SÉANCE

du mercredi 14 décembre 2022

41e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer, au cours de nos échanges, le respect des uns et des autres et du temps de parole.

Situation en Iran (I)

M. Patrick Kanner .  - Ils avaient 23 ans et sont morts pendus -  en public, pour l'un d'eux  - pour crime de guerre contre Dieu. Ils avaient un nom : Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard.

Ils ne sont peut-être que les premiers d'une longue liste : la justice iranienne, expéditive, a condamné neuf autres personnes à mort. La répression aveugle a conduit à l'arrestation de milliers de personnes et à la mort de centaines d'autres.

Les séides du régime veulent écraser un mouvement d'émancipation où les femmes sont en première ligne. « Femme, vie, liberté » : ces mots sont porteurs de l'espoir d'un peuple. Le 10 novembre, Marie-Arlette Carlotti vous a interpellée sur l'exclusion de l'Iran de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies. Je suis heureux que le Gouvernement l'ait écoutée, puisque la question est désormais en débat.

Oui, il y a les sanctions de l'Union européenne, les condamnations internationales, mais est-ce suffisant ? Un baril de pétrole vaut-il plus que le sang des Iraniens ?

Comment la France agira-t-elle auprès de l'Union européenne pour que la jeunesse iranienne remporte son combat de lumière contre l'obscurantisme ? (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - « Femme, vie, liberté » : ce slogan, né en Iran, a dépassé les frontières. Le régime iranien dénie leurs droits aux femmes et les cible pour ce qu'elles sont. Son obsession s'incarne dans les lois : voile obligatoire, mariage dès la puberté, interdiction de l'avortement, crimes d'honneur. La parole d'une femme vaut la moitié de celle d'un homme devant les tribunaux.

Le mouvement se poursuit, malgré une répression ayant causé 500 morts et 15 000 arrestations ; malgré les deux exécutions, malgré l'emprisonnement de journalistes. Le Président de la République a déjà dit son admiration et son soutien. Je rends hommage, au nom du Gouvernement, à ceux qui se battent pour les droits humains.

La France agit de manière forte, ferme et résolue. Avant-hier, pour la quatrième fois, avec nos partenaires européens, nous avons envoyé un message de fermeté aux Iraniens, en élargissant la liste des personnalités sanctionnées à vingt nouveaux membres du régime et à l'entité contrôlant la radiotélévision d'État, Irib. Nous mettrons tout en oeuvre contre cette logique de répression.

Nous soutenons l'espoir démocratique en Iran : la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a remis samedi le prix franco-allemand des droits de l'homme à Mahsa Amini et aux femmes iraniennes.

Certains de nos ressortissants, ciblés par le régime, sont détenus dans des conditions inacceptables ; nous exigeons leur libération. Se rendre en Iran, c'est s'exposer à la détention arbitraire et nous appelons tous nos concitoyens à la prudence.

Monsieur le président Kanner, la France est et restera aux côtés de ceux qui se battent pour la liberté. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - Le Sénat a soutenu l'Arménie et l'Ukraine. Nous voulons aussi soutenir le peuple iranien, pour qu'il fasse sien le poème de Paul Éluard : « Liberté, j'écris ton nom ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE et UC ; Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

Fibre et abandon du réseau cuivre

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Cazabonne applaudit également.) Chantiers techniques abandonnés, travail bâclé, refus d'installer le cuivre dans une construction neuve, abonnement prélevé sans que l'abonné ne soit raccordé : les incidents se multiplient.

L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), présidée par Patrick Chaize, ont constaté des raccordements en « plats de nouilles » et des opérateurs qui font trop souvent appel à des sous-traitants. Ainsi, 15 à 20 % des abonnés seraient victimes de dysfonctionnements.

Nous sommes loin de l'objectif du 100 % fibre en 2022. Les chiffres du déploiement cachent d'importantes disparités territoriales. Pour certains territoires, c'est la double peine, puisque, en parallèle du déploiement de la fibre, le réseau cuivre est abandonné. Les conséquences peuvent être critiques : ainsi, la téléassistance ne peut fonctionner qu'avec un réseau efficient.

Comment l'État agira-t-il contre ces opérateurs négligents ? Il faut mieux informer les élus, commune par commune. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Alain Richard, Alain Cazabonne et Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je partage votre constat des défauts de qualité dans le déploiement de la fibre.

Cela est d'abord dû à la rapidité de ce déploiement : en dix ans, la France est devenue le pays le plus avancé dans ce domaine avec 77 % de locaux raccordables.

Cela est lié, ensuite, au fait que les premiers réseaux, déployés il y a dix ans, étaient mal dimensionnés.

Enfin, il y a trop de niveaux de sous-traitance, même si la situation s'est améliorée.

Le Gouvernement et l'Arcep ont saisi la filière télécom, qui a pris en septembre des engagements : amélioration de la qualité des interventions avec une certification attestant de compétences minimales ; transmission du planning et des comptes rendus d'interventions ; reprise des infrastructures dégradées. Plusieurs opérateurs ont déjà transmis un plan de reprise à cet égard, sous le contrôle de l'Arcep. Des points réguliers sont faits avec les élus.

La qualité du réseau cuivre doit être maintenue : l'État ne transigera pas. Je m'engage à ce que cette transition se fasse correctement. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Pollution du fleuve Tavignanu

M. Paul Toussaint Parigi .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je veux parler d'un écocide annoncé : le projet du centre d'enfouissement de Ghjuncaghju, près du fleuve Tavignanu, dans une zone classée Natura 2000. Ce projet fou, c'est l'enfouissement de 120 000 tonnes de terres amiantifères et de 70 000 tonnes de déchets ménagers par an dans une zone instable, marquée par un affouillement très important.

Les experts confirment le risque majeur de destruction des écosystèmes. Le Tavignanu irrigue toute la plaine orientale, avec une agriculture reconnue dans le monde entier. C'est une inestimable réserve de biodiversité. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et le Cirad y ont un conservatoire génétique des agrumes d'Europe. On met en péril toute une région. C'est un acte criminel en devenir. Depuis six ans, nous demandons l'interdiction totale de ce projet. Malgré un arrêté de 2016 du préfet de l'époque pour s'opposer au projet, et une nouvelle mesure en 2019 pour en minimiser les conséquences, le combat continue. Saurez-vous protéger la vie et les écosystèmes contre la logique mercantile ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Monsieur le sénateur, vous braquez les projecteurs sur la situation complexe, depuis 2015, des déchets corses. Deux tiers des déchets de l'île, soit 160 000 tonnes, doivent être traités localement, mais les deux sites de stockage existants ne peuvent traiter que 100 000 tonnes. Dans ces conditions, une société, Oriente Environnement, a demandé en 2016 l'autorisation de stocker les déchets le long du Tavignanu, où les risques d'affaissement sont en effet importants.

Le préfet de l'époque a d'abord pris un arrêté de refus, mais le tribunal administratif a cassé la décision. En 2020, la préfecture a autorisé un stockage partiel, mais le tribunal administratif, en novembre 2022, a demandé une autorisation complète.

L'autorité de la chose jugée est en balance avec les risques identifiés par le préfet lui-même. Plus généralement, c'est la gestion des déchets en Corse qui pose problème. Mon déplacement sur l'île, prévu avec Gérald Darmanin, a été reporté au mois de janvier. Je ne fuirai pas mes responsabilités. (M. Paul Toussaint Parigi opine du chef.) Je soutiens la position du préfet et suis conscient des risques que vous soulignez. Nous nous y attellerons dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Joël Guerriau applaudit également.)

Concessions hydroélectriques

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le coût de l'énergie est multiplié par quatre ou cinq, nous signalent les entreprises en détresse. Les mesures de soutien de l'État ne suffisent pas : on craint des fermetures.

La solution passe par une augmentation de notre production d'énergie et une diversification des sources. Le 16 novembre, la Première ministre a évoqué le projet de relancer rapidement les investissements dans les barrages, sans remise en concurrence. Qu'en est-il ?

En Corrèze, le projet de station de transfert d'énergie par pompage (Step), qui consiste à turbiner en cas de besoin, stagne depuis des décennies. Il permettrait d'éviter de manquer d'électricité au moment des pics de consommation et de réduire les coûts. Mais EDF ne peut investir, à cause de l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques imposée par l'Europe.

L'énergie est pourtant une question de souveraineté. Où en sont les discussions avec Bruxelles sur la prorogation des concessions ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - L'hydroélectricité, avec 26 gigawatts produits, est la première source d'énergie renouvelable dans notre pays. Mais le précontentieux engagé par l'Union européenne pour l'absence de mise en concurrence du renouvellement des concessions nous place dans une situation complexe.

Je salue le vote du Sénat, qui a inséré dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables un article permettant de ne pas soumettre à la concurrence les travaux d'investissement pour la pérennité des ouvrages hydroélectriques. La nomination d'un nouveau PDG d'EDF et la définition de sa feuille de route alignent les astres pour relancer le sujet.

L'enjeu de souveraineté appelle des solutions. Je connais votre investissement dans ce domaine : nous avons abordé la question ensemble dès le mois de juillet. Notre détermination est totale pour relancer une production française d'énergies renouvelables. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)

Effets des délestages sur les télécommunications

M. Patrick Chaize .  - La crise énergétique nous amène à revoir notre organisation domestique comme professionnelle. Vous nous annoncez des délestages qui toucheront tous les usagers. Les réseaux de communications électroniques sont eux aussi concernés.

J'attire l'attention du Gouvernement sur les réseaux de téléphonie mobile, qui acheminent les appels d'urgence, notamment le 112. Dans les secteurs moins denses, qui ne sont alimentés que par un seul pylône, tout défaut d'alimentation électrique entraînera une impossibilité d'accéder au service, les antennes n'étant pas définies comme prioritaires. C'est notre sécurité intérieure qui serait compromise.

Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l'acheminement des numéros d'urgence jusqu'aux centres de régulation ?

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Aucune...

M. Patrick Chaize.  - Envisagez-vous de considérer ces réseaux comme essentiels ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je salue l'immense travail des salariés d'EDF et l'esprit de responsabilité des Français qui, selon RTE, consomment 10 % d'électricité en moins que l'année dernière à la même époque.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le 112 a l'avantage d'être mutualisé entre tous les opérateurs. Nous menons un travail inédit et titanesque pour mesurer l'impact croisé des 50 000 points d'alimentation et des 110 000 équipements télécom du réseau. Même sans délestage, chaque antenne tombe en panne au moins une fois par an.

M. François Bonhomme.  - Contrairement aux bougies...

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous avons équipé 1 000 noeuds de coeur de réseau d'une batterie supplémentaire, testée chaque mois. Le ministère de l'intérieur pourra déployer des moyens en cas d'urgence. Nous demandons aussi aux opérateurs de réquisitionner toutes leurs équipes, et procédons à des simulations pour prioriser les antennes à préserver.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir la résilience du réseau de télécommunications en cas de délestage. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Patrick Chaize.  - Je ne nie pas vos échanges avec les opérateurs, mais ils sont tardifs. Des actions de récompense sur les tarifs, par exemple, pourraient être plus efficaces que les mesures punitives. Veillons à ce que les zones délestées ne soient pas une fois de plus les zones délaissées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot applaudissent également.)

Lobbying des Frères musulmans auprès de l'Union européenne

Mme Nathalie Goulet .  - Le Parlement européen, à la demande du groupe Renaissance, a voté un amendement exprimant sa préoccupation quant aux subventions versées aux associations liées aux Frères musulmans.

Mais pourquoi soutenez-vous à Strasbourg ce que vous refusez à Paris ? En effet, pour la troisième année consécutive, le Gouvernement a retoqué plusieurs amendements au projet de loi de finances destinés à mieux contrôler le financement des associations.

Plutôt que de s'indigner de la campagne de communication sur la diversité en Europe montrant une jeune fille voilée, il aurait fallu l'empêcher en amont. Cela n'a pas été très efficace, puisque voici l'affiche de l'Unicef pour la journée mondiale de l'enfant, qui présente une petite fille voilée... (L'oratrice produit l'affiche en question.)

Quand allez-vous assécher le financement des Frères musulmans en les inscrivant sur la liste européenne des organisations terroristes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Gouvernement est mobilisé pour que les institutions européennes intègrent le risque d'ingérence étrangère, quel qu'il soit, et défendent nos valeurs. (Murmures dubitatifs à droite)

Avec Gérald Darmanin et Laurence Boone, j'ai saisi la Commission européenne et le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité il y a plusieurs mois, et à nouveau mi-septembre. Nous plaidons pour un suivi plus fin de l'activité des associations financées par l'Union européenne, lorsque leur agenda est à rebours de nos valeurs.

L'inscription des Frères musulmans sur la liste européenne des groupes terroristes n'est pas possible, car l'organisation ne remplit aucun des critères. (MM. Alain Richard et François Patriat applaudissent.)

Mme Nathalie Goulet.  - L'Autriche l'a pourtant fait, et les États-Unis y songent. Des millions d'euros sont véhiculés par le Qatar, qui protège les Frères musulmans. Ils gangrènent notre République, espionnent nos entreprises. Il faut en finir avec la naïveté et exiger des réponses de la Commission européenne ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur quelques travées du RDSE ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Reste à charge du compte personnel de formation (I)

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) En 2018, lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avions dénoncé le passage d'un compte personnel de formation abondé en heures à un compte abondé en euros : il est à parier, disions-nous, que les formations les plus coûteuses devront faire l'objet d'un financement complémentaire à la charge, pour l'essentiel, du salarié.

Dimanche dernier, à l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté au projet de loi de finances qui contraint les salariés à prendre en charge de 20 à 30 % du coût des formations.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Mauvaise idée !

M. Éric Bocquet.  - Preuve que nous avions raison d'alerter...

Cette mesure est d'autant plus injuste qu'elle est guidée, principalement, par la recherche d'économies - décidément, l'alpha et l'oméga de vos choix budgétaires.

L'État a dépensé 4 milliards d'euros en subventions pour l'apprentissage, organisant un désengagement des entreprises. Vous réduisez aujourd'hui, de fait, le droit à la formation. Allez-vous revenir sur ces subventions indues ?

Par ailleurs, allez-vous enfin renforcer le contrôle des organismes de formation, qui pratiquent des prix exorbitants et accumulent une rente au détriment des salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Je crois que c'est tout le contraire... (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. David Assouline.  - Si vous le dites...

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Rendre le système juste, combattre les fraudes et les dérives est notre ambition.

Le Gouvernement a défendu, ces derniers mois, des mesures en faveur de la qualité des formations, éliminant les deux tiers des certifications. Il a évincé des plateformes des organismes ne répondant pas aux exigences.

Depuis octobre, nous avons débattu de la proposition de loi Lévrier contre le démarchage abusif et les fraudes. Désormais, chaque bénéficiaire doit s'engager activement dans sa formation. Mais il faut que ce soit juste (exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE) : par exemple les demandeurs d'emploi en seront dispensés, tout comme les salariés ayant coconstruit un projet.

Il faudra déterminer le niveau et le plafonnement de cette participation. Cette responsabilisation ne doit pas freiner la formation : nous y veillerons. (M. François Patriat applaudit.)

M. Éric Bocquet.  - Ce n'est guère rassurant. En 2018, le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud faisait état d'une hausse, si besoin, des cotisations patronales... C'est la première fois que des citoyens devront eux-mêmes financer un droit acquis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Postes de police chinois clandestins

M. André Gattolin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Joël Guerriau applaudit également.) L'ONG Safeguard Defenders vient de mettre en évidence l'existence de 110 postes de police chinois illégaux, dans plus de 50 pays. Ces postes viseraient à contrôler et réprimer des citoyens chinois, voire à les extrader hors de tout cadre légal.

L'accusation est grave, très grave même ; mais ce rapport est étayé par de nombreux documents et témoignages.

En France, quatre postes illégaux ont été, pour l'instant, recensés, à Paris, Noisy-le-Grand et Aubervilliers. Surveillance des établissements taïwanais, ouïghours et tibétains, contrôle politique de la diaspora, pression sur des réfugiés : la liste est longue des activités illicites dénoncées par l'ONG.

Plusieurs responsables chinois ont reconnu l'existence de tels postes. À les entendre, il s'agirait de remplir des services de type consulaire. Mais, exercés sans autorisation, ces services sont illégaux...

Si ces faits sont avérés, ils constitueraient une atteinte très grave à notre souveraineté et une forme nouvelle de séparatisme, opérée par des agents illégaux d'une puissance étrangère.

Tous les États européens concernés, hors la Grèce et la Hongrie, ont déjà diligenté une enquête. Monsieur le ministre de l'intérieur, comptez-vous faire de même ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - La France ne saurait accepter une quelconque atteinte à sa souveraineté et entend lutter avec la plus grande fermeté contre les influences étrangères sur son sol.

La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est à l'écoute des révélations dont vous avez parlé. Elle a travaillé en amont, et je lui ai demandé d'intensifier son enquête. Vous comprendrez que je ne puisse en détailler ici les résultats. La délégation parlementaire au renseignement pourra solliciter des informations à ce sujet, par l'intermédiaire du président Gérard Larcher, de la présidente de l'Assemblée nationale ou de M. Buffet, président de la délégation.

En matière de contre-influence contre les pays agressifs, le Président de la République a demandé à la DGSI, voilà plus de quatre ans, de renforcer son action. Dans le cadre de la délégation parlementaire, je serai en mesure de vous rassurer sur ce point.

Je le répète : si les faits dénoncés par l'ONG restent à confirmer, la France n'acceptera jamais de telles pratiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Pénurie de médicaments

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Les pénuries de médicaments et dispositifs médicaux ne sont pas nouvelles, mais atteignent des sommets jamais-vus. Paracétamol et amoxicilline font les gros titres, tandis que le ministère impose des contingentements.

Pendant ce temps, le dernier fabricant français de poches de perfusion pour les hôpitaux, en redressement judiciaire, risque de fermer pour de bon si un repreneur n'est pas trouvé dans les trois semaines. Les hôpitaux, qui n'avaient pas besoin de cela, s'inquiètent pour leurs approvisionnements.

C'est un nouveau symbole de notre indépendance sanitaire qui est en danger. Comment expliquez-vous cette situation et que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; Mmes Sonia de La Provôté, Nadia Sollogoub et Victoire Jasmin, ainsi que M. Jean-Pierre Sueur, applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Les causes de ces pénuries sont multiples.

D'abord, la pandémie a entraîné une hausse des prescriptions, de 13 % pour le paracétamol. Il y a aussi des problèmes liés au principe actif. C'est pourquoi nous voulons le rapatrier en Europe et en France dans le cadre de France 2030. Des difficultés se posent également en matière de production et de distribution, comme récemment pour le Doliprane pédiatrique produit en Allemagne, avec un mouvement social chez Sanofi. (Murmures à gauche ; Mme Laurence Cohen et M. Mickaël Vallet s'exclament.)

Cette situation n'est pas propre à la France. Elle concerne toute l'Europe et même au-delà.

S'agissant de l'amoxicilline, nous subissons une pénurie nationale liée à un défaut de production.

Grâce à la surveillance exercée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), nous sommes alertés très en amont et pouvons identifier les causes des difficultés, ce qui nous permet d'agir de manière ciblée - interdiction d'exporter, distribution plus équitable, possibilité de déconditionner les boîtes en officine.

Nous travaillons aussi avec les sociétés scientifiques sur des alternatives, car il n'est pas envisageable que nous ne puissions pas traiter tous les Français.

France 2030 nous permettra de relocaliser les productions en Europe et en France, afin de redevenir souverains en matière de produits de santé. Dans cette perspective, l'Agence de l'innovation en santé a été dotée de moyens très importants.

Plusieurs voix à droite. - Il n'a pas répondu !

Mme Laurence Cohen.  - L'alternative, c'est le pôle public du médicament !

Mme Corinne Imbert.  - Vous ne m'avez pas répondu à propos des difficultés du dernier fabricant français de poches de perfusion.

La pandémie a déjà révélé que la fusion de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires avec d'autres structures nous a fait perdre toute capacité d'anticipation. Quant à la filière française de masques que vous avez voulue, elle vire à la déroute.

Retrouver notre indépendance sanitaire, nous y sommes tous favorables : c'est particulièrement nécessaire dans le contexte international actuel. Mais commençons par ne pas perdre les éléments d'indépendance qui nous restent...

Je pense aussi à l'Établissement français du sang, qui est en difficulté - vous pouvez hocher la tête, monsieur le ministre, mais c'est un fait. (On renchérit à droite.)

Je ne veux pas que notre système de santé soit sacrifié sur l'autel de Bercy. Toute perte d'indépendance sanitaire serait inacceptable ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SER ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Reste à charge du compte personnel de formation (II)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Devant les difficultés qu'il a lui-même créées, le Gouvernement vient d'instaurer, par voie d'amendement au projet de loi de finances, un reste à charge pour les salariés utilisant leur compte personnel de formation (CPF).

Ainsi, une franchise sera demandée aux Français qui se formeront ou bénéficieront d'un accompagnement à la validation des acquis de l'expérience dans ce cadre. Seules deux exonérations sont prévues.

On est très, très loin de ce que vous survendiez en 2018, en prétendant libérer les salariés et leur offrir plus de droits.

Il faut le dire : c'en est fini du CPF, dispositif construit par les partenaires sociaux pour que les salariés puissent construire leur parcours professionnel. Votre mesure, totalement injuste, éloignera encore plus de la formation des salariés les moins bien rémunérés - les mêmes que, pourtant, vous voulez faire travailler jusqu'à 65 ans.

Quant à la forme, on ne décide pas comme cela, une nuit de week-end, de remettre en question la formation professionnelle, de surcroît à coups de 49.3.

Madame la ministre, les partenaires sociaux vous ont récemment remis des propositions concrètes. Vous engagez-vous enfin à les écouter ? Allez-vous mettre en place une régulation juste du CPF qui concilie équilibre financier et développement des compétences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Nous voulons revenir à l'esprit du CPF en impliquant davantage les bénéficiaires dans leurs choix, qui doivent être réfléchis et liés à un projet professionnel. (Murmures à gauche)

Cette mesure, qui s'intègre dans une logique globale, vise à corriger des dérives et des fraudes. D'autres dispositions ont été adoptées, dont le Parlement a eu à débattre. Nous nous sommes inspirés des propositions émises dans le rapport que vous avez corédigé avec Mme Puissat et M. Lévrier.

L'amendement du Gouvernement, déposé début novembre en première lecture, instaure un mécanisme de régulation du CPF dans l'attente de la fin des négociations avec les partenaires sociaux. Le Sénat l'a modifié pour introduire le principe du reste à charge. Le Gouvernement a présenté en seconde lecture un amendement d'équilibre, prévoyant une participation du titulaire avec deux cas d'exonération.

Les concertations vont s'engager sur cette base pour s'assurer que la participation individuelle ne constitue pas une barrière à la mobilisation des droits. (M. Fabien Gay proteste.)

Mme Corinne Féret.  - Je connais le contenu de notre rapport... Ne déformez pas ainsi nos travaux ! (Mme Michelle Meunier acquiesce.)

Nous n'avons décidément pas les mêmes valeurs : le dialogue social, c'est l'écoute et la recherche commune de solutions, mais, une fois de plus, vous ignorez les partenaires sociaux, pourtant prêts à améliorer le système actuel.

Où est la justice sociale dans ce que vous imposez ? Vous voulez obliger les salariés à tirer un trait sur leurs droits sociaux et à payer pour se former ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Situation en Iran (II)

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis la mort de Mahsa Amini, tuée parce qu'elle ne portait pas correctement son voile, le vent de révolte ne faiblit pas en Iran. Malgré une répression féroce, le cri « Femme, vie, liberté » retentit toujours plus fort.

À ces trois mots qui résument tout ce que la charia tente d'étouffer depuis quarante ans, le régime des mollahs réagit par la brutalité et la terreur. La reprise des pendaisons publiques rappelle au monde qu'il est prêt à toutes les barbaries pour se maintenir. Les témoignages recueillis au Sénat lors d'une conférence de soutien au peuple iranien ont montré à quel point la violence fait partie de la nature de ce régime.

Pourtant, femmes et hommes continuent, toujours aussi nombreux, à se lever pour briser les carcans imposés par la Révolution islamique, à se battre pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.

La France, comme l'Europe, reste dans une forme de retrait de moins en moins compréhensible, avec des condamnations de principe et des sanctions d'une surprenante faiblesse.

Quelles initiatives concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir le soulèvement populaire en Iran et accentuer la pression sur les dignitaires du régime ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le mouvement de protestation en Iran se poursuit, la répression violente aussi : elle a fait 500 morts, dont des dizaines d'enfants. Nous avons vu avec horreur les premières exécutions de manifestants.

Avant-hier, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept ont demandé l'arrêt immédiat de ces exécutions ; à l'évidence, elles ne peuvent tenir lieu de réponse aux aspirations de la jeunesse.

Comme Mme la Première ministre l'a rappelé, la France continue d'agir de manière résolue, sans aucun retrait ni recul : un nouveau train de sanctions européennes vient d'être adopté, ciblant notamment la police des moeurs et la radiotélévision. C'est la quatrième fois que les Européens adoptent des sanctions contre l'Iran ; nous continuerons si nécessaire.

Nous avons aussi adopté de nouvelles conclusions, très complètes, qui constituent un cadre d'action d'une grande fermeté, que nous utiliserons pleinement.

Par ailleurs, la France votera l'exclusion de l'Iran de la commission des droits de la femme de l'ONU.

M. Hussein Bourgi.  - Enfin !

M. Didier Marie.  - Il faut rappeler notre ambassadeur !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Ce texte devrait être adopté aujourd'hui même.

Nous soutenons résolument la pulsion de vie qui se manifeste en Iran. (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - L'Iran est à un tournant de son histoire. La communauté internationale doit montrer un courage à la hauteur de celui des manifestants. La France, fidèle à son histoire et à ses valeurs, doit être à l'avant-garde. C'est ce que nous ont demandé, au Sénat, les résistants iraniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Patrick Kanner et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Remise en cause des festivals d'été par les Jeux olympiques

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques semaines, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez annoncé l'annulation de festivals durant l'été 2024, en raison des Jeux olympiques. Cette annonce a provoqué de nombreuses incompréhensions.

La semaine dernière, avec une trentaine de membres de la commission de la culture, j'ai publié dans Le Monde une tribune appelant à ne pas sacrifier les nombreuses manifestations sportives et culturelles qui se tiennent chaque année, partout en France.

La ministre de la culture, dans Le Parisien d'aujourd'hui, indique que des solutions ont été trouvées avec les grands festivals recourant aux unités de force mobile. Tant mieux.

Mais de nombreuses questions demeurent. Quid des grands événements festifs de l'été, comme les fêtes de Bayonne et de Dax ? (M. Max Brisson renchérit.) De la surveillance des plages ? Des nombreux événements qui dépendent de sociétés de sécurité privées ? Les Jeux olympiques feront massivement appel à ces sociétés : pourront-elles couvrir tous les besoins ?

Dans ces conditions, pourquoi ne pas compléter le dispositif en recourant à l'armée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Les Jeux olympiques à Paris, c'est une fois par siècle. Et avec une cérémonie d'ouverture en dehors d'un stade, c'est une fois tous les 3 000 ans...

L'intérêt général est de réussir les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Quelques semaines plus tôt, nous célébrerons le 80e anniversaire du débarquement de Normandie : de nombreuses forces de sécurité intérieure seront mobilisées aussi à cette occasion.

Ce que la ministre de la culture, la ministre des sports et moi-même proposons, ce n'est pas l'annulation des événements, mais leur décalage dans le temps. Nous avons été en partie entendus : le tour de France arrivera à Nice le 21 juillet plutôt qu'à Paris le 28 juillet, et le festival des Vieilles Charrues se tiendra du 11 au 14 juillet au lieu du 18 au 21. Preuve que, en France, on est capable de se concerter pour prendre des décisions conformes à l'intérêt général.

Il faut comprendre que 45 000 policiers et gendarmes sont nécessaires pour les Jeux olympiques.

M. David Assouline.  - Et l'armée ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'armée est déjà très largement mobilisée. C'est elle qui tiendra le site d'où les bateaux partiront ; elle aussi qui assurera la sécurité aérienne des événements. Mais l'armée n'est pas faite pour le maintien de l'ordre.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Depuis plus d'un siècle, nous disposons de forces spécialisées.

S'agissant de la sécurité privée, des démarches sont entreprises par le ministre du travail qui nous permettent d'être confiants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Laurent Lafon.  - Merci pour ces éléments de réponse, mais nous n'avons pas forcément compris la méthode en ce qui concerne les festivals : vous faites une annonce, puis nous apprenons que des solutions ont, finalement, été trouvées -  ce qui est tant mieux.

Nous appelons à la réalisation d'un inventaire précis des manifestations sur les territoires. Le dialogue avec les élus locaux est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

MaPrimeRénov'

Mme Béatrice Gosselin .  - Mieux chez moi, mieux pour ma planète : tel est le slogan de MaPrimeRénov'. Lorsque votre logement est mal isolé ou mal chauffé, vous êtes intéressé. Le site vante une aide accessible à tous, locataires comme propriétaires.

Si, dans bien des cas, les démarches aboutissent dans un délai raisonnable, certaines aides sont versées dix mois après le début des travaux. Numéro national indisponible, difficultés d'accès aux plateformes, dossiers acceptés puis refusés...

M. François Bonhomme.  - Oh !

Mme Béatrice Gosselin.  - Les usagers ont quinze jours pour modifier leur dossier, alors que les réponses se font parfois attendre plusieurs semaines. Il en va de même pour les entreprises et les artisans qui remplissent les dossiers pour leurs clients et dont la trésorerie souffre en cas de retard dans le versement des primes. Les préfectures elles-mêmes ont du mal à avoir des retours sur les dossiers en souffrance.

Que comptez-vous faire pour améliorer le dispositif et éviter de mettre des entreprises et des particuliers en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - En effet, il y a des dysfonctionnements, mais ils ne doivent pas masquer les 1,5 million de chantiers réalisés, par 80 % de ménages modestes. Quelque 66 % des ménages bénéficiaires n'auraient pas réalisé ces travaux sans la prime.

Des irrégularités et des fraudes ayant été constatées, l'attention portée aux dossiers s'est renforcée, ce qui a allongé les délais d'examen. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est mobilisée et prend des contacts individuels avec les familles. J'ai récemment évoqué certains dossiers avec la Défenseure des droits.

Avec le grand service public France Rénov', nous améliorons la performance énergétique des logements. Nous devons encore progresser dans les travaux globaux et l'habitat collectif. C'est le chantier du siècle : nous sommes déterminés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Béatrice Gosselin.  - Pour certaines entreprises, une impasse de trésorerie de 15 000 ou 20 000 euros, c'est beaucoup. Il faudrait faire entrer la prime dans le bouquet France Services pour une réponse rapide et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

ZAN et soutien aux petites communes

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous ne contestons pas les objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050, mais la méthode est trop descendante et la confusion génère de nombreuses inquiétudes parmi les élus. Le Sénat s'est saisi de la question en lançant une mission commune de contrôle, afin de faire évoluer le cadre juridique.

Il faut plus de pragmatisme et de bon sens. Nous attendons du Gouvernement des engagements clairs sur le calendrier des modifications des documents de planification et sur la gouvernance, car une grande partie des élus est écartée des négociations. Dans les départements dépourvus de schéma de cohérence territoriale (Scot), les élus sont absents des commissions des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Il faut aussi travailler sur la différenciation, en prenant en compte les particularités du monde rural, comme des zones littorales et de montagne. Pour préserver le droit à construire des communes rurales, ne devrait-on pas leur garantir une surface minimale ? (Mme Sophie Primas proteste.) Que pensez-vous d'un programme national de réhabilitation du bâti ancien des centres-bourgs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Entre juillet et aujourd'hui, j'ai déjà eu une trentaine d'heures d'échanges avec la Chambre haute sur le ZAN...

Mme Laurence Rossignol. - C'est comme nous avec les maires !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est que le travail était bâclé !

M. Christophe Béchu, ministre.  - J'ai rencontré les groupes politiques et les associations d'élus ; j'attends les conclusions du Sénat pour amender le dispositif dans l'esprit d'ouverture dont le Gouvernement a fait preuve en suspendant les décrets d'avril. Leur réécriture est prévue pour le début de l'année prochaine. La Première ministre a eu des mots clairs à la clôture du Salon des maires, sur les projets d'envergure nationale et sur la garantie rurale.

Nous sommes tous convaincus de l'importance de la sobriété foncière : nous ne pouvons pas continuer à abîmer nos nappes phréatiques et à créer des îlots de chaleur ; nos espaces agricoles, qui contribuent à notre souveraineté alimentaire, doivent être protégés.

Mais il nous faut mieux associer les élus, car le texte suscite des inquiétudes - certaines fondées, d'autres non. Des milliers de communes sont déjà en conformité avec le ZAN sans le savoir, en zone inondable par exemple. Je me réjouis que nous débattions bientôt des modalités. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Moyens humains de la SNCF

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 novembre, vers 19 heures, à Donchery dans les Ardennes, sur la ligne SNCF Charleville-Mézières - Sedan, un père de famille et sa fille ont été tués, happés par un train de marchandises en descendant d'un TER.

Ce drame met en évidence les problèmes de sécurité de cette gare, qui n'a ni passage souterrain ni passage supérieur, malgré la demande de longue date du maire : seuls des pictogrammes indiquent la présence d'un train croiseur. Or cette gare est aussi utilisée par des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail (Esat).

On compte plus de 900 passages non protégés en France. Comment garantir la sécurité des voyageurs et renforcer les moyens humains dans les gares et à bord des trains avec des contrôleurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Patrick Kanner et Mme Françoise Férat applaudissent également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je m'associe à l'émotion suscitée par ce drame. Nous n'avons pas encore tous les éléments, mais le bureau d'enquêtes sur les accidents de transports terrestres a ouvert une enquête.

Cet accident pose la question du renforcement des aménagements, des informations et des formations dans nos petites gares. J'ai demandé à la SNCF de renforcer ses actions sur la signalisation, l'information en gare, la formation des conducteurs, les difficultés de visibilité. Élisabeth Borne, alors ministre des transports, avait lancé une réflexion sur les passages à niveau. Plusieurs centaines de lieux sont encore concernés. Je suis prêt à y travailler avec le Sénat, et avec vous Monsieur Laménie, dont je connais l'engagement sur ces questions ferroviaires.

M. Marc Laménie.  - Merci de votre solidarité. Le cheval de bataille, ce sont les moyens humains. Avec un contrôleur, ce drame aurait été évité. Je pense à deux drames qui ont ainsi été évités : un train qui a déraillé à cause d'un convoi exceptionnel et un autre TER, il y a quelques années. C'est un combat collectif. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Zones à faibles émissions

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les zones à faible émission (ZFE) sont une idée européenne séduisante, mais leur application est complexe.

Il y a d'abord une incohérence environnementale : faire peser cela sur les citoyens est excessif.

C'est ensuite une injustice sociale, qui impacte les plus modestes : bientôt, le changement climatique sera imputable à la mobylette de l'ouvrier !

C'est aussi une fracture territoriale, voire générationnelle : ainsi, un couple de retraités avec une Clio diesel ne pourra plus rendre visite à ses enfants en ville.

C'est enfin un choix industriel incertain, car l'industrie européenne n'est pas encore prête à muter vers le véhicule électrique.

Quelle est votre vision des ZFE, de leur application et de leurs conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - L'objectif des ZFE n'est certainement pas d'exclure. Ce dispositif a été voté par le Parlement, dans les lois d'orientation des mobilités (LOM) et Climat et résilience. Il s'agit d'un outil à la main des collectivités, mis en place progressivement dans les 43 métropoles françaises de plus de 150 000 habitants.

Le calendrier n'est pas prédéfini, sauf pour les quelques métropoles qui dépassent déjà les normes de qualité de l'air -  nous parlons de 45 000 morts chaque année. C'est un outil flexible, chaque métropole pouvant définir ses propres modalités d'accès et de circulation.

L'État accompagne la mise en place de ce dispositif, afin que les risques que vous évoquez ne se réalisent pas. Des aides à l'acquisition de véhicules propres sont ainsi prévues : bonus écologique -  porté à 7 000 euros pour les plus modestes  - et prime de reconversion. Nous expérimentons, sur une idée de sénatrices et sénateurs, des prêts à taux zéro dans deux métropoles et sommes prêts à les étendre.

Je le redis : la flexibilité de ce dispositif est à la main des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Henno.  - Il ne faudra pas longtemps avant que les ZFE deviennent des zones à forte exclusion. (Exclamations sur les travées du RDPI) De plus, cette idéologique culpabilisante est davantage motivée par la communication que par le souci du bien public. C'est le retour du mépris social pour la France des clopes et du diesel (mêmes mouvements ; M. Frédéric Marchand s'agace) : il y a là un germe de gilets jaunes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)