Adaptation au droit de l'Union européenne(Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

Demande de priorité

M. le président.  - Conformément à l'article 44, alinéa 6, du Règlement, le Gouvernement demande l'examen par priorité des articles 20, 23 et 24 au début de la discussion des articles.

La priorité, acceptée par la commission, est ordonnée.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le droit français s'enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres de l'Union européenne. Un cadre européen unifié protège nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens.

Le projet de loi transpose et met en oeuvre des directives et règlements adoptés ces trois dernières années, et procède à des mises en conformité avec le droit européen. Il aborde des sujets variés.

Au-delà de l'attractivité de l'épargne-retraite et du contrôle du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle (PEPP), le Gouvernement vous proposera, à l'article 2, de définir les règles et le régime du sous-compte français de ce produit pour le rendre effectif au regard du droit de l'Union européenne, et ainsi préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Je défendrai aussi, à l'article 5, un amendement sur le régime pilote des infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT), c'est-à-dire de la blockchain. Le règlement européen sur le régime pilote entrera en application en mars 2023. Ce régime sera mis en place pour trois ans, renouvelables une fois. Pour la première fois, un texte d'application directe autorise certains acteurs de marché à déroger à la réglementation de droit commun. La France s'est battue pour obtenir ce régime d'expérimentation à taille industrielle des usages de la blockchain dans le domaine des instruments financiers. La place de Paris pourrait devenir celle de la mise en oeuvre du régime pilote, et en tirer un avantage comparatif.

Le Gouvernement vous proposera de faire entrer les titres nominatifs dans le périmètre d'application du règlement, et de modifier la réglementation pour organiser la répartition des compétences entre autorités nationales et européennes.

L'article 8 a fait débat -  ce qui honore le Parlement -, mais les orientations politiques européennes sont fixées. Leur mise en oeuvre opérationnelle requiert un laborieux travail technique, sur des dizaines de pages de code. Il s'agit d'être ambitieux en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings. L'habilitation est donc nécessaire. Le Gouvernement s'engage à mener ce travail en pleine association avec les parlementaires qui le souhaiteront.

L'article 12 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 17 avril 2019 sur l'accessibilité des produits et services - tels que les sites internet, les billetteries, les services bancaires, les livres numériques, etc. La France a été mise en demeure, et notre retard collectif sur l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap n'est pas acceptable. Un travail interministériel est déjà engagé. Cet article demande donc une habilitation de quatre mois ; les écritures législatives seront intégrées par amendement au cours de la navette.

L'article 14 porte notamment sur le congé parental d'éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et de proche aidant.

L'article 23 ratifie des ordonnances sur la surveillance du marché des dispositifs médicaux et de diagnostic in vitro. Votre commission des affaires sociales a travaillé à l'amélioration des outils contre les risques de rupture et les éventuelles sanctions.

Enfin, je note que les dispositions sur les transports ont mobilisé la Chambre haute, tout comme celles sur la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, vitale pour nos agriculteurs.

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre commission s'est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.

Ainsi, l'article 12 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 17 avril 2019. Les premiers jalons de l'exigence d'accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. La directive étend cette exigence à un plus grand nombre de produits et d'acteurs économiques, à compter du 28 juin 2025.

La technicité et la nécessaire harmonisation des réglementations dans des secteurs variés justifient l'habilitation. Le retard pris sur l'accessibilité physique nous invite à être attentifs au calendrier.

La commission a approuvé l'article 14 sur les congés familiaux, qui traduit la directive du 20 juin 2019 sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. À l'issue d'un congé de paternité, d'un congé parental ou de présence parentale, le salarié conservera les avantages acquis avant. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l'ancienneté d'un an requise pour le congé parental d'éducation sera comptabilisée à partir de la date de demande du congé, et non de la naissance.

La commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l'entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.

La commission a aussi adopté les articles 15 et 16 qui adaptent le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles. L'employeur devra transmettre quinze types d'informations aux salariés sous 7 à 30 jours. La directive ne laisse presque aucune marge au législateur national.

J'attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité que ces démarches supplémentaires imposées aux employeurs soient simples : TPE et PME devront être accompagnées, avec des documents types.

Nous approuvons la suppression de la fixation par les branches de périodes d'essai plus longues que la durée légale, ainsi que le renforcement de l'information des salariés en CDD ou en intérim sur les CDI à pourvoir au sein de l'entreprise.

L'exclusion des salariés employés par chèque emploi service ou relevant du guichet unique du spectacle occasionnel nous semble justifiée.

Sur la santé, la commission prend acte de l'article 19, qui traduit l'arrêt Vanderborght de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) concernant la publicité dans le champ de la santé. L'enjeu est celui de l'effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.

L'article 20, sur les denrées alimentaires destinées à des fins médicales, transcrit en droit français la dénomination européenne, et établit une distinction selon les risques présentés. La commission a entendu encadrer plus strictement la délivrance et renforcer le contrôle médical. Le Gouvernement a également modifié le mode de distribution, en l'ouvrant à la pharmacie d'officine. Face aux inquiétudes des patients, je souhaite qu'il apporte des garanties sur les capacités de distribution des spécialités et sur le maintien des conditions de prise en charge.

L'article 21 adapte notre dispositif de déclaration de la composition des mélanges dangereux au système européen de déclaration unique, créé en application du règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP) de 2008. Celui-ci dispense les industriels de remplir une déclaration par pays, mais le portail qu'il prévoit remplace notre portail national, qui renseigne les centres antipoison.

L'article 22 adapte le droit français au paquet « médicaments vétérinaires » adopté en janvier 2019. Il ratifie l'ordonnance du 23 mars 2022 et tire les conséquences de la répartition des compétences entre l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de protection des populations (DDPD).

L'article 23 adapte le droit national aux règlements européens sur les dispositifs médicaux et dispositifs de diagnostic in vitro, en ratifiant deux ordonnances de 2022 et en insérant des dispositions sur le pouvoir de sanction de l'administration des douanes. Cela améliorera la sécurité et la transparence. La commission a toutefois ajouté des dispositions contre les pénuries et les ruptures.

Enfin l'article 24 prévoit une pénalité pour les officines n'assurant pas la sérialisation des médicaments, obligation européenne depuis février 2019, mais respectée par à peine 50 % des officines, contre 80 % en moyenne en Europe. La France est sous la menace d'une sanction européenne de 300 millions à 400 millions d'euros. L'article reprend un dispositif censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre du PLFSS, en prévoyant cette fois-ci une pénalité forfaitaire.

Je vous invite à adopter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de nos commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Hervé Maurey et Stéphane Artano applaudissent également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires économiques s'est vue déléguer deux articles agricoles, plus techniques que politiques. Ainsi, l'article 30 corrige une incohérence sur les aides à l'installation des jeunes agriculteurs et l'article 31 ratifie huit ordonnances variées adaptant le code rural au droit de l'Union européenne.

L'article 30 rend sans équivoque la possibilité de décentralisation des aides à l'installation. En effet, l'ordonnance de janvier 2022 transfère les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC, ce que salue le Sénat.

La commission a adopté mon amendement demandant un bilan annuel de la politique de transmission et d'installation par région, consolidé à l'échelle nationale, qui nous prémunira contre le manque de lisibilité des aides, l'accroissement des disparités entre régions et le manque d'efficacité. L'État doit garder un oeil sur l'installation.

En outre, la condition d'une capacité professionnelle préalable -  en agronomie, biologie ou gestion des entreprises  - est maintenue, pour privilégier les installations viables aux projets mal ficelés. Alors que les agriculteurs doivent respecter un nombre croissant de règles, ne confondons pas vitesse et précipitation en laissant passer des installations sans formation.

Sur le fond, il est souhaitable de ratifier les huit ordonnances de l'article 31, dans un souci de sécurité juridique et parce qu'elles émanent de règlements européens d'application directe. La France est à l'initiative de plusieurs d'entre elles et en bénéficie, notamment pour la reconnaissance des produits de montagne. Les seules surtranspositions, sur les maladies animales et végétales, sont justifiées. Il faudra toutefois être vigilant sur le contrôle de l'application : ainsi, l'ordre des vétérinaires m'a signalé des pratiques d'optimisation.

Sur la forme, toutefois, nous ne sommes pas satisfaits, en raison du temps limité pour examiner ce Ddadue. Il ne ratifie pas moins de huit ordonnances, très disparates, quand la moyenne est de trois. Enfin, la ratification intervient cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication -  sous le précédent quinquennat, la moyenne était d'un an, un mois et sept jours. Certaines ordonnances datent de 2015, les textes européens qu'elles traduisent, de 2005 ! Un tel découplage est inédit. Nous travaillons à contretemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Patricia Schillinger et M. Frédéric Marchand applaudissent également.) La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable au projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements. Elle regrette les délais d'examen sur un texte certes technique, mais qui emporte des conséquences concrètes.

La commission a enrichi et complété la transposition de la directive « Eurovignette », pour relever l'ambition écologique du texte et accompagner le verdissement de la flotte, sachant que 99 % des poids lourds fonctionnent au diesel.

Le texte initial se cantonnait aux seuls péages des futures concessions autoroutières et ne prévoyait pas de mise en conformité avec l'ordonnance relative à l'instauration d'une taxe sur le transport routier de marchandises par la Collectivité européenne d'Alsace (CEA). Notre article 26 bis y remédie. Monsieur le ministre, une telle modification ne saurait passer par une ordonnance ; des ajustements pourront être apportés au cours de la navette si nécessaire.

À l'article 28, relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires, la commission a souhaité mieux garantir les droits des personnes handicapées et reporter la date d'application de certaines obligations pour ne pas créer d'inégalité entre voyageurs dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.

Enfin, la commission a souhaité ratifier une ordonnance de transposition de la directive relative aux installations de réception portuaires pour les déchets des navires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-François Longeot et Frédéric Marchand applaudissent également.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-François Rapin et Frédéric Marchand applaudissent également.) Ce nouveau projet de loi Ddadue nous parvient un an après le précédent, dans des délais contraints -  il a été déposé le 23 novembre. La commission des finances a délégation au fond sur neuf articles : les articles 1er à 8 et l'article 13.

Cinq d'entre eux sont des demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance, pour cause de retard pris par le Gouvernement dans la transposition de directives ou l'adaptation au droit européen.

Les articles 1, 2, 4, 5, 6 et 13, qui portent sur les domaines assurantiel, bancaire ou financier, sont essentiellement techniques. Deux amendements rédactionnels ont été adoptés en commission. L'article 3 corrige une suradaptation qui a conduit à appliquer à tout le secteur assuranciel l'obligation de publier des informations en matière de durabilité. Le Sénat avait pourtant supprimé l'article de la loi Énergie Climat transposant le règlement européen, estimant qu'il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement s'aperçoit aujourd'hui que le Sénat avait raison...

L'article 7 porte une demande d'habilitation pour transposer la directive du 24 novembre 2021 sur la communication d'informations relatives à l'impôt sur les sociétés. Je regrette l'absence de transposition en « dur », alors que le Gouvernement avait un an pour le faire. De surcroît, nous n'avons pas obtenu les informations demandées sur les obligations déclaratives des entreprises et sur la clause de sauvegarde. Je proposerai donc la suppression de l'article.

L'article 8 transpose la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) relative à la publication d'informations en matière de durabilité, qui n'a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière, et n'est toujours pas publiée au Journal officiel.

Le périmètre de la demande d'habilitation, démesuré et excédant largement celui de la directive, englobait toutes les obligations sociales et environnementales des entreprises. Nous l'avons donc restreint.

Enfin, l'encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) doit être renforcé, comme le montre la faillite de la société FTX. Nous proposerons de remplacer l'enregistrement par un agrément, plus exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Cyril Pellevat applaudit également.)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Les délais d'examen ont été particulièrement contraints. C'est un manque de respect vis-à-vis du Parlement, notamment pour un texte technique impliquant le temps de l'expertise.

La commission des lois a été saisie de six articles.

L'article 9 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 sur les fusions, scissions et opérations transfrontalières. Ces habilitations doivent rester l'exception. Compte tenu de l'existence d'un avant-projet et de l'échéance proche, la commission a réduit la durée de l'habilitation de six à trois mois.

Lorsque les représentants de salariés représentent plus de 30 % des membres de l'organe de direction, la directive permet de choisir de plafonner cette proportion à 30 %. Jugeant cette option défavorable aux salariés, la commission en a supprimé la possibilité.

La commission a confié la mission de contrôle préalable d'une opération transfrontalière au greffier du tribunal de commerce.

Le code de commerce prévoit la dissolution judiciaire d'une société dans le cas où ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Cette sanction correspond à une surtransposition de la directive du 14 juin 2017. L'article 10 la remplace par l'obligation d'apurer les pertes au moyen d'une réduction du capital social. Cela maintient une double sanction, mais dans un délai plus long, et tient compte des nouvelles modalités de financement des sociétés.

L'article 11 relatif au droit de la commande publique étend aux infractions pénales les plus graves la possibilité pour les opérateurs sanctionnés de démontrer leur fiabilité afin de pouvoir tout de même soumissionner aux marchés publics. C'est affaiblir l'effet dissuasif de ces peines, s'agissant d'infractions qui vont jusqu'à la traite d'êtres humains.

Si les directives de 2014 imposent la transposition en droit interne, notre commission a néanmoins prévu que les mesures concrètes prises par l'opérateur doivent être évaluées en tenant compte de l'infraction commise. Cela améliorera la lisibilité du droit de la commande publique.

L'article 17 transpose dans le droit de la fonction publique l'obligation faite aux employeurs par la directive du 20 juin 2019 d'informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. Les modalités de cette communication seraient établies par un décret en Conseil d'État, qui renverrait à un arrêté. Les États membres avaient jusqu'au 1er août 2022 pour transposer la directive... Une fois les mesures d'application prises, il faudra évaluer la charge de travail supplémentaire pour les employeurs publics. La commission des lois vous propose d'adopter ces six articles tels qu'elle les a modifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Else Joseph applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Depuis quatre ans, la commission des affaires européennes assure une veille pour prévenir la surtransposition des textes européens en droit interne. Elle formule des observations quand elle constate qu'il est proposé d'aller au-delà de ce qu'impose le droit européen, sans justification recevable, afin de préserver la compétitivité de nos entreprises.

Cette mission a été consacrée par le Règlement du Sénat. C'est dans ce cadre que j'ai demandé que notre commission soit consultée sur le présent projet de loi.

Le Gouvernement propose une transposition sectorielle par un véhicule dédié. Pour autant, la brièveté des délais et la diversité des sujets n'ont pas facilité la coordination entre les commissions.

Les modifications proposées sont d'importance inégale. La commission des affaires européennes a relevé la suppression d'une surtransposition plus exigeante de la directive de 2017 sur le capital social souscrit. La commission des lois s'est prononcée pour cette démarche.

Certaines transpositions sont trop tardives, avec des délais d'habilitation allant au-delà du calendrier prévu par le texte européen.

Dans sept cas, le Gouvernement motive le recours à une ordonnance par le caractère technique du texte à transposer et l'absence de marge de manoeuvre. Ce n'est pas le cas pour l'article 8 qui concerne la directive CSRD, sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. En 2017, l'ordonnance de transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) était plus exigeante que le texte lui-même, en raison de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite NRE, et de la loi Grenelle II.

Or l'habilitation demandée aujourd'hui est extrêmement large, autorisant des modifications des obligations des entreprises en matière sociale, environnementale ou de gouvernance. Des obligations de transparence renforcées pourraient avoir des effets concurrentiels négatifs pour nos opérateurs. Nous attirons l'attention sur ce risque de surtransposition. Le Gouvernement se donne neuf mois pour publier une ordonnance dont les conséquences pour les entreprises sont importantes. Nous en reparlerons à l'article 8. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d'une Europe ultralibérale. Cette Europe se rappelle à nous une fois par an avec les fameux Ddadue.

La nécessité, voire l'urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit européen ne saurait justifier les délais aussi courts laissés au Parlement pour examiner ce projet de loi.

Je renvoie le Gouvernement à l'excellent rapport des députés Chassaigne et Bourlanges qui propose de réserver les Ddadue aux cas d'urgence ou de précontentieux et aux transpositions de textes purement techniques, tout en appelant à veiller à la cohérence thématique.

Or sur 31 articles, sept sont des habilitations à légiférer par ordonnances, et dix, des ratifications. Ajoutez un renvoi à un arrêté, une mise en conformité avec une décision de la CJUE, et vous avez un fourre-tout indigeste qui ne laisse aucune place au droit d'amendement.

Certes, les mesures en faveur de l'accessibilité ou l'élargissement des congés de proche aidant aux salariés de particuliers employeurs sont des progrès, mais bien faibles au regard des mesures de régression sociale de l'Union européenne. Où est l'Europe sociale tant vantée ?

Alors que le Gouvernement s'est engagé auprès de Bruxelles à réduire les droits au chômage et à casser notre système de retraite, ce texte prévoit, comme par hasard, d'améliorer l'attractivité de l'épargne retraite individuelle européenne...

Bref, le Gouvernement mène en bateau nos concitoyens, après avoir troqué notre système solidaire contre les aides du plan de relance.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits en supprimant l'obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises condamnées à candidater à des marchés publics en échange d'un engagement à ne plus commettre d'infraction. Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Je salue la qualité des travaux des six rapporteurs.

À l'article 12, ce projet de loi étend les obligations issues de la loi de 2005 sur le handicap. À compter du 28 juin 2025, l'accessibilité s'appliquera également aux terminaux numériques, comme les distributeurs automatiques de billets ou les liseuses...

On se souvient qu'il nous avait fallu voter un report à ces obligations, initialement prévues en 2015. Le Gouvernement devra prendre toutes les dispositions nécessaires pour accompagner les changements.

Nous saluons l'article 14, qui permet au salarié de conserver les avantages acquis avant un congé familial. Le groupe UC est attentif à l'extension du congé de proche aidant aux salariés de particuliers employeurs. Nous voterons l'amendement qui ajoute les congés de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l'entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation.

Sur les obligations imposées à l'employeur en matière d'information des salariés, il faudra accompagner les plus petites entreprises en mettant à disposition des documents types.

Nous avons été sensibilisés par le secteur des dispositifs médicaux sur l'embolie des organismes certificateurs. Le projet de loi, amendé par la commission, répond à cette crainte - même si une prolongation temporaire de certification aurait pu être envisagée pour le stock.

S'agissant de l'article 24, la lutte contre la falsification des médicaments est une nécessité, indispensable pour l'égalité au sein de l'Union. Il faut aussi une amende forfaitaire pour ceux qui ne respectent pas leurs obligations. Mais encore faut-il que l'obligation soit tenable. Or au 28 novembre 2022, seules 68 % des pharmacies parvenaient à se connecter au répertoire de vérification des médicaments...

Le groupe UC votera ce projet de loi amendé par nos commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Stéphane Artano .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.) La technicité des sujets ne saurait occulter l'importance des enjeux soulevés par ce texte fourre-tout, dont le seul fil rouge est l'adaptation au droit européen.

C'est un texte dense, très technique, sur lequel nous avons travaillé dans l'urgence. Quelles que soient nos réserves, nous devons être à jour de nos obligations européennes. Le groupe RDSE, attaché au projet européen, entend cet argument.

Mais les délais très contraints nous rappellent ceux du projet de loi de finances. Cela ne saurait justifier l'affaiblissement du rôle du Parlement, déjà amoindri par chaque recours au 49.3.

Nous nous réjouissons des mesures sociales. Dans un pays où douze millions de personnes sont en situation de handicap, l'absence d'une société pleinement inclusive est une anomalie.

L'article 12 sur l'accessibilité des produits et services doit être un catalyseur pour une inclusivité toujours plus grande. Ces exigences devront être effectives à partir du 28 juin. Sont concernés les prestataires de services du secteur bancaire, des transports ou de la culture. Cela dit, l'enjeu réside surtout dans le calendrier de mise en oeuvre... Après la loi de 2005, le Gouvernement devra prévoir un régime d'incitation, voire de sanction, pour accompagner les opérateurs économiques.

Dans un contexte économique tendu - inflation galopante, défi énergétique, Inflation Reduction Act américain - ce projet de loi participe à faciliter les échanges et à soutenir les entreprises en difficulté. Nous sommes satisfaits des réponses systémiques qu'apporte l'Union européenne.

À ce titre, l'élimination de la surtransposition à l'article 10 est bienvenue : nos entreprises étaient exposées à un risque de dissolution excessif.

Je salue l'harmonisation des procédures en matière de scissions et transformations transfrontalières, et le renforcement du dispositif anti-fraudes et anti-abus.

Enfin, nous souhaitons que les aides à l'installation abordées à l'article 30 demeurent souples et surtout équitables. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi, agglomérat de mesures disparates, porte bien son nom. La cohérence d'un tel texte est aussi limitée que son utilité est certaine. Mais ce « fret législatif », expéditif, interroge sur notre manière de transposer les directives européennes.

Il est regrettable que le Parlement n'ait disposé que de quelques jours pour examiner les mesures proposées. Les amendements des commissions montrent toutefois toute l'importance du Sénat et la qualité de son travail.

De même, il est dommage que l'étude d'impact ne comporte aucun élément de droit comparé éclairant le Parlement sur la diversité des solutions de transposition retenues.

En matière de transport, l'article 26, en transposant la directive Eurovignette dans sa version de 2022, prévoit de nouvelles obligations concernant les immatriculations de véhicules. Il est insuffisant, car il se borne aux voies à péage, sans concerner les voies transférées à la CEA, qui a le droit d'instaurer une taxe sur les véhicules empruntant les voies qu'elle entretient, taxe compatible avec l'ancienne directive Eurovignette.

Les obligations issues de la directive révisée prévoient de moduler les tarifs selon les émissions, et non plus selon la classe. La CEA risque donc de ne plus être en conformité avec la directive en 2024. Alors que les Alsaciens attendent depuis des années la possibilité de percevoir cette taxe, la commission du développement durable a adopté un amendement pour combler cette lacune.

Le Sénat avait souhaité anticiper la révision de la directive, notamment en permettant de différencier les taux en fonction des émissions de CO2, mais cet ajout n'avait pas été conservé dans la navette. L'article 26 bis, introduit en commission, permettra à la CEA d'anticiper les nouvelles obligations.

En matière financière, le constat du rapporteur Maurey interpelle : nous sommes de nouveau saisis d'adaptations de notre droit financier, assurantiel et bancaire, pour lesquelles la France pourrait ne pas respecter les délais requis.

La commission des finances a opportunément accru le contrôle des dirigeants de mutuelle, en l'alignant sur celui prévu pour les dirigeants de société d'assurance et d'institution de prévoyance.

L'amendement visant à restreindre le champ de l'habilitation pour transposer la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises est utile ; la demande du Gouvernement excède de beaucoup ce qui est nécessaire.

Dans le domaine de compétence de la commission des lois, le texte transpose deux directives relatives au droit des sociétés et met en oeuvre un règlement en matière de protection de l'enfance. Sur ces questions, les apports du Sénat sont notables.

En ce qui concerne les fusions et scissions transfrontalières de sociétés, il était nécessaire de supprimer la possibilité de réduire la proportion des représentants de salariés au sein du nouvel organe de direction. Il convenait également de confier le contrôle de légalité des opérations transfrontalières aux greffiers des tribunaux de commerce.

En matière de santé publique aussi, les mesures sont hétérogènes. S'agissant des activités de chirurgie esthétique, la France est mise en demeure depuis 2019 pour son interdiction totale de publicité. Il est proposé que l'autorisation soit retirée en cas de publicité contrevenant à la protection de la santé publique. L'encadrement doit aussi être déontologique, par les ordres, afin de prévenir les dérives, notamment sur les réseaux sociaux.

En matière de handicap, la directive de 2019 améliore l'accessibilité de produits et services du quotidien. Nous devons veiller à ce que le dispositif soit réellement opérationnel ; je pense notamment à la couverture du territoire en distributeurs automatiques accessibles.

Dans le domaine du droit du travail, des difficultés pourraient survenir pour certaines entreprises, en particulier les TPE-PME. Le Gouvernement devra s'assurer que les démarches imposées sont réalisables.

Le groupe Les Républicains approuve cette mise en conformité de notre droit, améliorée par des apports nombreux du Sénat. Nous serons vigilants sur les habilitations données au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur des travées du groupe UC) Économie, santé, travail, transport, agriculture : ce texte, comme tous ceux de cette nature, a une amplitude large en même temps qu'une grande importance.

Les délais sont courts pour examiner des mesures hautement techniques. Je salue le travail mené en commission. Le contrôle de subsidiarité exercé par les Parlements nationaux est essentiel. Notre droit de regard est indispensable, car le droit de l'Union européenne prend une place croissance dans nos systèmes juridiques.

J'ai entendu des remarques sur la temporalité de ce genre de textes. Mais nous avons un temps limité pour transposer les directives, et il faut éviter à notre pays d'être mis en demeure. Au surplus, ces règles enrichissent notre droit, ce qui est positif pour la France.

De façon constante, le groupe INDEP défend une transposition correcte - j'ai l'impression que ce texte comporte moins d'ajustements que les précédents. Nous défendons aussi l'absence de surtransposition : je me réjouis que la France se soit améliorée à cet égard, et il ne me semble pas que nous y soyons confrontés dans ce texte.

L'article 14 porte sur le congé parental d'éducation, le congé de présence parentale et le congé pour événements familiaux. Le texte enrichi par la rapporteure comporte des avancées pour les salariés : ouverture des congés de proche aidant, notamment. Nous connaissons leurs responsabilités et leur dévouement.

À l'article 23, je me félicite de l'amendement adopté par la commission pour éviter les ruptures d'approvisionnement des dispositifs médicaux indispensables et in vitro. Nous vivons actuellement d'importantes tensions. Les précisions apportées par la commission pour la mise en oeuvre du dispositif sont à prendre en considération.

Le groupe INDEP votera ce projet de loi.

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.) Ce projet de loi est, comme d'habitude, disparate et technique, mais il aura des conséquences concrètes sur la vie des Français. Le délai qui nous est laissé n'est pas correct.

Notre groupe salue le rattrapage du retard pris par la France, longtemps mauvais élève en matière de transposition. Mais, sur la décarbonation des transports en particulier, ce texte assure le service minimum ; nous aurions souhaité une priorité plus affirmée.

Notre groupe salue les mesures en faveur de l'accessibilité, des proches aidants et le renforcement de la coopération en matière d'aide sociale à l'enfance. Les avancées sur le congé parental sont aussi positives.

En revanche, nous regrettons l'absence d'une stratégie sur l'accessibilité, contrairement à ce que demande le collectif Handicaps.

Sur le volet transports, cette adaptation prend en compte la directive Eurovignette - même si ce nom, ancien, occulte qu'il ne s'agit plus d'une vignette, mais d'une taxe kilométrique.

Alors que d'autres pays européens appliquent une taxe sur le fret routier qui explique un fret ferroviaire plus développé, ce texte ne concernera que les autoroutes à péage, sauf les voies confiées à la CEA. L'Assemblée nationale ne l'avait pas voulu, mais le Sénat avait eu raison, comme il a raison sur ce texte : la modification opérée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est bienvenue. Nous avons déposé des amendements pour aller plus loin.

L'article 26 renforce le principe pollueur-payeur, même si la non-prise en compte des péages existants, certes conforme à la directive, est regrettable au vu de l'urgence climatique. Il est urgent de réduire la part du transport routier de marchandises. Le plan vélo-train sera également une avancée utile : nous devons rattraper la moyenne européenne, de huit emplacements de vélo par train.

Mon groupe s'opposera à l'habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la directive CSRD, qui mérite une discussion législative.

Nous voterons cependant ce texte, qui comporte des avancées. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Certains esprits chagrins voient dans ces lois des voitures-balais. Certains regrettent même une incursion de l'Europe dans notre droit. Je leur répondrai par les mots du Président de la République prononcés à la Sorbonne il y a cinq ans : l'Europe, c'est notre histoire, notre identité et notre horizon ; elle nous protège et nous donne un avenir.

L'Europe favorise notre politique volontariste : 40 % des financements de France 2030 viennent de l'Europe, laquelle a des ambitions fortes en matière climatique ou agricole, par exemple. Il est curieux que les crédits de la mission « Agriculture » aient été rejetés par les travées des deux côtés de cet hémicycle...

Ce onzième texte d'adaptation au droit de l'Union européenne depuis 2010 comporte de grandes avancées en matière de droit du travail, notamment pour les jeunes pères, dont l'absence en congé paternité n'est pas comptée dans l'ancienneté.

La loi de 2005, voulue par Jacques Chirac, avait permis de nombreuses avancées pour les personnes en situation de handicap, de l'accessibilité des lieux publics aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La directive qui sera transposée par ordonnance va plus loin, notamment pour une meilleure accessibilité des distributeurs automatiques de billets. L'article 27 renforce les droits des voyageurs à mobilité réduite. Il reste beaucoup à faire : seulement un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.

L'article 26 encourage un transport de marchandises plus écologique, avec la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans la tarification des péages.

Le Conseil européen vient de donner son feu vert à la directive sur l'information relative à la durabilité des entreprises, que cette loi transpose. Il s'agit de connaître l'impact d'un modèle économique sur la durabilité, et de la durabilité sur l'activité. Si l'encre n'est pas sèche, ne traînons pas les pieds pour autant.

Ce texte va clairement dans le sens de droits renforcés et d'une meilleure cohésion sociale, de l'Europe sociale et écologique que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Colette Mélot applaudit également.)