Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Situation en Iran (I)

M. Patrick Kanner

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Fibre et abandon du réseau cuivre

M. Éric Gold

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Pollution du fleuve Tavignanu

M. Paul Toussaint Parigi

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Concessions hydroélectriques

M. Daniel Chasseing

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Effets des délestages sur les télécommunications

M. Patrick Chaize

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Lobbying des Frères musulmans auprès de l'Union européenne

Mme Nathalie Goulet

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Reste à charge du compte personnel de formation (I)

M. Éric Bocquet

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Postes de police chinois clandestins

M. André Gattolin

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Pénurie de médicaments

Mme Corinne Imbert

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention

Reste à charge du compte personnel de formation (II)

Mme Corinne Féret

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Situation en Iran (II)

Mme Isabelle Raimond-Pavero

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Remise en cause des festivals d'été par les Jeux olympiques

M. Laurent Lafon

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

MaPrimeRénov'

Mme Béatrice Gosselin

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

ZAN et soutien aux petites communes

M. Jean-Jacques Lozach

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Moyens humains de la SNCF

M. Marc Laménie

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

Zones à faibles émissions

M. Olivier Henno

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

Salut à une délégation parlementaire marocaine

Avis sur une nomination

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Conclusions de la CMP)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

M. Loïc Hervé

M. Jérôme Durain

Mme Catherine Di Folco

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

M. Jean-Claude Requier

Mme Éliane Assassi

Ordre du jour du jeudi 15 décembre 2022




SÉANCE

du mercredi 14 décembre 2022

41e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer, au cours de nos échanges, le respect des uns et des autres et du temps de parole.

Situation en Iran (I)

M. Patrick Kanner .  - Ils avaient 23 ans et sont morts pendus -  en public, pour l'un d'eux  - pour crime de guerre contre Dieu. Ils avaient un nom : Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard.

Ils ne sont peut-être que les premiers d'une longue liste : la justice iranienne, expéditive, a condamné neuf autres personnes à mort. La répression aveugle a conduit à l'arrestation de milliers de personnes et à la mort de centaines d'autres.

Les séides du régime veulent écraser un mouvement d'émancipation où les femmes sont en première ligne. « Femme, vie, liberté » : ces mots sont porteurs de l'espoir d'un peuple. Le 10 novembre, Marie-Arlette Carlotti vous a interpellée sur l'exclusion de l'Iran de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies. Je suis heureux que le Gouvernement l'ait écoutée, puisque la question est désormais en débat.

Oui, il y a les sanctions de l'Union européenne, les condamnations internationales, mais est-ce suffisant ? Un baril de pétrole vaut-il plus que le sang des Iraniens ?

Comment la France agira-t-elle auprès de l'Union européenne pour que la jeunesse iranienne remporte son combat de lumière contre l'obscurantisme ? (Applaudissements)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - « Femme, vie, liberté » : ce slogan, né en Iran, a dépassé les frontières. Le régime iranien dénie leurs droits aux femmes et les cible pour ce qu'elles sont. Son obsession s'incarne dans les lois : voile obligatoire, mariage dès la puberté, interdiction de l'avortement, crimes d'honneur. La parole d'une femme vaut la moitié de celle d'un homme devant les tribunaux.

Le mouvement se poursuit, malgré une répression ayant causé 500 morts et 15 000 arrestations ; malgré les deux exécutions, malgré l'emprisonnement de journalistes. Le Président de la République a déjà dit son admiration et son soutien. Je rends hommage, au nom du Gouvernement, à ceux qui se battent pour les droits humains.

La France agit de manière forte, ferme et résolue. Avant-hier, pour la quatrième fois, avec nos partenaires européens, nous avons envoyé un message de fermeté aux Iraniens, en élargissant la liste des personnalités sanctionnées à vingt nouveaux membres du régime et à l'entité contrôlant la radiotélévision d'État, Irib. Nous mettrons tout en oeuvre contre cette logique de répression.

Nous soutenons l'espoir démocratique en Iran : la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a remis samedi le prix franco-allemand des droits de l'homme à Mahsa Amini et aux femmes iraniennes.

Certains de nos ressortissants, ciblés par le régime, sont détenus dans des conditions inacceptables ; nous exigeons leur libération. Se rendre en Iran, c'est s'exposer à la détention arbitraire et nous appelons tous nos concitoyens à la prudence.

Monsieur le président Kanner, la France est et restera aux côtés de ceux qui se battent pour la liberté. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - Le Sénat a soutenu l'Arménie et l'Ukraine. Nous voulons aussi soutenir le peuple iranien, pour qu'il fasse sien le poème de Paul Éluard : « Liberté, j'écris ton nom ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE et UC ; Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

Fibre et abandon du réseau cuivre

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Cazabonne applaudit également.) Chantiers techniques abandonnés, travail bâclé, refus d'installer le cuivre dans une construction neuve, abonnement prélevé sans que l'abonné ne soit raccordé : les incidents se multiplient.

L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), présidée par Patrick Chaize, ont constaté des raccordements en « plats de nouilles » et des opérateurs qui font trop souvent appel à des sous-traitants. Ainsi, 15 à 20 % des abonnés seraient victimes de dysfonctionnements.

Nous sommes loin de l'objectif du 100 % fibre en 2022. Les chiffres du déploiement cachent d'importantes disparités territoriales. Pour certains territoires, c'est la double peine, puisque, en parallèle du déploiement de la fibre, le réseau cuivre est abandonné. Les conséquences peuvent être critiques : ainsi, la téléassistance ne peut fonctionner qu'avec un réseau efficient.

Comment l'État agira-t-il contre ces opérateurs négligents ? Il faut mieux informer les élus, commune par commune. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Alain Richard, Alain Cazabonne et Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je partage votre constat des défauts de qualité dans le déploiement de la fibre.

Cela est d'abord dû à la rapidité de ce déploiement : en dix ans, la France est devenue le pays le plus avancé dans ce domaine avec 77 % de locaux raccordables.

Cela est lié, ensuite, au fait que les premiers réseaux, déployés il y a dix ans, étaient mal dimensionnés.

Enfin, il y a trop de niveaux de sous-traitance, même si la situation s'est améliorée.

Le Gouvernement et l'Arcep ont saisi la filière télécom, qui a pris en septembre des engagements : amélioration de la qualité des interventions avec une certification attestant de compétences minimales ; transmission du planning et des comptes rendus d'interventions ; reprise des infrastructures dégradées. Plusieurs opérateurs ont déjà transmis un plan de reprise à cet égard, sous le contrôle de l'Arcep. Des points réguliers sont faits avec les élus.

La qualité du réseau cuivre doit être maintenue : l'État ne transigera pas. Je m'engage à ce que cette transition se fasse correctement. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Pollution du fleuve Tavignanu

M. Paul Toussaint Parigi .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je veux parler d'un écocide annoncé : le projet du centre d'enfouissement de Ghjuncaghju, près du fleuve Tavignanu, dans une zone classée Natura 2000. Ce projet fou, c'est l'enfouissement de 120 000 tonnes de terres amiantifères et de 70 000 tonnes de déchets ménagers par an dans une zone instable, marquée par un affouillement très important.

Les experts confirment le risque majeur de destruction des écosystèmes. Le Tavignanu irrigue toute la plaine orientale, avec une agriculture reconnue dans le monde entier. C'est une inestimable réserve de biodiversité. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et le Cirad y ont un conservatoire génétique des agrumes d'Europe. On met en péril toute une région. C'est un acte criminel en devenir. Depuis six ans, nous demandons l'interdiction totale de ce projet. Malgré un arrêté de 2016 du préfet de l'époque pour s'opposer au projet, et une nouvelle mesure en 2019 pour en minimiser les conséquences, le combat continue. Saurez-vous protéger la vie et les écosystèmes contre la logique mercantile ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Monsieur le sénateur, vous braquez les projecteurs sur la situation complexe, depuis 2015, des déchets corses. Deux tiers des déchets de l'île, soit 160 000 tonnes, doivent être traités localement, mais les deux sites de stockage existants ne peuvent traiter que 100 000 tonnes. Dans ces conditions, une société, Oriente Environnement, a demandé en 2016 l'autorisation de stocker les déchets le long du Tavignanu, où les risques d'affaissement sont en effet importants.

Le préfet de l'époque a d'abord pris un arrêté de refus, mais le tribunal administratif a cassé la décision. En 2020, la préfecture a autorisé un stockage partiel, mais le tribunal administratif, en novembre 2022, a demandé une autorisation complète.

L'autorité de la chose jugée est en balance avec les risques identifiés par le préfet lui-même. Plus généralement, c'est la gestion des déchets en Corse qui pose problème. Mon déplacement sur l'île, prévu avec Gérald Darmanin, a été reporté au mois de janvier. Je ne fuirai pas mes responsabilités. (M. Paul Toussaint Parigi opine du chef.) Je soutiens la position du préfet et suis conscient des risques que vous soulignez. Nous nous y attellerons dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Joël Guerriau applaudit également.)

Concessions hydroélectriques

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le coût de l'énergie est multiplié par quatre ou cinq, nous signalent les entreprises en détresse. Les mesures de soutien de l'État ne suffisent pas : on craint des fermetures.

La solution passe par une augmentation de notre production d'énergie et une diversification des sources. Le 16 novembre, la Première ministre a évoqué le projet de relancer rapidement les investissements dans les barrages, sans remise en concurrence. Qu'en est-il ?

En Corrèze, le projet de station de transfert d'énergie par pompage (Step), qui consiste à turbiner en cas de besoin, stagne depuis des décennies. Il permettrait d'éviter de manquer d'électricité au moment des pics de consommation et de réduire les coûts. Mais EDF ne peut investir, à cause de l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques imposée par l'Europe.

L'énergie est pourtant une question de souveraineté. Où en sont les discussions avec Bruxelles sur la prorogation des concessions ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - L'hydroélectricité, avec 26 gigawatts produits, est la première source d'énergie renouvelable dans notre pays. Mais le précontentieux engagé par l'Union européenne pour l'absence de mise en concurrence du renouvellement des concessions nous place dans une situation complexe.

Je salue le vote du Sénat, qui a inséré dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables un article permettant de ne pas soumettre à la concurrence les travaux d'investissement pour la pérennité des ouvrages hydroélectriques. La nomination d'un nouveau PDG d'EDF et la définition de sa feuille de route alignent les astres pour relancer le sujet.

L'enjeu de souveraineté appelle des solutions. Je connais votre investissement dans ce domaine : nous avons abordé la question ensemble dès le mois de juillet. Notre détermination est totale pour relancer une production française d'énergies renouvelables. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)

Effets des délestages sur les télécommunications

M. Patrick Chaize .  - La crise énergétique nous amène à revoir notre organisation domestique comme professionnelle. Vous nous annoncez des délestages qui toucheront tous les usagers. Les réseaux de communications électroniques sont eux aussi concernés.

J'attire l'attention du Gouvernement sur les réseaux de téléphonie mobile, qui acheminent les appels d'urgence, notamment le 112. Dans les secteurs moins denses, qui ne sont alimentés que par un seul pylône, tout défaut d'alimentation électrique entraînera une impossibilité d'accéder au service, les antennes n'étant pas définies comme prioritaires. C'est notre sécurité intérieure qui serait compromise.

Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l'acheminement des numéros d'urgence jusqu'aux centres de régulation ?

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Aucune...

M. Patrick Chaize.  - Envisagez-vous de considérer ces réseaux comme essentiels ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je salue l'immense travail des salariés d'EDF et l'esprit de responsabilité des Français qui, selon RTE, consomment 10 % d'électricité en moins que l'année dernière à la même époque.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le 112 a l'avantage d'être mutualisé entre tous les opérateurs. Nous menons un travail inédit et titanesque pour mesurer l'impact croisé des 50 000 points d'alimentation et des 110 000 équipements télécom du réseau. Même sans délestage, chaque antenne tombe en panne au moins une fois par an.

M. François Bonhomme.  - Contrairement aux bougies...

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous avons équipé 1 000 noeuds de coeur de réseau d'une batterie supplémentaire, testée chaque mois. Le ministère de l'intérieur pourra déployer des moyens en cas d'urgence. Nous demandons aussi aux opérateurs de réquisitionner toutes leurs équipes, et procédons à des simulations pour prioriser les antennes à préserver.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir la résilience du réseau de télécommunications en cas de délestage. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Patrick Chaize.  - Je ne nie pas vos échanges avec les opérateurs, mais ils sont tardifs. Des actions de récompense sur les tarifs, par exemple, pourraient être plus efficaces que les mesures punitives. Veillons à ce que les zones délestées ne soient pas une fois de plus les zones délaissées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot applaudissent également.)

Lobbying des Frères musulmans auprès de l'Union européenne

Mme Nathalie Goulet .  - Le Parlement européen, à la demande du groupe Renaissance, a voté un amendement exprimant sa préoccupation quant aux subventions versées aux associations liées aux Frères musulmans.

Mais pourquoi soutenez-vous à Strasbourg ce que vous refusez à Paris ? En effet, pour la troisième année consécutive, le Gouvernement a retoqué plusieurs amendements au projet de loi de finances destinés à mieux contrôler le financement des associations.

Plutôt que de s'indigner de la campagne de communication sur la diversité en Europe montrant une jeune fille voilée, il aurait fallu l'empêcher en amont. Cela n'a pas été très efficace, puisque voici l'affiche de l'Unicef pour la journée mondiale de l'enfant, qui présente une petite fille voilée... (L'oratrice produit l'affiche en question.)

Quand allez-vous assécher le financement des Frères musulmans en les inscrivant sur la liste européenne des organisations terroristes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Gouvernement est mobilisé pour que les institutions européennes intègrent le risque d'ingérence étrangère, quel qu'il soit, et défendent nos valeurs. (Murmures dubitatifs à droite)

Avec Gérald Darmanin et Laurence Boone, j'ai saisi la Commission européenne et le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité il y a plusieurs mois, et à nouveau mi-septembre. Nous plaidons pour un suivi plus fin de l'activité des associations financées par l'Union européenne, lorsque leur agenda est à rebours de nos valeurs.

L'inscription des Frères musulmans sur la liste européenne des groupes terroristes n'est pas possible, car l'organisation ne remplit aucun des critères. (MM. Alain Richard et François Patriat applaudissent.)

Mme Nathalie Goulet.  - L'Autriche l'a pourtant fait, et les États-Unis y songent. Des millions d'euros sont véhiculés par le Qatar, qui protège les Frères musulmans. Ils gangrènent notre République, espionnent nos entreprises. Il faut en finir avec la naïveté et exiger des réponses de la Commission européenne ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur quelques travées du RDSE ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Reste à charge du compte personnel de formation (I)

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) En 2018, lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avions dénoncé le passage d'un compte personnel de formation abondé en heures à un compte abondé en euros : il est à parier, disions-nous, que les formations les plus coûteuses devront faire l'objet d'un financement complémentaire à la charge, pour l'essentiel, du salarié.

Dimanche dernier, à l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté au projet de loi de finances qui contraint les salariés à prendre en charge de 20 à 30 % du coût des formations.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Mauvaise idée !

M. Éric Bocquet.  - Preuve que nous avions raison d'alerter...

Cette mesure est d'autant plus injuste qu'elle est guidée, principalement, par la recherche d'économies - décidément, l'alpha et l'oméga de vos choix budgétaires.

L'État a dépensé 4 milliards d'euros en subventions pour l'apprentissage, organisant un désengagement des entreprises. Vous réduisez aujourd'hui, de fait, le droit à la formation. Allez-vous revenir sur ces subventions indues ?

Par ailleurs, allez-vous enfin renforcer le contrôle des organismes de formation, qui pratiquent des prix exorbitants et accumulent une rente au détriment des salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Je crois que c'est tout le contraire... (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. David Assouline.  - Si vous le dites...

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Rendre le système juste, combattre les fraudes et les dérives est notre ambition.

Le Gouvernement a défendu, ces derniers mois, des mesures en faveur de la qualité des formations, éliminant les deux tiers des certifications. Il a évincé des plateformes des organismes ne répondant pas aux exigences.

Depuis octobre, nous avons débattu de la proposition de loi Lévrier contre le démarchage abusif et les fraudes. Désormais, chaque bénéficiaire doit s'engager activement dans sa formation. Mais il faut que ce soit juste (exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE) : par exemple les demandeurs d'emploi en seront dispensés, tout comme les salariés ayant coconstruit un projet.

Il faudra déterminer le niveau et le plafonnement de cette participation. Cette responsabilisation ne doit pas freiner la formation : nous y veillerons. (M. François Patriat applaudit.)

M. Éric Bocquet.  - Ce n'est guère rassurant. En 2018, le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud faisait état d'une hausse, si besoin, des cotisations patronales... C'est la première fois que des citoyens devront eux-mêmes financer un droit acquis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

Postes de police chinois clandestins

M. André Gattolin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Joël Guerriau applaudit également.) L'ONG Safeguard Defenders vient de mettre en évidence l'existence de 110 postes de police chinois illégaux, dans plus de 50 pays. Ces postes viseraient à contrôler et réprimer des citoyens chinois, voire à les extrader hors de tout cadre légal.

L'accusation est grave, très grave même ; mais ce rapport est étayé par de nombreux documents et témoignages.

En France, quatre postes illégaux ont été, pour l'instant, recensés, à Paris, Noisy-le-Grand et Aubervilliers. Surveillance des établissements taïwanais, ouïghours et tibétains, contrôle politique de la diaspora, pression sur des réfugiés : la liste est longue des activités illicites dénoncées par l'ONG.

Plusieurs responsables chinois ont reconnu l'existence de tels postes. À les entendre, il s'agirait de remplir des services de type consulaire. Mais, exercés sans autorisation, ces services sont illégaux...

Si ces faits sont avérés, ils constitueraient une atteinte très grave à notre souveraineté et une forme nouvelle de séparatisme, opérée par des agents illégaux d'une puissance étrangère.

Tous les États européens concernés, hors la Grèce et la Hongrie, ont déjà diligenté une enquête. Monsieur le ministre de l'intérieur, comptez-vous faire de même ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - La France ne saurait accepter une quelconque atteinte à sa souveraineté et entend lutter avec la plus grande fermeté contre les influences étrangères sur son sol.

La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est à l'écoute des révélations dont vous avez parlé. Elle a travaillé en amont, et je lui ai demandé d'intensifier son enquête. Vous comprendrez que je ne puisse en détailler ici les résultats. La délégation parlementaire au renseignement pourra solliciter des informations à ce sujet, par l'intermédiaire du président Gérard Larcher, de la présidente de l'Assemblée nationale ou de M. Buffet, président de la délégation.

En matière de contre-influence contre les pays agressifs, le Président de la République a demandé à la DGSI, voilà plus de quatre ans, de renforcer son action. Dans le cadre de la délégation parlementaire, je serai en mesure de vous rassurer sur ce point.

Je le répète : si les faits dénoncés par l'ONG restent à confirmer, la France n'acceptera jamais de telles pratiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Pénurie de médicaments

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Les pénuries de médicaments et dispositifs médicaux ne sont pas nouvelles, mais atteignent des sommets jamais-vus. Paracétamol et amoxicilline font les gros titres, tandis que le ministère impose des contingentements.

Pendant ce temps, le dernier fabricant français de poches de perfusion pour les hôpitaux, en redressement judiciaire, risque de fermer pour de bon si un repreneur n'est pas trouvé dans les trois semaines. Les hôpitaux, qui n'avaient pas besoin de cela, s'inquiètent pour leurs approvisionnements.

C'est un nouveau symbole de notre indépendance sanitaire qui est en danger. Comment expliquez-vous cette situation et que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; Mmes Sonia de La Provôté, Nadia Sollogoub et Victoire Jasmin, ainsi que M. Jean-Pierre Sueur, applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Les causes de ces pénuries sont multiples.

D'abord, la pandémie a entraîné une hausse des prescriptions, de 13 % pour le paracétamol. Il y a aussi des problèmes liés au principe actif. C'est pourquoi nous voulons le rapatrier en Europe et en France dans le cadre de France 2030. Des difficultés se posent également en matière de production et de distribution, comme récemment pour le Doliprane pédiatrique produit en Allemagne, avec un mouvement social chez Sanofi. (Murmures à gauche ; Mme Laurence Cohen et M. Mickaël Vallet s'exclament.)

Cette situation n'est pas propre à la France. Elle concerne toute l'Europe et même au-delà.

S'agissant de l'amoxicilline, nous subissons une pénurie nationale liée à un défaut de production.

Grâce à la surveillance exercée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), nous sommes alertés très en amont et pouvons identifier les causes des difficultés, ce qui nous permet d'agir de manière ciblée - interdiction d'exporter, distribution plus équitable, possibilité de déconditionner les boîtes en officine.

Nous travaillons aussi avec les sociétés scientifiques sur des alternatives, car il n'est pas envisageable que nous ne puissions pas traiter tous les Français.

France 2030 nous permettra de relocaliser les productions en Europe et en France, afin de redevenir souverains en matière de produits de santé. Dans cette perspective, l'Agence de l'innovation en santé a été dotée de moyens très importants.

Plusieurs voix à droite. - Il n'a pas répondu !

Mme Laurence Cohen.  - L'alternative, c'est le pôle public du médicament !

Mme Corinne Imbert.  - Vous ne m'avez pas répondu à propos des difficultés du dernier fabricant français de poches de perfusion.

La pandémie a déjà révélé que la fusion de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires avec d'autres structures nous a fait perdre toute capacité d'anticipation. Quant à la filière française de masques que vous avez voulue, elle vire à la déroute.

Retrouver notre indépendance sanitaire, nous y sommes tous favorables : c'est particulièrement nécessaire dans le contexte international actuel. Mais commençons par ne pas perdre les éléments d'indépendance qui nous restent...

Je pense aussi à l'Établissement français du sang, qui est en difficulté - vous pouvez hocher la tête, monsieur le ministre, mais c'est un fait. (On renchérit à droite.)

Je ne veux pas que notre système de santé soit sacrifié sur l'autel de Bercy. Toute perte d'indépendance sanitaire serait inacceptable ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SER ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Reste à charge du compte personnel de formation (II)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Devant les difficultés qu'il a lui-même créées, le Gouvernement vient d'instaurer, par voie d'amendement au projet de loi de finances, un reste à charge pour les salariés utilisant leur compte personnel de formation (CPF).

Ainsi, une franchise sera demandée aux Français qui se formeront ou bénéficieront d'un accompagnement à la validation des acquis de l'expérience dans ce cadre. Seules deux exonérations sont prévues.

On est très, très loin de ce que vous survendiez en 2018, en prétendant libérer les salariés et leur offrir plus de droits.

Il faut le dire : c'en est fini du CPF, dispositif construit par les partenaires sociaux pour que les salariés puissent construire leur parcours professionnel. Votre mesure, totalement injuste, éloignera encore plus de la formation des salariés les moins bien rémunérés - les mêmes que, pourtant, vous voulez faire travailler jusqu'à 65 ans.

Quant à la forme, on ne décide pas comme cela, une nuit de week-end, de remettre en question la formation professionnelle, de surcroît à coups de 49.3.

Madame la ministre, les partenaires sociaux vous ont récemment remis des propositions concrètes. Vous engagez-vous enfin à les écouter ? Allez-vous mettre en place une régulation juste du CPF qui concilie équilibre financier et développement des compétences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Nous voulons revenir à l'esprit du CPF en impliquant davantage les bénéficiaires dans leurs choix, qui doivent être réfléchis et liés à un projet professionnel. (Murmures à gauche)

Cette mesure, qui s'intègre dans une logique globale, vise à corriger des dérives et des fraudes. D'autres dispositions ont été adoptées, dont le Parlement a eu à débattre. Nous nous sommes inspirés des propositions émises dans le rapport que vous avez corédigé avec Mme Puissat et M. Lévrier.

L'amendement du Gouvernement, déposé début novembre en première lecture, instaure un mécanisme de régulation du CPF dans l'attente de la fin des négociations avec les partenaires sociaux. Le Sénat l'a modifié pour introduire le principe du reste à charge. Le Gouvernement a présenté en seconde lecture un amendement d'équilibre, prévoyant une participation du titulaire avec deux cas d'exonération.

Les concertations vont s'engager sur cette base pour s'assurer que la participation individuelle ne constitue pas une barrière à la mobilisation des droits. (M. Fabien Gay proteste.)

Mme Corinne Féret.  - Je connais le contenu de notre rapport... Ne déformez pas ainsi nos travaux ! (Mme Michelle Meunier acquiesce.)

Nous n'avons décidément pas les mêmes valeurs : le dialogue social, c'est l'écoute et la recherche commune de solutions, mais, une fois de plus, vous ignorez les partenaires sociaux, pourtant prêts à améliorer le système actuel.

Où est la justice sociale dans ce que vous imposez ? Vous voulez obliger les salariés à tirer un trait sur leurs droits sociaux et à payer pour se former ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et du GEST)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Situation en Iran (II)

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis la mort de Mahsa Amini, tuée parce qu'elle ne portait pas correctement son voile, le vent de révolte ne faiblit pas en Iran. Malgré une répression féroce, le cri « Femme, vie, liberté » retentit toujours plus fort.

À ces trois mots qui résument tout ce que la charia tente d'étouffer depuis quarante ans, le régime des mollahs réagit par la brutalité et la terreur. La reprise des pendaisons publiques rappelle au monde qu'il est prêt à toutes les barbaries pour se maintenir. Les témoignages recueillis au Sénat lors d'une conférence de soutien au peuple iranien ont montré à quel point la violence fait partie de la nature de ce régime.

Pourtant, femmes et hommes continuent, toujours aussi nombreux, à se lever pour briser les carcans imposés par la Révolution islamique, à se battre pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.

La France, comme l'Europe, reste dans une forme de retrait de moins en moins compréhensible, avec des condamnations de principe et des sanctions d'une surprenante faiblesse.

Quelles initiatives concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir le soulèvement populaire en Iran et accentuer la pression sur les dignitaires du régime ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le mouvement de protestation en Iran se poursuit, la répression violente aussi : elle a fait 500 morts, dont des dizaines d'enfants. Nous avons vu avec horreur les premières exécutions de manifestants.

Avant-hier, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept ont demandé l'arrêt immédiat de ces exécutions ; à l'évidence, elles ne peuvent tenir lieu de réponse aux aspirations de la jeunesse.

Comme Mme la Première ministre l'a rappelé, la France continue d'agir de manière résolue, sans aucun retrait ni recul : un nouveau train de sanctions européennes vient d'être adopté, ciblant notamment la police des moeurs et la radiotélévision. C'est la quatrième fois que les Européens adoptent des sanctions contre l'Iran ; nous continuerons si nécessaire.

Nous avons aussi adopté de nouvelles conclusions, très complètes, qui constituent un cadre d'action d'une grande fermeté, que nous utiliserons pleinement.

Par ailleurs, la France votera l'exclusion de l'Iran de la commission des droits de la femme de l'ONU.

M. Hussein Bourgi.  - Enfin !

M. Didier Marie.  - Il faut rappeler notre ambassadeur !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - Ce texte devrait être adopté aujourd'hui même.

Nous soutenons résolument la pulsion de vie qui se manifeste en Iran. (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero.  - L'Iran est à un tournant de son histoire. La communauté internationale doit montrer un courage à la hauteur de celui des manifestants. La France, fidèle à son histoire et à ses valeurs, doit être à l'avant-garde. C'est ce que nous ont demandé, au Sénat, les résistants iraniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Patrick Kanner et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Remise en cause des festivals d'été par les Jeux olympiques

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a quelques semaines, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez annoncé l'annulation de festivals durant l'été 2024, en raison des Jeux olympiques. Cette annonce a provoqué de nombreuses incompréhensions.

La semaine dernière, avec une trentaine de membres de la commission de la culture, j'ai publié dans Le Monde une tribune appelant à ne pas sacrifier les nombreuses manifestations sportives et culturelles qui se tiennent chaque année, partout en France.

La ministre de la culture, dans Le Parisien d'aujourd'hui, indique que des solutions ont été trouvées avec les grands festivals recourant aux unités de force mobile. Tant mieux.

Mais de nombreuses questions demeurent. Quid des grands événements festifs de l'été, comme les fêtes de Bayonne et de Dax ? (M. Max Brisson renchérit.) De la surveillance des plages ? Des nombreux événements qui dépendent de sociétés de sécurité privées ? Les Jeux olympiques feront massivement appel à ces sociétés : pourront-elles couvrir tous les besoins ?

Dans ces conditions, pourquoi ne pas compléter le dispositif en recourant à l'armée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Les Jeux olympiques à Paris, c'est une fois par siècle. Et avec une cérémonie d'ouverture en dehors d'un stade, c'est une fois tous les 3 000 ans...

L'intérêt général est de réussir les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Quelques semaines plus tôt, nous célébrerons le 80e anniversaire du débarquement de Normandie : de nombreuses forces de sécurité intérieure seront mobilisées aussi à cette occasion.

Ce que la ministre de la culture, la ministre des sports et moi-même proposons, ce n'est pas l'annulation des événements, mais leur décalage dans le temps. Nous avons été en partie entendus : le tour de France arrivera à Nice le 21 juillet plutôt qu'à Paris le 28 juillet, et le festival des Vieilles Charrues se tiendra du 11 au 14 juillet au lieu du 18 au 21. Preuve que, en France, on est capable de se concerter pour prendre des décisions conformes à l'intérêt général.

Il faut comprendre que 45 000 policiers et gendarmes sont nécessaires pour les Jeux olympiques.

M. David Assouline.  - Et l'armée ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'armée est déjà très largement mobilisée. C'est elle qui tiendra le site d'où les bateaux partiront ; elle aussi qui assurera la sécurité aérienne des événements. Mais l'armée n'est pas faite pour le maintien de l'ordre.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Depuis plus d'un siècle, nous disposons de forces spécialisées.

S'agissant de la sécurité privée, des démarches sont entreprises par le ministre du travail qui nous permettent d'être confiants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Laurent Lafon.  - Merci pour ces éléments de réponse, mais nous n'avons pas forcément compris la méthode en ce qui concerne les festivals : vous faites une annonce, puis nous apprenons que des solutions ont, finalement, été trouvées -  ce qui est tant mieux.

Nous appelons à la réalisation d'un inventaire précis des manifestations sur les territoires. Le dialogue avec les élus locaux est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

MaPrimeRénov'

Mme Béatrice Gosselin .  - Mieux chez moi, mieux pour ma planète : tel est le slogan de MaPrimeRénov'. Lorsque votre logement est mal isolé ou mal chauffé, vous êtes intéressé. Le site vante une aide accessible à tous, locataires comme propriétaires.

Si, dans bien des cas, les démarches aboutissent dans un délai raisonnable, certaines aides sont versées dix mois après le début des travaux. Numéro national indisponible, difficultés d'accès aux plateformes, dossiers acceptés puis refusés...

M. François Bonhomme.  - Oh !

Mme Béatrice Gosselin.  - Les usagers ont quinze jours pour modifier leur dossier, alors que les réponses se font parfois attendre plusieurs semaines. Il en va de même pour les entreprises et les artisans qui remplissent les dossiers pour leurs clients et dont la trésorerie souffre en cas de retard dans le versement des primes. Les préfectures elles-mêmes ont du mal à avoir des retours sur les dossiers en souffrance.

Que comptez-vous faire pour améliorer le dispositif et éviter de mettre des entreprises et des particuliers en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - En effet, il y a des dysfonctionnements, mais ils ne doivent pas masquer les 1,5 million de chantiers réalisés, par 80 % de ménages modestes. Quelque 66 % des ménages bénéficiaires n'auraient pas réalisé ces travaux sans la prime.

Des irrégularités et des fraudes ayant été constatées, l'attention portée aux dossiers s'est renforcée, ce qui a allongé les délais d'examen. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est mobilisée et prend des contacts individuels avec les familles. J'ai récemment évoqué certains dossiers avec la Défenseure des droits.

Avec le grand service public France Rénov', nous améliorons la performance énergétique des logements. Nous devons encore progresser dans les travaux globaux et l'habitat collectif. C'est le chantier du siècle : nous sommes déterminés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Béatrice Gosselin.  - Pour certaines entreprises, une impasse de trésorerie de 15 000 ou 20 000 euros, c'est beaucoup. Il faudrait faire entrer la prime dans le bouquet France Services pour une réponse rapide et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

ZAN et soutien aux petites communes

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous ne contestons pas les objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050, mais la méthode est trop descendante et la confusion génère de nombreuses inquiétudes parmi les élus. Le Sénat s'est saisi de la question en lançant une mission commune de contrôle, afin de faire évoluer le cadre juridique.

Il faut plus de pragmatisme et de bon sens. Nous attendons du Gouvernement des engagements clairs sur le calendrier des modifications des documents de planification et sur la gouvernance, car une grande partie des élus est écartée des négociations. Dans les départements dépourvus de schéma de cohérence territoriale (Scot), les élus sont absents des commissions des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Il faut aussi travailler sur la différenciation, en prenant en compte les particularités du monde rural, comme des zones littorales et de montagne. Pour préserver le droit à construire des communes rurales, ne devrait-on pas leur garantir une surface minimale ? (Mme Sophie Primas proteste.) Que pensez-vous d'un programme national de réhabilitation du bâti ancien des centres-bourgs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Entre juillet et aujourd'hui, j'ai déjà eu une trentaine d'heures d'échanges avec la Chambre haute sur le ZAN...

Mme Laurence Rossignol. - C'est comme nous avec les maires !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est que le travail était bâclé !

M. Christophe Béchu, ministre.  - J'ai rencontré les groupes politiques et les associations d'élus ; j'attends les conclusions du Sénat pour amender le dispositif dans l'esprit d'ouverture dont le Gouvernement a fait preuve en suspendant les décrets d'avril. Leur réécriture est prévue pour le début de l'année prochaine. La Première ministre a eu des mots clairs à la clôture du Salon des maires, sur les projets d'envergure nationale et sur la garantie rurale.

Nous sommes tous convaincus de l'importance de la sobriété foncière : nous ne pouvons pas continuer à abîmer nos nappes phréatiques et à créer des îlots de chaleur ; nos espaces agricoles, qui contribuent à notre souveraineté alimentaire, doivent être protégés.

Mais il nous faut mieux associer les élus, car le texte suscite des inquiétudes - certaines fondées, d'autres non. Des milliers de communes sont déjà en conformité avec le ZAN sans le savoir, en zone inondable par exemple. Je me réjouis que nous débattions bientôt des modalités. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Moyens humains de la SNCF

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 novembre, vers 19 heures, à Donchery dans les Ardennes, sur la ligne SNCF Charleville-Mézières - Sedan, un père de famille et sa fille ont été tués, happés par un train de marchandises en descendant d'un TER.

Ce drame met en évidence les problèmes de sécurité de cette gare, qui n'a ni passage souterrain ni passage supérieur, malgré la demande de longue date du maire : seuls des pictogrammes indiquent la présence d'un train croiseur. Or cette gare est aussi utilisée par des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail (Esat).

On compte plus de 900 passages non protégés en France. Comment garantir la sécurité des voyageurs et renforcer les moyens humains dans les gares et à bord des trains avec des contrôleurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE ; M. Patrick Kanner et Mme Françoise Férat applaudissent également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je m'associe à l'émotion suscitée par ce drame. Nous n'avons pas encore tous les éléments, mais le bureau d'enquêtes sur les accidents de transports terrestres a ouvert une enquête.

Cet accident pose la question du renforcement des aménagements, des informations et des formations dans nos petites gares. J'ai demandé à la SNCF de renforcer ses actions sur la signalisation, l'information en gare, la formation des conducteurs, les difficultés de visibilité. Élisabeth Borne, alors ministre des transports, avait lancé une réflexion sur les passages à niveau. Plusieurs centaines de lieux sont encore concernés. Je suis prêt à y travailler avec le Sénat, et avec vous Monsieur Laménie, dont je connais l'engagement sur ces questions ferroviaires.

M. Marc Laménie.  - Merci de votre solidarité. Le cheval de bataille, ce sont les moyens humains. Avec un contrôleur, ce drame aurait été évité. Je pense à deux drames qui ont ainsi été évités : un train qui a déraillé à cause d'un convoi exceptionnel et un autre TER, il y a quelques années. C'est un combat collectif. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Zones à faibles émissions

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les zones à faible émission (ZFE) sont une idée européenne séduisante, mais leur application est complexe.

Il y a d'abord une incohérence environnementale : faire peser cela sur les citoyens est excessif.

C'est ensuite une injustice sociale, qui impacte les plus modestes : bientôt, le changement climatique sera imputable à la mobylette de l'ouvrier !

C'est aussi une fracture territoriale, voire générationnelle : ainsi, un couple de retraités avec une Clio diesel ne pourra plus rendre visite à ses enfants en ville.

C'est enfin un choix industriel incertain, car l'industrie européenne n'est pas encore prête à muter vers le véhicule électrique.

Quelle est votre vision des ZFE, de leur application et de leurs conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - L'objectif des ZFE n'est certainement pas d'exclure. Ce dispositif a été voté par le Parlement, dans les lois d'orientation des mobilités (LOM) et Climat et résilience. Il s'agit d'un outil à la main des collectivités, mis en place progressivement dans les 43 métropoles françaises de plus de 150 000 habitants.

Le calendrier n'est pas prédéfini, sauf pour les quelques métropoles qui dépassent déjà les normes de qualité de l'air -  nous parlons de 45 000 morts chaque année. C'est un outil flexible, chaque métropole pouvant définir ses propres modalités d'accès et de circulation.

L'État accompagne la mise en place de ce dispositif, afin que les risques que vous évoquez ne se réalisent pas. Des aides à l'acquisition de véhicules propres sont ainsi prévues : bonus écologique -  porté à 7 000 euros pour les plus modestes  - et prime de reconversion. Nous expérimentons, sur une idée de sénatrices et sénateurs, des prêts à taux zéro dans deux métropoles et sommes prêts à les étendre.

Je le redis : la flexibilité de ce dispositif est à la main des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Henno.  - Il ne faudra pas longtemps avant que les ZFE deviennent des zones à forte exclusion. (Exclamations sur les travées du RDPI) De plus, cette idéologique culpabilisante est davantage motivée par la communication que par le souci du bien public. C'est le retour du mépris social pour la France des clopes et du diesel (mêmes mouvements ; M. Frédéric Marchand s'agace) : il y a là un germe de gilets jaunes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Salut à une délégation parlementaire marocaine

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation de six parlementaires de la Chambre des conseillers du Royaume du Maroc, (Applaudissements nourris) présidée par le Docteur Mohammed Zidouh, président du groupe d'amitié Maroc-France. Notre collègue Christian Cambon, président du groupe d'amitié France-Maroc, est à leurs côtés.

Lors de l'entretien que nous avons eu un peu plus tôt aujourd'hui, nous avons évoqué les principales étapes de leur séjour à Paris et en Normandie, qui leur permettront de s'entretenir avec M. le ministre Olivier Becht, à la veille d'un déplacement au Maroc de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Ils devraient également découvrir les travaux de recherche et développement menés par EDF en matière de nucléaire et d'énergies renouvelables et visiter les chantiers navals à Cherbourg.

Cet accueil témoigne de la relation privilégiée qui nous lie au Royaume du Maroc et de notre attachement à une amitié ancienne, qui, dans sa dimension parlementaire, s'exprime avec une force particulière. Même lorsque quelques tensions ont pu apparaître dans la relation bilatérale, nous avons su garder intacte cette capacité d'écoute et de dialogue qui est la marque des amitiés sincères. Le jumelage en cours entre nos assemblées et le dynamisme des relations entre nos groupes d'amitié en sont l'une des principales illustrations.

Madame la Première ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos amis membres de Chambre des conseillers du Maroc la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française. (Applaudissements nourris et prolongés)

Les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 11 janvier 2023 à 15 heures.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.

Avis sur une nomination

Mme la présidente.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable -  dix voix pour, seize voix contre  - à la nomination de M. Boris Ravignon à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Ne boudons pas notre plaisir : ce projet de loi, mûri par le Beauvau de la sécurité et fortement enrichi par le Sénat, est une bonne loi qui a réuni une très forte majorité dans les deux chambres.

L'Assemblée nationale a retenu, voire prolongé, une grande partie de nos apports. Je salue l'esprit qui a prévalu lors de nos échanges en CMP avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale, Florent Boudié. Nous avons abouti à une solution qui préserve l'essentiel des dispositions adoptées par le Sénat.

Ce texte offre 15,3 milliards d'euros supplémentaires au ministère de l'intérieur sur les cinq prochaines années, ce qui donnera les moyens aux forces de l'ordre d'accomplir leurs missions, avec une première traduction dans la loi de finances pour 2023.

Au Sénat, nous nous sommes attachés à garantir l'accessibilité des démarches et le bon accueil de nos concitoyens par les forces de sécurité. Nous avons également été attentifs à la répartition des 200 nouvelles brigades de gendarmerie et aux indispensables concertations avec les élus locaux.

L'Assemblée nationale a renforcé la lutte contre la cybercriminalité. Nous avons décidé de reprendre largement le texte issu de la CMP, sous réserve de quelques modifications. L'une d'entre elles concerne le rôle de la police judiciaire (PJ) au sein de la réforme de la police nationale : les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur, ce dernier restant sous leur autorité ; les affaires sensibles seront toujours traitées par la PJ ; des structures zonales demeureront, selon l'actuelle cartographie territoriale.

L'Assemblée nationale a renforcé nos apports sur les cybermenaces. À l'article 6 sur les cyberassurances, nous avons prévu un délai de 72 heures pour porter plainte et retardé l'entrée en vigueur de trois mois.

Nous avons modifié certains articles additionnels de l'Assemblée nationale. Les droits nouveaux d'assistance des victimes par les avocats ont été conservés, mais avons supprimé diverses mesures superfétatoires. La plupart des demandes de rapport ont été supprimées, à l'exception de celui sur la protection des collectivités territoriales.

L'Assemblée nationale nous a suivis sur les violences envers les élus locaux et les rodéos urbains, tout en alourdissant les sanctions.

Le texte de la CMP est équilibré et efficace. Nous attendons un vote positif à la hauteur des nouveaux enjeux de sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Ainsi se termine le long chemin de la Lopmi. Je remercie tous les sénateurs qui ont contribué à l'élaboration de ce texte, coconstruit avec le Parlement. Le lien entre les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale - je pense notamment au député Florent Boudié - a été constructif.

Le Gouvernement n'a rien à retirer au texte de la CMP et ne présentera aucun amendement.

Je me réjouis que nous nous soyons mis d'accord sur le rapport annexé qui précise le fonctionnement du ministère de l'intérieur pour les cinq prochaines années.

Après avoir défini les menaces, nous avons établi ce que nous voulions faire dans les cinq prochaines années, avec quels moyens. Auparavant, seul le ministère des armées disposait d'une telle loi d'orientation. Le ministère de l'intérieur était plus dans l'urgence que dans le temps long.

Je ne reviens pas sur la réforme de la police nationale, notamment la police judiciaire. Je serai à votre disposition pour venir devant votre commission des lois, après la remise des rapports Durain-Bellurot du Sénat, Bernalicis-Guévenoux de l'Assemblée nationale et des inspections. Je vous dirai alors ce que j'en ai retenu en vue des textes réglementaires.

J'ai proposé à l'Assemblée nationale un comité de suivi parlementaire du texte. Dès fin janvier, une réunion pourrait se tenir tous les trois mois, avec l'ensemble des directeurs de mon ministère, pour vous présenter comment le texte est respecté.

Ce type d'exercice est pour nous source de conseils et même de correctifs.

Je remercie les policiers, gendarmes, agents de préfecture et sapeurs-pompiers de leur travail quotidien. Madame Assassi, je sais qu'il y a dans ce texte un peu de votre coeur. (Sourires) Lors du débat, chacun a pu être respecté et faire entendre sa voix. Les moyens que vous nous avez accordés seront bien utilisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comme M. Daubresse nous l'a indiqué, la CMP est parvenue assez rapidement à un accord. En tant que co-rapporteur, je me suis particulièrement intéressé à l'article 5, sur le réseau radio du futur, et aux articles 7 à 16.

L'Assemblée nationale a enrichi le texte sans remettre en cause les apports du Sénat. Elle a rebaptisé l'outrage sexiste en outrage sexiste et sexuel et a élargi son champ pour englober tous les mineurs. La CMP a approuvé cette évolution.

L'Assemblée nationale a élargi le vivier de recrutement des assistants d'enquête, sans abaisser le niveau d'exigence. Elle a approuvé l'extension des autorisations générales de réquisition qui allégeront la tâche des procureurs, en prévoyant un rapport d'évaluation dans les deux ans.

C'est sur la question des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) que le dialogue a été le plus nourri. Le Sénat avait rejeté la proposition du Gouvernement d'autoriser le recours à l'AFD pour tous les délits punis d'un an de prison -  soit 3 400 infractions. L'AFD ne nous avait pas paru adaptée à un si grand nombre de délits, soit pour des raisons opérationnelles, soit parce qu'elle ne constitue pas une réponse pénale suffisante. Nous avions préféré une approche au cas par cas, en élargissant la liste des infractions concernées.

L'Assemblée nationale a voulu aller plus loin, en incluant par exemple le tapage nocturne, le refus de se soumettre à un contrôle routier ou l'entrée dans une enceinte sportive pour troubler le bon déroulement d'une compétition. Nous avons obtenu que la liste soit resserrée. Pour le délit de port d'une arme blanche, l'amende forfaitaire ne pourra être appliquée que si le contrevenant remet volontairement son arme. Nous avons également limité le recours à l'AFD en cas de récidive.

Au total, la procédure de l'AFD sera applicable à 27 nouvelles infractions, et pour six d'entre elles, même en cas de récidive.

L'article 14 bis avait été inséré par le Sénat à l'initiative de M. Levi, puis supprimé à l'Assemblée nationale. Un compromis a été trouvé, qui recentre la mesure sur les seules menaces de mort. Cette disposition, qui s'inspire des remontées de terrain, facilitera les poursuites.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Loïc Hervé.  - Je me félicite que la CMP nous ait suivis sur l'article 15, qui place l'Agence régionale de santé sous l'autorité du préfet en cas de crise. L'importance de l'unité de commandement dans la gestion de crise est l'un des enseignements de la crise sanitaire. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)

Je me félicite du travail mené avec le ministre, ses services et l'Assemblée nationale. Cette Lopmi est attendue par nos forces de sécurité, qui seront dotées de nouveaux outils. Je me félicite aussi du large vote de l'Assemblée nationale.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ça, c'est une majorité !

M. Loïc Hervé.  - Les sénateurs UC voteront les conclusions de la CMP. J'invite chacun à en faire autant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail des deux corapporteurs qui ont défendu les positions du Sénat avec conviction et fermeté.

M. Loïc Hervé.  - Merci.

M. Jérôme Durain.  - Je salue les efforts du ministre, sans trop en faire, de peur qu'il n'utilise ces compliments dans ses controverses futures avec mes camarades du palais Bourbon... (Sourires ; M. Patrick Kanner s'amuse et acquiesce.)

M. Loïc Hervé.  - C'est Noël !

M. Jérôme Durain.  - En première lecture, le groupe SER a salué l'effort budgétaire consenti par l'État. Il nous semble cohérent de soutenir la programmation de 15 milliards d'euros. Nous nous félicitons des avancées inscrites dans le rapport annexé à l'initiative de notre groupe, sur la sécurité civile et la gendarmerie, et notons que les recommandations de Mme Conconne sur l'adaptation du projet de loi à l'outre-mer ont été suivies, avec une inscription en dur dans le texte. Nous avons évidemment soutenu une meilleure protection des élus -  j'en profite pour apporter mon soutien aux élus de Montcenis, en Saône-et-Loire, qui ont reçu des menaces de mort la semaine dernière.

Reste que le champ des AFD a été trop étendu à notre goût. Le texte ne va pas assez loin sur le rapprochement entre police et population. Je regrette que l'indicateur de performance budgétaire sur les discriminations commises ou subies par les forces de l'ordre ait été supprimé du PLF, et compte sur le ministre pour le rétablir prochainement. Sur la police judiciaire, nous ne sommes guère rassurés.

Disons que l'Assemblée nationale ne s'est pas contentée d'améliorer notre texte. Les discussions en CMP étaient donc très attendues. Nous avons été déçus sur certains points. Le recours à l'AFD nous semble excessif, notamment en cas de récidive, même si elle a été supprimée pour certaines infractions. Je regrette que les articles 6 bis, 6 bis B et 6 bis C aient été supprimés. La suppression de l'article sur la circonstance aggravante en cas de violence gratuite est en revanche bienvenue. Des avancées du rapport annexé ont été conservées, et je me félicite du compromis trouvé sur la police judiciaire, même si le rapport annexé ne règle pas tout. Mais nous saisissons la balle au bond, et demandons que le suivi des moyens budgétaires de la police judiciaire soit assuré par le comité de suivi.

Le texte de la CMP est meilleur que celui de l'Assemblée nationale. Cette Lopmi est perfectible, mais attendue. Le groupe SER la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, Les Républicains et UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'accord trouvé en CMP. Cela faisait plusieurs années que le Sénat appelait de ses voeux une loi de programmation sur la sécurité - dix ans après la seconde loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi 2).

L'ambition de cette Lopmi est forte, mais la tâche sera rude. La Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques nous mettront au défi. Les 15 milliards d'euros budgétés sur cinq ans ne seront pas de trop. Le Sénat sera particulièrement attentif au déploiement des crédits, qui ne devront pas être happés par les enjeux sécuritaires de 2023 et 2024. Les Français auront aussi besoin d'être protégés après les Jeux !

Le doublement des effectifs sur la voie publique n'a de sens que si les services traitant les infractions augmentent proportionnellement. Nous y veillerons également.

La réforme de la police nationale et singulièrement de la police judiciaire doit être menée dans le plus grand consensus possible.

Le groupe Les Républicains salue la qualité du travail des rapporteurs. Une grande partie du groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Dany Wattebled .  - Je me félicite que la CMP ait été conclusive. Ce consensus traduit la volonté de la représentation nationale de renforcer les moyens humains, financiers et technologiques des forces de l'ordre. Le projet de loi traduit en chiffres et en actes notre attachement aux forces de sécurité.

La hausse inédite du budget du ministère de l'intérieur, à hauteur de 15 milliards d'euros sur cinq ans, rassurera nos concitoyens face à une délinquance protéiforme. Elle est primordiale pour améliorer le quotidien des forces de sécurité, en leur permettant de déléguer certains travaux chronophages. Leur tâche est immense, alors que la délinquance se fait de plus en plus violente et de plus en plus technologique.

Ce texte ambitieux est une première réponse aux enjeux.

Je me félicite du renforcement des moyens humains, avec 8 500 postes et 200 brigades de gendarmerie créées.

Le développement d'outils numériques modernisera nos forces de l'ordre, qui seront mieux armées face aux nouvelles menaces, à commencer par les cyberattaques. Je pense à celles qui ont visé des établissements de santé, de Villefranche-sur-Saône à Versailles.

La réponse pénale doit être améliorée, ferme et efficace contre la délinquance du quotidien.

Je salue le courage et le sens du devoir de ces femmes et hommes qui ont voué leur vie à la protection de leurs concitoyens.

Ce texte répondra aux attentes des forces de l'ordre, pour lutter contre une criminalité qui se développe sur de nouveaux terrains. Il prend en compte les légitimes exigences de nos concitoyens qui aspirent à plus de sécurité. Le groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte présente, dans son rapport annexé, la vision du Gouvernement sur la sécurité publique. Notre groupe a défendu de son côté un projet cohérent. Votre politique, plus répressive que protectrice, néglige le lien avec les citoyens et la nécessaire confiance envers les forces de l'ordre. Elle ne prend pas en compte leur souffrance au travail.

Nous demandions plus de moyens pour que les forces de l'ordre puissent exercer au mieux leurs missions auprès de la population, avec la population, pour la population.

Nous soutenons une police républicaine au service de tous. L'égal accès de tous aux services publics, et donc à la police, doit prévaloir, et l'interaction avec un agent formé doit rester une option pérenne. Oui, il faut mieux équiper les forces de l'ordre, qui exercent parfois dans des conditions indécentes. Mais nous alertons sur l'idée d'un policier « augmenté » : à quel coût, et dans quel but ?

Nous aurions voulu débattre de l'évolution des techniques de maintien de l'ordre - LBD (lanceur de balles de défense), drones, lacrymos, technique de la nasse...

Nous regrettons l'absence de réforme de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale). Nos citoyens demandent plus de transparence, une meilleure gestion des dérives parfois violentes. La réforme de l'IGPN est plus nécessaire que celle de la police judiciaire.

Nous regrettons qu'aucune avancée sur la généralisation des agents de liaison LGBT+ ou la formation au cyberharcèlement n'ait été retenue. Idem pour nos propositions sur les droits de la défense, comme l'interdiction de la reconnaissance faciale.

Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n'ont pas été dissipées. L'AFD est un outil comptable, mais dont l'efficacité sur la réponse pénale est peu étudiée. Notons que son utilisation est en outre très variable selon les territoires. Une fois de plus, l'opportunité de la poursuite, qui revient au juge, est niée. La mise à l'écart du monde judiciaire est une erreur. Penser la police sans la justice, la sécurité sans les acteurs du terrain, est une erreur.

Nous avons soutenu l'augmentation du budget, mais aurions aimé être suivis sur nos propositions d'amélioration des conditions de travail des forces de l'ordre et de leurs relations avec les usagers - accompagnement par des psychologues, sanctuarisation des formations.

L'insécurité dépend aussi de l'environnement, c'est pourquoi nous plaidons pour une police environnementale. Les gardes champêtres exerçant au sein de la brigade verte doivent être distingués des autres services et bénéficier de moyens adéquats. La sécurité, c'est aussi la gestion du risque incendie : merci d'avoir conservé la proposition de Mme de Marco sur une seconde base de Canadair.

Les forces de l'ordre sont au coeur du pacte républicain et doivent assurer la tranquillité publique. Hélas, nos craintes ont été confirmées voire amplifiées, et nous ne pourrons nous associer à ce projet de loi : nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Loïc Hervé.  - J'y ai presque cru !

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi arrive à son terme après un travail législatif sérieux et méthodique. Cela doit beaucoup à l'ample concertation, transversale, qui l'a précédée, et qui a permis de mieux nous informer sur les choix du Gouvernement.

Le projet de loi met en avant des objets d'intérêt public : accueil du public, lutte contre la cybercriminalité, lutte contre les violences intrafamiliales et sexistes, présence de nos forces sur le terrain.

Des crédits sont dédiés à des outils techniques d'avenir, comme le réseau Radio du futur notamment.

Les apports de cette loi doivent signifier de réels progrès dans les conditions de travail des personnels et pour leur sécurité. Leurs missions sont éprouvantes et dangereuses. Nous voulons qu'ils conservent leur motivation et soient soutenus par leur hiérarchie et par les autorités publiques. Ce sont autant de progrès, implicites, mais importants.

Nous saluons les mesures pour accroître l'efficacité de la chaîne pénale. Les améliorations de procédure contribueront au rétablissement de la paix publique.

La limitation des AFD à certaines infractions est bienvenue. Il sera toujours possible de revenir à un traitement judiciaire.

Nous contribuerons au large vote en faveur de ce projet du Gouvernement, clair et qui a su convaincre. C'est un aboutissement mérité, pour le Gouvernement et pour le ministre. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Merci.

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 12 août 1789, face à l'Assemblée nationale, le député du tiers état du Dauphiné Jean-Joseph Mounier affirmait que « la véritable liberté n'est que la sûreté des biens et des personnes ; cette sûreté n'a point d'autres fondements que le respect des lois. »

Aujourd'hui, nous parlons plutôt de sécurité, mais nous chérissons tout autant nos libertés, qui ne peuvent s'exprimer pleinement que quand les règles communes sont respectées. Nous n'avons donc aucune pudeur à dire combien le travail de la police et de la gendarmerie nationale est précieux. Cette Lopmi convainc, avec des moyens budgétaires en hausse.

Le Sénat a équilibré le texte sur l'AFD et ajouté certains dispositifs bienvenus, comme à l'article 14 bis, qui supprime la nécessité de réitération ou de formalisation des menaces de mort pour encourir une sanction pénale.

Idem à l'article 10 bis, qui reconnaît la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale.

Quelques réserves n'ont hélas pas été totalement dissipées. Les dispositions initiales sur l'AFD ont été corrigées par le Sénat, largement suivi par la CMP. Nous avons encadré le dispositif et renforcé le droit des victimes qui pourront toujours se porter partie civile.

Deuxième réserve : la suppression de la condition d'ancienneté pour se présenter à l'examen d'OPJ. L'expérience est pourtant précieuse dans ces métiers où les décisions sont parfois d'une gravité vertigineuse.

S'agissant des assistants d'enquête, nous nous interrogeons encore sur leur formation, leur encadrement, leur rémunération, leur répartition. Espérons que ce nouveau corps de métier apportera le soutien attendu à la police judiciaire.

La réforme en cours de la police inquiète et divise. Le Sénat a rappelé les spécificités de la police judiciaire. Le Gouvernement doit rassurer les agents qui oeuvrent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens et pour le bien public.

Globalement, le RDSE est très favorable à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - L'issue de la CMP ne nous invite pas à modifier notre vote.

M. Loïc Hervé.  - Dommage.

Mme Éliane Assassi.  - En prônant le tout répressif, nous ne faisons pas honneur aux professions de la sécurité, auxquelles je suis très attachée.

Pour le ministère de l'intérieur, un policier hyperéquipé - plutôt qu'un policier proximité - nourrirait des vocations. Je ne partage pas cette conception froide des policiers comme des victimes.

Nous dénonçons l'extension des autorisations générales de réquisition. La simplification de la procédure pénale se fait au détriment des droits de la défense. Cela dessert les droits fondamentaux du mis en cause, et menace la régularité de la procédure pénale.

La restriction de l'AFD à 29 délits privera les justiciables des garanties qu'offre la procédure pénale. On délègue aux agents de police une fonction qui relève de la justice, comme l'ont souligné la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Conseil d'État. Si la CMP, dans sa sagesse, a limité la liste des infractions concernées, nous aurions préféré ne pas recourir du tout à l'AFD.

L'abaissement des exigences dans le recrutement des OPJ conduira à des manquements procéduraux, ce qui desservira la sécurité. La responsabilité exige expérience et rigueur. La fonction d'assistant de police et de gendarmerie n'est pas gage d'efficacité.

Cette Lopmi présente une conception dégradée du fonctionnement de la police. À l'orée de probables mouvements sociaux d'ampleur en réponse au projet de réforme des retraites...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ah bon ?

Mme Éliane Assassi.  - ... je vous invite à privilégier une doctrine de maintien de l'ordre fondée sur l'apaisement plutôt que la tension.

La départementalisation de la police judiciaire est synonyme d'intrusion du pouvoir exécutif dans la procédure pénale. La nouvelle rédaction de l'alinéa 150 du rapport annexé ne suffira pas à éteindre la colère des magistrats, des avocats et des enquêteurs. Les garanties d'indépendance sont trop faibles.

Autre déception, la suppression, en CMP, de l'article 6 bis prévoyant des référents formés sur la lutte contre les discriminations, au prétexte que le rapport annexé le mentionne.

M. Loïc Hervé.  - C'est objectivement vrai !

Mme Éliane Assassi.  - La disposition n'aura aucun effet normatif.

Être moderne, ce n'est pas se doter d'équipements numériques ; c'est tendre l'oreille, être inventif et au service de l'intérêt général. Cette Lopmi est robotique mais pas innovante. Le CRCE votera contre.

M. Loïc Hervé.  - Quel dommage !

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°107 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 316
Contre   27

Le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)

Prochaine séance demain, jeudi 15 décembre 2022, à 11 heures.

La séance est levée à 17 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 15 décembre 2022

Séance publique

À 11 heures

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président,

Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert

. Nouvelle lecture du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 (n°203, 2022-2023)