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Table des matières
Financement de la sécurité sociale pour 2023 (Suite)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
Établir une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution
Mise au point au sujet d'un vote
Situation et perspectives des collectivités territoriales
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales
M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains
Soutien aux édiles victimes d'agression
Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales
Soutien aux édiles victimes d'agression (Suite)
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Modalités d'incarcération ou de libération
M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi
Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des lois
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Ordre du jour du mercredi 16 novembre 2022
SÉANCE
du mardi 15 novembre 2022
21e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Financement de la sécurité sociale pour 2023 (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Explications de vote
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Sénat a entamé il y a huit jours l'examen du troisième projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) depuis l'apparition du covid. Le seuil symbolique des 600 milliards d'euros devrait être dépassé, avec un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 240 milliards d'euros, en progression de 3,7 % par rapport à 2022.
Ce PLFSS traduit le choix d'un système de santé renforcé, juste, qui répond aux attentes de nos concitoyens et des professionnels de santé. C'est un texte d'engagement et d'investissement, une première pierre de la refondation.
Dans sa version originelle, ce texte facilitait l'accès à un médecin traitant, aux urgences, à une aide à domicile ; il soutenait mieux les familles monoparentales ; il facilitait les déclarations Urssaf des entrepreneurs.
Il renforce le virage préventif, avec les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie et un accès facilité à la contraception d'urgence pour les majeures ainsi qu'à la vaccination.
Il améliore également la prise en charge de l'accueil du jeune enfant, en réduisant notamment le coût d'une assistante maternelle.
Mais si 18 amendements du Gouvernement ont été adoptés, 96 amendements des rapporteurs ont modifié la teneur de ce texte.
Nous saluons la responsabilité de la majorité sénatoriale qui a rétabli les deux premières parties du texte.
Nous nous réjouissons de l'adoption de l'amendement gouvernemental n°1141, qui majore la compensation versée aux départements au titre des revalorisations de l'aide à domicile.
Nous saluons aussi l'adoption de l'amendement n°943, qui transforme le système d'information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La stratégie d'harmonisation a été bénéfique, mais il est temps de basculer vers un système d'information unique.
L'amendement n°894 étend la condition de durée minimale d'exercice hors intérim aux professionnels de santé mis à disposition par une entreprise de travail temporaire étrangère.
Nous saluons également le nouvel article 24 quater, qui lance une expérimentation de trois ans consistant à verser aux médecins un forfait financé par les fonds d'intervention régionaux, en complément de la rémunération à l'activité, pour couvrir les frais associés à l'exercice en zone sous-dotée. Un territoire ultramarin sera associé.
Malheureusement, ces avancées ne peuvent compenser la suppression incompréhensible de l'article Ondam ni la dispense de ticket modérateur pour les consultations de prévention après 25 ans.
De plus, le Sénat a adopté un amendement qui porte une réforme paramétrique du système de retraite, alors que le Gouvernement a lancé une grande concertation afin de prendre en compte plusieurs paramètres sociétaux, comme l'inégalité femmes-hommes ou la pénibilité. L'approche strictement financière est limitative. Pourquoi inverser le calendrier et se priver de la richesse du dialogue social ?
M. Marc-Philippe Daubresse. - Cela fait dix ans qu'on étudie cette réforme !
M. Martin Lévrier. - Pour ces raisons, le RDPI s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce budget de la sécurité sociale, peu ambitieux à première vue, est resté fidèle à cette appréciation. C'est la première fois qu'un PLFSS arrive au Sénat après l'utilisation du 49.3. Le Gouvernement aura seul la charge d'écrire le texte définitif. Nous regrettons que le régime des irrecevabilités ait excessivement limité le débat. Nous ne pourrons continuer ainsi.
En introduisant des articles sans lien avec une loi de finances, le Gouvernement a égaré ce texte. Il est urgent qu'il dépose un projet de loi sur la santé.
Sur le fond, nos inquiétudes sur la trajectoire financière demeurent. Vous présentez un budget largement en déficit, tout en n'investissant pas assez dans notre système de soins. Nous continuerons de proposer de supprimer les exonérations fiscales inutiles et coûteuses, car il y va de la pérennisation du financement de notre sécurité sociale.
Pire, vous proposez un Ondam en dessous de l'inflation. Les professionnels peinent à le croire ! Vous faites des économies sur le système de santé. Le budget des hôpitaux augmente certes de 3,7 % en 2023, mais l'inflation sera de 6,2 à 6,5 % en 2022, et de 5 % en 2023.
Nous saluons des avancées, comme le maintien du dispositif pour les travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), les deux heures de soutien dédié à l'accompagnement pour les titulaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), le remboursement sans ordonnance du dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et les consultations aux âges clés de la vie.
Mais le texte ne prévoit rien contre l'affaissement de notre système hospitalier et ne revoit pas la construction de l'Ondam. Vous restez dans une stricte politique de l'offre, au lieu de partir des besoins.
Le rendez-vous avec la prévention est largement esquivé. Mmes Touraine et Buzyn avaient trouvé un consensus pour réduire la consommation de tabac. Qu'attendez-vous pour agir plus fortement ? Je me réjouis que le Sénat ait rétabli le texte initial sur le tabac à chauffer ; la mesure, modeste, aura des effets concrets. À l'avenir, mieux vaudrait que le ministre des comptes publics évite le congrès des buralistes avant le PLFSS ! Nous devons protéger la jeunesse. Nous accueillerons avec bienveillance les propositions du Gouvernement contre les puffs ou les prémix. Les produits mêlant des arômes à l'alcool ou au tabac doivent être progressivement interdits.
Bien que notre amendement alignant la fiscalité sur l'alcool sur l'inflation n'ait pas été adopté, je me réjouis de la position courageuse de la rapporteure. D'autant plus que le Gouvernement n'a pas proposé grand-chose. Idem sur la santé environnementale.
La branche autonomie manque d'objectifs, signe d'un manque de volonté politique. À quand une loi sur le grand âge ?
Ce PLFSS a bien failli contenir une réforme des retraites. Nous aurons bientôt l'occasion d'en débattre.
Comment imaginer approuver un tel texte ? Depuis six ans, le chef de l'État n'a pas donné d'impulsion à notre système social. L'année dernière, j'avais dédié ce vote à l'hôpital public. Cette année, c'est au personnel soignant, épuisé et lassé des conditions de travail qui se dégradent, que je le dédie.
Vous entamez, madame et monsieur les ministres, votre première année au Gouvernement. Démarquez-vous de la logique comptable et de la mainmise de Bercy. Autrement, vos mots resteront des mots et nos soignants renonceront encore plus. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Éric Bocquet et Fabien Gay applaudissent également.)
Mme Laurence Cohen . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Nous avions défendu une question préalable sur ce PLFSS insincère et injuste. Après les débats, le bilan est toujours négatif. Si nous nous réjouissons de l'annulation du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers l'Urssaf ou du rétablissement de la compensation des exonérations de cotisations de la prime de partage de la valeur, l'équilibre global n'est pas modifié.
Le Gouvernement prévoit une progression des dépenses de la branche maladie de seulement 3,7 % quand il en faudrait minimum 4 %.
La hausse de 4,1 % du budget des hôpitaux est très inférieure à l'inflation, estimée à 4,7 % pour 2023. L'autosatisfaction de M. Attal n'y changera rien : c'est la première fois que l'Ondam est en dessous de l'inflation. Pire, si l'inflation atteint 6 %, cela signifiera entre 1 et 2 milliards d'euros de coupes drastiques dans le budget de l'hôpital public : fermetures de lits, de services et d'hôpitaux de proximité dans tous les territoires s'ensuivront.
Comment ne pas être révolté quand on constate que le Gouvernement, comme le groupe Les Républicains, sont incapables de mesurer l'échec des politiques de réduction des dépenses de santé ? (M. Bernard Bonne proteste) Des décennies de coupes budgétaires ont imposé un travail de plus en plus pénible et des organisations maltraitantes qui font souffrir le personnel et les patients.
L'absence de reconnaissance, après l'épidémie éreintante de covid, a fait déborder le vase. Désormais, même les plus convaincus quittent le navire, lorsqu'ils sont obligés de trier les malades.
Comme le souligne le collectif inter-hôpitaux, cette dégradation risque de faire disparaitre des pans entiers d'activités et de savoir-faire. La crise de la pédiatrie préfigure ce qui arrivera demain à tout l'hôpital public.
Face à cela, la droite et le Gouvernement veulent maintenir les internes une année supplémentaire en stage, plutôt que de financer la santé à la hauteur des besoins. Il n'est pas utopiste de trouver les 5 milliards d'euros nécessaires au recrutement de cent mille professionnels. Le Gouvernement aurait pu renoncer à 5 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales, ou financer les 18 milliards d'euros de dépenses covid plutôt que de les faire peser sur le budget de la sécurité sociale.
Vous déstructurez l'hôpital public au profit du privé, avec un panier de soins minimaliste complété par une prise en charge assurantielle.
Nous avons vu l'accord de fond entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale qui a rejeté tous nos amendements créant de nouvelles recettes et refusé de revenir sur les exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires ou sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui pèsent lourdement sur le budget de la sécurité sociale. La droite sénatoriale a même ajouté de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les médecins retraités.
Surtout, l'amendement n°102 recule l'âge de départ à la retraite à 64 ans, demandant 43 annuités de cotisation, ce qui va contre la volonté de 70 % des Français. Le Gouvernement lui emboîte le pas, avec une réforme rétrograde prévue pour janvier.
La proximité entre le groupe Les Républicains et le Gouvernement, frise la duplicité (protestations sur les travées du groupe Les Républicains) lorsque, chers collègues, vous avez refusé de reprendre les préconisations du Sénat sur les Ehpad.
Ce PLFSS est un rendez-vous manqué pour le personnel hospitalier, la médecine de ville, les centres de santé, le personnel des Ehpad, les aides à domicile. C'est aussi un rendez-vous manqué pour ce qui est de la maîtrise publique de la production de médicaments. La semaine dernière, j'ai remis au ministre de la santé notre proposition de loi pour un pôle public du médicament. Nous ne sommes pas au bout des ruptures de stocks. J'ai été alertée des risques de pénurie d'un antibiotique courant qui frappe déjà les États-Unis. Quels moyens prendrez-vous à court, moyen et long termes contre ce phénomène ?
Pourquoi persister dans des politiques dont l'échec est patent ? Les membres du groupe CRCE, porteurs d'un autre modèle de société, voteront contre ce PLFSS pour 2023. (Marques de mécontentement des groupes Les Républicains et RDPI). Il n'y a que la vérité qui blesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, et du GEST)
M. Olivier Henno . - (Applaudissement sur quelques travées du groupe UC) Je veux souligner la forte portée symbolique de ce PLFSS. La qualité de nos débats honore la République. Les éloges sur nos travaux fleurissent. Entendez-vous les mêmes remarques ? « Vous travaillez bien au Sénat », « heureusement qu'il y a le Sénat »... Ces remarques ne sont pas le fruit du hasard.
Le PLFSS est l'occasion de souligner la place et la responsabilité du Sénat quand l'absence de majorité absolue et la puissance de groupes extrémistes et populistes fragilisent l'Assemblée nationale.
La majorité sénatoriale est à la hauteur de ses responsabilités et le groupe UC, avec son président Hervé Marseille, tient toute sa place.
Ceux qui ont emprunté la dialectique du nouveau monde sont les premiers à vanter nos mérites. Prenons ce bénéfice ! Non, les sénateurs ne se contentent pas de faire des relations publiques auprès des élus. Ils représentent les collectivités territoriales et les maires, hussards de la République. Plus que cela, ils font la loi et oeuvrent pour le bien commun. Inutile de regarder vers les États-Unis pour trouver des arguments en faveur du bicamérisme ! (Mme la présidente de la commission des affaires sociales approuve)
Notre commission des affaires sociales a réalisé un excellent travail.
Le Gouvernement accorde une place toute particulière à la prévention. Nous saluons les rendez-vous de prévention, qui ne sont qu'un point de départ. Nous soutenons aussi le virage domiciliaire, mais la charge de l'APA n'est plus soutenable pour les départements. Il faut réformer la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Je me félicite du vote de l'amendement qui accorde deux heures de temps social aux bénéficiaires de l'APA et limite la part des dépenses de l'APA à la charge des départements. Il n'est plus acceptable que l'État décide et que les collectivités territoriales se contentent de payer.
Sur le volet famille, le Gouvernement a revalorisé de moitié l'allocation de soutien familial (ASF) en faveur des parents isolés. C'est une des rares lueurs de ce PLFSS. Pour le reste, le transfert à la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la charge des indemnités journalières du congé postnatal maternité n'a aucune justification - mais démontre le manque d'ambition du Gouvernement en matière de politique familiale et le refus de revenir à l'universalité de la politique familiale. Or la politique familiale n'est pas une politique sociale !
Il convient de créer des places en crèche, pour assurer l'égalité hommes-femmes et accroître l'employabilité.
Les cotisations Argic-Arrco ne seront pas transférées à l'Urssaf : je m'en félicite. La défense du paritarisme est dans l'ADN du groupe UC.
Sur les retraites, l'amendement adopté montre notre volonté de préserver notre système par répartition.
Le système de santé est sur le point de craquer. Il souffre d'un manque de moyens, mais aussi d'un excès de bureaucratie. La fin du numerus clausus est décevante : nous ne formons que 13 % de médecins supplémentaires. À qui la faute ? À l'ordre des médecins, aux universités ? Le système est absurde. Les étudiants les plus brillants doivent aller se former en Roumanie ! Comment expliquer que nous soyons incapables de faire évoluer notre système de formation ?
Le groupe UC votera ce texte, même si l'urgence d'une grande loi sur la santé se fait sentir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean Louis Masson . - Notre système de santé est très fragile. Ce PLFSS en est l'illustration. La responsabilité de la situation actuelle, dramatique, revient à tous les gouvernements depuis plus de vingt ans. L'exemple le plus flagrant est celui de la pénurie de médecins dans les déserts médicaux, parfois au coeur même des grandes villes. Tous nos concitoyens sont concernés.
Le Gouvernement ne peut tout rattraper en un jour. Mais il faudrait des mesures fortes, notamment en faveur du personnel hospitalier. La pénurie de professionnels de santé s'explique par le fait que, depuis des années, ils sont sous-payés et mal reconnus. Des choix financiers plus pertinents s'imposent. Déjà, quand j'étais député, je trouvais que les décisions étaient aberrantes : on prétendait réduire le déficit de la sécurité sociale en réduisant le nombre de médecins. Il a fallu des années pour réaliser que nous allions dans le mur. Nous y sommes.
Pour augmenter le nombre de médecins, nous attendons des mesures volontaristes : plus de places d'étudiants, des organismes de formation adaptés. Monsieur le ministre, vous auriez dû écouter nos propositions !
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.) L'examen du PLFSS devrait faire l'objet d'une consultation programmée. Mais les amendements éruptifs, sans avis de la commission, l'ont transformée en consultation d'urgence. Or la prévention, voilà la clé.
Ce PLFSS est une compression pour contenir l'hémorragie. Nos amendements, des pansements sur une plaie béante. Nous avons besoin d'une loi de programmation ! On nous renvoie aux conclusions du Conseil national de la refondation (CNR), mais nous sommes échaudés... La thérapie est insuffisante.
Nous saluons les rendez-vous de prévention aux âges charnières, mais il en faudrait un de plus à l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Nous attendons avec impatience une conférence nationale des générations et de l'autonomie. La présidente Deroche s'est engagée à mener une mission sur le handicap psychique.
Alors que les concertations sur les retraites ont commencé, nous ne pouvions adopter l'amendement de René-Paul Savary qui allonge la durée de cotisation. Faisons confiance aux partenaires sociaux.
J'émets un regret au sujet des infirmiers en pratique avancée (IPA), qui seront essentiels pour s'adapter à la médecine de demain et aux nouveaux transferts de tâches. D'ici dix ans, l'intelligence artificielle et la robotique auront bouleversé la médecine.
La quatrième année du troisième cycle de médecine doit rester une année de formation et non viser à affecter des médecins débutants dans les déserts médicaux. Je regrette que notre amendement favorisant un exercice mixte entre ville et hôpital n'ait pas été adopté.
Les futurs médecins doivent échapper au conventionnement sélectif punitif. Laissons les discussions conventionnelles proposer des solutions consensuelles pour repeupler les déserts médicaux, avec des temps dédiés aux zones sous-denses.
Les exonérations de cotisations retraite pour les médecins qui cumulent emploi et retraite ne peuvent être qu'une solution conjoncturelle. Idem pour la signature par les infirmiers des actes de décès. Le groupe RDSE a présenté plusieurs amendements sur ce point mais a subi une épidémie d'irrecevabilités au titre de l'article 40.
Nous sommes inquiets de la contamination financière du monde médical. Les cliniques deviennent des investissements dont on attend rentabilité avant tout. On incite à prescrire, ce qui est coûteux pour la sécurité sociale.
Les professionnels et les patients perdent leur liberté avec l'essor des complémentaires. Je rejoins Alain Milon : avec ces dernières, il n'y a pas de participation selon ses moyens ni de prestations selon ses besoins. Nous devons nous interroger sans tabou sur une sécurité sociale universelle, où les complémentaires deviendraient des supplémentaires.
Il faut aussi revoir la gouvernance des hôpitaux et l'omnipotence administrative qui y règne.
Enfin, je défends toujours l'évolution vers un équilibre entre les systèmes beveridgien et bismarckien de sécurité sociale. Les branches vieillesse et AT-MP doivent être financées par ceux qui travaillent, mais les autres branches pourraient être financées par la richesse nationale.
Malgré des avancées intéressantes, notre groupe se partagera entre abstention et vote contre le recul de l'âge de la retraite. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.) Vingt-six ans après le premier PLFSS, le contrôle démocratique des finances sociales et des 600 milliards d'euros qu'elles représentent est un chantier en cours. Le bilan de la loi organique du 14 mars dernier est bien mince. Nous avons obtenu pour la première fois le montant des dotations des agences sanitaires financées par l'assurance maladie - dont nous disposions déjà lorsque leur financement était assuré par le budget de l'État. Quelques heures avant le vote de l'article concerné, nous avons également obtenu le montant des sous-objectifs de l'Ondam, au million près... L'Ondam ne peut demeurer plus longtemps une telle boîte noire. C'est pourquoi nous l'avons rejeté, las de devoir quémander des chiffres qui nous sont dus.
Dès demain, madame, monsieur les ministres, travaillons ensemble, de façon opérationnelle, sur l'application de la loi organique, pour une meilleure information du Parlement.
Le financement de la sécurité sociale n'a pas gagné en clarté. Le calibrage de la branche AT-MP est, comme chaque année, contesté.
Mme Pascale Gruny. - Tout à fait !
Mme Catherine Deroche. - On comprend l'intérêt de ne pas creuser les déficits d'une branche quand d'autres sont en excédent, mais comment concevoir de faire porter à la branche famille 60 % du coût des congés maternité, quand les indemnités journalières restent versées par la branche maladie ? Cela confine à l'absurde. Le congé post-accouchement n'est pas un mode de garde mais relève de la santé.
Nombre de taxations diverses n'ont pas de rapport avec la sécurité sociale. Je suis pour leur transfert à l'État, afin de gagner en lisibilité. En effet, à force d'être illisible, le financement de la sécurité social pourrait devenir illégitime aux yeux de nos concitoyens.
La place des complémentaires doit être clarifiée.
Les déficits des branches maladie et retraite sont structurels. Ils sont dus au vieillissement de la population, tandis que les jeunes générations sont moins nombreuses. Nous sommes fiers de notre modèle solidaire de protection sociale, mais la démographie le met à l'épreuve.
Nous avons voulu apporter des réponses concrètes sur l'intérim, les biologistes ou encore les téléconsultations. J'espère que les apports du Sénat seront repris dans la version finale du texte.
L'amendement de M. Savary sur les retraites prépare l'avenir. Il y va de la confiance des plus jeunes dans notre pacte sociétal. La pérennité de notre modèle social suppose des adaptations.
Même si je n'élude pas le problème de l'emploi des seniors, la question des retraites est assez simple : c'est une affaire de paramètres. Il en va autrement pour la dépendance. Les conditions d'un accompagnement digne des personnes âgées ne sont pas en place. Il manque une phase intermédiaire entre le domicile et l'établissement. Notre commission a fait des propositions, ce sera l'objet de la conférence des générations et de l'autonomie que nous avons souhaitée.
Faute de stratégie claire, nous avons rejeté la trajectoire de l'annexe B, les paramètres étant trop peu connus.
Je salue les rapporteurs, qui ont travaillé dans des conditions dégradées, ce que je regrette.
Le groupe Les Républicains se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le PLFSS traduit l'équilibre financier de notre sécurité sociale. Nos orientations répondent aux besoins de nos concitoyens.
Je salue le travail des rapporteurs.
Alors que les tensions du secteur de la santé sont nombreuses, je remercie l'ensemble des soignants. Nous voulons une meilleure répartition de l'offre de soins dans les territoires et une meilleure prévention.
L'information des Français, la formation des professionnels, les dépistages évitent l'aggravation de nombreuses situations. Les trois rendez-vous de prévention aux différents âges de la vie sont bienvenus.
Il est également impératif de lutter contre les addictions dont nos jeunes sont victimes. Les tiers-lieux sont intéressants pour rapprocher les populations de nos politiques de santé.
Alors que plus de 200 000 personnes supplémentaires devraient devenir dépendantes entre 2020 et 2030, Daniel Chasseing a appelé à prévoir 50 000 emplois dans ce domaine. Les aidants sont précieux, il faut saluer leur engagement. Je me félicite de l'adoption de l'amendement instaurant un accueil de jour en Ehpad pour les personnes souffrant de troubles cognitifs.
L'ouverture de la prescription des vaccins à davantage de professionnels de santé est une bonne chose.
Je me félicite de la sécurisation de la vente en gros de médicaments. En octobre, j'avais déjà alerté sur les pénuries de médicaments. Il faut une restructuration du système.
Saluons également la gratuité pour toutes de la pilule du lendemain sans ordonnance et le dépistage des IST.
Deux sujets restent en suspens. À l'article 23, nous avons préféré la rédaction issue de la proposition de loi sénatoriale sur l'année supplémentaire d'internat de médecine. La rémunération sera prévue par voie réglementaire ; elle devra être suffisante. Cet article ne suffira toutefois pas à résorber les déserts médicaux. La formation devra être revue. En Seine-et-Marne, l'antenne de l'université Paris Est-Créteil à Melun est un exemple encourageant : les étudiants s'installent ensuite là où ils ont étudié.
La téléconsultation s'est ancrée dans nos habitudes. Elle est source d'innovations encourageantes mais tout ne peut pas se faire en télémédecine.
Enfin, sur la réforme des retraites, nous espérons des propositions d'ici les prochaines semaines. Si ce n'est pas le cas, notre groupe prendra ses responsabilités. L'avenir des Français en dépend.
Ce PLFSS marque des avancées importantes. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Ce premier PLFSS du quinquennat aurait dû tracer une stratégie ambitieuse, tirant les enseignements de la crise sanitaire, pour une politique sociale et sanitaire à la hauteur des enjeux. Tel n'est pas le cas et nous déplorons cette impéritie.
En 2019, des milliers de chefs de service alertaient et menaçaient de démissionner. En 2022, la bronchiolite saisonnière conduit au déclenchement du plan Orsan (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles)... On en vient au tri des patients ! Pourtant, l'épidémie de 2022 est comparable à celle de 2012. Mais l'hôpital public continue son effondrement. Le scandale, c'est d'obliger les soignants à faire le tri.
Le Gouvernement refuse un Ondam à la hauteur mais débloque 400 millions d'euros pour passer l'hiver quand le scandale éclate... Quelle incohérence ! Seule une perspective pluriannuelle pourrait donner du sens à l'effort demandé au personnel hospitalier épuisé.
Madame et monsieur les ministres, vous gérez tout par les heures supplémentaires, alors qu'il faudrait embaucher et offrir des revalorisations pérennes. Vous ne faites qu'encourager les départs. Désormais, comme sur le changement climatique, l'action du Gouvernement fait l'objet de poursuites judiciaires.
La satisfaction du ministre des comptes publics est indécente ! Les dépenses publiques sont contraintes, face à des besoins toujours en progression. L'aveuglement du Gouvernement est dangereux.
Comme toujours, vous donnez la préférence au calcul comptable, plutôt que de relever les défis sanitaires et sociaux. Vous multipliez les exonérations de cotisations, de plus en plus souvent non compensées. D'après la commission des comptes de la sécurité sociale, les crédits affectés à la compensation sont, cette année, inférieurs de 4,3 milliards d'euros au coût des exonérations : c'est dix fois le montant que vous consentez pour la pédiatrie...
Je me félicite donc de l'adoption de l'amendement supprimant la non-compensation de l'exonération de la prime de partage de la valeur. Le Gouvernement osera-t-il revenir par 49.3 sur cette mesure votée par les deux chambres ?
Votre trajectoire financière dessine un horizon de pression sur les dépenses.
S'agissant des retraites, nous réaffirmons notre opposition à la mesure introduite par l'amendement de René-Paul Savary, avec toujours les mêmes points aveugles : pénibilité et éviction des seniors, trop âgés ou trop coûteux pour le capital - au moment de la retraite, 47 % sont au chômage à la suite d'un licenciement.
En ce qui concerne l'autonomie, les mesures prévues sont bien maigres. Un grand retard a été pris en matière de prévention de la dépendance, et le choc d'attractivité nécessaire dans ce secteur n'est pas au rendez-vous. Pourtant, il faudrait 93 000 personnels supplémentaires d'ici deux ans dans les Ehpad, et autant pour l'aide à domicile.
Alors que plus de 3 millions de personnes vivent dans un désert médical, le Gouvernement refuse toute mesure structurelle propre à desserrer la situation à court terme. La quatrième année d'internat ne saurait être au service de la régulation ; elle ne se justifie que pour la professionnalisation. La Drees et l'OMS ont montré qu'il faut favoriser la diversité sociale et géographique des étudiants et déconcentrer l'enseignement.
Nous approuvons l'encadrement de la téléconsultation, en regrettant l'effet de loupe sur les arrêts maladie. De même, nous saluons la suppression du transfert de charge de la branche maladie vers la branche famille.
En revanche, il est regrettable que le texte, obnubilé par les familles monoparentales, oublie les autres foyers modestes. N'oublions pas que la pauvreté touche un enfant sur cinq. Le congé parental doit être revalorisé, alors que quatre enfants sur dix ne bénéficient pas d'un mode d'accueil. Certes, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) est prolongé jusqu'à 12 ans, mais ce texte manque l'occasion de relancer une politique en faveur des familles et des femmes ; ces dernières subissent déjà l'essentiel des carrières interrompues et des temps partiels.
Au total, ce PLFSS est un nouveau rendez-vous manqué. Il traduit votre manque de vision stratégique, au moment où l'hôpital est en crise profonde et la lutte contre la pauvreté marque le pas. Le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE ; MM. Jean-Pierre Sueur et Joël Bigot, ainsi que Mme Victoire Jasmin, applaudissent également.)
Scrutin public solennel
L'ensemble du PLSS est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°51 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 295 |
Pour l'adoption | 193 |
Contre | 102 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je remercie la Haute Assemblée pour la qualité des débats. Je salue l'esprit constructif de la rapporteure générale et des rapporteurs. Nos échanges ont été francs et ouverts sur les nombreux sujets abordés dans ce texte, de l'enfance au grand âge.
Le texte était ambitieux dès le départ : 1,5 milliard d'euros pour la branche autonomie et autant pour la branche famille. Il a été enrichi à l'Assemblée nationale d'abord, au Sénat ensuite.
Nous avons eu des désaccords : certains amendements que vous avez adoptés n'avaient pas, selon nous, leur place dans ce texte ; d'autre part, je n'ai pas toujours réussi à vous convaincre du bien-fondé des amendements du Gouvernement.
Mais je retiens notre convergence de vues sur les grands enjeux : garantir à nos aînés des conditions de vie dignes ou adapter notre politique familiale au bénéfice des plus fragiles, les familles monoparentales.
La chambre des territoires a été particulièrement attentive aux questions de compétences et de financement des politiques décentralisées. Je me réjouis du vote de l'amendement du Gouvernement rehaussant le plafond du concours de la CNSA pour la revalorisation des aides à domicile. Il symbolise le dialogue de qualité que nous avons construit avec l'Assemblée des départements de France, dont je salue le président.
La situation financière des établissements du grand âge a retenu votre attention. Le décret sur le bouclier tarifaire, paru hier, intègre bien les Ehpad. Je remercie Mme Muller-Bronn, avec qui nous avons travaillé sur le sujet dès cet été.
Dans la branche famille, le Gouvernement a lancé de grands chantiers, à l'instar de la réforme, structurante, du CMG et de la création d'un service public de la petite enfance.
Je conclurai en saluant le travail de tous les professionnels du soin et du lien. Ce texte est aussi pour eux, qui finance le recrutement de 50 000 personnels supplémentaires dans les Ehpad dans les prochaines années.
Ce PLFSS n'épuise pas tous les sujets. Je serai heureux de poursuivre mes échanges avec les professionnels et avec vous-mêmes dans le cadre du volet « bien vieillir » du CNR. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Alain Cabanel et Alain Cazabonne applaudissent également.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Je vous prie d'excuser l'absence de François Braun, retenu à l'Assemblée nationale pour les questions d'actualité.
Je vous remercie pour la richesse de nos échanges sur ce texte essentiel. Certes, nous ne sommes pas toujours tombés d'accord, mais nous avons débattu dans un esprit d'écoute et de responsabilité.
Le Gouvernement regrette, bien sûr, la suppression de l'Ondam pour 2023, supérieur de 53 milliards d'euros à celui de 2017 et qui prévoit 244 milliards d'euros pour les dépenses de santé.
Ce texte protège l'hôpital, auquel, pour la deuxième année consécutive, aucune économie n'est demandée. Il prend le virage de la prévention, avec les consultations aux âges clés et l'élargissement de la vaccination à de nouveaux professionnels. Il comporte des mesures concrètes pour lutter contre les déserts médiaux et favoriser le bien vieillir chez soi.
Le Sénat appelle à l'exigence sur la transparence dans les Ehpad et la lutte contre les fraudes. Nous avons pu diverger sur la méthode, mais le Gouvernement partage pleinement ces ambitions.
Ce PLFSS concrétise une ligne claire : plus de prévention, un accès renforcé aux soins et un système plus juste et plus éthique. Il constitue la première pierre de la rénovation que nous engageons, destinée à répondre à tous les besoins de santé de tous nos concitoyens.
M. le président. - Je remercie la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et l'ensemble des rapporteurs, Corinne Imbert, René-Paul Savary, Olivier Henno, Philippe Mouiller et Christian Klinger.
La séance, suspendue à 15 h 45, est reprise à 16 heures.
Établir une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution, déposée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 et à favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays, présentée par MM. Bruno Retailleau et Christian Cambon, Mme Éliane Assassi et MM. Patrick Kanner, Hervé Marseille et Gilbert-Luc Devinaz.
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez et M. Alain Cazabonne applaudissent également). Cette nouvelle résolution fait écho à celle adoptée par notre assemblée voilà deux ans. À l'époque, nous plaidions pour condamner l'agression de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabagh, avec le soutien de la Turquie. Il s'agissait, déjà, d'une démarche transpartisane. Je salue les présidents de groupe qui ont cosigné la présente motion, signée aussi par Christian Cambon et Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d'amitié France-Arménie.
L'enjeu dépasse les clivages habituels. Il s'agit de nos intérêts, mais aussi de nos principes et de nos valeurs.
La France et l'Arménie sont unies par une amitié multiséculaire. Nos liens culturels sont nombreux : c'est d'ailleurs à Erevan que s'est tenu l'un des derniers sommets de la Francophonie, en 2018.
Nous ne faisions pas confiance à l'accord de paix du 10 novembre 2020 : les faits nous ont donné raison. Aujourd'hui, l'Azerbaïdjan attaque l'Arménie sur son sol même. Les chancelleries protestent mollement, pour la forme, et malgré les crimes de guerre documentés, aucune sanction n'est prise.
Monsieur Becht, je n'ai rien contre vous, mais quelle signification le Gouvernement attache-t-il à la cause de l'Arménie en dépêchant au Sénat le ministre du commerce extérieur ? Je regrette cette désinvolture, et je ne suis pas le seul. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)
Une mission d'observation a été envoyée sur place. Mais le temps n'est plus d'observer ou de protester : il faut sanctionner, et c'est l'objet de cette résolution.
Ne laissons pas l'Arménie seule à son malheur !
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Si nous le faisions, nous ressentirions la honte et la peur.
La Russie, qui viole la souveraineté de l'Ukraine, est condamnée : pourquoi ne condamne-t-on pas l'Azerbaïdjan et la Turquie, qui violent celle de l'Arménie ? Des crimes de guerre sont commis en Ukraine, d'autres le sont en Arménie. Ce deux poids, deux mesures est une honte. La souveraineté de l'Arménie vaut-elle moins que celle de l'Ukraine ? Les vies arméniennes valent-elles moins que les vies ukrainiennes ?
Quand la présidente de la Commission européenne s'est rendue à Bakou pour signer un accord gazier, où étaient les belles âmes et les grandes consciences ? Ce silence scandaleux témoigne du cynisme et du relativisme d'une Europe oublieuse de ses principes et de ses racines.
Si la honte ne nous envahissait pas, nous devrions être saisis par la crainte. Car l'équilibre géopolitique européen, ébranlé par l'impérialisme russe à l'est, pourrait l'être demain au sud par l'impérialisme turc. La Turquie veut reconstituer un ensemble néo-ottoman panturc - Erdogan le répète à l'envi.
Erdogan déroule son plan : d'abord, effacer du Haut-Karabagh toute trace d'arménité ; ensuite, transpercer de part en part l'Arménie via la création d'un couloir reliant la Turquie et l'Azerbaïdjan ; enfin, effacer de la carte l'Arménie elle-même.
Le peuple arménien porte à jamais la marque, indélébile, du génocide. Le choix funeste de l'inaction nous conduirait au déshonneur et à la défaite. Non seulement nous ne serions pas à la hauteur de notre histoire et de nos principes, mais la Turquie menacerait alors la Grèce.
Emprunteons plutôt le chemin du courage, en affirmant notre solidarité avec l'Arménie et notre fermeté à l'égard de ses agresseurs. Cette réaction passe par des sanctions - gel d'avoirs de dirigeants, embargo sur le pétrole et le gaz -, mais aussi par une action diplomatique résolue.
Nous devons exiger le rapatriement des prisonniers arméniens sur leur sol. Ensuite, il faut saisir le conseil de sécurité des Nations unies et la Cour pénale internationale, pour que les crimes de guerre ne restent pas impunis. Une force non plus d'observation - expression en elle-même antinomique -, mais d'interposition doit être dépêchée sur place. Enfin, la France doit fournir des armes défensives aux Arméniens pour les aider à se défendre.
Grâce à Jacques Chirac, la France fut, il y a vingt ans, le premier pays à reconnaître le génocide arménien. En 2020, monsieur le président, le Sénat fut la première assemblée parlementaire au monde à envoyer, à la quasi-unanimité, un message de soutien au peuple arménien.
Voici que l'Arménie nous appelle de nouveau à son aide. Soyons fidèles à nos principes et à l'amitié qui nous lie à ce grand peuple, sentinelle d'une belle civilisation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER, INDEP et CRCE ; M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.) Cette proposition de résolution a une première vertu : marquer notre attachement à une paix durable et notre soutien sans faille au peuple arménien, qui souffre sous le joug de la guerre et du nationalisme. Nous n'exprimerons jamais assez notre soutien à l'Arménie, constamment affirmé par le groupe SER.
Depuis 2020, le conflit a fait plus de 6 500 morts. Je salue l'action inlassable de Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d'amitié France-Arménie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées des groupes CRCE, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains)
Ce peuple qui a tant souffert doit voir revenir ses fils dans leur foyer. Les forces azéries doivent se retirer d'Arménie et respecter l'intégrité territoriale du pays.
À l'évidence, le cadre actuel n'offre à l'Arménie qu'un faux-semblant de sécurité. L'Azerbaïdjan s'efforce de maximiser ses gains territoriaux.
Nous, parlementaires, avons un rôle à jouer pour contribuer à réduire les tensions. C'est ce qu'a montré notre première résolution, suivie de notre déplacement en Arménie avec vous, monsieur le président ; je vous remercie de nous avoir invités à vous accompagner.
Notre précédente résolution, très appréciée par les autorités et le peuple arméniens, portait sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Il semble que notre détermination ait eu quelques effets, y compris pour sensibiliser le Président de la République.
Il y a quelques jours, les deux parties se sont réunies à Sotchi. Mais restons attentifs : le médiateur russe n'est plus en mesure de stabiliser la situation à moyen et à long terme. La France doit jouer son rôle, et le Président de la République bouger davantage qu'il ne l'a fait jusqu'ici.
L'Union européenne doit conditionner ses achats de gaz à l'Azerbaïdjan au respect du droit international. Le Gouvernement doit agir au plus haut niveau pour que les frontières reconnues de l'Arménie soient respectées, avec une force de l'interposition de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il faut aussi soutenir l'initiative arménienne d'une zone démilitarisée dans le Haut-Karabagh.
En adoptant cette proposition de résolution, nous manifestons notre soutien à un règlement pacifique du conflit et à l'État de droit dans ces deux États membres du Conseil de l'Europe. Tout doit être fait pour que l'Azerbaïdjan s'engage plus avant dans la voie de la négociation. Il est temps de retrouver le dialogue et de satisfaire les Arméniens dans leur volonté de paix durable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées des groupes CRCE, INDEP, UC, Les Républicains et du RDSE.)
M. Pierre Ouzoulias . - En septembre dernier, une délégation du Sénat s'est rendue à Erevan. Vladimir Vardanyan, président du groupe d'amitié Arménie-France, nous a confié, les larmes aux yeux, sa terreur de ne pas pouvoir éviter à son peuple un nouveau génocide.
En octobre 2019, nous étions tous les deux au mont Valérien, là où Missak Manouchian fut fusillé par les Allemands en?février 1944. Missak Manouchian a donné sa vie pour la liberté de la France. Que sommes-nous prêts à donner à l'Arménie pour sa liberté ?
En 2020, la République d'Artsakh a subi l'invasion militaire de l'Azerbaïdjan, aidé par la Turquie et des groupes djihadistes. La Turquie a participé, au moins indirectement, à un conflit de haute intensité selon une doctrine et des processus appris au sein de l'Otan. Les drones turcs engagés par l'Ukraine sont aussi ceux utilisés par l'Azerbaïdjan. Israël fournit aussi des drones aux deux armées.
La République d'Artsakh et l'Arménie ont été totalement dépassées : elles n'ont dû leur survie qu'à la mansuétude de la Russie. Mais le désastre de l'armée russe en Ukraine conduit l'Azerbaïdjan à pousser son avantage. Son objectif est connu : établir une continuité territoriale avec sa république autonome exclavée du Nakhitchevan en annexant un corridor le long de la frontière entre l'Arménie et l'Iran. Cette ambition s'inscrit dans le projet panturquiste d'un espace unifié d'Istanbul à Bichkek.
Le Président de la République a condamné les violations des frontières arméniennes. Mais la présidente de la Commission européenne s'est rendue à Bakou pour sceller un partenariat stratégique avec l'Azerbaïdjan, qualifié de partenaire de confiance.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Scandaleux !
M. Pierre Ouzoulias. - L'Azerbaïdjan vend plus de pétrole qu'il n'en produit, exportant sans doute du pétrole reçu de la Russie. Par ailleurs, le principal champ gazier d'Azerbaïdjan est exploité en partie par la compagnie russe Lukoil. Ainsi, nous sommes prêts à oublier tous nos principes pour assurer la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Europe, singulièrement de l'Allemagne.
Depuis plus d'un siècle, l'Arménie est le miroir de nos lâchetés et de nos trahisons.
M. Bruno Belin. - Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. - Nous sommes très favorables à cette résolution demandant au Gouvernement d'agir.
De nombreux Arméniens pensent trouver leur salut dans la Russie - le Catholicos de l'Église apostolique arménienne vient de recevoir de Vladimir Poutine les insignes de l'Ordre de l'Honneur. Mais le soutien russe a déjà été défaillant dans le passé, et la Russie a intérêt à prolonger le conflit pour maintenir l'Arménie dans un état de subordination.
Pour aider durablement l'Arménie, nous devons poser les bases d'un nouveau multilatéralisme à l'échelle du continent européen et de son environnement proche, sans éluder les problèmes posés par nos relations avec la Turquie. Son appartenance à l'Otan ne justifie pas l'abdication collective de l'Europe face à l'agression de l'Arménie, mais aussi face aux manoeuvres turques contre la Grèce.
Mme Valérie Boyer. - Absolument !
M. Pierre Ouzoulias. - Avant d'être fusillé, Missak Manouchian écrivait à sa femme : « Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement ». Le peuple arménien nous demande de rester fidèles à notre combat pour la liberté et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. (Applaudissements)
M. Jacques Le Nay . - En 2020, plusieurs semaines de combats ont déchiré l'Arménie et l'Azerbaïdjan, causant la mort de 6 500 personnes. Puis les armes se sont tues, à la suite du cessez-le-feu du 10 novembre 2020.
Dans la nuit du 12 au 13 septembre dernier, ce cessez-le-feu a été rompu par l'Azerbaïdjan. Bilan : 286 morts. Ces affrontements ne sont pas des actes isolés. Les deux pays s'accusent mutuellement de bombardements frontaliers.
Le recours à la force ne peut être le moyen de régler les conflits entre ces deux pays membres du Conseil de l'Europe, du partenariat oriental de l'Union européenne et de la nouvelle Communauté politique européenne.
Afin de trouver le chemin de la paix, l'intégrité territoriale de l'Arménie doit être respectée : l'Azerbaïdjan doit se retirer, conformément à la déclaration d'Alma-Ata de 1991.
Le 6 octobre dernier à Prague, lors du premier sommet de la Communauté politique européenne, un premier pas a été franchi avec l'envoi d'une mission civile le long de la frontière entre les deux pays. Quelles en sont les premières conclusions ?
L'Union européenne veut jouer un rôle de médiateur mais elle est soumise à de fortes influences géopolitiques, notamment en matière énergétique, conséquences directes de la guerre en Ukraine. La Russie a renforcé cet été ses relations avec l'Azerbaïdjan. Comment l'Union européenne peut-elle agir sans pression ?
Le patrimoine du Haut-Karabagh est en péril. Dans notre rapport de septembre 2021, nous alertions déjà sur le risque de destruction du petit patrimoine, qui témoigne de l'empreinte arménienne dans la région.
Le Sénat se tient aux côtés de l'Arménie depuis toujours. Le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)
présidence de M. Alain Richard, vice-président
M. Jean Louis Masson . - Face à la scandaleuse agression de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie, l'inaction des États-Unis, de l'Union européenne et de la France est lamentable. Cette proposition de résolution est bienvenue, mais mettre en cause le dictateur Ilham Aliev ne suffit pas : c'est surtout le Turc Erdogan qui sème la zizanie partout, s'en prenant aux Grecs, aux Kurdes, occupant une partie de la Syrie.
Il n'a jamais reconnu le génocide de 1915 ni ne l'a désavoué : on peut même dire qu'il l'a approuvé. Il ne serait sans doute pas mécontent d'en commettre un second contre les Arméniens, voire un troisième contre les Kurdes.
Notre attitude est discriminatoire contre l'Arménie si on la compare aux réactions face au conflit en Ukraine : contrairement à la Russie, l'Azerbaïdjan et la Turquie n'ont pas été exclus du Conseil de l'Europe. Pire, ils sont inclus dans la communauté politique européenne ! Nous cautionnons ces crimes de guerre ! Pourquoi le Turc Erdogan et son complice azéri se gêneraient-ils ?
Le comble est le doublement des achats de gaz naturel à l'Azerbaïdjan, ainsi remercié d'avoir commis des crimes de guerre.
L'Union européenne est en dessous de tout, et le Gouvernement français aussi : les belles paroles sont là, mais il ne fait rien, surtout en comparaison de ce que nous faisons pour l'Ukraine. La France et l'Union européenne cautionnent ! On rend même visite au dictateur azéri... C'est honteux.
Il y a une responsabilité morale de nos dirigeants, y compris français.
M. André Guiol . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 9 novembre dernier, à Toulon, le Président de la République déclarait, en présentant la nouvelle revue nationale stratégique : « L'agression contre l'Ukraine risque de préfigurer de plus vastes rivalités géopolitiques à l'avenir que nous n'avons nulle raison d'accepter avec fatalisme et que nous n'entendons pas subir avec passivité. » La proposition de résolution présentée aujourd'hui nous invite ainsi à ne pas accepter la fatalité du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, illustration des jeux d'influence entre la Russie et la Turquie qui ont toutes deux des aspirations dans le Caucase.
L'Arménie a une dimension européenne, entretenue par sa proximité culturelle avec la France. De la première guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, remportée en 1994 par les Arméniens, à celle dite de 44 jours de 2020, le bilan est tragique et les exactions des soldats azéris nous renvoient au génocide de 1915.
Les crimes de Bakou ne doivent pas rester impunis : c'est ce que demande la Commission européenne après la diffusion d'une vidéo montrant des soldats arméniens violentés et assassinés.
L'Azerbaïdjan a de nouveau attaqué en septembre, malgré l'accord tripartite signé sous l'égide de la Russie : a-t-il profité des difficultés de la Russie en Ukraine ? Fort du soutien turc et de drones israéliens, le Président Aliev a poussé son avantage, et se prévaut des quatre résolutions onusiennes de 1993 rappelant l'inviolabilité des frontières.
La rencontre de Prague, le 6 octobre, a échoué sur ce point. Mais ne renonçons pas : tout doit être mis en oeuvre pour faire respecter le cessez-le-feu de novembre 2020. Le couloir de Latchine, en particulier, doit être sécurisé.
Gardons-nous d'insister sur les ressorts religieux : ce conflit ne procède pas d'une croisade islamiste, mais d'une logique d'expansion territoriale. Il est issu d'un découpage incomplet opéré par les Britanniques en 1919, et exploité par les Soviétiques par la suite.
La communauté internationale ne doit pas se décourager, d'autant que l'Arménie avance des propositions, comme celle d'une zone démilitarisée. Le RDSE soutient le Gouvernement et le chef de l'État dans la recherche d'une issue diplomatique, avec l'appui de l'ONU et de l'Union européenne. Il est aussi sensible à la situation de l'Artsakh : nous avons le même devoir moral envers les Ukrainiens et les Arméniens. L'essentiel du groupe votera la résolution, certains s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est à nouveau avec émotion, inquiétude et colère que je m'exprime. Onze ans après la reconnaissance du génocide arménien, l'Assemblée nationale votait, à mon initiative, la pénalisation du négationnisme sur ce sujet. En 1915, les Arméniens furent massacrés de manière industrielle, tout un peuple fut anéanti, alors que le monde restait passif. Cela aurait dû nous obliger à plus de vigilance.
Je salue la diplomatie parlementaire : en 2020, sous l'égide du président Larcher, du président Retailleau et de tous les présidents de groupe, nous avons voté la reconnaissance de l'Artsakh alors que les Arméniens comptaient leurs morts sous les bombes au phosphore et à fragmentation.
Malgré nos alertes, malgré les votes des deux assemblées, le Gouvernement a choisi la neutralité. Mais à quoi sert de déclarer une journée nationale le 24 avril ? La ministre des affaires étrangères semble indifférente. Le 10 décembre 2020, Erdogan, lui, rendait hommage à Enver Pacha, le général architecte du génocide en 1915...
Soutenu par la Turquie, l'Azerbaïdjan, après l'Artsakh, s'attaque à la République souveraine d'Arménie. Les militaires azéris exhibent fièrement leurs crimes de guerre sur la toile. L'histoire est un recommencement, mais elle ne doit pas être un renoncement. Il faut punir ces crimes de guerre, ceux de cette nouvelle guerre de conquête aux portes de l'Europe.
L'Artsakh est sous la menace permanente du nettoyage ethnique, mais c'est le territoire arménien même qui est aujourd'hui attaqué par l'autocrate Aliev. L'institut Lemkin pour la prévention des génocides a lancé une troisième alerte, relevant une logique génocidaire à l'oeuvre. Le racisme d'État et la xénophobie de l'Azerbaïdjan, soutenus par la Turquie, n'épargnent pas l'Europe : la Grèce est menacée et la moitié de Chypre toujours occupée.
Le dictateur Aliev parle des « chiens d'Arméniens » ; Erdogan, lui, les qualifie de « restes de l'épée » de 1915. Leurs vies valent-elles moins que celles des Ukrainiens alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, voit en l'Azerbaïdjan un « partenaire fiable » ? Quelle indécence que de signer ce contrat gazier en juillet qui double les importations européennes de gaz azéri ! Qu'elle se rende, comme nous, sur les tombes des enfants arméniens massacrés.
Comment inviter Aliev, à la tête d'une véritable « caviar connection », qui emprisonne des journalistes, à la table de la communauté politique européenne ? Comment a-t-on pu abandonner cette terre emblématique des chrétiens d'Orient ? Il faut sauver l'Arménie. Notre tradition l'exige : je vous invite à voter cette proposition de résolution.
Saint-Luc écrivait : « S'ils se taisent, les pierres crieront ». Ces églises détruites, ces traces effacées de l'Arménie nous obligent à ne pas laisser ce peuple dans sa solitude. Soyons au rendez-vous de l'Histoire, il sera trop tard ensuite pour verser des larmes de crocodile. Préservons nos liens multiséculaires, votons pour la sécurité des Arméniens. Nous n'avons que trop tardé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Gilbert-Luc Devinaz et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis un mois seulement, les canons se sont arrêtés. La rivalité entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie a plus d'un siècle. En 1992, le groupe de Minsk était constitué pour trouver une solution politique. Or, trente ans après, le conflit continue. Le cessez-le-feu de 1994 a démontré qu'une paix trompeuse nuit davantage qu'une guerre ouverte.
Comment parvenir à une paix durable ? Le multilatéralisme est incontournable. La France, membre permanent de l'ONU et de l'OSCE, peut-elle agir unilatéralement ? Il faut oeuvrer pour une reconnaissance mutuelle de l'inviolabilité des frontières de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie. C'est l'objet de la réunion quadripartite de Prague, le 6 octobre dernier, à l'initiative du Président Macron. Celui-ci a obtenu le déploiement d'une mission civile de l'Union européenne à la frontière arméno-azérie. Elle a commencé ses travaux il y a une semaine. Il est prématuré d'agir sans attendre ses conclusions.
La France doit conserver son impartialité, comme elle l'a fait dans les discussions entre Israël et le Liban, qui ont signé un accord historique sur leurs frontières il y a quelques semaines.
En revanche, le soutien turc à l'Azerbaïdjan ne fait que compliquer le conflit. Il est indispensable que les retours de population et de prisonniers de guerre se fassent en toute sécurité. Les soldats de l'ONU doivent être déployés aux frontières, en remplacement des forces russes, qui ont échoué dans leur mission.
La France et l'Europe doivent faire pression pour que les auteurs de crimes de guerre soient jugés. Ni l'Arménie, ni l'Azerbaïdjan ne reconnaissent la juridiction du Tribunal pénal international, ce qui empêche la création d'un tribunal spécial.
La culture arménienne est l'une des plus anciennes au monde ; la société azérie est multiethnique. Il faut respecter l'identité des peuples et ne pas alimenter les haines. En éloignant la France de sa position de médiation, il n'est pas sûr que cette résolution serve les intérêts de l'Arménie.
M. Bruno Retailleau. - J'en suis certain !
M. Joël Guerriau. - Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Il y va de notre crédibilité et de notre légitimité, d'autant que le Premier ministre arménien Nikol Pachinian fait face à des manifestations qui pourraient l'inciter à reprendre les hostilités.
Notre groupe n'a pas défini de position unanime : chacun de ses membres votera selon sa conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La proposition de résolution du président Retailleau réagit à la rupture par l'Azerbaïdjan du cessez-le-feu de novembre 2020. Nous condamnons les affrontements initiés par les militaires azéris, qui ont fait 286 victimes. L'Azerbaïdjan devra répondre de ses crimes de guerre contre des soldats arméniens : il faut diligenter sans délai une enquête internationale.
Nous réitérons notre soutien inconditionnel au peuple arménien, qui a le droit de vivre en paix et en sécurité. Le Président de la République a eu des mots forts pour rappeler que la France ne lâcherait jamais l'Arménie.
La reprise du conflit est une nouvelle conséquence de l'invasion russe en Ukraine. Azerbaïdjan et Turquie tentent, comme d'habitude, d'utiliser la situation à leur avantage. Ainsi de l'accord du 18 juillet entre Bruxelles et Bakou pour doubler nos importations de gaz, qui a été dénoncé par des parlementaires français de tous bords. Nous reportons nos importations d'une dictature impérialiste à l'autre. Tant que nous dépendrons des hydrocarbures, l'autonomie stratégique européenne restera une chimère.
La Russie ne peut plus être la seule garante de la paix ; le groupe de Minsk est dévitalisé : il faut donc déployer une force onusienne d'interposition. Toutefois, aucune intervention ne peut être envisagée sans composer avec la Russie. C'est en effet lors d'un sommet tripartite organisé par celle-ci que les deux parties se sont engagées à ne pas reprendre le conflit, avant que les États-Unis ne reprennent la main le 7 novembre.
Il faut encourager, par tous les moyens, la pacification de la région ; c'est vital pour l'Arménie, qui ne pourrait soutenir une nouvelle confrontation. Le GEST partage de nombreux éléments de la proposition de résolution, mais ne juge pas opportun d'appeler la France à renforcer les capacités de défense de l'Arménie : c'est paradoxal lorsqu'on recherche une paix durable, et de la part d'une puissance médiatrice.
Si la France veut être le moteur de la paix au Sud-Caucase, elle ne peut jouer une autre partition que celle de la diplomatie. Le Gouvernement doit reconnaître la République d'Artsakh pour se donner un levier de négociation : c'est le sens de notre vote de la proposition de résolution de 2020. Pour cette même raison, nous nous abstiendrons sur celle-ci. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Joël Guerriau, Jean-Pierre Corbisez et Joël Bigot applaudissent également.)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'inscrit dans la durée, avec plusieurs épisodes de violence depuis la proclamation de l'indépendance du Haut-Karabagh en 1991.
La proposition de résolution appelle le Gouvernement à agir pour le respect du cessez-le-feu de 2020 et, plus largement, à être plus ferme avec l'Azerbaïdjan. Enfin, elle réaffirme la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh, demande le rapatriement des prisonniers et l'élimination des discriminations raciales - bien au-delà, donc, de la simple exigence de retrait des troupes azéries.
Le Président de la République a eu samedi un échange téléphonique avec son homologue azéri, à l'issue duquel les deux dirigeants se sont engagés à maintenir leur coordination. Il s'entretiendra aussi avec le Premier ministre arménien à Djerba, le 19 novembre. La voie du dialogue est le seul moyen d'obtenir des avancées concrètes entre les deux parties.
Celles-ci ont tenu, le 7 novembre, des discussions à Washington, quelques heures après de nouveaux bombardements meurtriers. La France poursuit son action dans le sillage du sommet de Prague du 6 octobre, qui avait déjà réuni les dirigeants Aliev et Pachinian. L'envoi d'une mission civile de l'Union européenne y avait été décidé, et le Président de la République avait réaffirmé la détermination de la France à oeuvrer pour la normalisation et la recherche d'une solution politique.
Certes, l'Azerbaïdjan a rompu à deux reprises le cessez-le-feu, préférant la force à la voie diplomatique. La France n'est pas demeurée inactive, demandant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment pour préserver le couloir de Latchine.
Le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a appelé à la retenue pour ne pas mettre en échec les négociations de paix de Bruxelles. Nous importons beaucoup de gaz d'Azerbaïdjan, mais les intérêts financiers ne peuvent seuls déterminer nos choix. La France, pays des droits de l'homme, a toujours su prendre des positions courageuses.
Pour autant, une résolution est-elle plus efficace que la diplomatie ? Le RDPI a choisi de ne pas s'associer à ce texte, même si nous sommes très préoccupés par la situation du Haut-Karabagh et condamnons les graves incidents qui se sont produits dans le couloir de Latchine.
Cette proposition de résolution souligne la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Mais cela remettrait en cause le rôle de médiation de la France. Bien sûr, le groupe RDPI appelle au cessez-le-feu et au respect de l'intégrité des frontières arméniennes.
La majorité des membres du groupe ont opté pour une abstention constructive. D'autres voteront en faveur de cette résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Gilbert-Luc Devinaz . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mmes Valérie Boyer et Muriel Jourda applaudissent également.) La diplomatie parlementaire est précieuse : elle permet d'échanger sur nos doutes et angoisses. Le groupe France-Arménie, que j'ai l'honneur de présider, entretient ainsi avec son homologue de l'Assemblée nationale arménienne une relation suivie et fraternelle.
Nos amis arméniens, en toute confiance, nous livrent avec franchise leur analyse de la situation. En 2019, ils nous avaient alertés sur les risques d'une intervention militaire. Mais leurs craintes, que nous avions relayées, n'ont pas été entendues.
Lors de notre dernière rencontre à Erevan en septembre dernier, avec mes collègues Étienne Blanc, Brigitte Devésa et Pierre Ouzoulias, nous avons été bouleversés par leur désespoir : se sentant abandonnés par la Russie et l'Europe, meurtris par la visite de la présidente de la Commission européenne à Bakou, l'Arménie leur semblait perdue.
Trois demandes sont ressorties de nos échanges : imposer à l'Azerbaïdjan de réintégrer ses positions du 9 novembre, sécuriser la frontière arménienne en créant une force d'interposition et donner les moyens à l'Arménie d'assurer cette sécurisation.
Cette proposition de résolution n'est pas un pamphlet contre l'Azerbaïdjan ni un éloge de l'Arménie, mais un appel à défendre la paix et nos valeurs démocratiques.
Avec une certaine solennité, je tiens à m'adresser à vous tous et au Gouvernement : l'Arménie a besoin de nous, de notre soutien. Même dans le plus petit village de l'Arménie, notre résolution a été reçue avec espoir. En décembre 2020, nous avions été accueillis dans les restes d'une petite maison, en Artsakh, chez un homme qui, après nous avoir offert du pain et des pommes, me disait : « La France pense encore à nous, nous vivons encore ».
Jamais une résolution parlementaire ne consolera les Arméniens d'avoir vu leurs cimetières ruinés, leurs vergers ravagés, leurs compatriotes chassés des terres de leurs ancêtres ; jamais elle ne ramènera les jeunes soldats qui ont donné leur vie pour que vive la démocratie.
Mais cette proposition de résolution est attendue comme un message d'espoir par un peuple meurtri et qui aspire à vivre en paix et sur ses terres. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du GEST)
M. Alain Cazabonne . - Je remercie les présidents Retailleau, Cambon et Marseille pour cette initiative, occasion de témoigner notre fort attachement à l'Arménie.
Le Sénat a toujours été au rendez-vous pour défendre les Arméniens, en témoigne le vote quasi unanime de la résolution de 2020 reconnaissant le Haut-Karabagh.
Deux ans après, le conflit n'est toujours pas résolu et la situation reste tendue, alors que les regards du monde sont tournés vers l'Ukraine.
Dans la nuit du 12 au 13 septembre, une nouvelle agression azérie a tué 286 Arméniens. Malheureusement, l'action internationale est mal coordonnée : le 31 octobre, Vladimir Poutine réunissait le président Aliev et le Premier ministre Pachinian à Sotchi ; à Washington, la semaine dernière, c'était Antony Blinken qui accueillait les deux ministres des affaires étrangères. Une mission d'observation européenne a conclu que la rupture du cessez-le-feu était le résultat d'une attaque agressive de l'Azerbaïdjan.
Les puissances cherchent à se poser en médiatrices, mais dans une logique de concurrence. Il est urgent que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour que la paix puisse revenir dans le Caucase.
Alors que le Kremlin a fermé le robinet du gaz, nous nous sommes tournés vers l'Azerbaïdjan. Je salue d'ailleurs le président Retailleau, qui alertait dans un ouvrage récent sur le risque de pénurie d'énergie cet hiver.
Mais pourquoi un tel deux poids, deux mesures ? Allons-nous créer une nouvelle jurisprudence avec l'Arménie ? Plus qu'un crime, ce serait une faute, comme disait Talleyrand. Ce qui vaut pour la Russie ne vaut-il pas pour l'Azerbaïdjan ? La sobriété énergétique ne s'applique-t-elle pas au gaz azéri ?
Allons-nous laisser le conflit s'enliser ? La France a toujours été aux côtés des Arméniens, pris en tenaille entre Turquie et Azerbaïdjan. Si nous n'agissons pas, nous serons coupables. Il faut tout mettre en oeuvre pour un processus démocratique et une paix durable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Étienne Blanc . - Par cette proposition de résolution, le Sénat honore un engagement ancien de la France en faveur des communautés chrétiennes du monde. Les rapports entre la France et l'Arménie s'inscrivent dans cette longue histoire, qui illustre ce propos du général de Gaulle : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. »
Protéger l'Arménie, pourquoi ? D'abord parce que c'est une goutte de démocratie dans un océan de dictatures - Turquie, Azerbaïdjan, Iran. Épuration ethnique, instrumentalisation de la justice, violences : c'est leur exercice quotidien du pouvoir. Rien de cela en Arménie ; c'est pourquoi il faut protéger cette si petite démocratie.
Ensuite parce qu'il faut protéger la victime, et pour cela désigner son agresseur. Or l'Azerbaïdjan ne fait pas dans la demi-mesure : massacres, exécutions sommaires, viols, tortures, démembrement de cadavres... Voilà les méthodes des dictateurs.
L'armée et la population arméniennes n'ont pas été protégées par les lois de la guerre inscrites dans la convention de Genève. Le président Aliev a été jusqu'à exposer les trophées sanglants - casques, vêtements - des soldats arméniens dans un parc de Bakou. L'armée azérie n'est victorieuse que grâce aux drones, à l'artillerie et aux armes modernes fournis par les Turcs. On peut être simple supplétif et se prendre pour un héros...
Il faut également protéger l'Arménie parce qu'elle est le jouet d'une rivalité géopolitique entre la Turquie, qui la considère comme une menace contre son panturquisme assumé, et la Russie, qui souhaite conserver dans cette ex-république soviétique une influence qui s'évanouit.
Protéger l'Arménie, c'est aussi nous protéger nous-mêmes, face à un islam politique total qui élimine l'altérité. La France, elle, est du côté de cette altérité, de la liberté de penser, de croire et, simplement, de vivre. Ce que vit l'Arménie, c'est ce que nous connaîtrons demain si nous ne défendons pas ces valeurs universelles.
Cette proposition de résolution est un désaveu de la Commission européenne qui a signé un accord indigne, honteux avec l'Azerbaïdjan pour des livraisons de gaz et de pétrole. La France ne peut accepter que la liberté du peuple arménien soit sacrifiée pour son seul confort hivernal. La proposition d'embargo sur le gaz et le pétrole est une réponse à la hauteur des crimes azéris.
Ce texte exhorte aussi le Gouvernement à renforcer les capacités défensives de l'Arménie. Passons de la parole aux actes pour protéger ce territoire fragile.
Enfin, relayant une demande pressante de l'Arménie, ce texte demande que la France profite de la présidence française du Conseil de sécurité des Nations unies pour mettre en place une force d'interposition sur le territoire arménien et protéger les Arméniens du Haut-Karabagh, que le gouvernement français serait inspiré de reconnaître.
La France s'honorerait de la protection du peuple arménien, qui n'attend de vous qu'une oeuvre de paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La dignité d'un peuple réside dans sa souveraineté et l'intangibilité de ses frontières. Le peuple arménien en est la parfaite illustration, ce peuple courageux qui se bat seul, isolé du monde, contre une coalition turco-azérie et ses mercenaires djihadistes qui massacrent des civils.
Oui, l'Arménie est en danger de mort. Il est de notre responsabilité première de la secourir. Notre inaction est inacceptable et suicidaire.
L'histoire des hommes, c'est avant tout celle des civilisations. Celles-ci, par essence, peuvent être mortelles. Or l'Arménie, premier État chrétien du monde, appartient à notre civilisation, à nos racines judéo-chrétiennes.
Mais nous avons la désagréable impression d'un deux poids, deux mesures, dans la politique étrangère de l'Europe, mais aussi de la France. Nous avons infligé d'énormes sanctions à la Russie après son agression contre l'Ukraine, mais qu'avons-nous fait pour nos amis Arméniens ? Pas grand-chose, hormis des communiqués de protestation, des badges à la boutonnière... Or les agresseurs sont dans la logique d'épuration ethnique entamée en 1915.
Pis encore, Mme von der Leyen s'est rendue en personne à Bakou pour célébrer un nouvel accord gazier qui double les importations de gaz de l'Union européenne. C'est immoral et abject. Y aurait-il une hiérarchie entre les conflits ? Le sang et les larmes des Arméniens valent-ils moins que ceux des Ukrainiens ? Il ne peut y avoir de géométrie variable dans notre politique étrangère.
Choisir l'Azerbaïdjan comme fournisseur de gaz est un manquement à nos valeurs et une faute géopolitique : cet accord renforce le régime dictatorial d'Aliev et alimente les ambitions impérialistes d'Erdogan, qui multiplie les déstabilisations internationales.
L'Europe, la France sont-elles prêtes à accepter à leurs portes un nouvel empire ottoman, plus islamiste que jamais, un nouveau tyran qui, du Caucase à la Méditerranée, imposerait son nouvel ordre ?
Pour quelques mégawatts-heures, est-on prêt à la disparition d'un peuple qui nous supplie à genoux ? Envoyons un message clair et répondons avec la plus grande fermeté en défendant l'identité et la souveraineté d'un État. Il y va de notre civilisation, de notre culture et de nos racines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Alain Cazabonne, Pierre Ouzoulias et Patrick Kanner et Mmes Cécile Cukierman et Victoire Jasmin applaudissent également.)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - Permettez-moi d'excuser la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui accompagne le Président de la République au G20.
Cette proposition de résolution porte sur un enjeu important pour la France et l'Europe, enjeu qui prend une acuité particulière après l'agression russe en Ukraine. Je signale à cet égard que l'Ukraine subit en ce moment même une vague de bombardements massifs et sans précédent touchant les infrastructures énergétiques de plusieurs villes.
Cette agression russe n'est pas sans conséquences sur le Caucase. L'Arménie en subit le contrecoup face à une Russie guerrière. Il faut donc redoubler d'efforts pour ouvrir des solutions de paix durable dans la région.
Première condition à cette stabilité : le strict respect du cessez-le-feu et le renoncement au recours à la force. Lors des affrontements des 13 et 14 septembre 2022, la France s'est immédiatement mobilisée. Le Président de la République a appelé le Premier ministre Pachinian et le Président Aliev à l'arrêt des combats, au respect de l'intégrité territoriale arménienne et au retrait des troupes azéries.
Nous avons réitéré ces exigences à deux reprises les 15 et 16 septembre à l'occasion de la présidence française du Conseil de sécurité des Nations unies. Une mission d'évaluation de l'OSCE a par ailleurs été envoyée côté arménien.
L'intégrité territoriale de l'Arménie doit être défendue, dans le respect du droit international.
À Prague, le Président de la République, en réunissant MM. Aliev et Pachinian, avait pour objectif que les deux pays confirment leur attachement à la charte des Nations unies et à la déclaration d'Alma-Ata de 1991 par laquelle ils reconnaissaient leur intégrité territoriale et leur souveraineté mutuelles.
Autre résultat majeur de la réunion de Prague, l'envoi d'une mission civile de l'Union européenne à la frontière, pour deux mois. Elle devra rétablir la confiance et participer aux commissions de délimitation des frontières. Elle a déjà permis une désescalade des tensions. Saluons la célérité de l'Union européenne sur le sujet.
Toujours à Prague, la rencontre historique entre MM. Pachinian et Erdogan a pu avoir lieu grâce au Président Macron. La France n'a pas ménagé ses efforts pour faire libérer les prisonniers de guerre : trois libérations collectives ont déjà eu lieu cette année, mais il faut que tous les prisonniers soient remis en liberté. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
La France est pleinement mobilisée, aux côtés de l'Union européenne et des États-Unis, pour parvenir à des solutions négociées.
Le 7 novembre 2022, une première session de négociations s'est tenue à Washington sur un projet de traité de paix. Nous encourageons la poursuite des négociations sur la délimitation de la frontière.
Nous voulons faciliter ces pourparlers et contribuer à un climat de confiance, plutôt que de prendre des mesures de rétorsion contre une partie. Saisissons cette opportunité pour la paix.
L'Arménie nous demande de continuer à être un médiateur actif de la paix. C'est le message que le ministre des affaires étrangères arménien m'a donné la semaine dernière, et qui guide notre action.
La France continuera d'oeuvrer au règlement de la situation du Haut-Karabagh. Je vous invite à écouter l'Arménie, pour qui il ne s'agit pas d'une question de territoire, mais de droits. Le Premier ministre Pachinian dit placer désormais les garanties de sécurité et les droits à la base ; de là découlera le statut. De fait, c'est au gouvernement arménien de dire ce qui est dans l'intérêt de l'Arménie. Il nous appartient, avec nos partenaires, de contribuer à ce qu'émergent des solutions qui assurent la sécurité et les droits de la population arménienne du Haut-Karabagh. C'est ainsi que nous serons utiles et solidaires de l'Arménie.
Aucun pays ne fait autant que la France pour soutenir l'Arménie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai !
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Nous le faisons par fidélité, pour nos valeurs et pour l'amitié qui nous lie au peuple arménien. C'est notre fierté, c'est notre combat. Nous poursuivrons nos efforts de médiation jusqu'à l'instauration d'une paix durable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC, et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°52 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Pour l'adoption | 295 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et du RDPI ; MM. Joël Bigot, Rémi Féraud et Franck Menonville applaudissent également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Bernard Delcros. - Lors du scrutin public n°48 sur l'amendement n°102 rectifié, je souhaitais voter contre, et non pour.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Situation et perspectives des collectivités territoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la situation et les perspectives des collectivités territoriales, à la demande du groupe Les Républicains.
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Je souhaite accompagner, encourager les initiatives, supprimer les verrous encore trop nombreux qui contraignent les territoires dans leur souhait de s'organiser mieux, en vue d'une action publique plus efficace. Cette liberté sera laissée aux élus locaux, en lien avec les représentants de l'État, pour expérimenter de nouvelles politiques publiques, de nouvelles organisations des services publics, mais aussi pour innover en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisme et pour définir notre territoire de demain. » Tels étaient les propos tenus par le Président de la République au Sénat, lors de la Conférence nationale des territoires, il y a cinq ans.
Puis vinrent les premiers contrats de Cahors et la fin de la Conférence nationale, fruit de l'ire des élus locaux.
Le bilan, ce sont deux textes : la loi Engagement et proximité, qui visait, selon le ministre Lecornu, à corriger les irritants de la loi NOTRe, et la loi 3DS dont l'ambition décentralisatrice reste très modeste. Le vent de liberté qu'ils ont fait souffler n'a pas de quoi nous décoiffer. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Le Sénat, dans son ensemble, est resté force de propositions. Citons les cinquante propositions du président Larcher ou le vote du texte Eau et assainissement. Nous vous avons alerté sur la situation budgétaire des collectivités territoriales et sensibilisé, lors de l'examen de la loi Climat et résilience, sur les contraintes que vous faisiez peser sur elles.
Et maintenant ? Ce début de quinquennat nous laissait espérer des lendemains heureux : le Président de la République a réaffirmé sa volonté décentralisatrice, la Première ministre a dit souhaiter que les élus locaux soient mieux entendus. Ces déclarations sont restées lettre morte et les lendemains ne chantent guère.
Alors que nous rendons hommage aux 35 000 maires de France, qui sont restés à la barre pendant la crise sanitaire et auxquels nous devons tant, la Première ministre déclare vouloir renforcer le lien entre les préfets et les présidents d'intercommunalité. C'est faire offense à ces maires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement reste sourd - et muet - sur le récent rapport de la Cour des comptes proposant de verser la dotation globale de fonctionnement (DGF) aux intercommunalités. Madame la ministre, allez-vous répondre à nos inquiétudes ?
Nous ne sommes pas rassurés par le projet de loi de finances, par le filet de sécurité, dans lequel les maires se prennent les pieds, ou les amortisseurs sur l'énergie... Ces dispositifs sont trop complexes et ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les territoires sont en urgence absolue. Leur situation financière devient une inquiétude majeure, d'autant que sans la commande publique, 2023 et les années suivantes seront douloureuses.
Ce n'est pas la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les aides limitées et encore moins le retour des contrats de Cahors qui sont de nature à nous rassurer.
Le Sénat sera au rendez-vous et fera des propositions. Nous devons entendre nos élus, si nous voulons éviter le pire. Nous prendrons nos responsabilités dans le PLF pour que le filet de sécurité et les amortisseurs sur l'énergie soient efficaces, mais nous attendons que le Gouvernement, lui aussi, prenne ses responsabilités.
Ce processus est appelé à se poursuivre lors de l'examen du PLF. Il est temps d'aborder enfin les questions de décentralisation, de déconcentration et de différenciation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Yves Détraigne, Franck Menonville et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales . - Je ne vous apprends rien : les collectivités territoriales traversent un moment déterminant. D'abord parce que se dessine notre politique à destination des territoires pour ce nouveau mandat, ensuite parce que l'inflation - à hauteur de 5,5 % - et la hausse du coût de l'énergie représentent des défis majeurs.
Le Gouvernement a agi sans tarder pour les aider et pour maintenir leurs capacités d'investissement, notamment en faveur de la transition écologique. Nous avons travaillé avec les associations d'élus, et l'État est au rendez-vous, en termes de moyens comme de méthode.
Sur le plan financier, le PLF pour 2023 porte trois volets de mesures. L'aide concrète face à l'inflation passe par un filet de sécurité de 1,5 milliard d'euros, auquel il faut ajouter 1 milliard d'euros au titre du bouclier tarifaire et de l'amortisseur électrique.
La DGF connaît une hausse, inédite depuis treize ans, de 320 millions d'euros, dont 200 millions au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) ; pour 95 % des communes, les dotations sont maintenues ou augmentées. Les dotations d'investissement sont pérennisées, pour près de 2 milliards d'euros. Enfin, un fonds vert de 2 milliards d'euros est dédié aux projets de transition portés par les élus.
Nul doute que vous améliorerez encore ces dispositifs : notre volonté de dialogue est sincère.
Les programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain visent à revitaliser les centres-villes, avec 6 milliards d'euros déjà engagés. J'ai réuni les partenaires financiers, Action logement, la Banque des territoires et l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui seront au rendez-vous pour la suite des programmes. Les montants de la phase 2, qui débute, seront aussi importants qu'en phase 1.
Pour Petites Villes de demain, j'ai missionné l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour enrichir la feuille de route et l'orienter vers la transition éco-énergétique.
Nous poursuivons la dynamique de l'Agenda rural, notamment grâce aux espaces France Services, dont le nombre passera de 2 400 à 2 600 d'ici la fin de l'année. Avec Stanislas Guerini, nous avons annoncé l'ouverture de 140 nouveaux espaces France Services en 2023, et le Président a annoncé la réouverture de six sous-préfectures.
Notre action s'inscrit dans la continuité. L'État est accompagnateur, et non prescripteur, au service des projets portés par les élus, avec le souci d'une plus grande efficacité, au service de nos concitoyens.
Fins connaisseurs des territoires, les élus locaux sont les premiers acteurs des politiques publiques. Nous facilitons leur action, avec un plan d'urgence de 20 millions d'euros pour la délivrance des titres sécurisés. La part forfaitaire passera de 8 500 à 9 000 euros pour inciter à l'installation de nouveaux dispositifs de recueil, et une part variable, pouvant atteindre 12 000 euros, incitera à la performance.
Nous mettons en place le remboursement forfaitisé des frais de garde des élus. Plus largement, nous mettons en oeuvre la loi 3DS avec la décentralisation de 10 000 km de routes nationales aux départements, aux métropoles et aux régions.
Enfin, je salue la proposition de loi de Mme Delattre qui renforcera la protection des élus locaux et assurera l'exercice serein de leur mandat.
Vous le voyez, le Gouvernement s'engage avec force aux côtés des élus locaux et des collectivités.
Mme Cécile Cukierman . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Vous avez rejeté les contrats de Cahors ? Vous en aurez encore ! Par le 49.3, vous imposez, sans discussion préalable, l'encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités. Ces nouveaux contrats de Cahors seront encore plus contraignants, et cibleront encore plus de collectivités. C'est une véritable atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
Cet été pourtant, à la quasi-unanimité, le Sénat avait rejeté ce rétablissement, qualifié par Céline Brulin de « pacte de défiance » imposé aux élus locaux. À quand un véritable dialogue ?
M. Michel Savin. - Très bien !
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Le Gouvernement a réintroduit ce pacte de confiance dans le PLF sous la forme d'un rapport, mais il n'est en rien comparable au pacte de Cahors, auquel je m'étais moi-même opposée.
Le dispositif vise les groupes de collectivités par strates, en jouant la confiance. Si quelques collectivités dérapent, le préfet appellera leur attention sur les dépassements. Les collectivités ne sont pas engagées nominativement.
Pourquoi ce choix ? Les acteurs publics, État comme collectivités territoriales, doivent participer à l'effort collectif de rétablissement des comptes. Il y va de la crédibilité de notre pays vis-à-vis de l'Union européenne et de ceux qui achètent la dette française.
C'est le sens des trajectoires budgétaires inscrites dans la loi de programmation des finances publiques.
Le pacte de confiance est plus responsabilisant que les mécanismes précédents. Je rappelle que sous le mandat de François Hollande, l'État avait autoritairement baissé la DGF de plus de 11 milliards d'euros en guise de trajectoire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Eh oui !
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Cela dit, il peut être amélioré. Je suis ouverte au dialogue et je compte sur la sagesse du Sénat pour faire des propositions.
Mme Cécile Cukierman. - Personne ne connaît les conditions de la fin d'examen du PLF. Nous avons besoin d'un pacte de confiance, et certainement pas d'un 49.3 des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Pascal Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La feuille de route du ministre des collectivités territoriales le charge de « repenser et simplifier le millefeuille territorial par la mise en place du conseiller territorial ».
On se souvient de la loi de réforme des collectivités territoriales françaises, dite loi RCT, en 2010. Le conseiller territorial de 2022 sera-t-il le même qu'en 2010 ? Entretemps est intervenue la réforme de la carte régionale, que l'on appréciera diversement, selon qu'on est alsacien ou normand...
Mme Nathalie Goulet. - Certainement !
M. Pascal Martin. - Les conseillers territoriaux ont vocation à siéger dans les conseils départementaux et les conseils régionaux. Or la région Normandie compte 262 élus départementaux, quand le conseil régional n'a que 102 membres... Quid des effectifs ? Du mode de scrutin ? Du calendrier ? Le conseil territorial annonce-t-il la disparition à terme d'un niveau de collectivité ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, et sur quelques travées des groupes RDSE et INDEP).
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - J'avais participé au projet de création du conseiller territorial souhaité par Nicolas Sarkozy.
Le Président de la République y voit un levier pour une meilleure organisation territoriale et une meilleure lisibilité pour nos concitoyens.
En effet, les évolutions territoriales depuis 2014 ont modifié le paysage institutionnel. Si nous conservons un conseiller unique, nous devrons réévaluer sa place à l'aune de cette nouvelle donne. Ce sera l'objet de la concertation qui sera menée en 2023 ; format et calendrier seront précisés.
Le conseiller territorial ne marquera pas la fin des départements. Au contraire, il vise à offrir un meilleur service public et à renforcer les liens avec les citoyens. Le projet fera l'objet de réflexions et d'échanges. Je sais que le Sénat aura à coeur d'y participer.
M. Stéphane Ravier . - Pour les collectivités territoriales, la crise n'est pas une surprise. Elles subissent les erreurs du Gouvernement et sa soumission aux diktats de Bruxelles : arrêt programmé des centrales nucléaire, sanctions contre la Russie... À la roulette de l'idéologie, le Gouvernement joue et les collectivités territoriales perdent !
Les maires, qui ne veulent pas augmenter les impôts, jouent au sauve-qui-peut en gelant les investissements. Dans les Bouches-du-Rhône, on ferme les piscines, les serres et les musées, et on éteint l'éclairage public la nuit : c'est le blackout communal ! À Sénas, où crèches, cantines et espaces verts sont en régie municipale, on envisage de réduire le personnel.
Les communes ne peuvent plus compter sur les aides de la région, la facture de chauffage des lycées étant passée de 17 à 100 millions d'euros.
La solution passera par une décentralisation de la fiscalité et un retour du consentement à l'impôt par la démocratie de proximité.
Cette crise est révélatrice des difficultés des collectivités. Je n'ai rien entendu dans vos propos, madame le ministre, pour me rassurer - ni retour à la souveraineté nationale, ni baisse des dépenses de l'État. Quelle est votre stratégie à moyen terme pour favoriser l'autonomie fiscale des collectivités et sauver les services de proximité ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Certes, les difficultés sont réelles, mais le Gouvernement a apporté des réponses : la DGF a augmenté de 320 millions d'euros - du jamais vu depuis treize ans (murmures sur quelques travées du groupe Les Républicains) ; face à l'inflation, le mécanisme de compensation de la CVAE a été renforcé, de même que la dotation pour la protection de la biodiversité.
Toutes les collectivités seront éligibles à l'amortisseur électricité, soit 1 milliard d'euros. Les plus fragiles seront éligibles au filet de sécurité, soit 1,5 milliard d'euros, qui s'ajoutent aux 430 millions d'euros de 2022. Les marges préservées leur permettront d'investir, grâce aux 2 milliards d'euros de dotations d'investissement et aux 2 milliards du fonds vert.
Quant au nouvel acte de décentralisation, le Président de la République a fixé un cap : allier compétences, moyens et responsabilités. Le calendrier de la concertation sera prochainement précisé. Ces échanges s'inscriront dans le cadre du CNR et de la commission transpartisane sur les institutions annoncée par le Président.
M. Jean-Yves Roux . - Là où l'on trouve un grand pouvoir, on trouve une grande responsabilité, dit l'adage. L'inverse est-il vrai ? Sécuriser les populations face au changement climatique est un défi majeur pour nos collectivités.
Depuis le 1er janvier 2018, les intercommunalités exercent la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations). Les plus petites d'entre elles n'ont pas la surface financière pour assurer les investissements nécessaires. D'autant que la taxe Gemapi repose sur elles seules, alors que toutes les collectivités du bassin bénéficient de l'entretien des cours d'eau.
L'entretien des ouvrages et la sécurisation des personnes et des biens passent au second plan, faute de capacité d'investissement. Or l'article 54 de la loi Maptam prévoit le transfert dès 2024 de l'entretien des ouvrages de prévention des inondations aux autorités gémapiennes. La Cour des comptes, dans un rapport du 26 octobre, appelle au renforcement de la péréquation horizontale. La loi 3DS a ouvert le champ de la différenciation territoriale ; il est temps de penser à la solidarité. Allez-vous repousser le transfert de responsabilité ? (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Les EPCI à fiscalité propre sont titulaires de la compétence Gemapi et doivent à ce titre gérer les ouvrages de protection contre les inondations. Pendant une période transitoire, l'État gère certains ouvrages jusqu'en 2024.
Plusieurs outils sont déployés pour accompagner les collectivités territoriales : le fonds de prévention des risques naturels majeurs, les études et travaux sur les anciennes digues de l'État jusqu'en 2027, la taxe Gemapi, jusqu'à 40 euros par habitant, 2 milliards d'euros au titre du financement des agences de l'eau, le dispositif Aqua Prêt. La loi 3DS permet d'associer les établissements publics territoriaux de bassin. Enfin, les EPCI peuvent se regrouper dans des structures dédiées. L'État est donc au rendez-vous : les moyens sont là, tout comme les leviers de gouvernance.
M. Rémy Pointereau . - Conformément à l'article 24 de la Constitution, nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Je me fais l'écho de certaines de leurs revendications.
Ne pourrait-on repousser la date limite de candidature pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) après le vote du budget primitif, pour laisser aux communes et intercommunalités le temps d'échanger avec les services de l'État ?
Concernant la DSIL, ne pourrait-on instaurer une commission d'élus, comme pour la DETR ?
Je ne veux pas tirer sur le pianiste, mais le fonctionnement du fonds vert interpelle. L'enveloppe de 1,5 milliard d'euros sera-t-elle attribuée sur plusieurs années ou est-ce un montant annuel ? Sera-t-elle fléchée vers les projets liés à l'eau et l'assainissement ?
Pour le calcul de la DSR, on tenait compte naguère du nombre de kilomètres de voirie. Pourquoi n'est-ce plus le cas ? (M. Franck Menonville applaudit.)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Je suis défavorable à une commission DSIL sur le modèle de la DETR : décentraliser la gouvernance de cette dotation conduirait à diluer la cohérence d'une politique nationale. Depuis 2018, le Gouvernement a renforcé la transparence et le contrôle parlementaire.
Le calendrier de dépôt des dossiers DETR relève du niveau local - les préfets en l'occurrence, en lien avec les commissions DETR.
Le fonds vert bénéficiera d'une gestion souple, proche des territoires : pas d'appels à projets ou à manifestation d'intérêt. Les enveloppes seront fongibles et déléguées aux préfets. Le fonds financera notamment la rénovation énergétique et l'éclairage public.
M. Franck Menonville . - La flambée des prix de l'énergie inquiète les élus locaux, qui peinent à gérer leur budget et à assurer le bon fonctionnement des services publics. Les élus rivalisent d'ingéniosité pour éviter d'augmenter les impôts et maintenir les investissements. Certains ont réduit l'éclairage public et les plages d'ouverture des bâtiments communaux, d'autres immobilisent leur flotte de véhicules.
Pourtant, les solutions finissent par manquer. Le déblocage de 2,5 milliards d'euros au profit des collectivités a été annoncé. Mais comment l'articuler avec les dispositifs existants ? À Verdun, le prix du mégawattheure passerait de 49 à 400 euros, ce qui portera la facture à 3 millions d'euros. Pour Bar-le-Duc, c'est plus de 2 millions d'euros !
Alors que les collectivités représentent plus de 70 % des investissements publics, cette capacité est menacée. Pouvez-vous nous rassurer, madame la ministre ? Quel accompagnement pour les collectivités exclues du bouclier tarifaire ? Les dispositifs devront être simples.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Les communes relevant du tarif réglementé de vente - budget inférieur à 2 millions d'euros et moins de dix agents - voient la hausse de leurs tarifs plafonnée à 15 % maximum. Pour les autres, le PLF prévoit un amortisseur électrique : la moitié des factures sera prise en charge par l'État lorsque le tarif hors Arenh dépassera 325 euros par mégawattheure, jusqu'à 800 euros.
Pour les communes fragilisées, le filet de sécurité sera reconduit en 2023. Si l'épargne brute de la collectivité territoriale se dégrade et que les ressources fiscales sont insuffisantes, l'État versera une compensation. L'amortisseur et le filet sont estimés à 2,5 milliards d'euros. Enfin, je le redis, la DGF est en hausse ou maintenue pour 95 % des communes.
M. Guy Benarroche . - Depuis mon élection, j'ai pris la mesure du rôle du Sénat dans la défense des territoires.
Qu'en est-il pour votre Gouvernement ? Vous parlez souvent de concertation et de co-construction. La loi 3DS est si peu novatrice que le Gouvernement nous annonce une réforme territoriale - une vraie ! - pour l'année prochaine.
Nous demandons que les compétences soient exercées au plus près du terrain. Les maires, édiles préférés des Français, aspirent à plus de liberté ; ils veulent pouvoir financer leurs compétences sans attendre les tours de table des autres collectivités.
La règle « qui commande, paie » se heurte à la redondance administrative, à la politisation des moyens, à l'inadéquation des dotations et à la baisse des ressources fiscales locales. Dans l'organisation administrative à venir, va-t-on enfin renforcer l'autonomie de financement des collectivités dans leur domaine de compétences ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Vous m'interrogez sur la pérennité des financements des nouvelles compétences exercées des collectivités. Tout transfert de compétences de l'État vers les collectivités s'accompagne de ressources pérennes équivalentes : c'est une obligation constitutionnelle. L'État opte souvent pour le transfert de ressources fiscales dynamiques, TICPE, taxe foncière ou TVA.
Nous voulons préserver les marges et l'autonomie financière des collectivités. Faut-il revoir en profondeur le financement des collectivités territoriales ? Le rapport de la Cour des comptes propose plusieurs scénarios : pousser au maximum le financement par subventions, ou l'inverse. J'attends les propositions du Sénat.
M. Guy Benarroche. - Dans le PLF, la disparité est flagrante entre compétences transférées et compensation prévue !
Mme Patricia Schillinger . - Face aux crises successives, les Français ont pu compter sur leurs élus locaux. Mais les circonstances extrêmes ont aussi mis en lumière la complexité de notre millefeuille administratif. L'enchevêtrement des compétences nuit à la bonne compréhension et à l'efficacité de l'action publique.
La création des grandes régions a éloigné la prise de décision des territoires, en contradiction avec le besoin de proximité.
La Première ministre entend donner plus de poids aux élus locaux et plus de cohérence dans leur action. L'instauration du conseiller territorial est une piste. En Alsace, cela aurait du sens.
Cette région, laboratoire de l'innovation territoriale, a fait figure de précurseur de la différenciation en créant la collectivité européenne d'Alsace. Une expérimentation du conseiller territorial serait-elle envisageable en Alsace ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Le conseiller territorial peut conduire à davantage de proximité et de complémentarité entre les départements et les régions. Explorons cette piste pour gagner en lisibilité, en efficacité et en visibilité.
Des concertations auront lieu en 2023 avec les parties. Le Gouvernement entend y associer les territoires, selon un calendrier à préciser. Nous visons une réflexion d'ensemble et ne prévoyons pas d'expérimentation. J'étudierai toutefois votre proposition.
M. Éric Kerrouche . - La formation des élus est une condition du bon exercice de leur mandat et de la démocratisation des fonctions électives. Elle a connu des réformes parfois guidées par la maîtrise des coûts, avec l'obligation de passer par Mon Compte Élu, une plateforme créée en 2022, mais pas toujours efficace.
Depuis le 25 octobre, l'exercice s'est encore durci avec une authentification renforcée via FranceConnect+, afin de lutter contre la fraude dans le cadre de la réforme du compte personnel de formation (CPF). C'est un parcours du combattant numérique, conduisant à l'abandon de formations. Le basculement s'est fait sans préavis ni information préalable et alimente la défiance entre l'État et les collectivités territoriales.
La plateformisation du droit individuel à la formation (DIF) aggrave les conséquences de l'illectronisme. Le non-recours risque de devenir la règle. Le système de formation est en crise malgré un enjeu de massification. Selon la Caisse des dépôts, alors que 32 000 formations avaient été financées en 2021, on n'en compte que 4 029 entre janvier et août 2022.
Quelles améliorations allez-vous apporter à la formation des élus ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Il y a un an, la réforme du régime de formation des élus a permis un rétablissement financier et une modernisation, même si un bilan reste à dresser.
La plateforme Mon Compte Élu améliore l'information et dématérialise les procédures. Les mécanismes d'identification ont été renforcés afin d'éviter la fraude à l'identité.
Mon ambition est que ces mesures ne ralentissent pas les efforts de formation. C'est pourquoi nous avons mis en place des téléconseillers, ainsi qu'un accompagnement en bureau de poste, dans les maisons France services ou à domicile.
Nous sommes en contact régulier avec les associations d'élus et les acteurs de la formation pour entendre leurs difficultés et y répondre.
M. Bernard Delcros . - Depuis quarante ans, une succession de lois a modifié l'organisation des collectivités territoriales et leurs relations avec l'État, avec des réussites et des erreurs.
La loi NOTRe de 2014 a donné la prépondérance aux intercommunalités et aux régions. Cependant, la crise sanitaire a rappelé le rôle de pilier de la commune et du département pour répondre aux besoins des populations.
Le Président de la République a annoncé un nouveau chapitre de la décentralisation, dans lequel tout transfert de compétence sera désormais accompagné des financements et du pouvoir normatif.
Quelle est la vision du Gouvernement ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Il faut d'abord que la concertation ait lieu. Notre premier principe directeur est un meilleur service public, plus efficace sur l'ensemble du territoire. Nous sommes aussi guidés par le cap fixé le 10 octobre par le Président de la République, qui allie responsabilité, pouvoir normatif et dynamique des financements. Ne restons pas au milieu du gué. Le travail sera collectif : c'est le sens de la future commission transpartisane, où vous prendrez votre part. C'est aussi le sens du CNR et de ses déclinaisons territoriales et thématiques. Les élus et leurs associations seront pleinement associés. La concertation est notre fil conducteur.
M. Bernard Delcros. - Les élus n'attendent pas un big bang territorial, mais que l'on réponde à leurs préoccupations : davantage de souplesse entre niveaux de collectivités, davantage de différenciation, notamment dans les normes, et un renforcement des échelons de proximité, avec les moyens adéquats.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - En tant qu'élue locale, je ne peux que partager votre analyse. Donnons tout son sens à la loi 3DS : il ne se passe pas la même chose dans les Bouches-du-Rhône et dans le Nord ou le Pas-de-Calais !
M. Arnaud Bazin . - La soutenabilité des finances des départements a été assurée par des efforts de gestion. Les recettes post-covid ont été dynamiques, mais c'est conjoncturel. Alors que votre gouvernement décide de nouvelles dépenses pour les départements - RSA, point d'indice, prime de feu, etc. - et que le contexte économique se dégrade, une menace pèse sur les départements, notamment avec le retournement du marché de l'immobilier et son impact sur les droits de mutation.
Se profile le redoutable effet ciseau, alors que les départements n'ont pas de levier fiscal. Pourtant, leur rôle de cohésion est de première importance et ils contribuent au dynamisme de l'investissement public.
L'article 23 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), supprimé par le Sénat, imposait un système de surveillance et de sanction en cas de hausse des dépenses de fonctionnement.
Comment comptez-vous sécuriser les finances départementales ? Êtes-vous favorable à une loi de finances dédiée aux finances locales ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Je salue la bonne gestion financière des conseils départementaux, dont la situation au début de l'année 2022 est globalement positive : leur capacité moyenne de désendettement est de trois ans - en comptant les 21 ans de Paris... Les recettes de DMTO continuent d'augmenter, tout comme celles de TVA.
Les réformes structurelles du précédent quinquennat ont amélioré la situation sur le marché du travail et fait baisser le nombre d'allocataires du RSA.
L'État a beaucoup fait pour les départements : la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022 leur a versé 120 millions d'euros pour compenser la revalorisation du RSA ; en 2023, ils seront éligibles aux mesures d'amortissement pour leurs factures d'électricité et le filet de sécurité leur a été étendu ; 160 millions d'euros sont prévus au budget 2023 pour financer les Sdis. Les départements ne sont pas laissés pour compte !
Mme Victoire Jasmin . - Les collectivités jouent un rôle essentiel auprès de nos concitoyens. Mais la crise internationale et son corollaire, l'inflation, ont un impact considérable sur leurs budgets, dans l'Hexagone et en outre-mer. Le rapport du Sénat de juillet 2022 l'a bien montré.
L'association des petites villes de France estime que leurs dépenses d'énergie vont augmenter de 50 %. Intercommunalités de France considère que la facture énergétique va doubler, voire quadrupler, pour les trois quarts des intercommunalités. Il faut prendre ces hausses en compte et valoriser le potentiel du mix énergétique en outre-mer.
Le rapport du Sénat préconise un bouclier énergétique avec une revalorisation de la DGF indexée sur l'inflation, le retour des tarifs réglementés pour toutes les collectivités territoriales et le relèvement du plafond de l'Arenh.
Comment allez-vous aider les collectivités territoriales à affronter la crise énergétique et financière ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Face à la hausse des dépenses d'énergie, nous proposons plusieurs outils, applicables également en outre-mer : le filet de sécurité, le bouclier tarifaire - les communes ultramarines sont toutes au tarif réglementé, la hausse de la DGF, renforcée en outre-mer par rapport à l'Hexagone grâce à la dotation d'aménagement des communes d'outre-mer (Dacom). L'année 2023 sera la dernière année de rattrapage, avec 62 millions d'euros, en hausse de 26 millions d'euros, dont 16 au titre du rattrapage et 10 millions d'euros au titre de la progression automatique des dotations.
M. Jean-Marc Boyer . - Les communes et les intercommunalités font face à une situation sans précédent : l'inflation est au plus haut depuis 1985, à 5,5 % ; la hausse du point d'indice de 3,5 % leur coûte 2,3 millions d'euros ; la DGF est gelée depuis 2017 ; les dotations ont baissé de 46 milliards d'euros depuis 2014, entraînant une baisse de l'investissement ; s'y ajoutent la suppression de la CVAE et le « pacte de confiance ».
Il faut garantir la stabilité, en euros constants, des ressources locales. Avec une croissance en 2023 à 1 %, l'investissement public local doit être soutenu.
Je partage les demandes de l'association des maires de France (AMF) : indexer la DGF 2023 sur l'inflation pour éviter une dégradation de 800 millions d'euros pour le bloc communal ; revenir sur la suppression de la CVAE ; renoncer à l'encadrement de l'action locale qui priverait les collectivités de 15 milliards d'euros ; réintégrer les opérations d'aménagement dans l'assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ; et réformer la procédure d'attribution de la DETR et de la DSIL... Il faut plus d'efficacité, de lisibilité et de confiance.
Comment assurerez-vous l'autonomie fiscale et la libre administration des collectivités territoriales ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Il n'y a pas de gel de la DGF : une hausse de 320 millions d'euros est inscrite au PLF. La DGF n'a jamais baissé depuis 2017, contrairement à ce qui s'était produit sous François Hollande.
Nous avons étalé la suppression de la CVAE sur deux ans, à la demande des associations d'élus, et elle sera compensée au bloc communal et aux départements. Les échanges ont été constructifs : la part dynamique de TVA convient aux associations d'élus.
Nous prévoyons une compensation à l'euro près sur une période suffisamment large pour lisser la volatilité de la CVAE, 2023 compris. L'État ne conservera pas un euro de la CVAE qui aurait dû être reversée en 2023, et il n'y aura pas d'année blanche pour les collectivités territoriales. La compensation sera territorialisée pour les communes et forfaitisée pour les départements, à la demande de l'Assemblée des départements de France (ADF). Le principe est simple : une commune qui accueillera plus d'entreprises recevra plus de TVA.
Cela ne réduit pas l'autonomie des collectivités territoriales : nous passons d'une CVAE nationale, sans pouvoir de modification de taux, à un autre impôt national, plutôt qu'une dotation. C'est une compensation juste et équilibrée.
M. Jean-Claude Tissot . - Les perspectives des collectivités territoriales sont sombres. Pourtant l'État a besoin de collectivités fortes et réactives. Les élus locaux ont été en première ligne durant la crise du covid, puis pour la relance de l'économie. Face à la crise écologique, les collectivités territoriales prévoient 12 milliards d'euros d'investissements par an en faveur du climat d'ici 2030. Et elles jouent un rôle irremplaçable dans la cohésion nationale.
Or, leurs budgets sont toujours plus contraints, avec l'augmentation des prix des matières premières, de l'énergie et de l'alimentation - 648 millions d'euros de surcoût pour la seule restauration scolaire... Des suppressions de services et d'emplois se profilent.
Il faut que l'État protège les collectivités comme il l'a fait pour les entreprises pendant le covid. Or vous poursuivez leur désarmement fiscal avec la CVAE, privant le pays d'une recette de 8 milliards d'euros. Vous vous félicitez de votre méthode de coconstruction, mais ne tenez pas compte des attentes des élus qui ont besoin d'une relation de confiance avec l'État. Il faut préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais le PLF y tourne le dos.
Qu'avez-vous retenu de cette concertation ? Pourquoi passer outre ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Vous avez rappelé notre méthode, la concertation. J'ai plusieurs fois fait état de nos échanges avec les associations d'élus, et des inflexions qu'ils ont entraînés sur la CVAE, la taxe d'aménagement ou la taxe sur les locaux commerciaux.
Mais vous comprendrez que nous ne renoncerons pas aux engagements de campagne du Président de la République, comme la suppression de la CVAE.
Je me suis rendue à dix congrès d'associations d'élus et le Gouvernement assistera au Congrès des maires la semaine prochaine. Il n'y a pas de transfert de compétence sans dialogue ni sans compensation financière : l'État a toujours respecté l'autonomie financière des collectivités territoriales. Avec Christophe Béchu et Gabriel Attal, nous avons maintes fois reçu les associations d'élus et pris en compte nombre de leurs demandes, jusqu'au stade de l'examen parlementaire du PLF.
M. Fabien Genet . Pas d'amour sans preuve d'amour, dit-on. Madame la ministre, donnez-nous-en la preuve avec les ordures ménagères (sourires) qui coûtent chaque année 20 milliards d'euros aux collectivités et pèsent sur le pouvoir d'achat des Français.
La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dont la trajectoire a été calculée pour désinciter à l'enfouissement et à l'incinération, pèse de plus en plus lourd. Or Mme Couillard reconnaissait, devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, que la nouvelle filière REP des déchets du bâtiment ne serait mise en place que dans un an ou deux. Dans l'attente, les déchets restent taxés, mais ce n'est ni de la faute des collectivités territoriales ni de celle des usagers.
Êtes-vous prête à défendre un gel de la TGAP pour 2023 ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Sans vouloir me défausser, ce dossier est suivi par Bérengère Couillard. Je connais le poids de la TGAP dans les finances des collectivités territoriales. Sa hausse visait à mettre l'épée dans les reins des collectivités pour qu'elles évitent tant la mise en décharge que l'incinération. La trajectoire de progression a été annoncée dès 2018 et jusqu'en 2025 afin de permettre aux acteurs de s'organiser.
L'État soutient, à hauteur de 80 millions d'euros en 2021, les projets de valorisation des déchets ; la TVA sur la valorisation des déchets a été réduite ; le fonds économie circulaire de l'Ademe sera abondé de 45 millions d'euros supplémentaires en 2023 ; le fonds vert sera ouvert aux collectivités territoriales pour la collecte des biodéchets.
Bérengère Couillard négocie avec les associations d'élus une solution consensuelle. Je veillerai à un dialogue constructif, pour éventuellement envisager un gel ponctuel de la TGAP.
M. Fabien Genet. - Je prends cette ouverture comme un signe d'espoir. Ce ne sont ni les collectivités ni les usagers qui sont en retard. Les élus locaux sont convaincus qu'il faut trouver des solutions pour moins incinérer et moins enfouir.
M. Cédric Vial . - Nos concitoyens ont perdu confiance dans le pouvoir national. Si demain ils perdent confiance dans leurs élus locaux, c'est tout notre système démocratique qui vacillera.
Or l'environnement institutionnel des collectivités territoriales devient hostile : perte de l'autonomie fiscale, perte de l'autonomie d'action - entre contractualisations et financements fléchés -, multiplication des structures de contrôle, injonctions complexes et contradictoires, comme sur le ZAN, perte de confiance... Les Français ne comprennent pas que les maires n'ont plus les moyens d'agir. Dans le même temps, les communautés de communes concentrent les pouvoirs, sans contrepartie démocratique.
À côté du couple maire-préfet, parlons aussi du couple maire-habitants. Les maires ont été choisis par le peuple, mais ils ne décideront bientôt plus de rien.
Madame la ministre, êtes-vous prête à donner plus de moyens aux maires ? C'est à ce prix que nous réconcilierons les Français avec l'action publique.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Il faut de la complémentarité : n'opposons pas l'exercice intercommunautaire à la légitimité communale. L'intercommunalité permet le partenariat et la mutualisation des moyens. Cette approche, indispensable pour faire face aux défis d'échelle, n'est pas encore totalement comprise par les Français, qui considèrent que le maire est responsable de tout.
Dans ma feuille de route, je tiendrai toujours compte de l'échelon communal, de proximité. Le maire est l'interlocuteur élu. Maire pendant vingt-et-un ans, je mesure combien il faut conforter sa responsabilité, et lui donner les moyens d'agir en faveur des services publics de proximité et de l'aménagement du territoire.
En tant que présidente de l'ANCT, j'ai valorisé des programmes d'appui comme Coeur de ville ou Petites villes de demain : le maire était au coeur de ces dispositifs.
Certes, en raison du manque de moyens de certaines petites communes, il faut une coopération renforcée avec l'intercommunalité. Mais je souhaite conforter les élus locaux et les maires.
M. Bruno Rojouan . - Depuis plusieurs années, les charges s'accumulent sur les collectivités territoriales, en raison bien souvent de facteurs externes qu'elles ne maîtrisent pas. Ces derniers mois, la revalorisation du point d'indice, l'inflation et l'explosion du coût de l'énergie ont fait flamber les dépenses des communes.
Peu de collectivités réussissent à dégager des moyens suffisants pour leurs programmes d'investissement. Bien souvent, les seuls projets qui aboutissent sont ceux cofinancés par l'État, via notamment la DETR, à la main du préfet : difficile pour un maire de mettre en oeuvre un projet pour sa commune sans l'aval de l'État...
Cela interroge sur le respect de l'article 72 de la Constitution qui garantit la libre administration des collectivités territoriales. Cette mise sous tutelle déguisée est très mal vécue. Les élus locaux perdent progressivement leur pouvoir décisionnaire, dans une recentralisation qui ne dit pas son nom.
Desserrez cet étau en indexant la DGF. Irez-vous jusqu'à une décentralisation accrue en redonnant aux collectivités leur pouvoir ?
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Je le répète : le Gouvernement respectera la trajectoire fixée en matière de DGF.
En vingt ans, le taux d'autonomie financière des communes a augmenté de dix points ; entre 2003 et 2020, il est passé de 59 à 75 % pour les départements et de 41 à 74 % pour les régions. Les recettes fiscales perdues ont été remplacées par d'autres ressources de même nature et de même montant. Le Gouvernement préserve les recettes des collectivités territoriales. C'est pour cela que des boucliers et autres amortisseurs sont mis en place ; que la DGF a augmenté de 320 millions d'euros, pour la première fois depuis treize ans ; que le fonds vert va permettre de doubler les investissements. Il n'y aura pas d'appel à projets ni à manifestations d'intérêt : aux collectivités territoriales de proposer aux préfets les projets qu'elles souhaiteront.
M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains) Quelles sont les attentes des élus locaux ? Accéder à un pacte de responsabilité et de confiance pour trancher le noeud gordien et boucler leur budget.
Cela passe par une nouvelle approche territoriale, une grande démarche décentralisatrice, bâtie sur les principes de subsidiarité, de liberté et de responsabilité : chaque niveau décide de ce qu'il fait, librement, dans le cadre d'une réelle autonomie financière.
Le niveau de la dépense publique locale française est inférieur aux autres pays européens : 19 % chez nous contre 40 % ailleurs. La gestion des collectivités territoriales obéit à la règle d'or budgétaire et vise à répondre aux attentes du quotidien dans une démarche d'amélioration continue.
L'inquiétude et le découragement gagnent face à la bureaucratie, au manque d'écoute et à l'explosion des dépenses, mais ils conservent l'envie de s'engager au service des autres.
Beaucoup se sentent dépossédés. Ils ne se sentent pas en situation de faire, car leurs moyens sont comptés, ni en situation de décider face à l'intercommunalité et à l'État. La décentralisation est plus administrative que politique : on a confié des tâches aux élus, sans les moyens juridiques et financiers.
Quelles sont les attentes ? D'abord, faire preuve de bon sens et confier aux collectivités territoriales ce qui relève de la vie quotidienne. Ensuite, préserver et développer les biens communs, par un investissement massif dans les infrastructures, dans le respect de l'environnement. Puis assurer le bien-être, avec des services publics de proximité comme la sécurité, la santé, et l'éducation. Enfin, donner à tous les justes moyens d'agir.
Il faut limiter l'administration administrante. Nous devons conserver un pays équipé, poursuivre une grande politique du digital, de l'énergie et de l'eau, investir massivement dans les infrastructures, routes et voies ferrées, le très haut débit et la téléphonie mobile. Cela passe par une véritable capacité d'autofinancement des collectivités territoriales. Cela suppose du courage, et de garantir la traçabilité de l'argent public. La réforme de la procédure des marchés publics, inflationniste, serait un signe pour garantir l'investissement.
Une réforme constitutionnelle donnerait une liberté normative aux collectivités territoriales, dans le prolongement de l'article 73 sur les collectivités d'outre-mer. Cela ouvrirait enfin la voie à une véritable différenciation.
La subsidiarité doit primer en matière de finances locales. Ouvrons ce chantier sans tabou, pour garantir l'autonomie et la lisibilité.
Le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur ces sujets. À l'initiative de Gérard Larcher, un groupe de travail réfléchit à des propositions institutionnelles et territoriales, avec comme pilier la commune. Le groupe Les Républicains sera force de propositions, c'est une urgence démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Soutien aux édiles victimes d'agression
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Guillaume Chevrollier applaudit également.) Le 5 août 2019, un homme est mortellement renversé par un fourgon déversant illégalement des gravats. Nous nous souvenons tous de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes dans le Var.
La commission des lois du Sénat a lancé une concertation nationale : 92 % des élus ayant répondu ont été victimes d'incivilités, injures menaces ou agressions. Trois ans plus tard, pas d'amélioration, tant pour les maires, élus préférés des Français, que pour les autres élus.
J'ai une pensée pour les élus de Gironde agressés : Philippe Becheau, maire de Saint-Philippe-d'Aiguille, Cédric Gerbeau, maire de Saint-Macaire, Kilian Alliot, conseiller municipal de Sainte-Eulalie, ou encore Patrick Gomez, maire de Sadirac. Plus de mille agressions ont été comptabilisées en 2021, en hausse de 50 % par rapport aux années précédentes, alors que peu d'élus portent plainte.
Nous formons les élus pour prévenir les débordements. Maires et adjoints sont les premières cibles de la violence, après des tapages nocturnes, des violences intrafamiliales, etc.
Ces agressions sont révélatrices de la distance qui se creuse entre les citoyens et le pouvoir politique, comme le montre le rapport de Henri Cabanel. Pour certains, la soumission à une norme commune ne va plus de soi...
Certes, il y a un désenchantement pour le politique, auquel nous devons remédier. Mais nous devons être intransigeants envers ceux qui agressent les élus. C'est l'essence même du contrat social, comme Hobbes et Rousseau l'ont imaginé, qui est en cause : la brutalité primitive ne saurait être admise dans une société républicaine.
Malheureusement, nous avons à nouveau observé cette violence avec les insultes récentes contre le député Louis Boyard. Je suis loin de partager toutes ses idées, mais je le soutiens dans sa démarche judiciaire. Rien ne justifie un tel acharnement, qui renforce le sentiment d'impunité des citoyens qui s'en prennent aux élus locaux.
Le droit pénal permet déjà de tenir compte de la qualité des victimes, si elles sont élues, dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public : il s'agit alors d'un outrage et non d'une injure. Il y a aussi circonstance aggravante quand la qualité de la personne agressée est apparente ou connue, c'est pourquoi les élus doivent bien décliner leur fonction élective lorsqu'ils interviennent.
Mais la réponse pénale devant les tribunaux est insuffisante. D'où ma proposition de loi, cosignée par 95 sénateurs, dont Éric Gold qui avait déposé un texte similaire.
En 2020, une circulaire du garde des sceaux a enjoint les procureurs à toujours retenir la qualification pénale tenant compte de la qualité des élus, et vous avez insisté sur la nécessité d'une réponse pénale systématique et rapide. (M. le garde des sceaux le confirme.) Mais seule une poignée de plaintes donne lieu à suite pénale et le nombre de condamnations est extrêmement faible. (M. le garde des sceaux le conteste.) Bien souvent, pas même un rappel à la loi ou une mesure d'éloignement...
Les élus doivent être mieux soutenus pour que justice leur soit rendue. Les associations d'élus sont les plus à même de les épauler, fortes de leur expertise et de leurs ressources. C'est pourquoi ma proposition de loi prévoit qu'elles puissent se constituer partie civile pour accompagner tout élu, avec son accord.
Aux termes de l'article 2-19 du code de procédure pénale, seules les associations départementales affiliées à l'AMF peuvent intervenir pour les élus municipaux. Il faut élargir cette possibilité à toutes les associations nationales d'élus et couvrir tous les élus, locaux, nationaux ou européens.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Nathalie Delattre. - L'association pourra également intervenir en cas de dégradation d'un bien de l'élu ou lorsque la victime est l'un de ses proches. L'exposition délibérée d'informations sur sa vie privée, familiale ou professionnelle sera aussi incriminée. Autant d'avancées majeures attendues par les élus.
Je tiens enfin à saluer la rapporteure, Catherine Di Folco, et le travail intelligent mené en coconstruction avec vos services, monsieur le ministre, pour aboutir à une rédaction conjointe qui concourt à la qualité et à l'efficacité de la loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité des travaux du Sénat, notamment ceux de la commission des lois qui avait présenté en octobre 2019 un plan d'action pour la sécurisation des maires. Elle rejoint aussi les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen de la Lopmi.
L'article 2-19 du code de procédure pénale, que modifie l'article premier de ce texte, était une initiative du Sénat, plus précisément de nos anciens collègues Dinah Derycke et Michel Charasse.
Mme Nathalie Goulet. - Ah ! Charasse ! (Sourires)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Cet article autorise les associations départementales de maires à se porter parties civiles en cas d'agression d'un élu ; en effet, la plupart d'entre elles interviennent pour les frais d'avocat et de procédure.
Notre rédaction ne vise que les affaires qui arrivent devant une juridiction : on ne saurait forcer une instruction.
Depuis vingt ans, l'AMF a développé le soutien aux élus victimes d'agressions, se substituant parfois aux associations départementales. L'inclusion de l'AMF dans le dispositif de l'article 2-19 est donc logique. Nathalie Delattre a souhaité y ajouter l'ADF et Régions de France, et élargir le bénéfice de ces dispositions à l'ensemble des élus. La commission a estimé qu'il ne convenait pas d'aller au-delà de ces trois associations, pour éviter la concurrence entre associations.
Par ailleurs, la commission a accepté un amendement de Stéphane Le Rudulier, reprenant une proposition de Françoise Gatel autorisant les collectivités territoriales et les assemblées parlementaires à se constituer parties civiles. La jurisprudence ouvrait cette possibilité aux assemblées mais pas aux collectivités, ce qui était incohérent.
Depuis la réunion de la commission la semaine dernière, nous avons trouvé des compromis avec le Gouvernement. La rédaction est équilibrée. La commission des lois a adopté un amendement qui permet à toutes les associations d'élus ayant une ancienneté suffisante et affiliées à une association nationale de se porter parties civiles, mais nous n'avons conservé la mention explicite que de l'AMF, de l'ADF et de Régions de France.
Un amendement réunit également les deux articles initiaux en un article unique, pour harmoniser les infractions et personnes concernées, garantissant la qualité juridique du texte. Il devrait satisfaire une large majorité des acteurs.
Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes aux dysfonctionnements de l'accompagnement des élus, au service d'un exercice serein des mandats territoriaux. Nous espérons un vote rapide et conforme à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis heureux de vous retrouver pour l'examen de cette proposition de loi. Les parlementaires et élus locaux sont les représentants de la démocratie nationale et locale ; leur place est fondamentale dans le fonctionnement des institutions. Toute atteinte à leur encontre constitue une atteinte au pacte républicain. S'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République.
Comme je l'avais évoqué devant votre délégation aux collectivités territoriales en février 2022, le Gouvernement souhaitait, après une réflexion menée avec Richard Ferrand à la suite à la vague d'indignation suscitée par l'agression du député Romain Grau, à Perpignan, permettre aux communes comme aux deux chambres du Parlement de se porter parties civiles après l'agression d'un élu.
Ce texte, dans la rédaction adoptée par la commission des lois, rejoint nos réflexions. Les violences contre nos élus ne sont pas encore suffisamment endiguées. Depuis l'élection du Président de la République, 509 atteintes aux élus ont été transmises à la justice.
En réponse à une question d'actualité de la présidente Gatel, je m'étais engagé à des remontées fiables par les parquets. Il apparaît que 61 % des faits sont des atteintes aux personnes, 80 % lorsque la victime est un maire.
Le fatalisme ne doit pas nous arrêter. Nous devons garantir une réponse pénale ferme et systématique. Depuis mon entrée en fonction, j'ai tout mis en oeuvre pour mieux réprimer ces atteintes à nos élus.
La justice, hélas, intervient quand le mal est déjà fait. Une partie de la solution réside dans l'éducation et dans le réapprentissage du respect que nous devons à nos institutions ; ne banalisons jamais ces actes, qui atteignent notre pacte républicain. Mais sans négliger l'amont, la réponse en aval doit être ferme.
Deux mois après mon entrée en fonction, le 7 septembre 2020, j'ai souhaité réaffirmer avec force l'importance d'une politique pénale rapide et ferme et d'un suivi juridique renforcé au service des élus. J'ai demandé aux parquets une réponse pénale rapide, privilégiant les déferrements pour les faits les plus graves. Un magistrat de chaque parquet a été désigné comme interlocuteur privilégié des élus du ressort.
J'ai aussi demandé, dans ma circulaire du 15 décembre 2020 sur la justice de proximité, un approfondissement des relations partenariales entre les élus, les associations et le ministère de la justice.
Le 17 novembre 2021, à l'occasion du Congrès des maires, j'ai également annoncé la création d'un groupe de travail pour améliorer les relations entre les maires et l'institution judiciaire. De ses trente recommandations, j'en mentionnerai cinq : améliorer la connaissance par les magistrats du siège des collectivités du ressort, construire un partenariat avec les maires, améliorer le dialogue entre ceux-ci et les magistrats, accompagner les maires dans l'exercice de leurs prérogatives en lien avec la justice et développer la formation croisée des acteurs. (Mme Nathalie Goulet marque son approbation à l'énumération de chacun des éléments.)
Le 20 septembre dernier, dans ma circulaire de politique pénale générale, j'ai demandé avec force aux parquets de poursuivre le renforcement des échanges avec les élus.
Notre défi est d'apporter une réponse pénale, ferme, efficace et rapide. Les choses évoluent : 100 % des 203 suspects poursuivis ont fait l'objet d'une réponse pénale et une poursuite a été engagée dans 92 % des cas, avec 114 condamnations prononcées, dont 78 % assorties d'une peine de prison.
Mais au-delà, nous devons accompagner au mieux les élus en nous tenant à leurs côtés tout au long de la procédure. Je partage totalement cet objectif, qui est celui de votre proposition de loi.
La rédaction actuelle de l'article 2-19 du code de procédure pénale n'autorise la constitution de partie civile qu'aux associations départementales de maires affiliées à l'AMF, pour les seuls élus municipaux et pour une liste d'infractions limitativement énumérée. La proposition de loi élargit cette possibilité à l'AMF elle-même, à l'ADF et à Régions de France, y compris si la victime est un proche de l'élu.
Au 15 septembre, 509 atteintes avaient été dénombrées, pour 860 victimes : il était donc urgent de protéger les élus et leur famille.
Je salue les synergies trouvées entre le Gouvernement et la commission des lois du Sénat. À l'unisson de la rapporteure dont je salue le travail...
M. André Reichardt. - Très bien.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous avons proposé un amendement pour affiner la rédaction du texte, illustration de notre volonté de coconstruction législative. Il regroupe les dispositions permettant la constitution de partie civile des assemblées et des associations d'élus, qui sont mieux définies, pour garantir la constitutionnalité du texte - ce qui est bien le moins.
En effet, la nouvelle rédaction permet à toutes les associations d'élus, reconnues d'utilité publique, au rayonnement national et avec une ancienneté suffisante, de se constituer parties civiles. Réserver cette possibilité à une seule association nationale aurait été contraire au principe constitutionnel d'égalité.
Mme Nathalie Goulet et M. André Reichardt. - Très bien !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous étendons aussi le champ des infractions concernées à l'ensemble des crimes et délits contre des personnes et les biens, à certaines atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique et à tous les délits de presse.
La définition des proches englobe toutes les personnes vivant sous le même toit que l'élu.
Les atteintes contre les élus sont des atteintes contre notre démocratie. En la matière, le Gouvernement a toujours trouvé dans le Sénat un partenaire fiable et souvent moteur, notamment pour augmenter les budgets. (M. André Reichardt approuve.) Ce soir, c'est le Gouvernement qui est favorable à votre initiative indispensable, qui rappelle que l'on ne touche pas (M. le garde des sceaux souligne son propos en frappant le pupitre du poing) aux élus de la République. (Applaudissements sur toutes les travées)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales . - La protection des élus est une priorité que nous partageons tous. Ces dernières années, nombre d'agressions ont alerté sur l'exposition particulière des titulaires de mandats électoraux.
Pas une semaine sans que je sois en contact avec un élu victime d'agression. Depuis le début de l'année, une centaine de procédures ont été lancées pour tous types de faits : outrages, dégradations, menaces, violences. N'oublions pas les personnes derrière les chiffres.
C'est pourquoi mon ministère soutient sans condition cette proposition de loi. Nous avons travaillé main dans la main avec le Sénat et le ministre de la justice au service d'un texte efficace et robuste. Protéger nos élus est une exigence républicaine.
Merci pour cette initiative, pour ce travail transpartisan, merci au RDSE qui a inscrit ce texte dans sa niche parlementaire. Nous n'avions pu intégrer des dispositions allant dans ce sens dans la Lopmi, mais notre résolution était intacte : nous sommes donc heureux de soutenir votre proposition de loi.
Demain, les associations d'élus pourront assister dans la procédure les élus et leur famille, trop nombreux à renoncer faute de temps et de moyens. Ils ont besoin de structures pour les accompagner en justice. L'AMF voit ainsi l'une de ses demandes se concrétiser.
Les maires sont les vigies de nos territoires, acteurs essentiels de notre vie citoyenne : il faut les protéger, comme tous nos élus et parlementaires.
Le texte ouvre aux associations nationales la possibilité de se porter partie civile, au bénéfice de tous les élus, non les seuls élus municipaux.
Cela reste une possibilité - liberté pour l'élu de demander le soutien d'une association, liberté pour celle-ci de l'accorder.
L'extension du champ des associations concernées fait consensus, le soutien de la rapporteure et les amendements transpartisans en attestent.
Le texte prend également en compte les nouveaux risques auxquels sont exposés les élus, notamment la divulgation en ligne d'informations personnelles.
Les infractions concernées ont été étendues à l'atteinte aux biens : c'est nécessaire, comme l'illustre l'incendie en septembre du cabinet médical du maire de Saint-Pierre-des-Corps.
Enfin, les proches des élus sont eux aussi parfois victimes d'agressions en lien avec l'activité de ces derniers.
Cette proposition de loi offre une nouvelle dimension à la protection des élus. Depuis la loi Engagement et proximité de 2019, portée par Sébastien Lecornu, l'ensemble des élus doivent souscrire, dans leur contrat d'assurance, à une garantie de conseil juridique, d'assistance psychologique et des coûts qui résultent de leur obligation de protection fonctionnelle. Dans les 32 000 communes de moins de 3 500 habitants, l'État compense le coût de ces contrats.
Depuis septembre 2020, les préfets signalent systématiquement aux parquets les faits d'atteinte aux élus pouvant relever d'une qualification pénale.
Nous voici au rendez-vous. Ce débat au Sénat est une étape capitale, et j'espère un soutien aussi large que possible des sénateurs. Je souhaite aussi que le texte soit rapidement examiné par l'Assemblée nationale. (Marques d'approbation sur plusieurs travées) Notre Gouvernement soutiendra ce texte tout au long de la navette. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.
Échec en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Soutien aux édiles victimes d'agression (Suite)
Discussion générale (Suite)
Mme Nathalie Goulet . - Je remercie Nathalie Delattre pour cette proposition de loi - même s'il est regrettable qu'une loi soit nécessaire pour protéger les élus. Selon la formule souvent employée par le Président Larcher, les élus sont « à portée d'engueulade ». Certes, mais les violences physiques, c'est autre chose ! La mort de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, le 5 août 2019, reste dans nos mémoires. C'est elle qui avait déclenché la consultation lancée par le président Bas et son rapport. Tentative de meurtre, d'étranglement, attaques au couteau de cuisine, à la fourche, coups de poing avec quatre jours d'incapacité totale de travail (ITT), coups de poing à la figure, pneus crevés, voitures brûlées, maisons incendiées... On est loin de l'engueulade ! Cette triste réalité touche tous les territoires. Les derniers chiffres sont peu encourageants : 47 % d'agressions en plus pendant les onze premiers mois de 2021 par rapport à 2020.
Monsieur le ministre, je vous demande une plus grande vigilance. Les maires se plaignaient du manque de sanctions. Vous avez devancé mes demandes, grâce aux circulaires que vous avez prises - c'est très bien ; aux parquets de faire le nécessaire. Si les maires sont les élus préférés des Français, le climat de violence qui sévit partout ne les épargne pas.
Le groupe UC votera cette proposition de loi avec enthousiasme, en espérant que le texte sera adopté à l'Assemblée nationale rapidement. Nous regrettons de ne pas pouvoir aller plus loin : les associations ne pourront pas contraindre le parquet à engager des poursuites (M. le garde des sceaux proteste) - je sais bien que c'est impossible. Les circulaires sont déjà des pas très importants ; les souhaits de M. Bas ont été satisfaits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE)
Mme Nathalie Delattre. - Merci !
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi s'attaque à une réalité vécue par de plus en plus d'élus. Plus de mille agressions ont été recensées en 2021 contre nos élus, vitrines de notre République. Chacun ici peut citer des cas d'agressions. Dans le Puy-de-Dôme, le maire de Lussat a été roué de coups par un automobiliste à qui il demandait de ralentir, comme la maire de Valbeleix, tandis que deux autres élus ont vu leurs maisons taguées.
Dans certaines communes, ce sont les membres des familles des élus qui sont menacés ou violentés. La mesure de la dégradation de l'exercice des mandats a été prise en compte. Mais la réalité incite à prendre de nouvelles dispositions.
À la demande de l'AMF, cette proposition de loi permet aux associations nationales de se porter partie civile. La consultation lancée en 2019 faisait état d'un faible nombre de plaintes et d'un nombre encore plus faible de condamnations. Le manque d'accompagnement est un frein majeur ; or les associations d'élus sont les mieux placées pour soutenir les victimes. Cette extension est donc justifiée.
Les services publics s'apparentent pour beaucoup à un simple bien de consommation. En 2019, j'avais déjà fait des propositions pour lutter contre les incivilités faites aux élus et aux dépositaires de l'autorité publique, et contre l'impression de découragement et d'abandon que certains éprouvent. Je déclinerai ces propositions dans trois amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Joël Guerriau et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie très chaleureusement Mme Delattre pour son initiative, qui s'inscrit dans la continuité des travaux du Sénat. L'article 2-19 du code de procédure pénale, dont ce texte propose de modifier le premier alinéa, est ainsi issu d'un amendement sénatorial de 2000.
Dans le contexte de l'augmentation des agressions envers les élus, cette proposition de loi vient combler des lacunes. Les trois associations nationales que sont l'AMF, l'ADF et Régions de France pourront se porter partie civile, et surtout, les motifs sont étendus : non plus seulement l'injure, l'outrage, la diffamation, les menaces ou les coups et blessures, mais encore les destructions, dégradations ou détériorations de biens et la divulgation d'informations dans le but de nuire à une personne ou exposant cette dernière à un risque.
Les membres des conseils municipaux, départementaux et régionaux seront aussi protégés, ainsi que la famille des élus. Ces élargissements sont bienvenus, car particulièrement circonscrits et cohérents.
MM. Kanner et Le Rudulier ont proposé des amendements acceptés par la commission, permettant de prendre en compte l'intimidation, le harcèlement et la violation de domicile, et offrant aux assemblées parlementaires et aux collectivités territoriales la possibilité de se porter partie civile. Les lacunes semblent donc bien comblées.
Au sein de la commission des lois, nous nous sommes toutefois demandé pourquoi seules ces trois associations étaient visées. Il n'y avait aucun risque à élargir cette liste, aucune procédure ne pouvant être engagée sans l'accord de la victime et le parquet ne pouvant être contraint à poursuivre. La commission propose un texte pouvant faire consensus, qui élargit le champ de ceux qui pourront se porter partie civile. Je le voterai avec enthousiasme et salue ce produit d'une coconstruction avec le Gouvernement. (M. le garde des sceaux opine du chef.)
Le Sénat défend les élus locaux. Je souhaite que ce texte puisse contribuer à réduire et supprimer les intolérables agressions contre nos élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
M. Joël Guerriau . - Le dévouement des élus, notamment municipaux, est inlassable. L'élu local fait vibrer la démocratie au quotidien, au service de la République.
Pourtant, les atteintes physiques et verbales à leur encontre se multiplient. Je pense à Bruno Debray, maire de Sion-les-Mines : une dame, avec une poussette et un petit chien, se voit menacée par deux gros chiens. Le maire va rencontrer la propriétaire et lui demande poliment de les tenir désormais en laisse. Résultat : le mari furieux vient l'insulter à la mairie ; il porte plainte, mais cela reste sans suite. Quelque temps après, une coiffeuse se voit accusée par le même homme d'avoir mal coiffé ses deux enfants, et contrainte de rembourser la coupe... Mais le maire est impuissant. Tous les faits sont importants !
Bien sûr, il y a des faits autrement plus graves : nous nous souvenons de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, renversé en 2019 par une camionnette, alors qu'il voulait empêcher un dépôt sauvage de gravats. Mais face à la recrudescence de ces agissements, il faut mieux soutenir les élus locaux. Je pense, en Loire-Atlantique, à cette maire harcelée par l'ancien maire depuis le public du conseil municipal... Tous les élus, qui sont au service de nos concitoyens, méritent d'être aidés. Notre groupe votera cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Notre société se polarise, les tensions sont exacerbées, et les élus sont l'objet de colères et de violences injustifiées et croissantes : plus 47 % en 2021 !
Les maires restent les élus préférés des concitoyens, mais ils sont trop souvent à portée de baffes. Toute violence est injustifiable. Plus de 300 plaintes pour menaces de mort ont été recensées en un an. Les élus qui continuent à se mettre au service des autres méritent une protection.
Cela dit, ce n'est pas le premier texte dont l'ultra-spécialisation en fonction des victimes me gêne : l'égalité devant la loi est le fondement de notre République. Pourquoi l'agression des familles des élus devrait s'accompagner de sanctions plus sévères que pour toute autre famille ?
Mme Catherine Di Folco. - Ils sont plus exposés !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Si c'est en lien avec l'activité d'élu...
M. Guy Benarroche. - Que dirons-nous des concubins non déclarés ? L'amendement de la rapporteure, qui vise les « personnes vivant habituellement au domicile » de l'élu ne règle rien : seraient alors couverts la nounou de la concubine du neveu hébergé, ou le jardinier à demeure de la belle-mère du concubin de sa fille ! (Sourires)
Mme Nathalie Goulet. - Le cas n'est pas fréquent !
M. Guy Benarroche. - Jusqu'où irons-nous ?
C'est l'insuffisance des moyens de la justice qui explique les lenteurs. Nous avons en fait besoin de plus de magistrats et de greffiers. Nous accueillons cependant favorablement l'extension de la protection des élus, comme la nouvelle possibilité offerte aux associations nationales. Nos amendements visent notamment à étendre cette possibilité à toutes les associations, car l'idée d'un monopole nous semble problématique.
Évitons toute idée d'une justice corporatiste. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Guylène Pantel et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
M. Thani Mohamed Soilihi . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En septembre 2021, l'Hôtel de ville de Koungou a été la cible d'un incendie volontaire. Plus récemment, les véhicules du maire, de sa femme et d'un autre élu ont subi le même sort. Le maire de Bandrélé a reçu des menaces de mort.
Plus de 1 100 agressions envers les élus sont recensées, ainsi que 400 outrages. Lors du congrès des maires de 2021, le Président de la République rappelait la nécessité d'être intraitable : les sanctions doivent être décisives, par devoir envers les élus.
L'article unique de ce texte, répondant à la demande de l'AMF, a été complété. Je salue le compromis trouvé sur l'article premier par la commission et le Gouvernement. Les assemblées, les collectivités et le Parlement européen auront aussi la possibilité de se porter partie civile en cas d'agression. Grâce à la rapporteure, le texte s'appliquera en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Il complétera l'action du ministre de la justice et de celle des collectivités territoriales : la circulaire du 15 décembre 2020 a facilité une justice au plus près des partenaires locaux.
L'article 104 de la loi Engagement et proximité a déjà renforcé la protection des élus. Je salue la formation dispensée aux sénateurs sur la désescalade des conflits. En tant que vigies des territoires, nous devons aider et accompagner les élus locaux. Le RDPI votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi a pour objet de soutenir les élus dans leurs démarches judiciaires, notamment à la suite de violences commises à leur encontre : on ne peut que saluer cette initiative, car les élus subissent des violences qui, d'année en année, s'intensifient.
Les maires sont confrontés à de nombreuses revendications de nos concitoyens et, parmi les élus, ils sont les victimes les plus fréquentes : nous avons tous été marqués par l'assassinat du maire de Signes. Comme ils prennent des décisions parfois impopulaires qui touchent le quotidien de leurs administrés, ils cristallisent la rancoeur. Chacun a le droit de critiquer leurs décisions, mais nous devons condamner toute violence. Face à ces situations, les maires manquent parfois de ressources, que les associations peuvent leur fournir.
La rédaction initiale prévoyait que seules les trois grandes associations - AMF, ADF et Régions de France - puissent se porter partie civile, mais il me semble que chaque élu doit pouvoir être représenté par l'association de son choix. J'ai déposé un amendement, rejeté en commission - peut-être ai-je eu raison trop tôt... Une semaine plus tard, le Gouvernement a entendu notre appel, et a souhaité que la rapporteure dépose un amendement dans ce sens : c'est heureux.
Un point de l'actualité m'a choqué : Louis Boyard, député LFI, insulté par Cyril Hanouna, est la dernière victime d'un audiovisuel toujours plus vulgaire. Rien ne justifie l'escalade d'absurdité et de violence à laquelle nous avons assisté...
Mme Nathalie Delattre. - Il ne faut pas regarder ces émissions !
M. Patrick Kanner. - Cette séquence n'a pas d'autre raison d'être que la quête des petites phrases qui font le buzz. Cela n'est pas digne de la politique ni du journalisme...
Mme Françoise Gatel. - Quand on cherche, on trouve !
M. Patrick Kanner. - Au petit jeu de la polémique, les gagnants sont toujours les mêmes : les extrêmes. Nous, politiques, ne devons pas nous prêter à ces petits jeux.
Mme Françoise Gatel. - Exactement !
M. Patrick Kanner. - Nous devons améliorer l'accompagnement des élus, comme le calendrier nous y incite, à une semaine du congrès des maires. Plus de 500 000 élus locaux défendent l'intérêt général - quand ils en ont les moyens ! On leur demande toujours plus avec des moyens toujours plus limités. Ils sont inquiets face à l'évolution des charges, à la baisse potentielle de leurs dotations...Dans le cadre du projet de loi de finances, nous pourrons répondre à ces inquiétudes.
Monsieur le ministre, il y a aujourd'hui une grande inquiétude. L'action des élus locaux doit être respectée : sans élus, pas d'organisation de la société. Mon groupe votera cette proposition de loi enrichie par les débats. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)
Mme Cécile Cukierman . - Les élus locaux sont les premiers contacts avec l'autorité. Actuellement, l'article 2-19 ne vise que les violences subies par l'élu à raison de ses fonctions particulières, et non de son mandat.
La proposition de loi est donc utile. Elle élargit l'accompagnement à tous les élus, même ceux qui ne sont pas investis de fonctions particulières.
Notre société va mal, le climat est tendu, et de plus en plus de personnes sont en colère. Les élus incarnent des idées et des prises de position : il est sain qu'ils ne fassent pas l'unanimité, mais cela ne doit pas les exposer à des attaques personnelles. La qualité d'élu est depuis longtemps une circonstance aggravante pour les infractions. Mais il faut aussi se soucier de l'accompagnement des victimes tout au long de la procédure pénale. Ce n'est pas exorbitant du droit commun, puisque toutes les victimes peuvent déjà être soutenues par des associations.
Étendre le champ des associations susceptibles de se constituer partie civile va dans le bon sens. Un élu ne doit pas craindre pour sa personne dans l'exercice de son mandat, sauf à tuer la démocratie.
Les élus sont parfois traumatisés ; or aucun citoyen ne doit être isolé dans la procédure pénale. Il faut garantir la liberté d'expression des élus : le débat politique ne doit pas être vecteur de violence, l'art du débat doit être respecté en toute décence.
Nous voterons cette proposition de loi utile. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est heureux que la proposition de loi de Mme Delattre ait été inscrite à l'ordre du jour.
Nous sommes tous témoins des violences que subissent les élus : je pense, dans mon département, à ceux des communes de Lapalud, de Castellet-en-Luberon et bien d'autres. Les agressions ont aussi lieu sur les réseaux sociaux, via de faux profils émanant parfois de l'étranger : on peut parler de cyberharcèlement.
Le rapport de Philippe Bas avait mis ces phénomènes en lumière dès 2019.
Les élus attendent de nous des actes forts. Agissons, si nous voulons avoir encore des candidats lors des prochaines municipales !
Le dépôt de plainte est loin d'être systématique, qu'il y ait autocensure et souci de ne pas envenimer les choses, ou peur des représailles et craintes que la plainte ne soit pas suivie d'effet... Trop souvent, les élus se sentent seuls et préfèrent se taire.
Nous sommes tous convaincus qu'il ne faut rien laisser passer et que le dépôt de plainte doit être systématique. Les élus méritent d'être soutenus pour que justice soit rendue ; pour cela, les associations d'élus sont les mieux placées.
Cette proposition de loi envoie un signal fort aux élus. Nous avançons tous : vous-mêmes, monsieur le ministre, avez publié une circulaire pour inviter les parquets à une politique pénale ferme et diligente. Nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Jérôme Durain applaudit également.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les élus sont « à portée de baffe », dit souvent Jean Léonetti. En 2022, 956 élus ont été pris pour cible entre le 1er janvier et le 9 mai - autant qu'en 2021, année où la violence contre les élus avait déjà augmenté de 40 % par rapport à 2020, alors que les élus étaient mobilisés dans la gestion de la crise sanitaire. Or 80 % des victimes sont des élus municipaux. Si les maires restent les élus en qui les Français ont le plus confiance, la proximité n'ouvre pas un droit à la violence gratuite.
Chaque intimidation vise à ce que les élus ne se sentent plus libres d'agir en leur âme et conscience. La forte recrudescence de la violence contre les édiles a poussé l'AMF à créer un observatoire des violences et à faire appel au GIGN pour former 15 000 élus - signe que le pays ne va pas bien.
L'excellent rapport de Philippe Bas avait déjà pointé l'essentiel.
M. Philippe Bas. - Merci !
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Plus généralement, la violence progresse contre les détenteurs de l'autorité. L'abstention électorale est une manifestation de cette crise civique.
Impossible de tolérer ces menaces. C'est parfois par peur de les voir augmenter que les élus choisissent de se taire sur l'énième insulte reçue en pleine rue, pour ne pas être pointés du doigt. Ne banalisons pas ces incivilités qui conduisent parfois au pire. Je salue le texte de Nathalie Delattre enrichi par la commission des lois. Les élus méritent d'être mieux soutenus pour que justice leur soit rendue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°19, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
1° Le premier et le deuxième alinéas sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'infractions prévues par les livres II ou III du code pénal ou par le chapitre III du titre III du livre IV du même code ou par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse commises à l'encontre d'une personne investie d'un mandat électif public en raison de ses fonctions ou de son mandat, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, si l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée, et avec l'accord de cette dernière ou, si celle-ci est décédée, de ses ayants droit :
« 1° Pour les élus municipaux, l'Association des maires de France, toute association nationale, reconnue d'utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d'assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association départementale qui lui est affiliée ;
« 2° Pour les élus départementaux, l'Assemblée des départements de France ainsi que toute association nationale, reconnue d'utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d'assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;
« 3° Pour les élus régionaux, territoriaux et de l'Assemblée de Corse, Régions de France ainsi que toute association nationale, reconnue d'utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d'assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;
« 4° Au titre d'un de ses membres, le Sénat, l'Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée.
« Il en est de même lorsque ces infractions sont commises sur le conjoint ou le concubin de l'élu ou le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile, en raison des fonctions exercées par l'élu ou de son mandat. » ;
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Cet amendement, issu du dialogue avec le Gouvernement, donne à toutes les associations d'élus ayant l'ancienneté suffisante la possibilité de se porter partie civile, sans négliger le rôle de l'AMF.
Monsieur Kanner, cela n'était pas tout à fait perceptible dans votre amendement, qui faisait fi de l'AMF.
Cet amendement respecte l'intention de l'auteure de la proposition de loi et des auteurs des amendements adoptés en commission.
Nous avons accepté d'inclure le Parlement européen parmi les assemblées susceptibles de se porter partie civile quand il s'agit d'un eurodéputé français ou d'un eurodéputé étranger victime en France.
Mme la présidente. - Amendement identique n°23, présenté par le Gouvernement.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je suis totalement en phase avec vous, madame la rapporteure. Il était constitutionnellement risqué de ne permettre qu'à une seule association de se constituer partie civile. Personne ne veut malmener l'AMF, mais ne pas considérer les autres associations représentait un risque. Cet amendement a également le mérite d'harmoniser et d'étendre le champ des infractions.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 3
1° Première phrase
Remplacer les mots :
L'Association des maires de France et toute association départementale des maires qui lui est affiliée dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans peuvent
par les mots :
Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, de défendre et représenter les intérêts matériels et moraux des élus locaux peut
et le mot :
municipal
par le mot :
local
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
M. Patrick Kanner. - Contrairement au nôtre qui n'en mentionnait aucune, l'amendement de la rapporteure et du Gouvernement cite les trois grandes associations. Nous pensions qu'il aurait été plus simple de viser toutes les associations d'élus, pour éviter toute concurrence. Cela dit, l'amendement de la commission va dans le bon sens, et nous le voterons.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par M. Delcros, Mme Vermeillet et MM. Canévet et Détraigne.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
L'Association des maires de France et toute association départementale des maires qui lui
par les mots :
Les associations nationales représentatives des maires ainsi que toute association départementale qui leur
M. Bernard Delcros. - Cet amendement permet à l'association des maires ruraux de France (AMRF) de se constituer partie civile. Je me rallie toutefois à celui de la commission, plus large.
Mme la présidente. - Amendement identique n°7 rectifié bis, présenté par Mme Noël, M. Laménie, Mme Thomas, M. Perrin, Mme Muller-Bronn, MM. Pointereau, Rietmann, Paccaud, Houpert, B. Fournier, Anglars, Bascher, Regnard et Savin, Mmes Richer et Joseph, M. Chatillon, Mmes Drexler, Micouleau et F. Gerbaud, MM. Paul, Joyandet et Pellevat, Mme Puissat, M. Rapin, Mme Dumont, M. Bouchet, Mme Estrosi Sassone, M. J.B. Blanc, Mme Lopez, M. Belin, Mme Belrhiti, M. Lefèvre et Mme Raimond-Pavero.
M. Marc Laménie. - Il est défendu.
L'amendement identique n°9 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°10 rectifié quater, présenté par M. Mizzon, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Maurey, Mme Guidez, M. Kern, Mme N. Goulet, MM. Louault, Bonnecarrère, Laugier, Masson, Bonneau, Calvet et Saury, Mmes Gatel et Saint-Pé, M. Henno, Mme Billon, MM. J.M. Arnaud, Duffourg, Cigolotti et Frassa et Mmes Dindar, Gacquerre, Herzog et Chain-Larché.
M. Jean-Marie Mizzon. - Défendu.
L'amendement identique n°11 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°12 rectifié ter, présenté par MM. Menonville, Wattebled, Guerriau, Decool et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue et A. Marc.
M. Dany Wattebled. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°14, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. - La notion de « personne vivant habituellement à son domicile » est vague et propice aux manipulations. Sans cela, j'aurais volontiers voté l'amendement de Mme Di Folco. Je lui préfère donc celui-ci.
L'amendement identique n°15 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°16, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. - Nous avons tous rappelé, avec force et sincérité, les expériences vécues dans nos départements et la difficulté à être élu local. Sans opposer personne, nous redisons que l'agression d'un édile, quel qu'il soit, est indigne.
L'amendement de la commission fera sans doute consensus. Attention toutefois à ce que l'agression contre un édile ne justifie pas telle ou telle structure. Attention également à distinguer ce qui relève de la justice de ce qui relève du débat démocratique, parfois virulent.
Mme la présidente. - Amendement identique n°18, présenté par Mme Havet.
Mme Nadège Havet. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 3, première phrase
supprimer les mots :
qui lui est affiliée
Mme Nathalie Goulet. - Je ne souhaitais qu'étendre le dispositif. Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 3
Après le mot :
outrage,
insérer les mots :
outrage sexiste,
M. Guy Benarroche. - Nous incluons l'outrage sexiste à la liste des agressions commises sur les élus.
Le sexisme perdure en politique. Lundi dernier, à la réunion des maires de la région PACA, sont montés à la tribune dix-sept hommes et deux femmes...
Il faut offrir toutes les garanties de protection aux élues victimes d'agression. Selon le réseau Élues locales, en 2021, 74 % des élues locales subissent des comportements et des remarques sexistes. Le cybersexisme explose et dissuade des femmes de s'engager. Les élues qui souhaitent engager des poursuites doivent être accompagnées.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°23 du Gouvernement, identique au mien puisqu'il s'agit d'une coconstruction. Je demande le retrait des autres amendements, qui sont dès lors satisfaits.
Monsieur Benarroche, nous avons choisi de ne pas énumérer les infractions pour que la rédaction soit la plus large possible. Pourquoi viser les outrages sexistes plutôt que d'autres formes d'outrages ? Demande de retrait de l'amendement n 13, sinon avis défavorable.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Je salue l'esprit de responsabilité des sénateurs et la collaboration avec le Gouvernement. Monsieur Kanner, la mention de l'AMF ne crée pas de rupture d'égalité, puisqu'elle est déjà citée dans la loi du 15 juin 2000. L'AMRF pourra bien se constituer partie civile. Demande de retrait de l'amendement n°4 ainsi que des amendements identiques, satisfaits par les amendements nos19 et 23. Demande de retrait également de l'amendement n°13.
Mme Nathalie Delattre. - Je salue l'AMF, l'ADF et Régions de France qui ont travaillé avec moi sur cette proposition de loi. Nous l'avons améliorée avec la commission et avec le Gouvernement, c'est tout le sens des espaces réservés aux groupes.
Je salue la coconstruction avec le Gouvernement et l'élégance de Mme la rapporteure, qui m'a demandé mon avis avant de soumettre son amendement. J'approuve ces améliorations et j'espère qu'elles seront portées avec la même conviction sur les bancs de l'Assemblée nationale, pour que justice soit rendue à nos élus. Je vous invite à voter les amendements identiques nos19 et 23.
M. Patrick Kanner. - La proposition de loi de Mme Delattre visait les élus locaux ; l'amendement de la rapporteure étend la protection aux membres du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Parlement européen. N'oubliez pas le Conseil économique, social et environnemental (Cese) !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Ses membres ne sont pas élus !
M. Patrick Kanner. - Il y a aussi les membres du Conseil de l'Europe...
Mme Mélanie Vogel. - Voici un échantillon des propos qui me sont adressés quotidiennement sur les réseaux : « grosse pute », « pute woke », « retourne à la cuisine, connasse islamo-gaucho », « laïcarde de Lesbos », « ferme ta gueule, écologiste de merde », « vos têtes seront sur des piquets », et autres du même acabit. Voilà ce qu'on subit quand on est une femme en politique. C'est un problème démocratique, car cela conduit beaucoup d'élues - déjà minoritaires - à s'autocensurer et à disparaître des réseaux sociaux pour se protéger.
Il y a bien un outrage spécifique, fruit de la domination patriarcale. C'est pourquoi je vous demande de voter l'amendement n°13.
M. Marc Laménie. - Je me rallierai à l'amendement de la rapporteure. Je comprends l'amendement n°13 de M. Benarroche. En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je confirme que c'est un sujet d'actualité. Toutefois, les conseils municipaux, départementaux et régionaux évoluent, tout comme le Sénat : la place des femmes augmente et on y trouve des élues de grande qualité (marques d'amusement sur plusieurs travées ; Mmes Françoise Gatel et Nathalie Delattre applaudissent), même si l'égalité complète n'est pas atteinte.
Je salue le travail de concertation accompli. Ceux qui critiquent les élus parlent sans savoir. (« Bravo » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
Mme Cécile Cukierman. - Gare aux énumérations, qui nous font basculer dans les excès. (M. Philippe Bas approuve.) Je partage votre indignation, madame Vogel, mais face aux propos que vous avez cités, il y a deux réponses. La première est le combat politique : quand on va au combat, on donne des coups, et on accepte d'en recevoir. La deuxième est de considérer ces insultes comme une attaque personnelle, et de porter plainte. Mais on ne peut alterner l'une et l'autre selon ce qui nous arrange !
M. François-Noël Buffet. - Très bien !
Mme Cécile Cukierman. - Oui, il est difficile de faire de la politique dans une société fracturée où la violence n'a jamais été aussi forte.
Tous autant que nous sommes, nous gérons la violence que nous subissons. Ce qui affectera certains sera un non-évènement pour d'autres.
J'ai aussi mon histoire - j'ai souffert surtout d'avoir été une jeune sénatrice, plus que d'être une femme.
Sachons raison garder : la justice est là pour sanctionner les attaques personnelles. En revanche, l'arène démocratique est ouverte pour ce qui relève du combat politique. Menons ces combats sans renoncer à nos idéaux. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, SER et CRCE.)
Mme Françoise Gatel. - Ce débat est important. Je félicite Cécile Cukierman pour son intervention passionnée, mais très juste. Chacun de nous pourrait citer les propos haineux et inacceptables qui nous sont adressés sur les réseaux sociaux. Les choses sont ainsi et relèvent plus de la dérive des réseaux sociaux que d'autre chose.
Cela dit, restons sur le sujet de l'outrage : il peut être sexiste, mais aussi racial. (Mme Cécile Cukierman approuve, tout comme M. le garde des sceaux.) La rédaction générique de Mme la rapporteure apporte une réponse à chacun. Nous pouvons aussi porter plainte pour diffamation.
Enfin, cher Patrick Kanner, nous ne sommes pas d'accord sur l'émission de M. Hanouna. Quand on est provocateur et qu'on cherche les coups, on en reçoit. On ne peut pas comparer cet épisode avec ce qui est arrivé au maire de Signes ou à d'autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
Mme Lana Tetuanui. - L'article 3 rend la proposition de loi applicable aux collectivités du Pacifique, ce que je salue.
En revanche, madame la rapporteure et monsieur le ministre, vous mentionnez l'Assemblée de Corse dans votre amendement. Quid de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de Nouvelle-Calédonie et de l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame la sénatrice, votre inquiétude est légitime, mais nous n'avons pas oublié d'élus. Soyez assurée qu'il n'y a aucune exclusion.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'ajout a été fait à la suggestion de Régions de France, car l'Assemblée de Corse est une spécificité. La mention des « élus territoriaux » englobe bien les territoires du Pacifique. Faites-nous confiance !
L'amendement n°4 est retiré, ainsi que les amendements identiques nos5 rectifié bis, 7 rectifié bis, 10 rectifié quater, 12 rectifié ter, 16 et 18.
L'amendement n°6 est retiré.
Les amendements identiques nos19 et 23 sont adoptés.
Les amendements nos14 et 13 n'ont plus d'objet.
L'article premier, modifié, est adopté.
APRÈS ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Bilhac.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 85 du code de procédure pénale, après le mot : « délit », sont insérés les mots : « sur une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, ».
M. Éric Gold. - Les élus sont souvent seuls face à une violence grandissante, à des menaces et à des intimidations qui peuvent viser aussi leur famille.
Cet amendement reprend un article de ma proposition de loi de 2019 visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif. Je propose d'ajouter une dérogation à l'article 85 du code de procédure pénale pour permettre aux victimes d'ouvrir une instruction sans délai.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - La constitution de partie civile n'est possible qu'en cas de refus d'engager des poursuites ou après trois mois. N'allons pas au-delà, au risque de faire des élus des victimes à part. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - En outre, votre amendement nous ferait perdre en réactivité et en rapidité. J'ai donné des directives pour que les infractions contre les élus soient traitées très rapidement. Mettre immédiatement l'instruction en branle, c'est ajouter de la lourdeur. En cas de flagrance, les constatations immédiates ne prennent que quelques heures.
S'il y a constitution de partie civile, il faut une consignation et la désignation d'un juge d'instruction, avec un risque de disparition de la preuve. La répression ne sera ni rapide ni fluide. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Bilhac.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 465-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en va de même lorsque la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission. »
M. Éric Gold. - Il s'agit de nuancer le principe de l'aménagement des peines en s'assurant qu'une peine d'emprisonnement donne bien lieu à un mandat de dépôt.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement est satisfait dans l'esprit par l'article 397-4 du code de procédure pénale. Ne revenons pas sur le principe de l'aménagement des peines inférieures à un an. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - « Obligatoire » et « mandat de dépôt » sont des concepts qui ne vont pas ensemble. Le tribunal correctionnel peut décerner un mandat de dépôt s'il prononce une peine de prison d'un an ou plus, ou en cas de récidive ; pour une peine de six mois ou plus, il peut décerner un mandat de dépôt à effet différé. Aller au-delà serait déraisonnable et, comme la raison est notre boussole, je vous propose le retrait de votre amendement.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Bilhac.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article 395 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas d'infraction sur une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, le procureur de la République, par dérogation à l'article 40-1, est tenu de traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal lorsque les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article sont remplies. Il en va de même en cas d'infraction commise sur le conjoint, un enfant, un parent, un frère ou une soeur d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou sur une personne investie d'un mandat électif public si l'infraction était motivée par cette qualité. »
M. Éric Gold. - Nous demandons la comparution immédiate du prévenu en cas d'infraction commise sur une personne dépositaire de l'autorité publique ou sur un membre de sa famille. Pourquoi le parquet disposerait-il d'une marge de manoeuvre, alors que le garde des sceaux, dans sa circulaire du 7 septembre 2020 a voulu une réponse pénale immédiate et systématique ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Cet amendement nuirait à la qualité de la réponse pénale. Pour une réponse rapide, la circulaire du garde des sceaux reste la meilleure solution. Avis défavorable.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La circulaire suffit. Contraindre de la sorte le procureur de la République serait excessif. Demande de retrait, ou avis défavorable.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°20, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.
Supprimer cet article.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Coordination.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Favorable.
M. Jean-Marc Boyer. - La réponse de la justice face aux agressions n'est pas assez rapide : six mois, un an, deux ans... Les exemples sont trop nombreux. Des consignes doivent être données aux procureurs pour que les choses aillent plus vite.
L'amendement n°20 est adopté et l'article 2 est supprimé.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression
par les mots :
assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression
L'amendement de coordination n°22, accepté par la commission, est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Mme la présidente. - Amendement n°21, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.
1° Après le mot :
permettre
insérer les mots :
aux assemblées d'élus et
2° Remplacer les mots :
un édile
par les mots :
une personne investie d'un mandat électif public
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Nous mettons l'intitulé de la proposition de loi en adéquation avec la réécriture du texte.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis favorable.
Nous nous sommes tous félicités du travail commun du Sénat et du Gouvernement. Au-delà des divergences politiques (M. le garde des sceaux se tourne vers Mme Cécile Cukierman), certains compromis transpartisans existent.
Sachez que certains tribunaux ont choisi de dédier des personnels aux élus, avec des lignes téléphoniques et des mails particuliers. Les réunions entre élus et magistrats sont très utiles. Pour autant, il reste des lacunes : j'ai l'exemple d'un maire qui a accepté l'installation d'un centre pénitentiaire sur sa commune et qui n'avait jamais rencontré le procureur.
N'hésitez pas m'interpeller, car la Chancellerie est ouverte aux élus. Lors du prochain salon des maires, pour la première fois, il y aura un stand justice. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Les élus sont la République, nous devons veiller sur eux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE et du RDPI)
L'amendement n°22 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
Interventions sur l'ensemble
Mme Nathalie Delattre . - Je remercie les collègues qui ont participé à la rédaction de cette proposition de loi. Merci pour ce travail très constructif. Nous comptons sur vous, monsieur le garde des sceaux et madame la ministre, pour parrainer ce texte devant l'Assemblée nationale, afin qu'il entre en vigueur au plus vite.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. - Vous pouvez compter sur nous, nous y veillerons.
Mme Françoise Gatel . - Nous vivons dans une société nerveuse et agressive. Toute personne porteuse d'une autorité peut être agressée.
Je me souviens du jour du décès du maire de Signes : quel choc de comprendre qu'un élu pouvait mourir dans l'exercice ordinaire de ses fonctions ! À l'époque, j'avais écrit au ministère. Monsieur le garde des sceaux, vous avez répondu en prenant des circulaires et en envoyant une fiche de suivi à la délégation aux collectivités territoriales. Je vous invite, chers collègues, à faire des demandes similaires pour chacun de vos départements.
Je salue votre action. Il y a maintenant un dialogue normal entre les procureurs et les maires. Les associations d'élus aussi se mobilisent, car les élus doivent être préparés à l'exercice de leur mandat et à de potentielles agressions.
Mme Nathalie Goulet . - Que de progrès accomplis depuis 2018 : le rapport de Philippe Bas, la loi Engagement et proximité, les engagements du ministre... Nous menons un travail dans la durée, qui suppose à la fois de s'attaquer à la question de la violence dans notre société et de réaliser un travail de prévention.
Cette proposition de loi va rassurer les élus, premier échelon de notre démocratie, dans la poursuite de leur mandat.
M. Dany Wattebled . - Nécessité fait loi. Malheureusement, cette proposition de loi est nécessaire, et je tiens à remercier Mme Delattre, le groupe RDSE, ainsi que la commission pour ses apports.
Les chiffres ahurissants de la violence à l'encontre des élus ont été rappelés. Maires et adjoints sont en première ligne. Leur courage nous invite au respect. La question de la traduction des prévenus est centrale. Pour soutenir les élus, avec M. Decool, nous avons organisé des réunions dans nos territoires, en coopération avec la préfecture, les procureurs, les gendarmes, les commissariats. Nous voterons cette proposition de loi.
M. Jean-Marie Mizzon . - Je remercie moi aussi Mme Delattre. Mais le plus beau des textes ne produira pas d'effets sans moyens adéquats. Au Gouvernement de poursuivre notre action. Monsieur le garde des sceaux, les maires sont très nombreux à ne pas connaître les procureurs, fort occupés et peu nombreux.
M. Guy Benarroche . - Une telle proposition de loi est nécessaire, face à la montée de la violence dans notre société. La bienveillance y devient aléatoire, à l'égard des élus, des migrants... Les réseaux sociaux sont en partie responsables. Toute avancée en faveur des victimes est bienvenue.
J'ai toutefois exprimé des réserves quant à l'hyperspécialisation de la justice : nous ne pouvons légiférer pour des catégories de personnes. Pour autant, il faut protéger les élus de la Nation. Nous voterons donc cette proposition de loi, malgré une dernière réserve : l'élargissement du périmètre à toute personne vivant sous le même toit est aléatoire.
À la demande du RDSE, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°53 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 344 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Magnifique !
Modalités d'incarcération ou de libération
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi a tout d'un texte aride, strictement juridique et procédural, qui ne soulèvera pas les foules... (Sourires) Mais il s'agit de réparer un rouage essentiel de notre institution judiciaire.
En effet, l'article 367 du code de procédure pénale a fait l'objet d'une réécriture par l'article 6 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.
Cet article 367 est difficile à lire pour qui n'est pas juriste. Dans sa rédaction issue de la loi de 2021, il prévoit tout d'abord qu'une personne condamnée par une cour d'assises à une autre peine que la prison n'est évidemment pas incarcérée, tout comme une personne condamnée à une peine de prison déjà couverte par la durée de sa détention provisoire. Il prévoit ensuite qu'une personne condamnée à plus de dix ans de prison, qu'elle soit détenue ou non au moment de la décision, sera immédiatement incarcérée à la suite du jugement. Il prévoit enfin qu'une personne condamnée à moins de dix ans de prison, si elle n'est pas détenue au moment du jugement pourra se voir délivrer un mandat de dépôt directement par la cour d'assises et ainsi être incarcérée dès le jour du jugement.
Mais un cas a été oublié : celui d'une personne détenue au jour du jugement et condamnée à une peine de prison de moins de dix ans. Ce détail a échappé aux députés, aux sénateurs, au Gouvernement... C'est un article d'un journal satirique du mercredi, Le Canard enchaîné, du 27 avril 2022, qui m'a mis la puce à l'oreille. (Sourires)
Cette malfaçon peut avoir des conséquences fâcheuses, comme la libération d'un condamné. Le RDSE prône certes la liberté, mais dans certains cas elle n'est pas possible. (Sourires)
Le Gouvernement a réagi et publié un décret le 25 février 2022. Mais l'article 34 de la Constitution est clair : c'est la loi qui fixe la procédure pénale. Or le RDSE est toujours soucieux du respect de la Constitution...
Je vous propose d'adopter cette proposition de loi que la rapporteure Maryse Carrère a simplifiée et améliorée.
Mais le véritable sujet est celui de l'inflation législative et de la surcharge du calendrier parlementaire, avec une procédure accélérée systématique. Qui se souvient encore que le délai normal entre l'examen en commission et celui en séance publique n'est pas d'une, mais bien de deux semaines ? La dérogation est devenue la norme, et c'est ainsi que cette malfaçon a pu survenir.
Nous examinons trop de textes, trop longs, dans des délais trop courts : j'espère que nous n'aurons pas à nous réunir trop souvent pour ce genre de correction. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER ; Mme Marie Mercier et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi porte sur un sujet technique : les règles d'incarcération d'un accusé condamné par la cour d'assises dans l'attente d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.
Elle vise à clarifier une malfaçon à l'article 367 du code de procédure pénale, qui s'est produite à l'occasion du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté comme rédactionnel au projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, et passé inaperçu au Sénat.
Depuis 2011, l'article 367 prévoyait que l'arrêt de condamnation de la cour d'assises valait titre de détention. Sans qu'il soit nécessaire d'éditer un mandat de dépôt, le condamné était incarcéré à l'issue de l'audience, sauf si sa peine était inférieure à la durée de la détention provisoire déjà effectuée.
Le législateur de 2021 a voulu assouplir ce dispositif pour tenir compte de la situation des personnes qui comparaissent libres. Il a donc prévu que l'incarcération ne serait plus automatique. En revanche, dans l'hypothèse où l'accusé comparaît détenu, le principe selon lequel l'arrêt vaut détention prévaut. Mais la modification introduite à l'Assemblée nationale a restreint ce cas de figure à la seule peine criminelle. Plus rien n'est prévu pour une peine correctionnelle inférieure à dix ans d'emprisonnement, ce qui peut donc conduire à libérer un accusé condamné à une peine de prison ferme... loin de l'intention du législateur ! Il semblerait fort heureusement qu'aucune libération inopportune ni aucun contentieux ne soient nés de cette malfaçon. (M. le garde des sceaux le confirme.)
Un décret du 25 février dernier a reprécisé les règles applicables, mais il est juridiquement fragile car la procédure pénale relève du domaine de la loi. Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi, modifiée en accord avec l'auteur et qui j'espère sera rapidement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Deux amendements ont été adoptés, d'une part pour adopter une rédaction plus concise et éviter toute redondance avec le décret, d'autre part pour prévoir son application outre-mer.
J'espère que cette proposition de loi sera largement adoptée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; Mme Agnès Canayer et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . - La procédure de jugement des crimes par la cour d'assises présente une importance particulière en raison de la gravité des faits, mais aussi des conséquences de ces décisions pour les justiciables. Cette procédure doit être juste.
La loi du 22 décembre 2021, que j'ai eu l'honneur de porter en coconstruction avec le Sénat, a modifié les règles relatives au jugement des crimes devant la cour d'assises, pour rendre les règles plus cohérentes, revoir la composition de la cour, simplifier les audiences, renforcer le rôle du jury populaire et individualiser les sanctions.
Par ma profession et mon expérience, je suis attaché au respect de la souveraineté populaire du jury. Le président de la cour d'assises expose désormais les éléments à charge et à décharge tels qu'ils résultent de l'information. Les règles relatives à l'incarcération du prévenu ont été modifiées, afin de renforcer l'individualisation des décisions de la cour.
L'incarcération d'une personne comparaissant libre était auparavant automatique, y compris pour une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement, et avant un appel et un pourvoi en cassation.
Désormais, si l'accusé est libre et est condamné à une peine d'un ou deux ans, la cour doit décider si elle décerne ou non un mandat de dépôt. L'incarcération de l'accusé comparaissant libre, souvent plusieurs années après les faits, est-elle nécessaire, si par exemple il a respecté son contrôle judiciaire ? La cour peut ainsi apprécier au cas par cas.
À la suite de modifications apportées pendant la discussion parlementaire, le texte adopté comportait une ambiguïté, et ne traitait plus le cas des personnes condamnées à une peine de prison.
Un décret est venu lever cette ambiguïté : dans ce cas, l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention. Il est pertinent que cette ambiguïté soit levée par la loi, bien évidemment.
Je remercie le président Requier, que je pensais alerté par les professionnels de la cour d'assises, pour sa lecture d'un hebdomadaire que nous sommes nombreux à consulter. (Sourires) Je le remercie de sa vigilance. Je salue également le travail d'amélioration rédactionnelle de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du RDPE, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue la vigilance aiguë du président Requier. Malgré sa technicité, le sujet est important. Je n'entrerai pas dans les détails décrits avec virtuosité par l'auteur et par la rapporteure.
M. Philippe Bas. - C'est une chance !
M. Jean-Yves Roux. - La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a modifié l'article 367 du code de procédure pénale pour préciser les conditions d'incarcération ou de libération des personnes jugées par les cours d'assises. Étaient ainsi indiquées les conditions dans lesquelles l'arrêt de la cour d'assises valait titre de détention ; mais par un oubli rédactionnel, le cas des accusés déjà en détention au moment de leur comparution et condamnés à une peine de prison inférieure à dix ans n'était pas traité. Il a donc fallu reformuler une partie de cet article pour que la cour d'assises puisse décerner un mandat de dépôt dans ces cas précis.
Je salue la rédaction adoptée par la commission des lois, plus simple et plus lisible. Inspirée par le décret du 25 février 2022, elle s'y substitue, car il était à craindre que ce dispositif ne respecte pas la répartition entre la loi et le règlement réglée par les articles 34 et 37 de la Constitution.
Il est nécessaire que ce texte arrive rapidement à l'Assemblée nationale. Nous sommes ici confrontés à une conséquence des lois bavardes et parfois redondantes que nous devons souvent examiner trop rapidement.
Cela me rappelle le cas de la proposition de loi sur l'élection des juges consulaires : c'est la vigilance du Sénat, grâce à Mme Goulet, qui là aussi s'était exercée.
Le groupe RDSE votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Surprenant ! (Sourires)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mes chers collègues...
M. Philippe Bas. - Très bien ! (Sourires)
Mme Agnès Canayer. - Si la loi n'a pas tous les droits, comme le rappelle Mireille Delmas-Marty, elle possède néanmoins une utilité et une place certaines au sein du droit. Celui-ci a besoin d'une loi claire, ce dont le législateur a la responsabilité. La proposition de loi de M. Requier corrige une malfaçon introduite à l'Assemblée nationale dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, dont M. Bonnecarrère et moi-même étions rapporteurs.
Cette loi n'avait pas prévu la situation dans laquelle un prévenu comparaissant détenu était condamné à une peine correctionnelle, ce qui aurait rendu possible sa libération à l'issue du jugement le condamnant...
Le décret pris par le Gouvernement pour y remédier peut être salué, mais, en vertu de l'article 34 de la Constitution, seule une disposition législative pouvait résoudre la lacune de manière pérenne.
La proposition de loi reprend l'esprit du décret, mais avec une recherche de concision et de simplification. La rapporteure, Mme Carrère, a donc fait adopter un amendement en ce sens.
Félicitons-nous de remédier à cette carence, mais interrogeons-nous sur les raisons de nous réunir à une heure tardive pour réparer les trous dans la raquette, souvent la conséquence d'une absence de véritable étude d'impact. C'est lors de leur application qu'apparaissent ces malfaçons.
La justice pénale est une illustration de la complexification des lois, des codes, de l'inflation législative, que nous dénonçons depuis des années. Lorsque la loi devient bavarde, l'essentiel disparaît au profit de l'accessoire. (M. le garde des sceaux approuve.) La simplification de la procédure pénale reste un serpent de mer, encore évoqué par les états généraux de la justice : le code pénal, entre 2008 et 2022, est passé de 1 722 à 2 403 articles.
Cette réforme est d'autant plus nécessaire que les délais de jugement des crimes atteignent près de cinquante mois.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
M. Pierre-Jean Verzelen . - En 2021, sur 32 000 affaires suivies par des juges d'instruction, la cour d'assises a rendu 1 700 arrêts, pour 2 800 auteurs. Les affaires portées devant la cour d'assises sont minoritaires, mais elles sont les plus graves. La procédure doit donc être irréprochable.
Par souci de simplification, une loi de 2011 prévoyait que l'arrêt de la cour d'assises valait mandat de détention, sans qu'il soit besoin d'un mandat de dépôt. La loi de décembre dernier, qui voulait y apporter une nuance, a omis le cas où l'accusé détenu au moment de l'arrêt est condamné à une peine inférieure à dix ans.
Le décret du 25 février a remédié à cet oubli, mais selon l'article 34 de la Constitution, les règles de procédure pénale doivent être fixées par la loi. D'où cette proposition de loi qui reprend le décret.
C'est nécessaire, car la loi pénale doit être précise et prévisible, et dans une démocratie, le lien de confiance entre justice et société est indispensable. Il serait inconcevable de remettre en liberté un prévenu condamné ! (M. le garde des sceaux approuve.)
La rédaction simplifiée par la commission complète bien le décret, et la disposition en prévoyant l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna est légitime.
Le groupe INDEP votera unanimement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Guy Benarroche . - Je remercie l'auteur de ce texte, à l'heure de la concentration des médias, de contribuer à la survie de la presse indépendante en la lisant... (Sourires)
Voici un texte qui n'a d'anodin que la simplicité de son objectif : corriger une malfaçon. Il illustre en effet deux proverbes rabâchés : l'enfer est pavé de bonnes intentions, et il ne faut pas confondre vitesse et précipitation...
Dans la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, le législateur a voulu mettre en oeuvre une recommandation d'un rapport de 2008 en simplifiant les modalités d'incarcération. Vous connaissez ma méfiance envers le terme de simplification, qui sert parfois de prétexte à la mise à l'écart d'un juge ou à une restriction des droits de la défense.
Mais ici, la simplification ne pouvait que faire l'unanimité. Et pourtant, sa mise en oeuvre a été entachée d'une erreur rédactionnelle. Or errare humanum est, sed perseverare diabolicum. L'erreur est humaine, mais persévérer est plus problématique...
M. Philippe Bas. - Merci pour la traduction ! (Sourires)
M. Guy Benarroche. - Le Gouvernement a publié un décret pour y remédier. Mais comment pouvait-on croire que la situation serait clarifiée par un simple décret ? Vous nous en avez donné les raisons, monsieur le ministre (M. le garde des sceaux le confirme), mais les règles de la loi pénale doivent être fixées par la loi et par les représentants du peuple. Toute l'acceptabilité du droit pénal trouve ses racines dans la loi, puis dans le fait d'être jugé par ses pairs via un jury populaire. Au passage, ce principe est mis à mal par la généralisation des cours criminelles départementales, objet d'un rapport de Maryse Carrère et moi-même.
Je sais combien le Président de la République et le Gouvernement sont friands des ordonnances, sur lesquelles notre assemblée exerce une vigilance justifiée, mais la procédure pénale relève bien de la loi. J'en profite pour inviter le Gouvernement à se concentrer sur la rapide publication des décrets d'application des textes qu'il fait voter...
Concernant celui-ci, afin d'éviter tout recours, le groupe RDSE a porté dans sa niche ce texte que nous allons voter pour réparer l'erreur et la tentative de réparation inadaptée du Gouvernement.
Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Le président Requier a rappelé l'objectif de cette proposition de loi : corriger la malfaçon issue de la loi du 22 décembre 2021, qui laissait un vide pour les accusés comparaissant détenus et condamnés à une peine d'emprisonnement ferme. Un décret est venu remédier à cette incongruité.
La commission des lois a retenu une rédaction plus concise, avec une application étendue à Wallis-et-Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. Le RDPI votera cette proposition de loi.
Voilà une nouvelle preuve que le législateur n'est pas infaillible. Je suis intervenu, en tant que rapporteur, sur une proposition de loi palliant une malfaçon de la loi Pacte sur l'élection des juges consulaires. Nouvel exemple des limites de la procédure accélérée et de la propension à légiférer dans l'urgence...
Peut-être, au demeurant, serait-il opportun de regrouper dans un même texte toutes ces corrections.
Nonobstant cette malfaçon, je tiens à souligner les avancées de la loi sur la confiance dans l'institution judiciaire : procès filmés, durée de l'enquête préliminaire limitée à deux ans et généralisation des cours criminelles au 1er janvier 2023 notamment. Je suis conscient des réticences que cette dernière mesure inspire, et suis moi-même très attaché aux jurys populaires.
Mais cette quatrième réforme des cours d'assises en vingt ans a d'ores et déjà fait baisser le taux d'appel, réduit les délais d'audiencement et évité que certains crimes sexuels ne soient correctionnalisés. Les jurys populaires demeureront au sein des cours d'assises traditionnelles, pour les crimes passibles d'au moins vingt ans de réclusion criminelle et les procédures d'appel.
Ajoutons que sans moyens en magistrats, en personnel juridique et en locaux, l'utilité de cette réforme serait relative sinon nulle. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie à mon tour le président Requier, qui a su repérer judicieusement - grâce à un canard ou à un conseiller juridique, je ne sais... (Sourires) - un dysfonctionnement dans notre droit. Sur un plan constitutionnel, cela a été rappelé, la détermination des peines relève du domaine de la loi.
Or il n'y a pas de disposition législative suffisante pour le cas précis d'un accusé comparaissant détenu et condamné à une peine d'emprisonnement ferme.
Le décret palliatif pris par le Gouvernement a été repris par cette proposition de loi. Il s'agit d'une question de forme plus que de fond ; de respecter à la lettre notre Constitution.
La situation nous contraint en effet à un débat qui n'en est pas un, car personne ne remet en cause la distinction entre la loi et le règlement. La privation de la liberté d'aller et venir ne relève que de la loi, n'en déplaise aux amateurs d'ordonnances et de décrets.
Lors de nos débats sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, nous n'avions pas relevé cette malfaçon, peut-être par manque de temps. Cela tient à la généralisation de la procédure accélérée, dite jadis procédure d'urgence, qui pourtant ne devait être qu'exceptionnelle. La révision constitutionnelle de 2008 de Nicolas Sarkozy cherchait en réalité à affaiblir le Parlement en abrégeant le débat parlementaire. Cette procédure a aussi été utilisée par des Gouvernements auxquels j'ai appartenu... mea culpa.
Emmanuel Macron, en 2017, en a même fait un argument de campagne, en déclarant que la procédure accélérée devrait devenir la procédure par défaut. Promesse tenue... Pourtant, avec une large majorité à l'Assemblée nationale et tous les instruments du parlementarisme rationalisé, Emmanuel Macron n'en avait pas le besoin.
En l'espèce, le temps nous a manqué, si bien que nous devons prendre du temps pour y remédier...
Ne confondons par l'urgence et l'empressement : la qualité de nos travaux en pâtit. Comme le disait Guy Carcassonne, pour faire de bonnes lois, on n'a pas inventé mieux que le Parlement, à condition de lui laisser le temps de travailler... (Mme Françoise Gatel apprécie la référence.)
Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)
Mme Cécile Cukierman . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) J'irai à l'essentiel. La précision apportée par la proposition de loi est intéressante, car elle clarifie l'article 367 du code de procédure pénale, jusqu'ici lacunaire.
Le groupe CRCE s'était opposé à la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Si nous comprenons la pertinence d'un mandat de dépôt pour les cas les plus graves, notre groupe, par cohérence avec son positionnement contre cette loi et contre la surpopulation carcérale - je vous renvoie à la récente proposition de loi d'Éliane Assassi sur ce sujet - s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Agnès Canayer applaudit également.) Le Parlement a voté, en 2011, la simplification des modalités d'incarcération des accusés jugés en cour d'assises. L'arrêt de la cour d'assises valait ainsi titre de détention. En 2021, le législateur a prévu une exception pour l'accusé comparaissant libre et condamné à une peine correctionnelle, mais la modification a introduit une erreur rédactionnelle.
En effet, l'article 367 du code de procédure pénale ignore l'hypothèse d'un accusé comparaissant détenu mais condamné à une peine inférieure à dix ans. Il était donc nécessaire d'adapter le droit : le décret pris en février dernier a tenté de clarifier les règles.
Cependant, si le décret pare au plus pressé, la procédure pénale relève de la loi. Il fallait donc ce texte pour corriger la malfaçon législative en précisant les mesures applicables à l'accusé comparaissant détenu et condamné à une peine de prison ferme.
Les amendements de la rapporteure simplifient la rédaction pour éviter la redondance avec la partie réglementaire du code, qui aurait pu prêter à confusion.
Enfin, le texte sera applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, territoires concernés par le principe de spécialité législative.
Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, et du RDSE ; MM. Guy Benarroche, Thani Mohamed Soilihi, Mme Agnès Canayer et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements)
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 novembre 2022, à 15 heures.
La séance est levée à minuit quinze.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 16 novembre 2022
Séance publique
À 15 h, à 16 h 30, le soir, et, éventuellement, la nuit
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente,
Secrétaires : Mme Esther Benbassa - M. Daniel Gremillet
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 (n°113, 2022-2023) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)