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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Crise des transports du quotidien en Île-de-France

M. Daniel Breuiller

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Annonces pour les non-voyants dans le métro parisien

M. Pierre Louault

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

RER métropolitains

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Objectif « zéro artificialisation nette »

M. Patrice Joly

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Multiplication des décharges de déchets de chantiers en Essonne

Mme Jocelyne Guidez

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Incohérences relatives à la gestion du loup en France

Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Bouclier tarifaire pour les copropriétés

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Descente douce des trajectoires aéroportuaires

Mme Marta de Cidrac

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Locataires du parc social et coûts de l'énergie

M. Serge Babary

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Délestages et services d'eau potable et d'assainissement

M. Daniel Laurent

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Réparation d'éoliennes

Mme Brigitte Lherbier

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Registre des procurations

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Nouvelles mesures pour le financement du permis de conduire

M. Pascal Martin

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Législation sur les forêts cinéraires

Mme Elsa Schalck

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Hélicoptère de sécurité civile dans le Pas-de-Calais

M. Jean-François Rapin

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Situation de l'Agence nationale du traitement informatisé des infractions

M. Didier Marie

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle sur l'IVG

Mme Mélanie Vogel

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté

Situation de la filière foie gras périgourdine

M. Serge Mérillou

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Coût de l'électricité pour les agriculteurs

Mme Martine Filleul

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin

M. Philippe Mouiller

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Fiscalité applicable à l'accueil familial

Mme Catherine Deroche

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Conséquences de la dissolution de Novarhéna

M. Christian Klinger

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés

Mme Annie Le Houerou

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Situation des boulangeries

M. Bruno Belin

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Menace sur la souveraineté agricole

M. Gilbert Bouchet

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Compensation de l'augmentation des indemnités des élus des petites communes

Mme Frédérique Puissat

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Secrétaires de mairie des petites communes

Mme Patricia Schillinger

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Insertion des jeunes en outre-mer

Mme Victoire Jasmin

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Révision du règlement européen sur les substances chimiques

Mme Laurence Rossignol

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap dans les Alpes-Maritimes

M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Ségrégation scolaire

M. Pierre Ouzoulias

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Conseillers pédagogiques

M. Jean-Jacques Michau

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Prise en charge des activités physiques adaptées

M. Jean-Jacques Lozach

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Projet d'unité mobile de néonatalogie de l'hôpital Sainte Musse de Toulon

M. André Guiol

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Absence d'accord franco-italien sur la prise en charge des patients étrangers

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Développement de l'antibiorésistance

Mme Corinne Imbert

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Remboursement du matériel paramédical d'occasion

M. Henri Cabanel

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Réforme des transports sanitaires urgents

M. Franck Menonville

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Aide à la vie partagée

M. Olivier Cigolotti

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Accueil de la petite enfance

Mme Colette Mélot

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Conséquences de la ZFE-m d'Île-de-France

Mme Laure Darcos

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Réforme du master et concours de niveau bac+4

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

CMP (Nominations)

Adaptation au droit de l'Union européenne(Procédure accélérée)

Demande de priorité

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Stéphane Artano

M. Jean-Claude Anglars

Mme Colette Mélot

M. Jacques Fernique

M. Frédéric Marchand

Salut à une délégation parlementaire albanaise

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Michelle Meunier

M. Michel Canévet

Mme Angèle Préville

Discussion des articles

ARTICLE 20 (Appelé en priorité)

ARTICLE 23 (Appelé en priorité)

ARTICLE 24 (Appelé en priorité)

ARTICLE 2

APRÈS L'ARTICLE 2

ARTICLE 5

APRÈS L'ARTICLE 5

ARTICLE 7

ARTICLE 8

ARTICLE 11

ARTICLE 12

APRÈS L'ARTICLE 13

ARTICLE 15

ARTICLE 18

Déclaration du Gouvernement relative à la politique de l'immigration

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

M. François-Noël Buffet

M. Jean-Yves Leconte

M. Philippe Bonnecarrère

M. François Patriat

M. Pierre Laurent

Mme Colette Mélot

Mme Maryse Carrère

M. Guy Benarroche

Mme Esther Benbassa

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 26

APRÈS L'ARTICLE 26

ARTICLE 28

ARTICLE 30

M. Jean-Claude Tissot

Interventions sur l'ensemble

Mme Michelle Meunier

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

Ordre du jour du mercredi 14 décembre 2022




SÉANCE

du mardi 13 décembre 2022

40e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle quarante-trois questions orales.

Crise des transports du quotidien en Île-de-France

M. Daniel Breuiller .  - La dégradation des transports du quotidien en Île-de-France atteint un seuil critique. Les réseaux se dégradent, les temps d'attente sont interminables, les rames sont bondées. Et le prix du passe Navigo va être porté à 84 euros ! Les ménages ne peuvent pas supporter des coûts supplémentaires pour un tel service.

Si la responsabilité en incombe essentiellement à la région Île-de-France, l'État ne peut s'en abstraire. La région capitale accueille de nombreux événements économiques et touristiques dont les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Surtout, ce réseau est emprunté quotidiennement par douze millions de voyageurs. Alors que la pollution atmosphérique provoque 6 000 morts par an, conduisant à la condamnation de la France pour insuffisance coupable, le soutien aux transports collectifs doit être une priorité.

Le Grand Paris Express déséquilibrera encore plus les budgets d'Île-de-France Mobilités. Quelles seront les mesures proposées lors de la conférence de financement ? Retiendrez-vous la TVA à 5,5 %, telle que votée par le Sénat dans le projet de loi de finances ? Êtes-vous prêt à augmenter le versement mobilité par les entreprises, comme nous l'avions proposé lors de ce même débat ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le prix des transports en commun est attractif en France, comparé à la moyenne européenne, grâce à une large prise en charge des coûts par la collectivité. La TVA sur les transports publics est déjà au taux réduit de 10 %. L'abaisser à 5,5 % aurait un coût important pour les finances publiques ; surtout, rien ne garantit que cette baisse soit répercutée sur le prix des billets.

Plus que le prix, c'est la qualité de service qui importe : régularité, fréquence, propreté, sécurité, voilà ce sur quoi doivent porter les efforts des autorités organisatrices et des opérateurs.

Une hausse du versement mobilité en Île-de-France augmenterait le coût du travail, à rebours de la politique que mène le Gouvernement, et nuirait à l'attractivité de la région. Le Sénat l'a d'ailleurs rejetée lors du débat budgétaire. Les entreprises contribuent déjà pour moitié aux dépenses d'exploitation en Île-de-France. Elles prennent en charge la moitié du coût des abonnements de leurs salariés. Et les recettes du versement mobilité ont augmenté de 5 % par an depuis dix ans !

L'État n'a jamais ménagé son soutien pour garantir la continuité du service. Lors de la crise sanitaire, Île-de-France Mobilités a perçu une aide de l'État de plus de 2 milliards d'euros, sans que soient exigées de contreparties sur les tarifs ou l'offre.

Au vu des circonstances, le Gouvernement renouvellera son aide aux autorités organisatrices l'année prochaine : Clément Beaune a annoncé une aide exceptionnelle de 200 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités et de 100 millions pour les autres autorités organisatrices, afin d'accompagner l'amélioration de l'offre de transports.

M. Daniel Breuiller.  - D'autres pays ont abaissé la TVA sur les transports à 5,5 %. Les usagers n'ont pas à combler le trou de 950 millions d'euros d'Île-de-France Mobilités. Quant aux 200 millions d'aide, c'est cinquante fois moins que ce que le Gouvernement consacre au soutien aux carburants automobiles !

Annonces pour les non-voyants dans le métro parisien

M. Pierre Louault .  - Le 2 novembre 1989, Hélène Missoffe, sénatrice du Val-d'Oise, alertait le ministre des transports sur les difficultés auxquelles se heurtaient les non-voyants dans le métro, en lui demandant de faire annoncer le nom des stations par les conducteurs.

Dernièrement, un habitant d'Indre-et-Loire me parlait de sa petite-fille, non-voyante, qui prenait le métro parisien pour se rendre à son lieu de stage, et devait compter le nombre de stations afin de ne pas rater son arrêt. Imaginez la panique pour une jeune provinciale de 18 ans, dans ce labyrinthe qu'est le métro parisien.

Quelle ne fut donc pas ma surprise de retrouver cette question écrite, vieille de 33 ans, sur un sujet qui aurait dû être réglé depuis bien longtemps !

Avec la nomination de Jean Castex à la présidence de la RATP, vous avez un lien direct avec la structure en charge de l'exploitation des métros parisiens.

Qu'allez-vous faire pour enfin répondre à cette question ? Cela ne coûte rien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'État soutient la mise en accessibilité des réseaux de transport, en accord avec les obligations fixées par la loi Handicap de 2005, laquelle prévoit une exception pour les réseaux souterrains de transports ferroviaires existants au 12 février 2005, dont le métro historique parisien.

Les mesures relatives à l'accessibilité du métro parisien relèvent de la compétence de l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités, en lien avec la RATP. Île-de-France Mobilités a approuvé son agenda d'accessibilité programmée en 2015.

Tous les quais et salles d'échanges des stations du métro sont équipés d'annonces visuelles et sonores. À bord des rames, les lignes 1, 2, 3, 4, 5, 9, 13 et 14 sont déjà équipées d'annonces sonores automatiques de la prochaine station. La ligne 11 en sera équipée à la mise en service des nouvelles rames en 2023. Ce sera ensuite le cas de la ligne 6 à partir de fin 2023, puis des lignes 7, 8, 10, 12, 3 bis et 7 bis, avec la mise en service du nouveau matériel roulant MF19 de façon progressive entre 2025 et 2035.

M. Pierre Louault.  - En attendant des annonces automatiques sur toutes les lignes, il ne serait pas bien compliqué de demander aux conducteurs d'annoncer la prochaine station...

RER métropolitains

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le 27 novembre dernier, le Président de la République annonçait vouloir créer une dizaine de réseaux express régionaux (RER) dans les métropoles. Ce serait bénéfique tant pour l'environnement que pour les salariés, coincés dans les bouchons ou dans des trains bondés - quand ils circulent. Dans le Pas-de-Calais, des arrêts ont été supprimés en gare de Meurchin, d'Achiet-le-Grand ou encore de Boulogne.

L'agglomération de Lille concentre 1,5 million d'habitants ; surtout, des dizaines de milliers de personnes s'y rendent chaque jour depuis le bassin minier.

Le projet de réseau express Grand Lille, défendu par l'ancien conseil régional Nord-Pas-de-Calais a été remisé avec la fusion des régions. Il prévoyait la création de six nouvelles gares dont une souterraine à Lille, 56 kilomètres de lignes nouvelles pour desservir plus efficacement Hénin-Beaumont, Lens et Douai, et le raccordement des grandes villes du nord.

Tous bords politiques confondus, les élus du bassin minier demandent régulièrement la relance de ce projet. Il est temps de le ressortir des cartons. Quels moyens seront alloués à la région Hauts-de-France pour ce projet ? À quelle échéance peut-on espérer une mise en oeuvre ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Président de la République a en effet annoncé le 27 novembre l'objectif de créer une dizaine de RER métropolitains.

Il s'agit, en améliorant les infrastructures des principales étoiles ferroviaires, d'accroître l'offre ferroviaire dans les grandes métropoles.

En cohérence avec la priorité donnée aux mobilités du quotidien, à commencer par les trajets domicile-travail, le Gouvernement soutient cette démarche, aux côtés des collectivités concernées. À sa demande, SNCF Réseau a ainsi établi en 2020 un schéma directeur du développement des RER métropolitains, et une enveloppe de 30 millions d'euros du plan de relance a été dédiée au lancement d'études dans les métropoles à fort potentiel, dont celle de Lille.

L'État finance ainsi, aux côtés de la région Hauts-de-France et de la métropole de Lille, les études de faisabilité lancées en 2021. Ce projet de grande ampleur, estimé entre 4 et 5 milliards d'euros, comprend un projet de barreau nouveau, dénommé « réseau express Hauts-de-France », entre Lille et le bassin minier.

Comme le Président de la République l'a annoncé en février 2022, l'État sera présent aux côtés des acteurs locaux pour la mise en place de ce projet.

Objectif « zéro artificialisation nette »

M. Patrice Joly .  - Si nous partageons l'objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols à l'horizon 2050 et celui de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2030, des points de crispations demeurent, tant sur la méthode que sur le fond.

Le Gouvernement a confié aux régions le soin de mettre en oeuvre cette nouvelle règle, les élus locaux étant ravalés au rang de simples exécutants. Ils s'inquiètent de se voir ainsi dépossédés de la gestion des espaces à aménager alors qu'ils ont une connaissance fine des réalités locales.

Comment justifier que des communes rurales soient évincées, alors qu'elles ont été peu consommatrices de foncier par le passé et qu'elles doivent accueillir de nouvelles populations et développer leur territoire ?

Les délais contraints ne laissent pas suffisamment de place au dialogue et à la coconstruction.

En effet, le conseil régional a comme principal interlocuteur la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot), or de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de Scot, d'où l'absence d'élus siégeant à la conférence régionale des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Quelles garanties apportez-vous aux élus locaux ? Comment comptez-vous atteindre les objectifs sans pénaliser les territoires ruraux ?

Le groupe socialiste plaide pour le report de la première étape fixée à 2030. Quelle est votre position ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Veuillez excuser M. Béchu. Chaque année, 20 000 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés en France, dont 61 % sur les territoires détendus, plus particulièrement en périurbain peu à très peu dense. L'esprit de la réforme est de diminuer la consommation foncière nationale, tout en continuant à construire dans les territoires qui en ont besoin.

D'où l'objectif « ZAN » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié d'ici 2030.

Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d'urbanisme : 22 février 2024 pour les Sraddet, 22 août 2026 pour les Scot, 22 août 2027 pour les PLU. Une nouvelle extension des délais n'est pas à l'ordre du jour.

Cependant, ces documents devront aussi tenir compte des besoins et des enjeux locaux : dynamiques démographiques et économiques, équilibre du territoire, désenclavement rural.

Pour répondre aux inquiétudes des élus locaux, la Première Ministre s'est engagée à ce que toutes les communes rurales aient la possibilité de construire, en particulier lorsqu'elles ont peu construit par le passé ; et à permettre la contractualisation entre l'État et le bloc communal en cas de blocage à l'échelle des territoires, pour trouver des solutions et assurer un équilibre entre développement de projets d'intérêt majeur et sobriété foncière.

Multiplication des décharges de déchets de chantiers en Essonne

Mme Jocelyne Guidez .  - Avec la multiplication des grands projets urbains, les espaces naturels et les terres agricoles de l'Essonne sont devenus des décharges potentielles pour les entreprises du bâtiment qui y déversent des tonnes de gravats, parfois dangereux.

Les élus locaux et les acteurs associatifs s'inquiètent de l'impact environnemental sur la biodiversité et de la dégradation du cadre de vie des habitants en périphérie des métropoles, et déplorent l'absence de réaction étatique.

Les communes de Fleury-Mérogis, Cheptainville et Saint-Hilaire en particulier sont démunies face à ce phénomène et ont besoin d'aide pour réhabiliter les espaces pollués par ces exhaussements, dits aussi remodelages.

Nos villes et villages n'ont pas à être les victimes collatérales du développement des métropoles et des grandes agglomérations et à subir cette inégalité environnementale en sus des inégalités sociales et territoriales déjà bien ancrées dans le département.

Qu'envisagez-vous pour protéger nos territoires de ces atteintes graves à l'environnement, qui ont des répercussions sur la vie quotidienne des habitants ? Ces pratiques scandaleuses sont en totale contradiction avec les engagements issus de la Convention citoyenne pour le climat.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les installations de stockage de déchets inertes évitent que des terres excavées ou certains déchets de chantier ne soient dispersés dans l'environnement sous forme de dépôts sauvages et garantissent que le stockage est réalisé dans des conditions respectant l'environnement.

Les conseils régionaux sont responsables pour planifier ces installations à l'échelle de leur région. Les services de l'État chargés de l'environnement s'assurent que ces installations sont implantées et exploitées dans de bonnes conditions de sécurité et de respect de l'environnement, notamment au titre de leurs missions d'instruction et d'inspection des installations classées.

Les trois projets que vous évoquez sont dans des situations différentes.

Un projet d'installation était effectivement prévu à Saint-Hilaire, mais une instance de classement au titre des paysages ayant été signée, la procédure d'autorisation environnementale est suspendue, rendant l'avenir du projet incertain.

Dans le cas de Fleury-Mérogis, il ne s'agit pas d'un projet d'installation de stockage mais d'un programme d'aménagement agricole et de mise en culture réalisé sous maîtrise d'ouvrage de la commune, sur des terrains lui appartenant.

Enfin, à Cheptainville-Lardy, si la commune a été approchée, aucun projet d'installation de stockage n'a été déposé à ce jour auprès des services de l'État.

En tout état de cause, la création d'installations de stockage en Île-de-France répond à un réel besoin, évalué dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Île-de-France à 2 millions de tonnes par an jusqu'en 2025. Ce plan encourage le rééquilibrage des capacités de stockage de déchets inertes vers l'ouest et le sud de la région, la Seine-et-Marne accueillant actuellement environ 70 % du tonnage régional.

Mme Jocelyne Guidez.  - J'avais déjà posé la même question en 2021. Je regrette que le Gouvernement mette tant de temps à répondre...

Incohérences relatives à la gestion du loup en France

Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin .  - M. Arnaud Bazin réitère ses questions posées il y a deux ans, reprises en août 2021 par le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais restées sans réponse. La Commission européenne a estimé le 12 octobre 2021 que pour les paiements compensatoires, il y a « lieu de vérifier si les pertes d'animaux d'élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».

Déjà en 2010, la Cour des comptes estimait que « l'aide introduite en 2004 afin de se prémunir des attaques du loup dans le massif alpin a montré d'emblée de nombreuses faiblesses en matière de contrôle », propos repris par le rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019. La France détient le taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé, mais c'est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l'indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups. Cette incohérence se doit d'être élucidée. Deux hypothèses : le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé, ou la protection des troupeaux est inefficace voire non effective.

Quels sont les critères pour dissocier les pertes dues aux loups de celles dues à d'autres causes ? Quel est le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l'attaque rapporté au nombre de constats uniquement déclaratifs, le nombre de comptes rendus de visites et de contrôles sur place, de contrôle des schémas de protection et du cahier de pâturage ?

Selon la Commission européenne, « des données de suivi solides sont nécessaires », alors que le Gouvernement tend à approuver la demande des chasseurs et éleveurs de recompter les loups.

Le système de surveillance de l'office français de la biodiversité (OFB) sous-estime-t-il la population lupine ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le niveau élevé de prédation par le loup en France, malgré un financement public important des moyens de protection des troupeaux, s'explique à la fois par un élevage pastoral extensif, avec des troupeaux parfois nombreux dans les zones de présence du loup, et par la prédation de zones nouvelles n'ayant pas encore fait l'objet de mesures de protection. La France est le seul pays où le coût du gardiennage est pris en charge par la collectivité. Il est normal qu'en cas de doute sur l'attribution de la responsabilité d'un dommage à un prédateur, ce doute profite à l'éleveur. Mais les constats déclaratifs restent actuellement très minoritaires par rapport à ceux réalisés par des agents publics. Ils sont réservés aux troupeaux situés dans des départements de présence ancienne du loup, et aux cas d'attaques faisant moins de cinq victimes.

En dehors des zones nouvelles de prédation, les indemnisations de dommages sont conditionnées à la mise en place des mesures de protection. Des efforts sont faits : les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation sont particulièrement accompagnés depuis 2020, et ces données alimentent l'Observatoire des mesures de protection, en cours de développement.

La mise en oeuvre effective des mesures de protection est contrôlée par l'État, dans le cadre de l'instruction des demandes de tirs de défense, et systématiquement avant chaque tir effectué par les louvetiers ou la brigade d'intervention de l'OFB.

La méthode française de suivi de la population de loups est l'une des plus complètes et efficaces en Europe. Cependant nous devons conserver la confiance entre tous les acteurs concernés, éleveurs comme chasseurs. Les efforts entrepris depuis fin 2021 ont porté leurs fruits, puisque davantage d'indices de présence ont été collectés au cours de l'hiver 2021-2022.

Le fait que les tirs augmentent la prédation est une hypothèse, ni confirmée ni infirmée. Des recherches sont encore en cours. En tout état de cause, depuis quelques années, une forte priorité est donnée aux tirs de défense, effectués sur des loups en situation d'attaque.

Bouclier tarifaire pour les copropriétés

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Je m'inquiète de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire dans les copropriétés équipées d'un chauffage à gaz collectif et dans toutes celles dont les contrats de fourniture d'énergie sont indexés sur les marchés.

Entre les rattrapages de charges de l'année 2021 et les appels de charges pour 2023, de nombreux copropriétaires sont pris en étau avec le risque d'une multiplication des défauts de paiement voire l'abandon des projets de travaux, tout particulièrement en matière de rénovation énergétique. C'est paradoxal !

Le bouclier tarifaire n'est compensé qu'après les avances de charges et il est très nettement sous-dimensionné au vu de l'explosion du prix du gaz.

Ainsi, une copropriété du Parc Lubonis, à Nice, voit ses charges de chauffage prévisionnelles s'élever à plus de 600 000 euros. Le bouclier tarifaire ne s'appliquant qu'à hauteur de 91 076 euros, le reste à charge serait de 593 703 euros, soit une augmentation de 593 % !

Allez-vous enfin proposer un alignement du bouclier tarifaire des copropriétés au chauffage collectif au gaz sur celles équipées de compteurs individuels ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le bouclier pour les copropriétés au gaz couvre, comme le gel du tarif réglementé de vente de l'énergie (TRV) pour les ménages en contrat individuel, l'écart entre le TRV gelé et le TRV hors gel. Beaucoup de remontées indiquent que ce bouclier marche. C'est plus compliqué lorsque les copropriétés ont signé des contrats à prix fixes dans des conditions très défavorables, au-dessus des TRV hors gel ; les ministres concernés sont pleinement mobilisés pour assurer une égalité de traitement entre tous.

Le texte couvrant le deuxième semestre 2023 est sorti le 15 novembre, pour apporter une réponse dès que possible. Pour les contrats signés dans des conditions très défavorables qui ne sont pas bien couverts par le bouclier, le Gouvernement a prévu une aide ad hoc. La loi de finances pour 2023 permettra aux copropriétés qui disposent d'un contrat de fourniture de gaz de percevoir une aide équivalente aux boucliers directement sur leur facture. Si cela ne suffit pas, une aide spécifique répondra aux besoins de trésorerie dans l'attente du versement de l'aide bouclier.

Le Gouvernement est mobilisé pour que personne ne soit laissé de côté.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Les copropriétaires sont inquiets. Il reste beaucoup à faire car la régularisation n'interviendra que plusieurs mois après l'avance des fonds. C'est une véritable usine à gaz : fournisseurs d'énergie, copropriétaires et administration doivent s'accorder. Il y a urgence. Soyez vigilante pour éviter une explosion sociale !

Descente douce des trajectoires aéroportuaires

Mme Marta de Cidrac .  - Présentée lors des Assises nationales du transport aérien en 2021, la descente dite douce consiste à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux amorçant leur descente, lorsqu'ils sont à proximité des habitations et lorsque leur plan de vol ne permet pas d'autres itinéraires.

Depuis 2016, cette procédure est parfois utilisée pour les vols de nuit ou pour les périodes de moindre trafic. Même si sa généralisation aurait des conséquences sur l'organisation des flux aériens dans le ciel francilien, la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) prévoit un déploiement opérationnel du concept à Paris Charles-de-Gaulle à l'horizon 2023.

Pour de nombreux vols, notamment transatlantiques, la descente vers l'aéroport de Roissy commence dans le ciel yvelinois, ou du moins les départements de l'ouest francilien. Beaucoup de communes des Yvelines subissent donc d'insupportables nuisances sonores, nocturnes et diurnes, dues au trafic aérien. L'hypothèse d'une réduction du bruit est attendue avec impatience par nos concitoyens et par les élus locaux. La DSNA et Mme Borne, alors ministre des transports, prévoyaient une généralisation des descentes douces pour 2023. Alors que l'échéance approche, où en est cette mise en oeuvre opérationnelle ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La descente douce ou descente continue permet l'optimisation des profils verticaux de descente par les pilotes, facilitée en cela par des procédures de circulation aérienne adaptées basées sur des données de positionnement par satellite. Des études de conception de ces procédures ont été lancées par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Des tests grandeur nature, réalisés sur une des pistes d'atterrissage de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, ont permis d'analyser les impacts opérationnels, environnementaux et réglementaires de telles procédures. Les travaux techniques sont toujours en cours.

Le projet de mise en service de descentes douces à Paris-Charles de Gaulle sera présenté aux instances de concertation, et fera probablement l'objet d'un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), préalablement à une enquête publique.

Mme Marta de Cidrac.  - Je vous remercie, mais ne perdons pas de vue l'objectif de 2023. Toutes ces communes attendent avec impatience des réponses opérationnelles contre ces nuisances très impactantes.

Locataires du parc social et coûts de l'énergie

M. Serge Babary .  - Malgré la mise en place d'un bouclier tarifaire, de nombreux locataires ne sont plus en mesure de s'acquitter des charges communes. Cette situation devrait s'aggraver en 2023 en raison de la hausse du prix de l'électricité pour les parties communes et du gaz pour les chaufferies collectives prévue dès le mois de janvier 2023.

En Indre-et-Loire, cette situation a conduit de nombreux locataires à manifester contre l'augmentation des charges communes, contraignant ainsi certains offices publics de l'habitat tels que Val-Touraine-Habitat à lisser les charges locatives.

Le delta facturé aux locataires du parc social restant élevé en dépit des mesures du Gouvernement, le nombre des impayés devrait considérablement augmenter dans les prochains mois.

Le bouclier tarifaire ne pourrait-il pas être plus favorable aux locataires du parc social, et ne pourrait-il pas s'appliquer aux bailleurs sociaux pour l'électricité des parties communes ?

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, les fournisseurs ne répondent plus à leurs consultations pour l'achat de gaz et d'électricité, et prévoient même de couper les approvisionnements pour le 1er janvier 2023. Les bailleurs sociaux du département sont extrêmement inquiets. Quelles solutions envisagez-vous ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le décret du 9 avril 2022 a étendu le bouclier tarifaire gaz aux ménages chauffés collectivement au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant le gaz naturel. Comme pour les tarifs réglementés, ce bouclier a été étendu jusqu'au 31 décembre 2022. Un décret du 1er novembre précise les modalités pratiques de cette prolongation.

Un décret actuellement en concertation étendra prochainement le bouclier tarifaire aux ménages en chauffage collectif électrique. Ce bouclier sera rétroactif à partir du mois de juillet, et étendu sur l'année 2023. Il couvrira tous les logements, y compris ceux du parc social, ainsi que les parties communes. Le Gouvernement veut protéger tous les Français de la même manière, et travaille avec tous les acteurs pour ne laisser personne de côté.

Nous étudions comment les locataires avec un chauffage collectif pourraient mobiliser le chèque énergie pour régler directement leurs charges, ce qui pose des difficultés juridiques et opérationnelles. Dans cette attente, ils peuvent l'utiliser pour payer leur facture d'électricité individuelle liée à leur propre contrat.

M. Serge Babary.  - Les fournisseurs d'énergie ne répondent plus aux appels d'offres des bailleurs sociaux. Dans les relations de gré à gré, ils laissent parfois une heure ou deux pour prendre une décision sur un prix parfois extravagant, tandis que les contrats sont léonins sur la durée et les montants des dédits proposés.

Délestages et services d'eau potable et d'assainissement

M. Daniel Laurent .  - Entendez-vous réviser l'arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes de délestage sur les réseaux électriques, afin d'y intégrer les services d'eau potable et d'assainissement parmi les activités relevant du service prioritaire ? En cas de débordement des eaux usées ou d'arrêt de fonctionnement des stations de pompage ou d'épuration, qui ne disposent pas toutes de groupes électrogènes, les risques sont importants en matière d'alimentation en eau potable, de sécurité incendie, ou de protection des milieux aquatiques.

En cette période de forte activité conchylicole, la filière s'inquiète des coupures d'électricité pouvant affecter les équipements d'assainissement collectif. Il est incompréhensible que les services publics de l'eau et de l'assainissement ne soient pas considérés comme prioritaires au vu des incidences en termes de salubrité publique et de pollution.

Alors que des aides de compensation sont prévues pour les entreprises de droit privé du secteur, les régies publiques ne seraient pas éligibles.

En Charente-Maritime, la régie d'exploitation des services d'Eau17 est le premier opérateur de production et de distribution d'eau potable sous statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), dont les dépenses d'électricité devraient passer de 3 millions d'euros en 2021 à 8,6 millions d'euros en 2024.

Dans quelles conditions ces Epic peuvent-ils accéder aux mesures mises en place pour les collectivités ou les entreprises ? Il y a urgence.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement a pris toutes les dispositions nécessaires pour aborder l'hiver dans les meilleures conditions possibles. Le premier levier activé est celui de la réduction de notre consommation d'électricité, qui s'intègre dans la démarche plus globale du plan de sobriété énergétique.

Le second levier est celui de la maximisation des moyens de production. Cela passe par le suivi rapproché de la disponibilité nucléaire et par la sécurisation de nos approvisionnements en gaz, et aussi par l'accélération des projets d'énergies renouvelables en cours ou par l'autorisation d'usages à des seuils supérieurs au cadre usuel.

Si le système électrique était confronté à une situation de tension inédite et si tous les autres leviers activés se révélaient insuffisants, la Première ministre a précisé que des coupures locales, ciblées et temporaires pourraient théoriquement intervenir en dernier recours pour certains usagers raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité.

Les installations d'eau potable et d'assainissement ne sont pas explicitement prévues par l'arrêté du 5 juillet 1990. Pour autant, elles peuvent être prises en compte dans l'exercice de priorisation à l'échelon local réalisé par les préfets. Le Gouvernement a conscience de la nécessité de revoir les critères de priorité. Les évolutions éventuelles ne devront toutefois pas trop élargir le champ, étant donné que les consommations électriques préservées ne doivent pas dépasser 38 % de la consommation du département. Ce travail pourra être mené en 2023, à l'aune du retour d'expérience de l'hiver 2022-2023.

M. Daniel Laurent.  - La circulaire transmise aux préfets précise qu'ils devront porter une attention particulière aux gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement. Nous risquons de graves problèmes sanitaires si l'assainissement ne fonctionne pas.

Réparation d'éoliennes

Mme Brigitte Lherbier .  - Bien des élus locaux ne comprennent pas pourquoi de nouvelles implantations d'éoliennes sont autorisées, alors que d'anciennes doivent être réparées, voire démantelées. La côte d'Opale, de Dunkerque à Berck, est un lieu pionnier en la matière. À Widehem, j'ai constaté que des pales étaient, pour la plupart, manquantes ou cassées. Certaines éoliennes, mises en service en 2000 et 2001, souffrent encore des dégâts de la tempête du 6 janvier 2012. Aucune réparation n'est constatée.

Chaque élu lutte contre la pénurie d'énergie, mais il faut aussi préserver nos sites naturels de la pollution visuelle. Comment obligerez-vous les opérateurs à entretenir rigoureusement et rapidement le parc ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La ministre de la transition énergétique a lancé un grand plan d'accélération des énergies renouvelables, avec trente textes réglementaires pris cet été, notamment pour mieux organiser les services de l'État. L'Assemblée nationale examine le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, volet législatif du plan. Son article 3 prévoit des zones d'accélération, et l'article 1er dispose que seules les incidences sur l'environnement résultent des extensions.

Pour le moment, c'est l'arrêté du 26 août 2011 qui est en vigueur. Il a été modifié en décembre 2021 pour étendre l'obligation de démantèlement aux renouvellements. Le Conseil de l'Union européenne Énergie du 24 novembre a fixé un délai maximum de six mois pour l'octroi de permis aux projets de repowering, ce qui devrait donner lieu à un règlement européen dans les prochaines semaines.

Registre des procurations

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - L'article 3 de la Constitution dispose que le suffrage est universel, égal et secret. Or pour les élections sénatoriales des Français établis hors de France, l'atteinte de la procuration au secret du suffrage est disproportionnée. En effet, l'article 51 de la loi de 2013 prévoit que la liste d'émargement est déposée sur la table du bureau de vote pendant les opérations de vote, sans mentionner de communication préalable. Or en pratique, le secrétariat de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) la transmet aux électeurs qui la demandent. Le collège ne comptant que 553 grands électeurs, il est aisé de deviner le vote du mandant selon la sensibilité du mandataire.

Ainsi, j'ai eu des retours négatifs à la suite de la communication du registre, avec de nouvelles procurations par crainte de représailles politiques. La loi doit être strictement interprétée. L'administration ne devrait-elle pas limiter la communication du registre des procurations à une consultation papier le jour du vote ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - En 2022, 3,7 millions de procurations ont été établies. Le Conseil constitutionnel reconnaît ce droit, qui fait l'objet d'une procédure encadrée. Seul le registre permet à l'électeur de soulever le grief de l'irrégularité de la procuration auprès du juge électoral.

Désormais extrait du répertoire électoral unique, il comprend, par souci d'effectivité, l'identité du mandant et du mandataire, garantie pour l'électeur et pour les membres du bureau de vote. Dès lors, sa mise à disposition, même pour un collège peu nombreux, est indispensable.

La seule identification du mandant et du mandataire n'est pas une divulgation réelle du choix de l'électeur. Les pressions et les éventuelles manoeuvres altérant la sincérité du scrutin doivent faire l'objet d'une saisine.

Nouvelles mesures pour le financement du permis de conduire

M. Pascal Martin .  - Pour les jeunes, le permis de conduire est un passeport vers l'autonomie, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Or nous sommes face à une double réalité : les mesures pour baisser le coût du permis ne sont pas opérantes et l'inflation renchérit les frais des écoles.

Il faut des mesures concrètes pour aider les jeunes à accéder à la mobilité et à l'emploi. Les professionnels proposent la portabilité du compte personnel de formation (CPF) au sein de la cellule familiale : les parents pourraient l'utiliser pour financer le permis de leurs enfants, sans impact financier pour l'État.

Cela s'inspire de la portabilité des pensions de réversion et des RTT, au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, et renforce la solidarité intergénérationnelle. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Le CPF apporte des droits attachés à la personne en application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il est alimenté à l'issue de l'année travaillée et reste acquis même en changeant d'employeur. Il ne peut faire l'objet d'un don, car il est financé par un fonds mutualisé issu de la contribution à la formation professionnelle versée par les entreprises, au bénéfice de deux millions de titulaires par an.

De ce fait, les droits CPF ne sont pas cessibles. Le permis de conduire est déjà éligible au CPF, et le Gouvernement prévoit des aides pour les jeunes, les apprentis, les demandeurs d'emploi et les personnes en situation de handicap. Ainsi, chaque jeune âgé de 15 à 25 ans a accès au permis à 1 euro par jour.

M. Pascal Martin.  - Le CPF est un progrès social incontestable, mais il faut envisager de le rendre cessible. Cela compléterait les aides des communes aux jeunes en difficulté.

Législation sur les forêts cinéraires

Mme Elsa Schalck .  - Un nombre croissant de citoyens et d'élus appellent de leurs voeux une évolution sociétale : faire de la forêt sa dernière demeure. La forêt cinéraire offre des lieux de mémoire et de recueillement en pleine nature et une alternative économique et écologique à des cimetières où il reste peu de place. Une centaine de sites existent en Suisse, au Luxembourg et en Allemagne, où la première a été créée il y a 21 ans.

La commune d'Arbas, en Haute-Garonne, est la première en France à avoir développé un projet de forêt cinéraire. Son cas illustre les blocages administratifs, avec des contradictions entre les différents services de l'État. Ainsi, on peut disperser gratuitement les cendres en pleine nature, mais les urnes biodégradables sont interdites, car elles doivent conserver les cendres.

Des communes alsaciennes recherchent d'autres solutions. Dans le Bas-Rhin, Muttersholz a décidé d'implanter une telle forêt avec des urnes en matériaux naturels, tandis qu'Illkirch-Graffenstaden crée un jardin des souvenirs alliant nature et lieux de mémoire.

Comment accompagnerez-vous les communes s'engageant dans un tel projet ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Les projets de forêt cinéraire sont des sites cinéraires isolés, c'est-à-dire situés hors d'un cimetière et non contigus à un crématorium. Ils relèvent donc de la commune et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Ces projets ne sont pas conformes au droit, car l'inhumation d'une urne biodégradable après réservation d'un emplacement revient à faire payer aux familles des prestations qui devraient être gratuites. La dispersion des cendres à l'issue de la crémation, possible en forêt, ne peut donner lieu à une sépulture matérielle.

L'État demeure à la disposition des collectivités, dans le respect du droit en vigueur, pour créer des sites cinéraires isolés, plus écologiques que les cimetières.

Hélicoptère de sécurité civile dans le Pas-de-Calais

M. Jean-François Rapin .  - En 2015, les moyens de la sécurité civile du Pas-de-Calais se sont vus amputés de leur hélicoptère Dragon 62, transféré en Guyane - je ne conteste pas les moyens complémentaires nécessaires sur place. Néanmoins, le Dragon 62, implanté au Touquet, répondait à des besoins particuliers, avec la hausse du tourisme autour des trois estuaires et le problème migratoire, qui supposent surveillance et interventions.

Les élus du département et les services de secours appellent à repenser l'implantation de cet hélicoptère au Touquet, soit à l'année, soit, au pire, à l'été. À l'aune du schéma d'implantation en cours de réexamen, que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - La flotte de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des risques compte 35 hélicoptères, qui seront portés à 37 dans quelques jours. Les nouveaux appareils - deux en 2021, et deux en 2022 - résolvent en partie les défaillances logistiques du prestataire et le vieillissement des EC 145. Cependant, l'équilibre entre les ressources humaines et techniques est délicat : un détachement permanent est resté fermé pendant un an.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) fixe une cible à 40 appareils, qui remplira le contrat opérationnel. Une étude sur l'implantation sera alors conduite, avec la faisabilité d'une base sur la zone de défense Nord.

Les Hauts-de-France ont sept hélicoptères, dont trois d'État : quatre du service mobile d'urgence et de réanimation (HéliSmur), ainsi qu'un EC 145, un Écureuil de la Gendarmerie nationale et un Dauphin de la marine nationale. Cela compense l'absence de l'hélicoptère de la sécurité civile.

M. Jean-François Rapin.  - Le Samu n'intervient pas comme la sécurité civile. De plus, vous avez mentionné le Dauphin de la marine nationale. Or il est impossible de coordonner la sécurité civile, le Samu et la marine nationale, car son hélicoptère ne peut être mobilisé à tout instant.

Situation de l'Agence nationale du traitement informatisé des infractions

M. Didier Marie .  - La ville de Rouen a conclu une convention avec l'Agence nationale du traitement informatisé des infractions (Antai), chargée de l'envoi du forfait post-stationnement (FPS) à l'adresse de la carte grise des propriétaires de véhicules en défaut de paiement de redevance de stationnement.

Si ce FPS n'est pas acquitté dans les délais, la direction générale des finances publiques (DGFiP) adresse un avertissement avec une majoration à hauteur de 50 euros. Mais un grand nombre d'usagers indiquent ne pas l'avoir reçu et saisissent la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui interroge l'Antai.

Celle-ci n'apportant jamais la preuve demandée, la CCSP annule systématiquement la majoration et demande à la collectivité d'adresser cette décision d'annulation à l'Antai, qui doit prévenir la DGFiP pour procéder au remboursement. Ce n'est pas toujours fait, car les requérants sollicitent la CCSP pour faire exécuter les décisions. La collectivité craint donc que cela aboutisse à des condamnations pécuniaires à son encontre.

Comment simplifier ces procédures ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - L'Antai assure l'édition et l'envoi des avis de paiement des FPS et, en cas d'impayé après trois mois, émet le titre, qui permet la majoration de 50 euros pour le compte de l'État.

En 2021, elle a ainsi adressé plus de 11 millions d'avis de paiement de FPS, dont 132 000 pour la ville de Rouen.

La CCSP ne reconnaît pas la valeur de preuve aux informations ayant transité par la collectivité. L'Agence propose donc depuis 2021 une interconnexion informatique avec la CCSP pour transmettre les éléments de preuve.

Contrairement à ce qui a été dit, l'Antai transmet systématiquement à la DGFiP les messages d'annulation de FPS envoyés par les collectivités, mais l'augmentation du nombre de requêtes déposées devant la CCSP au fil des ans - plus de 150 000 en 2021 - a mécaniquement allongé les délais de traitement des dossiers. Dans certains cas, les dossiers peuvent avoir été sortis pour archivage dans les trésoreries, ce qui allonge encore les délais.

Transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle sur l'IVG

Mme Mélanie Vogel .  - Les députés ont adopté à une écrasante majorité, le 24 novembre, la proposition de loi de Mathilde Panot visant à introduire le droit à l'avortement dans la Constitution. Le Gouvernement s'est déclaré, depuis la réélection d'Emmanuel Macron, favorable à cette modification de la Constitution, contrairement à ce qui était le cas dans le précédent mandat, mais je m'en félicite... Comptez-vous déposer pour cela un projet de loi, véhicule législatif le plus approprié car une proposition ne peut être adoptée en Congrès, mais doit être soumise à référendum ? Celui-ci ne paraît ni nécessaire ni justifié démocratiquement : pourquoi dépenser des dizaines millions d'euros pour poser une question dont on connaît la réponse, puisque 86 % de la population y est favorable ? En outre, la campagne référendaire donnerait une tribune pendant des mois à des opposants à un droit défendu par une écrasante majorité.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est l'un de nos droits fondamentaux les plus absolus. Nul ne doit pouvoir retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps !

Le Président de la République avait voulu l'inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La décision choquante et incompréhensible de la Cour suprême des États-Unis n'a fait que nous renforcer dans cette volonté. Certes, le droit à l'IVG est mieux protégé ici, mais ne prenons pas de risque !

Le Gouvernement soutient donc toutes les initiatives parlementaires en ce sens, comme la vôtre le 19 octobre dernier, qui évoquait également la contraception et a été rejetée de seulement dix-sept voix, ou, le 24 novembre dernier, celle de la présidente Panot, largement adoptée à l'Assemblée nationale. Il revient désormais au Sénat de se prononcer sur cette nouvelle version plus à même de faire consensus, car elle ne mentionne pas la contraception. En matière de révision constitutionnelle, les deux chambres doivent en effet donner leur accord tant sur les projets que sur les propositions de loi.

Situation de la filière foie gras périgourdine

M. Serge Mérillou .  - Noël approche, mais le foie gras du Périgord se fera malheureusement rare sur les tables. Le 6 décembre, trois nouveaux foyers d'influenza aviaire ont été détectés en Dordogne, menaçant 600 éleveurs du Périgord, et avec eux toute une économie basée sur la vente directe ou l'agrotourisme. L'activité a été réduite de 60 %, après un arrêt total pendant la crise sanitaire.

Plans de mise à l'abri, de claustration et d'abattage des bêtes... Ces moyens de lutte contre la propagation de l'épidémie sont efficaces et nécessaires, mais il nous faut un vaccin, et vite !

Face aux pertes colossales, il faut soutenir des éleveurs pris à la gorge. Certains n'ont pas encore reçu le solde des abattages d'avril et sont à nouveau contraints de réduire leur nombre d'animaux.

Il y a urgence. Pourtant, les aides et subventions de l'État ne sont pas à la hauteur des dépenses de mise aux normes, de l'achat de nouveaux animaux, des frais énergétiques en hausse...

Envisagez-vous de renforcer les aides accordées à la filière ? Avez-vous plus de précisions à apporter aux éleveurs concernant le vaccin ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette filière est durement touchée. Nous avons été obligés de renforcer les mesures de protection en passant le niveau de risque à « élevé » sur tout leur territoire national. Les aides ne seraient pas à la hauteur ? Un milliard d'euros sur presque 7 milliards de chiffre d'affaires, ce n'est pas rien. Mais un certain nombre d'éleveurs, victimes pour la deuxième fois de cette épidémie, rencontrent des problèmes de trésorerie. J'ai donc décidé du versement d'une seconde avance à partir de la mi-janvier pour les éleveurs ayant déposé un dossier avant la fin de l'année.

Nous tentons de dédensifier les élevages pour être plus résilients.

Nous avons obtenu d'expérimenter la vaccination dans cinq pays d'Europe, dont la France. D'ici fin décembre ou début janvier, nous saurons si c'est faisable. Dès le début de l'année, nous verrons comment la déployer. Nous devons aussi nous assurer que les pays vers lesquels nous exportons l'acceptent.

Coût de l'électricité pour les agriculteurs

Mme Martine Filleul .  - Les agriculteurs de Wambaix, dans le Nord, sont dans une situation alarmante : les plants de pommes de terre doivent être conservés dans des bâtiments frigorifiques à une température de 2 degrés pendant plus de sept mois avant d'être expédiés aux agriculteurs chargés de les planter. Or les contrats d'électricité arrivent à leur terme et le prix du kilowattheure augmente fortement.

Leur consommation ne leur permet pas de bénéficier du bouclier tarifaire. Malgré des travaux d'isolation, les factures pourraient connaître jusqu'à 500 % d'augmentation par rapport à 2021 !

Si les plants ne sont pas réfrigérés, la production de pommes de terre, déjà réduite en raison de la crise de la covid, de la multiplication des pucerons et des sécheresses de cet été 2022, chutera.

Le Nord est le premier producteur de ce produit populaire, aliment préféré des Français, qui en nourrit des millions. Que comptez-vous faire ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le Nord est effectivement très important pour la production de semences. Pour atténuer la hausse des prix de l'énergie, les producteurs de plants de pommes de terre et d'endives bénéficient d'une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à son minimum légal européen et de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Le plan de résilience a permis d'abonder dès cette année l'enveloppe de prise en charge des cotisations sociales à hauteur d'environ 60 millions d'euros supplémentaires pour les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives. Comme Roland Lescure et Bruno Le Maire l'ont indiqué, nous déterminons des dispositifs pour des filières très spécifiques comme celle que vous citez, tels que des prêts ou des prêts garantis par l'État (PGE).

Enfin, j'ai lancé un plan de souveraineté Fruits et légumes visant à améliorer la résilience face aux questions énergétiques, notamment par la décarbonation.

Mme Martine Filleul.  - Je me réjouis de ces nouvelles mesures. Les agriculteurs ont vraiment besoin de vous et notre souveraineté alimentaire est en jeu.

Mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin

M. Philippe Mouiller .  - Le marais poitevin, zone humide de 110 000 hectares, est aménagé en totalité et l'agriculture y occupe une place prépondérante. Les prairies naturelles humides constituent le principal habitat naturel à préserver.

Depuis plus de vingt ans, l'État, les collectivités territoriales, les gestionnaires, les chambres d'agriculture mettent en oeuvre la stratégie de reconquête du marais dans ce sens.

Mais les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui jouent un rôle central, doivent être révisées en 2023. Des éleveurs, notamment deux-sévriens, n'y auront plus accès et l'obligation de réaliser un diagnostic d'exploitation et d'élaborer un plan de gestion pour chaque parcelle apporte de la complexité. L'exploitant agricole aura l'obligation de suivre une formation dans les deux premières années de son contrat et d'enregistrer ses pratiques au fil de l'année.

Les budgets devraient être réduits : les montants des indemnités par hectare vont être revus à la baisse.

Quelles mesures entendez-vous proposer afin de préserver cette zone humide ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le catalogue national des Maec 2023-2027 a été élaboré lors d'une concertation sans précédent.

Chaque cahier des charges est assorti d'un montant unitaire national qui permet de compenser les surcoûts et manques à gagner résultant de la mise en oeuvre des obligations prévues. Ces montants ont fait l'objet d'une vérification approfondie par un organisme extérieur à l'administration. C'est le cas pour les zones basses de prairies dans les marais pour un montant de 216 euros par hectare et par an. La différence de rémunération avec les mesures précédentes provient d'une révision des modalités de calcul : les surcoûts liés aux pratiques de fertilisation ne sont plus rémunérés, la baisse du montant unitaire pourra donc être compensée par une augmentation des surfaces. L'absence de rémunération de l'interdiction permet d'ouvrir la mesure sur tout le territoire. Le cumul entre ces mesures et la MSC protection des espèces a été rendu possible à l'échelle de l'exploitation.

Je suis prêt à me pencher sur la question des lourdeurs administratives : il n'est pas anormal de demander des éléments attestant que les mesures sont bien mises en oeuvre, mais il faut alléger les démarches autant que possible.

Fiscalité applicable à l'accueil familial

Mme Catherine Deroche .  - Je souhaite obtenir des précisions sur le régime fiscal applicable à l'une des solutions pour la prise en charge des personnes en perte d'autonomie, l'accueil familial. La doctrine fiscale nous dit que les personnes qui sont contraintes d'y recourir bénéficient du maintien des avantages fiscaux applicables à l'aide à domicile, notamment du crédit d'impôt. Mais elle ne précise pas si le recours à un organisme tiers pour la coordination et la mise en oeuvre d'un séjour en accueil familial aux côtés des conseils départementaux ouvre droit, lui aussi, à ce crédit d'impôt.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Dans le cadre de l'accueil familial, la personne hébergée signe avec l'accueillant un contrat en fixant les conditions, notamment la rémunération et les charges telles que la préparation des repas. Ces prestations entrent pleinement dans le champ du crédit d'impôt, au titre du maintien des avantages fiscaux dont aurait bénéficié la personne accueillie dans le cadre d'une aide à domicile.

Votre question renvoie plus précisément aux activités de coordination et d'intermédiation, qui peuvent notamment être réalisées par des groupements de services à la personne ou des associations. Selon la circulaire du 11 avril 2019, les dépenses engagées à ce titre ouvrent droit au crédit d'impôt lorsque la prestation est réalisée au domicile du contribuable. Par conséquent, le crédit d'impôt s'applique également dans le cadre de l'accueil familial.

Mme Catherine Deroche.  - Alors que nous attendons la loi sur le grand âge, nous avons besoin d'un éventail de solutions aussi large que possible ; l'accueil familial y a toute sa place, notamment dans le contexte de la fin de vie. Merci pour cette clarification.

Conséquences de la dissolution de Novarhéna

M. Christian Klinger .  - Le projet Novarhéna avait été lancé en grande pompe, annoncé par la ministre de l'époque comme la référence en matière d'économies bas carbone. On nous promettait un espace frontalier générant 130 millions d'euros de volume d'affaires, avec l'extension du port rhénan et une nouvelle zone industrielle. Novarhéna devait être la locomotive de la reconversion de Fessenheim ; c'est un fiasco à un demi-million d'euros puisque la structure a été dissoute en octobre.

La fermeture de la centrale de Fessenheim était une décision politique et idéologique, mais surtout une erreur, car la centrale, sûre et rentable, faisait vivre plus de deux mille foyers. Emmanuelle Wargon avait annoncé que le Gouvernement serait au rendez-vous le moment venu. Nous y sommes. À quoi a servi ce demi-million, et qu'envisagez-vous pour recréer ces deux mille emplois perdus ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - L'annonce de la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui a animé la vie du territoire pendant quarante ans, en a profondément remis en cause le modèle économique et social de développement.

L'industrie du futur, l'innovation, les énergies, la culture et l'agriculture sont autant d'opportunités de reconversion. L'État s'est engagé dans un projet de territoire pour en faire un modèle de transition et d'innovation. C'est dans ce contexte que la société d'économie mixte (SEM) Novarhéna a été créée en 2019.

Ce projet de territoire s'est déjà concrétisé dans le domaine du photovoltaïque, de la méthanisation, dans l'extension du port de Colmar-Neuf-Brisach et avec le lancement de la zone d'activité de Novarhéna.

La décision de dissolution de la SEM a été prise compte tenu de la faible surface à laquelle elle pouvait candidater, mais le projet de territoire n'est aucunement remis en cause. De nombreux projets à l'étude témoignent ainsi de notre ambition constante : rénovation de la ligne de fret Colmar-Volgelsheim, renforcement de la plateforme d'accélération vers l'industrie du futur du Cetim, ligne ferroviaire Colmar-Fribourg, reconstruction du dernier pont sur le Rhin. Citons également le projet de technocentre porté par EDF et Orano pour la mise en place d'une économie circulaire au sein de la filière nucléaire, avec des moyens financiers importants mobilisés dans le cadre du plan de relance.

Fessenheim est ainsi un emblème des enjeux territoriaux de la transition énergétique.

M. Christian Klinger.  - Ce qui manque, ce sont les réalisations concrètes pour compenser le poumon économique qu'était Fessenheim, qui produisait 1 800 mégawatts d'énergie à bas carbone. Nous en importons aujourd'hui 2 600 d'Angleterre et 5 800 d'Allemagne, produits à partir de charbon et de gaz. La pollution atmosphérique a été multipliée par huit suite à la remise en route de ces usines.

Utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés

Mme Annie Le Houerou .  - Dans les Côtes-d'Armor, Carrefour envisage de confier la gestion de son hypermarché de Langueux, près de Saint-Brieuc, à une entreprise tierce dans le cadre d'une location-gérance. Ce serait également le cas à Guingamp et à Paimpol. À Langueux, les 230 salariés sont inquiets. Avec la location-gérance, Carrefour souhaite éviter de payer les salariés dans les conditions prévues au sein du groupe. C'est intéressant pour les dirigeants et les actionnaires, beaucoup moins pour les salariés qui perdront les avantages sociaux de l'entreprise mère.

Le groupe a présenté en novembre son plan stratégique, qui prévoit 4 milliards d'euros d'économies en quatre ans. Carrefour affirme que la location-gérance est mise en place dans les magasins déficitaires, pour éviter les fermetures. Mais nous sommes inquiets du risque de casse sociale alors que le groupe est bénéficiaire. Comment le Gouvernement envisage-t-il d'encadrer ce système pour éviter que Carrefour n'en abuse au détriment des salariés ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La location-gérance, utilisée par deux mille entrepreneurs, modifie la situation juridique de l'employeur de manière encadrée. Tous les contrats de travail en cours subsistent. Selon l'analyse de la Cour de cassation, la location-gérance à Carrefour n'entraînera aucune modification des éléments essentiels du contrat de travail, dont la rémunération.

En revanche, la location-gérance emporte la mise en cause des accords collectifs. Les accords d'origine restent applicables en attendant l'entrée en vigueur des accords de substitution, dans une limite de quinze mois. Au-delà, en l'absence d'accord, les salariés conservent la garantie d'une rémunération annuelle ne pouvant être inférieure à celle qui a été versée lors des douze derniers mois.

Concernant la convention collective de branche, soit celle qui s'applique dans le nouveau cadre est la même que la convention d'origine, soit elle est différente et, dans ce cas, la convention d'origine cesse de s'appliquer après quinze mois. En l'espèce, c'est la convention collective du commerce de détail et de gros qui devrait continuer à s'appliquer.

Il n'est donc pas nécessaire de modifier la législation en vigueur.

Situation des boulangeries

M. Bruno Belin .  - Alors que la baguette vient d'être sacralisée par l'Unesco, nos 33 000 boulangeries voient leur trésorerie asphyxiée par la hausse du coût de l'énergie. Les boulangers sont les mineurs de fond de l'alimentation. Alors que commence la haute saison, nous devons les aider à traverser les six prochains mois.

Il y a plusieurs pistes : décaler le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et réinjecter les sommes ainsi dégagées dans l'amélioration thermique et énergétique, geler les contributions Urssaf ou la TVA, inciter les banques à se montrer plus aidantes, demander à la grande distribution, qui se targue de vendre pour quelques centimes un produit culturellement si important, de constituer un fonds pour alimenter leur trésorerie.

Nous avons besoin d'un « quoi qu'il en coûte » dans les prochains mois pour ce secteur d'activité si important pour les territoires : les premières boulangeries à craquer sont les plus fragiles, en milieu rural.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je partage vos préoccupations. Depuis le mois de septembre, nous sommes en lien constant avec les entreprises. Celles qui ne sont pas incluses dans le bouclier tarifaire font face à la double hausse des coûts de l'énergie et des matières premières. Nous agissons dans trois directions.

D'abord, nous avons demandé des comportements responsables aux fournisseurs, avec l'élaboration d'une charte. Ensuite, nous avons mis en place les conseillers départementaux à la sortie de crise. Enfin, il y a les aides aux entreprises touchées, en sus de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), qui ont été constamment améliorées. Bruno Le Maire a ainsi annoncé un soutien supplémentaire, à compter du 1er janvier 2023, aux entreprises très consommatrices d'énergie.

Avec l'amortisseur électricité destiné à toutes les TPE-PME inéligibles au bouclier tarifaire, l'État prendra en charge une partie de la facture au-delà de 180 euros par MWh. Parmi ces entreprises, celles qui sont très électro-intensives et dont la facture représente plus de 3 % du chiffre d'affaires après application de l'amortisseur bénéficieront du soutien supplémentaire.

L'État prend ainsi à sa charge 35 % de la hausse de la facture d'électricité.

Certes, les hausses restant à la charge des entreprises sont importantes, même avec l'aide. Mais les entrepreneurs savent que les efforts doivent être équitablement répartis ; tous font face à des choix difficiles, en matière de réorganisation de la production ou d'établissement de prix. Je vous encourage à diffuser la liste des conseillers départementaux à la sortie de crise aux entrepreneurs que vous rencontrerez.

Menace sur la souveraineté agricole

M. Gilbert Bouchet .  - Le syndicat intercommunal d'irrigation drômois (SID) se trouve dans une situation préoccupante avec l'augmentation des prix de l'électricité. La Drôme est le premier département agricole de la région Auvergne Rhône-Alpes, avec un chiffre d'affaires de 760 millions d'euros. Le SID regroupe 126 communes de la Drôme et deux de l'Isère, pour une consommation électrique de 67 GWh annuels. À la veille de conclure un nouveau contrat de fourniture d'électricité, il ne peut assumer le surcoût lié à la flambée des prix.

Comme vos services me l'ont indiqué, monsieur le ministre, il bénéficiera de l'amortisseur électricité, soit un gain de 3,6 millions d'euros, mais cela reste insuffisant. Le SID, qui présente un profil atypique de consommation concentré sur l'été, souhaite un bouclier tarifaire spécifique pour les consommations liées à l'irrigation, pour contenir l'augmentation du coût à 30 % par rapport à 2022, avec un plafond à 120 euros le KWh. Que proposez-vous pour répondre à cet appel à l'aide ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le Gouvernement est mobilisé face à la hausse des coûts, en appliquant une méthode, celle de l'écoute. Bercy s'est mobilisé pour répondre aux inquiétudes, en adaptant les aides au besoin. Concernant le SID, Bruno Le Maire a demandé à son cabinet de vous contacter le 8 décembre dernier. Il lui a été confirmé qu'il pouvait prétendre aux dispositifs mis en place par le Gouvernement. En 2022, le SID devrait toucher 1,5 million d'euros à ce titre ; et pour 2023, si la facture est vraiment de 30 millions d'euros - et je vous invite à la transmettre au cabinet de Bruno Le Maire - il recevrait 6,5 millions d'euros.

Le 6 décembre, le ministère a publié tous les contacts disponibles pour répondre aux interrogations. Le site impots.gouv.fr propose ainsi une foire aux questions et un simulateur de calcul des aides qui fournit des renseignements précis. Il y a aussi un numéro vert ainsi qu'un point de contact dans chaque département, en la personne du conseiller départemental à la sortie de crise. Vous pouvez compter sur l'engagement de Bercy.

Compensation de l'augmentation des indemnités des élus des petites communes

Mme Frédérique Puissat .  - Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à l'engagement des conseillers municipaux, adjoints et maires, singulièrement dans les petites communes rurales, qui disposent de services réduits.

Comme d'autres parlementaires, je souhaite interroger le Gouvernement sur l'évolution de la dotation particulière « élu local » (DPEL).

Vous me répondrez sans doute que son enveloppe a connu plusieurs augmentations depuis 2017. En même temps, cette dotation a donné lieu à une communication intense, laissant peut-être entendre aux élus que les indemnités seraient compensées par l'État sinon intégralement, du moins à 80 ou 90 %.

Or la réalité est tout autre. Ainsi, Oris-en-Rattier, commune de l'Isère de moins de 500 habitants, supporte une dépense annuelle de 22 000 euros pour les indemnités de son maire et de ses trois adjoints - soit 450 euros par mois pour chacun -, mais ne perçoit que 6 000 euros au titre de la DPEL, un montant qui n'a pas évolué ces dernières années.

Entre la communication et la réalité, n'y a-t-il pas une différence ? N'y a-t-il pas là une difficulté sur laquelle nous avons tous à travailler ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Conscient de l'implication permanente des élus locaux, le Gouvernement a revalorisé, dans la loi du 27 décembre 2019, les plafonds des indemnités de fonction des maires et adjoints, en portant une attention particulière aux élus des petites communes : le barème indemnitaire a été augmenté de 50 % dans les communes de moins de 500 habitants, de 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants et de 20 % dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants.

Pour accompagner cette évolution, la loi de finances pour 2020 a accru de 28 millions d'euros la DPEL, la portant à près de 93 millions d'euros ; 8 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés par la loi de finances rectificative pour 2020.

Ce soutien de l'État, nécessaire, bénéficie aux communes rurales les moins peuplées et dont les budgets sont les plus contraints. Après dix ans de stagnation, les 36 millions d'euros supplémentaires dégagés en 2020 sont un gage de reconnaissance de l'engagement de nos élus.

Par ailleurs, toutes les communes bénéficieront l'année prochaine de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 320 millions d'euros, dont 200 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale, au titre de laquelle Oris-en-Rattier a perçu cette année 4 907 euros.

Mme Frédérique Puissat.  - Entre les grands chiffres annoncés dans cet hémicycle et le ruissellement sur les territoires, les différences sont parfois notables.

Une génération d'élus va s'en aller : alors que nous pourrions avoir du mal à les renouveler, travaillons ensemble à une meilleure reconnaissance de leur engagement et regardons comment les financements ruissellent -  y compris jusqu'à Oris-en-Rattier...

Secrétaires de mairie des petites communes

Mme Patricia Schillinger .  - Pas une semaine ne passe sans que maires et élus municipaux, dont nous sommes les porte-voix, ne soulignent l'importance de leur secrétaire de mairie. Budget communal, documents administratifs et techniques, accueil des habitants, gestion des ressources humaines : autant de tâches pour lesquelles ces agents sont essentiels. Dans nos petites communes rurales, ils incarnent la République décentralisée.

Pourtant, ils sont en voie de disparition. Le déficit de reconnaissance s'est creusé année après année, et le métier a nettement perdu en attractivité. Résultat : nos élus peinent à pourvoir les postes vacants.

Ce problème, s'il s'aggrave, n'est pas nouveau : il a été soulevé lors du déploiement des maisons France Services. Le ministère de la transformation et de la fonction publiques avait chargé l'Association des maires de France de proposer des solutions. En octobre 2021, celle-ci a présenté 26 préconisations visant notamment à modifier le statut des secrétaires de mairie et à créer un groupement d'employeurs. L'attractivité de ces carrières figurait aussi parmi les chantiers de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique.

Quelles sont les prochaines étapes envisagées par le Gouvernement pour améliorer les conditions d'exercice de ce métier en tension, et selon quel calendrier ? Les attentes sont fortes sur le terrain.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Stanislas Guerini, empêché, m'a chargé de vous répondre.

Les secrétaires de mairie jouent, en effet, un rôle fondamental pour le bon fonctionnement de nos communes, notamment les plus rurales.

Les maires disposent d'outils pour mieux prendre en compte les conditions d'exercice de ces agents, gérer leur planning lorsque les intéressés sont rattachés à plusieurs employeurs - situation fréquente dans les petites communes et qu'il faut continuer à accompagner - et mieux reconnaître leurs responsabilités en termes de rémunération. À cet égard, les secrétaires de mairie peuvent bénéficier d'un régime indemnitaire allant jusqu'à 12 600 euros bruts annuels en catégorie C.

Pour mieux valoriser ce métier, le gouvernement précédent a doublé, en février dernier, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) attribuée aux secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants - ce qui représente une augmentation de plus de 70 euros par mois.

Nous devons aller plus loin en agissant sur le recrutement, la formation et les parcours de carrière. Le chantier « Parcours-rémunérations » que Stanislas Guerini lancera au mois de janvier en sera l'occasion.

Les secrétaires de mairie attendent aussi un quotidien facilité et un accès amélioré aux formations et à l'information, ainsi que davantage de travail en réseau.

Près de 40 % des secrétaires de mairie partiront à la retraite dans les huit ans : nous devons continuer à rendre ce métier attractif. Mes collègues Guerini et Faure y travaillent, en liaison avec les employeurs territoriaux. Les propositions de l'AMF sont étudiées avec grande attention, comme celles de l'Association des maires ruraux de France, du Centre national de la fonction publique territoriale, de la Fédération nationale des centres de gestion et de Pôle emploi.

Insertion des jeunes en outre-mer

Mme Victoire Jasmin .  - Ma question porte sur l'inadéquation de l'offre de formation et les perspectives d'insertion des jeunes en outre-mer, singulièrement en Guadeloupe. En la matière, nous devons répondre aux attentes des entreprises, mais aussi des jeunes et des familles.

L'Insee a fait apparaître une tendance au déclin démographique en Guadeloupe. Cette situation hautement préoccupante résulte du vieillissement de la population et de la migration massive des personnes en âge de procréer. De très nombreux jeunes partent se former ou travailler dans l'Hexagone ou à l'étranger, aggravant ce dépeuplement.

Une attention particulière doit être accordée aux femmes, qui pâtissent toujours de discriminations à l'embauche et à la rémunération.

Ces problèmes sont solubles par une mise en adéquation des possibilités de formation avec les besoins des entreprises. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour favoriser une offre de formation adaptée aux besoins de nos territoires ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La formation initiale et continue est capitale pour le développement des territoires ultramarins, en particulier la Guadeloupe, dont vous avez rappelé l'important déficit démographique.

Nous devons poursuivre nos efforts pour préparer nos jeunes aux compétences dont nos territoires ultramarins ont besoin.

L'apprentissage est un levier efficace. En Guadeloupe, pas moins de 2 570 apprentis se sont formés cette année, contre 175 en 2017. Nous allouons au Conseil régional de Guadeloupe 6 millions d'euros par an pour soutenir les centres de formation d'apprentis. Par ailleurs, l'État s'engage durablement au côté des territoires en maintenant une aide à l'embauche d'apprenti de 6 000 euros.

La future réforme des lycées professionnels s'accompagnera d'une réflexion sur la carte des formations, destinée à améliorer leur adéquation avec le tissu économique local et les métiers de demain. Via France 2030, l'État accompagnera les collectivités territoriales dans le renouvellement des plateaux techniques et la formation des professeurs pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes dans les entreprises locales.

Le contrat d'engagement jeune est déployé depuis mars dernier ; il propose un accompagnement personnalisé et, le cas échéant, une sécurisation financière. L'année prochaine, 300 000 entrées en contrat seront financées.

Pour les jeunes les plus en difficulté, des appels à projets régionaux se déploieront sur l'ensemble du territoire.

Mme Victoire Jasmin.  - Merci pour votre réponse, monsieur le ministre. J'espère des actions concrètes, en faveur non seulement des jeunes en recherche d'emploi, mais aussi des jeunes en recherche de stage, car nombre d'entreprises ne jouent pas le jeu.

Révision du règlement européen sur les substances chimiques

Mme Laurence Rossignol .  - Malgré des attentes fortes, la révision du règlement européen sur les produits chimiques dit Reach risque d'être repoussée, probablement à la fin de l'année prochaine -  dans les faits, après les élections européennes. Cette nouvelle a suscité de vives inquiétudes, dans la mesure où l'exclusion du marché européen de familles de produits dangereux serait reportée d'autant.

Depuis 2007, la complexité de ce règlement et la lenteur des procédures d'évaluation ont été fréquemment dénoncées. Cette révision est donc indispensable. Il s'agit notamment d'évaluer les produits par familles, d'identifier les perturbateurs endocriniens, de prendre en compte les effets cocktail et d'interdire certains usages de substances dangereuses.

La Commission européenne aurait renoncé à avancer sous pression des acteurs économiques. La France, elle, est bien silencieuse, alors qu'elle était autrefois en pointe sur la santé environnementale.

Quelle est la position de la France ? Le Gouvernement soutient-il une révision rapide du règlement Reach ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La France a clairement pris position : le 4 octobre dernier, mon collègue Christophe Béchu a cosigné, avec six autres ministres de l'environnement, un courrier appelant la Commission européenne à réviser le règlement rapidement.

Le 2 novembre, auditionné au Sénat, M. Béchu a insisté sur la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les prochaines élections européennes et l'urgence de durcir nos règles, y compris pour que l'industrie chimique puisse se préparer aux modifications réglementaires, qui prendront effet cinq ans après la révision.

Le Gouvernement est conscient du caractère essentiel de cette révision pour la santé de nos concitoyens comme pour la préservation de l'environnement. Il connaît aussi les inquiétudes de certains secteurs et l'importance pour eux de disposer d'une visibilité sur le cadre à venir.

La France continuera de plaider auprès de la Commission européenne et de ses partenaires en faveur d'une révision rapide.

Mme Laurence Rossignol.  - La France doit plaider, certes : elle a une obligation de moyens. Mais il est temps de passer aux résultats. Notre pays pèse en Europe, notamment en matière de santé environnementale. Les ministres, qui peuvent compter sur le soutien des associations et parlementaires engagés sur ces questions, doivent obtenir une révision aussi rapide que possible, car les substances se diffusent et leur toxicité touche de plus en plus d'habitants de nos pays.

Pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap dans les Alpes-Maritimes

M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot .  - Notre collègue Philippe Tabarot, contraint à l'isolement dans son département, m'a chargé d'interroger le Gouvernement en son nom.

L'inclusion des élèves handicapés, dans les Alpes-Maritimes comme partout ailleurs, est confrontée à une grave crise de l'accompagnement.

Entre précarisation et offre insuffisante, le département de M. Tabarot souffre d'une pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) : pour 4 434 élèves qui devraient bénéficier d'un soutien humain, il y a seulement 1 545 AESH en poste. Élèves et parents sont en plein désarroi.

La condition salariale des AESH est à l'inverse de l'attention qui doit être portée à la prise en charge de l'autisme ou du polyhandicap.

Une proposition de loi accélérant la possibilité de « CDIsation », renforcée par le Sénat, a été adoptée. Cette première avancée appelle le Gouvernement à mener sans tarder une réforme structurelle.

Une idée, aussi noble soit-elle, doit s'accompagner d'une ambition forte. Or la réalité vécue par les familles s'apparente bien plus à un parcours du désespoir qu'aux vertus angéliques de papier. Des parents financent sur leurs propres deniers des AESH, faute d'autre solution. Dire que, à la rentrée 2019, une circulaire promettait une rentrée pleinement inclusive...

Comment le Gouvernement compte-t-il agir sur ce sujet sensible ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je souhaite à M. Tabarot un prompt rétablissement.

Sa question est d'une extrême importance : elle touche au regard que nous posons sur nos enfants et nos jeunes et à leur avenir.

Notre système scolaire accueille plus de 430 000 élèves en situation de handicap en classe ordinaire ; plus de 132 000 AESH sont mobilisés, dont 4 000 viennent d'être recrutés. La loi de finances pour 2023 prévoit 4 000 postes supplémentaires. Au total, le nombre d'AESH a augmenté de 50 % entre 2017 et 2022 : nous avons aujourd'hui presque un AESH pour huit enseignants.

Toutefois, des manques perdurent, dans les Alpes-Maritimes comme dans de nombreux territoires. L'académie de Nice vient de se voir déléguer 60 AESH supplémentaires.

Trois avancées majeures ont été réalisées pour améliorer l'attractivité de ce métier : augmentation salariale de 10 % à la rentrée 2023, extension aux accompagnants de la prime REP et REP+, engagement du Président de la République de favoriser leur accès au temps complet. Enfin, la proposition de loi Victory sur la « CDIsation » dès trois ans a été votée à l'unanimité, ce qui va dans le bon sens.

M. Bruno Belin.  - M. Tabarot tient à insister sur la promesse politique déçue, rattrapée par une réalité : celle de l'appauvrissement de la politique d'inclusion à l'école.

Ségrégation scolaire

M. Pierre Ouzoulias .  - C'est tardivement et contraint par la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) que le ministère de l'éducation nationale a publié les indices de position sociale (IPS) des écoles élémentaires et des collèges.

Pourquoi avoir caché ces chiffres ? Parce qu'ils sont catastrophiques, témoignant d'une très forte ségrégation sociale : les riches vont dans les écoles de riches, les pauvres dans des écoles de pauvres - pour le dire de façon un peu abrupte.

Dans les Hauts-de-Seine, les quinze collèges présentant les plus faibles IPS sont publics, les quinze présentant les IPS les plus élevés sont privés. La ségrégation est devenue quasi absolue et correspond à une ségrégation territoriale sociale.

L'OCDE a montré que notre système est sans doute le plus socialement injuste.

Comment comptez-vous changer les choses ? Alors que 73 % du budget des établissements privés sous contrat provient de l'État, ces aides ne pourraient-elles pas être conditionnées à la mixité sociale ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - L'école de la République est le premier lieu où nos jeunesses, de toutes situations sociales et origines, doivent se rencontrer. Elle doit offrir à tous les mêmes opportunités.

Réaliser l'égalité des chances suppose de lutter contre les déterminismes, par la mixité sociale.

Dès sa prise de fonction, Pap Ndiaye a fait de la mixité sa priorité. Une première circulaire demande aux recteurs de fixer des objectifs de progression dans les établissements. Nous renforçons l'attractivité de l'offre pédagogique dans certains établissements défavorisés : plus de 43 nouvelles sections internationales ont été créées à la dernière rentrée, dans des collèges parmi les plus défavorisés. Nous suivons la même démarche pour des classes à horaires aménagés danse ou théâtre ou des classes bilingues.

Au niveau du lycée, 94 établissements publics parmi les plus favorisés se sont vus attribuer des objectifs de progression du taux de boursiers. Cette action a été étendue à 230 collèges. Ces mesures doivent s'ancrer dans la durée.

Enfin, nous travaillons sur la sectorisation et l'affectation, qui sont le nerf de la guerre pour corriger l'effet de ségrégation - je reprends le terme que vous avez employé  - par l'habitat. C'est l'objectif des opérations menées pour redéfinir la carte scolaire, un enjeu qui suscite le débat ; je pense aux secteurs multicollèges et aux resectorisations.

Des discussions sont aussi en cours avec l'enseignement privé - il ne faut pas avoir de tabou.

L'action en faveur de la mixité à l'école n'a de sens que globale, partenariale et ancrée dans la réalité des territoires.

M. Pierre Ouzoulias.  - Au public vous fixez des objectifs, avec le privé vous négociez... L'enseignement privé devrait être intégré à la sectorisation, qu'il sert aujourd'hui à contourner. Assez de paroles : nous voulons des actes !

Conseillers pédagogiques

M. Jean-Jacques Michau .  - Les conseillers pédagogiques du premier degré accompagnent les enseignants et participent à la mise en oeuvre de la politique éducative nationale. J'ai été interpellé par leur association nationale, qui est inquiète.

Depuis plusieurs années, le désintérêt vis-à-vis de cette fonction grandit, en raison d'une accumulation de tâches administratives, d'un ambitieux plan de formation national continu des professeurs des écoles, de l'accompagnement de contractuels de plus en plus nombreux, mais aussi d'un manque d'attractivité financière. De plus en plus de postes sont vacants ou occupés à titre provisoire par des personnes qui n'ont pas le diplôme requis. La compensation indemnitaire ne bénéficie pas à tous, ce qui n'est pas compris.

Quels moyens seront engagés pour renforcer la place centrale des conseillers pédagogiques dans le système éducatif et éviter que des enseignants expérimentés et diplômés ne renoncent à cette mission ? Avec quelle revalorisation salariale ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Les missions des conseillers pédagogiques sont essentielles. En effet, ils assurent la jonction entre les écoles et le pilotage départemental du premier degré.

Afin de reconnaître leur engagement et l'importance de leurs missions, nous avons revalorisé leur indemnité de fonctions de 500 euros, afin de la porter à 1 500 euros annuels depuis le 1er janvier 2022. Cette indemnité sera de nouveau augmentée de 1 000 euros à compter du 1er janvier 2023, ce qui la porte à 2 500 euros. S'y ajoute la nouvelle bonification indiciaire, soit, au total, un régime indemnitaire annuel de 4 071 euros bruts.

Par ailleurs, les conseillers pédagogiques des réseaux d'éducation prioritaire, REP et REP+, bénéficieront, à compter du 1er janvier 2023, de l'extension de l'indemnité de fonctions, soit 500 euros annuels en REP, et 3 302 euros annuels en part fixe et 702 euros en part modulable en REP+.

Vous le voyez, le ministère est mobilisé pour rendre cette fonction plus attractive.

Prise en charge des activités physiques adaptées

M. Jean-Jacques Lozach .  - Les bénéfices des activités physiques et sportives sur la santé sont connus.

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 auraient pu être le catalyseur de politiques publiques de prévention plus ambitieuses, alors que la sédentarité frappe particulièrement les classes populaires et les jeunes. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer le sport à l'école.

Nous relèverons le défi de la dépendance par la réduction du nombre de chutes et par une meilleure gestion de la baisse des capacités physiques.

Le rôle des activités physiques thérapeutiques, dites « adaptées », est prépondérant.

Faut-il aller plus loin que le remboursement de la prescription d'activités physiques adaptées (APA), en systématisant leur remboursement par l'assurance maladie ? Y a-t-il des expérimentations en cours ? Nous pensons que c'est la condition d'un déploiement à une plus large échelle.

Où en est le rapport sur la prise en charge des APA médicalement prescrites, qui aurait dû être remis en septembre 2022 ?

Les maisons sport-santé disposent-elles des moyens suffisants pour remplir leur mission de pilote et de coordinateur des APA dans les territoires ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - La Haute Autorité de santé rappelle régulièrement que l'activité physique constitue une thérapie non médicamenteuse qui réduit le risque de cancer, ou les effets secondaires de nombreuses pathologies.

Dès 2019, le Gouvernement a engagé une stratégie nationale Sport santé pour promouvoir l'activité physique.

La loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d'APA à l'ensemble des médecins et en a élargi le champ d'application.

Le rapport sur la prise en charge de l'APA sera communiqué dans les prochains jours.

Le sport sera la grande cause nationale de 2024. Aussi, le Gouvernement a confié au Docteur Delandre une mission sur le développement du sport-santé. Cette mission se penchera notamment sur les 26 expérimentations qui proposent aux patients une prise en charge de l'APA.

Projet d'unité mobile de néonatalogie de l'hôpital Sainte Musse de Toulon

M. André Guiol .  - L'architecture actuelle des services de néonatalogie des hôpitaux ne permet pas la présence permanente des parents auprès de leur bébé hospitalisé, alors même que cette présence est stipulée dans la nouvelle charte du nouveau-né hospitalisé de novembre 2021.

Alors que les services de santé sont surchargés, toute organisation nouvelle qui les soulagerait serait opportune.

Un certain nombre de professionnels proposent de mettre en place une équipe mobile de néonatalogie pour favoriser le retour précoce des familles à la maison. Cette proposition de l'équipe de l'hôpital Sainte Musse de Toulon a été formulée dans un courrier au ministre de la santé, resté sans réponse. J'ai moi-même saisi les services de la Première ministre.

Madame la ministre, prenez en considération cette proposition et expérimentez-la à Toulon !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Afin de favoriser les sorties d'hospitalisation des nouveau-nés prématurés, un décret du 11 avril 2022 ouvre la possibilité de réaliser à titre expérimental des soins de néonatalogie à domicile.

C'est dans ce cadre juridique que l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) a relayé en avril 2022 un appel à manifestation d'intérêt national. En Paca, deux établissements, dont l'hôpital Sainte Musse de Toulon, ont exprimé leur souhait de développer des équipes mobiles de néonatalogie.

Le service de néonatalogie de l'hôpital Sainte Musse est incontournable à l'échelle régionale. Son équipe médicale et paramédicale possède le savoir-faire pour accueillir, prendre en charge et accompagner les nouveau-nés et leurs parents.

Le ministère a donc sélectionné ce projet parmi ceux qui feront partie de l'expérimentation, annoncés par un prochain arrêté.

M. André Guiol.  - C'est parfait !

Absence d'accord franco-italien sur la prise en charge des patients étrangers

M. Jean-Michel Arnaud .  - Depuis le 1er mai 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nice, qui gère désormais les dossiers administratifs des citoyens italiens, ne prend plus en charge les consultations de patients étrangers réalisées au centre hospitalier des Escartons à Briançon, ce qui engendre un manque à gagner de 2,5 millions d'euros pour l'établissement.

La pérennité du centre hospitalier, situé à quelques kilomètres de la frontière, est en jeu. Les patients italiens y sont nombreux. L'absence d'accord transfrontalier entraîne un risque de réduction de la fréquentation de l'établissement et de départ des professionnels de santé, dont un quart sont italiens, qui ne pourraient plus organiser la continuité des soins entre les deux États.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour préserver les finances du centre hospitalier des Escartons ? Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à un accord transfrontalier de prise en charge de la patientèle italienne ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministère de la santé a pris contact avec les différents acteurs impliqués. Des actions seront engagées pour traiter les dossiers litigieux.

Dans la continuité des travaux menés depuis 2021, les autorités françaises sont favorables à la mise en place d'une coopération sanitaire avec l'Italie, et ont préparé un projet d'accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-italien, inscrit dans le cadre du traité du Quirinal, qui devrait entrer en vigueur début 2023.

Ce projet de coopération encadrerait juridiquement les soins des populations dans les territoires enclavés ou mal desservis. Il a été transmis début juillet 2022 aux autorités italiennes. La nouvelle équipe ministérielle italienne étant désormais installée, notre ambassade a prévu d'entamer une nouvelle démarche en vue de la conclusion de cet accord.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cette réponse ne me satisfait qu'à moitié. Les régions italiennes disposant de la compétence santé, il y a des discussions internes en Italie. Mais j'insiste, car l'urgence est là : l'avenir du centre hospitalier est en jeu.

Développement de l'antibiorésistance

Mme Corinne Imbert .  - Je ne pensais pas, en prévoyant cette question, que nous serions en pleine pénurie d'amoxicilline.

Apparue dès les années 1940, l'antibiorésistance est la capacité d'un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. À partir des années 2000, cette tendance s'est accélérée avec l'apparition de bactéries hautement résistantes. L'utilisation exponentielle des antibiotiques est la cause principale de ce phénomène et nous nous dirigeons probablement vers des impasses thérapeutiques dans le traitement de nombreuses maladies comme la méningite, les infections sexuellement transmissibles ou encore les infections de la peau.

À terme, l'antibiorésistance pourrait devenir un phénomène mondial incontrôlable. Cette réalité est encore trop méconnue du grand public, malgré une sensibilisation constante de nos concitoyens et une mortalité en France liée à l'antibiorésistance estimée à 5 500 décès.

Le Gouvernement entend-il accélérer la prévention de ce phénomène, afin d'en limiter les coûts humains et financiers dans les années à venir ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'antibiorésistance est un phénomène naturel amplifié par la consommation excessive d'antibiotiques. Les antibiotiques, c'est pas automatique !

La prévention de l'antibiorésistance nécessite un engagement fort des pouvoirs publics. La feuille de route interministérielle dédiée, publiée en 2016, est en cours d'actualisation.

La prescription d'antibiotiques en ville a baissé de 20 % entre 2009 et 2019 et la consommation en établissement baisse également. Pour autant, notre consommation reste trois fois supérieure à celle des plus faibles consommateurs européens.

En février dernier, le ministère de la santé a publié une ambitieuse stratégie nationale 2022-2025 de prévention de l'antibiorésistance. Elle repose sur le bon usage des antibiotiques et la prévention et le contrôle des infections. Professionnels et citoyens y sont fortement associés, avec une formation renforcée et des campagnes de communication.

Ces objectifs sont pilotés par les agences régionales de santé (ARS), appuyées par des structures locales et des équipes mobiles.

La France travaille également au développement de nouveaux produits contre l'antibiorésistance, et est engagée à l'international sur cette thématique.

Mme Corinne Imbert.  - Je salue les campagnes de sensibilisation, qui sont indispensables. L'antibiorésistance est une pandémie silencieuse qui pourrait remettre en cause toutes les avancées de la médecine. Son coût se chiffre en centaines de milliards d'euros à l'échelle mondiale. Les antibiotiques ne sont ni automatiques ni magiques.

Remboursement du matériel paramédical d'occasion

M. Henri Cabanel .  - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu la prise en charge par l'assurance maladie des dispositifs médicaux remis en bon état d'usage. Mais nous sommes toujours dans l'attente du décret d'application ! Le matériel paramédical d'occasion permettrait pourtant aux familles de faire des économies et de développer l'économie circulaire. Quand ce décret sera-t-il publié ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Il s'agit en effet d'un dispositif essentiel pour favoriser l'accès aux aides techniques et développer l'économie circulaire. Mais cette réforme d'envergure nécessite d'abord une discussion approfondie avec les acteurs concernés. Le décret sera en effet couplé à une norme en cours d'élaboration afin de définir les activités et la responsabilité des acteurs de la remise en bon état d'usage. Un projet de décret a été finalisé ; il sera soumis pour avis au Conseil d'État, pour une publication au cours du deuxième trimestre 2023. La norme permettra l'homologation des centres de remise en bon état d'usage. En outre, afin d'accélérer le déploiement de l'économie circulaire, le Gouvernement a décidé la reprise des négociations tarifaires avec les industriels et distributeurs de matériel médical afin de faire aboutir la réforme de la prise en charge.

M. Henri Cabanel.  - Il est plus qu'urgent d'avancer. Les bénévoles de nombreuses associations - je pense notamment à Grandir et Vieillir ensemble, dans l'Hérault - collectent déjà des fauteuils roulants pour les remettre en état.

Réforme des transports sanitaires urgents

M. Franck Menonville .  - La réforme des transports sanitaires urgents, entrée en application le 1er juillet dernier, est à l'origine d'importantes difficultés pour les ambulanciers en milieu rural. Tout d'abord, la rémunération forfaitaire de 150 euros, auxquels s'ajoutent 2,32 euros par kilomètre supplémentaire à partir du 21e kilomètre, pénalise les territoires ruraux. Ensuite, l'instauration d'un revenu minimum garanti (RMG), de 64 euros par heure et 768 euros pour une garde de douze heures, est nettement moins favorable que le système antérieur. Enfin, le calcul et le versement trimestriels du RMG ne sont pas adaptés au contexte de forte hausse des prix du carburant. Cela a des conséquences lourdes dans nos territoires où les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont déjà sous tension. Comment comptez-vous adapter cette réforme pour mieux prendre en compte les spécificités des territoires ruraux ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réforme des transports sanitaires urgents a bien pris en compte les spécificités de ces territoires. Le RMG doit inciter les transporteurs à effectuer des gardes, notamment dans les secteurs ruraux. En cas de nombre insuffisant de transports, un complément est versé. Les interventions non suivies d'un transport sont également prises en charge à hauteur de 80 euros. La réforme rend possible l'organisation d'une garde ambulancière sur l'ensemble des plages horaires, avec des modulations selon les territoires. Afin de tenir compte des départements à faible activité et à fortes contraintes, un seuil dérogatoire a été instauré, notamment dans la Meuse, et il a même été abaissé à l'été 2021 pour faciliter l'organisation de la garde dans les territoires ruraux. Nous sommes attentifs aux remontées du terrain.

Un bilan financier sera partagé en fin d'année et un bilan organisationnel établi au premier trimestre 2023, nous permettant d'envisager d'éventuels ajustements.

Aide à la vie partagée

M. Olivier Cigolotti .  - La question du bien vieillir est essentielle dans nos territoires. En Haute-Loire, le département et les acteurs locaux se mobilisent pour déployer de l'habitat inclusif au bénéfice des personnes âgées ou en situation de handicap. D'ici deux ans, l'aide à la vie partagée (AVP) devrait y concerner 100 personnes dans dix habitats. Mais il existe aussi d'autres habitats partagés qui ne sont pas reconnus comme habitats inclusifs. Loin des grandes résidences services, ces projets de moins de quinze places sont souvent le fruit d'une initiative personnelle et constituent une réponse intéressante entre le domicile et l'établissement. Il faut une approche pragmatique, associant public et privé. L'État doit aussi valoriser ces habitats. Quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il pour soutenir ces solutions essentielles dans nos territoires ruraux ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'AVP doit permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de bénéficier d'un habitat inclusif, dans le respect de leur libre choix. Mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, l'AVP avait vocation à remplacer le forfait pour l'habitat inclusif. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 simplifiera le financement de l'habitat inclusif et en accélérera le déploiement, y compris dans les territoires ruraux.

L'AVP est attribuée par le département et compensée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de 80 %, puis 50 % à partir de 2025. Pour la CNSA, cela devrait représenter 45 millions par an jusqu'en 2025, puis augmenter avec le développement de l'habitat inclusif qui repose sur une politique incitative. D'ici la fin de l'année, 96 départements auront inscrit l'AVP dans leur règlement départemental d'aide sociale et établi leur programme.

Nous mettons en place un continuum de solutions, avec notamment MaPrimeAdapt' pour l'aménagement des logements des personnes aux revenus modestes. La prochaine conférence nationale du handicap permettra de faire évoluer l'offre médico-sociale pour toujours mieux répondre aux besoins.

M. Olivier Cigolotti.  - La Haute-Loire fait face au vieillissement de sa population, aux revenus très modestes. L'AVP doit prendre en compte un éventail plus large d'habitats avec services.

Accueil de la petite enfance

Mme Colette Mélot .  - Le Président de la République a fait de l'accueil de la petite enfance une priorité nationale et a rappelé le caractère décisif des mille premiers jours de la vie. Nous disposons de 446 000 places de crèche, mais il en manque 230 000. Notre système d'accueil de la petite enfance était performant. Il est aujourd'hui en perte de vitesse : 40 % des enfants n'ont pas de solution d'accueil. C'est d'autant plus inquiétant que d'ici 2030, 160 000 des 290 000 assistantes maternelles prendront leur retraite.

Le Président de la République et la Première ministre ont annoncé la formation de 100 000 nouveaux professionnels d'ici 2027, mais a-t-on les candidats ? La profession n'attire plus, en raison des conditions de travail, de rémunération, de remplacement des absences et d'un manque de considération. Les crèches sont à la peine pour recruter ; elles ont besoin, non pas de personnel non diplômé, mais de personnel formé à la sécurité, à l'hygiène, à l'accompagnement et à la communication avec les enfants, les parents et les équipes.

Le manque de solutions d'accueil risque d'avoir de graves répercussions sur l'emploi. Quelles actions envisagez-vous pour redonner un nouveau souffle à cette politique ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'accueil du jeune enfant est la première préoccupation des parents. Les difficultés sont connues : il manque 200 000 places de crèche.

Beaucoup a déjà été fait - avec le plan Rebond doté de 200 millions d'euros et la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 -, mais il faut aller plus loin. Jean-Christophe Combe a annoncé le 21 novembre dernier le lancement d'une grande concertation sur la création d'un service public de la petite enfance dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Des concertations locales seront organisées au cours du premier trimestre 2023 dans dix territoires, afin de prendre en compte la diversité des situations.

Un travail est déjà en cours avec le comité de filière pour restaurer l'attractivité des métiers sur la question de la qualité de vie au travail, des parcours, des formations et des salaires. Dès juillet, le ministre a débloqué 2,5 millions d'euros pour créer un observatoire de la qualité de vie au travail et organiser une campagne de promotion de ces métiers. Le 22 septembre, il a confirmé que l'État accompagnerait des revalorisations salariales, sous réserve qu'un socle social commun soit défini. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a été saisie par le Gouvernement pour accompagner les partenaires sociaux en ce sens.

Conséquences de la ZFE-m d'Île-de-France

Mme Laure Darcos .  - Les chefs d'entreprise d'Île-de-France, et tout particulièrement de l'Essonne, sont inquiets. La mise en place progressive de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est un casse-tête pour les 100 000 entreprises de travaux publics, du bâtiment et du transport routier qui exercent sur le territoire de la métropole. Déjà lourdement impactées par les limitations d'accès au territoire de certaines communes, elles subiront de nouvelles restrictions de circulation à partir du 1er juillet prochain. Comment desservir des chantiers, assurer des livraisons ou répondre à des marchés avec des véhicules qui ne répondent plus aux normes ? Les aides de l'État, de la Région et de la Ville de Paris sont insuffisantes pour assurer le renouvellement de la flotte et l'offre de véhicules à faibles émissions est inexistante. Les entreprises sont face à un mur écologique et économique. Elles déplorent aussi un défaut de concertation avec leurs organisations professionnelles : de nouvelles mesures coercitives ont été édictées lors du premier comité interministériel sur les ZFE, dont elles n'ont eu connaissance qu'a posteriori. Allez-vous entendre leur voix ? Envisagez-vous de revoir le calendrier de déploiement de la ZFE-m d'Île-de-France ? Prévoyez-vous de déployer des aides financières massives pour ces professionnels ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Veuillez excuser mon collègue Christophe Béchu. Les ZFE-m sont un outil à la main des collectivités qui en définissent le périmètre, les critères et le calendrier. Des étapes de concertation et d'information permettent de prendre en compte les contraintes des différents acteurs et de proposer des adaptations ou dérogations ciblées.

L'État met à disposition des statistiques du parc de véhicules pour aider les collectivités à élaborer une trajectoire. Une task force interministérielle associant l'ensemble des acteurs travaille depuis fin 2020 à la construction d'une trajectoire de transition énergétique pour le transport routier de marchandises. Lors du premier comité interministériel de suivi des ZFE du 25 septembre dernier, la création d'un comité de concertation en vue d'explorer les possibilités d'harmonisation a été annoncée.

Enfin, l'État soutient les territoires souhaitant ou devant créer une ZFE à travers des aides renforcées à l'acquisition de véhicules peu polluants ou de mobilité douce. Le fonds vert disposera d'un volet spécifique pour les ZFE-m. Les collectivités sont invitées à mettre en place des aides complémentaires. C'est ainsi que la Région Île-de-France propose quatre aides pour l'achat d'un véhicule propre par un professionnel et l'aide du Grand Paris complète le dispositif d'aide à la conversion de l'État.

Mme Laure Darcos.  - N'oublions pas les entreprises, tout particulièrement les petits artisans qui n'ont pas les moyens de changer de véhicule.

Réforme du master et concours de niveau bac+4

M. Pierre-Antoine Levi .  - Depuis septembre 2020, les étudiants en droit et en science politique sont sélectionnés dès le master 1. Cette réforme de l'entrée en master, qui supprime la sélection en master 2, est bénéfique. En effet, la sélection en master 2 imposait à certains étudiants de changer de master ou d'abandonner l'université. Les étudiants sont désormais automatiquement admis en master 2 dès lors qu'ils ont validé leur quatrième année. Mais cette réforme présente aussi des travers : en droit, les étudiants s'inscrivent parfois en master 1 pour présenter certains concours à bac+4. En leur fermant les portes du master 1, la réforme prive donc de nombreux étudiants de l'accès à ces concours ou examens, notamment celui d'avocat, mais aussi de nombreux autres. Pour eux, c'est la double peine : ni master 1 ni concours. Que compte faire le Gouvernement pour y remédier ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Sylvie Retailleau, en déplacement en Guyane. La réforme du master prévue par la loi de 2016 a permis d'adapter notre deuxième cycle d'enseignement supérieur au système LMD (licence-master-doctorat), conformément au processus de Bologne. Cette harmonisation permet la reconnaissance de nos diplômes nationaux dans tout l'espace européen d'enseignement supérieur. Il n'y a donc désormais plus de sélection entre le master 1 et le master 2 et la poursuite d'études pour les titulaires d'une licence est garantie via la saisine du recteur.

De nombreux concours - d'enseignant, de commissaire de police ou de commissaire de justice - prévoient désormais un recrutement en fin de master. Les avocats le souhaitent également. Dans les faits, la plupart des candidats sont déjà titulaires d'un master. Certains concours de catégorie A ou A+, et notamment celui de l'Institut national du service public, restent accessibles aux titulaires d'une licence.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Madame la ministre, entendez la détresse de milliers d'étudiants.

La séance, suspendue à 12 h 30, reprend à 14 h 30.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Trois candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Adaptation au droit de l'Union européenne(Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

Demande de priorité

M. le président.  - Conformément à l'article 44, alinéa 6, du Règlement, le Gouvernement demande l'examen par priorité des articles 20, 23 et 24 au début de la discussion des articles.

La priorité, acceptée par la commission, est ordonnée.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le droit français s'enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres de l'Union européenne. Un cadre européen unifié protège nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens.

Le projet de loi transpose et met en oeuvre des directives et règlements adoptés ces trois dernières années, et procède à des mises en conformité avec le droit européen. Il aborde des sujets variés.

Au-delà de l'attractivité de l'épargne-retraite et du contrôle du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle (PEPP), le Gouvernement vous proposera, à l'article 2, de définir les règles et le régime du sous-compte français de ce produit pour le rendre effectif au regard du droit de l'Union européenne, et ainsi préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Je défendrai aussi, à l'article 5, un amendement sur le régime pilote des infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT), c'est-à-dire de la blockchain. Le règlement européen sur le régime pilote entrera en application en mars 2023. Ce régime sera mis en place pour trois ans, renouvelables une fois. Pour la première fois, un texte d'application directe autorise certains acteurs de marché à déroger à la réglementation de droit commun. La France s'est battue pour obtenir ce régime d'expérimentation à taille industrielle des usages de la blockchain dans le domaine des instruments financiers. La place de Paris pourrait devenir celle de la mise en oeuvre du régime pilote, et en tirer un avantage comparatif.

Le Gouvernement vous proposera de faire entrer les titres nominatifs dans le périmètre d'application du règlement, et de modifier la réglementation pour organiser la répartition des compétences entre autorités nationales et européennes.

L'article 8 a fait débat -  ce qui honore le Parlement -, mais les orientations politiques européennes sont fixées. Leur mise en oeuvre opérationnelle requiert un laborieux travail technique, sur des dizaines de pages de code. Il s'agit d'être ambitieux en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings. L'habilitation est donc nécessaire. Le Gouvernement s'engage à mener ce travail en pleine association avec les parlementaires qui le souhaiteront.

L'article 12 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 17 avril 2019 sur l'accessibilité des produits et services - tels que les sites internet, les billetteries, les services bancaires, les livres numériques, etc. La France a été mise en demeure, et notre retard collectif sur l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap n'est pas acceptable. Un travail interministériel est déjà engagé. Cet article demande donc une habilitation de quatre mois ; les écritures législatives seront intégrées par amendement au cours de la navette.

L'article 14 porte notamment sur le congé parental d'éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et de proche aidant.

L'article 23 ratifie des ordonnances sur la surveillance du marché des dispositifs médicaux et de diagnostic in vitro. Votre commission des affaires sociales a travaillé à l'amélioration des outils contre les risques de rupture et les éventuelles sanctions.

Enfin, je note que les dispositions sur les transports ont mobilisé la Chambre haute, tout comme celles sur la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, vitale pour nos agriculteurs.

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre commission s'est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.

Ainsi, l'article 12 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 17 avril 2019. Les premiers jalons de l'exigence d'accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. La directive étend cette exigence à un plus grand nombre de produits et d'acteurs économiques, à compter du 28 juin 2025.

La technicité et la nécessaire harmonisation des réglementations dans des secteurs variés justifient l'habilitation. Le retard pris sur l'accessibilité physique nous invite à être attentifs au calendrier.

La commission a approuvé l'article 14 sur les congés familiaux, qui traduit la directive du 20 juin 2019 sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. À l'issue d'un congé de paternité, d'un congé parental ou de présence parentale, le salarié conservera les avantages acquis avant. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l'ancienneté d'un an requise pour le congé parental d'éducation sera comptabilisée à partir de la date de demande du congé, et non de la naissance.

La commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l'entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.

La commission a aussi adopté les articles 15 et 16 qui adaptent le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles. L'employeur devra transmettre quinze types d'informations aux salariés sous 7 à 30 jours. La directive ne laisse presque aucune marge au législateur national.

J'attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité que ces démarches supplémentaires imposées aux employeurs soient simples : TPE et PME devront être accompagnées, avec des documents types.

Nous approuvons la suppression de la fixation par les branches de périodes d'essai plus longues que la durée légale, ainsi que le renforcement de l'information des salariés en CDD ou en intérim sur les CDI à pourvoir au sein de l'entreprise.

L'exclusion des salariés employés par chèque emploi service ou relevant du guichet unique du spectacle occasionnel nous semble justifiée.

Sur la santé, la commission prend acte de l'article 19, qui traduit l'arrêt Vanderborght de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) concernant la publicité dans le champ de la santé. L'enjeu est celui de l'effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.

L'article 20, sur les denrées alimentaires destinées à des fins médicales, transcrit en droit français la dénomination européenne, et établit une distinction selon les risques présentés. La commission a entendu encadrer plus strictement la délivrance et renforcer le contrôle médical. Le Gouvernement a également modifié le mode de distribution, en l'ouvrant à la pharmacie d'officine. Face aux inquiétudes des patients, je souhaite qu'il apporte des garanties sur les capacités de distribution des spécialités et sur le maintien des conditions de prise en charge.

L'article 21 adapte notre dispositif de déclaration de la composition des mélanges dangereux au système européen de déclaration unique, créé en application du règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP) de 2008. Celui-ci dispense les industriels de remplir une déclaration par pays, mais le portail qu'il prévoit remplace notre portail national, qui renseigne les centres antipoison.

L'article 22 adapte le droit français au paquet « médicaments vétérinaires » adopté en janvier 2019. Il ratifie l'ordonnance du 23 mars 2022 et tire les conséquences de la répartition des compétences entre l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de protection des populations (DDPD).

L'article 23 adapte le droit national aux règlements européens sur les dispositifs médicaux et dispositifs de diagnostic in vitro, en ratifiant deux ordonnances de 2022 et en insérant des dispositions sur le pouvoir de sanction de l'administration des douanes. Cela améliorera la sécurité et la transparence. La commission a toutefois ajouté des dispositions contre les pénuries et les ruptures.

Enfin l'article 24 prévoit une pénalité pour les officines n'assurant pas la sérialisation des médicaments, obligation européenne depuis février 2019, mais respectée par à peine 50 % des officines, contre 80 % en moyenne en Europe. La France est sous la menace d'une sanction européenne de 300 millions à 400 millions d'euros. L'article reprend un dispositif censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre du PLFSS, en prévoyant cette fois-ci une pénalité forfaitaire.

Je vous invite à adopter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de nos commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Hervé Maurey et Stéphane Artano applaudissent également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires économiques s'est vue déléguer deux articles agricoles, plus techniques que politiques. Ainsi, l'article 30 corrige une incohérence sur les aides à l'installation des jeunes agriculteurs et l'article 31 ratifie huit ordonnances variées adaptant le code rural au droit de l'Union européenne.

L'article 30 rend sans équivoque la possibilité de décentralisation des aides à l'installation. En effet, l'ordonnance de janvier 2022 transfère les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC, ce que salue le Sénat.

La commission a adopté mon amendement demandant un bilan annuel de la politique de transmission et d'installation par région, consolidé à l'échelle nationale, qui nous prémunira contre le manque de lisibilité des aides, l'accroissement des disparités entre régions et le manque d'efficacité. L'État doit garder un oeil sur l'installation.

En outre, la condition d'une capacité professionnelle préalable -  en agronomie, biologie ou gestion des entreprises  - est maintenue, pour privilégier les installations viables aux projets mal ficelés. Alors que les agriculteurs doivent respecter un nombre croissant de règles, ne confondons pas vitesse et précipitation en laissant passer des installations sans formation.

Sur le fond, il est souhaitable de ratifier les huit ordonnances de l'article 31, dans un souci de sécurité juridique et parce qu'elles émanent de règlements européens d'application directe. La France est à l'initiative de plusieurs d'entre elles et en bénéficie, notamment pour la reconnaissance des produits de montagne. Les seules surtranspositions, sur les maladies animales et végétales, sont justifiées. Il faudra toutefois être vigilant sur le contrôle de l'application : ainsi, l'ordre des vétérinaires m'a signalé des pratiques d'optimisation.

Sur la forme, toutefois, nous ne sommes pas satisfaits, en raison du temps limité pour examiner ce Ddadue. Il ne ratifie pas moins de huit ordonnances, très disparates, quand la moyenne est de trois. Enfin, la ratification intervient cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication -  sous le précédent quinquennat, la moyenne était d'un an, un mois et sept jours. Certaines ordonnances datent de 2015, les textes européens qu'elles traduisent, de 2005 ! Un tel découplage est inédit. Nous travaillons à contretemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Patricia Schillinger et M. Frédéric Marchand applaudissent également.) La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable au projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements. Elle regrette les délais d'examen sur un texte certes technique, mais qui emporte des conséquences concrètes.

La commission a enrichi et complété la transposition de la directive « Eurovignette », pour relever l'ambition écologique du texte et accompagner le verdissement de la flotte, sachant que 99 % des poids lourds fonctionnent au diesel.

Le texte initial se cantonnait aux seuls péages des futures concessions autoroutières et ne prévoyait pas de mise en conformité avec l'ordonnance relative à l'instauration d'une taxe sur le transport routier de marchandises par la Collectivité européenne d'Alsace (CEA). Notre article 26 bis y remédie. Monsieur le ministre, une telle modification ne saurait passer par une ordonnance ; des ajustements pourront être apportés au cours de la navette si nécessaire.

À l'article 28, relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires, la commission a souhaité mieux garantir les droits des personnes handicapées et reporter la date d'application de certaines obligations pour ne pas créer d'inégalité entre voyageurs dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.

Enfin, la commission a souhaité ratifier une ordonnance de transposition de la directive relative aux installations de réception portuaires pour les déchets des navires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-François Longeot et Frédéric Marchand applaudissent également.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-François Rapin et Frédéric Marchand applaudissent également.) Ce nouveau projet de loi Ddadue nous parvient un an après le précédent, dans des délais contraints -  il a été déposé le 23 novembre. La commission des finances a délégation au fond sur neuf articles : les articles 1er à 8 et l'article 13.

Cinq d'entre eux sont des demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance, pour cause de retard pris par le Gouvernement dans la transposition de directives ou l'adaptation au droit européen.

Les articles 1, 2, 4, 5, 6 et 13, qui portent sur les domaines assurantiel, bancaire ou financier, sont essentiellement techniques. Deux amendements rédactionnels ont été adoptés en commission. L'article 3 corrige une suradaptation qui a conduit à appliquer à tout le secteur assuranciel l'obligation de publier des informations en matière de durabilité. Le Sénat avait pourtant supprimé l'article de la loi Énergie Climat transposant le règlement européen, estimant qu'il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement s'aperçoit aujourd'hui que le Sénat avait raison...

L'article 7 porte une demande d'habilitation pour transposer la directive du 24 novembre 2021 sur la communication d'informations relatives à l'impôt sur les sociétés. Je regrette l'absence de transposition en « dur », alors que le Gouvernement avait un an pour le faire. De surcroît, nous n'avons pas obtenu les informations demandées sur les obligations déclaratives des entreprises et sur la clause de sauvegarde. Je proposerai donc la suppression de l'article.

L'article 8 transpose la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) relative à la publication d'informations en matière de durabilité, qui n'a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière, et n'est toujours pas publiée au Journal officiel.

Le périmètre de la demande d'habilitation, démesuré et excédant largement celui de la directive, englobait toutes les obligations sociales et environnementales des entreprises. Nous l'avons donc restreint.

Enfin, l'encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) doit être renforcé, comme le montre la faillite de la société FTX. Nous proposerons de remplacer l'enregistrement par un agrément, plus exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Cyril Pellevat applaudit également.)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Les délais d'examen ont été particulièrement contraints. C'est un manque de respect vis-à-vis du Parlement, notamment pour un texte technique impliquant le temps de l'expertise.

La commission des lois a été saisie de six articles.

L'article 9 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 sur les fusions, scissions et opérations transfrontalières. Ces habilitations doivent rester l'exception. Compte tenu de l'existence d'un avant-projet et de l'échéance proche, la commission a réduit la durée de l'habilitation de six à trois mois.

Lorsque les représentants de salariés représentent plus de 30 % des membres de l'organe de direction, la directive permet de choisir de plafonner cette proportion à 30 %. Jugeant cette option défavorable aux salariés, la commission en a supprimé la possibilité.

La commission a confié la mission de contrôle préalable d'une opération transfrontalière au greffier du tribunal de commerce.

Le code de commerce prévoit la dissolution judiciaire d'une société dans le cas où ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Cette sanction correspond à une surtransposition de la directive du 14 juin 2017. L'article 10 la remplace par l'obligation d'apurer les pertes au moyen d'une réduction du capital social. Cela maintient une double sanction, mais dans un délai plus long, et tient compte des nouvelles modalités de financement des sociétés.

L'article 11 relatif au droit de la commande publique étend aux infractions pénales les plus graves la possibilité pour les opérateurs sanctionnés de démontrer leur fiabilité afin de pouvoir tout de même soumissionner aux marchés publics. C'est affaiblir l'effet dissuasif de ces peines, s'agissant d'infractions qui vont jusqu'à la traite d'êtres humains.

Si les directives de 2014 imposent la transposition en droit interne, notre commission a néanmoins prévu que les mesures concrètes prises par l'opérateur doivent être évaluées en tenant compte de l'infraction commise. Cela améliorera la lisibilité du droit de la commande publique.

L'article 17 transpose dans le droit de la fonction publique l'obligation faite aux employeurs par la directive du 20 juin 2019 d'informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. Les modalités de cette communication seraient établies par un décret en Conseil d'État, qui renverrait à un arrêté. Les États membres avaient jusqu'au 1er août 2022 pour transposer la directive... Une fois les mesures d'application prises, il faudra évaluer la charge de travail supplémentaire pour les employeurs publics. La commission des lois vous propose d'adopter ces six articles tels qu'elle les a modifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Else Joseph applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Depuis quatre ans, la commission des affaires européennes assure une veille pour prévenir la surtransposition des textes européens en droit interne. Elle formule des observations quand elle constate qu'il est proposé d'aller au-delà de ce qu'impose le droit européen, sans justification recevable, afin de préserver la compétitivité de nos entreprises.

Cette mission a été consacrée par le Règlement du Sénat. C'est dans ce cadre que j'ai demandé que notre commission soit consultée sur le présent projet de loi.

Le Gouvernement propose une transposition sectorielle par un véhicule dédié. Pour autant, la brièveté des délais et la diversité des sujets n'ont pas facilité la coordination entre les commissions.

Les modifications proposées sont d'importance inégale. La commission des affaires européennes a relevé la suppression d'une surtransposition plus exigeante de la directive de 2017 sur le capital social souscrit. La commission des lois s'est prononcée pour cette démarche.

Certaines transpositions sont trop tardives, avec des délais d'habilitation allant au-delà du calendrier prévu par le texte européen.

Dans sept cas, le Gouvernement motive le recours à une ordonnance par le caractère technique du texte à transposer et l'absence de marge de manoeuvre. Ce n'est pas le cas pour l'article 8 qui concerne la directive CSRD, sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. En 2017, l'ordonnance de transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) était plus exigeante que le texte lui-même, en raison de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite NRE, et de la loi Grenelle II.

Or l'habilitation demandée aujourd'hui est extrêmement large, autorisant des modifications des obligations des entreprises en matière sociale, environnementale ou de gouvernance. Des obligations de transparence renforcées pourraient avoir des effets concurrentiels négatifs pour nos opérateurs. Nous attirons l'attention sur ce risque de surtransposition. Le Gouvernement se donne neuf mois pour publier une ordonnance dont les conséquences pour les entreprises sont importantes. Nous en reparlerons à l'article 8. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d'une Europe ultralibérale. Cette Europe se rappelle à nous une fois par an avec les fameux Ddadue.

La nécessité, voire l'urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit européen ne saurait justifier les délais aussi courts laissés au Parlement pour examiner ce projet de loi.

Je renvoie le Gouvernement à l'excellent rapport des députés Chassaigne et Bourlanges qui propose de réserver les Ddadue aux cas d'urgence ou de précontentieux et aux transpositions de textes purement techniques, tout en appelant à veiller à la cohérence thématique.

Or sur 31 articles, sept sont des habilitations à légiférer par ordonnances, et dix, des ratifications. Ajoutez un renvoi à un arrêté, une mise en conformité avec une décision de la CJUE, et vous avez un fourre-tout indigeste qui ne laisse aucune place au droit d'amendement.

Certes, les mesures en faveur de l'accessibilité ou l'élargissement des congés de proche aidant aux salariés de particuliers employeurs sont des progrès, mais bien faibles au regard des mesures de régression sociale de l'Union européenne. Où est l'Europe sociale tant vantée ?

Alors que le Gouvernement s'est engagé auprès de Bruxelles à réduire les droits au chômage et à casser notre système de retraite, ce texte prévoit, comme par hasard, d'améliorer l'attractivité de l'épargne retraite individuelle européenne...

Bref, le Gouvernement mène en bateau nos concitoyens, après avoir troqué notre système solidaire contre les aides du plan de relance.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits en supprimant l'obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises condamnées à candidater à des marchés publics en échange d'un engagement à ne plus commettre d'infraction. Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Je salue la qualité des travaux des six rapporteurs.

À l'article 12, ce projet de loi étend les obligations issues de la loi de 2005 sur le handicap. À compter du 28 juin 2025, l'accessibilité s'appliquera également aux terminaux numériques, comme les distributeurs automatiques de billets ou les liseuses...

On se souvient qu'il nous avait fallu voter un report à ces obligations, initialement prévues en 2015. Le Gouvernement devra prendre toutes les dispositions nécessaires pour accompagner les changements.

Nous saluons l'article 14, qui permet au salarié de conserver les avantages acquis avant un congé familial. Le groupe UC est attentif à l'extension du congé de proche aidant aux salariés de particuliers employeurs. Nous voterons l'amendement qui ajoute les congés de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l'entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation.

Sur les obligations imposées à l'employeur en matière d'information des salariés, il faudra accompagner les plus petites entreprises en mettant à disposition des documents types.

Nous avons été sensibilisés par le secteur des dispositifs médicaux sur l'embolie des organismes certificateurs. Le projet de loi, amendé par la commission, répond à cette crainte - même si une prolongation temporaire de certification aurait pu être envisagée pour le stock.

S'agissant de l'article 24, la lutte contre la falsification des médicaments est une nécessité, indispensable pour l'égalité au sein de l'Union. Il faut aussi une amende forfaitaire pour ceux qui ne respectent pas leurs obligations. Mais encore faut-il que l'obligation soit tenable. Or au 28 novembre 2022, seules 68 % des pharmacies parvenaient à se connecter au répertoire de vérification des médicaments...

Le groupe UC votera ce projet de loi amendé par nos commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Stéphane Artano .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.) La technicité des sujets ne saurait occulter l'importance des enjeux soulevés par ce texte fourre-tout, dont le seul fil rouge est l'adaptation au droit européen.

C'est un texte dense, très technique, sur lequel nous avons travaillé dans l'urgence. Quelles que soient nos réserves, nous devons être à jour de nos obligations européennes. Le groupe RDSE, attaché au projet européen, entend cet argument.

Mais les délais très contraints nous rappellent ceux du projet de loi de finances. Cela ne saurait justifier l'affaiblissement du rôle du Parlement, déjà amoindri par chaque recours au 49.3.

Nous nous réjouissons des mesures sociales. Dans un pays où douze millions de personnes sont en situation de handicap, l'absence d'une société pleinement inclusive est une anomalie.

L'article 12 sur l'accessibilité des produits et services doit être un catalyseur pour une inclusivité toujours plus grande. Ces exigences devront être effectives à partir du 28 juin. Sont concernés les prestataires de services du secteur bancaire, des transports ou de la culture. Cela dit, l'enjeu réside surtout dans le calendrier de mise en oeuvre... Après la loi de 2005, le Gouvernement devra prévoir un régime d'incitation, voire de sanction, pour accompagner les opérateurs économiques.

Dans un contexte économique tendu - inflation galopante, défi énergétique, Inflation Reduction Act américain - ce projet de loi participe à faciliter les échanges et à soutenir les entreprises en difficulté. Nous sommes satisfaits des réponses systémiques qu'apporte l'Union européenne.

À ce titre, l'élimination de la surtransposition à l'article 10 est bienvenue : nos entreprises étaient exposées à un risque de dissolution excessif.

Je salue l'harmonisation des procédures en matière de scissions et transformations transfrontalières, et le renforcement du dispositif anti-fraudes et anti-abus.

Enfin, nous souhaitons que les aides à l'installation abordées à l'article 30 demeurent souples et surtout équitables. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi, agglomérat de mesures disparates, porte bien son nom. La cohérence d'un tel texte est aussi limitée que son utilité est certaine. Mais ce « fret législatif », expéditif, interroge sur notre manière de transposer les directives européennes.

Il est regrettable que le Parlement n'ait disposé que de quelques jours pour examiner les mesures proposées. Les amendements des commissions montrent toutefois toute l'importance du Sénat et la qualité de son travail.

De même, il est dommage que l'étude d'impact ne comporte aucun élément de droit comparé éclairant le Parlement sur la diversité des solutions de transposition retenues.

En matière de transport, l'article 26, en transposant la directive Eurovignette dans sa version de 2022, prévoit de nouvelles obligations concernant les immatriculations de véhicules. Il est insuffisant, car il se borne aux voies à péage, sans concerner les voies transférées à la CEA, qui a le droit d'instaurer une taxe sur les véhicules empruntant les voies qu'elle entretient, taxe compatible avec l'ancienne directive Eurovignette.

Les obligations issues de la directive révisée prévoient de moduler les tarifs selon les émissions, et non plus selon la classe. La CEA risque donc de ne plus être en conformité avec la directive en 2024. Alors que les Alsaciens attendent depuis des années la possibilité de percevoir cette taxe, la commission du développement durable a adopté un amendement pour combler cette lacune.

Le Sénat avait souhaité anticiper la révision de la directive, notamment en permettant de différencier les taux en fonction des émissions de CO2, mais cet ajout n'avait pas été conservé dans la navette. L'article 26 bis, introduit en commission, permettra à la CEA d'anticiper les nouvelles obligations.

En matière financière, le constat du rapporteur Maurey interpelle : nous sommes de nouveau saisis d'adaptations de notre droit financier, assurantiel et bancaire, pour lesquelles la France pourrait ne pas respecter les délais requis.

La commission des finances a opportunément accru le contrôle des dirigeants de mutuelle, en l'alignant sur celui prévu pour les dirigeants de société d'assurance et d'institution de prévoyance.

L'amendement visant à restreindre le champ de l'habilitation pour transposer la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises est utile ; la demande du Gouvernement excède de beaucoup ce qui est nécessaire.

Dans le domaine de compétence de la commission des lois, le texte transpose deux directives relatives au droit des sociétés et met en oeuvre un règlement en matière de protection de l'enfance. Sur ces questions, les apports du Sénat sont notables.

En ce qui concerne les fusions et scissions transfrontalières de sociétés, il était nécessaire de supprimer la possibilité de réduire la proportion des représentants de salariés au sein du nouvel organe de direction. Il convenait également de confier le contrôle de légalité des opérations transfrontalières aux greffiers des tribunaux de commerce.

En matière de santé publique aussi, les mesures sont hétérogènes. S'agissant des activités de chirurgie esthétique, la France est mise en demeure depuis 2019 pour son interdiction totale de publicité. Il est proposé que l'autorisation soit retirée en cas de publicité contrevenant à la protection de la santé publique. L'encadrement doit aussi être déontologique, par les ordres, afin de prévenir les dérives, notamment sur les réseaux sociaux.

En matière de handicap, la directive de 2019 améliore l'accessibilité de produits et services du quotidien. Nous devons veiller à ce que le dispositif soit réellement opérationnel ; je pense notamment à la couverture du territoire en distributeurs automatiques accessibles.

Dans le domaine du droit du travail, des difficultés pourraient survenir pour certaines entreprises, en particulier les TPE-PME. Le Gouvernement devra s'assurer que les démarches imposées sont réalisables.

Le groupe Les Républicains approuve cette mise en conformité de notre droit, améliorée par des apports nombreux du Sénat. Nous serons vigilants sur les habilitations données au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur des travées du groupe UC) Économie, santé, travail, transport, agriculture : ce texte, comme tous ceux de cette nature, a une amplitude large en même temps qu'une grande importance.

Les délais sont courts pour examiner des mesures hautement techniques. Je salue le travail mené en commission. Le contrôle de subsidiarité exercé par les Parlements nationaux est essentiel. Notre droit de regard est indispensable, car le droit de l'Union européenne prend une place croissance dans nos systèmes juridiques.

J'ai entendu des remarques sur la temporalité de ce genre de textes. Mais nous avons un temps limité pour transposer les directives, et il faut éviter à notre pays d'être mis en demeure. Au surplus, ces règles enrichissent notre droit, ce qui est positif pour la France.

De façon constante, le groupe INDEP défend une transposition correcte - j'ai l'impression que ce texte comporte moins d'ajustements que les précédents. Nous défendons aussi l'absence de surtransposition : je me réjouis que la France se soit améliorée à cet égard, et il ne me semble pas que nous y soyons confrontés dans ce texte.

L'article 14 porte sur le congé parental d'éducation, le congé de présence parentale et le congé pour événements familiaux. Le texte enrichi par la rapporteure comporte des avancées pour les salariés : ouverture des congés de proche aidant, notamment. Nous connaissons leurs responsabilités et leur dévouement.

À l'article 23, je me félicite de l'amendement adopté par la commission pour éviter les ruptures d'approvisionnement des dispositifs médicaux indispensables et in vitro. Nous vivons actuellement d'importantes tensions. Les précisions apportées par la commission pour la mise en oeuvre du dispositif sont à prendre en considération.

Le groupe INDEP votera ce projet de loi.

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.) Ce projet de loi est, comme d'habitude, disparate et technique, mais il aura des conséquences concrètes sur la vie des Français. Le délai qui nous est laissé n'est pas correct.

Notre groupe salue le rattrapage du retard pris par la France, longtemps mauvais élève en matière de transposition. Mais, sur la décarbonation des transports en particulier, ce texte assure le service minimum ; nous aurions souhaité une priorité plus affirmée.

Notre groupe salue les mesures en faveur de l'accessibilité, des proches aidants et le renforcement de la coopération en matière d'aide sociale à l'enfance. Les avancées sur le congé parental sont aussi positives.

En revanche, nous regrettons l'absence d'une stratégie sur l'accessibilité, contrairement à ce que demande le collectif Handicaps.

Sur le volet transports, cette adaptation prend en compte la directive Eurovignette - même si ce nom, ancien, occulte qu'il ne s'agit plus d'une vignette, mais d'une taxe kilométrique.

Alors que d'autres pays européens appliquent une taxe sur le fret routier qui explique un fret ferroviaire plus développé, ce texte ne concernera que les autoroutes à péage, sauf les voies confiées à la CEA. L'Assemblée nationale ne l'avait pas voulu, mais le Sénat avait eu raison, comme il a raison sur ce texte : la modification opérée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est bienvenue. Nous avons déposé des amendements pour aller plus loin.

L'article 26 renforce le principe pollueur-payeur, même si la non-prise en compte des péages existants, certes conforme à la directive, est regrettable au vu de l'urgence climatique. Il est urgent de réduire la part du transport routier de marchandises. Le plan vélo-train sera également une avancée utile : nous devons rattraper la moyenne européenne, de huit emplacements de vélo par train.

Mon groupe s'opposera à l'habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la directive CSRD, qui mérite une discussion législative.

Nous voterons cependant ce texte, qui comporte des avancées. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Certains esprits chagrins voient dans ces lois des voitures-balais. Certains regrettent même une incursion de l'Europe dans notre droit. Je leur répondrai par les mots du Président de la République prononcés à la Sorbonne il y a cinq ans : l'Europe, c'est notre histoire, notre identité et notre horizon ; elle nous protège et nous donne un avenir.

L'Europe favorise notre politique volontariste : 40 % des financements de France 2030 viennent de l'Europe, laquelle a des ambitions fortes en matière climatique ou agricole, par exemple. Il est curieux que les crédits de la mission « Agriculture » aient été rejetés par les travées des deux côtés de cet hémicycle...

Ce onzième texte d'adaptation au droit de l'Union européenne depuis 2010 comporte de grandes avancées en matière de droit du travail, notamment pour les jeunes pères, dont l'absence en congé paternité n'est pas comptée dans l'ancienneté.

La loi de 2005, voulue par Jacques Chirac, avait permis de nombreuses avancées pour les personnes en situation de handicap, de l'accessibilité des lieux publics aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La directive qui sera transposée par ordonnance va plus loin, notamment pour une meilleure accessibilité des distributeurs automatiques de billets. L'article 27 renforce les droits des voyageurs à mobilité réduite. Il reste beaucoup à faire : seulement un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.

L'article 26 encourage un transport de marchandises plus écologique, avec la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans la tarification des péages.

Le Conseil européen vient de donner son feu vert à la directive sur l'information relative à la durabilité des entreprises, que cette loi transpose. Il s'agit de connaître l'impact d'un modèle économique sur la durabilité, et de la durabilité sur l'activité. Si l'encre n'est pas sèche, ne traînons pas les pieds pour autant.

Ce texte va clairement dans le sens de droits renforcés et d'une meilleure cohésion sociale, de l'Europe sociale et écologique que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Colette Mélot applaudit également.)

Salut à une délégation parlementaire albanaise

M. le président.  - Je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune d'honneur de deux parlementaires albanais : M. Eduard Shalsi, président du groupe d'amitié Albanie-France, président de la commission de l'économie et des finances, et Mme Ermonela Felaj, vice-présidente de l'Assemblée albanaise. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et M. les membres du Gouvernement, se lèvent.) Ils sont accompagnés par notre collègue Pierre Ouzoulias, président du groupe d'amitié France-Albanie.

Cette visite intervient à la fin d'une année importante dans le processus d'intégration européenne de l'Albanie : après que, le 19 juillet dernier, une conférence intergouvernementale a officiellement lancé l'ouverture des négociations d'adhésion entre l'Union européenne et l'Albanie, Tirana a accueilli, le 6 décembre, le premier sommet Union européenne-Balkans occidentaux organisé dans la région.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à nos amis parlementaires albanais la plus cordiale bienvenue et un fructueux séjour. (Applaudissements)

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Une fois n'est pas coutume, notre Haute Assemblée est amenée à se prononcer sur une transposition du droit européen. La dernière fois, c'était à l'automne 2021 : à l'époque, notre groupe insistait sur les vulnérabilités de l'Europe à la sortie de la pandémie. La guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques n'ont fait que les accentuer.

Décliner l'incarnation du rêve européen revêt une grande importance. Ce projet de loi choisit à sept reprises l'ordonnance comme voie de transposition. Cette option peut se justifier pour des directives cadrées et techniques. Ainsi, le chapitre Ier n'appelle pas de remarque. En revanche, d'autres mesures auraient mérité une écriture législative directe ; je pense à la transposition de la directive CSRD.

Nous avons déjà abordé le reporting RSE (responsabilité sociale des entreprises). Ce sujet est assez sensible et mérite d'attendre la publication de la directive.

Un autre sujet appelle une grande vigilance : l'article 12, relatif à l'accessibilité. La directive transposée aurait dû l'être avant juin 2022. Comment ne pas voir dans la mise en demeure de la France un manque d'intérêt du Gouvernement ? Les associations ne s'y trompent pas. De fait, la France accuse un retard colossal.

Nous, législateurs, aimerions tenir la plume de la loi pour relayer les inquiétudes qui s'expriment, notamment sur le contrôle ou les sanctions. Entendons aussi la méfiance sur de longs délais d'entrée en vigueur. Je vous demande, monsieur le ministre, de vous engager à maintenir le dialogue avec les associations.

La transposition des directives relatives aux congés parentaux ou de proche aidant est bienvenue, notamment pour les salariés de particuliers employeurs. C'est à saluer eu égard à la faible attractivité du métier d'assistante maternelle.

Ma collègue Angèle Préville exposera notre position sur les transports ; dans la discussion des amendements, M. Tissot présentera nos réserves sur la régionalisation de la dotation jeune agriculteur (DJA), qui pourrait être source d'inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC votera ce texte, comme l'a annoncé M. Vanlerenberghe. Nos convictions européennes sont affirmées. Il nous faut des règles de fonctionnement aussi communes que possible.

Ce projet de loi traite de dispositions disparates. Je regrette le temps qu'ont mis certaines directives à être transposées et me félicite que ces retards soient corrigés.

Je regrette également le large recours aux ordonnances : sept articles, c'est beaucoup trop. Rappelons que, durant le quinquennat précédent, on a recouru aux ordonnances près de 400 fois... Le Sénat ne le souhaite pas, notamment pour éviter les surtranspositions -  Laurent Duplomb pourrait rappeler leurs effets négatifs sur la compétitivité de notre agriculture.

Quant aux aspects financiers, je salue les propositions du rapporteur Hervé Maurey sur les cryptoactifs. Ceux-ci suscitent l'intérêt, mais doivent nous inspirer la plus grande prudence. Ainsi, ces propositions vont dans le sens de la régulation : j'espère que l'Assemblée nationale suivra le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Angèle Préville .  - Ce texte d'une grande technicité aura des conséquences concrètes pour les transporteurs routiers.

Transposer le droit de l'Union européenne fait avancer la transition écologique : il s'agit de la tête de pont de futures mesures. Je rappelle l'objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre d'ici à 2030 : le secteur des transports en est une source importante.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a été saisie de quatre articles, dont deux corrigent des erreurs du code des transports.

L'article 26 transpose la directive Eurovignette, mais bien des véhicules lourds y échapperont, en raison d'un seuil d'application à 3,5 tonnes. C'est le cas des véhicules utilitaires légers, qui concurrencent les poids lourds même sur les longues distances. Or le but est bien d'inciter au renouvellement du parc de véhicules en taxant davantage les plus émissifs.

C'est pourquoi nous proposons d'inclure ces véhicules dans le champ de la redevance et des péages autoroutiers. Notons que seuls les contrats attribués après le 1er janvier 2010, soit 235 km d'autoroutes sur 9 200, sont concernés : un petit manque d'ambition...

Le report modal est insuffisant : notre réseau ferroviaire et fluvial, pourtant très vaste, est délaissé, et nous n'en tirons pas de réels bénéfices écologiques.

L'article 28 donne des informations plus claires et renforce les droits des voyageurs, notamment en matière de transport de vélo et d'accessibilité. Étendre l'indemnisation en cas d'endommagement d'équipements comme les fauteuils roulants est juste. Nous avons du retard en la matière.

Nous avons soutenu la plupart des positions du rapporteur, mais vous proposerons des améliorations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Jacques Fernique applaudissent également.)

Discussion des articles

ARTICLE 20 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé

par les mots :

par décision conjointe de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et de la commission d'alimentation des maladies héréditaires du métabolisme

M. Stéphane Sautarel.  - La commission d'alimentation des maladies héréditaires du métabolisme pourrait être remplacée par une commission plus large, compétente pour toutes les maladies rares. Nous proposons que l'Anses et la commission d'alimentation des maladies héréditaires du métabolisme évaluent conjointement les produits concernés.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Cet amendement n'atteint pas son objectif, car il ne vise que les denrées pour les nourrissons. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Stéphane Sautarel.  - Les maladies du métabolisme héréditaire me préoccupent. Je remercie la rapporteure de son éclairage et retire l'amendement.

L'amendement n°16 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Sautarel.

Alinéa 10

Supprimer les mots :

, les pharmacies d'officine

M. Stéphane Sautarel.  - Dans le même sens, supprimons les périodes de transition pour ne pas perturber le cycle de distribution des denrées alimentaires.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement, en excluant les pharmacies d'officine, empêcherait la distribution de denrées, comme les laits spécialisés pour nourrissons, qu'elles distribuent déjà. Seules les pharmacies à usage intérieur seraient préservées. Or l'Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) elle-même appelle à un basculement vers le réseau officinal.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Ces produits ne se limitent pas, en effet, aux acides aminés. Ainsi, les compléments nutritionnels ou distribués par pompe seraient aussi concernés par votre amendement, alors qu'ils sont aujourd'hui distribués en officine. Nous prévoyons en outre de consulter la filière des maladies héréditaires du métabolisme pour déterminer les meilleures modalités de délivrance. Avis défavorable.

M. Stéphane Sautarel.  - Voilà qui éclaire le débat. J'ai conscience de la portée trop large de mon amendement, mais il s'agissait d'attirer l'attention sur ce sujet.

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 21

Remplacer les mots :

Au dernier

par les mots :

À la fin du troisième

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Correction rédactionnelle.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°84 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Pointereau, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph.

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

M. Stéphane Sautarel.  - Cet amendement tend à éviter les périodes de transition. Compte tenu des arguments précédents, je le retire.

L'amendement n°17 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°18 rectifié.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Mon cher collègue, il était important d'exprimer les inquiétudes des patients et des entreprises. Je me réjouis que Mme la ministre ait entendu l'appel.

L'article 20, modifié, est adopté.

ARTICLE 23 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Puissat, MM. Perrin, Rietmann, Sol, Pointereau, Cadec, Panunzi, Bonne, Mouiller et D. Laurent, Mme Malet, M. Burgoa, Mme Demas, M. Charon, Mme M. Mercier, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, M. Bascher, Mmes Berthet, Petrus et Belrhiti, M. Laménie, Mme Gosselin, M. Chatillon, Mmes F. Gerbaud et Lassarade, MM. Saury et Genet et Mmes Dumont et Ventalon.

I.  -  Alinéas 12 et 19

Compléter ces alinéas par les mots :

après avoir entendu les opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l'utilisateur final

II.  -  Alinéas 16 et 23, secondes phrases

Après le mot :

consultation

insérer les mots :

des opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l'utilisateur final,

Mme Corinne Imbert.  - L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lorsqu'elle qualifie un dispositif d'indispensable, doit entendre les opérateurs avant de prendre des mesures pour prévenir les ruptures.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis favorable. Cette consultation préalable permettra de mieux évaluer le risque de rupture.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Précision bienvenue : avis favorable.

L'amendement n°44 rectifié bis est adopté.

L'article 23, modifié, est adopté.

ARTICLE 24 (Appelé en priorité)

L'article 24 est adopté.

M. le président.  - Nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.

L'article 1er est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Au cours de la pandémie, l'Union européenne a accordé 40 milliards d'euros à la France dans le cadre du plan santé en échange d'une réforme des retraites et d'une réduction des droits en matière d'assurance chômage. Ce projet de loi prévoit, dès maintenant, le développement de la retraite par capitalisation.

Actuellement, aucune compagnie française d'assurances ne propose de produit paneuropéen d'épargne-retraite individuel (Pepp) : les seuls contrats existants sont commercialisés en Irlande, au Portugal et à Chypre, car le régime fiscal du pays d'accueil sera utilisé. Les paradis fiscaux casseront donc notre système de retraites ! (Exclamations à droite) Nous refusons de financer les retraites par l'évasion fiscale.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Retrait. Il y a confusion : on ne voit pas le lien entre le produit d'épargne retraite individuelle et la réforme envisagée par le Gouvernement. Ce produit est surtout un échec retentissant : il n'en existe qu'un, en Slovaquie...

Abroger cet article supprimerait la compétence des autorités de supervision : je ne suis pas sûr que les auteurs de l'amendement souhaitent une dérégulation totale.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - En effet, notre retraite comporte un socle par répartition, un niveau complémentaire et une retraite supplémentaire. C'est cette dernière que la loi Pacte a rénovée, soit à titre individuel, soit à titre collectif, avec le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) notamment.

Cet article assure la conformité de la version française du produit d'épargne européen aux caractéristiques de la loi Pacte et garantit qu'un Français travaillant ailleurs dans l'Union européenne bénéficie bien de son supplément de retraite. Retrait.

À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°68 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°105 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l'adoption   14
Contre 253

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 224-30, il est inséré un article L. 224-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 224-30-1  -  Un plan d'épargne retraite individuel peut être enregistré puis distribué sous la dénomination de produit paneuropéen d'épargne-retraite individuel s'il répond aux conditions prévues par le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle, par le règlement délégué (UE) 2021/473 de la Commission du 18 décembre 2020 complétant le règlement précité et si le sous-compte français de ce produit satisfait les conditions fixées par le chapitre V du titre II du livre II du présent code. » ;

2° Après le chapitre IV du titre II du livre II, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V : le sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle

« Art. L. 225-1.  -  Sous réserve des dispositions contraires du présent chapitre, le sous-compte français, au sens de l'article 2 du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle, du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné dans ce même règlement est régi par les dispositions applicables au plan d'épargne retraite individuel mentionné à l'article L. 224-28, à l'exception des articles L. 224-3, L. 224-6, L. 224-7, L. 224-8, L. 224-28, L. 224-29, L. 224-30, L. 224-31, L. 224-32, L. 224-34 et L. 224-40.

« Lorsque le sous-compte donne lieu à l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe, il prévoit les modalités de financement de l'association souscriptrice. Celle-ci peut percevoir uniquement une cotisation initiale d'adhésion et, le cas échéant, des cotisations régulières des adhérents qui peuvent prendre la forme de frais prélevés sur le sous-compte.

« Lorsque le sous-compte est ouvert sous la forme d'un compte-titres, il peut donner lieu à l'ouverture d'un compte en espèce associé au compte-titres.

« Les modalités d'application du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d'État. 

« Art. L. 225-2.  -  Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l'ouverture d'un compte-titres sont affectés à l'acquisition de titres financiers offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste fixée par voie réglementaire, en prenant en considération les modalités de gestion financière du plan.

 « Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe dont l'exécution est liée à la cessation d'activité professionnelle sont affectés à l'acquisition de droits exprimés en euros, de droits exprimés en parts de provision de diversification, de droits exprimés en unités de rente ou de droits exprimés en unités de compte constituées des titres financiers mentionnés au premier alinéa du présent article, sous réserve de l'article L. 131-1 du code des assurances.

« Art. L. 225-3.  -  Le sous-compte français doit pouvoir recevoir les versements mentionnés au 1° de l'article L. 224-2. Les versements sont effectués en numéraire. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 224-20 sont applicables à ces versements.

« Le sous-compte français doit pouvoir recevoir également les sommes issues des versements mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 224-2 par transfert en provenance d'un plan d'épargne retraite mentionné à l'article L. 224-1 ou d'un autre sous-compte français.

« Pour le titulaire, les transferts de versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 224-2 depuis un plan d'épargne retraite mentionné à l'article L. 224-1 vers un sous-compte français ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de ce versement ni aux prélèvements sociaux. Ces versements correspondent à des droits en cours de constitution sur un plan d'épargne retraite. Les frais encourus à l'occasion d'un tel transfert ne peuvent excéder 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l'issue d'une période de cinq ans à compter du premier versement dans le plan, ou lorsque le transfert intervient à compter de l'échéance mentionnée à l'article L. 224-1.

« Art. L. 225-4.  -  Outre les cas mentionnés au I de l'article L. 224-4, les droits constitués sur un sous-compte français dans le cadre d'un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle peuvent être, à la demande du titulaire, liquidés ou rachetés avant l'échéance mentionnée à l'article L. 224-1 si l'intégralité des sommes reçues au titre de cette liquidation ou de ce rachat est versée sur un plan d'épargne retraite mentionné à l'article L. 224-1. Pour le titulaire, les sommes ainsi versées sur un plan d'épargne retraite mentionné à l'article L. 224-1 ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de ce versement ni aux prélèvements sociaux.

« Le fournisseur du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle ayant ouvert le sous-compte communique au gestionnaire du plan d'épargne retraite le montant des droits en cours de constitution et le montant des sommes versées, en distinguant les versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 224-2. »

II.  -  Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 132-22 est complété par les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

2° Après le neuvième alinéa de l'article L. 132-23, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat d'assurance de groupe en cas de vie est ouvert sous la forme d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. » ;

3° À l'article L. 142-1, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « et aux sous-comptes français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionnés à l'article L. 225-1 du même code » ;

4° À l'article L. 142-2, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle » ;

5° L'article L. 142-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle peuvent » ;

b) Les 5° et 6° sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Cette garantie ne peut être proposée dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle ; »

6° À la première phrase de l'article L. 142-8, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle ».

III.  -  Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 4 bis du III de l'article 150-0 A est complété par les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

2° L'article 154 bis est ainsi modifié :

a) Au dernier alinéa du I, après les mots : « l'article L. 224-28 du même code », sont insérés les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

b) Au premier alinéa du 1°, aux 2° et 3° du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

3° Au I de l'article 154 bis-0 A, après les mots : « l'article L. 224-28 du même code » sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

4° Le dernier alinéa du II de l'article 163 bis est complété par les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

5° Le II bis de l'article 163 bis B est ainsi modifié :

a) Après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

b) Après les mots : « ce plan », sont insérés les mots : « ou ce sous-compte » ;

6° Au d du 1 du I de l'article 163 quatervicies, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « ou aux sous-comptes français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

7° L'article 163 quinvicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des a bis, a ter, b bis du 18° et du 18° bis de l'article 81, du deuxième alinéa du 2° de l'article 83 et de l'article 163 bis AA ne s'appliquent pas aux versements effectués dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 code monétaire financier. Il en va de même des dispositions prévues au d du 1 du I de l'article 163 quatervicies pour la part correspondant à des versements au titre des garanties complémentaires prévues au 4° du I de l'article L. 142-3 du code des assurances. » ;

8° Au premier alinéa du VI quater de l'article 199 terdecies-0 A, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « , dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

9° Au III de l'article 199 terdecies-0 AB, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « , dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

10° Au second alinéa du I de l'article 757 B, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

11° Le I de l'article 990 I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « financier, », sont insérés les mots : « des contrats relevant de l'article L. 225-1 du même code » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou d'un plan d'épargne retraite prévu à l'article L. 224-28 du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : « , d'un plan d'épargne retraite prévu à l'article L. 224-28 du code monétaire et financier ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code ».

IV.  -  Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1° de l'article L. 131-2 et au 11° du II de l'article L. 136-1-2, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code » ;

2° L'article L. 136-7 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « 3° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d'épargne retraite » sont remplacés par les mots : « 4° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d'épargne retraite ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle » ;

b) Au 7° bis du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du même code ».

V.  -  Après le neuvième alinéa de l'article L. 223-22 du code de la mutualité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat collectif est ouvert sous la forme d'un sous-compte français du produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle mentionné à l'article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Cet amendement fixe les règles de fonctionnement et la fiscalité du sous-compte français du Pepp. Ce dernier harmonise le produit d'épargne supplémentaire, en laissant chaque État membre fixer les modalités de son propre produit d'épargne, dans un cadre commun.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Avis favorable. Il est pertinent d'aligner le fonctionnement et le régime fiscal des deux dispositifs.

L'amendement n°49 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - Nous souhaitons supprimer cet article portant sur la technologie du registre distribué, qui permet des transactions sans intermédiaire. C'est un moyen de contourner le dépositaire central, institution essentielle aux marchés financiers.

Derrière un souci affiché de démocratisation se cache une capacité de fractionner à l'envi les titres détenus, diluant le capital et les responsabilités.

Le mythe de la finance pour tous est une hérésie : il faut déjà détenir du capital ! Cela se fera au détriment des autres produits d'épargne, notamment l'épargne réglementée. L'objectif est de créer une connexion entre la finance traditionnelle et les cryptoactifs.

En avril 2021, un dispositif de ce type avait été introduit à bas bruit, à travers une plateforme de cryptoactifs pour acheter des parts d'actions Tesla ou Apple.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - La commission des finances a proposé d'adopter le dispositif du Gouvernement. Le régime pilote proposé reste très encadré. Il ne peut pas être utilisé par les plus gros acteurs, et tout se déroulera sous la supervision des autorités nationales et européennes.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis défavorable. Face à ces innovations de registre distribué ou blockchain, il faut éviter deux écueils : laisser les choses se faire sans essayer de réguler, ou au contraire surréguler au risque d'inhiber l'innovation.

À la faveur du Brexit, Paris est devenue la première place financière d'Europe en capitalisation boursière.

Sur la blockchain, le choix européen a été celui d'un régime expérimental de trois ans, renouvelable une fois, pour laisser émerger des solutions dont nous jugerons ensuite si elles sont pertinentes et si elles servent l'intérêt des citoyens européens.

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

mentionné à l'article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies

par les mots :

dans les conditions prévues au deuxième alinéa, ou dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé dans les conditions fixées

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le Gouvernement propose d'étendre les possibilités ouvertes par le régime pilote aux titres nominatifs, et non plus seulement aux titres au porteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Avis favorable, c'est cohérent.

L'amendement n°48 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 4

Insérer vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les personnes morales demandant à être agréées comme dépositaires centraux mentionnés au 1° du I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 9 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréées dans les conditions fixées au II au présent article. 

« Les demandes d'autorisation spécifique déposées dans les conditions décrites au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par des dépositaires centraux mentionnés au I, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées au titre des articles 5 ou 6 du même règlement, par l'Autorité des marchés financiers, après consultation de la Banque de France.

« L'Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l'application des exemptions accordées au titre dudit règlement ainsi que de la surveillance de l'application dudit règlement par les dépositaires centraux ayant obtenu une autorisation spécifique. Elle consulte la Banque de France avant de prendre toute mesure au titre des articles 9, 10, 11 ou au titre des autres articles dudit règlement. L'Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l'Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit règlement.

« Un décret précise les modalités d'application du présent IV. » ;

...° L'article L. 421-10 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II.  -  Les demandes déposées par des personnes morales mentionnées au I relatives à la reconnaissance d'un marché réglementé et demandant simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du Règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont délivrées dans les conditions fixées au I du présent article. 

« Les demandes d'autorisation spécifique déposées dans le cadre décrit au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par les entreprises de marché déjà reconnues, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, par l'Autorité des marchés financiers, après consultation de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, lorsque la demande concerne l'exploitation d'un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.

« L'Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l'application des exemptions et de la surveillance de l'application de l'application du même Règlement par les entreprises de marché ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu'elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10,11 ou des autres articles dudit règlement, elle consulte l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l'exploitation d'un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu'elle prend des mesures aux titres des articles 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L'Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l'Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit Règlement.

« Un décret précise les modalités d'application du présent II. » ;

....° L'article L. 532-1 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « du », sont insérés les mots : « I du » ;

c) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II.  -  Les prestataires de services d'investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, demandant à être agréés pour fournir des services d'investissement conformément au I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions fixées au I du présent article. 

« Les demandes d'autorisation spécifique déposées par les prestataires de services d'investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, agréés ou demandant à être agréés dans les conditions visées au présent paragraphe pour fournir des services d'investissement conformément au I pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT au titre du même règlement, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, sont accordées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après avis conforme de l'Autorité des marchés financiers.

« L'avis conforme de l'Autorité des marchés financiers est délivré après consultation de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le cas échéant dans le cadre de l'approbation du programme d'activité par l'Autorité des marchés financiers dans les conditions fixées à l'article L. 532-4, et lorsque la demande concerne l'exploitation d'un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France. 

« L'Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l'application des exemptions et de la surveillance de l'application par les prestataires de services d'investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu'elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l'exploitation d'un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu'elle prend des mesures au titre des articles 10, 11 ou d'autres articles dudit règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L'Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l'Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le même règlement. 

« Un décret précise les modalités d'application du présent II. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous voulons répartir les responsabilités entre les deux régulateurs que sont l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF).

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Avis favorable. Prévoyons un dispositif d'agrément spécifique en répartissant la responsabilité entre les deux régulateurs.

L'amendement n°47 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Maurey.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 54-10-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « À une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, les personnes souhaitant exercer cette profession et n'étant pas enregistrées doivent demander l'agrément prévu à l'article L. 54-10-5. »

M. Hervé Maurey.  - Il s'agit d'imposer à ceux qui veulent exercer la profession de PSAN de recevoir un agrément de l'AMF au 1er octobre 2023 au plus tard. La faillite de la société FTX a mis en lumière les risques liés à l'investissement dans les cryptoactifs.

La commission européenne travaille à l'élaboration d'un règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) qui entrera en vigueur en octobre 2024, ce qui ouvre une période de transition de 18 mois, avec un enregistrement obligatoire d'ici mars 2026 seulement.

Anticipons la mise en place de cet agrément au 1er octobre 2023. Aucun PSAN n'a demandé son agrément, alors que 60 entreprises sont enregistrées.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous entendons ces préoccupations. Néanmoins, avis défavorable pour des raisons philosophiques et techniques.

En 2018, lorsque la question de la régulation des cryptoactifs a commencé à se poser, la France a opté pour une régulation flexible en créant un enregistrement facultatif qui implique, pour le PSAN, de fournir une liste d'informations sur ses clients. Cet enregistrement lui donne ainsi pignon sur rue. En sus, un agrément permet de garantir au client des protections en cas de faillite.

Ces deux modes, facultatifs, avaient pour objet de rendre la France attractive à de nouveaux acteurs.

Ce modèle a été un grand succès. D'abord, le cadre européen s'est largement inspiré de l'initiative française puisque le règlement MiCA en reprend les conditions. Ensuite, la France est très attractive : 60 entreprises ont sollicité l'enregistrement, et au moins une entreprise est en cours d'agrément.

Nous avons facilité le développement d'un écosystème dans notre pays. La France est identifiée comme le lieu idéal pour les acteurs voulant avoir pignon sur rue. Nous devrons inviter les entreprises à solliciter l'agrément, voire les y contraindre, mais pas dès le 1er octobre 2023 : nous risquerions de faire fuir les investisseurs.

Enfin, pour des raisons techniques, une mise en oeuvre au 1er octobre 2023 serait compliquée. Nous avons tout intérêt à nous inscrire dans cette continuité, sans contrainte trop précoce.

Retrait ou avis défavorable. Je m'engage à poursuivre ces échanges pour répondre à vos préoccupations.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Nous ne proposons pas un agrément au 1er octobre 2023 des sociétés déjà enregistrées. Seules seraient concernées celles qui ne le sont pas.

Actuellement, le système d'enregistrement n'est pas facultatif ! Seul l'agrément l'est.

L'AMF s'inquiète de la très longue période transitoire (M. Didier Marie le confirme), qui risque de provoquer un appel d'air : les entreprises pourraient solliciter l'enregistrement afin d'obtenir un délai supplémentaire de 18 mois. Entre le 1er ou le 15 octobre, la date pourra être modulée dans la navette.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - L'enregistrement n'est obligatoire que si l'on veut s'enregistrer en France, mais l'espace numérique ne connaît pas les frontières terrestres. Si vous régulez trop, les entreprises s'enregistreront ailleurs. Nous incitons à s'enregistrer en France, puis à solliciter un agrément facultatif pour offrir toutes les garanties.

Il s'agit de trouver un équilibre entre la protection des épargnants et l'attractivité de la place de Paris.

L'amendement n°62 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Maurey.

Supprimer cet article.

M. Hervé Maurey.  - L'article 7 prévoit une habilitation dont on aurait bien pu se passer, puisque le Gouvernement a eu un an pour transposer la directive européenne dans la loi.

Nous avons interrogé le Gouvernement sur le contenu de la clause de sauvegarde et sur les contraintes supplémentaires que le dispositif pourrait créer pour les entreprises. Sur ces deux points, nous n'avons pas eu de réponse.

M. le président.  - Amendement identique n°71, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous ne voulons pas que la question du civisme fiscal des grandes entreprises soit tranchée en catimini par voie d'ordonnance. Obliger les firmes multinationales au chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros à publier une déclaration fiscale est important. Parmi les informations demandées, le nom de l'entreprise mère et de toutes les filiales, présentes dans les paradis fiscaux, leur chiffre d'affaires, leur nombre de salariés, l'impôt effectivement payé... Nous réclamons ces informations depuis des années.

Revenez devant le Parlement avec un texte de transposition. Nous ne voulons pas d'opacité !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - La clause de sauvegarde, sous la forme du Country by Country Reporting (CBCR) public, peut contraindre les exportateurs à publier des informations qui pourraient relever du secret des affaires lorsque le nombre de clients à l'export est peu élevé. C'est pourquoi la directive a prévu des exceptions au CBCR avec un délai de cinq ans pour la publication des données. Le Gouvernement veut renforcer la transparence sans fragiliser nos entreprises à l'export.

Au demeurant, la directive prévoit peu de marges de transposition puisqu'elle énumère les informations devant être publiées.

Le seuil d'assujettissement est un chiffre d'affaires de 750 millions d'euros pour deux années consécutives.

Je m'engage à ce qu'il n'y ait pas de surtransposition, et enfin nous alignerons ce texte avec celui qui transpose le CBCR fiscal, pour garantir l'intelligibilité du droit.

J'espère que ces précisions vous inciteront à retirer vos amendements...

M. Hervé Maurey.  - Je suis de bonne humeur (Sourires), mais ce ne sont pas des méthodes de travail ! (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.) Certes, les délais sont très courts, mais c'est du fait du Gouvernement. Nous obliger à déposer un amendement pour obtenir des informations n'est pas correct. Je retire mon amendement.

Par cohérence, retrait ou avis défavorable à l'amendement n°71.

L'amendement n°63 est retiré.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je suis de moins bonne humeur que vous : nous n'avons pas eu le temps qui s'impose pour débattre de ces dispositions. Nous maintenons notre amendement.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Didier Marie.  - La directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) renforce les exigences d'information en matière de durabilité des entreprises. Cependant, il est difficile de se prononcer sur la transposition d'une directive adoptée fin novembre et qui n'est pas encore publiée au Journal officiel de l'Union européenne.

Il faut un texte à part entière sur ce sujet, notamment sur le contenu des obligations d'informations, le périmètre, le contrôle des équivalences de norme...

Le délai du 1er juillet 2024 nous semble suffisant.

M. le président.  - Amendement identique n°28 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Babary, Mme Blatrix Contat, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bouchet, Canévet, Capus, Chasseing et Chatillon, Mme Chauvin et MM. D. Laurent, Devinaz, Duffourg, Hingray, Mandelli, Moga et Rietmann.

M. Serge Babary.  - La transposition de la directive CSRD doit être votée par le Parlement et non conduite par voie d'ordonnance. La directive CSRD multiplie par cinq le nombre d'entreprises concernées mais concerne aussi des PME et ETI. Il manque également une évaluation du coût financier et organisationnel.

Supprimons cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°56, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Jacques Fernique.  - Cette directive représente une étape importante dans la mise en oeuvre du pacte vert européen. Elle implique des choix déterminants.

M. le président.  - Amendement identique n°72, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Défendu.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Nous sommes contrariés de voir se multiplier les demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance. Cependant, je demanderai le retrait des amendements.

Cette directive offre peu de marges de manoeuvre dans la transposition. Les délais sont également contraints, et il n'y a pas de véhicule législatif qui s'y prêterait.

Enfin, l'article 8 peut vous donner satisfaction dans la rédaction retenue par la commission des finances, puisque nous avons réduit le champ de l'habilitation.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis. Il s'agit de l'engagement des entreprises dans la transition écologique, sujet prioritaire pour le Gouvernement, particulièrement pour Bruno Le Maire.

Tous les choix politiques en la matière ont déjà été faits par le législateur européen ou national : ce qui reste à faire, c'est de mettre les choix français et européens en cohérence. Comme les délais sont très serrés, il vous est proposé d'affiner la rédaction des habilitations dans un amendement qui arrive bientôt en discussion.

M. Didier Marie.  - C'est peut-être un choix essentiel pour le ministre Le Maire, mais pour nous aussi. La représentation nationale doit pouvoir s'exprimer, d'autant qu'une autre directive sur le devoir de vigilance sera bientôt transposée. Il faut un regard global, pour veiller à la cohérence et à l'efficience des textes.

Les amendements identiques nos2, 28 rectifié, 56 et 72 sont adoptés et l'article 8 est supprimé.

(Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

Les amendements nos29 rectifié et 81 n'ont plus d'objet.

L'article 9 est adopté, ainsi que l'article 10.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article permettra à des entreprises condamnées pour des infractions pénales gravissimes de concourir à des marchés publics, à la condition qu'elles prouvent leur bonne foi. Le droit en vigueur prévoit une interdiction de candidature de plein droit pour cinq ans après le jugement. Il est d'ailleurs scandaleux que la condamnation n'ait aucun effet pour les contrats en cours...

La France, à l'origine, se refusait à transposer ce mécanisme indigne d'auto-apurement qui permet à l'opérateur de mettre en valeur sa fiabilité. Méconnaissance du code du travail, non-acquittement de l'impôt, travail illégal : voyez l'éventail des infractions concernées.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis.  - Je comprends l'inquiétude de nos collègues, mais je tiens à les rassurer. Nous avons complété le dispositif en commission en précisant que les mesures concrètes prises par les entreprises sont évaluées en tenant compte de la gravité des infractions.

Les directives européennes et la décision du Conseil d'État nous imposent ce mécanisme de régularisation : leur non-transposition nous exposerait à un recours en manquement. Retrait ou avis défavorable.

À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°73 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°106 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption   26
Contre 317

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Alinéas 5, 9, 10, 14 et 15

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous rétablissons la rédaction initiale pour mettre le code de la commande publique en conformité avec les directives de 2014.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis.  - Il est important que la gravité de l'infraction ne soit pas masquée par les mesures correctives. Il faut prévoir une évaluation qui prenne en compte ce critère. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Ce qui compte, c'est le critère de gravité de l'infraction, mais la directive prévoit aussi la prise en compte des circonstances particulières du manquement ou de l'infraction. Une rectification de votre amendement en ce sens satisferait le Gouvernement.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis.  - La notion de circonstance particulière est peu développée dans le code de la commande publique.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Puissat, MM. Mouiller et Anglars, Mmes Muller-Bronn, Belrhiti, Estrosi Sassone, Thomas et Jacques, M. Tabarot, Mme Joseph, MM. Calvet et J.P. Vogel, Mmes Chauvin, Demas, Berthet et Billon, MM. Sol, Cardoux et Bouchet, Mme Bellurot, MM. Bonnecarrère, Chatillon et Brisson, Mmes Delmont-Koropoulis, L. Darcos, Noël et Sollogoub, MM. Allizard et Somon, Mme V. Boyer, MM. Savin, Rietmann, Perrin et Chaize, Mme Imbert, MM. Hugonet, Henno et Bas, Mmes Herzog, Deseyne et Richer, MM. Panunzi et Cadec, Mme Micouleau, M. Paccaud, Mmes Devésa, Guidez et Lassarade, MM. P. Martin, Duffourg et Meignen, Mme Vermeillet, MM. Courtial et Daubresse, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Bonne, Bouloux, Belin, Charon, Folliot et Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. Babary, Lefèvre, Segouin, Détraigne et E. Blanc, Mmes F. Gerbaud et Procaccia, MM. Houpert, Paul, de Nicolaÿ, B. Fournier et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, M. Cuypers et Mme Schalck.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, en s'assurant d'une répartition territoriale équilibrée dans l'accès à ces produits et services

Mme Frédérique Puissat.  - J'espère que le nombre de signataires de cet amendement convaincra la Gouvernement...

L'adaptabilité des services aux personnes atteintes de handicap est fondamentale, mais elle a aussi un coût, notamment pour les distributeurs de billets. Il y a, en effet, des enjeux de rentabilité, une notion qui entre parfois en conflit avec l'aménagement du territoire. Jusqu'à preuve du contraire, les banques ne sont pas des organisations philanthropiques.

Or les personnes atteintes de handicap sont présentes partout sur le territoire, y compris en milieu rural. Prenons garde à ce que l'application de cette notion n'aboutisse à privilégier les habitants des zones denses. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire dans la loi la notion de répartition territoriale équilibrée.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La directive organise l'accessibilité numérique aux services, mais ceux-ci ont aussi une dimension physique, ce qu'illustrent les distributeurs automatiques de billets. Nous constatons des difficultés territoriales d'accès aux services au-delà de ceux cités dans la directive. Veillons à ne pas créer de nouvelles ruptures d'égalité. Les auteurs de l'amendement rappellent que l'accessibilité ne sera réelle que généralisée. Avis favorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Je partage l'intention de l'amendement, mais il faut distinguer les objets des politiques publiques, en l'espèce l'accessibilité aux personnes en situation de handicap et l'accessibilité des services publics sur tout le territoire.

Nous avons 74 000 DAB, soit l'un des réseaux les plus denses d'Europe, en particulier grâce à l'acteur de proximité qu'est La Poste.

Nous avons enfin déployé plusieurs milliers de maisons France Services, pour assurer un accès dans chaque canton. (Mme Cathy Apourceau-Poly manifeste son désaccord.) Retrait ?

M. Philippe Mouiller.  - Je suis extrêmement choqué par vos propos, monsieur le ministre. Relisez les conclusions du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et du comité national du handicap, ainsi que les annonces du Président de la République - pas de la Première ministre -, qui appellent à décloisonner les politiques publiques. Votre argumentation est contraire à toutes ces prises de position.

Il faut voter cet amendement, car l'accessibilité ne doit pas être la contrepartie de la rareté. N'opposons pas accessibilité et répartition territoriale. Vous avez la main, puisqu'il s'agit d'une habilitation. Il faut clarifier les choses dans le texte.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Très bien !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Vous faites une confusion grave : avec cette directive, nous visons justement une accessibilité transversale. J'invite les uns et les autres à se demander pourquoi ils ne l'ont pas fait lorsqu'ils étaient en responsabilité. (On s'indigne à gauche et à droite.)

Mme Frédérique Puissat.  - Je maintiens mon amendement, bien entendu. (On s'en félicite sur les travées du groupe Les Républicains.) En milieu rural, nous nous battons pour sauver les DAB. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce de façon répétée.) Beaucoup de personnes âgées et de personnes en fauteuil ne peuvent plus retirer de l'argent dans nos campagnes. Votons cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

L'article 13 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par Mme Havet, M. Buis, Mme Duranton, MM. Haye, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger et M. Marchand.

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le 4° de l'article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« 4° Du revenu tiré d'un projet de financement participatif au profit de tout service public, à l'exception des missions de police et de maintien de l'ordre public, sous forme de titres de créance, de dons, de prêt avec intérêt et de prêt à titre gratuit. »

II.  -  L'article L. 547-4 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les prestataires de services de financement participatif peuvent également fournir, dans les conditions fixées à l'article L. 547-5, des services identiques à ceux mentionnés au a) du paragraphe 1 de l'article 2 du même règlement (UE) 2020/1503 relatifs à des projets de financement participatif portant sur des titres de créance de collectivités locales et de leurs établissements publics, pour financer leurs activités autres que celles régies par ce même règlement. »

M. Frédéric Marchand.  - L'article 48 de la précédente loi Ddadue lançait une expérimentation du financement participatif obligataire des collectivités ; mais il n'a pas été appliqué, faute de l'arrêté nécessaire. Rétablissons donc le dispositif tel qu'il avait été voté par le Sénat.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.  - Je connais bien ce dispositif, car nous sommes à son initiative. Faut-il revenir à cette version, sachant qu'une version de consensus a été adoptée en CMP ?

En revanche, je me réjouis de vous entendre déplorer que l'arrêté n'ait pas été pris, malgré nos appels répétés au ministre. (M. Didier Marie le confirme.) Il faut que le dispositif voté par le Parlement entre en application.

Sur ce sujet, comme sur celui du statut des prestataires de services de financement participatif, je me tourne vers le Gouvernement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - La publication de l'arrêté est imminente, ce qui permettra de commencer l'expérimentation en janvier. (On s'en félicite sur plusieurs travées.) Retrait ?

L'amendement n°78 est retiré.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La durée maximale de la période d'essai est de deux mois pour les ouvriers, trois pour les agents de maîtrise, quatre pour les cadres.

La directive fixe une durée maximum de six mois. Le Gouvernement interdit qu'un accord de branche fixe une durée de plus de six mois, mais il sous-transpose la directive pour les 4,5 millions de cadres privés, qui pourraient être soumis à une période d'essai de huit mois, alors même qu'une majorité d'entre eux n'occupent pas une position managériale ou de direction.

Lorsqu'il s'agit de mettre en place des protections collectives, le Gouvernement sous-transpose. Lorsqu'il s'agit de favoriser les entreprises et les marchés, en revanche, il n'hésite pas à surtransposer ! Deux poids, deux mesures, comme souvent avec vous...

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - La commission a approuvé l'article 15, qui assure la transposition nécessaire et suffisante de la directive : le droit du travail autorise l'extension à huit mois si un accord de branche le prévoit. Laissons les partenaires sociaux décider sans dépasser le délai de huit mois, renouvellement compris.

Si nous supprimions cet article, le droit français ne serait plus conforme au droit européen, notamment pour l'information des salariés en CDD sur les postes ouverts en CDI dans l'entreprise où ils travaillent. Avis défavorable.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Même avis. Je m'étonne d'ailleurs de voir le groupe CRCE défendre les cadres... (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté, ainsi que les articles 16 et 17.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par M. Marie.

Alinéa 19

Remplacer les mots :

Le mot : « à » est remplacé

par les mots :

La première occurrence du mot : « à » est remplacée

L'amendement rédactionnel n°79, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

L'article 19 est adopté, ainsi que les articles 21, 22 et 25.

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Gérard Larcher

Déclaration du Gouvernement relative à la politique de l'immigration

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l'immigration.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - L'immigration est un sujet complexe, qui a trait aux politiques publiques, à notre histoire, à notre conception de la Nation. Il soulève tensions, passions, fractures, mais il est essentiel d'en débattre sereinement.

Au Sénat, nous partons sur des fondements solides : la Haute Assemblée a toujours cherché des solutions communes. Parler d'immigration, c'est en évoquer les causes profondes : pauvreté, dérèglement climatique. C'est parler de nos frontières, de nos procédures et de notre droit. C'est relever le défi de l'intégration.

Dans quelques semaines, le Gouvernement présentera un projet de loi sur le sujet qui fait l'objet d'une vaste consultation conduite par le ministre de l'intérieur, avec la secrétaire d'État à la citoyenneté et le ministre du travail. Ce texte doit consolider les avancées de la loi Asile et immigration et adapter notre droit aux défis actuels.

Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, nous n'avons qu'une boussole : l'efficacité. Nous défendrons un texte équilibré, aux effets utiles et concrets.

Il est donc essentiel, comme je m'y étais engagée, de vous présenter mes orientations et d'en débattre.

Les faits, d'abord : oui, il existe une immigration légale. À entendre certains, on l'oublierait ! Cette immigration légale, c'est celle de salariés qualifiés et de personnes que les Français ont choisi d'épouser.

Oui, le nombre de titres délivrés progresse. Cela ne date pas d'hier : on est passé de 172 000 titres de séjour délivrés en 2007 à 271 000 en 2021. Cependant, l'immigration familiale a baissé.

La hausse est due à un enseignement supérieur attractif, avec le doublement du nombre d'étudiants étrangers depuis 2017. C'est une bonne nouvelle : ils parlent français et participent au rayonnement de notre pays.

Ensuite, le nombre de salariés qualifiés et de chercheurs a augmenté en quinze ans, au bénéfice de notre économie.

Enfin, les bénéficiaires de l'asile voient leur nombre augmenter modérément : 30 000 personnes dont l'accueil chaque année est l'honneur de la France, avec 3 000 Afghans et 108 000 Ukrainiens accueillis récemment.

Je remercie l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les associations et les employeurs qui les accompagnent. Il faut une intégration digne et complète. Certaines difficultés demeurent, sur l'insertion professionnelle.

Le principal enjeu concerne les personnes qui se maintiennent sur notre territoire sans y avoir droit. Le flux de demandes d'asile augmente nettement et ceux qui se voient opposer un refus restent trop souvent sur notre territoire, dans la précarité, sans le droit de travailler, et sombrent parfois dans la délinquance.

Les amateurs de solutions toutes faites sont nombreux : les partisans du « y a qu'à, faut qu'on » appellent à un renvoi immédiat de tous à la frontière. Mais ce n'est pas si simple : on ne s'affranchit pas de la coopération avec les pays d'origine ni de l'État de droit.

D'autres appellent à des régularisations massives : il n'en est pas question. Nous ne donnerons pas de tels arguments aux passeurs, et les Français ne l'accepteraient pas.

Nous pouvons nous retrouver sur une préoccupation commune : éviter des situations indéterminées qui durent. Nous voulons clarifier bien plus vite les situations en accélérant le traitement des demandes d'asile et de droit au séjour, puis en éloignant plus rapidement ceux qui doivent l'être.

Quant à ceux qui ont vocation à rester, nous entendons réussir leur intégration, par la langue et par l'emploi.

Je sais pouvoir trouver au Sénat des partenaires pour construire ce texte ensemble. Monsieur le président Buffet, nous partageons les constats de votre rapport d'information. Nous nous inspirerons de vos propositions. Nous en mettrons d'autres en oeuvre, dont l'amélioration de l'accueil en préfecture et du recueil des titres et des demandes.

Je retiens cette volonté de bâtir des solutions au-delà des clivages. Comme pour la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), je vous confirme que le projet de loi sera d'abord examiné au Sénat. Nous espérons bâtir une majorité solide en nous appuyant sur votre important travail.

Comme l'a dit le Président de la République, nous devons mener une action complète, cohérente et efficace.

Notre stratégie commence par la prévention des départs irréguliers, grâce à l'aide publique au développement.

Ensuite, il faut protéger les frontières, avec un levier d'action européen tout d'abord. Lors de sa présidence de l'Union européenne, la France a obtenu des avancées sur le pacte sur la migration et l'asile, pour renforcer les contrôles à l'arrivée en Europe et la solidarité avec les États de première entrée.

Nous voulons renforcer Frontex et réformer l'espace Schengen et le système européen d'asile.

Le ministre de l'intérieur, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères et la secrétaire d'État aux affaires européennes sont pleinement mobilisés.

Au niveau national, nous renforçons le contrôle aux frontières. Nous avons doublé les effectifs à nos frontières et les résultats sont là : 10 000 refus par mois prononcés en 2021, contre 3 000 début 2020 avant le covid.

Par ailleurs, nous réduisons la durée des procédures : celles de l'Ofpra ont diminué, mais celles des contentieux restent trop longues - un an en moyenne pour une demande d'asile. Nous visons six mois, notamment en simplifiant le contentieux des étrangers : le Conseil d'État et votre rapport d'information recommandent de passer de douze procédures à quatre. Nous réformerons la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Nous voulons éloigner plus efficacement les personnes déboutées en augmentant les capacités des centres de rétention administrative (CRA) et en agissant de façon bilatérale avec les pays concernés.

Nous devons être intraitables avec les étrangers délinquants, même en situation régulière. Ils se placent hors de notre communauté nationale, portent atteinte à notre pacte social et nuisent aux étrangers qui construisent des parcours d'intégration réussis. Plus de 3 000 étrangers auteurs de troubles à l'ordre public ont été éloignés en 2021 et en 2022. Des mesures d'expulsion doivent être prises contre les étrangers commettant des infractions graves, quelle que soit leur situation.

Notre vision est équilibrée. Si nous voulons voir partir ceux qui ne doivent pas rester, c'est aussi pour pouvoir mieux intégrer ceux que nous accueillons.

Cela passe par une refonte en profondeur de l'accueil en préfecture pour les renouvellements de titres et un renforcement de l'hébergement de demandeurs d'asile - 36 000 places de plus en cinq ans.

Le pilier de l'intégration est le travail. Alors que notre taux de chômage s'élève à 7,3 %, il faut proposer les postes vacants d'abord à nos ressortissants et aux personnes en situation régulière, alors que le taux d'emploi des immigrés est de neuf points plus faible que celui de l'ensemble de la population.

Un employeur peut toujours solliciter une autorisation de travail s'il n'a pu pourvoir un poste par Pôle emploi - la justification n'est même pas nécessaire pour les métiers en tension.

La question de la régularisation de personnes travaillant depuis longtemps sur notre sol se pose. Ne caricaturons pas : il ne s'agit que de régulariser ceux qui contribuent depuis longtemps à la richesse nationale, mais restent enfermés dans un statut précaire.

S'intégrer, c'est parler la langue de la République. Un niveau minimal de français doit être imposé pour l'obtention d'un titre de séjour de plus d'un an.

Nos principes d'action sont l'équilibre et l'efficacité : agir sur les causes profondes, assurer le respect des frontières et du droit, et donner les moyens d'une intégration pleine et entière, finalité de toute politique migratoire. Je suis convaincue que nous pourrons construire des réponses ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du RDSE et des groupes INDEP et UC ; M. René-Paul Savary applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - C'est un honneur, après la Première ministre, de dire quelques mots sur la politique migratoire. Je défendrai, avec le ministre du travail et le garde des sceaux, un texte devant votre assemblée. Il aura pour principes la fermeté, la simplification, l'intégration et le travail.

La fermeté, d'abord. Comme l'a dit le Président de la République en campagne, comme votre assemblée le déplore, comme la Première ministre le signifie, nous avons trop de difficultés à expulser des personnes commettant des actes criminels ou qui sont fichées. La cause en est les règles que nous nous sommes fixées dans les années 2000.

Nous voulons la fin des réserves d'ordre public qui empêchent l'expulsion de toute personne ayant commis des actes graves lorsqu'elle est déjà condamnée définitivement à une peine supérieure à cinq ans de prison. Nous proposerons de ne garder qu'une des sept réserves actuelles, sur les mineurs, qui relève d'un engagement international. Un préfet doit pouvoir demander l'expulsion de ces personnes, en respectant l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à la vie privée et familiale. Ce n'est pas à la loi de s'autocensurer : 4 000 expulsions pourraient être prononcées chaque année ; la Première ministre l'a rappelé, nous en sommes à 3 100.

Nous avons accepté un amendement de M. Ciotti pour créer 3 000 places supplémentaires en CRA, dans le cadre de la Lopmi (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.) Il faut mieux expulser les étrangers en situation irrégulière ou radicalisés. Les CRA accueillent à 92 % des personnes ayant un casier judiciaire ou étant fichées. Nous n'y mettrons plus les personnes sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne présentant pas de danger.

Depuis que je suis ministre, j'ai fait en sorte qu'il n'y ait plus d'enfant en CRA -  hors Mayotte, ce n'est plus le cas. Nous inscrirons dans le texte l'interdiction d'y accueillir des mineurs. La spécificité des CRA le justifie.

Le nombre de places en centre de rétention augmentera donc considérablement. En 2022, 450 places y ont été créées.

Notre deuxième principe est la simplification. Nous nous inspirons directement du rapport Buffet pour réduire le nombre de procédures de contestation des décisions administratives de douze à quatre. La longueur de l'attente et des recours suspensifs nous empêche d'avoir une politique migratoire digne de ce nom, pour notre pays et notamment pour ceux que nous acceptons. Certains ont, par exemple, eu des enfants en cours de procédure.

Nous territorialiserons la CNDA et nous instaurerons le juge unique pour l'immense majorité des décisions. Nous entendons l'appel à maintenir des instances collégiales, mais le juge unique est gage d'efficacité. Nous mettrons en place la visioconférence. Nous simplifierons aussi le lien entre les refus, qui représentent 70 % des cas, et l'OQTF. Le refus devant l'Ofpra ou la CNDA vaudra OQTF. Le tribunal administratif aura quinze jours pour juger l'acte contesté.

Actuellement, l'instruction d'une demande d'asile prend un à deux ans. La réforme Collomb a réduit à cinq mois l'instruction par l'Ofpra, mais la CNDA a des délais encore trop longs. Nous voulons passer à moins de neuf mois tout compris.

Le troisième principe est celui de l'intégration. La Lopmi prévoit une hausse de 25 % du budget qui y est consacré. L'apprentissage du français est important, d'autant que 25 % des étrangers en situation régulière parlent très mal français. Les cours obligatoires ne sont pas sanctionnés par un examen. Nous voulons conditionner la délivrance d'un titre de séjour à la réussite d'un examen de français. Sans une telle réussite, pas de titre de séjour - 270 000 personnes sont concernées. Nous voulons aussi un examen sur les valeurs de la République.

D'importantes avancées réglementaires devront révolutionner le travail des préfectures sur le renouvellement des titres de séjour, avec une automaticité et un devoir de rappel en cas de difficulté. Il faudra concentrer le travail des agents de préfecture sur les primo-arrivants - parlent-ils français, veulent-ils s'intégrer ? - et sur les expulsions.

Depuis 2020, 92 000 titres de séjour ont été refusés ou retirés à des étrangers ayant des difficultés avec les règles de la République. Reste à s'assurer qu'ils quittent le territoire : arrêtons d'embêter ceux qui ne posent pas de problème et expulsons ceux qui en posent. C'est ce que les Français demandent. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le Sénat est réuni pour débattre d'un sujet important et complexe, qui peut se résumer simplement : comment et sous quelles conditions accueillir sur notre sol des femmes et des hommes de nationalité étrangère ?

Il faut se départir de tout dogmatisme, démagogie et angélisme, pour appréhender l'immigration de façon globale et pragmatique.

L'immigration implique de nombreux périmètres ministériels. Depuis longtemps, le ministère de la justice travaille sur les procédures applicables aux étrangers. Simplifions le traitement du contentieux des étrangers, activité principale des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Comme le souligne le rapport Stahl de 2020, il faut rechercher une plus grande efficacité des mesures juridictionnelles. Cela rejoint les conclusions de l'excellent rapport de François-Noël Buffet,... (Marques amusées de satisfaction à droite)

M. Bernard Bonne.  - N'exagérez pas !

Une voix à droite.  - Fayot !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... qui dresse le triple constat d'un droit des étrangers devenu illisible, de procédures inefficaces et d'un manque de moyens des services de l'État pour les mettre en oeuvre.

Le Gouvernement ouvrira le chantier de la réforme du contentieux des étrangers. La réforme du contentieux de l'asile devra aussi être mise à l'ordre du jour. Je sais que vous aurez à coeur de défendre une procédure efficace. La protection des droits, oui, l'instrumentalisation du droit et le dilatoire, non.

Constatons-le lucidement : oui, il y a des étrangers délinquants. Nous sommes dans la moyenne européenne.

M. François Bonhomme.  - Cela nous rassure !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mais l'écrasante majorité des personnes que nous accueillons aiment notre pays et en respectent les lois. N'acceptons pas les amalgames faciles ou les assimilations entre immigration et délinquance - sans angélisme.

Notre droit pénal doit être plus efficient contre les étrangers ne respectant ni nos lois ni notre pacte républicain.

L'interdiction du territoire français est une peine complémentaire prévue dans de nombreuses infractions, les plus graves : terrorisme, crime contre l'humanité, atteinte volontaire à la vie... Pourquoi ne pas harmoniser les conditions d'interdiction judiciaire du territoire avec celles des mesures d'expulsion ? Il est légitime qu'un juge puisse protéger notre territoire aussi bien qu'un préfet qui décide d'expulser un étranger délinquant. Pourquoi ne pas explorer un élargissement de cette peine complémentaire, tout en garantissant les grands principes de l'État de droit ?

Ces pistes sont sérieusement à l'étude.

C'est tout l'enjeu des débats qui nous attendent. Nous voulons être fermes à l'égard des étrangers qui s'affranchissent de nos règles tout en garantissant à chacun un examen individualisé de sa situation personnelle et familiale.

Les Français nous regardent : montrons-nous à la hauteur de leurs attentes légitimes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP) Une politique d'intégration doit envisager le travail comme un outil essentiel, car c'est le seul moyen durable de subsistance.

Le contexte professionnel facilite l'apprentissage de la langue et de la culture française. La France a besoin de talents étrangers. Cela ne nous délie pas de notre obligation de formation envers nos compatriotes. Nous devons pouvoir, subsidiairement, recourir au recrutement d'étrangers non communautaires pour faire face à nos besoins.

Il existe des procédures, mais nous devons analyser lucidement notre système, parfois inefficace et injuste.

Il est parfois inefficace car il ne permet pas aux étrangers de se former et d'avoir un emploi. Leur taux de chômage est de 13 % contre 7,5 % pour l'ensemble de la population.

Il est parfois injuste car nous enfermons dans l'illégalité des étrangers présents depuis longtemps sur notre territoire, travaillant dans des secteurs en tension, essentiels pour notre prospérité, souvent déclarés, mais parfois à la limite de la traite ou hébergés dans des conditions indignes. Ces situations sont inacceptables et doivent être supprimées. Revenons à un socle commun pour tous les salariés.

Nous devons sortir d'un système perdant-perdant, tout en luttant contre le travail illégal. Des étrangers travaillant depuis plusieurs années dans des secteurs en tension, intégrés, sont sans droit de séjour. Nous voulons leur accorder un titre temporaire d'un an pour leur permettre de s'insérer dans un parcours plus classique.

Allons-nous favoriser le travail des étrangers au détriment de celui des Français ? Non. Les étrangers ne prennent le travail de personne, notamment dans les secteurs en tension, où il est bien difficile de recruter.

N'oublions pas notre objectif de plein emploi pour tous.

De nombreuses entreprises veulent régulariser certains de leurs employés. Nous actualiserons la liste des métiers en tension, en y incluant ceux de la restauration ou de la propreté.

Constatons la lenteur des sanctions infligées en cas de travail illégal. Il faudra des sanctions plus rapidement applicables. Nous ne modifierons pas les sanctions pénales, pour les cas les plus graves. Les sanctions administratives - fermeture d'un établissement pour trois mois maximum par le préfet - doivent être facilitées. Il faut aussi favoriser les amendes, en fonction des ressources et charges et de l'intentionnalité.

L'intégration se fait aussi par la langue. Les employeurs doivent faciliter l'intégration des étrangers par ce biais. Nous avons ouvert un dialogue avec les partenaires sociaux pour renforcer la formation continue et mettre à contribution les employeurs.

Nous abordons ce débat sans naïveté, pour ne pas être complices passifs, mais avec la volonté de protéger les travailleurs comme les chefs d'entreprise qui n'ont pas d'alternatives. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Philippe Bonnecarrère, Alain Richard et François Patriat applaudissent également.) « Il n'existe pas, le pays qui peut aujourd'hui accueillir l'ensemble des migrants économiques, il n'existe pas » ; « Nous avons besoin d'améliorer l'intégration dans la République, plus vite, mieux » ; « Je ne veux plus de femmes et d'hommes dans les rues. Mais partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permet de déterminer si on peut aller vers une demande d'asile ou non. Et derrière, une vraie politique de reconduite aux frontières ».

Ces trois phrases ne sont pas les miennes, mais celles du Président de la République à Orléans, il y a cinq ans. (Exclamations à droite)

M. François Bonhomme.  - Quel aveu d'échec !

M. François-Noël Buffet.  - On aurait pu être séduit par ces propos, qui semblaient envisager globalement la politique migratoire. Mais la triste réalité, c'est que notre politique d'immigration est dans l'impasse.

Je vous concède, madame la Première ministre, que cela provient des errements du quinquennat de M. Hollande.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela faisait longtemps...

M. François-Noël Buffet.  - Mais le Gouvernement n'a pas pu redresser la barre. En 2021, 270 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en France, soit 100 000 de plus qu'en 2011. Le stock de titres valides a grimpé d'un million pour atteindre 3,4 millions.

Certains soutiennent que l'immigration est une chance pour les pays européens. Sans doute, à condition que ce ne soit pas une charge. Or le niveau de qualification des immigrés en France est moindre que chez nos voisins.

L'intégration suppose la maîtrise de la langue et le respect des valeurs. Or 25 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

Nous maîtrisons mal nos frontières. En 2006, le Gouvernement estimait qu'il y avait 200 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière. Aujourd'hui, ce serait entre 600 000 et 800 000... Le taux de réalisation des OQTF était de 6,9 % au premier trimestre 2022, contre 22 % en 2012. Nous ne pouvons que constater que les OQTF étaient trois fois plus exécutées il y a dix ans.

Le délai d'examen des demandes d'asile est aujourd'hui de 330 jours. C'est d'autant plus regrettable que le nombre de demandes augmente. En 2023, nous devrions dépasser le record de 2019 avec 135 000 demandes attendues.

N'ayons ni malice ni fatalisme. Ce serait alimenter des postures stériles ou des peurs et ouvrir la porte aux extrêmes.

Madame la Première ministre, vous l'avez dit à l'Assemblée nationale la semaine dernière : si nous voulons débattre sérieusement de la politique migratoire, nous devons adopter un langage de vérité, et dresser le constat lucide d'une immigration non maîtrisée et d'une politique publique qui a perdu tout son sens.

L'immigration zéro est une chimère, l'accueil au fil de l'eau une folie !

Ce qui nous fait défaut, c'est une réelle stratégie migratoire. Nous ne faisons qu'en subir les soubresauts. Nous avons été dépassés par les flux en 2015. Nous venons de vivre un moment particulier avec l'Ocean Viking.

Comme tout État souverain, nous devons décider qui nous voulons sur notre territoire et qui n'y a pas sa place.

Nous avons trois principes : une immigration régulière choisie, d'abord économique ; l'intransigeance contre l'immigration irrégulière ; l'efficacité dans la procédure d'asile.

C'est cette stratégie que défend le Sénat depuis des années, notamment lors de la loi Collomb en 2018.

Nous sommes satisfaits que le Gouvernement reprenne certaines de nos propositions. Je le remercie de déposer son texte d'abord devant le Sénat. Vous vous inspirez de mon rapport, c'est un bon début. (Mme la Première ministre s'en amuse.)

Je vous ferai des propositions concrètes pour doter la France d'une stratégie migratoire réellement ambitieuse et efficace.

La Première ministre a déploré le manque de propositions à l'Assemblée nationale. Les nôtres sont sur la table.

Nous devons retrouver notre souveraineté, en décidant qui nous voulons sur notre territoire, en donnant la priorité à l'immigration économique, qui représente à peine 13 % des premiers titres de séjour délivrés en 2021, avec des quotas, ou à tout le moins de grandes orientations.

Il faut restreindre les voies d'accès, en revenant notamment au critère d'absence de soins dans le pays d'origine pour l'accueil d'étrangers malades. En 2021, nous avons ainsi reçu 5 000 demandes émanant de pays du G20, qui ont pourtant des systèmes de soins développés.

Resserrons aussi les critères du regroupement familial, dans le respect du droit européen.

Nous devons mieux traiter ceux que nous acceptons sur notre territoire. Je ne reviendrai pas sur les situations ubuesques engendrées par les difficultés d'accès aux préfectures. La refonte des pratiques d'instruction à 360 degrés, expérimentée à Angers, est une très bonne démarche.

Il faut muscler le dispositif d'intégration. Augmenter les heures d'enseignement du français est une bonne chose. Il faut renforcer les devoirs de l'étranger, en imposant la réussite à un examen non seulement linguistique, mais aussi civique. Passer d'une logique de moyens à une logique de résultats est la meilleure solution. Nos valeurs républicaines ne sont pas négociables, et l'obtention d'un titre de séjour doit être conditionnée à leur respect.

Il est crucial de favoriser la protection internationale en permettant à l'Ofpra de statuer plus rapidement sur les cas simples, mais de refuser l'asile en cas de menace à l'ordre public. Cet office pourra ainsi se concentrer sur les cas les plus complexes. Je salue son travail.

Nous devons faire de la lutte contre l'immigration irrégulière une priorité nationale. Cela nécessite d'assumer d'établir un rapport de force avec les pays d'origine. Le Sénat avait proposé de restreindre la délivrance de visas aux pays accordant peu de laissez-passer consulaires. Le Gouvernement l'avait rejeté, mais y est revenu, avec des effets positifs : les retours forcés vers l'Algérie, modestes en volume, ont été multipliés par seize en moins d'un an !

Il faut réformer l'aide médicale d'État, qui atteint des sommets, avec 400 000 bénéficiaires. Une réforme structurelle est nécessaire. Remplaçons-la par une aide médicale d'urgence, pour les pathologies les plus graves. L'AME incite parfois à l'immigration irrégulière.

Le titre de séjour « métiers en tension » est une opération de régularisation qui ne dit pas son nom. Le problème est réel. Nous ne pouvons nier que certains métiers, parfois indispensables, sont exercés par des étrangers. Faut-il une régularisation massive sans ciblage ? Non, cela créerait un appel d'air et des filières criminelles se formeraient immédiatement. Il faudra des critères et des conditions.

Disons les choses telles qu'elles sont. Sur la réforme du contentieux, par exemple. Le droit des étrangers est d'une complexité qui frôle l'absurde. C'est une charge pour les magistrats, une source d'insécurité juridique pour les justiciables et une aubaine pour ceux qui souhaitent se soustraire à l'éloignement.

Le Gouvernement souhaite réduire à quatre le nombre de procédures contentieuses ; nous proposons de passer à trois.

Madame la Première ministre, ce n'est pas en masquant les problèmes que nous allons les oublier, ou en les nommant qu'on les aggravera. C'est avec des propositions concrètes qu'on les résoudra - cela tombe bien, nous en avons.

Il y a eu vingt et une lois relatives à l'immigration en trente ans, soit une tous les seize mois. Dotons notre pays d'une vraie stratégie. Nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST) L'asile est un droit, un engagement conventionnel et une part de notre identité constitutionnelle. L'immigration, c'est autre chose : c'est une politique à mener en respectant nos principes et les intérêts de notre pays.

Avant 2018, jamais ces sujets n'avaient été abordés dans les mêmes lois, car ils sont distincts.

Les Français semblent fermés à l'immigration, mais ils sont ouverts et généreux face à des situations concrètes et attachés à notre tradition d'asile.

La France est restée à l'écart des grandes demandes de protection. Nous ne sommes pas le pays accueillant le plus d'Ukrainiens. Nous délivrons peu de premiers titres de séjour par rapport à des pays similaires. Au début du XXe siècle, 5 % de la population mondiale était migrante, contre 3,5 % aujourd'hui. L'immigration familiale n'est pas open bar : il faut plus de dix-huit mois de présence en France et des conditions précises de ressources et de logement pour avoir un titre.

Madame la Première ministre, vous pratiquez une politique du désordre et de l'affichage. Actuellement, il est impossible de prendre rendez-vous en préfecture : certains se retrouvent en situation irrégulière faute de pouvoir renouveler leurs documents. Pas moins de 50 % de la justice administrative est mobilisée sur ces dysfonctionnements. Vous annoncez un renouvellement automatique. Comment cela se fera-t-il ? En deux ans, vous n'avez rien fait pour les personnes ni expulsables ni régularisables. (M. Gérald Darmanin, ministre, proteste.)

Il faut faire un examen à 360 degrés de toutes les situations, et pour cela il faut du personnel. D'une préfecture à l'autre, nous ne traitons pas de la même manière toutes les demandes.

Désordre, lorsque vous exigez plus d'OQTF des préfets, alors qu'ils devraient se concentrer sur les personnes présentant une menace pour l'ordre public et non seulement les personnes inscrites au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ).

À vouloir faire du chiffre, on ne fait pas l'essentiel : vous instrumentalisez les dublinés et les agents de la police aux frontières (PAF) perdent le sens de leur travail.

Les CRA sont pleins à 90 %. Mais des CRA qui fonctionnent, ce sont des CRA avec des personnes expulsables.

Désordre lorsque vous appelez à simplifier le droit des étrangers, mais que vous prévoyez de créer des OQTF qui n'en auront que le nom.

Désordre lorsque les défaillances de l'État conduisent les personnes à s'appuyer plus sur leur communauté que sur les services publics et à faire peser le devoir d'humanité sur les collectivités et les associations.

Je constate une évolution depuis votre déclaration à l'Assemblée nationale : vous évoquiez la non-rétention en CRA des moins de 16 ans, et vous venez de mentionner l'ensemble des mineurs devant nous. Je salue cette évolution, accomplie en une semaine.

Ces questions dépassent le seul ministère de l'intérieur, car l'intégration réussie passe par le travail et par l'école. L'accueil des Vénézuéliens en Colombie et des Ukrainiens dans l'Union européenne s'est fait avec un droit immédiat au travail. C'est le meilleur moyen d'éviter le dumping social et l'esclavage moderne.

Madame la Première ministre, vous n'avez pas forcément besoin de la loi. La liste des métiers en tension n'a changé qu'une fois depuis 2008. Les cas d'apprentis expulsés, si choquants, n'ont pas disparu. Les préfectures ont besoin de moyens supplémentaires.

Le titre de séjour « métiers en tension » s'adressera-t-il à de nouveaux arrivants ou à des personnes exerçant déjà ces activités ? Le refus de la présomption de salariat sera-t-il maintenu pour les travailleurs des plateformes, alors que des milliers de clandestins contribuent à notre économie ?

La France est fait partie de l'espace Schengen. Une commission d'enquête du Sénat a rappelé l'utilité de cet espace de libre circulation, dès lors qu'il y avait de la confiance, des échanges d'informations et une surveillance sérieuse des frontières extérieures. Or depuis quelques années, nous l'avons beaucoup renforcé, tout comme le système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (Etias) et Frontex. L'Europe n'est pas un problème, c'est une solution.

Le pacte sur la migration et l'asile a encore renforcé la cohérence de cette politique. Il peut y avoir des nouvelles arrivées qui demanderont de la solidarité. Mais chaque pays doit respecter le droit européen, l'Italie comme la France : on ne peut pas remettre en place à long terme des contrôles aux frontières à l'intérieur de l'Union européenne. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) l'a justement rappelé.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous dites le contraire de la loi !

M. Jean-Yves Leconte.  - Des délais incroyables, des refus arbitraires, des projets de vie détruits : ce n'est plus Paris, mais Istanbul, Dubaï et Moscou qui font rêver. (M. Gérald Darmanin, ministre, continue de protester.) Des liens historiques sont détruits, des contrats ne sont pas signés, des visites sont annulées. Cela doit cesser.

Plus de 17 000 morts en Méditerranée, dont des milliers d'enfants. Cela aussi doit cesser. La lutte contre les passeurs n'est pas compatible avec le financement de gardes-frontières libyens. Au-delà des coups de menton, il faut une démarche avec les pays d'origine et de transit qui laisse une place significative à la mobilité légale.

L'asile est essentiel. Vous prévoyez un guichet France asile. Très bien, mais les personnes qui méritent d'être protégées auront-elles le temps de se préparer ?

Nous refusons le juge unique systématique à la CNDA. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) ne doit pas en être exclu. Il faut une reconnaissance européenne dans l'instruction des demandes d'asile, donc une Cour européenne du droit d'asile. Il n'y a pas de temps à perdre pour qu'un demandeur obtienne un travail, une formation, des cours de langue, afin de devenir très vite autonome.

Il n'y a qu'une seule République, il ne peut y avoir qu'une seule loi. La situation de Mayotte est particulière, mais il ne peut y avoir des titres de séjour à Mayotte qui ne permettent pas de circuler dans l'Hexagone. Sans cela, toutes les larmes versées sur Mayotte sont hypocrites.

Nous avons besoin d'une politique humaine, cohérente et profondément européenne. Sachons corriger nos erreurs pour mieux intégrer ceux qui viennent se protéger, travailler ou étudier. C'est avec l'immigration que notre pays s'est construit. Ayons confiance en nous et donnons confiance à l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'immigration met en tension la souveraineté et la citoyenneté, fondements respectifs de l'État et de la Nation.

Nous récusons toute incompatibilité entre lutte contre immigration et État de droit, et ne proposerons donc pas de mesure constitutionnelle.

La révision du pacte sur la migration et l'asile est un échec, malgré le renforcement de Frontex, la création de l'Agence de l'Union européenne pour l'asile et l'harmonisation de la liste des pays sûrs.

Nous proposons une reconnaissance mutuelle de rejet des demandes d'asile, afin d'éviter l'immigration de rebond. Si ce n'est pas possible à vingt-sept, faisons une coopération renforcée à partir de neuf États ou des accords bilatéraux.

Nous souhaitons l'entrée en vigueur en 2023 du système d'entrée-sortie (EES), enfin robuste : en cas de refus de se soumettre au relevé d'empreintes, l'intéressé se verrait refuser l'entrée sur le territoire européen.

La première voie d'immigration est familiale, au titre du droit à la vie privée. Nous proposons de porter de 18 à 24 mois le délai de présence régulière pour faire une demande. Nous proposons aussi d'utiliser les mesures conditionnelles prévues par la directive de 2003 relatives à l'intégration : ressources suffisantes, logement, respect de l'ordre public, maîtrise de la langue, mais aussi de la culture française, monsieur le président Buffet.

La deuxième voie est celle des permis de séjour. Vous proposez d'en créer un pour les métiers en tension. Nous serions favorables s'il s'agissait de métiers qualifiés. Nous connaissons cette vieille tendance française à confier aux étrangers les métiers dont les Français ne veulent pas. C'est une trappe à bas salaires et un appel d'air à une main-d'oeuvre non qualifiée, mal rémunérée et renouvelée, qui est nuisible à notre pays, alors qu'une immigration bien rémunérée peut être positive. Nous vous suivrons donc à condition que le salaire soit a minima supérieur au salaire moyen au niveau du pays ou de la branche, gage de bonne intégration.

Notre groupe est aussi favorable à un débat annuel ou biennal sur l'immigration. Les Français ont en effet leur mot à dire, il est de notre responsabilité de le porter.

Nous vous suivons sur la conditionnalité des visas, voire de l'aide au développement.

Nous serions ouverts à la possibilité pour le demandeur d'asile de travailler sans attendre le délai de six mois ; cela permettrait de juger de sa capacité à s'intégrer.

Nous ne vous suivons en revanche pas du tout sur la démarche de l'aller-vers pour l'Ofpra et la CNDA. L'Ofpra a fait de gros progrès, mais nous doutons qu'il puisse atteindre son objectif de 60 jours en saupoudrant ses officiers dans les préfectures - les officiers de protection instructeurs sont des spécialistes, dont il ne faut pas fragmenter l'expertise. Même chose pour la « territorialisation » de la CNDA, qui a besoin de tel interprète et de tel cabinet d'avocat. La CNDA est le maillon faible de la chaîne et est très loin de ses objectifs.

Vous proposez de systématiser le juge unique et la visio-audience : nous sommes réservés pour le premier, mais favorables à la seconde.

Nous sommes sceptiques à l'idée d'une OQTF dès le rejet par l'Ofpra : il resterait une possibilité de recours. Nous préférons qu'une décision de rejet de la CNDA soit assortie de plein droit d'une OQTF.

La seule condition d'un séjour de cinq ans en France ne pourrait suffire à une régularisation ; le Sénat l'a déjà votée.

Nous approuvons les simplifications proposées dans la logique du rapport Buffet.

Nous souhaiterions une évaluation des certificats d'hébergement. Les pratiques sont-elles harmonisées ? Quel est le niveau de contrôle ? La participation des collectivités territoriales est nécessaire ; elle serait aussi utile pour le contrat d'intégration républicain, auquel il manque une dimension locale.

Nous sommes plus réservés que certains collègues sur l'AME - le terme « nécessaire » est proche de celui d'urgence. Mais nous suggérons, comme le président Buffet, d'examiner la procédure de l'étranger malade, qui est une exception française, à « guichet ouvert » selon l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Nous suggérons de la conditionner à la signature d'une convention préalable avec le système de santé du pays d'origine - le rapport Buffet le mentionne.

Vous l'avez compris : pour les sénateurs centristes, l'immigration ne doit pas être un fonds de commerce politique, mais elle doit être régulée, pour garantir la solidité de notre contrat social. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce débat de bonne tenue était nécessaire. Nous remercions le Gouvernement de l'avoir inscrit à l'ordre du jour.

Nous devons tenir un discours de vérité aux Français, sans caricature. Cela nécessite d'admettre que l'immigration, régulière et irrégulière, est en progression, mais que la France n'est pas confrontée à un tsunami migratoire, chiffon rouge de l'extrême droite. François Héran le dit : « un nombre d'immigrés en hausse, mais pas en pointe, une immigration familiale contenue, un essor important des étudiants internationaux, des régularisations en nombre limité ». Ce n'est pas le grand remplacement ! La proportion d'immigrés dans notre pays, 10 %, est largement inférieure à la moyenne de l'OCDE, loin du raz-de-marée dénoncé par les idéologues xénophobes.

Quatre défis sont devant nous : préserver l'asile ; renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière ; améliorer les conditions d'accueil, à commencer par les guichets des préfectures ; faciliter l'intégration.

La politique du Gouvernement est lisible et cohérente. Depuis 2017, le diptyque humanité et fermeté guide notre action. Mais sitôt exposées, les premières propositions ont été déformées. Ayez l'honnêteté, chers collègues, de reconnaître que le taux d'exécution des OQTF n'a jamais dépassé 20 %.

Mme Sophie Primas.  - C'est nous qui ne sommes pas honnêtes ?

M. François Patriat.  - Cette difficulté est liée à celle de convaincre les pays d'origine de délivrer des laissez-passer consulaires. Les efforts de la France commencent à porter leurs fruits.

Je déplore les oppositions partisanes, d'autant plus que le Gouvernement dit s'inspirer du rapport du président Buffet, et je regrette le dogmatisme de la majorité sénatoriale sur le titre de séjour « métiers en tension ». Il ne s'agit pas d'un projet de résignation nationale et cela ne créera pas d'appel d'air. Régulariser les étrangers intégrés au cas par cas et durcir les sanctions contre les employeurs : voilà la logique. Plutôt que de faire des procès d'intention, pourquoi ne pas chercher à améliorer ces dispositifs ?

Nous veillerons à ce que la perte d'un emploi n'emporte pas celle du titre de séjour.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ah !

M. François Patriat.  - Nous sommes particulièrement attentifs à l'outre-mer. À Mayotte, 50 % de la population est immigrée, mais il y a eu 24 000 reconduites à la frontière en 2021, en hausse de 78 % par rapport à 2020.

Ne cédons ni au simplisme ni au populisme. Les relations entre migration et développement sont complexes. C'est pourquoi il faut sécuriser le parcours migratoire et permettre les allers et retours avec les pays d'origine. Une première étape a été franchie avec le passeport Talents en 2016 ; nous proposons de le simplifier et de l'étendre aux professions médicales.

La gestion des flux migratoires relève de la souveraineté nationale, mais nécessite une coopération européenne. Il faut réformer le système Dublin et instaurer des mécanismes de solidarité. La France est au rendez-vous quand elle se mobilise pour les Afghans, les Ukrainiens ou les migrants en mer. Les États membres doivent surmonter leurs différences pour élaborer un cadre commun.

Notre groupe soutiendra le projet et apportera ses propositions, sur la base de votre présentation, madame la Première ministre. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

M. Pierre Laurent .  - Voilà bientôt le vingt-neuvième texte sur l'immigration en 40 ans.

Les structures d'accueil et les associations sont vent debout contre votre circulaire du 17 novembre sur l'hébergement d'urgence, monsieur le ministre de l'intérieur. Mauvais début ! Ce texte ouvre la voie à toute l'hystérie que ce sujet suscite et aux assimilations entre immigration et délinquance - témoin l'Ocean Viking. Il faut, enfin, un débat sérieux et serein sur cet enjeu essentiel.

De tout temps, la France s'est construite en accueillant des migrants. C'est ainsi qu'elle est devenue la patrie des droits de l'homme. Mais rompant avec cette histoire, nous sommes devenus un des pays les plus restrictifs d'Europe. Nous assistons à un traitement indigne des droits humains des migrants.

Guerres, violences faites aux femmes, catastrophes climatiques jettent des millions sur les routes de l'exil. La mondialisation a aussi changé la donne : les inégalités sont devenues intolérables. Mais agissons-nous contre ces inégalités et ces insécurités ? Bien au contraire. La politique des pays riches ne cesse de déstabiliser les États du Sud : opérations militaires, traités de libre-échange, contrôle monétaire de l'Afrique de l'Ouest par le franc CFA, atermoiements de la COP27 face à la crise climatique...

Mais nous ne parlerons pas de tout cela. Certains diront avec des mots nouveaux : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Nos propositions concrètes seront balayées d'un revers de la main.

Les réfugiés fuyant la guerre en Syrie auraient pu être à l'origine d'une nouvelle prise de conscience en Europe, mais après le courageux « nous y arriverons » d'Angela Merkel, voilà le retour des murs et des barbelés. L'Europe a tourné le dos à ses devoirs de solidarité, et la PFUE a passé son tour sur le pacte sur la migration et l'asile.

L'absurde règlement de Dublin génère souffrances et indignité. Camps d'exilés, dizaines de milliers de morts en Méditerranée et dans les Balkans : la France ne cherche plus qu'à externaliser le traitement des migrants et à marchander les reconduites à la frontière avec les pays de départ.

Mais les causes de l'immigration sont profondes : tout cela ne fait que favoriser les contournements. Pourtant des voies légales et sécurisées sont possibles ; l'Europe accueille bien des millions d'Ukrainiens. Un Afghan fuyant les Talibans, une Nigériane fuyant les violences et l'excision, une famille pakistanaise fuyant les inondations valent-ils moins ?

Mais nous ne parlerons sans doute pas de cela. Votre projet - dont nous n'avons pas encore le texte - semble se concentrer sur les deux faces d'une même pièce : régularisation par le travail et accélération des expulsions.

Nous sommes pour régulariser tous ceux qui travaillent : les grèves de sans-papiers montrent que des filières entières dépendent d'eux, au vu et au su de tous. (M. Pascal Savoldelli le confirme.)

Nous ne voulons pas de quotas et serons vigilants sur la liste des métiers. Le Gouvernement serait prêt à accueillir des étrangers « utiles » ? Il ne doit pas s'agir de régulariser l'exploitation patronale, mais plutôt ceux qui peuvent enrichir notre pays et y sécuriser leur vie.

Nous sommes favorables à la suppression du délai de carence pour les réfugiés et à un titre de séjour d'au moins deux ans.

Le ministre de l'intérieur évoque la réussite d'un test de français : personne ne peut être contre l'apprentissage du français, mais cela ne doit pas être discriminant. Combien de Français aux origines immigrées ont mis des années à parler français ?

M. Pascal Savoldelli.  - On l'a même connu dans nos familles !

M. Pierre Laurent.  - La fin du contrat de travail valant OQTF perpétuerait le cycle infernal.

Quant au renforcement des OQTF, fausse contrepartie du premier sujet, le risque de non-respect du droit est grand. La CEDH rappellera qu'on ne peut porter atteinte au droit à un recours effectif.

Généraliser le juge unique déshumanisera les procédures, avec un risque de rejet systématique - c'est aussi le cas des audiences vidéo. La souffrance n'est pas perceptible de la même façon en présentiel.

Voilà les principes avec lesquels nous aborderons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme Colette Mélot .  - « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre. » Les mots de Richelieu ont une résonance particulière dans cette actualité récente, autour du sigle des OQTF. Ainsi, des lois déterminent qui peut entrer et vivre sur notre territoire, mais elles ne sont pas respectées. C'est incompréhensible. La France doit contrôler ses frontières, mais ce n'est plus le cas depuis longtemps. C'est dangereux pour nos institutions. En refusant un cap clair, c'est la démocratie et la cohésion de la Nation qui sont en danger : de plus en plus d'Européens portent au pouvoir des nationalistes. Cela a joué un rôle dans le Brexit et la montée de l'extrême droite en Allemagne, en Autriche, en Suède et en Italie. En France, l'extrême droite a désormais le deuxième groupe de l'Assemblée nationale. Certains seraient tentés de copier leurs réponses simplistes : pari hasardeux. Entre une extrême gauche qui refuse de voir que nous n'avons pas les moyens d'accueillir le monde entier et la fermeture à double tour des marchands d'angoisse, nos concitoyens ont droit à une alternative crédible.

L'immigration, à aucun prix, ne se fait au détriment de la cohésion de la Nation. C'est à la France de fixer ses conditions d'accueil et son mode de vie. Elle accorde ainsi l'asile : cela ne peut être qu'exceptionnel, et seule la maîtrise des frontières empêche le délitement.

Il faut tirer au mieux parti de l'immigration. Bien des entreprises manquent de main-d'oeuvre et y ont recours. L'exemple britannique est édifiant. En choisissant son immigration, la France pourrait pourvoir aux emplois en pénurie.

En outre, le travail éloigne l'ennui, le vice et le besoin, écrivait Voltaire. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'en amuse.) Il est un facteur d'intégration, mais les capacités professionnelles souvent ne sauraient suffire : il faut accepter nos règles, partager nos valeurs et embrasser notre culture. Il y va de l'intégration des immigrés. Mais il faut aussi empêcher toute discrimination.

Cela concerne l'Europe entière, eldorado pour beaucoup. La population y vieillit partout et la main-d'oeuvre se raréfie. Il faut protéger notre mode de vie. L'Union européenne a pris conscience, avec les chantages turcs, de l'impossibilité de confier ses frontières à des pays étrangers. Le renforcement de Frontex doit être salué.

Monsieur le ministre, vous dites vouloir être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils : nous y sommes favorables. L'immigration incontrôlée est une menace, mais l'immigration est nécessaire.

La législation, non appliquée, doit évoluer. Nous vous soutiendrons dans votre démarche, face à une extrême droite en expansion et une extrême gauche toujours plus irresponsable. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI) Il y a quelques semaines, l'examen des crédits de la mission « Asile et immigration » a déjà été l'occasion de débattre. L'immigration est sujette aux fantasmes et aux peurs irrationnelles : à notre République d'éviter ces écueils populistes.

Autre dérive possible : légiférer pour légiférer. Je sais, monsieur le ministre, que vous portez des ambitions, même si je ne les partage pas toutes. Seulement, il y a quatre ans, le Parlement adoptait déjà la loi Collomb : quel est son bilan ? Elle consacrait dix articles à la lutte contre l'immigration irrégulière : qu'en est-il ? Quel est le bilan des 90 jours de rétention administrative et de la réduction de 120 à 90 jours pour déposer une demande d'asile ? Cet état des lieux nous guiderait.

J'espère que l'amélioration de l'accompagnement des plus vulnérables -  victimes de violences, mineurs, familles  - ne sera pas écartée.

Le problème des OQTF est manifeste : 120 000 sont délivrées chaque année, et moins de 10 % exécutées. Cela justifie de repenser ce rouage administratif pesant et absurde.

Nous défendrons la simplification du contentieux des étrangers, pourvu qu'un droit effectif à la contestation des décisions administratives soit garanti.

Pourquoi ne pas généraliser les audiences à proximité des centres ou les visioaudiences ? Pourquoi pas des pôles territoriaux labellisés ? Mais jamais au détriment du respect des droits.

Il faut, ensuite, désengorger les préfectures, dont les décisions sont souvent annulées. Cela suppose de délivrer moins d'OQTF, mieux instruites.

Le contrôle de l'immigration est inefficace, comme en témoignent les CRA surchargés.

L'annonce du titre de séjour « métiers en tension » ne fait pas l'objet d'a priori de mon groupe. Ainsi, le travail illégal soutient les secteurs en tension. Certains cas font parler d'eux, comme ici, un artisan boulanger et là, un apprenti boucher, qui mobilisent autour d'eux -  et tant mieux pour eux. Mais bien d'autres sont concernés, sur les marchés, dans les restaurants ou le bâtiment : ils travaillent tous pour notre pays, mais dans une précarité difficile à admettre. Alors pourquoi pas un titre de séjour spécifique, tel que vous le proposez ? Oui, mais dans le respect du droit du travail : il n'est pas question d'offrir une main-d'oeuvre à bas prix pour les métiers boudés par les nationaux. Et il faudra contrôler et sanctionner le travail non déclaré.

Notre groupe a des attentes importantes : nous vous accompagnerons dans l'examen du texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Yves Leconte et Mme Esther Benbassa applaudissent également.) Ce débat n'est que la prémisse de l'examen d'un 29e texte depuis 1980 sur le sujet.

En 2019, le Président de la République affirmait que la France ne peut accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. Mais rien dans les budgets... La baisse des crédits consacrés aux demandeurs d'asile de plus d'un tiers n'augure rien de bon.

Nous ne voyons que la jambe droite des politiques migratoires du Président de la République, celle qui porte ses véritables convictions : comment, sinon, justifier le prisme ultra-sécuritaire de ce texte ? Il faudrait pourtant un véritable ministère à l'immigration, à l'accueil et à l'intégration. Pourquoi ne pas voir ce texte à travers le prisme humanitaire, ou même pragmatique ? Non, l'aspect sécuritaire prime.

L'immigration est pourtant un phénomène historique normal et récurrent. Le changement climatique et les guerres accentueront encore les mouvements démographiques entre continents.

Celui qui n'était que candidat en 2017 promettait un examen des demandes d'asile en six mois, recours compris ; mais le système mal calibré est en totale embolie. De l'accès au travail à la prise en charge médicale, les migrants connaissent un parcours semé d'embûches, tout le contraire des profiteurs du système décrits par certains.

Et que dire du projet de supprimer les protections contre l'éloignement pour motif d'ordre public, par exemple pour les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans ? Le GEST est favorable à des procédures plus rapides, mais jamais au détriment des droits des personnes ni des conditions de travail des agents.

Vous annoncez 100 % d'exécution des OQTF : mais comment ? C'est de l'affichage politique.

La multiplication des CRA est un non-sens, surtout pour des placements trois ans après la délivrance d'une OQTF non réévaluée... Vous voulez rendre la vie impossible aux étrangers.

Je pense à l'enterrement de la promesse d'Orléans de 2017 -  aucun demandeur d'asile ne dormirait plus dehors  -  : 97 % des expulsions de Calais ne sont pas suivies d'une mise à l'abri.

Les peines pour ceux qui aident les étrangers seront encore alourdies... Je suis inquiet pour les bénévoles des associations.

La crise ukrainienne montre que notre pays peut accueillir vite et bien lorsque la volonté politique est là : la dérogation ne devrait-elle pas devenir la règle ?

Il faut des rendez-vous plus efficaces en préfecture, car les agents sont tous en difficulté face à la perte de sens et au manque de moyens.

L'insécurité des personnes privées de droits les maintient dans l'accompagnement par les associations.

Nous accueillons plutôt favorablement la régularisation de ceux qui travaillent, mais rien n'est évoqué pour le parcours vers la nationalité.

Quant aux métiers en tension, variante du travailleur méritant, imaginez-vous une « assignation à résidence », comme le disait le Président ? Un travailleur sous tension sera-t-il condamné à y rester ? Pourra-t-il conserver son titre de séjour s'il perd son emploi ? Votre vision d'immigrants interchangeables est bien utilitariste.

Le Gouvernement renforce les exigences de maîtrise du français, mais avec quels formateurs et quels évaluateurs ?

La question migratoire ne se limite pas au travail et à la sécurité. Les moyens de l'administration doivent être d'abord tournés vers la facilitation de l'accès au séjour et de l'intégration. La criminalisation outrancière de l'étranger est contraire à nos valeurs. La simplification qui s'éloigne de la collégialité et des droits de la défense n'est pas acceptable.

Last, but not least, qu'en est-il de votre silence assourdissant sur la non-maîtrise des frontières dans l'Union européenne ? Surveiller plutôt que secourir... Bien des associations dénoncent le manque de réception des demandes d'asile.

Notre pays s'honore d'accueillir et de sauver : cela doit être inconditionnel. Je regrette la variabilité entre l'Aquarius et l'Ocean Viking. Sans naïveté ni idéalisme, nous ambitionnons un bon accueil des étrangers et un travail au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Esther Benbassa .  - Coincé entre une extrême droite obnubilée par le « grand remplacement » et une droite en crise, le ministre de l'intérieur flatte les bas instincts et encourage rejet et suspicion.

Il s'enorgueillit d'accorder deux fois moins l'asile que l'Allemagne et promet encore plus d'OQTF. Mais combien seront-elles exécutées ?

La loi qui s'annonce est la trentième depuis 1980. Les gouvernements changent, mais la rengaine reste la même : l'immigration coûterait un pognon de dingue, et les exilés risqueraient leur vie pour bénéficier de tous les avantages sociaux que nous leur offrons. La droite sénatoriale ne pense pas autrement : dans un bel élan d'humanité, elle a exprimé le souhait de réduire de 350 millions d'euros le budget de l'AME...

L'étranger à la peau sombre est un profiteur, un futur délinquant, responsable de tous les maux de la France - fût-il sous un pont ou une tente d'infortune. Face à lui, le bon réfugié, l'Ukrainien par exemple, est reçu dignement - et tant mieux ! - parce qu'il a la peau claire et est chrétien. (Protestations à droite)

Nous aurons désormais le migrant économiquement utile, reçu cyniquement tant que son métier sera en tension : ce n'est pas une politique d'accueil, mais un replâtrage visant à rendre acceptables les immigrés destinés à régler notre crise du recrutement.

Pendant ce temps, la situation des CRA est catastrophique, celle des mineurs non accompagnés aussi. La France, terre d'accueil ? Un mythe, désormais ! (On s'indigne à droite.)

À tant prévenir les esprits contre le supposé danger de l'immigré, dans dix ans, y aura-t-il encore une place en France pour un Dupond-Moretti ou un Darmanin ? J'en doute. Quel dommage, n'est-ce pas, messieurs les ministres ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avec vous, mes grands-parents n'auraient pas été intégrés !

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - La ministre de l'Europe et des affaires étrangères m'a demandé d'intervenir en son nom sur les aspects du débat liés à la politique étrangère. La question migratoire est centrale dans la conduite de cette politique.

Trois principes nous guident : attractivité en matière de mobilité légale, solidarité avec les plus vulnérables, fermeté face aux flux irréguliers.

La France défend une vision équilibrée. Elle est attachée à une immigration légale bénéfique et veille à renforcer son attractivité à l'égard des étudiants et des talents. Cette année, nous avons enregistré l'inscription de 400 000 étudiants étrangers, un record, et délivré 12 000 passeports « talent ». Notre politique de visas n'a rien d'arbitraire : elle vise un objectif d'attractivité au service de notre influence.

Nous promouvons le droit international et nous nous honorons d'être l'un des pays les plus engagés en matière d'asile. Nous sommes attachés au respect des droits fondamentaux des migrants. Nous coparrainerons, l'année prochaine, le forum mondial des réfugiés. Le même souci de protection nous conduit à lutter fermement contre les trafics et la traite des êtres humains.

Nous sommes intransigeants sur le respect de nos lois et de nos valeurs. C'est pourquoi nous luttons avec force contre l'immigration irrégulière et pour le retour des migrants irréguliers dans leur pays d'origine.

Nous recherchons cet équilibre avec nos partenaires africains. Notre stratégie de migration et développement couvre 55 pays, majoritairement africains ; en 2021, 1,5 milliard d'euros de projets ont été financés par la France et ses partenaires.

Nous défendons cette vision dans le cadre européen et multilatéral. C'est dans cet esprit que Mme Colonna a lancé, avec nos partenaires espagnol et italien, deux initiatives « Équipe Europe » portant sur deux routes migratoires : Méditerranée centrale et Méditerranée occidentale. Pour chacune, 1 milliard d'euros sont investis pour resserrer la coopération euro-africaine. La France a soutenu l'objectif européen de consacrer 10 % des moyens d'intervention extérieure aux projets liés aux migrations. Cette logique coopérative est indispensable à une meilleure maîtrise des flux.

Nous devons construire ensemble des partenariats mutuellement bénéfiques. Dans cet esprit, la France a pris la présidence du forum mondial sur la migration et le développement, dont elle accueillera le sommet en 2024. Nous réfléchirons ensemble, notamment sur les effets du changement climatique sur la mobilité humaine, à des fins de dialogue et d'anticipation. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Monsieur Buffet, la création par la loi d'un titre de séjour « métiers en tension » vise à ouvrir devant le Parlement un débat sur les critères d'accès.

Les admissions dans le cadre de la circulaire Valls sont soumises à des critères d'ancienneté sur le territoire et dans l'emploi exercé ; l'accompagnement du chef d'entreprise est obligatoire. Avec ce que nous proposons, le salarié pourra demander sa régularisation en prouvant son ancienneté. Il nous reste à définir les bons critères.

Ce système permettra d'éviter les régularisations massives que vous avez dit craindre.

J'ajoute que le titre ne sera pas attaché à un emploi particulier, mais à l'exercice d'un emploi dans un secteur en tension. Un bénéficiaire qui perdrait son emploi pourrait donc retrouver un emploi dans un secteur en tension ou trouver un emploi dans un autre secteur et solliciter un titre de séjour pour motif économique.

Monsieur Bonnecarrère, je ne partage pas totalement votre objectif en ce qui concerne la rémunération. Réserver ce titre aux salariés disposant d'une rémunération supérieure à la moyenne de la branche se heurte à deux difficultés : les salariés sont en poste depuis plusieurs mois, donc avec un niveau de rémunération arrêté, et les situations sont extrêmement hétérogènes. Nous pouvons nous retrouver, en revanche, sur le souci d'éviter une trappe à bas salaires.

Madame Carrère, il ne s'agit pas de réduire les coûts des employeurs : dès lors que le salarié sera régularisé et que sa présence s'inscrira dans le temps, l'employeur devra participer à sa formation, y compris pour l'apprentissage du français.

Nous cherchons le bon équilibre pour sécuriser les employeurs et sortir d'une situation d'exploitation ceux qui y sont plongés.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - M. Buffet a fait de nombreuses propositions, dont certaines recoupent celles que nous présenterons au Conseil d'État - à l'issue, monsieur Laurent, des concertations politiques engagées. D'autres propositions n'ont pas été reprises, s'agissant notamment de l'AME et des étrangers malades.

Sur ce dernier sujet, permettez-moi de rectifier quelques chiffres évoqués à la tribune. À la suite de la réforme du titre « étranger malade », le nombre de bénéficiaires est passé de plus de 6 000 en 2016, à 5 000 en 2019, puis 3 700 aujourd'hui. La plupart des étrangers malades sont atteints du VIH et viennent de pays où les thérapies ne sont pas disponibles. Pour que ce titre soit accordé à un étranger faisant appel d'une décision d'expulsion, il faut qu'un médecin de l'Ofii, indépendant, constate la pathologie et l'absence de thérapie dans le pays d'origine. Dans de très nombreux cas, les thérapies étant disponibles, la personne est expulsée.

La question de l'AME, je le répète, ne sera pas traitée dans le projet de loi, puisqu'elle relève des textes financiers annuels.

Le débat autour des OQTF, devenu totémique, ne correspond pas à la réalité.

Le ministère recense les mesures qui, à sa connaissance, ont été exécutées ; ce n'est pas la même chose que le nombre de mesures exécutées. Nous connaissons le nombre de personnes qui ont quitté l'espace Schengen, mais, si quelqu'un passe de Tourcoing en Belgique par l'un des dix-sept points de passage, nous ne le savons pas. Demain, le système Etias permettra de le savoir.

Par ailleurs, nous ne comptons que les départs qui passent par l'Ofii et les exécutions d'OQTF par la PAF. Bien des gens respectent les règles de la République et, visés par un départ aidé ou une OQTF, partent sans jamais passer par la préfecture ou la PAF. (On ironise à gauche ; Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait mine de jouer de la flûte.)

Le nombre de 121 000 OQTF correspond à l'ensemble des mesures prises. Certaines personnes sont visées par plusieurs mesures. On ne peut donc évidemment pas arriver à 100 % d'exécution.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tout va bien...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - En 2011, il y a eu 7 970 reconduites pour 85 000 mesures prononcées ; en 2021, 16 984 reconduites pour 124 000 mesures. Vous et nous, monsieur Buffet, avons à peu près le même taux d'exécution. Il est vrai que, pendant le quinquennat Hollande, la situation s'est beaucoup détériorée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER) Sur environ 100 000 mesures prononcées, il y avait 7 000 reconduites.

La meilleure année fut 2019, malgré les difficultés diplomatiques et les guerres. Est-ce suffisant ? Non, puisque le taux reste de 20 %. Nous devons donc réinterroger en profondeur le système de reconduite aux frontières.

Monsieur Bonnecarrère, vous avez évoqué le système d'entrée et sortie de l'espace Schengen - M. Leconte a évoqué Etias. La France y est prête. À chaque conseil des ministres de l'intérieur, je demande pourquoi la Commission européenne en reporte sans cesse l'entrée en vigueur.

Nous pourrons suivre les entrées et sorties de tout étranger et même de tout citoyen de l'espace Schengen. C'est l'interopérabilité entre les fichiers de toutes les polices qui permettra de lutter notamment contre les risques terroristes. En la matière, ce n'est pas la France qui freine ; simplement, tous les pays n'ont pas le même entrain. La sortie des Britanniques de l'Union européenne pose des difficultés supplémentaires, notamment à Douvres.

Nous sommes d'accord, monsieur Buffet, sur l'examen des valeurs de la République.

Le refus d'asile et l'OQTF sont bien deux actes administratifs distincts. Le recours contre l'OQTF restera évidemment possible, mais nous voulons qu'il soit rapide.

Monsieur Leconte, vous avez fait une plaidoirie contre votre propre bilan... Il n'y a pas assez d'agents dans les préfectures ? Et pour cause : vous avez supprimé 11 000 agents en cinq ans !

M. Jean-Yves Leconte.  - Cela fait plus de cinq ans !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Quand j'étais ministre des comptes publics, nous avons stoppé les suppressions. Depuis que je suis ministre de l'intérieur, nous augmentons le nombre d'agents dans les préfectures. Vous, je le répète, avez supprimé 11 000 postes !

M. Jean-Yves Leconte.  - Vous aviez sept ans pour renverser la tendance !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Les contrôles aux frontières sont scandaleux ? Ils remontent à 2015...

M. Jean-Yves Leconte et Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Qui les remet à chaque fois ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous les avez demandés trois fois lorsque vous étiez aux responsabilités. Vous devriez parler avec Bernard Cazeneuve, car vous semblez bien éloignés de la politique qu'il défendait...

M. Thomas Dossus.  - C'est sûr !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Et je ne cite même pas Manuel Valls.

M. Thomas Dossus.  - On vous en remercie...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Huit pays ont réintroduit des contrôles aux frontières, dont cinq dirigés par des sociaux-démocrates. Ils l'ont fait pour mieux lutter contre le terrorisme. Nous l'avons fait récemment encore, après l'attaque contre les trois chrétiens de la basilique de Nice.

Vous parlez des visas Balladur, mais combien de temps êtes-vous restés aux affaires ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et vous ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La différence, c'est que je ne suis pas contre la suppression des visas Balladur...

Vous réclamez que les visas d'entrée à Mayotte permettent d'aller à La Réunion et en métropole : on voit que vous n'avez pas été souvent à Mayotte ! En avez-vous parlé avec les élus mahorais ?

Les visas Balladur ne rajeuniront personne. Pour ma part, je n'étais même pas en sixième...

Quand 70 % des demandes d'asile sont rejetées après la CNDA, c'est bien qu'il y a un léger problème. Chacun sait qu'une part de l'asile est détournée par des personnes qui utilisent l'asile pour rester illégalement sur notre sol. Les agents de l'Ofpra vous le diront eux-mêmes. De ce fait, les personnes qui méritent l'asile mettent beaucoup trop de temps à l'obtenir et se paupérisent.

En disant qu'il y a eu trente textes depuis 1982, vous faites tous votre propre procès... Pour notre part, nous avons présenté un seul texte en six ans.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et quel est le bilan ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Monsieur Leconte, 208 000 irréguliers étaient inscrits à l'AME en 2012 : ils étaient 315 000 cinq ans plus tard ! Sous le premier quinquennat du président Macron, ce nombre est passé à 350 000, à cause de la crise covid. Mais cette augmentation n'a rien à voir avec la hausse exponentielle des cinq années précédentes.

La circulaire Valls, c'est 30 000 régularisations, dont 7 000 au nom du travail... Ne donnez pas des leçons de régularisation et d'humanité !

Monsieur Laurent, nous ne généralisons pas le juge unique à la CNDA : nous le permettons, en laissant à la Cour le choix de sa formation. Dans les cas faciles, le juge peut être unique ; dans les cas complexes -  je pense au Soudan, une situation très complexe  - , la Cour peut siéger collégialement si elle le décide.

M. Benarroche a mentionné Calais : nous y avons des milliers de places d'hébergement libres, comme sur toute la côte d'Opale. Laisser les migrants dans des jungles fait le jeu des passeurs. Je salue la proposition du garde des sceaux de requalifier les agissements des passeurs de délits en crimes. On ne peut pas dire que, à Calais, l'État ne fait pas son travail d'hébergement.

Un parallèle a été établi avec les Ukrainiens. Si la proposition de la gauche du Sénat est de faire ce que nous faisons pour les Ukrainiens pour les demandeurs d'asile, elle risque d'avoir quelques problèmes idéologiques : les Ukrainiens n'obtiennent pas l'asile, mais une protection de trois ans... Si vous proposez cela, vous serez bien plus à droite que ceux que vous dénoncez ! (Protestations sur les travées du GEST)

Je terminerai par vous, madame Benbassa, qui, au milieu de provocations parfois insultantes, avez fait référence à mes grands-pères. L'un, né en Algérie française, s'est engagé dans l'armée coloniale à 14 ans et a choisi la France en 1962 : oui, ce gouvernement accepte les Français de volonté. L'autre, juif maltais, est venu travailler dans les mines dans les années 1930 : oui, nous sommes prêtes à régulariser ceux qui viennent travailler. Tous deux aimaient la France et n'avaient pas de casier judiciaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Nous avons des différences, ce qui est le principe de la démocratie, et des malentendus à lever.

Il n'est pas question de régularisation massive, ni de faire croire que l'immigration réglera les tensions sur le marché du travail. Mais ceux qui participent à notre vie économique et sociale méritent un chemin vers une régularisation, sans appel d'air ni dégradation des conditions d'emploi.

Je note des points de convergence et une volonté de construire ensemble, sur les racines de l'immigration illégale et la lutte contre la pauvreté. Vous défendez aussi, comme nous, le respect du droit -  ce n'est pas une surprise, car nous reprenons le rapport Buffet. Un consensus se dessine aussi autour de l'idée d'intégrer mieux, notamment par le travail.

Vous partagez notre volonté d'efficacité et d'équilibre : j'ai confiance en notre responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; MM. Henri Cabanel et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

La séance est suspendue à 20 h 05.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 26

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 8

Après le mot :

route

insérer les mots :

dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 2,5 tonnes

Mme Angèle Préville.  - L'article 26 transpose la directive du 24 février 2022 relative à la modulation des péages en fonction des émissions de CO2. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a précisé un tonnage minimal à 3,5 tonnes, qui exclut les grands utilitaires légers.

Or le rapport Bonnefoy-Pointereau de mai 2021 sur le transport de marchandises montre que le parc des utilitaires légers n'a cessé de croître, tout en étant soumis à une réglementation plus souple que les poids lourds.

Le risque de ces effets de seuil doit être évité, d'où notre proposition d'un seuil à 2,5 tonnes.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Cet amendement surtranspose la directive Eurovignette, qui s'applique aux véhicules utilitaires lourds. S'agissant des véhicules utilitaires légers, le code de la voirie routière prévoit déjà une tarification différenciée selon les niveaux d'émissions. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme Angèle Préville.  - Je vous propose justement d'être plus ambitieux que la directive européenne. Ce serait profitable à la transition écologique.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 11

Remplacer les mots :

aux premier et troisième alinéas

par les mots :

au premier alinéa

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Les deux alinéas concernés ont été ajoutés par la commission, toutefois les précisions apportées par l'alinéa 10 sont redondantes et inutiles. Quant à l'alinéa 11, sa rédaction devrait être adaptée à la suppression de l'alinéa 10.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Il est nécessaire d'ajouter la modulation horaire dans la section 4 du code des transports. Mieux vaut supprimer les éléments redondants des autres sections. Avis défavorable.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Apre?s l'aline?a 10

Inse?rer trois aline?as ainsi re?dige?s :

« Les pe?ages pre?vus par les contrats mentionne?s au premier aline?a peuvent appliquer une redevance de congestion sur tout tronc?on de leur re?seau routier affecte? par la congestion. Une telle redevance de congestion ne peut e?tre applique?e que sur les tronc?ons routiers re?gulie?rement sature?s, et uniquement pendant les pe?riodes habituelles de congestion sur la base de crite?res objectifs lie?s au niveau auquel les routes et leurs abords sont affecte?s par la congestion, mesure?s entre autres en termes de retards moyens ou de longueur moyenne des files.

« Une redevance de congestion impose?e sur tout tronc?on du re?seau routier s'applique d'une manie?re non discriminatoire a? toutes les cate?gories de ve?hicules. Elle refle?te les cou?ts impose?s par un ve?hicule aux autres usagers de la route, et de manie?re indirecte a? la socie?te?.

« La redevance pre?vue aux deux aline?as pre?ce?dents s'applique aux ve?hicules dont le poids total autorise? en charge est e?gal ou supe?rieur a? 2,5 tonnes. Elle ne s'applique pas aux minibus, autobus et autocars.

M. Jacques Fernique.  - La directive Eurovignette prévoit une redevance, facultative, de congestion sur les tronçons saturés. Si le Gouvernement propose de ne pas la transposer, s'en laisser la possibilité est pertinent.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Retrait. Cet amendement élargit le champ de transposition de la directive à tous les véhicules. Son articulation avec la modulation horaire serait complexe.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°53 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le précédent alinéa ne s'applique pas aux véhicules de transport de marchandises par route.

« Pour ces derniers, les modulations de péage prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article peuvent occasionner un accroissement du montant total des recettes de l'exploitant.

« Les modalités d'application de ces alinéas sont fixées par décret.

Mme Angèle Préville.  - En commission, nous avons adopté un amendement qui fait varier la redevance en fonction de la congestion. Nous y sommes favorables. Si nous ne pouvons l'imposer pour des raisons de recevabilité, le surplus des recettes pourrait être utilisé en faveur du report modal ferroviaire et fluvial, pour lutter contre le changement climatique.

Depuis de trop nombreuses années, nous tentons en vain favoriser le report modal. Avec 8 500 km de voies navigables, la France compte le plus grand réseau d'Europe, mais elle est le plus faible utilisateur du transport fluvial de marchandises, avec moins de 3 % des tonnes-kilomètres transportées - c'est 7 % en Europe, 15 % en Allemagne et 43 % aux Pays-Bas. Ce mode de transport n'est pas saturé. Quant au fret ferroviaire, il n'a cessé de perdre des parts de marché.

Nous devons trouver des financements pour massifier les transports bas-carbone.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est contraire aux dispositions de la directive. Retrait ou avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Ce ne serait pas une surtransposition, mais une mesure contraire à la directive. Avis défavorable.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 14

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Une majoration sur la redevance d'infrastructure perçue sur des tronçons routiers régulièrement saturés, ou dont l'utilisation par des véhicules cause des dommages importants à l'environnement, peut être appliquée.

« Les modalités de la mise en place de cette majoration sont définies par décret, et en conformité avec les dispositions de la directive UE 2022/362 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022.

M. Jacques Fernique.  - La directive permet un surpéage, avec une majoration jusqu'à 50 % au lieu de 25 % actuellement. Pourquoi être moins-disant ? Nous devons trouver de nouvelles recettes pérennes.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est complexe à mettre en oeuvre et à articuler avec la modulation horaire. Retrait ou avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°54 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Cet amendement supprime un alinéa relatif à l'entrée en vigueur de l'article L. 119-12 du code de la voirie routière. Cet alinéa est superflu. Évitons toute ambiguïté en attendant le résultat des consultations que nous avons lancées.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 19

Remplacer la date :

25 mars 2026

par la date :

1er janvier 2024

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement avance la date d'entrée en vigueur à 2024.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Ces amendements reviennent sur un apport de la commission. La directive prévoit que la redevance s'applique obligatoirement à partir de mars 2026. Avancer cette date serait une surtransposition. La mise en oeuvre de la modulation pourra se faire dès 2022, mais de manière différenciée afin de permettre aux transporteurs de renouveler leur flotte. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Demande de retrait de l'amendement n°52.

L'amendement n°60 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°52.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous voterons contre cet article, qui prévoit une nouvelle redevance payée par les usagers de la route, une nouvelle fois stigmatisés.

Il faut certes décarboner nos transports, qui représentent 30 % de nos émissions de CO2. La logique de sanction de ceux qui choisissent la route par une redevance supplémentaire a du sens, mais c'est un choix par défaut, car le fret ferroviaire et le transport ferroviaire de voyageurs sont insuffisamment développés.

Idem pour les zones à faible émission (ZFE), bonne idée pour améliorer la qualité de l'air, mais qui condamne tous ceux qui ne peuvent changer de véhicule à rester chez eux. Les familles continueront de prendre l'autoroute, mais paieront plus cher et les profits des autoroutiers continueront à atteindre des records, alors que les trains resteront à quai.

L'article 26 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 26

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Anglars et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Burgoa et Paccaud, Mme Dumont et MM. Cambon, Charon, Belin, D. Laurent, Genet, Brisson et C. Vial.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l'article L. 1264-2 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Des percepteurs de péages, des prestataires du service européen de télépéage et de toute personne dont l'activité est liée à la prestation de service européen de télépéage. »

M. Bruno Belin.  - Cet amendement adapte le code des transports pour tenir compte des compétences dévolues à l'Autorité de régulation des transports (ART) en matière de système européen de télépéage.

M. le président.  - Amendement identique n°34 rectifié, présenté par M. Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre.  - Défendu.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Ces amendements confortent l'ART. Néanmoins le code de la voirie routière permet déjà à l'ART de demander toute information au percepteur de péage ou à toute personne dont l'activité y est liée. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Je partage la réticence de la commission vis-à-vis de ces amendements. Même si l'extension des prérogatives de l'ART ne serait pas une mauvaise chose, sur la forme, c'est un cavalier législatif. Retrait ?

Les amendements nos6 rectifié bis et 34 rectifié sont retirés.

L'article 26 bis est adopté, ainsi que l'article 27.

ARTICLE 28

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié ter, présenté par Mme Guidez, M. J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Canévet, Chasseing et Chauvet, Mme N. Delattre, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Duffourg, Mmes Férat et Gatel, MM. Guerriau, Henno, Hingray, Le Nay, Louault, Menonville, Mizzon et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot, Puissat et Sollogoub.

I.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

11, 13, 14, 21, 22, 25, 26, 27 et 28

par les mots :

8, 11, 13, 14, 21, 22, 25, 26, 27, 28 et 30

II.  -  Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

, et du VI qui entre en vigueur à la date de promulgation de la présente loi

III.  -  Compléter cet article par un VI ainsi rédigé :

VI. - Pour les services urbains et suburbains de transport ferroviaire de voyageurs au sens du point 6 de l'article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 précitée, les conditions de délivrance aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des prestations d'assistance en gare, à la montée et la descente du train, mentionnées à l'article L. 1115-9 du code des transports, sont définies par décret, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Mme Jocelyne Guidez.  - Cet amendement applique aux services urbains et régionaux l'obligation de fournir aux voyageurs des informations sur l'interruption des services et sur leurs droits, dans des formats accessibles à tous.

Un décret précisera les conditions d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite. Il devra être rédigé en concertation avec les associations et publié avant la date d'entrée en vigueur du règlement européen.

M. le président.  - Amendement identique n°43 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller, Favreau, de Legge, de Nicolaÿ et Belin, Mmes Borchio Fontimp, Imbert, Lassarade, F. Gerbaud et Thomas, MM. Somon et Burgoa, Mme Gosselin, M. Laménie, Mmes M. Mercier et Petrus, M. Bascher, Mmes Berthet, Richer, Malet et Garnier, MM. Reichardt, Anglars, Daubresse, Perrin, Rietmann, Mandelli, Bonne, Bouchet et Calvet, Mmes L. Darcos et Belrhiti, MM. Bouloux, Chatillon et D. Laurent, Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat et M. Cuypers.

M. Philippe Mouiller.  - Il est fait référence à la consultation du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), mais il s'agit d'un principe général posé dans la loi de 2005.

M. le président.  - Amendement identique n°46 rectifié, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Angèle Préville.  - J'ai rectifié mon amendement pour le rendre identique. Nous serons très vigilants sur le contenu du décret.

M. le président.  - Amendement identique n°57 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

M. Jacques Fernique.  - Certaines exceptions n'ont pas lieu d'être.

M. le président.  - Amendement identique n°77, présenté par le Gouvernement.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous supprimons des dérogations. Nous avons échangé de façon informelle avec le CNCPH ces derniers jours.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Notre amendement rétablit la rédaction initiale du texte. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a repoussé le délai de mise en oeuvre à notre grand étonnement, au vu de la gronde des usagers. Le ferroviaire a besoin d'investissements d'ampleur pour redevenir ponctuel et fluide. La plupart des usagers ne choisissent le train que par contrainte. Il faut entendre les usagers.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Je remercie les collègues qui ont rendu leurs amendements identiques à celui du Gouvernement. Avis favorable à ces six amendements. La définition par décret des modalités d'assistance aux personnes handicapées ou à mobilité réduite renforcera leurs droits.

L'amendement n°74 revient sur une avancée de la commission. Il entraînerait des ruptures d'égalité et entraverait l'ouverture à la concurrence. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Merci aux sénateurs qui ont rectifié leurs amendements pour les rendre identiques à celui du Gouvernement.

Même avis que le rapporteur sur l'amendement n°74 qui n'atteint pas son objectif et pourrait poser des difficultés d'application.

Les amendements identiques nos30 rectifié ter, 43 rectifié quater, 46 rectifié, 57 rectifié et 77 sont adoptés.

L'amendement n°74 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 9, première phrase

Après le mot :

paragraphes

insérer le chiffre :

4,

M. Jacques Fernique.  - Les entreprises ferroviaires doivent faciliter la combinaison avec les trajets à vélo. L'utilisation de ce dernier mode de transport progresse encore de 11 % pour les trois premiers trimestres 2022 par rapport à 2021.

La loi d'orientation des mobilités (LOM), en fixant un nombre minimal d'emplacements vélo sur les TGV, TET et TER marquait un progrès, mais l'ambition a été revue à la baisse dans la loi 3DS, qui donnait cette compétence à la région pour les trains relevant de sa compétence.

Repartons dans le bon sens.

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis.  - Le code des transports semble déjà prévoir de telles obligations ; sagesse.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - En effet, le cadre fixé par la LOM va déjà dans le sens de M. Fernique. Avis défavorable.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

L'article 28, modifié, est adopté.

L'article 29 est adopté.

ARTICLE 30

M. Jean-Claude Tissot .  - J'ai certaines réserves sur cet article, qui confie la gestion de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, la dotation jeunes agriculteurs (DJA), aux conseils régionaux. Cela ne doit pas créer de distorsions entre agriculteurs en fonction des choix politiques des régions. Le Gouvernement reconnaît le risque à demi-mot, avec son amendement n°76. La réalisation d'un bilan annuel de la politique d'installation dans chaque région serait ainsi utile pour constater les écarts.

Quant à la formation minimale, la position du Gouvernement nous étonne. Alors que la commission reprend exactement la rédaction actuelle du code rural -  et il ne semble pas que les modalités d'attribution de la DJA posent problème actuellement  - , il est délicat d'adopter un dispositif moins-disant que la législation en vigueur pour l'obtention de l'aide.

En l'absence d'éclaircissements du Gouvernement, nous nous abstiendrons sur les différents amendements sur le sujet.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Duplomb.

I.  -  Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

I.  -  L'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'État détermine le cadre réglementaire national de la politique d'installation et de transmission en agriculture. Cette politique comprend un volet relatif à l'installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis, mais engagés dans le cadre d'une formation.

II.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° Les deux premières phrases du second alinéa sont ainsi rédigées :

III.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

M. Laurent Duplomb.  - Cet amendement important coordonne la rédaction de ce texte avec celle de la loi relative à l'assurance récolte. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) S'il n'est pas adopté, tout ce que nous avons voté sera annulé.

En tant que rapporteur pour avis, je vous informe que la commission y a donné un avis favorable. C'est en quelque sorte devenu l'amendement de la commission... (Sourires)

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis favorable sous réserve de l'adoption de l'amendement n°76 du Gouvernement.

L'amendement n°50 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. Labbé, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Alinéa 9, seconde phrase

Supprimer les mots :

présentant au moins un lien indirect avec ce projet, préalablement à leur installation

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement supprime l'obligation de détention d'une capacité professionnelle pour l'accès aux aides à l'installation agricole, introduite par la commission des affaires économiques.

La rédaction de l'article est bien plus restrictive que le droit européen et menace le renouvellement des générations, alors que, dans dix ans, 48 % des chefs d'exploitation atteindront l'âge de la retraite et que nous avons perdu 21 % des exploitations en dix ans.

Nous sortons progressivement du schéma de la reprise de la ferme familiale après obtention d'un diplôme agricole. Les profils se diversifient, sans toujours passer par les formations agricoles classiques. Cela ne suppose pas un manque de compétences, alors que les entreprises agricoles proposent encore trop peu de formations.

Les stages agricoles ou encore les écoles paysannes sont autant d'expériences assurant le sérieux des projets. Laissons une place à cette diversité.

M. le président.  - Amendement identique n°76, présenté par le Gouvernement.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Il convient de maintenir le cadre existant qui prévoit une exigence de formation minimale pour l'installation. Le plan stratégique national (PSN), qui ne s'oppose pas à cette exigence, figera les choses lorsqu'il entrera en vigueur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis.  - L'amendement du GEST a muté pour devenir identique à celui du Gouvernement... Dans sa rédaction initiale, l'amendement n°58 rectifié ne supprimait pas totalement notre dispositif puisqu'il maintenait l'exigence d'une expérience professionnelle.

Votre gouvernement et ceux qui l'ont précédé ne cessent d'imposer des injonctions, règles et normes aux agriculteurs ; et aujourd'hui vous voulez nous faire croire qu'il n'y a plus besoin de capacité professionnelle ni de formation pour le devenir ? Le PSN prévoit une forme de capacité professionnelle à l'issue du parcours de l'agriculteur : je dis qu'elle doit exister comme préalable à l'installation. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.

M. Antoine Lefèvre.  - C'est la sagesse du paysan !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis.  - Je ne fixe d'ailleurs pas de minimum, mais je dis qu'il en faut un : je laisse le soin au Gouvernement de le mettre en oeuvre, dans le PSN. Comment pouvez-vous vous comporter de façon aussi paradoxale avec les agriculteurs ? Avis défavorable aux deux amendements identiques.

Les amendements identiques nos58 rectifié et 76 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Le préfet de région peut, pour les aides octroyées au titre de cette programmation avant la publication de la présente loi, déléguer sa signature au président du conseil régional et aux agents placés sous son autorité, pour prendre en son nom les décisions relatives à l'attribution et au retrait de ces aides.

Les décisions d'octroi des aides à l'installation prises à compter de la publication de la présente loi, au titre de la programmation ayant débuté en 2014, relèvent de la compétence de l'autorité de gestion régionale, mentionnée à l'article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Cette autorité fixe le montant de ces aides.

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les I à II entrent en vigueur le 1er janvier 2023. 

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Il s'agit d'assurer la bascule de la gestion de la DJA vers les autorités régionales.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis.  - Cette fois-ci, le bon sens veut un avis favorable...

L'amendement n°64 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

en matière agricole régies par le droit de l'Union européenne

par les mots :

dans les domaines mentionnés à l'article L. 621-2 ainsi que pour la mise en oeuvre de l'aide aux personnes les plus démunies

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous serons favorables au sous-amendement n°83. Cet amendement met en cohérence l'habilitation du directeur général de FranceAgriMer avec le champ d'intervention de l'institution.

M. le président.  - Sous-amendement n°83 à l'amendement n°65 du Gouvernement, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.

Amendement n° 65, alinéa 5

Supprimer les mots :

ainsi que pour la mise en oeuvre de l'aide aux personnes les plus démunies

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis.  - La rédaction du Gouvernement comporte une redondance, puisque l'aide aux personnes les plus démunies est mentionnée deux fois. C'est l'objet de ce sous-amendement. Avis favorable à l'amendement n°65 sous réserve de son adoption.

Le sous-amendement n°83 est adopté. L'amendement n°65, sous-amendé, est adopté.

L'article 30, modifié, est adopté.

L'article 31 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Michelle Meunier .  - Les membres du groupe SER, européens convaincus, voteront ce texte. Nous restons toutefois inquiets sur l'accessibilité. Le Gouvernement doit maintenir le lien avec les représentants des personnes en situation de handicap, pour qu'elles ne soient pas les oubliées de vos ordonnances.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je souscris à vos propos. Le Sénat a renforcé la protection offerte par ce texte aux personnes en situation de handicap dans les transports. Nous sommes allés trop loin dans certaines dérogations. Les discussions se poursuivent avec le CNCPH et les associations pour aller plus loin encore dans le sens de la protection au cours de la navette, puis dans la rédaction des textes réglementaires.

Le projet de loi est adopté.

La séance est levée à 22 h 15.

Prochaine séance demain, mercredi 14 décembre 2022, à 15 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 14 décembre 2022

Séance publique

À 15 heures et à 16 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1Questions d'actualité

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (procédure accélérée) (texte de la commission, n°164 rectifié, 2022-2023)