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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Création d'une commission spéciale

Questions orales

Mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation

M. Alain Milon

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Conséquences du décret du 22 février 2022 pour les travailleurs en situation de handicap

M. Philippe Mouiller

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Généralisation des cours criminelles départementales

M. Guy Benarroche

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Village de l'autonomie et du handicap à Faulquemont

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Hôpital de La Roche-Guyon

M. Pierre Laurent

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Prise en compte des surfaces collectives d'alpage dans la nouvelle politique agricole commune

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Réglementation des boisements

M. Patrice Joly

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Situation pédiatrique dans le Cher

M. Rémy Pointereau

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Effectifs du commissariat du XVIIe arrondissement de Paris

Mme Catherine Dumas

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Gendarmerie d'Espalion

M. Jean-Claude Anglars

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Évolution du statut des correspondants locaux de presse

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Protection des systèmes d'eau et d'assainissement contre les coupures électriques

Mme Florence Blatrix Contat

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Relance du secteur de la pêche en Guyane

M. Georges Patient

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Coût exorbitant des billets d'avion

Mme Victoire Jasmin

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Zéro artificialisation nette

M. Édouard Courtial

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Subvention Alvéole

M. Olivier Henno

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Extension des zones Natura 2000

M. Hervé Gillé

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Avenir de l'observatoire météorologique du Mont Aigoual

M. Laurent Burgoa

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Fixation des frais de scolarité entre communes rurales

Mme Nadia Sollogoub

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Inclusion scolaire

M. Olivier Paccaud

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Situation financière des boulangers, bouchers, charcutiers et traiteurs

M. Jean-Yves Roux

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Mutualisation des pylônes et antennes-relais

M. Stéphane Demilly

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Difficultés des artisans-commerçants face à la crise énergétique

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Réforme de l'automatisation du FCTVA

M. Christian Klinger

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Difficultés des petites entreprises face à la crise énergétique

M. Patrick Chaize

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Révision de la valeur locative des locaux professionnels

Mme Laure Darcos

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Fraude dans le secteur de la rénovation énergétique

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

Sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels

M. Fabien Gay, auteur de la proposition de résolution

M. François Bonneau

M. Henri Cabanel

M. Stéphane Piednoir

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Guillaume Gontard

M. André Gattolin

M. Franck Montaugé

M. Pierre Laurent

M. Jean-Claude Tissot

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

Ordre du jour du mardi 17 janvier 2023




SÉANCE

du jeudi 12 janvier 2023

45e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Alain Richard, vice-président

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Création d'une commission spéciale

M. le président.  - M. le Président du Sénat n'a été saisi d'aucune opposition par le Gouvernement ou le président d'un groupe dans le délai prévu à l'article 16 bis de notre Règlement à la demande de création d'une commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.

En conséquence, cette proposition de loi est renvoyée pour son examen à une commission spéciale.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 27 questions orales.

Mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation

M. Alain Milon .  - La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a ouvert l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes célibataires et a institué la possibilité de congeler leurs gamètes sans motif médical. Ce droit très attendu s'avère difficile à mettre en oeuvre. En effet, le code de la santé publique réserve le droit de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes aux seuls établissements publics de santé ou aux établissements de santé privés à but non lucratif habilités. Or l'ouverture des techniques d'AMP à toutes les femmes génère une forte augmentation de l'activité médicale. Elle accroît le nombre de demandes de sperme et une pénurie de dons de gamètes est redoutée, principalement causée par la levée partielle de l'anonymat des donneurs.

De ce fait, les centres d'AMP risqueraient de ne plus pouvoir satisfaire l'ensemble des demandes et déjà, les délais d'attente ont largement augmenté, faute de moyens supplémentaires. Si le code de la santé publique prévoit que « par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n'assure ces activités dans un département, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à les pratiquer », sous certaines conditions, cela ne répond nullement aux besoins.

Comment élargir aux établissements de santé privés à but lucratif le droit de pratiquer prélèvement, recueil et conservation de gamètes en leur imposant les mêmes contraintes et obligations qu'aux autres établissements ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Je vous prie d'excuser le ministre François Braun qui ne peut être présent. La loi de 2021 est une avancée sociétale majeure. Mais le nombre de demandes est largement supérieur aux prévisions : 9 000 demandes au premier trimestre 2022, contre 4 000 prévues par l'hypothèse haute. Le stock de gamètes, le niveau d'activité, les délais de prise en charge et les moyens engagés sont suivis régulièrement par l'Agence de biomédecine. Il n'y a aucune pénurie de spermatozoïdes à ce jour, et le nombre de donneurs augmente grâce aux campagnes de sensibilisation.

Le Gouvernement a accordé un financement exceptionnel de 7,3 millions d'euros d'aide à la contractualisation pour les centres, qui a été poursuivi en 2022 et se pérennise en 2023 sous la forme d'une mission d'intérêt général AMP. Ces mesures ont permis de réduire les délais, passés de 13,8 mois à 12 mois en décembre 2021.

Le Gouvernement lance des concertations pour optimiser l'offre et réduire les délais d'attente.

Le secteur est fondé sur le régime de la gratuité et du volontariat du don : seuls les établissements publics ou privés non lucratifs peuvent être autorisés pour le don de gamètes ou d'embryons, et de même pour l'autoconservation sans motif médical. Il faut conserver ce régime de gratuité et de volontariat si l'on fait évoluer le dispositif.

Conséquences du décret du 22 février 2022 pour les travailleurs en situation de handicap

M. Philippe Mouiller .  - L'application des dispositions du décret du 22 février 2022 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus a des conséquences négatives et injustes sur les personnes en situation de handicap qui occupent un emploi. Depuis la parution de ma question au Journal officiel, je suis assailli de témoignages.

Désormais, les personnes invalides dont les revenus d'activité dépassent le seuil du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) voient le montant de leur pension d'invalidité suspendu, ce qui entraîne de facto la suspension des rentes de prévoyance puisque ces dernières sont assujetties au versement d'une pension d'invalidité, et alors que certains ont cotisé pendant de nombreuses années.

Le versement de certaines pensions d'invalidité est donc suspendu depuis septembre 2022, sans information préalable. Les personnes concernées se retrouvent dans une situation financière délicate.

Ce décret va manifestement à l'encontre de l'esprit de la réforme qui vise à favoriser le cumul emploi/ressources et à favoriser l'emploi des personnes handicapées. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à ce qui est vécu comme une véritable discrimination ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - C'est une question technique et complexe. Ce décret favorise la reprise d'activité. Auparavant, la pension d'invalidité était calculée sur le revenu moyen des dix meilleures années ; désormais, elle est calculée en fonction du PASS, fixé à 3 666 euros bruts par mois en 2022.

La pension d'invalidité est une prestation sociale, ce qui suppose qu'elle soit fondée sur des revenus plafonnés. La réforme n'entraîne plus une réduction systématique du montant de dépassement puisqu'elle permet ce cumul partiel entre revenus d'activités et pension d'invalidité. Plus de 60 000 pensionnés ont vu leur situation s'améliorer, mais 7 000 personnes, soit un peu moins de 3 % des invalides du régime général qui exercent une activité professionnelle, ont vu leur pension se réduire. Le ministère de la santé étudie ces situations particulières afin de trouver les meilleures solutions. Mais le nouveau régime est favorable à une majorité des pensionnés.

Généralisation des cours criminelles départementales

M. Guy Benarroche .  - Ma question sur la généralisation des cours criminelles départementales (CCD) s'adressait au garde des sceaux. Celui-ci répondait, le 13 décembre 2022 à une députée écologiste, que les délais d'audiencement étaient beaucoup plus courts et qu'en matière de violences sexuelles et sexistes, il avait été « mis un terme aux insupportables correctionnalisations ». Les jurés populaires sont plus qu'importants, car ils concrétisent le principe d'être jugé par ses pairs, selon une loi pénale votée par ses représentants.

Nous craignons une justice spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles qui ni ne dirait son nom ni ne bénéficierait d'une réelle spécialisation, et refusons la généralisation d'une expérimentation non évaluée.

Je fais partie du comité d'évaluation des CCD prévu par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Les résultats ne sont pas ceux avancés par le ministre : rien ne permet d'affirmer que ces CCD ont mis un terme aux correctionnalisations. Le directeur des services judiciaires a indiqué « ne pas être en mesure d'établir le nombre de dossiers concernés » et selon l'Union syndicale des magistrats, « aucune baisse de la charge des audiences correctionnelles » n'a été constatée.

Le rapport conclut que « le comité partage le constat général d'une difficulté d'évaluation de l'impact des CCD sur la correctionnalisation » souhaite une étude et propose « de doter la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) d'un outil statistique lui permettant d'appréhender les effets du fonctionnement des CCD sur la correctionnalisation ».

Le comité a mis en évidence les besoins immobiliers et de personnel et appelle à une évaluation avant la généralisation. D'après un retour d'expérimentation, seules 9 % des affaires se déroulent devant cinq magistrats de carrière. Puisque la généralisation est officiellement en place depuis le 1er janvier 2023, quels sont ces besoins en personnel ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le garde des sceaux m'a chargée de vous répondre. Le Gouvernement, comme vous, est très attaché aux jurys populaires : leur souveraineté dans les cours d'assises a été renforcée par la loi de 2021, puisqu'il faut désormais une véritable majorité de jurés pour condamner un accusé.

Le rapport du comité d'évaluation d'octobre 2022 permet de conclure que les objectifs poursuivis sont globalement atteints : les principes de l'oralité des débats et du contradictoire ont été respectés comme en cours d'assises ; les plaidoiries se déroulent dans un climat moins pesant ; les parties civiles sont plus à l'aise pour s'exprimer ; et les délais d'audiencement sont plus courts - 12 mois contre 18 pour une cour d'assises.

La CCD permet de juger les crimes plus rapidement et de restituer aux faits de viol, massivement correctionnalisés, leur véritable qualification - elle juge à 81 % des affaires de viol.

Les magistrats honoraires et magistrats à titre temporaire ont pleinement joué leur rôle : dans 74 % des affaires jugées, le collège de magistrats était composé de deux magistrats honoraires et à titre temporaire, soit le nombre maximum permis par la loi. Dans ces cas, les affaires mobilisaient trois magistrats professionnels, soit autant qu'une audience correctionnelle. Ils sont renforcés par les avocats honoraires ayant des fonctions juridictionnelles, nouveau statut qui a rencontré un franc succès. Nous travaillons avec les professions du droit et les universités pour intensifier ces recrutements.

Village de l'autonomie et du handicap à Faulquemont

M. Jean-Marie Mizzon .  - La commune de Faulquemont, en Moselle, vient de lancer un projet innovant et atypique qui consiste à développer un village de l'autonomie et du handicap dans son centre-ville. Des logements adaptés et sécurisés permettraient aux résidents de bénéficier des services de la ville, d'une vie sociale ou de participer à diverses activités.

L'ensemble comprendrait 24 pavillons seniors, deux pavillons de colocation pour seize résidents, une structure de réadaptation pour personnes âgées vieillissantes qui pourrait accueillir 30 personnes, et une maison d'accueil médicalisée de 33 places. Il créerait 70 emplois, revitalisant ce chef-lieu de canton rural.

Or bien que tout soit réglé au plan financier, des difficultés administratives freinent sa réalisation, l'Agence régionale de santé (ARS) ne délivrant pas les autorisations nécessaires. Pouvez-vous débloquer ce dossier ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Les autorisations sont délivrées par les autorités de contrôle et de tarification uniquement lorsque les projets sont de qualité, correspondent aux orientations du projet régional de santé et répondent à un besoin étayé et priorisé sur le territoire concerné. Toute ARS est à l'écoute des projets émergents.

Ce projet de village est composite, et seuls deux aspects relèvent de la compétence de l'ARS. Sur la construction d'une maison d'accueil médicalisé par la Fondation Perce-Neige, une rencontre a été organisée le 17 mars 2022 en présence du maire et du conseil départemental. L'ARS a indiqué qu'il n'y avait pas de possibilité de financement à cette heure et qu'en cas de fonds disponibles, ils ne pouvaient être attribués que par appel à projets. Depuis lors, le promoteur ne s'est plus manifesté auprès de l'ARS. Il semblerait que des engagements aient été anticipés par certains élus, en dépit des réponses apportées par l'ARS et du rappel des procédures d'allocation de moyens.

La construction d'une structure de réadaptation pour personnes handicapées vieillissantes est prévue le 2 février 2023. Ces projets doivent correspondre à des besoins locaux partagés par le conseil départemental, l'ARS et l'association gestionnaire, et il faut des crédits disponibles et remporter un appel d'offres.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Nous n'avons pas le même niveau d'information. La commune travaille depuis quatre ans sur ce projet. L'administration est en retard alors qu'on cherche à accélérer les procédures, et qu'elle doit rendre service aux citoyens. Ce projet de qualité est soutenu par cinq sénateurs, et les besoins sont avérés. Que l'ARS lance son appel à projets, la commune l'attend avec impatience.

Hôpital de La Roche-Guyon

M. Pierre Laurent .  - J'ai été alerté par des syndicalistes, à l'automne, sur la situation de l'hôpital de La Roche-Guyon dans le Val-d'Oise, spécialisé dans le polyhandicap pédiatrique.

La multidisciplinarité de cet hôpital en fait un lieu unique. Or il connaît des difficultés structurelles de recrutement, de formation, de conditions de travail et de salaires trop bas, qui conduisent à la fermeture permanente de lits.

Ces difficultés sont renforcées par la situation géographique de l'établissement, isolé des transports publics et manquant de logements sociaux à proximité pour le personnel.

Malgré les efforts de la direction et de l'encadrement médical et paramédical, environ 10 lits sur 80 sont fermés depuis plus d'un an et d'autres sont menacés.

Qu'est-ce que l'État, en coordination avec tous les acteurs concernés, entend entreprendre afin de remédier à ces difficultés ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Les difficultés de recrutement de l'hôpital de La Roche-Guyon ont conduit à la fermeture temporaire d'une dizaine de lits. Il s'agit d'un problème d'attractivité des métiers, comme dans la France entière, et non de fidélisation. La quasi-totalité des agents habite à proximité de l'hôpital, où le coût de l'immobilier est inférieur à Paris, par exemple. Le besoin de transports publics n'est pas ce qui ressort le plus.

Un plan de réouverture progressive des 80 lits a été engagé d'ici l'automne 2023, au fur et à mesure des recrutements d'infirmiers.

Différentes mesures d'attractivité sont engagées par l'établissement, comme des contrats d'allocations d'études pour les infirmiers et la mise à disposition de logements, notamment pour des masseurs-kinésithérapeutes, dont quatre ont été recrutés ces derniers mois. En outre, une nouvelle unité, dans un bâtiment neuf, offre de meilleures conditions de travail aux professionnels.

À ces mesures locales s'ajoutent celles de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, dont 50 millions d'euros d'investissements en faveur du logement des soignants.

M. Pierre Laurent.  - Madame la ministre, je vous invite à ne pas minimiser la situation. Le temporaire dure depuis trop longtemps. Vous pouvez compter sur moi et sur les syndicalistes, présents aujourd'hui, pour rester vigilants.

Prise en compte des surfaces collectives d'alpage dans la nouvelle politique agricole commune

M. Jean-Michel Arnaud .  - Le plan stratégique national de la nouvelle politique agricole commune (PAC) est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Or les surfaces collectives d'alpage sont mal prises en compte par les conditions d'éligibilité aux paiements directs découplés.

En l'état actuel des critères, seul le gestionnaire des surfaces collectives d'alpage pourrait directement toucher l'aide liée à l'écorégime. C'est contraire au mode de calcul des aides découplées, pour lesquelles des portions de surfaces collectives sont réaffectées à chaque éleveur en fonction de son usage de l'espace collectif.

Une telle situation entraîne des pertes importantes pour les éleveurs et une inégalité de traitement entre les alpages privés et les alpages collectifs, pourtant plus écologiques. Par ailleurs, une grande partie des alpages des Hautes-Alpes sont gérés par des syndicats. Or le plan stratégique national ne les reconnaît pas juridiquement comme gestionnaires éligibles aux aides européennes.

Quelles mesures correctives peuvent être mises en oeuvre ? Soyez aux côtés de nos éleveurs.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - L'écorégime doit valoriser les services environnementaux de l'élevage extensif. C'est pourquoi il a été décidé de l'étendre au mécanisme de rapatriement des surfaces d'estive gérées en commun par les éleveurs bénéficiaires de cette aide.

Le respect des critères sera vérifié sur les surfaces déclarées par l'exploitant dans son dossier PAC et sur les surfaces rapatriées d'estive. Le gestionnaire d'estive pourra faire une demande d'aide et obtenir le versement de l'écorégime.

Du point de vue réglementaire, l'agriculteur est une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales. Un syndicat gestionnaire d'estive peut répondre à cette définition. L'agriculteur actif est défini selon que le demandeur d'aide est une personne physique, une société, une structure de droit public ou encore une association. Pour ce qui concerne le gestionnaire d'estive, l'éligibilité au caractère d'agriculteur actif s'appréciera selon la forme juridique de la structure. Les syndicats intercommunaux sont une forme de personne morale de droit public bien prévue par le plan stratégique national, et correspondant bien à la définition de l'agriculteur actif.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Ces éléments sont satisfaisants. Merci.

Réglementation des boisements

M. Patrice Joly .  - La loi du 23 février 2005 a confié la réglementation des boisements aux départements.

La mise en oeuvre de cette réglementation présente de réelles difficultés en l'absence d'outils efficaces de suivi de l'utilisation des sols. C'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'articuler cette réglementation avec d'autres, comme celle relative aux plantations de sapins de Noël dont les règles strictes peuvent conduire à passer d'une qualification de culture à une qualification de boisement. Cette situation est observée dans le département de la Nièvre, premier producteur de sapins de Noël.

Le département, en l'absence d'outils, se retrouve vite démuni dans l'exercice de sa mission. Pour la mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC), l'État s'appuie sur le registre parcellaire graphique (RPG) non anonymisé. Ces informations pourraient-elles être mises à disposition des départements ? Sinon, dans quelle mesure l'État pourrait-il traiter ces informations pour leur compte ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Les cultures de sapins de Noël en pleine terre ne sont pas éligibles aux aides de la PAC. Jusqu'en 2022, le RPG ne permettait pas de les identifier. Il est prévu que les déclarants PAC qui souhaitent détailler des cultures non admissibles dans leur déclaration puissent les y inclure en 2023. Toutefois, cette information ne sera pas exhaustive.

La localisation des parcelles concernées sera publiée chaque année par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) sous la forme d'une cartographie nationale détaillée et anonymisée.

Le RPG contenant des données personnelles et relevant du secret des affaires, ses informations ne sont communicables qu'à l'intéressé. Il ne peut pas être mis à la disposition des départements. Néanmoins, ces derniers peuvent se rapprocher des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) pour convenir d'une réponse à leurs besoins.

Situation pédiatrique dans le Cher

M. Rémy Pointereau .  - Le Cher, comme de nombreux territoires ruraux, souffre d'une pénurie de pédiatres. Le centre hospitalier Jacques-Coeur de Bourges n'en compte que trois, dont un est proche de la retraite et un autre est à 80 %. La seule unité de néonatalogie avec soins intensifs du département risque de fermer.

Madame la ministre, vous allez me parler du plan d'urgence de 150 millions d'euros. Je doute que ce soit assez. De surcroît, c'est du court terme. Enfin, il ne faut pas des millions d'euros, mais des pédiatres.

Comment agir pour mon département, fortement touché par la désertification médicale ? Nous sommes dans une impasse. La santé de nos enfants et petits-enfants est en jeu.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La situation du Cher est semblable à celle de nombreux départements. Nous devons apporter des réponses à court, moyen et long termes.

La situation du centre hospitalier de Bourges, liée à des arrêts maladie ou maternité, est connue de l'agence régionale de santé (ARS), très mobilisée. Les équipes du centre hospitalier ont su trouver des solutions pour assurer la permanence des soins. Je salue leur mobilisation. Une partie de la réponse a été trouvée grâce à une collaboration avec la clinique Guillaume de Varye de Bourges. Cela témoigne d'une coopération intelligente entre structures publiques et privées.

Certes, c'est du court terme. À moyen terme, il faut former des pédiatres. Monsieur le sénateur, vous savez que le numerus clausus a été levé. Entre-temps, il faut trouver les réponses les plus pertinentes avec tous les professionnels de santé du territoire.

M. Rémy Pointereau.  - Il nous faut des solutions concrètes. La coopération avec Guillaume de Varye est de court terme. Nous devons former davantage de pédiatres. Le Cher est victime de désertification médicale. Je prie pour ne pas avoir à interpeller un jour le Gouvernement, à la suite d'un drame.

Effectifs du commissariat du XVIIe arrondissement de Paris

Mme Catherine Dumas .  - En concertation avec le maire du XVIIe, Geoffroy Boulard, j'attire votre attention sur le niveau insuffisant des effectifs du commissariat de l'arrondissement, situé rue Truffaut.

Lors du précédent quinquennat, le Président de la République avait prévu de recruter près de 10 000 policiers supplémentaires... C'était le bon sens. Mais après cinq ans, cette promesse ne s'est pas traduite dans les faits, notamment dans le XVIIe.

Malgré la création d'une brigade équipée de vélos tout-terrain, la baisse constante des effectifs a atteint un niveau critique, l'été dernier, pendant lequel il n'y avait, en soirée, qu'un seul véhicule de police secours.

Depuis 2017, les effectifs ont diminué de 15 % ; si la Préfecture de police dispose de plusieurs unités qui peuvent venir en soutien, elles ne sont pas là au quotidien.

Or le XVIIe compte près de 167 000 habitants et doit faire face à d'importants problèmes de sécurité. Le ministre de l'intérieur, doit fournir les effectifs suffisants pour permettre à la police de protéger nos concitoyens.

Préfet de police depuis juillet, Laurent Nuñez a annoncé l'affectation de 1 000 nouveaux policiers et l'installation de 500 caméras supplémentaires dans la capitale. Qu'en est-il ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le commissariat de police du XVIIe arrondissement dispose, au 31 décembre 2022, de 283 fonctionnaires.

Le modèle d'organisation de la préfecture de police interdit de se limiter aux seuls effectifs d'un commissariat d'arrondissement pour mesurer les moyens mobilisés pour assurer les missions de sécurité publique de ses habitants.

La direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qui a en charge les commissariats parisiens, gère aussi des sous-directions spécialisées : sous-direction de la police des transports, qui oeuvre dans le métro et le RER, sous-direction de la lutte contre l'immigration irrégulière, sous-direction des services spécialisés incluant les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI) et les brigades anti-criminalité (BAC).

D'autres directions spécialisées agissent dans le XVIIe : direction de la police judiciaire et ses divisions territoriales ; direction de l'ordre public et de la circulation ; direction du renseignement (DRPP) ; direction de l'innovation, de la logistique et des technologies (DILT). Toutes concourent à la sécurité des habitants du XVIIe.

Gendarmerie d'Espalion

M. Jean-Claude Anglars .  - Le 10 janvier 2022, le Président de la République a annoncé la création de 200 brigades de gendarmerie en milieu rural, annonce traduite dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) votée définitivement au Sénat au mois de décembre 2022.

La densification du maillage territorial de la gendarmerie est nécessaire pour rapprocher les forces de l'ordre de la population, que les nouvelles brigades soient fixes ou itinérantes.

Les brigades fixes se verront mettre à disposition des bâtiments existants ou de nouveaux bâtiments, et cela, d'ici cinq ans. Ce délai interpelle, notamment au regard de ce qu'on constate en Aveyron.

La construction d'une caserne de gendarmerie à Espalion a été annoncée le 23 septembre 2020, soit deux ans avant l'annonce du Président de la République, et avant la Lopmi. Or le projet n'avance pas !

Pouvez-vous m'en dire plus ? Les élus et les gendarmes attendent.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le plan de création de 200 brigades de gendarmerie vise à renforcer la sécurité des Français, avec plus de proximité et une meilleure prise en charge des victimes.

Les préfets, en lien avec les commandants de groupement, conduisent depuis septembre 2022 une large concertation avec les élus qui permettra, d'ici février ou mars 2023, d'examiner les propositions en considérant les besoins opérationnels, l'offre immobilière disponible, les conditions de travail et de vie proposées ainsi que la mobilisation locale autour du projet. Les premières décisions seront prises au cours du premier trimestre 2023.

S'agissant d'Espalion, et sur le fondement d'un agrément de principe immobilier délivré en octobre 2020, les services ont agréé en novembre 2022 le futur terrain d'assiette et les conditions juridiques de l'opération, issues des dispositions du décret du 26 décembre 2016.

Il appartient désormais au maître d'ouvrage désigné, Sud Massif Central Habitat, de produire les compléments d'information financiers et juridiques attendus et de s'engager résolument dans la phase de conception technico-architecturale du projet, sur la base des référentiels qui lui ont été communiqués. Si le chantier se déroule de façon normale, la livraison de la nouvelle caserne devrait avoir lieu fin 2025. La mairie d'Espalion est et restera systématiquement informée.

Évolution du statut des correspondants locaux de presse

M. Jean-Pierre Sueur .  - Le statut des correspondants locaux de presse n'a pas évolué depuis la loi du 27 janvier 1987, qui leur confère la qualité de travailleurs indépendants qui « contribuent à la collecte de toute information ». Cela ne prend pas en compte la réalité de leur métier. Leur rémunération et la prise en charge de leurs frais sont limitées, ils ne bénéficient pas d'une grille tarifaire et ne cotisent pas à l'Urssaf : ils ont donc un statut très précaire alors qu'ils participent pleinement à rédaction, à la mise en forme et à la diffusion de l'information auprès de nos concitoyens.

En outre, dans nombre de publications, ils n'ont pas la possibilité de signer leurs articles - ce qui a pour effet d'anonymiser un travail intellectuel personnel. Le Gouvernement entend-il faire évoluer ce statut pour qu'il corresponde enfin à la réalité de leur activité ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La presse régionale et départementale joue un rôle déterminant et les correspondants locaux de presse permettent de couvrir l'actualité au plus près des territoires.

La loi de 1987 en fait des collaborateurs occasionnels des titres de presse locale, percevant des revenus à titre accessoire, en complément d'une autre rémunération comme, par exemple, une pension de retraite. Ils n'ont pas vocation à se substituer aux journalistes professionnels.

La loi leur confère le statut de travailleur indépendant, qui leur permet d'imputer, sur leurs bénéfices imposables, les charges professionnelles telles que les frais de déplacement. Ils bénéficient également d'un régime dérogatoire de cotisations sociales. En outre, pendant la crise sanitaire, ils ont pu bénéficier des différents dispositifs d'aides aux travailleurs indépendants.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous m'exposez l'état de la situation que je connais parfaitement ! Ces correspondants remplissent les pages de nos journaux régionaux, pour une rémunération extrêmement faible. Je réitère donc mon souhait de voir leur statut amélioré.

Protection des systèmes d'eau et d'assainissement contre les coupures électriques

Mme Florence Blatrix Contat .  - Le spectre des coupures électriques semble s'éloigner grâce aux efforts de nos concitoyens et à la douceur des températures. Cependant, le réseau demeure fragile et des centrales sont toujours à l'arrêt : les risques de délestage ne sont pas écartés.

Les associations d'élus ont alerté le Gouvernement sur les risques pesant sur les systèmes d'assainissement et d'eau portable : des coupures entraîneraient des conséquences majeures, notamment pour les hôpitaux ou pour les installations de rechloration assurant la potabilité de l'eau. En matière d'assainissement, des eaux non traitées se déverseraient dans les milieux naturels. C'est pourquoi ces installations doivent être classées comme prioritaires.

Dans le cas contraire, comment l'État accompagnera-t-il les collectivités concernées ? Quel régime de responsabilité serait appliqué en cas de pollution liée au délestage ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Notre pays traverse la plus grande crise énergétique depuis les années 1970.

Le Gouvernement a agi : maximisation des moyens de production, sécurisation des importations, accélération de la production d'énergies renouvelables. Grâce à la mobilisation des Français, la consommation d'électricité a baissé de 8,5 % en décembre dernier. Toutefois, l'hiver n'est pas terminé.

La réglementation prévoit des listes d'usagers prioritaires, qui visent avant tout à éviter les menaces immédiates sur la vie d'une personne. Les installations d'eau potable et d'assainissement ne sont pas explicitement prévues par l'arrêté du 5 juillet 1990. Toutefois, les préfets en tiennent compte lorsqu'ils identifient les sites sensibles.

Ce sujet est l'affaire de tous : opérateurs, État, collectivités territoriales, élus, acteurs économiques, associations et citoyens.

Relance du secteur de la pêche en Guyane

M. Georges Patient .  - La pêche guyanaise se meurt : sur 130 licences de pêche accordées, seules 45 sont régulièrement exploitées, faute de rentabilité. Pourtant, la Guyane est riche de ressources halieutiques.

Les maux sont connus : vétusté de la flotte, absence de main-d'oeuvre, pêche illégale. Or il y a urgence à agir. Où en sont les études sur la ressource, préalable imposé par l'Union européenne au renouvellement de la flotte ? Quand les bateaux destinés à la pêche côtière seront-ils construits ? Quid du plan d'action de 2018 visant à créer une nouvelle flotte pour exploiter la bande des 30 à 200 milles nautiques, inexploitée aujourd'hui ? Les bateaux précédemment localisés dans la Manche pourront-ils être affectés en Guyane ? À la suite d'une réécriture malheureuse, le vivaneau rouge a perdu la franchise de taxes douanières de 15 % : les démarches ont-elles été lancées auprès de la Commission européenne ? La lutte contre la pêche illégale suppose une surveillance constante : il y va de la survie du secteur.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le Gouvernement connaît ces difficultés. La pêche illégale est un fléau pour la Guyane et la France. C'est grâce aux outre-mer que notre pays dispose du deuxième espace maritime mondial.

Nous militons en faveur d'une filière locale de pêche rémunératrice et durable. À la demande de mon collègue Hervé Berville, le directeur général des affaires maritimes de la pêche et de l'aquaculture s'est rendu en Guyane en décembre afin d'échanger avec les acteurs concernés. L'État déploie des moyens considérables : 300 contrôles annuels sont effectués chaque année par la marine nationale, la gendarmerie et les affaires maritimes, qui disposeront prochainement d'une nouvelle unité côtière. Une convention de lutte contre la pêche illégale sera prochainement signée.

Le règlement européen portant sur les droits de douane applicables au vivaneau rouge sera prochainement renégocié, en cohérence avec les intérêts des autres régions ultra-maritimes ayant développé une production de ce type.

Coût exorbitant des billets d'avion

Mme Victoire Jasmin .  - Les prix des billets d'avion au départ ou à destination des outre-mer sont exorbitants. En un an, ils ont augmenté de 30 % : les ménages sont lourdement pénalisés. Cela participe d'un phénomène structurel de vie chère en outre-mer, dont les conséquences humaines sont dramatiques, surtout pour les familles aux moyens limités.

Je plaide pour un bouclier tarifaire sur le prix des billets d'avion, au titre de la continuité territoriale, comme c'est le cas en Corse. Je suis également favorable à une politique ambitieuse d'ouverture du ciel en décentralisant les autorisations d'ouvertures de lignes aériennes, souvent bloquées par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) : la concurrence serait ainsi renforcée.

Les prix des billets en classe économique dépassent 1 000 euros : il conviendrait de les plafonner à 500 euros.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Les routes aériennes entre la métropole et les départements d'outre-mer (DOM) sont des liaisons européennes : à ce titre, elles sont entièrement libéralisées.

Le coût des billets d'avion a augmenté de 8 % entre 2019 et 2022, contre 12 % pour les lignes au départ de la métropole vers l'international. Ces augmentations sont dues à la hausse du prix des carburants et à l'inflation.

Toutefois, les liaisons vers les DOM sont concurrentielles, puisque l'on compte trois transporteurs pour les Antilles et quatre pour La Réunion.

De plus, l'État agit : le fonds de continuité territoriale finance plusieurs passeports-mobilité -  études, stage et formation professionnelle  - et l'aide à la continuité territoriale. Au total, l'État a consacré près de 16 millions d'euros à ces dispositifs en 2021.

La loi de finances pour 2023 prévoit un renforcement des moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) afin de réduire le reste à charge des plus fragiles à 50 % du prix du billet. Les collectivités territoriales peuvent également décider de soutenir ces tarifs sociaux.

Zéro artificialisation nette

M. Édouard Courtial .  - La lutte contre l'artificialisation des sols est un enjeu prioritaire, et nul ne remet en cause l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d'ici 2050.

En revanche, la méthode du Gouvernement est jugée brutale, centralisatrice, irréaliste et inutile par les élus locaux, qui se sentent abandonnés par l'État. Comment le leur reprocher, lorsque tout est décidé à Paris et que les décrets d'application sont plus restrictifs que la loi ?

Le Sénat, lui, souhaitait faire confiance aux élus. Le Gouvernement a enfin amorcé un revirement - c'est heureux !

Madame la ministre, êtes-vous favorable aux recommandations contenues dans la proposition de loi transpartisane déposée le 14 décembre dernier ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Chaque année, 20 000 hectares d'espace agricole naturel et forestier sont consommés en France, soit près de cinq terrains de football par heure.

La réforme vise à diminuer cette consommation tout en assurant le développement des territoires. Nous visons zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers d'ici dix ans.

La trajectoire sera modulée afin de tenir compte des réalités locales, notamment le désenclavement rural. Le 24 novembre dernier, la Première ministre a rappelé que les communes rurales devaient pouvoir construire. Un décompte des grands projets sera effectué à l'échelle nationale.

Une concertation détaillant ces ajustements associera les parlementaires et les représentants d'associations d'élus en 2023 et l'offre en ingénierie locale sera renforcée.

M. Édouard Courtial.  - Je salue le volontarisme de la ministre, mais resterai vigilant : ces intentions doivent se traduire sur le terrain.

Subvention Alvéole

M. Olivier Henno .  - Le 14 octobre 2021, Nicolas Bouche, maire de Lambersart, m'alertait sur les difficultés liées au dispositif de subvention Alvéole. Cinq abris à vélo n'ont pu être livrés dans le délai imparti pour bénéficier de la subvention, en raison d'une pénurie de matières premières.

Toutes les communes devraient pouvoir bénéficier de ce dispositif intéressant, surtout si elles ont complété leur dossier dans les délais.

Le 20 octobre 2021, j'ai écrit à Mme Pompili en vue d'obtenir un sursis au profit de la commune. Le 30 novembre 2021, dans cet hémicycle, Mme Abba m'assurait que les dossiers incomplets seraient traités avec bienveillance.

Or le 1er septembre dernier, la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) indiquait à M. Bouche que son dossier n'était pas éligible au projet Alvéole. Aucune justification ne lui a été apportée.

Allez-vous assouplir les règles d'attribution de ces subventions qui participent à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le programme Alvéole visait à aider les collectivités territoriales à installer des abris à vélo. C'est un succès, avec 18 000 emplacements fin 2021. Un nouveau programme vise la construction de 100 000 emplacements.

Les demandes de subvention ont été surtout déposées à la fin de la période d'éligibilité. L'État a demandé aux porteurs de projet d'informer régulièrement les bénéficiaires : 322 demandeurs ont ainsi été suivis individuellement malgré des demandes tardives ; 289 ont reçu une réponse favorable, soit 90 %.

La commune de Lambersart a sollicité une aide le 5 juillet 2021. Elle a été placée sur liste d'attente en raison de la forte demande. Malgré les relances, elle n'a pas répondu aux demandes d'information complémentaire portant sur l'état d'avancement du projet.

Extension des zones Natura 2000

M. Hervé Gillé .  - La modification du périmètre du site Natura 2000 de Garonne en Nouvelle-Aquitaine vise à impliquer plus d'acteurs dans la préservation de la biodiversité. Toutefois, elle inquiète les agriculteurs et les populiculteurs concernés.

Dans un site Natura 2000, l'engagement en faveur de la biodiversité repose sur le volontariat. Lorsqu'un signataire s'engage, il doit adopter des pratiques cohérentes avec les orientations de développement du site.

Les acteurs agricoles s'inquiètent toutefois d'un éventuel durcissement de la réglementation, notamment celle relative aux coupes de peupleraies, aux premiers boisements en peupliers ou aux retournements de prairie. Le projet de décret relatif à l'encadrement des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 les préoccupe également.

Instaurer des restrictions supplémentaires serait contre-productif. Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement ? Si elle était décidée, toute évolution réglementaire devrait tenir compte du contexte économique.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La France s'engage résolument en faveur de la protection de la biodiversité. Nous souhaitons que les aires protégées représentent 30 % du territoire national.

Le Gouvernement agit avec les partenaires socio-économiques : le modèle français n'exclut pas les activités économiques sur ces sites. L'extension d'un site Natura 2000 soumet parfois certaines activités à des obligations nouvelles. Toutefois, les listes départementales visent à tenir compte des enjeux locaux.

La même logique de subsidiarité a présidé à la rédaction du décret encadrant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 : les préfets sont compétents en la matière.

La France privilégie la contractualisation et l'accompagnement de tous les acteurs.

M. Hervé Gillé.  - Merci pour votre réponse. L'extension est source d'inquiétude, mais les acteurs sont prêts à s'engager. Il faut les rassurer et les accompagner.

Avenir de l'observatoire météorologique du Mont Aigoual

M. Laurent Burgoa .  - L'observatoire météorologique du mont Aigoual fermera ses portes le 31 mars 2023. Un centre d'interprétation et de sensibilisation au changement climatique, géré par la communauté de communes Causses Aigoual Cévennes - Terres solidaires -, ouvrira ses portes dès le printemps prochain.

Dès 2019, des travaux de réhabilitation ont été engagés pour un montant de 3,5 millions d'euros. La communauté de communes proposera également des activités éducatives. L'observatoire mettra à disposition des entreprises un centre de test en conditions climatiques extrêmes.

En 2019, le PDG de Météo-France avait annoncé que deux équivalents temps plein seraient mis à disposition afin d'assurer la médiation scientifique de mai à octobre. Malheureusement, Météo-France est revenue sur sa décision au mois d'août dernier.

Madame la ministre, je ne comprends pas ce désengagement et je vous prie de bien vouloir appuyer ce projet auprès de Météo-France.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La création du centre du mont Aigoual résulte d'un partenariat bien installé entre la communauté de communes et Météo-France. Plusieurs spécialistes du climat participeront ainsi au comité scientifique du centre.

Depuis dix ans, le personnel de Météo-France a été réduit de 25 % et ses implantations territoriales ont été supprimées. L'organisme a donc été contraint de cesser la mise à disposition de personnel pour des missions d'animation scientifique. Le site du mont Aigoual ne fait pas exception.

Toutefois, Météo-France propose d'apporter son appui au centre durant la première saison. Les modalités d'application de ce partenariat ont fait l'objet de discussions au niveau local. La PDG de Météo-France se rendra prochainement sur place pour échanger avec les élus et les acteurs concernés.

Fixation des frais de scolarité entre communes rurales

Mme Nadia Sollogoub .  - Lorsqu'une commune accueille dans ses écoles publiques des élèves domiciliés dans une autre commune, les dépenses de fonctionnement sont réparties par accord entre la commune d'accueil et la commune de résidence. D'où des réalités variées suivant les territoires, mais les tarifs fixés sont souvent au-delà des possibilités financières des communes les moins aisées. Dans les faits, les communes de résidence se sentent souvent lésées, surtout lorsque les communes d'accueil ont du mal à honorer leur contribution.

Le Gouvernement entend-il aider les communes d'accueil pour leurs frais de fonctionnement, ou fixer un barème tenant mieux compte des possibilités financières des communes de résidence ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Le code de l'éducation autorise deux ou plusieurs communes à se réunir pour l'entretien d'une école. Dans la répartition des frais de fonctionnement, il est tenu compte des ressources de la commune de résidence, du nombre d'élèves et du coût moyen par élève dans les écoles de la commune d'accueil. Les dépenses prises en compte sont les charges de fonctionnement, à l'exception du périscolaire.

Il n'appartient pas au ministère de l'éducation nationale de s'ingérer dans les négociations entre les communes. À défaut d'accord, le préfet fixe la contribution de chaque commune après avis du conseil départemental de l'éducation nationale. Ce système fonctionne, ce qui ne justifie pas d'aides compensatoires supplémentaires. Toutefois le ministère reste vigilant sur le sujet.

Mme Nadia Sollogoub.  - Amazy, petite commune de la Nièvre, a vu sa contribution fixée à 30 000 euros en 2010 pour trente enfants scolarisés dans une autre commune. Cette année-là, elle n'a pas pu boucler son budget.

À Magny-Lormes, dans le même département, la contribution a été fixée à 4 000 euros en 2022 pour deux enfants en primaire et un en maternelle. On annonce à cette commune 10 600 euros pour 2023, 16 700 pour 2024 ! Certaines communes rurales en viennent à appréhender de voir des familles avec enfants s'installer ! Dans un département en déprise démographique, c'est un comble...

Inclusion scolaire

M. Olivier Paccaud .  - Depuis la loi de 2005, nous avons fait d'importants progrès dans l'accueil au sein des écoles de la République des élèves frappés par le destin et par le handicap. Toutefois, il convient de ne pas nous endormir sur nos lauriers. Ainsi, depuis deux ou trois ans, par manque d'éducateurs spécialisés, l'Éducation nationale accueille les élèves présentant des troubles de comportement dans les classes traditionnelles, au lieu des instituts médico-éducatifs (IME) et des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) dont ils devraient relever.

Les conséquences sont catastrophiques, avec des atmosphères délétères dans les classes qui conduisent les professeurs au bord de la dépression ou de la démission. Face à l'attitude agressive de certains élèves, ils ne reçoivent ni aide ni écoute de leur hiérarchie. Les enfants concernés s'épanouissent rarement dans ces classes, et la situation est tout aussi préjudiciable pour leurs petits camarades. Or rien ne bouge.

Donnerons-nous aux établissements spécialisés les moyens d'accueillir enfin ces enfants ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - L'éducation est un droit fondamental, c'est pourquoi le Président de la République, dès son premier mandat, a fait de la scolarisation des élèves en situation de handicap une priorité. Près de 476 000 d'entre eux sont désormais scolarisés, et 184 000 accompagnants ont été recrutés.

Mais il faut aller plus loin. Pap Ndiaye et Geneviève Darrieussecq sont pleinement engagés dans l'acte II de l'école inclusive. Des mesures ambitieuses seront annoncées au printemps par le Président, en particulier pour les élèves ayant des troubles du comportement.

Après avoir échangé avec l'équipe éducative, la famille peut solliciter l'évaluation de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées en vue d'une reconnaissance de situation de handicap, et le cas échéant se voir attribuer des mesures de compensation.

Les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) sont une autre modalité de l'accessibilité pédagogique. Une carte des Ulis est arrêtée annuellement par le recteur d'académie, pour assurer un maillage territorial cohérent avec l'offre médicale et médico-sociale. Nous en comptons désormais 10 300, et plus de 300 ont été ouvertes en 2022.

Les élèves ayant des troubles du comportement peuvent en effet être accueillis en classe ordinaire, et, s'ils bénéficient d'un projet personnalisé de scolarisation, être accompagnés par un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Nous avons à coeur de trouver une solution pour chaque élève, adaptée à ses besoins.

M. Olivier Paccaud.  - Le trouble du comportement n'est pas un handicap comme les autres. Nous manquons d'IME et d'Itep.

Situation financière des boulangers, bouchers, charcutiers et traiteurs

M. Jean-Yves Roux .  - J'attire votre attention sur la détresse des artisans bouchers, charcutiers et boulangers. Face à l'augmentation des coûts de l'énergie, ils ne peuvent éteindre leur four ou leur chambre froide, se passer de farine ou de beurre ou augmenter démesurément leurs tarifs.

Le Gouvernement a proposé mardi 3 janvier plusieurs mesures : reports d'imposition, création d'un guichet unique, renégociations avec les grands opérateurs d'énergie, aides pouvant atteindre 40 % de l'augmentation de la facture. Mais dans les Alpes de Haute-Provence, nos artisans, boulangers en tête, nous disent que cela ne suffira pas à passer l'année, qu'ils ont besoin de plus de visibilité et de simplicité.

Nous savons combien ces artisans sont essentiels à la vie de nos communes rurales. Ils évitent aux habitants de faire des kilomètres pour aller s'approvisionner, leur garantissent des produits de qualité.

Les élus se battent chaque jour, avec l'État et l'Europe, pour revitaliser nos petites communes et notre commerce de proximité. La disparition d'un artisan dans la ruralité peut ainsi sonner le glas d'années d'efforts publics conjoints.

Allez-vous proposer des tarifs réglementés plus avantageux à nos artisans, notamment dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), des aides complémentaires au titre de la cohésion des territoires et enfin leur permettre, à moyen terme, d'investir dans des modes de production moins énergivores et plus autonomes ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Votre question me donne l'occasion de faire le point sur les aides proposées par le Gouvernement.

D'abord le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité bénéficiera aux TPE de moins de 10 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires ayant un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kilovoltampères. La hausse sera ainsi contenue à 15 % en moyenne pour cette année.

Pour les TPE non éligibles à ce bouclier, les fournisseurs se sont engagés à passer des contrats où le prix de l'électricité ne dépassera pas 280 euros par mégawattheure.

Vient ensuite l'amortisseur électricité, mis en place à partir de 2023 pour les PME et les TPE ne bénéficiant pas du bouclier tarifaire.

Enfin, l'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz, qui peut aller jusqu'à 4 millions d'euros, peut être demandée par les TPE-PME ayant bénéficié de l'amortisseur électricité. Au total, l'État pourra prendre en charge 35 à 40 % de la hausse de la facture. Cette mesure concerne précisément les publics mentionnés dans votre question.

Le report du paiement des cotisations sociales a également été proposé à certaines entreprises, dont les artisans boulangers.

Enfin, ceux qui ne bénéficient d'aucun de ces dispositifs pourront se rapprocher du conseiller départemental à la sortie de crise pour trouver des solutions complémentaires.

Mutualisation des pylônes et antennes-relais

M. Stéphane Demilly .  - Au 1er septembre 2022, on recensait plus de 60 000 pylônes, châteaux d'eau, toits-terrasses et autres points hauts sur lesquels sont arrimées les antennes de téléphonie mobile. La multiplication de ces pylônes porte atteinte au paysage et provoque craintes et mécontentements.

Ce mitage du territoire ne règle d'ailleurs pas le problème persistant des zones blanches, notamment dans mon département de la Somme. Comment se fait-il qu'en 2023, votre portable puisse encore être coupé à tout moment dans certains endroits, malgré des installations téléphoniques records ? On peut communiquer avec un Thomas Pesquet en orbite, mais d'un village à l'autre, ça bugge...

Cette situation ubuesque s'explique sans doute par notre incapacité à mutualiser les installations.

Selon l'Agence nationale des fréquences, la France compte déjà plus de 300 000 antennes-relais. Le partage d'infrastructures entre opérateurs fonctionne bien ; cela permet d'éviter des doublons et d'assurer une couverture optimale du territoire. Le Gouvernement prévoit-il des mesures plus incitatives, voire contraignantes, en faveur de la mutualisation des pylônes et antennes-relais ? Ce serait un moyen efficace de résorber les déserts téléphoniques.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Il y a en effet une forme d'injonction contradictoire à vouloir à la fois résorber les zones blanches et limiter les antennes et leur empreinte carbone. Le New Deal mobile, lancé il y a cinq ans, prévoit la résorption de 5 000 zones blanches d'ici 2027, notamment en exigeant que les nouveaux pylônes attribués soient mutualisés. C'est le cas pour les 2 000 qui ont déjà été installés.

D'autres obligations légales sont déjà en application, en zone de montagne ou en zone peu dense pour la 5G. Enfin, l'article 30 de la loi Chaize oblige les opérateurs à justifier auprès du maire du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône.

Grâce à ces mesures, 70 % des antennes sont mutualisées.

Nous poursuivons nos efforts. En 2023, 600 nouveaux sites seront couverts ; dans la Somme, trente ont déjà été identifiés depuis le début du dispositif et quatre nouveaux sites sont attribués pour 2023. Les opérateurs se sont également engagés à une couverture des axes prioritaires, ainsi qu'à l'intérieur des bâtiments, des trains et des voitures.

Difficultés des artisans-commerçants face à la crise énergétique

M. Guillaume Chevrollier .  - Nos petits commerces de proximité sont confrontés à l'explosion de leur facture énergétique. Résignés, certains envisagent de mettre la clé sous la porte : c'est le cas d'une boulangerie de Mayenne, dont la facture d'électricité passera en 2023 de 11 000 à 41 000 euros. Outre les boulangeries, les métiers de bouche ou encore les garagistes sont concernés.

Pour les soutenir, l'État a mis en place différentes aides, dont le plafonnement à 280 euros du MWh pour les TPE - ce qui reste élevé. Le Gouvernement a entendu les inquiétudes et proposé des ajustements de dernière minute, mais cette profusion d'annonces entretient la confusion. Les démarches à accomplir pour percevoir les aides sont complexes, chronophages et évoluent d'une semaine à l'autre... Les TPE demandent avant tout de la visibilité.

La crise étant appelée à durer, ne devrait-on pas orienter les aides vers l'achat d'équipements moins énergivores, plutôt que de les distribuer à fonds perdu ? Nos artisans-commerçants font le lien social dans les territoires ruraux, nous devons les protéger. Ils ne veulent pas vivre de subventions mais du fruit de leur travail.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Pour donner à nos entreprises de la visibilité sur les prix de l'énergie, le Gouvernement agit sur l'offre d'énergie décarbonée française : c'est l'objet des projets de loi sur les énergies renouvelables et sur la filière nucléaire. En parallèle, nous oeuvrons à la réforme du marché européen de l'énergie, pour découpler le prix du gaz de celui de l'électricité et ramener le prix de l'énergie à un niveau plus proche de son coût de production.

Certaines situations exigent toutefois un accompagnement particulier. Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont réuni à plusieurs reprises les organisations représentatives des boulangers, notamment le 25 novembre et le 3 janvier dernier, ainsi que les fédérations professionnelles pour apporter des réponses au plus près des besoins.

Le médiateur de l'énergie, le médiateur des entreprises, le conseiller départemental à la sortie de crise - dont le numéro de portable est disponible sur le site du ministère - accompagnent les TPE et PME dans la mise en oeuvre de ces aides et l'obtention de reports de charges.

Les chambres de commerce et d'industrie vont contacter 20 000 entreprises ; les chambres de métiers et de l'artisanat vont appeler l'ensemble des 33 000 boulangeries pour leur faire connaître les dispositifs à leur disposition.

Réforme de l'automatisation du FCTVA

M. Christian Klinger .  - Avec l'automatisation du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), certaines dépenses sont devenues inéligibles. Ainsi des dépenses d'acquisition et d'aménagement de terrains. Pour les collectivités, c'est une perte sèche qui déséquilibre financièrement les projets concernés.

Un exemple : la ville de Munster investit 770 000 euros pour aménager un terrain de football, qui bénéficiera au dynamique club local, l'AS Munster, ainsi qu'aux scolaires. Avant la réforme, cet investissement aurait été éligible au FCTVA et aurait généré une recette d'investissement de 126 000 euros en année n+1. Désormais, il faudra le financer par l'emprunt. Pour les communes, c'est un manque à gagner important qui ne leur permet plus d'équilibrer les opérations lancées.

Comptez-vous réintroduire les opérations d'aménagement et d'acquisition de terrains dans le champ du FCTVA, comme le Sénat l'avait voté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - L'automatisation de la gestion du FCTVA, prévue par la loi de finances pour 2021, consiste à remplacer une procédure déclarative manuelle par l'imputation régulière dans les comptes d'une collectivité des dépenses d'investissement éligibles.

Le Gouvernement s'est attaché à préserver le périmètre des dépenses éligibles. Pour autant, des ajustements ont dû être opérés pour assurer la neutralité financière de la réforme. Le compte 212 « Agencement et aménagement de terrains » n'a pas été retenu dans la nouvelle assiette automatisée car il comporte des dépenses hors taxe, inéligibles au FCTVA. Idem pour le compte 2051 « Concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires ». Le Gouvernement a en revanche élargi l'assiette aux dépenses de services de cloud.

La réforme s'avère globalement favorable aux collectivités, notamment en supprimant le non-recours. Lors de sa première année de mise en oeuvre, elle a conduit à une importante accélération des paiements : au 1er septembre 2022, le décaissement atteignait 69 %, contre 42 % l'année précédente à la même date.

Un bilan sera conduit une fois que toutes les collectivités auront basculé dans l'automatisation, courant 2023.

M. Christian Klinger.  - Je regrette que la réintégration des opérations d'agencement et d'aménagement de terrains, votée par le Sénat, n'ait pas été retenue. En séance, le ministre avait laissé espérer un accord. Cette mesure est très attendue, j'espère qu'elle se concrétisera lors du prochain PLFR. Soyez à l'écoute des élus !

Difficultés des petites entreprises face à la crise énergétique

M. Patrick Chaize .  - Les petites entreprises sont durement frappées, malgré les aides mises en place, par l'explosion des coûts de l'énergie, qui s'ajoute à la hausse des prix des matières premières. Les grandes consommatrices d'énergie, comme les boulangeries, et celles qui doivent renégocier leur contrat d'électricité ou de gaz sont nombreuses à être menacées.

Or les entreprises et les collectivités dont l'abonnement électrique excède 36 kilovoltampères (KVA) n'ont pas accès au tarif réglementé, un excellent bouclier tarifaire. Ce critère de puissance, qui exclut de fait de nombreux professionnels, dont une large part des 30 000 boulangers, n'est en aucun cas imposé par le droit de l'Union européenne ; la France pourrait donc librement le supprimer.

Le Gouvernement compte-t-il permettre aux consommateurs professionnels de petite taille d'accéder aux tarifs réglementés même pour les puissances supérieures à 36 KVA ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Les TPE dont la puissance installée est inférieure à 36 KVA bénéficient du bouclier tarifaire de 15 % en 2023. Pour les autres, un amortisseur est prévu.

De toute évidence, celui-ci n'était pas suffisant. Le Gouvernement a donc décidé que toutes les TPE ayant signé au second semestre 2022 un contrat prévoyant un prix annuel moyen de la part énergie pour 2023 supérieur à 280 euros le MWh verraient le prix de leur contrat plafonné à ce niveau toute l'année.

Par ailleurs, une aide d'urgence a été mise en place le 1er juillet dernier pour le gaz et l'électricité ; elle a été prolongée jusqu'à la fin de l'année et simplifiée, notamment pour les faibles montants. Sont éligibles les entreprises dont les dépenses d'énergie atteignent 3 % de leur chiffre d'affaires de 2021 et qui paient leur mégawattheure à un prix unitaire moyen en hausse d'au moins 50 % par rapport à la même année.

Quant à l'amortisseur, il prend en charge 50 % de la part énergie de la facture dans une fourchette de 180 à 500 euros le MWh.

Enfin, toutes les entreprises peuvent faire appel aux conseillers départementaux à la sortie de crise, dont les numéros de téléphone sont publiés en ligne.

Nous sommes pleinement mobilisés pour préserver notre tissu économique dans cette période.

M. Patrick Chaize.  - Ma question portait sur la raison d'être du seuil de 36 KVA. Pourquoi ne pas déplafonner le bouclier tarifaire ? L'amortisseur est mieux que rien, mais ne suffit pas. Certes, le déplafonnement aurait un coût, mais il faut le comparer aux conséquences des fermetures d'entreprise. J'invite le Gouvernement à étudier de près cette solution.

Révision de la valeur locative des locaux professionnels

Mme Laure Darcos .  - L'année dernière, le projet d'actualisation des paramètres d'évaluation de la valeur locative des locaux professionnels a suscité une vive inquiétude parmi les élus et les chefs d'entreprise.

Dans l'Essonne, les commissions intercommunales des impôts directs se sont trouvées dans l'impossibilité de rendre un avis éclairé dans le délai prévu de deux mois. De nombreux maires nous avaient signalé la probabilité de fortes augmentations de fiscalité locale, d'autant moins compréhensibles qu'elles auraient touché d'abord les commerces de centre-ville et de centre-bourg.

La loi de finances pour 2023 tire les enseignements de ces difficultés et reporte l'entrée en vigueur des nouvelles bases à 2025. C'était nécessaire, compte tenu du caractère très parcellaire des données utilisées pour l'actualisation des paramètres et de la nécessité pour les commissions départementales des valeurs locatives de disposer d'une plus forte visibilité.

Il s'agit de définir les modalités selon lesquelles les travaux d'actualisation seront poursuivis. En tout état de cause, les élus locaux et les entreprises contribuables devront être étroitement associés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier et la méthode envisagés ? Nous devons aux élus et aux entreprises la plus grande transparence, car il y va du consentement à l'impôt.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Cet automne, l'Assemblée nationale et le Sénat ont décidé de reporter de deux ans l'actualisation de la valeur locative des locaux professionnels, initialement prévue le 1er janvier 2023.

Ces valeurs ont été révisées en 2017, pour que les impôts fonciers soient établis au plus près du marché locatif. Une actualisation régulière est nécessaire pour garantir une répartition équitable entre les entreprises.

La révision de 2017 a été accompagnée de plusieurs mécanismes destinés à en juguler les effets : neutralisation, pour éviter une augmentation généralisée de la pression fiscale, et planchonnement, pour lisser les augmentations individuelles. De tels mécanismes relèvent de la loi ; compte tenu du report de deux ans décidé par le Gouvernement, ils n'ont pas été à nouveau proposés au législateur.

Ce report montre que les alertes craintes exprimées par de nombreux élus sur les conséquences de l'actualisation et la faible visibilité des commissions locales des impôts ont été entendues.

Toute avancée devra prendre la forme d'une concertation approfondie avec les entreprises et les collectivités courant 2023.

Mme Laure Darcos.  - Nous serons vigilants. Les directions départementales des finances publiques aussi ont besoin de disposer d'un calendrier. Évitons de nous retrouver, comme la fois précédente, au pied du mur, contraints de tenir des réunions dans la précipitation.

Fraude dans le secteur de la rénovation énergétique

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Malgré l'ajustement du label « Reconnu garant de l'environnement » (RGE), l'encadrement des certificats d'économie d'énergie (CEE) et les échanges d'informations entre administrations, entre autres mesures, des abus persistent dans le secteur de la rénovation énergétique.

Les fraudes touchent le plus souvent des personnes âgées ou fragiles. Cette délinquance de proximité passe notamment par l'achat de fichiers clients à des centres d'appels. Les entreprises concernées, généralement titulaires du label RGE, sous-traitent et n'ont parfois qu'une simple boîte postale. Elles sont donc difficiles à sanctionner.

Alors que les ménages pensent faire appel à des entreprises de bonne foi, une enquête récente montre que le taux de non-conformité des travaux atteint 51 % pour les isolations de comble et 30 % pour les isolations murales.

Quel est le bilan de la lutte contre la fraude aux CEE ? Comment entendez-vous améliorer la qualité des travaux et prévoyez-vous d'élargir la palette des contrôles ? La coordination entre l'autorité administrative ou judiciaire, l'Ademe et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est-elle efficace ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le Gouvernement est très attentif à la protection du consommateur dans le secteur de la rénovation énergétique.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mettra en oeuvre en 2023 un programme de contrôles renforcés et ciblés : 1 200 établissements seront contrôlés, et les suites qui conviennent, y compris pénales, seront données aux anomalies constatées.

Ces contrôles portent déjà leurs fruits. Ainsi, le gérant d'une entreprise a été condamné par le tribunal de Strasbourg en décembre dernier à douze mois de prison avec sursis probatoire pendant trois ans ; en outre, il lui est interdit de gérer une entreprise pendant cinq ans et il devra verser plus de 67 000 euros aux parties civiles.

En s'appuyant sur la loi Climat et résilience, les services de l'État ont renforcé leurs échanges d'informations pour une lutte plus réactive et efficace contre les fraudes. Ils communiquent aux organismes délivrant une certification ou une qualification les éléments recueillis à l'occasion de leurs contrôles : les entreprises aux pratiques déloyales ou frauduleuses peuvent ainsi se voir retirer le label RGE plus rapidement.

Enfin, la loi du 24 juillet 2020 interdit le démarchage téléphonique dans ce secteur, sauf en cas de contrat en cours. La DGCCRF déploie un plan de contrôle particulier sur ce point. Plusieurs sanctions, d'un montant dissuasif, ont déjà été prises.

Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour protéger les consommateurs, garantir aux nombreux artisans honnêtes une concurrence loyale et permettre à notre pays d'atteindre ses objectifs climatiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Combattre la fraude est indispensable à une massification de la rénovation énergétique. Je vois que le Gouvernement est mobilisé : ne lâchons rien, car il y va de l'atteinte de nos objectifs dans ce domaine.

La séance est suspendue à 12 h 35.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution proposant au Gouvernement de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels présentés, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par MM. Fabien Gay, Pierre Laurent, Mme Marie-Noëlle Lienemann et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe CRCE.

M. Fabien Gay, auteur de la proposition de résolution .  - L'impact des prix de l'énergie sur nos concitoyens, les entreprises, les collectivités territoriales laisse voir l'ampleur de la crise qui est devant nous. Le mythe de la libéralisation du marché de l'énergie, qui devait faire baisser les prix, n'a pas passé l'épreuve de la réalité. Fondons-nous sur les faits plutôt que sur les dogmes.

Nous proposons de sortir du marché européen de l'énergie, de prendre un autre chemin que l'Europe des traders et de construire une Europe de l'énergie qui protège les plus fragiles.

Je veux réfuter une contrevérité : sortir du marché n'entraînerait pas la fin des interconnexions et un repli sur soi, contrairement à ce qu'ânonnent certains membres du Gouvernement. Le marché européen a été créé en 1997, alors que les premières interconnexions datent de 1967. Laissons les experts de BFM Business entretenir cette contrevérité.

De même que nous pouvons commercer sans tomber dans un libre-échange climaticide, de même nous pouvons maintenir des interconnexions sans abonder les profits des traders.

Ce marché repose sur trois illusions. Tout d'abord, l'électricité n'est pas une marchandise comme une autre. Certes, un marché s'organise avec une offre et une demande, mais surtout avec un stock. Les dés sont pipés sur le marché européen de l'électricité, car il faut produire exactement au niveau de la demande : quel que soit le prix demandé par le producteur, le demandeur devra l'acheter. Les autorités de régulation peuvent procéder à des ajustements, mais le marché de gros et le marché spot favorisent le trading. L'électricité doit être sortie du secteur marchand et reconnue comme un bien commun de l'humanité. (M. Stéphane Piednoir acquiesce.)

Deuxième illusion : les productions nationales d'électricité sont diverses. Malgré des mix énergétiques différents, un même prix est fixé au niveau européen.

Mme Céline Brulin.  - Très bien !

M. Fabien Gay.  - Marcel Boiteux, PDG d'EDF de 1967 à 1987, a créé le prix marginal ; si cela s'entend au niveau national, au niveau européen c'est une aberration. Contrairement à la promesse de départ, les États membres ne sont pas incités à décarboner ou à investir dans les énergies renouvelables.

Troisième illusion : la mise en relation des producteurs et consommateurs. C'est compter sans les traders. Voyez l'envolée des prix cet été, à plus de 1 000 euros le MWh ! GEMS, la filiale trading d'Engie a fait 365 millions d'euros de bénéfices en 2021, 2 milliards en 2022. Mint Energie a acheté 46,50 euros le MWh au titre de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) pour le revendre 257 euros... Résultat : 6 millions d'euros de bénéfices. Et ce sont les mêmes qui ont reçu 12 millions d'euros de l'État au titre du bouclier tarifaire. Stop au racket organisé.

Partout, même à droite, on veut délier les prix du gaz et de l'électricité. Madame la ministre, vous voulez en rester au coût marginal sauf pour le gaz dont vous voudriez plafonner le prix ? Mais cela revient à subventionner les énergies fossiles ! Les Allemands bloquent, car ils bénéficient d'un avantage comparatif. Enfin, l'horizon 2023-2024 est inquiétant, car la Chine, actuellement à l'arrêt, va repartir et le prix du gaz flambera de nouveau.

Dès maintenant, nous devons obtenir une dérogation. Les Portugais et les Espagnols l'ont fait. C'est possible, même si nous n'avons pas la même position dans le réseau. L'Allemagne n'a pas demandé de dérogation, mais a mis 200 millions d'euros pour protéger son économie.

Il faut protéger les plus fragiles, avec des tarifs réglementés pour tous. L'Assemblée des départements de France (ADF) le réclame d'urgence. Cela coûtera 3,5 milliards d'euros, contre 43 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire l'an dernier. Le prix de 280 euros négocié avec les fournisseurs est une aberration, car ceux-ci continuent à faire du profit grâce à l'Arenh. Il faut d'ailleurs également en finir avec l'Arenh qui dépouille EDF et les usagers.

La France doit prendre la tête du mouvement en Europe pour sortir du mécanisme des traders, tout en conservant les interconnexions. Nous voulons des prix qui se fondent sur les mix énergétiques nationaux. Pas de compétition, mais de la coopération, pour répondre aux besoins vitaux des peuples. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. François Bonneau .  - Les perturbations du marché de l'électricité sont historiques, notamment à cause de la guerre en Ukraine. Mais la crise était sous-jacente. L'explosion du prix du MWh entre début 2021 et fin 2022 est insupportable pour les entreprises comme les particuliers.

Le système européen nous place de facto en économie de guerre. Le prix de l'électricité, indexé sur celui du gaz, dépend du contexte international, incontrôlable.

Malgré le bouclier tarifaire, le chèque énergie et l'amortisseur, le problème n'est pas réglé. Les aides sont coûteuses pour l'État et ne sont pas durables. La crise de notre système électrique est structurelle.

L'Arenh est une aberration en pleine crise et ne profite qu'au revendeur ; les consommateurs paient le prix fort. Les tarifs réglementés sont progressivement étendus et leur coût se répercute sur les particuliers et les entreprises.

Les énergies renouvelables sont prioritaires lors de l'injection sur le réseau, ce qui conduit à arrêter les productions pilotables : finalement, on paie deux fois la production. Et quand elles sont à l'arrêt, nous n'avons plus suffisamment de pilotable -  notamment à cause de l'Arenh  - et nous payons jusqu'à dix fois le prix !

S'y ajoute la mauvaise gestion d'EDF. Son déficit structurel est très préoccupant et contraint l'État à reprendre la main. L'entretien du parc nucléaire pose question : fin octobre, plus de la moitié du parc était hors d'usage et 12 des 56 réacteurs nucléaires sont actuellement à l'arrêt.

L'électricité n'est pas un produit de consommation comme un autre. Nous devons définir un cadre souverain qui dépasse les lois du marché. Le statu quo n'est satisfaisant pour personne : de nombreux particuliers sont en situation de précarité énergétique ; les collectivités sont asphyxiées et les maires contraints de choisir entre chauffer les écoles, les piscines ou financer certains projets ; un mur de faillites menace -  boulangers, restaurateurs, artisans  -  ; certaines entreprises menacent de licencier ou de se délocaliser.

Nous devons faire preuve de courage. Deux voies s'offrent à nous : une réforme du système ou une sortie du marché.

Pour répondre à la question, il faut s'interroger sur la place du nucléaire en France et la composition du mix énergétique. L'électricité française est quatre fois plus décarbonée que l'électricité allemande.

Une réforme du marché européen de l'électricité a été annoncée le 18 octobre dernier : parmi les pistes évoquées, le découplage des prix du gaz et de l'électricité et le plafonnement du prix du gaz. Mais le contexte international n'aide pas.

Il serait aussi possible de sortir du marché de manière temporaire. La dérogation obtenue par l'Espagne et le Portugal s'explique par leur faible interconnexion au réseau européen. La majorité du groupe UC estime qu'une sortie temporaire et dérogatoire serait opportune pour la France.

M. Fabien Gay.  - Très bien !

M. François Bonneau.  - La résolution est un outil adéquat pour alerter au niveau européen. Nous saluons la volonté des auteurs, mais il ne faut pas taxer le libéralisme de tous les maux : un monopole et une économie administrée n'ont jamais permis de préserver durablement le pouvoir d'achat. (M. Stéphane Piednoir renchérit.)

Nous ne prônons pas la fin de l'intégration européenne, mais sommes favorables à un assouplissement des règles.

M. Henri Cabanel .  - Si les études du Giec n'avaient pas convaincu, la crise de l'énergie l'a fait. Notre impréparation généralisée a conduit les États à trouver des solutions dans l'urgence. La prospective est indispensable et nos stratégies doivent rester souples.

L'électricité a été reconnue comme bien de première nécessité par le Conseil d'État, mais pas le gaz, justifiant ainsi la suppression progressive des tarifs réglementés.

Le marché européen a été créé pour gérer l'abondance d'énergie ; mais le contexte a changé, avec les crises sanitaire, géopolitique et climatique. Son fonctionnement n'est pas adapté aux défis de la transition énergétique, notamment car il n'incite pas à l'investissement à long terme. Il n'a pas répondu aux promesses de sa création.

En juillet 2022, la Cour des comptes a montré que les tarifs régulés de vente d'électricité sont de plus en plus éloignés des coûts de production et exposés au risque de variation des prix.

Il faut mettre fin à l'Arenh, qui pénalise EDF au profit des fournisseurs alternatifs.

Nous sommes aussi en retard sur les énergies renouvelables, le nucléaire, l'efficacité énergétique, les économies d'énergie, la résilience des réseaux...

Les prix de l'énergie ne pourront artificiellement baisser ; ils doivent couvrir les coûts de production, qui vont augmenter. Sortir du marché européen serait dangereux, et nous avons besoin des échanges transfrontaliers.

Le prix ne doit pas excéder le coût de production, assorti d'une marge raisonnable. C'est le sens de la taxe sur la rente inframarginale adoptée en loi de finances et qui devrait rapporter entre 7 et 11 milliards d'euros en 2023.

Des contrats de long terme donneraient de la visibilité aux acteurs et permettraient d'investir dans de nouvelles capacités de production, tout en limitant la spéculation et la volatilité.

Certes, la Commission n'a pour l'instant proposé que des solutions de long terme et il est regrettable que chaque État membre se contente de négocier des dérogations.

Je déplore que l'on paie les décisions de l'Allemagne, qui bénéficie du système actuel de merit order. Il faut un mécanisme juste au niveau européen. Le Parlement devrait être tenu informé en permanence de l'état des négociations.

Le Gouvernement plaide pour une décorrélation entre les prix de l'électricité et du gaz, mais cela ne pourra pas régler le problème du décalage entre l'offre et la demande.

La sortie du marché européen n'est donc pas une bonne solution, ni juridiquement, ni économiquement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Entre délestages, black-out et même cols-roulés, les Français sont inondés d'un discours anxiogène qui leur fait craindre le passage de l'hiver et s'interroger sur les raisons profondes d'une telle crise.

Avant elle, personne ne prêtait attention au décalage des coûts de l'électricité entre la France et l'Allemagne, historiquement très favorable à notre pays, d'un rapport parfois de un à trois.

Il aura fallu la violence de la crise énergétique pour que l'on comprenne le mécanisme infernal dans lequel la France s'est fourvoyée.

Chaque pays choisit sa production d'énergie en fonction des coûts de production et de l'impact environnemental : l'Allemagne a choisi de s'appuyer sur le gaz russe, peu cher mais polluant, tandis que la France s'est orientée vers le nucléaire, à la fois peu coûteux et sans émissions. Chacun a fait son choix sans consulter l'Union européenne, tout en construisant un réseau européen assurant une forme de solidarité. Voilà le décor de cette proposition de résolution dont je partage certains éléments, mais qui, à cause de confusions dans l'analyse et d'un biais idéologique très fort, rate sa cible. (On se gausse sur les travées du groupe CRCE.)

M. Gérard Longuet.  - Ce n'est pas une surprise !

M. Stéphane Piednoir.  - Le réseau interconnecté aurait pu aboutir à une forme d'équilibre entre des sources d'énergie diversifiées. Mais marché unique ne signifie pas forcément tarification unique. À quel moment avons-nous accepté de lier les destins électriques de pays ayant fait des choix divergents en se basant sur les moins vertueux ?

Nous n'attendons pas de la construction européenne qu'elle mette à bas ni des stratégies nationales ni un avantage concurrentiel. Or c'est ce qu'a fait la tarification européenne de l'énergie, en alignant le prix de l'électricité sur celui du gaz, bafouant notre souveraineté construite par le président Pompidou. Ce serait comme si le prix des agrumes était fondé sur leur coût de production dans les pays baltes...

Le marché de gros était soumis à de nombreuses fluctuations dès octobre 2021, et il l'est encore plus depuis la guerre ukrainienne, atteignant des sommets délirants, comme 2 000 euros le mégawattheure. Ce n'est pas sans rappeler les prêts toxiques qu'avaient souscrits nombre de collectivités, basés sur une parité euro-dollar que rien ne devait perturber... jusqu'à la crise des subprimes... (M. Gérard Longuet le confirme.)

Soyez tranquille, le président Macron a identifié le problème et promis de convaincre ses homologues  - au lieu, comme l'Espagne et le Portugal, de trouver une solution plus modeste, mais plus efficace... Qu'est-il prévu, finalement ? « Le mécanisme de correction du marché sera automatiquement activé si l'événement de correction du marché suivant se produit : le prix TTF (Title Transfer Facility) à un mois dépasse 180 euros le mégawattheure pendant trois jours ouvrables ; et le prix TTF à un mois est supérieur de 35 euros au prix de référence du GNL sur les marchés mondiaux pendant les trois mêmes jours ouvrables. » (On s'amuse sur les travées du groupe CRCE.) Une vraie prouesse technocratique !

Imaginez : si nous avions perduré dans la voie originelle, nous serions, sinon les rois du pétrole, du moins les empereurs de l'électricité !

J'en viens au biais idéologique. Nostalgiques d'une économie administrée qui n'a historiquement pas rencontré le succès escompté, nos collègues accablent le caractère libéral de ce système...

M. Pierre Laurent.  - C'est ce qu'avait fait de Gaulle !

M. Stéphane Piednoir.  - Or seul l'Arenh est en cause. Dans une véritable concurrence, on aurait permis à de véritables producteurs de proposer leur énergie sur le marché, à un prix fondé sur leurs coûts de production. On est loin de ce schéma - qui ne vous conviendrait sans doute pas plus...

Le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de résolution mais est conscient du travail qu'il reste à faire. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », comme disait le camarade Lénine. (Mme Éliane Assassi s'amuse.)

M. le président.  - La formule est attribuée à une dizaine d'auteurs au moins ! (Sourires)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - La crise énergétique touche les ménages et menace le tissu entrepreneurial. L'Union européenne doit sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. À ce titre, le plan RepowerEU est un outil intéressant.

Nous devons être rapides et efficaces sur la loi Accélération des énergies renouvelables que nous avons votée comme sur celle sur l'énergie nucléaire à venir.

L'Union européenne est incontournable ; n'oublions pas que l'énergie est une compétence partagée.

Le règlement d'urgence décidé en Conseil le 22 décembre dernier s'appliquera dans les dix-huit prochains mois.

Le marché intérieur européen de l'énergie est une force, mais il n'est pas abouti et doit être réformé. Nous ne sommes pas d'accord avec le point 12 de la proposition de résolution, qui parle d'un échec. Si nous n'avons pas manqué d'électricité jusqu'à présent, c'est grâce à lui, sans compter que nous revendons beaucoup d'énergie.

Je salue l'implication du Gouvernement sur le découplage des prix de l'électricité et du gaz. Mais nous ne voulons absolument pas d'une sortie de fait du marché.

Le groupe Les Indépendants l'a redit aux questions d'actualité en décembre : l'hydroélectricité doit évoluer, notamment concernant les stations de transfert d'énergie par pompage (Step). C'est le gage de notre souveraineté énergétique.

Nous ne pouvons voter en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Guillaume Gontard .  - Le vidéaste Heu?reka a tenté d'expliquer le marché commun de l'électricité : il lui a fallu 3 h 30 pour expliquer ce sujet... Personne n'y comprend rien, pas même le ministre de l'économie.

Je remercie le CRCE d'avoir mis ce sujet à l'ordre du jour.

Il y a vingt ans, il était encore possible de croire que ce marché européen permettrait de développer les énergies renouvelables, délaissées par une EDF enfermée dans le tout nucléaire. Mais au lieu d'offrir le meilleur prix au consommateur, c'est le prix unique le plus cher du continent qui prévaut. Le marché a créé des fournisseurs ne créant rien, sur le dos du contribuable, grâce au tarif réglementé et à l'Arenh, plutôt que de multiplier les fournisseurs utiles.

On a vu toutes les limites, avec le rail, de multiplier les fournisseurs privés soucieux de leurs marges sur un réseau public. Hélas, il faudra encore plusieurs années à certains pour s'en rendre compte...

Soumis à une spéculation débridée, les prix n'ont plus rien à voir avec les coûts de production. L'échec est patent, tout le monde le concède. Mais ni la proposition de la Commission européenne de plafonner à 200 euros le mégawattheure ni la proposition française de contractualisation à long terme ne semblent être à la hauteur des attentes des artisans voyant leur facture multipliée par trois, des 12 millions de Français en précarité énergétique et des collectivités qui doivent augmenter les impôts locaux.

Il faut de la lisibilité à moyen et long terme. Seule la puissance publique peut harmoniser les prix et planifier la transition. L'énergie n'est pas une marchandise comme les autres, c'est un bien commun dont la fourniture à prix régulé doit être garantie.

C'est le sens de la proposition écologiste dans le cadre de la campagne présidentielle. Contrairement à ce que dit le ministre, suspendre le marché, ce n'est pas mettre fin au commerce et à la solidarité, qui existaient avant lui et pourraient exister après. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

C'est le sens de notre proposition de nationalisation d'EDF et d'un grand service public des énergies renouvelables.

Nous demandons au Gouvernement de plaider fortement à Bruxelles pour une remise à plat des mécanismes concurrentiels, et apportons donc un soutien plein et entier à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Franck Montaugé applaudit également.)

M. André Gattolin .  - Cette discussion est très importante sur le fond. Je remercie Fabien Gay, fin connaisseur et vigie sur ces sujets.

Je partage le constat sur les imperfections du marché, les abus et la nécessité de le réformer.

Mais si les prix de l'énergie ont atteint des records en août 2022, c'est surtout du fait de l'agression russe et de l'utilisation de l'approvisionnement en gaz comme une arme de guerre.

La corrélation entre prix du gaz et de l'électricité en vertu de la préséance économique n'est pas étrangère à la flambée du coût de l'électricité. Le Gouvernement français est le premier à militer pour les décorréler.

La sécurité des approvisionnements énergétiques a trop souvent été mise sous le tapis. Nous avons privilégié un coût le plus bas possible au détriment de notre souveraineté énergétique.

Certains sont tentés de faire porter la responsabilité à l'Europe et à la libéralisation du marché de l'électricité. Or nous en avons beaucoup profité jusqu'à 2022, et la préséance économique a profité au développement des énergies renouvelables.

Nous avons géré la libéralisation du secteur au profit des distributeurs plutôt que pour les producteurs. La loi Nome n'a pas rempli ses objectifs et a généré des effets spéculatifs.

Nous étions peu nombreux, il y a sept ans, à nous opposer au gazoduc Nordstream II qui augmentait notre dépendance envers la Russie. Au même moment, la commission des affaires européennes s'opposait à l'unanimité -  moins une voix, la mienne  - à une décision du Parlement européen et du Conseil qui voulait obliger les États membres à soumettre ex ante à la Commission leurs projets d'accords intergouvernementaux avec des non-membres de l'Union européenne sur leurs achats de gaz.

L'Union européenne ouvrira une consultation publique sur ce sujet - à laquelle je vous invite à participer - en vue d'une nouvelle législation au printemps.

La ministre chargée des affaires européennes nous a indiqué qu'il devrait s'agir de baisser les prix et de les rendre moins volatils par la prise en compte des coûts réels.

Mieux réguler, oui, mais ne sortons pas du mécanisme européen. Les conséquences directes et indirectes d'un Frexit énergétique seraient dramatiques pour notre pays.

Nous n'avons pas connu de délestage, c'est grâce à l'importation d'électricité avec un tarif de groupe correct.

Voyez la situation du Royaume-Uni, interconnecté mais sorti du marché européen, qui doit acheter très cher son énergie. Votre proposition est une fausse bonne solution. Le RDPI votera contre.

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) Je remercie le groupe CRCE d'avoir déposé cette proposition de résolution.

Indéniablement, le marché européen de l'électricité n'a pas répondu aux objectifs qui lui étaient assignés. La concurrence libre et non faussée n'a pas fait baisser les prix. Elle alimente aujourd'hui l'inflation et aggrave la précarité énergétique.

En France, le marché européen a affaibli EDF, qui était un des premiers énergéticiens au monde. À dessein ou faute de vision stratégique, on l'a sacrifié sur l'autel de la concurrence.

Le critère d'évaluation de la réussite du marché n'était pas le prix, mais la proportion d'énergie vendue par des fournisseurs alternatifs. Or ceux-ci n'ont jamais respecté l'obligation de produire par eux-mêmes : ce sont de simples négociants. L'Arenh a entraîné une forte destruction de valeur pour EDF.

Et pour quel résultat ? Envolée progressive des prix, spéculation qui aura enrichi des traders, appauvrissement des consommateurs. Nos entreprises en paient et en paieront longtemps le prix.

Nous sommes pris en tenaille entre les Américains, avec leur très patriotique Inflation Reduction Act, et les Chinois, avec une politique de l'offre financée par l'État, le tout au mépris des règles de l'OMC -  ou de ce qu'il en reste.

Le Gouvernement, certes, apporte quelques réponses conjoncturelles. Mais il faut répondre à l'enjeu structurel. L'électricité n'est pas un bien marchand comme un autre. Transport, logement, alimentation : on la retrouve partout. Elle ne se stocke pas à grande échelle et nécessite un ajustement permanent entre la production et la consommation.

Pour être au rendez-vous de la transition énergétique, nous devons considérer l'électricité pour ce qu'elle est : un bien commun.

Ce qui est en dehors du marché doit le rester -  je pense aux concessions hydroélectriques. Les TRVE doivent être élargis au-delà du seuil de 36 kilovoltampères. Tous les contrats doivent conjuguer deux objectifs : visibilité à moyen et long termes et stabilité des prix, qui doivent être déconnectés du prix des énergies fossiles.

Sur ces sujets, le Gouvernement n'apporte aucune réponse concrète. Prenez vos responsabilités pour défendre l'intérêt général des Français à Bruxelles, passez des déclarations d'intention à l'action !

Quelles pistes de réforme structurelle entendez-vous suivre ? (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE)

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Très bien !

M. Pierre Laurent .  - Voilà plus de 15 mois que la folle envolée des prix de l'électricité réduit le pouvoir d'achat, asphyxie les communes, menace les entreprises.

Tout le monde, y compris Bruno Le Maire, s'accorde à reconnaître qu'il y a un problème avec l'organisation du marché européen de l'électricité ; mais rien ne se passe. Il faut envoyer un signal fort : la France ne veut plus de ce système de fixation des prix !

La hausse forte et continue des prix est bien antérieure à la guerre en Ukraine. La déstabilisation récente n'a fait que révéler les failles structurelles et le court-termisme de nos décisions.

Le prétendu marché européen n'a rien d'homogène, les mix énergétiques restant une compétence nationale. Pour notre part, nous soutenons un mix nucléaire-énergies renouvelables pour atteindre la décarbonation. Les coûts de production diffèrent d'un État à un autre, et un florilège de réglementations protège le trading.

S'il n'est pas envisageable de mettre fin aux interconnexions, une part mineure de l'énergie produite est échangée sur le marché de gros. Pourtant, c'est ce marché qui est responsable de l'emballement inflationniste. La règle de la dernière centrale appelée est source de déstabilisation.

Il est impératif de décorréler le prix de l'électricité de celui du gaz et de revenir à une politique tarifaire fondée sur les coûts de production, non sur les intérêts d'acteurs parasites. Une stabilité retrouvée des prix est indispensable pour garantir notre souveraineté industrielle et planifier les investissements nécessaires. Sans vision de long terme, nous irons dans le mur !

Ce bien essentiel ne doit pas être confisqué par des logiques de profit aveugles. La volatilité des prix obère les investissements et conduit à une dilapidation d'argent public dans des boucliers tarifaires.

Nous soutenons un monopole public. L'expérience a montré que la concurrence dans ce secteur n'a rien de bon pour les usagers. Les solutions mises en oeuvre ne sont que des rustines : elles consistent à inventer de perpétuelles distorsions à la concurrence, aberrantes, coûteuses et inefficaces.

Nous vous proposons de reprendre la main. Tapons du poing sur la table des négociations européennes, comme nous aurions dû le faire depuis longtemps sur l'hydroélectricité. Ce texte vous en offre l'occasion, saisissez-la ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les auteurs de cette proposition de résolution.

Mon collègue Montaugé l'a expliqué : le marché actuel est plein d'aberrations et ne fait qu'enrichir les fournisseurs alternatifs et nourrir la spéculation.

Pour répondre à la crise énergétique, les textes qui se succèdent sont autant de rustines qui ne règlent pas les problèmes structurels.

Le prix est fixé par le marché lui-même. D'où l'explosion des factures de nos concitoyens et des collectivités territoriales, qui font leur possible pour réduire leur consommation. Bruno Le Maire lui-même a reconnu que ce marché était obsolète. Il faut donc refonder le système ou en sortir.

Le Parlement a fait des propositions : tenez-en compte ! L'Espagne et le Portugal ont obtenu une dérogation, en raison notamment de leur situation géographique : les prix de l'électricité ont baissé de 10 à 20 %. Ce sont bien le marché et les interconnexions qui tirent les prix vers le haut. Pourquoi ne pas demander une dérogation similaire ?

Nous devons pouvoir compter sur un opérateur fort. Mais les doutes continuent de planer sur l'avenir d'EDF. Où en sont les négociations ? Quid de l'Arenh ? Les concessions hydroélectriques ne doivent pas être ouvertes à la concurrence. Dommage que la présidence française de l'Union européenne n'ait pas permis d'avancer sur ces sujets.

Si certains points mériteraient d'être nuancés, nous soutenons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ainsi que du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Il est indispensable d'analyser cette proposition de résolution à l'aune du contexte actuel et de ses implications pour notre système électrique.

Le contexte immédiat est marqué par la crise climatique et une crise énergétique sans précédent depuis quarante ans. J'ai pris des mesures exceptionnelles pour passer l'hiver : plan de sobriété, sécurisation des importations et des interconnexions, augmentation des marges de manoeuvre sur les moyens de production existants.

Les prix de marché sont passés de 50 à 500 euros le MWh, avec un pic à plus de 1 000 euros au moment où les acteurs anticipaient des ruptures. Dans ce contexte, le Gouvernement a pris un engagement très clair : nous ne laisserons tomber personne !

D'où les mesures exceptionnelles prises pour protéger le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de notre économie : bouclier tarifaire, amortisseur, plafonnement pour les très petites entreprises, baisse de la fiscalité, guichet d'aides pour les électro-intensifs et contribution exceptionnelle sur les rentes inframarginales des énergéticiens, pour que la rente revienne aux consommateurs. (MM. Fabien Gay et Fabien Genet s'exclament.)

Au niveau européen, je soutiens une refonte du marché ; je vous rejoins sur ce point, monsieur Gay, mais sur ce point seulement. Ne cédons pas aux fausses bonnes idées, comme la sortie du marché européen, dont nous devons conserver les avantages actuels.

Le marché de l'électricité est avant tout un marché physique, qui se doit d'être efficace et d'éviter les coupures ; peu importe l'origine des électrons... On ne se plaint pas du marché européen lorsqu'il fonctionne bien. Sa bonne efficacité permet aussi de définir les meilleures incitations pour produire du renouvelable.

L'Arenh a joué un rôle important pour protéger les consommateurs (M. Fabien Gay fait mine de s'étouffer) et soutenir notre compétitivité. Pourtant, il présente des défauts.

M. Fabien Gay.  - Nous le disons depuis douze ans !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Leur correction est un enjeu des réflexions européennes en cours. Une proposition législative sera présentée par la Commission européenne au premier semestre.

Le principal enjeu est d'augmenter notre production d'énergie décarbonée avec la meilleure organisation de marché, qu'elle soit concurrentielle ou plus régulée.

Pour les nouvelles énergies renouvelables, la concurrence permet de baisser les coûts de production, via les appels d'offres. Ainsi nous avons des projets photovoltaïques ou d'éoliennes terrestres ou marines à un coût inférieur à 100 euros le MWh, voire 80 euros. (M. Fabien Genet s'en étonne.)

La question ne se pose pas pour le nucléaire, compte tenu de la spécificité du parc français et de l'existence d'une seule technologie de réacteur à forte puissance. Je remercie les acteurs de la filière, dont les efforts nous permettent de passer cet hiver. Nous sommes attachés à une exploitation du parc par EDF, dans une logique intégrée. Cet atout unique qu'est le parc nucléaire français n'a pas été construit dans une logique concurrentielle et doit jouer un rôle singulier. (M. Pierre Laurent s'exclame.)

S'agissant de l'hydroélectricité, nous sommes en contentieux avec la Commission européenne. Nous ne voulons pas remettre en concurrence les concessions hydrauliques échues, au regard des enjeux spécifiques autour de l'eau, notamment pour l'agriculture.

En ce qui concerne les marchés de gros de l'électricité, l'urgence est de sécuriser à long terme un prix de l'électricité défini à l'avance, fondé sur les coûts de production réels. Cela réduirait la volatilité des prix et donnerait de la visibilité aux producteurs. Nous promouvons les PPA (Power purchase agreements), un outil utile et un vrai succès en Europe.

Idem pour les contrats pour différence, très répandus pour les énergies renouvelables. À plus court terme, les marchés de gros sont utiles pour l'ajustement physique du marché.

J'en viens aux marchés de fourniture d'énergie. L'ouverture à la concurrence en 2012 a-t-elle augmenté la production décarbonée ? Le constat est très mitigé. (M. Fabien Gay ironise.) A-t-elle réduit les prix ? Oui en l'absence de tension, non en cas de choc, on l'a vu avec l'utilisation du gaz russe comme arme de guerre. Notons que la marge, elle, est demeurée relativement stable. A-t-elle innové dans le type d'offres proposées aux clients ? Sans doute, mais de façon très hétérogène. (M. Fabien Gay se gausse.)

Les Français sont attachés aux tarifs réglementés de vente d'électricité, que le Gouvernement a énergiquement défendus devant les juridictions françaises, avec succès, et au niveau européen dans le cadre du paquet énergie propre.

M. Gérard Longuet.  - Sans succès !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - L'électricité est un bien de première nécessité pour les ménages et les petites entreprises. Les tarifs réglementés sont une référence tarifaire utile. (M. Fabien Gay s'exclame.) Nous continuerons à les défendre, car ils nous permettent d'offrir l'électricité au prix le plus bas d'Europe aux ménages et aux TPE.

Protéger le consommateur, c'est s'assurer que le fournisseur se couvre sur le long terme, prend des engagements de production, participe au déploiement du mix décarboné, anticipe l'avenir. (M. Pierre Laurent en doute.) C'est garantir des prix qui couvrent les coûts de notre système énergétique, sans marges excessives ni rentes de situation.

La future régulation devra sans doute inclure des conditions sur la couverture minimale, afin que celle-ci repose sur des signaux prix prévisibles à long terme. On maintiendrait une concurrence entre fournisseurs, mais à armes égales. En 2010, le Gouvernement avait imposé des obligations à EDF, mais pas à ses concurrents ; nous souhaitons désormais mieux équilibrer les droits et les devoirs.

On le voit, la réponse à la question de la concurrence ne peut être simpliste et idéologique. Demandons-nous plutôt comment créer le cadre de marché dans lequel le jeu de la concurrence permet d'atteindre nos objectifs communs de politique publique de long terme, au meilleur coût pour la collectivité. Voilà ma feuille de route, voilà la position que je défendrai à Bruxelles. Je vous invite donc à ne pas voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°109 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 153
Contre 180

La proposition de résolution n'est pas adoptée.

Prochaine séance, mardi 17 janvier 2023, à 14 h 30.

La séance est levée à 15 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 17 janvier 2023

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président Mme Pascale Gruny, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Victoire Jasmin - M. Pierre Cuypers

1Désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique (droit de tirage du GEST)

2Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert » (droit de tirage du groupe UC)

3Projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée) (texte de la commission n°237, 2022-2023)