Droits de l'enfant

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant, à la demande du RDPI.

Discussion générale

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi .  - Je reconnais une certaine émotion : trop longtemps, nous avons refusé de voir les enfants comme des sujets de droit à part entière. La délégation aux droits de l'enfant que ce texte propose de créer est attendue depuis plus de vingt ans.

Je remercie les associations et les personnalités engagées qui nous soutiennent et nous regardent aujourd'hui.

Je me réjouis de la récente création d'une telle délégation à l'Assemblée nationale, mais il n'est pas question ici de mimétisme. Avec plusieurs collègues sur tous les bancs, nous avons créé en 2018 un groupe informel sur ce sujet. J'avais demandé, en 2020, la création d'un groupe d'étude à la commission des affaires sociales, mais la présidente l'avait refusé.

En février 2003, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une proposition de loi tendant à la création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant, présentée par Jacques Barrot, président du groupe UMP de l'époque, mais ce texte n'a jamais été examiné par le Sénat. Entre 2009 et 2019, Mmes Garriaud-Maylam, Doineau et Assassi ont aussi proposé la création d'une telle délégation. Cette idée rassemble, traversant les travées et le temps.

La proposition de loi que je vous propose est cosignée par des sénateurs de tous les groupes. On pourrait penser que cet arc républicain assurerait à lui seul le succès du texte, mais les choses ne sont jamais aussi simples au Sénat... J'entends les appels de Mme la rapporteure à rationaliser le nombre de délégations et de groupes d'étude - d'autant plus que ces arguments ne changent pas depuis vingt ans. Pourtant, hormis l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et la délégation aux droits des femmes, prévus par la loi, nous avons créé pas moins de cinq délégations depuis 2007 : délégation parlementaire au renseignement, puis en 2009 délégations aux collectivités et à la prospective, en 2011 délégation aux outre-mer et en 2014, délégation aux entreprises. Mais ce n'est jamais le moment pour la délégation aux droits des enfants !

Oui, nous avons déjà beaucoup travaillé sur l'enfance, mais il faut cesser de travailler en silo et mener un travail transversal. Ce n'est pas une proposition de loi symbolique. La création d'une délégation serait bien sûr un signal fort pour le monde de l'enfance, et son refus montrerait la Chambre haute sous un jour catastrophique. Mais l'enjeu est ailleurs : les délégations mènent un travail de fond, pour mieux légiférer.

Les départements sont en outre chefs de file dans ce domaine. Le Sénat, chambre des territoires, doit s'emparer de cette politique décentralisée. La délégation aux droits des femmes effectue un travail remarquable. (Mme Laurence Rossignol le confirme.)

Il y a trente ans, la France ratifiait la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Les enfants ne sont pas que des petits êtres que nous devons protéger, ce sont des sujets de droit à part entière. Depuis, beaucoup a été fait : loi de 2002 sur l'autorité parentale, loi Bas de 2007, loi Rossignol de 2016, loi de 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires.

Malgré tout, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, 70 % des jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sortent sans diplôme, les enfants sont les victimes directes ou indirectes des violences intrafamiliales ou encore de l'inceste, 500 enfants de moins de six mois sont victimes chaque année du syndrome du bébé secoué, avec des séquelles irréversibles, 50 000 enfants sont victimes de violences physiques et psychologiques chaque année et 100 000 enfants ne sont pas scolarisés. Les envies suicidaires ont augmenté de 20 % depuis la crise sanitaire, et le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 18-25 ans.

Les enfants sont la proie d'agresseurs sur les réseaux sociaux, ils sont confrontés à la malnutrition et à l'obésité. L'inclusion des 400 000 enfants handicapés permet de vraies réussites, mais n'est jamais un long fleuve tranquille. Nous avons tous été sensibilisés au problème des enlèvements parentaux. Les mineurs non accompagnés sont un défi pour les départements. Un chiffre glaçant, enfin : tous les cinq jours, un enfant est tué par l'un de ses parents, selon l'Unicef.

La question des droits de l'enfant est transversale, mais chaque commission la traite séparément. Voilà vingt ans que cette délégation est attendue par tous. Parce que l'enfant doit être au coeur de notre société, et parce que le Sénat ne peut se détourner de cette politique décentralisée, faisons, ensemble, le choix de donner un cadre parlementaire à cette cause.

Parce que je sais que vous aspirez tous, ce soir, en rentrant dans votre circonscription, à avoir fait quelque chose d'utile, et parce que les droits de l'enfant ne sont pas mineurs, je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois .  - Juin 2022, rapport d'information sur la lutte contre l'obésité ; juin 2021, audition de Jean-Marc Sauvé sur les violences contre les enfants dans l'église ; septembre 2021, audition d'Adrien Taquet ; mai 2021, proposition de loi sur le protoxyde d'azote ; février 2020, stratégie de protection de l'enfance ; février 2022, proposition de loi sur le harcèlement scolaire ; juillet 2022, audition de Claire Hédon ; octobre 2021, proposition de loi sur l'adoption ; janvier 2021, ratification de l'ordonnance sur le code de justice pénale des mineurs ; juin 2020, proposition de loi sur les violences conjugales ; début 2020, cycle d'auditions sur le code de justice pénale des mineurs. Ces travaux ont rassemblé les commissions des affaires sociales, des lois et des affaires économiques.

J'en viens aux travaux de la délégation aux droits des femmes : septembre 2022, rapport d'information sur les industries de la pornographie ; juin 2022, table ronde sur la régulation de l'accès aux contenus pornographiques en ligne ; avril 2022, table ronde sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques ; décembre 2021, audition de M. Adrien Taquet ; novembre 2021, table ronde sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan ; novembre 2021, audition de Mme Catherine Champrenault et de M. Gilles Charbonnier, magistrats ; novembre 2020, audition de M. Adrien Taquet ; juillet 2020, rapport d'information sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille.

Enfin, les commissions permanentes ont procédé à bien des travaux en commun : septembre 2022, prévenir la délinquance des mineurs et éviter la récidive ; septembre 2021, mineurs non accompagnés, jeunes en errance ; février 2020, signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs.

Voici la liste fastidieuse, mais non exhaustive, des travaux du Sénat en lien avec l'enfance. Il y a trois ans, Éliane Assassi avait présenté une proposition de loi similaire à celle-ci ; déjà, la commission des lois - dont j'étais rapporteur - avait émis un avis défavorable et avait été suivie par le Sénat.

Je maintiens cet avis défavorable, sans qu'il faille l'interpréter comme un signal défavorable à la lutte pour les droits des enfants.

M. Xavier Iacovelli.  - C'est raté !

Mme Laurence Rossignol.  - Assumez !

Mme Muriel Jourda, rapporteur - L'absence de délégation ne nous empêche pas de travailler de manière transversale. Bientôt, les délégations aux droits des femmes et aux outre-mer se pencheront sur la parentalité outre-mer. Je ne pense pas, comme Clemenceau, que le meilleur moyen d'enterrer un problème soit de créer une commission ; mais cette délégation, dépourvue de rôle législatif, ne résoudra pas les problèmes.

Mme Laurence Rossignol.  - Et les autres délégations ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Si nous n'en avons pas besoin pour travailler sur l'enfance, y compris de façon transversale, à quoi servira cette délégation ?

Mme Laurence Rossignol et M. Michel Dagbert.  - Supprimez toutes les délégations, dans ce cas !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il ne s'agit que d'organiser différemment nos travaux - l'avis de sagesse qu'avait émis le Gouvernement lors de la précédente demande l'illustre. Le rapport rendu par Roger Karoutchi et Alain Richard en 2015 sur l'organisation du travail parlementaire avait appelé à l'arrêt de la polysynodie, c'est-à-dire à la fin de la création de multiples instances...

Mme Laurence Rossignol.  - Ta ta ta !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il avait été déposé sur le Bureau du Sénat. C'est d'ailleurs la conférence des présidents qui a décidé de créer cette délégation à l'Assemblée nationale.

Mme Laurence Rossignol.  - Et donc ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - J'invite donc ceux qui le souhaitent à s'adresser au Bureau du Sénat.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce serait plus démocratique ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Voilà qui remettrait le débat à sa place. Il ne s'agit pas des enfants, mais de l'organisation de notre travail. Le Sénat reste un soutien indéfectible de la cause des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance .  - (Applaudissements sur quelques travées du RDPI) Avant tout, je salue l'engagement sans faille de Xavier Iacovelli (M. Michel Dagbert applaudit) et remercie les auteurs de cette proposition de loi.

Beaucoup a été fait lors du précédent quinquennat, avec comme point d'orgue la loi de février 2022, et beaucoup a été fait dans votre assemblée. Mais les chiffres, et particulièrement le dernier révélé par l'Unicef, sont terribles et nous rappellent à la réalité : malgré les moyens et les acteurs engagés, des départements aux associations, les droits fondamentaux des enfants sont fragiles - sécurité, santé, logement, éducation - et ne sont pas assurés.

Nous devons, inlassablement, débattre et agir. Pour chaque politique publique, il faut intégrer les droits de l'enfant. L'ONU, l'an prochain, évaluera la France au regard de la convention internationale des droits de l'enfant. Le pays des droits de l'homme et des droits des femmes doit montrer qu'il est aussi celui des droits des enfants.

Le Président de la République a fait de l'enfance un sujet prioritaire du nouveau quinquennat. Au premier comité interministériel de l'enfance, autour de la Première ministre, les ministres concernés ont déterminé cinq chantiers prioritaires et quarante mesures, que je coordonnerai.

La première est la lutte contre les violences : Gérald Darmanin créera un officier de police judiciaire spécialisé et Éric Dupond-Moretti émettra une circulaire de politique pénale.

Il y a aussi la santé mentale des enfants, sur laquelle les présidents des départements font remonter leurs préoccupations. Le ministre de la santé a lancé hier des assises de la santé des enfants et de la pédiatrie, qui définiront au printemps des orientations très attendues.

Le numérique, enfin : nos enfants doivent être protégés sur internet. La loi Studer sur le contrôle parental sera bientôt effective et accompagnée d'une campagne de communication.

Au-delà, il faut renforcer notre action aux côtés des départements, pour faciliter l'accès des enfants handicapés aux dispositifs de droit commun. Cela passe par un accompagnement financier et un renforcement de la coordination des services de l'État, avec les préfets.

La loi de février 2022 autorise l'expérimentation de comités départementaux de la protection de l'enfance, réunissant l'ensemble des services déconcentrés. J'y crois beaucoup, pour améliorer l'offre, les contrôles et la qualité du parcours des enfants. Mes échanges avec les élus confirment mon souhait de débuter l'expérimentation dès janvier.

Je constate l'intérêt des parlementaires. L'Assemblée nationale a créé, en septembre, une délégation : j'ai salué cette initiative. Aucun ministre n'a le monopole de l'enfant, aucune instance parlementaire non plus. Les commissions des affaires sociales, des lois, ou encore de la culture et de l'éducation sont concernées.

J'ai à coeur de faire de l'enfance l'affaire de tous et de placer les politiques à hauteur d'enfant. Votre délégation aux droits des femmes joue un rôle précieux, et je m'appuie sur ses travaux sur la pornographie.

Cependant, créer une délégation relève de l'organisation interne du Parlement : je ne puis que m'en remettre à votre sagesse.

Je confirme ma volonté de travailler avec chacun, quelle que soit l'issue du vote. Je sais que nous sommes tous pleinement engagés sur le sujet de l'avenir de nos enfants, qui doit nous rassembler. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe CRCE ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

Mme Mélanie Vogel .  - La question est simple : une délégation aux droits de l'enfant est-elle utile ou ne servirait-elle à rien ? (Mme Corinne Imbert et M. Bernard Bonne le contestent.)

Le GEST considère qu'elle serait utile. C'est une demande de longue date des associations. C'est que la situation des droits de l'enfant, en France, n'est pas glorieuse : inceste, sport, handicap, pénal... Tant de sujets doivent être vus du point de vue de l'enfant.

Ainsi, 60 000 enfants par an - deux par classe - sont victimes d'inceste. Nous ne savons pas traiter ce phénomène massif, et le nombre ne diminue pas, parce qu'on ne part jamais du point de vue des enfants victimes. Pourquoi ne parlent-ils pas ? On ne prend pas en compte le contexte. La réponse pénale ne suffit pas, hélas. La prison n'empêche ni l'inceste ni la récidive. On gère l'existant, les victimes brisées, les violeurs.

Nous ne pourrons construire de politique publique satisfaisante sans prendre en compte  le point de vue des enfants : c'est ce que permet une délégation, via un travail d'information, d'enquête et de recherche, au-delà du travail législatif.

Pourtant, la Commission des lois s'y oppose, au motif que la délégation aux droits des femmes traite déjà le sujet... Mais tous les enfants ne sont pas de futures femmes, et il n'y a pas que des femmes qui ont des enfants. En outre, les travaux, éparpillés entre commissions, ne bénéficient pas d'une vision d'ensemble.

Il ne faudrait pas multiplier les délégations, dites-vous. Le Sénat a pourtant créé, en 2014, une délégation aux entreprises : risquaient-elles, plus que les enfants, d'être l'angle mort de nos politiques publiques ? (MM. François Patriat et Michel Dagbert applaudissent.)

Alors que l'Assemblée nationale s'est dotée d'une délégation aux droits de l'enfant, montrons que le Sénat n'est pas, perpétuellement, opposé à toute avancée sociale ! (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER, CRCE, du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP) Cette proposition de loi dresse le constat, largement partagé, que beaucoup de défis restent à relever pour assurer le respect des droits de l'enfant. Dès 2003, l'Assemblée nationale a adopté, sans qu'elle prospère, une proposition de loi de Jacques Barrot et de Dominique Paillé. Plus récemment, en 2019, le Sénat rejetait la proposition de loi du groupe CRCE, estimant déjà se saisir pleinement de ces sujets.

Si la position de la commission des lois n'a pas changé, le contexte politique n'est plus le même. Mme la ministre a rappelé les mesures prises par le Gouvernement. Je fais mien le constat d'Unicef France sur la persistance des inégalités, notamment dans les quartiers de la politique de la ville et dans les territoires d'outre-mer, qui empêchent bien des enfants d'avoir accès à la santé et à l'éducation.

Une délégation pourra mener des travaux approfondis ou transversaux sur des questions abordées de façon parcellaire - je pense à la santé mentale ou à la pauvreté infantile. Elle apporte de la visibilité aux travaux du Sénat ; en témoigne l'écho des récents rapports de la délégation aux droits des femmes.

Elle faciliterait les échanges avec l'Assemblée nationale et le Parlement européen, et améliorerait le suivi de l'application des lois, tout en alimentant la réflexion du Gouvernement.

Ces arguments ont présidé à la création d'une délégation à l'Assemblée nationale. Inscrivons cette initiative dans la loi : le groupe RDPI votera naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Véronique Guillotin, Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.) « La fragmentation des compétences illustre le caractère transversal de la question de l'égalité des droits. Elle peut entraîner un défaut préjudiciable à une vision globale. L'examen de textes successifs par différentes commissions peut ne pas pleinement permettre d'intégrer l'objectif d'égalité entre les sexes ». Voilà ce que disait la commission des lois en 1999, lors de la création de la délégation aux droits des femmes - par une proposition de loi, et non une décision du Bureau ! La commission des lois varie parfois...

Que voulez-vous démontrer, madame la rapporteure ? Que le Sénat examine les textes qui lui sont soumis, voire en propose ? C'est bien le moins ! Vous avez cité les rapports de la délégation aux droits des femmes, mais sachez que celle-ci aimerait bien ne plus être chargée, aussi, des droits des enfants. Y compris en délégation, les femmes méritent de s'émanciper de la charge mentale des enfants ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

La Société des Nations, qui a adopté la déclaration de Genève sur les droits de l'enfant il y a 98 ans, serait effarée par les propos entendus ici... (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

Je ne suis pas née de la dernière pluie, et j'ai compris depuis longtemps que les débats de forme cachent des questions de fond. (Applaudissements sur travées du groupe SER et du RDPI) Il ne s'agit pas ici de l'organisation de nos travaux mais de la façon de traiter des droits de l'enfant.

Savez-vous ce que sont les droits de l'enfant ? Ce sont d'abord ses besoins, et les politiques publiques qui garantissent son bon développement, social et individuel. Créer une délégation aux droits de l'enfant, c'est affirmer la cohérence d'une stratégie décloisonnée, dans le respect de ses droits et de ses besoins. C'est nous doter d'une capacité d'expertise, et anticiper pour s'adapter aux transformations familiales - je sais que celles-ci électrisent cette assemblée, mais elles existent, il nous revient de les accompagner et garantir qu'elles respectent l'égalité des membres de la famille et les droits de l'enfant.

Créer cette délégation, c'est décloisonner les politiques publiques, aujourd'hui sectionnées entre l'éducation, la famille, le sport et la santé. Or le développement multidimensionnel d'un enfant, c'est la combinaison de différentes sphères de vie. On aimerait tellement que seule la famille ait la main sur son développement, mais ce n'est pas le cas ! Il y a aussi la ville, la nature, les loisirs, le sport, la culture, la citoyenneté... La protection contre les violences sexistes et sexuelles, contre les écrans, contre la pauvreté, c'est aussi la politique des droits de l'enfant.

Voilà le mouvement que nous, sénatrices et sénateurs modernes, entendons accompagner. Le Parlement est le chaînon manquant entre les associations et les politiques publiques. C'est bien la première fois que j'entends que le Parlement doit se dessaisir d'un sujet ! Non, nous voulons une délégation aux droits de l'enfant. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI ; Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme Laurence Cohen .  - « L'enfant a le droit au respect de sa dignité et de son amour-propre, au respect pour chaque minute qui passe », comme l'écrivait Janusz Korczak, inspirateur de la Convention des droits de l'enfant.

Le groupe CRCE s'inscrit dans cette vision. Rappelons que c'est notre proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat, qui a donné lieu à la loi du 9 avril 1996 faisant du 20 novembre la Journée nationale des droits de l'enfant.

Nous soutenons la proposition de loi de Xavier Iacovelli, en espérant qu'elle ne subira pas le même sort que celle de notre groupe, rejetée le 20 novembre 2019.

En France, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté - c'était 16 % il y a vingt ans. Ils sont des milliers à vivre dans la rue. Les inégalités en matière de santé, de logement, d'accès à l'éducation et aux loisirs demeurent. Les enfants étrangers, nés en France ou arrivés seuls ou avec leurs parents, sont dans une situation particulièrement précaires - placés dans des centres de rétention, expulsés avec leurs parents... Que fait l'État pour ces mineurs installés dans un campement à Ivry, qui manifestent devant le Conseil d'État ? Nous ne sommes pas dans la France de Zola : réveillons-nous, c'est inhumain !

La révision de la justice pénale des mineurs, entrée en vigueur, le 30 septembre 2021, remet gravement en cause l'ordonnance de 1945. Un enfant est un enfant.

Le Parlement doit être à l'initiative d'une veille et d'un contrôle assidu du respect des droits de l'enfant. Violences intrafamiliales, agressions sexuelles, incestes : montrons la détermination du Sénat. L'Assemblée nationale a agi fort à propos. Examiner des textes avec le travail spécifique d'une délégation ne peut être qu'un plus. La délégation aux droits des femmes, par exemple, apporte une expertise sans empiéter sur les travaux des commissions.

Je ne partage donc pas les propos de la rapporteure : c'est fuir ses responsabilités et donner une image rétrograde du Sénat. (Plusieurs applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI) La France, pays des droits de l'homme, doit se montrer sur ce point exemplaire. Une délégation aux droits de l'enfant serait un signal fort. J'espère que nos collègues hésitants nous suivrons dans le vote de cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Après ces présentations passionnées, nous voyons que nous illustrons les rédactions de notre enfance sur le thème du coeur et de la raison... Nous venons d'entendre la voix du coeur, il y a aussi une voix de la raison. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Nous ne sommes que des femmes, dominées par l'émotion !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Incroyable...

M. Philippe Bonnecarrère.  - La défense des droits de l'enfant ne fait aucunement débat, de près ou de loin, sur nos bancs.

Mme Laurence Rossignol.  - Il n'y a jamais de débat.

M. Philippe Bonnecarrère.  - La préoccupation est la même, il n'y a pas de débat entre conservateurs et modernistes. (Applaudissements et « bravo » sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Laurence Cohen.  - Si !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Reste à savoir comment on traite les sujets pour avoir l'action publique la plus efficace. Deux options : flécher une délégation spécifique ou considérer que l'organisation parlementaire est déjà adaptée. Les deux points de vue se valent. Mme Vogel a parlé d'éparpillement - j'allais parler d'émiettement, car si vous créez une délégation sur chaque sujet transversal, vous êtes bien dans cet émiettement de l'action parlementaire ! Entre les débats dans l'hémicycle, le suivi des commissions et des délégations, nous courons tous après notre agenda. Il y a des limites à l'exercice.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Supprimons la délégation à la prospective...

M. Philippe Bonnecarrère.  - La multiplication des délégations n'est pas la réponse.

Je me méfie de l'effet d'affichage. Mme Cohen a conclu son propos en disant qu'il fallait envoyer des signaux. Multiplier les signaux, les journées mondiales de ceci ou de cela ne me semble pas pertinent : ce sont des logiques d'émotion et de communication.

M. Xavier Iacovelli.  - Vous ne m'avez pas écouté.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cela rejoint l'inscription de toutes les normes juridiques dans notre Constitution. Gare aux abus. Même si certains membres de notre groupe sont sensibles à l'idée...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est l'émotion !

Mme Laurence Rossignol.  - Sans doute des femmes...

M. Philippe Bonnecarrère.  - ... la majorité du groupe UC ne votera pas cette proposition de loi.

Dans leur rapport sur les méthodes de travail du Sénat, MM. Karoutchi et Richard invitaient à éviter la dispersion des sénateurs et la polysynodie des structures du Sénat.

Notre assemblée travaille beaucoup et conduit un contrôle soutenu sur les sujets les plus variés. M. Théophile plaidait pour un meilleur suivi de l'application des lois - cela vaut pour tous les sujets que nous examinons.

Notre assemblée n'a pas à rougir de son travail continu, de sa capacité à assurer la transversalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, tandis que Mmes Laurence Rossignol et Laurence Cohen signalent que l'orateur a dépassé son temps de parole.)

Mme Esther Benbassa .  - La création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant se heurte une nouvelle fois au refus de la majorité de la commission des lois. Comme en 2019, vous justifiez votre rejet par des considérations sur le travail parlementaire.

Or nous avons été élus pour porter la voix de nos concitoyens et des collectivités. Les services de l'ASE sont saturés. En novembre 2021, un nourrisson de 13 mois a été battu à mort par ses parents malgré un signalement et une mesure de protection : ce drame aurait pu être évité.

L'inceste et la maltraitance se terminent trop souvent par des suicides ou des coups mortels. La responsabilité de l'État est immense.

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) signale des dysfonctionnements profonds de l'ASE. La Défenseure des droits s'est alarmée de la situation des mineurs placés dans le Nord et la Somme. Les juges des enfants alertent sur la non-exécution des placements et des mesures d'assistance éducative, avec des délais excédant six mois. Les enfants sont laissés pour compte, l'État largement désengagé, au point que la protection de l'enfance n'est plus assurée dans certains territoires. Selon la Fondation Abbé Pierre, un quart des personnes SDF sont d'anciens enfants placés.

Et vous voudriez nous faire croire qu'une délégation n'est pas pertinente ? De l'éducation à la santé, les enfants ont une part entière dans nos politiques publiques. La délégation serait une fenêtre ouverte aux enfants, un organe d'action et de propositions. Je voterai cette proposition de loi, dont je remercie les auteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - Lors de l'examen du projet de loi de finances, je pointais les difficultés des services d'aide à l'enfance, entre surcharge de travail et manque de personnel. Je rends hommage à ceux qui s'y dévouent.

Je salue l'initiative de Xavier Iacovelli. Certes, les objectifs poursuivis pourraient être atteints sans passer par la loi, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, mais à défaut de décision de la conférence des présidents, cette proposition de loi est l'occasion d'un débat.

Qui, dans cet hémicycle, n'est pas favorable à ce que nous portions une attention particulière aux droits de l'enfant ? Nous sommes unanimes sur le sujet. Je pense à la loi du 21 avril 2021 de Mme Billon visant à protéger les mineurs de l'inceste, qui marqué une avancée significative.

Le Sénat défend les droits et l'intégrité des enfants depuis longtemps - la rapporteure a dressé la liste, non exhaustive, de ses récents travaux. Toutefois, je ne suivrai pas l'avis de la commission. D'ailleurs, certains membres du RDSE ont cosigné la proposition de loi. Pourquoi ne pas structurer nos travaux au sein d'une délégation, plutôt que de s'éparpiller ?

Personne ne dira que les autres délégations sont inutiles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Quoique...

Mme Maryse Carrère.  - Ce sont des lieux de dialogue, d'analyse, de prospective. Leurs travaux, leur expertise nourrissent nos débats législatifs. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et des groupes SER et CRCE)

M. Bernard Bonne .  - À l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant le 20 novembre dernier, l'Unicef a publié des chiffres alarmants : en France, un enfant est tué tous les cinq jours par ses parents, et les appels de victimes ou les signalements de maltraitance ont progressé de 45 % depuis 2019.

Malgré des avancées, la France n'a pas réussi à éradiquer les violences contre les enfants et à faire respecter leurs droits. Trois millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Aux inégalités s'ajoutent des violences physiques et morales - harcèlement, maltraitance, pédophilie, exploitation sexuelle.

La situation est encore plus dramatique dans le monde : la guerre, la misère, le changement climatique menacent des millions d'enfants.

La Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989, ratifiée en août 1990 par la France, garantit les droits inaliénables des enfants - droit à une identité, à la santé, à l'éducation, droit de s'exprimer, d'être protégé, ou encore de jouer. Entre 2014 et 2022, trois protocoles ont complété cet instrument.

En 2003, une telle proposition de loi avait été adoptée par l'Assemblée nationale, sans prospérer. Celle-ci reprend un texte d'Éliane Assassi, rejeté en séance le 20 novembre 2019.

Je regrette l'absence de concertation au sein de la commission des affaires sociales avant le dépôt de la proposition de loi.

M. Xavier Iacovelli.  - On en parle depuis 2020 !

M. Bernard Bonne.  - Inutile de légiférer sur cette question : laissons le Bureau décider, c'est son rôle.

J'étais rapporteur de la loi du 8 février 2022 relative à la protection de l'enfance : nous avions constaté le manque d'efficience de cette politique et fait des propositions concrètes. Si le texte se limitait à l'ASE, tous les acteurs auditionnés avaient plaidé pour une veille pérenne et indépendante sur les politiques publiques en la matière.

Je comprends que ces associations demandent au Sénat de créer une telle délégation, après la décision de l'Assemblée nationale. Mais le Sénat a déjà traité l'essentiel des sujets sur lesquels cette délégation souhaite se pencher, à travers des travaux de ses différentes commissions permanentes ou de sa délégation aux droits des femmes. C'est bien via les commissions permanentes que le Sénat exerce son droit de contrôle et d'évaluation. La commission des affaires sociales doit se saisir tout particulièrement de ces questions. La Cnil et la Défenseure des droits alertent sur l'urgence à protéger les enfants des dangers du numérique. Pourquoi ne pas créer une mission d'information sur l'application des lois de 2007, 2016 et 2022 ? (Mme Laurence Rossignol signale que le temps de parole de l'orateur est écoulé.)

Une société qui ne protège pas ses enfants transige avec ses valeurs les plus fondamentales. (Mme Corinne Imbert applaudit.)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.) Au sein de cet hémicycle, notre intérêt pour les droits de l'enfant est unanime. Tous, nous voulons donner les moyens aux enfants de construire leur avenir. Tous, nous voulons les protéger des violences.

Malgré nos efforts, les défis restent considérables, notamment pour les enfants atteints de handicap ou les enfants migrants. C'est pourquoi l'initiative de Xavier Iacovelli mérite d'être saluée, et je remercie le groupe RDPI de l'avoir inscrite à l'ordre du jour.

M. Xavier Iacovelli.  - Merci !

Mme Colette Mélot.  - Ce texte vise à constituer une délégation parlementaire, de 36 membres, chargée du suivi de la politique de l'enfance et pouvant être saisie de projets ou de propositions de loi, sur demande du Bureau, d'une commission, d'un président de groupe ou sur sa propre initiative. Il prévoit aussi un rapport d'activité annuel, préconisant le cas échéant des améliorations législatives et réglementaires. Enfin, les délégations des deux chambres pourraient tenir des réunions communes.

En 2019, une initiative identique avait été repoussée. La création d'une délégation à l'Assemblée nationale le 13 septembre nous incite à revoir notre position de 2019. L'expertise des sénateurs serait utile, notamment à la lumière du rôle majeur que les collectivités territoriales jouent en faveur de l'enfance. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

Mme Michelle Meunier.  - Très bien.

Mme Colette Mélot.  - La délégation pourrait adopter une approche différente des commissions permanentes, en privilégiant une démarche transversale. Elle donnerait aussi de la visibilité aux droits de l'enfant. La majorité du groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Laurent Burgoa .  - Nous le savons : l'enfer est pavé de bonnes intentions. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

La création d'une délégation relève d'une décision du Bureau. La loi du 15 juin 2009 a supprimé pas moins de cinq délégations dans un souci de rationalisation des travaux parlementaires.

M. Xavier Iacovelli.  - Nous en avons recréé trois depuis...

M. Laurent Burgoa.  - Cette proposition est révélatrice de ce que pourrait devenir notre vie parlementaire.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous parlons d'enfants, là...

M. Laurent Burgoa.  - Nous ne manquons pas d'outils pour nous emparer des enjeux de notre société : propositions de loi, amendements, commissions d'enquête, rapports d'information. Plutôt que de discuter de la création d'une délégation, mieux vaut débattre de solutions concrètes à des difficultés précises. (Protestations à gauche)

M. Xavier Iacovelli.  - Nous sommes dans notre espace réservé !

M. Laurent Burgoa.  - Les auteurs de la proposition de loi se donnent le beau rôle. Mais ce travail transversal existe déjà - je songe au rapport d'information conjoint des commissions des lois et des affaires sociales sur les mineurs non accompagnés, qui comportait de nombreuses propositions. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.) Évitons l'émiettement. Le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat avait recommandé, en 2015, d'éviter une division trop importante de notre champ de travail.

En créant cette délégation, on se ferait plaisir, on communiquerait, mais rien ne changerait. Or les Français attendent des traductions concrètes dans leur quotidien. Ils sont las de voir que le travail parlementaire n'est pas repris par le Gouvernement. C'est parfois difficile à vivre, dans l'opposition, mais j'espère que l'exécutif entendra raison...

Je plaide pour un Sénat qui soit force de propositions, plutôt que de se renfermer sur lui-même. (M. Xavier Iacovelli proteste.) À multiplier les comités Théodule, nous perdrions en souplesse. La grande majorité du groupe Les Républicains votera contre ce texte.

Mme Laurence Rossignol.  - Il y en a donc quelques-uns qui voteront pour !

M. Laurent Burgoa.  - Ce n'est pas un vote contre les droits des enfants.

M. Xavier Iacovelli.  - De l'enfant !

M. Laurent Burgoa.  - Ne transformez pas notre point de vue en une position caricaturale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion de l'article unique

Mme Véronique Guillotin .  - Les délégations sénatoriales aux droits des femmes, aux entreprises, aux collectivités territoriales, ont été jugées utiles. Les droits de l'enfant ne mériteraient-ils pas une délégation ? Les travaux égrenés par la rapporteure montrent l'intérêt du Sénat pour le sujet, tout comme le plaidoyer de Bernard Bonne. Si cette proposition de loi peut lever un frein, je la voterai, et incite tous ceux qui veulent s'emparer de sujets sociétaux à faire de même. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE)

M. Hussein Bourgi .  - À chaque débat sociétal - mariage pour tous, adoption, PMA - la majorité sénatoriale a invoqué l'intérêt supérieur de l'enfant. Je regrette l'absence de ses membres en séance. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

Ce serait faire injure à la commission des affaires économiques de prétendre que personne ne se penchait sur les entreprises ou la prospective avant la création des délégations dédiées... (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI) Ce n'est pas parce que des travaux ont déjà lieu qu'il est interdit de créer une délégation !

Rendez-vous est pris : dans quelques mois ou quelques années, un membre de la majorité sénatoriale reprendra cette proposition à son compte pour réparer l'erreur que nous allons peut-être commettre. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme Michelle Meunier .  - Je voterai cette proposition de loi avec enthousiasme. Sur le terrain, dans nos territoires, nous saluons la coopération, le travail commun, le regard croisé des acteurs de l'enfance ; c'est souvent l'occasion de citer le proverbe africain : « Il faut tout un village pour élever un enfant. »

Je regrette vivement que notre Haute Assemblée rate à nouveau ce rendez-vous. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

M. Olivier Cadic .  - Nouvellement élu au Sénat, j'avais interrogé la secrétaire d'État à la famille, Laurence Rossignol, sur le petit Bastien, mort dans le lave-linge familial. Ce drame bouleversant mettait en lumière les carences de notre système. Il existe beaucoup d'autres Bastien et nous peinons à recenser tous les infanticides.

La maltraitance dépasse les frontières ; à l'étranger, les familles françaises échappent parfois à la protection de l'enfance. Certains enfants perdent tout contact avec l'un des parents -  je vous renvoie au travail de Richard Yung sur les enfants franco-japonais. Les consulats, faute de moyens, ne peuvent jouer le rôle de l'ASE, même si l'aide aux victimes de violences familiales se développe.

C'est à sa capacité à protéger les plus faibles que l'on reconnaît une société civilisée. Une délégation aux droits de l'enfant s'impose. Je remercie M. Iacovelli de son initiative et d'avoir cité la proposition de Mme Garriaud-Maylam. Je voterai ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. Xavier Iacovelli .  - Je remercie tous ceux qui ont soutenu cette proposition de loi et souscris à leurs propos.

Certains ont parlé, avec mépris, de texte « d'affichage », de proposition « de coeur ». Non, c'est une proposition de raison. La liste des travaux énumérés par la rapporteure montre que nous avons besoin de coordonner nos travaux et de privilégier la transversalité. Inutile de dénaturer nos initiatives avec mépris pour tenter de dissimuler votre malaise !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ne parlez pas pour nous !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Il n'y avait aucun mépris dans mes propos.

M. Xavier Iacovelli.  - On m'a aussi parlé de temporalité. Certains s'alarment de la création d'une délégation, à l'initiative de l'opposition, à neuf mois des sénatoriales...

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Qui a dit ça ?

M. Xavier Iacovelli.  - Si c'est ce qui vous inquiète, engageons-nous pour octobre ou novembre 2023 ! La question des droits de l'enfant n'est pas une question partisane. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

M. Bonne préférerait un groupe de travail au sein de la commission des affaires sociales ? Je l'ai demandé en 2020, il m'a été refusé !

J'espère que les consignes de vote transmises par chacun seront respectées, car j'ai reçu des soutiens dans tous les groupes, y compris de la majorité. J'invite chacun à voter cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Laurence Rossignol .  - Les représentants de majorité sénatoriale nous invitent à parler non des droits de l'enfant mais du fonctionnement de nos travaux. Soit.

À la fin de la discussion générale, nous étions 34 en séance, dont 29 sénateurs favorables à cette proposition de loi. Six des huit groupes y sont favorables, un groupe est partagé, un groupe est majoritairement hostile. Et pourtant, notre système de scrutin public va sans doute aboutir au rejet du texte... Puisque nous parlons du fonctionnement de nos travaux, voilà un beau sujet ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI)

Mme Nassimah Dindar .  - Je suis, pour ma part, très favorable à cette proposition de loi, que je voterai. Les départements attendent que nous travaillions sur ce sujet. L'université de La Réunion a organisé, avec le conseil départemental et les associations de la zone océan Indien, un colloque sur les droits de l'enfant. Les chiffres sont alarmants, de la scolarité aux grossesses précoces.

Cher Xavier Iacovelli, il n'y a pas de mépris de la part de mes collègues du groupe UC. J'ai eu des discussions nourries avec eux ; beaucoup sont préoccupés par la forme, c'est pourquoi ils s'abstiendront ou voteront contre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Je remercie Mme Dindar, j'allais tenir un propos similaire. Certains ont parlé de mépris de la majorité sénatoriale.

M. Xavier Iacovelli.  - Non, de certains orateurs !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je ne peux pas entendre ce reproche adressé à la majorité sénatoriale.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous n'étiez pas là !

M. Xavier Iacovelli.  - Écoutez les discours, c'était bien du mépris !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je ne peux pas entendre que la forme cacherait le fond...

Mme Laurence Rossignol.  - Je le maintiens.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - ... que la majorité se désintéresserait de la protection des enfants...

Mme Laurence Rossignol.  - Regardez les travées de la majorité !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Les nombreux travaux de la commission des lois ont été rappelés. Le dernier en date, sur les agressions sexuelles contre les mineurs, marque une grande avancée dans la défense des enfants.

Mme Laurence Rossignol.  - Pourquoi êtes-vous sur la défensive ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je ne suis pas sur la défensive, mais je n'aime pas les procès d'intention. (M. Laurent Burgoa renchérit.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Regardez vos travées !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le véhicule n'était pas le bon, mais, sur le fond, la discussion est ouverte.

M. Xavier Iacovelli.  - Prenez un engagement !

À la demande du groupe Les Républicains, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 97 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 153
Contre 178

L'article unique n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 13 h 15.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 16 heures.