisamment encouragées. Pensez-vous que nous soyons sur la bonne voie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Nous prenons acte du maintien de ces astreintes par le Conseil d'État, qui note toutefois une amélioration de la situation. Le nombre d'agglomérations en dépassement de seuil est passé de treize en 2017 à trois cette année.

Mais l'important, c'est de réduire le nombre de décès liés à la pollution de l'air : plus de 40 000.

Le Conseil d'État nous appelle à renforcer les zones à faibles émissions (ZFE). Dans quelques jours, Clément Beaune et moi-même recevrons les présidents et maires de toutes les intercommunalités et communes de plus de 150 000 habitants pour un bilan de la situation. Un sujet d'accessibilité sociale se pose : les ZFE ne doivent pas empêcher les plus fragiles d'entrer dans les villes. Certains territoires testent des dispositifs innovants, comme Strasbourg avec le PassMobilité.

Tous ces sujets seront sur la table, avec un objectif : améliorer la qualité de l'air. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Situation en Arménie

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à ma question les Amis de la justice et de la liberté.

Le 13 septembre dernier, l'Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive contre l'Arménie, dans l'indifférence quasi générale. C'est pourtant une nouvelle guerre de conquête et d'extermination qui se joue aux portes de l'Europe, avec son lot de crimes de guerre.

La logique génocidaire et le racisme d'État de l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, n'ont pas vocation à s'arrêter. Ilham Aliyev a déclaré vouloir chasser « ces chiens d'Arméniens »...

Que comptez-vous faire concrètement pour que la République d'Arménie ne disparaisse pas ?

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est pleinement solidaire de l'Arménie face aux violations de sa souveraineté. Ce pays doit recouvrer son intégrité territoriale.

Cette mobilisation porte ses fruits. La dynamique a été relancée au Conseil de sécurité de l'ONU, et les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont décidé l'envoi d'une mission d'observation le long de la frontière arménienne, rendu possible par l'accord trouvé sous l'égide du Président de la République il y a quelques jours.

Par ailleurs, une mission d'évaluation de l'OSCE se rendra sur place dans quelques jours pour constater les besoins, notamment humanitaires, et relancer les négociations.

Aucune de ces avancées n'aurait été possible sans l'engagement de la France, jusqu'au plus haut niveau de l'État. L'Arménie peut compter sur la France, qui oeuvre pour la paix et la stabilité dans le Caucase.

Mme Valérie Boyer.  - Comment y croire ? D'un côté, l'Europe envoie une mission, mais, de l'autre, renforce la coopération avec l'Azerbaïdjan, notamment en matière d'énergie. Et Ursula von der Leyen parle d'Aliyev comme d'un partenaire fiable... La tartufferie va même plus loin, puisque le gaz azerbaïdjanais viendrait d'une exploitation partiellement détenue par une compagnie russe. La vie des Arméniens vaut-elle moins que celle des Ukrainiens ?

L'Arménie est une part de nous-mêmes. Les Arméniens veulent simplement vivre et disposer d'eux-mêmes. Ce qui vaut pour la Russie devrait valoir aussi pour l'autocratie azérie. Poutine conquiert la géographie, Aliyev efface l'histoire, dit justement Sylvain Tesson. Sanctionnons l'Azerbaïdjan sans avoir la main qui tremble, opposons-nous à la Caviar connection et dénonçons l'accord inique sur le gaz ! Il faut des armes pour l'Arménie !

Refuser ces sanctions, ce serait cautionner l'épuration ethnique des Arméniens - peut-être la solution finale pour eux. Agissons concrètement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Laurence Rossignol et Marie-Noëlle Lienemann, MM. Hussein Bourgi et Patrick Kanner, applaudissent également.)

Enseignement des mathématiques

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La République a toujours besoin de savants. Elle doit commencer par favoriser les pépinières scientifiques.

Or la réforme du lycée a été bâclée, avec l'économie de moyens pour seul objectif. Deux ans plus tard, le bilan est inquiétant, notamment pour la filière scientifique. L'heure est grave. Le nombre d'élèves scientifiques en terminale a baissé de 24 % entre 2019 et 2021. La part des jeunes filles dans les parcours scientifiques chute également : vingt ans d'efforts anéantis...

Les mathématiques, la physique, la chimie, le numérique, les sciences de l'ingénieur sont relégués au rang d'enseignements de spécialité ou d'options. Les mesures annoncées à la hâte à la fin de la dernière année scolaire ne sont qu'un écran de fumée : on ne forme pas un ingénieur en lui enseignant une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun en première !

Toute la structure du cycle terminal doit être revue sans tarder. Allez-vous suspendre la réforme du lycée et réunir toutes les parties prenantes pour inverser ce déclin ? À défaut, Hugo Duminil-Copin, qui travaille à Bures-sur-Yvette, dans l'Essonne, pourrait bien être le dernier Français à recevoir la médaille Fields. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Émilienne Poumirol, Angèle Préville et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Mickaël Vallet, applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - L'école française de mathématiques compte parmi les meilleures du monde, mais notre niveau moyen en mathématiques est médiocre, dans la population générale comme dans la population scolaire. De fait, la place de la France dans les classements internationaux n'est pas reluisante.

Nous avons donc réintroduit une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun en première.

M. Max Brisson.  - En option !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - Le problème n'est toutefois pas le volume d'heures.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Un peu quand même... (Mme Cécile Cukierman renchérit.)

M. Pap Ndiaye, ministre.  - La France se situe plutôt dans le haut du panier en la matière. En revanche, il y a un sujet de pédagogie des mathématiques. (M. Pierre Ouzoulias s'exclame.)

M. Max Brisson.  - Pas seulement !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - S'agissant de la baisse de 28 % de la proportion de filles, nous allons tenir des assises nationales sur la place des femmes dans le monde scientifique. (Marques d'ironie à droite)

M. Stéphane Piednoir.  - On est sauvé !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - Il s'agira d'une priorité dans la retouche de la réforme du lycée. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.