SÉANCE

du mercredi 25 janvier 2023

49e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Guerre en Ukraine

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du RDSE) Chaque jour en Ukraine des femmes et des enfants meurent dans les décombres de leur immeuble pulvérisé, des soldats tombent car les armes manquent pour lutter contre Wagner.

Les Européens, il y a quelques jours à Ramstein, échouaient à s'entendre sur la livraison de chars lourds à l'Ukraine, mais la déception s'est transformée en soulagement : les Allemands livreront des Leopard 2. La France est devant ses responsabilités : fournira-t-elle les chars et les armes sol-air nécessaires ? Le Président de la République disait que les armements ne devaient pas être escalatoires... argument peu pertinent.

On ne peut dire aux Ukrainiens qu'on les soutiendra jusqu'à la victoire finale et en même temps qu'on ne veut pas d'escalade, car pas de victoire sans escalade ; or Poutine en a le monopole depuis un an. C'est lui qui fixe les lignes rouges. Le chantage à l'arme atomique est balayé depuis qu'à Samarcande, Xi et Modi ont interdit à Poutine de s'en servir. Le coût de la guerre est élevé, mais le coût de ne pas chasser la Russie le serait bien plus.

Le but de Poutine n'est pas seulement la destruction de l'Ukraine, mais celle de l'ordre européen démocratique. Madame la ministre, le Gouvernement français compte-t-il livrer l'armement lourd indispensable ? Quand ? Chaque jour de retard est un jour de deuil en Ukraine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI, du RDSE et des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Cela fait onze mois que la Russie a lancé une offensive injustifiable sur l'Ukraine, onze mois de drames insupportables pour le peuple ukrainien, onze mois de résistance héroïque, onze mois de soutien sans faille de la France. Nous serons au rendez-vous pour aider l'Ukraine jusqu'à la victoire.

L'Ukraine peut compter sur l'aide militaire internationale, à laquelle la France prend une part importante : livraison d'équipements, de munitions, formations de soldats. Les canons Caesar, les lance-roquettes unitaires, le système Crotale de défense antiaérienne font la différence sur le terrain.

Rien n'est exclu pour soutenir l'Ukraine dans la durée, en coordination avec nos partenaires.

Nous respectons trois principes : notre aide ne doit pas provoquer d'escalade, dont personne n'aurait à gagner. Elle doit être efficace rapidement, les forces ukrainiennes devant en assurer le maintien en condition opérationnelle. Enfin, nous ne voulons pas affaiblir significativement nos capacités de défense.

Je salue la décision allemande, qui amplifie le soutien du Président de la République, qui avait annoncé dès janvier la livraison de chars légers AMX-10 RC.

La question de l'aide à l'Ukraine ne se limite pas à tel ou tel équipement. Il est important de bien se coordonner. Nous avons créé un fonds spécial de 200 millions d'euros pour aider l'Ukraine à se fournir directement auprès de nos industriels. Nous participons aussi à la facilité européenne pour la paix.

Notre soutien à l'Ukraine est aussi humanitaire et diplomatique, grâce aux sanctions sans précédent de l'Union européenne contre la Russie. Nous agissons en lien avec nos partenaires, avec détermination et constance. Nous serons aux côtés de l'Ukraine jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)

Zone à faibles émissions

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les classes moyennes n'écoutent plus ceux qui les dépossèdent, comme le dit le géographe Christophe Guilluy.

Ces propos illustrent parfaitement le ressenti des Français après la mise en place chaotique des zones à faibles émissions (ZFE) à Paris, Strasbourg ou encore Nice. Les Français savent-ils qu'ils seront 40 % à devoir amener leur véhicule à la casse ? Non. L'industrie automobile française est-elle prête pour le tout-électrique ? Non, dit M. Tavares. L'avitaillement électrique est-il suffisant ? Non. La logistique urbaine est-elle organisée pour les artisans ? Non. Les contrôles sont-ils efficaces ? Non. Les transports en commun sont-ils suffisants et ponctuels ?

De nombreuses voix à droite.  - Non !

M. Philippe Tabarot.  - Les ZFE sont un capharnaüm. Tout est fait à l'envers ! Elles pourraient être l'étincelle qui déclenche de nouveaux blocages. Le Gouvernement mettra-t-il fin à cette marche forcée en sens inverse ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti et Alain Cazabonne applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Y a-t-il des gens ici qui pensent que les décès causés par la pollution sont secondaires ?

Plusieurs voix dans l'hémicycle.  - Non !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Des gens qui contestent la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique ? (« Non ! » sur diverses travées.) Des gens qui considèrent qu'il faut faire confiance aux élus locaux quand on met en place des politiques ? (« Oui ! » sur diverses travées.)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Ce n'est pas ce que vous faites !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Monsieur Tabarot, vous avez dressé la feuille de route du Gouvernement !

La première ZFE n'est pas française : elle a été créée en Suède, en 1996.

Non, les ZFE ne concernent pas 40 % des automobilistes, mais ceux qui circulent dans les agglomérations dépassant les seuils, à la suite de notre condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil d'État.

Il n'y a pas de calendrier fixé par l'État pour les véhicules professionnels. Les seules obligations dépendent des seuils de pollution, et le seul calendrier restrictif impose la sortie des Crit'Air 5 au 1er janvier 2023, Crit'Air 4 au 1er janvier 2024, et Crit'Air 3 au 1er janvier 2025.

Il y a une obligation de résultats, non de moyens.

Les critiques du Sénat, plus constructives que votre question, nous ont conduits à installer un groupe de travail associant la métropole de Toulouse et celle de Strasbourg. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous êtes totalement hors sol.

M. Philippe Tabarot.  - Je regrette l'absence de réponse de Mme la Première ministre, qui a souhaité ces ZFE lorsqu'elle était ministre des transports. Ce ne doit pas devenir un sacrifice de plus pour les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Apaisement du débat sur les retraites

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE) Ma question s'adresse à tous ceux qui aiment la démocratie. Personne n'ignore le projet de loi qui affectera la vie future de nos concitoyens, tant il déchaîne les passions : la réforme des retraites. Certains le soutiendront, d'autres le combattront. Les avis divergent, parfois au sein d'un même groupe parlementaire.

Mais je veux vous parler de la forme et du climat des débats. La semaine dernière, un important responsable syndical a déclaré vouloir s'occuper des élus qui défendraient ce texte en leur coupant le courant. C'est scandaleux. On peut manifester, mais menacer un élu, parfois dans sa vie privée, pour ses positions, c'est intolérable ! En démocratie, c'est la force des arguments qui compte et non les arguments de force. Il faut écoute, sérénité et jugement, à l'écart de toute menace. Tous les sénateurs devraient dénoncer ces méthodes barbares.

Monsieur le ministre, comment rétablir la sérénité dans ce débat ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDPI, du RDSE et du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Je partage votre indignation. Le débat sur les retraites est ouvert. Il peut être vif, passionné. À l'Assemblée nationale et au Sénat, nous l'aurons.

Nos priorités sont l'équilibre du système et la protection des plus fragiles.

Dans le cadre de ce débat, les syndicats sont légitimes à appeler à des mobilisations. Les cortèges de la semaine dernière se sont bien passés. Mais nous refusons tout blocage pénalisant les Français et toute menace. Certains propos sont inacceptables.

Les menaces évoquées renvoient à l'augmentation des violences contre les élus. Aujourd'hui même, au Journal Officiel, a été publiée la loi autorisant les associations d'élus et les assemblées parlementaires à se porter partie civile aux côtés des élus victimes. C'est ce qu'il faut pour les protéger. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Sort des femmes dans la réforme des retraites (I)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Si vous reportez l'âge légal de la retraite, les femmes sont plus pénalisées que les hommes... Qui l'a dit ? Un syndicaliste ? Non. C'est le ministre Riester. Vous ne pouvez pas dire que ce sont des mensonges. Les femmes travailleront en moyenne sept mois de plus, contre cinq pour les hommes. Votre réforme injuste aggravera les inégalités. Commencez plutôt par imposer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. (Marques d'approbation sur quelques travées du groupe SER)

Je pense aux ouvrières de la marée de Boulogne, à celles de l'industrie agroalimentaire derrière les chaînes de production, aux aides à domicile, aux soignantes, aux caissières que vous applaudissiez durant la crise sanitaire, qui devront travailler plus longtemps.

Monsieur le ministre, vous avez reconnu à l'issue du Conseil des ministres que votre réforme pénaliserait plus les femmes ; par vos propres aveux, vous établissez l'injustice de votre texte. Nous vous demandons de le retirer, pour qu'il y ait un vrai débat dans le pays. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Revenons à l'étude d'impact du projet de loi. L'âge d'ouverture des droits sera-t-il différent pour les hommes et les femmes ? Non ! La durée de cotisation le sera-t-elle ? Évidemment, non ! Quelles sont les conséquences de cette réforme ? Un rapprochement de l'âge effectif de départ des hommes et des femmes. Mais, en 2030, comme vous l'avez certainement noté dans le rapport d'évaluation...

M. Pascal Savoldelli.  - Il n'y a pas eu d'étude d'impact !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - ... les femmes continueront à partir à la retraite plus tôt que les hommes, car nous maintenons l'intégralité des droits familiaux (quelques protestations à gauche), notamment les quatre trimestres automatiquement attribués en cas de maternité, qui peuvent être répartis librement dans le couple.

Les mesures d'éligibilité au minimum garanti et aux carrières longues sont favorables aux femmes.

Nous avons veillé, dans toutes nos décisions, à protéger les plus fragiles. Tous les métiers que vous avez cités, madame la sénatrice, seront mieux accompagnés. Nous trouverons des points de convergence, j'en suis sûr. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Monsieur le ministre, vous êtes incapable de nous dire combien de Français bénéficieront des 1 200 euros bruts. Il y a dix ans, vous défendiez la retraite à 60 ans ; vous avez changé, mais ce n'est pas étonnant de votre part. (Murmures de désapprobation à droite)

Budget des armées

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur quelques travées du RDPI) Le 20 janvier dernier, le Président de la République a déclaré que la France allouerait un budget plus conséquent aux armées sur la période 2024-2030. La prochaine loi de programmation militaire (LPM), pour renforcer notre souveraineté, la haute intensité, la protection de nos intérêts et les partenariats renouvelés, attribuera 413 milliards d'euros aux forces armées, soit 118 milliards d'euros de plus que l'actuelle LPM. Les menaces et les formes de conflictualité nouvelles nous obligent. Ces annonces rassurent les élus, les habitants et l'ensemble des armées.

Notre souveraineté passera par le renfort de notre dissuasion, mais aussi par la résilience nationale.

La nouvelle LPM est placée sous le signe de la transformation, la précédente étant sous celui de la réparation.

De nombreuses infrastructures dépendent totalement de leur matériel et peinent à se projeter dans l'avenir. Comment envisagez-vous cette transformation de nos armées ? Comment associer les territoires à cet effort inédit depuis le général de Gaulle ? (Quelques applaudissements sur les travées du RDPI ; quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - Le ministère des armées est un grand ministère territorial.

Beaucoup d'infrastructures sont dans un état déplorable, fruit de décisions prises il y a parfois longtemps. La réparation prend du temps. La transformation sera moins spectaculaire que par le passé, puisque nous ne fermerons aucune structure. Ce sera une transformation interne, à bas bruit. Elle sera notamment technologique, avec des métiers nouveaux, dans le cyber, le spatial et les fonds marins, par exemple. Le ministère opérera également une transformation de ses ressources humaines. Nous attendons une montée en puissance des compétences. Cela aura un impact sur l'emploi de la base industrielle et technologique de défense (BITD) aux quatre coins de l'Hexagone.

Nous sommes aussi vigilants à la place des outre-mer et au lien avec les collectivités territoriales, notamment pour le plan famille. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Sort des femmes dans la réforme des retraites (II)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.) Lundi, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a rendu son rapport confirmant la persistance d'un haut niveau de sexisme dans notre société. Les femmes restent soumises aux inégalités et aux violences. Elles doivent toujours s'adapter, esquiver, résister.

Le même jour, avec un sens du timing étonnant...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et inédit...

Mme Laurence Rossignol.  - ... et dans un moment de franchise merveilleuse, le ministre Franck Riester a déclaré que la réforme des retraites demanderait aux femmes un effort supplémentaire. Pour les femmes, c'est non ! On fait déjà assez d'efforts tout le temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Laurent et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

Le Gouvernement répète que la pension minimale passera à 1 200 euros, mais les conditions d'accès, avec une carrière complète, y sont si drastiques que les femmes, aux carrières hachées, n'en profiteront pas.

Elles devront travailler plus longtemps que les hommes qui travailleront eux-mêmes plus longtemps. L'allongement de la durée de travail sera doublé pour les femmes nées après 1972. Votre réforme, soi-disant neutre, accroîtra les inégalités.

Madame la Première ministre, vous êtes la femme qui peut faire un bel effort, en renonçant à cette réforme injuste pour les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme la Première ministre ironise.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Notre réforme protège les femmes. Vous avez du mal à le concevoir, certes. Mais nous veillons à ce que l'âge de suppression de la décote soit maintenu à 67 ans. (Protestations sur les travées du groupe SER) Actuellement, 20 % des femmes ont une carrière incomplète. (Mme Laurence Rossignol le confirme.) Nous veillons à ce que les femmes qui ont des carrières hachées bénéficient de la retraite minimum. Celle-ci profitera à plus de 200 000 nouveaux retraités par an, qui disposeront d'une meilleure pension avec la réforme -  deux tiers sont des femmes.

Nous avons choisi de revaloriser le minimum contributif de base, accessible à tous ceux qui ont travaillé, ce qui protège les plus fragiles.

Mme Laurence Rossignol.  - Et les carrières complètes ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Nous n'avons pas les mêmes priorités. Nous protégeons celles qui n'ont pas de carrière complète, celles et ceux qui sont exposés à la précarité. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Corinne Féret protestent.)

Le rapport du HCE montre aussi que notre système de retraite est le réceptacle d'inégalités. Travaillons sur ces dernières, résorbons-les et tout le monde en sera satisfait. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Crise de la filière viticole

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La viticulture est la filière qui a subi le plus d'aléas successifs. Lundi, le président de la chambre d'agriculture de l'Hérault a organisé une réunion d'urgence pour alerter les parlementaires.

Taxe Trump en 2019 ; covid en 2020 ; gel, grêle et sécheresse en 2021 ; guerre en Ukraine en 2022, avec des conséquences économiques au-delà du drame humain. L'inflation a un effet direct sur la consommation, qui a par exemple baissé de 15 % pour le vin rouge. Ce chiffre est très inquiétant, car la viticulture réalise 14 milliards d'euros d'excédent commercial.

Les vignerons du Bordelais sont en colère. Nous venons de recevoir un collectif désespéré, mais combatif. Le contexte est catastrophique pour les jeunes installés depuis deux ou trois ans, qui accumulent les galères alors que leur projet est sain.

Comment soutiendrez-vous la filière ? Étalerez-vous le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) de 6 à 10 ans ? Aiderez-vous au stockage, à l'arrachage, à la distillation ? Soutiendrez-vous la création d'un plan de relance commerciale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Daniel Laurent applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La situation dans la filière est grave : les premières alertes ont commencé dans le Bordelais cet été.

Le Gouvernement est intervenu : il a notamment couvert un milliard d'euros de pertes dues au gel. Mais, en effet, cela ne suffit pas. La crise est à la fois structurelle et conjoncturelle, liée à l'augmentation des prix.

Nous travaillons à plusieurs solutions, dont la première est la poursuite des PGE. La deuxième est l'aide au stockage ou à la distillation. L'aide à l'arrachage, pour réguler une surproduction structurelle, est également à l'étude. Enfin, nous devons travailler sur l'export.

Il faut regarder précisément ce que l'on peut faire d'un point de vue budgétaire. Certains points, en outre, relèvent du règlement communautaire, en particulier l'arrachage.

Enfin, il faut conjurer les difficultés des jeunes, pour lesquels la crise est grave. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Henri Cabanel.  - Nous sommes nombreux à vouloir que la France reste la référence mondiale pour le vin. La situation est grave, mais pas désespérée. Appuyez-vous sur les parlementaires, qui connaissent le sujet : la viticulture le mérite. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)

Quartiers disciplinaires

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les quartiers disciplinaires sont perçus comme des lieux de moindre droit. Les conditions de vie y sont plus dures qu'ailleurs en détention.

L'État français ne brille pas par l'état de ses prisons. Le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe a établi de nouveaux constats qui ne nous font pas honneur. Il faut des mesures d'urgence. Ce comité recommande de limiter à 14 jours maximum l'isolement, contre 30 jours actuellement.

Je me dois d'évoquer les doutes sur les mauvais traitements et le manque de transparence et de traçabilité, entre autres sur certains suicides. Nous savons que les privations favorisent ces passages à l'acte.

Le comité regrette aussi que le recours à la force ne soit pas systématiquement répertorié.

Le ministère donnera-t-il des chiffres sur les quartiers disciplinaires, afin de dresser un état des lieux et les réformer ? Peut-on aménager les restrictions, aux conséquences trop importantes sur les détenus des quartiers disciplinaires ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je demanderai que l'on vous communique les chiffres, mais ne laissons pas entendre que le quartier disciplinaire, ou mitard, est le lieu de l'arbitraire absolu. Avant d'y être envoyé, le détenu comparaît devant une commission composée du directeur de l'établissement pénitentiaire et d'un assesseur de la société civile, et peut être défendu par un avocat, depuis l'adoption d'une proposition de loi sur les conditions indignes de détention, à l'initiative de François-Noël Buffet.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - De l'excellent M. Buffet ! (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les conditions indignes touchent la détention ordinaire comme les quartiers disciplinaires, et nous y sommes particulièrement sensibles. Nous avons consacré plus de 130 millions d'euros annuels à la rénovation des prisons. Mais rien ne se fait en un claquement de doigts.

La justice a subi un abandon budgétaire, humain et politique depuis trois décennies.

Le quartier disciplinaire peut être un facteur favorisant le suicide, nous le savons, mais nous prenons des dispositions. Nous faisons par exemple venir des médecins. Le suicide d'un détenu est un échec.

Monsieur le sénateur, je vous ouvre les portes de la Chancellerie, pour que nous réfléchissions ensemble, mais cette réforme n'est pas à l'ordre du jour. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Guy Benarroche.  - Des procédures administratives peuvent poser des problèmes. Voyez les téléphones portables. Les coûts de communication sont dix fois plus élevés pour les détenus que pour le reste de la population : il faut réformer les marchés dans l'administration pénitentiaire. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Sort des femmes dans la réforme des retraites (III)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les femmes risquent d'être les grandes perdantes de votre réforme des retraites : l'étude d'impact établit qu'elles travailleront sept mois de plus, contre cinq pour les hommes, et qu'elles ne pourront plus partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres de majoration par enfant.

Leurs retraites seront revalorisées et elles bénéficieront de la hausse du minimum de pension, dites-vous, mais la retraite des femmes est de 40 % inférieure à celle des hommes ! Elles pâtissent des inégalités salariales et ont souvent eu des carrières interrompues par les maternités.

Il faut donc compenser l'effort supplémentaire demandé aux femmes et mieux prendre en compte les maternités - car une réforme des retraites par répartition ne peut se désintéresser de la politique familiale - en avançant l'âge de la décote. Ce serait plus équitable que l'allongement de la durée de vie active pour améliorer le taux de pension.

Êtes-vous prêt à corriger ces injustices ? La majorité sénatoriale aura à coeur de trouver une solution de compromis acceptable par tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Sonia de La Provôté et Dominique Vérien applaudissent également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - C'est vrai, 50 % des femmes retraitées ont une retraite inférieure à 1 000 euros bruts, miroir d'une inégalité face au travail et au salaire. L'augmentation de leur taux d'activité et d'emploi corrige petit à petit, trop lentement, cette inégalité. Notre priorité est de rétablir l'égalité professionnelle, pour que le système de retraite n'ait pas à corriger les inégalités accumulées tout au long de la vie.

Nous demandons un effort à tous les salariés, femmes et hommes, quel que soit leur cadre d'emploi, privé ou public.

L'âge de départ effectif des femmes se rapprochera de celui des hommes, même s'il restera inférieur.

Nous apportons des corrections et des protections : retraite minimum, prise en compte des trimestres cotisés pour les parents au foyer, tant pour l'éligibilité au minimum de pension que pour l'éligibilité au départ anticipé pour carrière longue, assurance vieillesse pour les aidants, souvent des femmes.

Il faudra aussi harmoniser les droits. Comment expliquer qu'une maternité ouvre quatre trimestres au titre du régime général, mais deux seulement dans la fonction publique ? Nous avons demandé au Conseil d'orientation des retraites d'ouvrir ce chantier.

J'espère que les débats parlementaires nous permettront d'avancer sur ces questions et de construire des consensus. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laure Darcos.  - Dont acte, mais il faut aussi parler de ces femmes de tous secteurs d'activité, qui ont eu des carrières longues, notamment dans l'agriculture, qui ont eu des enfants. Je vous invite à vous inspirer des travaux de notre délégation aux droits des femmes, pour construire cette réforme tous ensemble.

Ehpad, un an après Les Fossoyeurs

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Il y a un an paraissait Les Fossoyeurs, de Victor Castanet, enquête minutieuse sur le système Orpéa, couronnée par le prix Albert Londres. Et maintenant ? Les dysfonctionnements sont connus, les sanctions prononcées. Les Ehpad lucratifs qui prospèrent sur le dos des cotisations et de la solidarité nationale doivent être mieux encadrés.

Le Sénat a proposé de renforcer le contrôle, mais, sur le terrain, les contrôles ne se font que sur pièces et les moyens humains restent lacunaires, bien loin de nos recommandations d'inspections-contrôles coordonnées.

Entendez-vous nos concitoyens qui espèrent plus d'attention et de soin pour leurs aînés, les familles révoltées par les maltraitances ? Entendez-vous l'alerte de la Défenseure des droits ? Prenez-vous la mesure de l'attente des soignants, qui réclament d'être plus nombreux pour éviter de finir inaptes à l'heure de la retraite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et M. Alain Richard applaudissent également.)

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Il y a un an, l'enquête approfondie de Victor Castanet a provoqué une onde de choc dans notre société. Moi-même gestionnaire d'un établissement médico-social associatif à l'époque, j'ai été profondément choqué. Je n'ai depuis eu de cesse d'agir pour renouveler la confiance de nos concitoyens.

Comme ministre, mon rôle est de poser le cadre de régulation du secteur, et de faire en sorte qu'il soit respecté. Je le dis fermement : tous ceux qui prétendent se décharger de leurs responsabilités en attaquant l'État mentent aux Français. Dès les premières révélations, l'État a lancé une vague de contrôles inédite, qui aura désormais lieu tous les deux ans. Sept cents établissements ont déjà été contrôlés, grâce aux cent vingt contrôleurs supplémentaires des ARS, dont je salue le travail.

Il faut lever le tabou sur la maltraitance et libérer la parole : je lancerai une plateforme pour recueillir les signalements et tiendrai dans quelques semaines des états généraux de la maltraitance. Enfin, nous investissons 9 milliards d'euros sur cinq ans pour transformer l'offre médico-sociale. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme Michelle Meunier.  - Si vous aussi doutez de ce modèle purement marchand, vous trouverez des soutiens au Sénat. Mais il faudra passer par une loi Grand Âge. Il faut flécher une partie de la richesse créée vers la prise en charge des personnes en perte d'autonomie, sans que cela ne consolide la cotation boursière des grands groupes et n'aille dans les poches du CAC 40. (Applaudissements à gauche, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Revenants du djihad

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe Laurent Somon à ma question. Vous nous disiez il y a trois mois, en réponse à une question de Roger Karoutchi sur le rapatriement des femmes et des enfants de djihadistes, que « la doctrine n'avait pas changé ». Ironie ou mépris ?

Nous apprenons par la presse que 15 femmes et 32 enfants sont revenus ; l'année dernière, c'était 31 femmes et 67 enfants. Pourquoi avoir abandonné la doctrine qui prévalait depuis 2009 : cas par cas pour les enfants, tolérance zéro pour les femmes ? L'aide sociale à l'enfance est au bord de l'asphyxie, nos prisons sont pleines. Comment comptez-vous garantir la sécurité des Français face à ces personnes qui haïssent toujours la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ni ironie ni mépris. Vous auriez pu user d'autres mots.

La position du Gouvernement est claire : ceux qui ont choisi Daech doivent être jugés au plus près de leurs crimes. Mais, et ce n'est pas un petit « mais », il y a des enfants, qui n'ont rien choisi et qui doivent être traités avec humanité et vigilance. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST, des groupes SER et CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC) Ils sont français, ne vous en déplaise, et probablement traumatisés à vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER)

Ils sont rapatriés à la demande, chaque fois que c'est possible. Toutes les femmes ont fait l'objet d'une judiciarisation. Les enfants sont parfois placés auprès de leurs grands-parents, des gens parfaitement intégrés, oui, parfaitement français. Ils font l'objet d'un suivi psychologique et médical. Ni ironie ni mépris : fermeté pour les femmes, humanité et vigilance pour les enfants. Nous pourrions au moins être d'accord là-dessus. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)

Mme Valérie Boyer.  - Vous n'avez pas le monopole de l'humanité, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche)

Vos prédécesseurs avaient adopté la doctrine du cas par cas. Vous, vous optez pour des migrations mortifères massives. (Exclamations indignées à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Ils sont français !

Mme Valérie Boyer.  - Le président Macron avait pourtant jugé ces retours dangereux pour notre sécurité. Combien de djihadistes allez-vous injecter dans notre pays, déjà gangrené par le salafisme ? (M. le garde des sceaux et plusieurs sénateurs de gauche s'insurgent.) Ces femmes se sont engagées pour combattre en Syrie et en Irak, contre la France. Avons-nous les moyens d'une telle politique ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Dangers du protoxyde d'azote

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'usage détourné du protoxyde d'azote explose. C'est le troisième produit psychoactif le plus utilisé, notamment chez les jeunes ; son caractère addictif est avéré. Le nombre de cas donnant lieu à hospitalisation a décuplé en trois ans. Chaque jour, les autorités sanitaires découvrent de nouvelles complications : symptômes psychiatriques, troubles de la sensibilité et de la motricité, séquelles parfois irréversibles pouvant aller jusqu'à une sclérose combinée de la moelle épinière.

En juin 2021, j'ai fait adopter une première proposition de loi contre ce fléau. Or les décrets d'application du texte, destinés notamment à interdire la vente de bonbonnes à des particuliers, n'ont toujours pas été pris. Pourquoi ? Les bonbonnes accélèrent fortement la consommation. C'est grave, monsieur le ministre. À quand une campagne nationale d'information et de prévention ?

J'ai déposé un second texte pour délictualiser la consommation de protoxyde d'azote et poursuivre les personnes qui conduisent sous son emprise. Quand le Gouvernement se saisira-t-il du sujet ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Le mésusage du protoxyde d'azote à des fins récréatives est un problème de santé publique, qui touche surtout les jeunes. Plus de 5 % des collégiens l'ont déjà expérimenté.

Notre action repose sur deux piliers : prévention et sanction.

Nous améliorons nos connaissances sur la toxicité de ce produit, utilisé depuis longtemps comme gaz anesthésique, analgésique ou hilarant. On découvre qu'il touche le système nerveux central, sans oublier la toxicité immédiate en cas d'asphyxie.

Les remontées d'information par région nous ont permis de lancer une campagne d'information ciblée sur les réseaux sociaux.

La loi que vous avez portée l'année dernière est déjà partiellement appliquée : interdiction des crackers, de la vente aux mineurs ou dans les débits de boissons, de l'incitation à la consommation. Le texte a été notifié en février 2022 à la Commission européenne. Le décret portant sur les informations sur les boîtes sera publié en février, ainsi qu'un arrêté limitant la vente à dix capsules par personne. Nous sommes mobilisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Crise de la filière betterave

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe Mme Pluchet à ma question. Jeudi 19 janvier, jour funeste pour l'agriculture, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu illégales les dérogations françaises sur l'utilisation des néonicotinoïdes par la filière betteravière. (« Ah ! » à gauche)

Le Président de la République affirmait pourtant qu'il n'y aurait « pas d'interdit sans solution ». Le 12 janvier, M. le ministre nous disait être certain de la reconduction de l'autorisation des dérogations pour 2023.

De plus, la France est seule à avoir interdit, en 2016, l'usage de tous les néonicotinoïdes en aspersion ou en enrobage de semence, contrairement à l'Allemagne et à d'autres. Elle s'est mise dans l'impasse.

En 2020, la jaunisse de la betterave a occasionné 200 millions d'euros de pertes, indemnisées à 10 %... Notre souveraineté alimentaire et énergétique est menacée. Que compte faire le Gouvernement ? Il vous reste dix jours pour apporter des solutions, car les agriculteurs doivent prévoir leurs semis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La décision de la CJUE s'impose à nous, et vient contrecarrer notre plan de sortie des néonicotinoïdes sur trois ans. Nous avons très peu de temps pour agir et rassurer la filière, des planteurs aux industries qui triturent la betterave.

Il faut d'abord garantir aux agriculteurs que les pertes dues à la jaunisse seront couvertes. Nous y travaillons. (Marques de scepticisme sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Il faut ensuite accélérer la recherche de solutions alternatives : plus de 20 millions d'euros ont été alloués à l'Inrae pour y travailler. Il faut poursuivre les recherches sur d'autres itinéraires techniques avec des molécules qui restent autorisées. J'ai demandé une expertise rapide.

Enfin, je le maintiens : pas d'interdiction sans solution. Cette interdiction date de 2016 ; nous devons assumer nos décisions.

Il nous faut donner de la visibilité aux betteraviers, avec le plan jaunisse, et en associant les transformateurs. Nous sommes à l'oeuvre. (M. François Patriat applaudit ; marques de scepticisme sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Cuypers.  - Il faut des solutions et des certitudes. Colère, désarroi : c'est le feu dans nos territoires. Au-delà de l'incompréhension, c'est le saccage annoncé de nos filières du sucre, du bioéthanol, du gel hydroalcoolique, de l'alimentation animale. C'est le risque d'importations massives du Brésil (M. Michel Savin renchérit) à partir de produits que nous refusons, obérant notre souveraineté alimentaire et énergétique. La France devient le seul pays au monde à avoir tout interdit ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Risque d'expulsion d'une Iranienne

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quatre mois, l'Iran connaît un mouvement de protestation inédit contre le régime, né au lendemain de la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police au prétexte qu'elle portait mal son voile. La répression est implacable ; les exécutions sommaires se multiplient. Des opposants persécutés fuient l'Iran : c'est le cas de Farideh, une Iranienne de 38 ans interpellée à Chambéry alors qu'elle souhaitait rejoindre son époux réfugié en Angleterre, puis enfermée à Toulouse pendant 48 heures en centre de rétention administrative, pendant que la préfecture prenait une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et contactait les services consulaires iraniens afin d'envisager sa reconduite à la frontière.

Voilà qui nous interroge. La France, par la voix du Président de la République et du Gouvernement, a condamné la répression en Iran et apporté son soutien aux manifestants. Quelle est la doctrine de la France à l'égard de ces opposants au régime iranien présents sur notre sol, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST ; Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Michel Savin et Gérard Longuet applaudissent également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Cette citoyenne iranienne a été interpellée quatre fois sur notre territoire. La première fois, il a fallu contrôler son identité, ce qui impliquait de consulter les services consulaires iraniens. Une fois que nous avons constaté qu'elle était en effet iranienne, nous l'avons libérée du centre de rétention et l'avons encouragée à demander l'asile ou un titre de séjour afin de régulariser sa situation. Jamais elle ne l'a fait.

La République ne peut accepter le maintien de personnes en situation irrégulière sur le territoire national. Cette personne ne veut pas demander l'asile en France : elle veut rejoindre sa famille en Angleterre. Il n'est nullement question de la reconduire en Iran, mais nous ne pouvons lui donner des papiers de force. Nous avons contacté le Royaume-Uni, pour qu'elle puisse rejoindre sa famille. Je le répète : si elle le souhaite, elle pourra déposer un dossier de demande d'asile en France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hussein Bourgi.  - Son mari est en Angleterre, c'est là qu'elle compte faire ses démarches.

Notre histoire de France est grande et belle ; elle a aussi ses zones d'ombre. Je songe notamment à l'absence de protection pour ceux qui ont travaillé pour l'armée française en Afghanistan. Cinquante Iraniens sont sous le coup d'une OQTF, je vous demande de veiller à ce qu'ils ne soient pas renvoyés en Iran, vu le sort qui les y attend. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi et M. Pierre Laurent applaudissent également.)

Fermetures de classes

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Selon le calendrier révolutionnaire, nous sommes en pluviôse ; de fait, il pleut des fermetures de classes, notamment en zone rurale. Malgré un budget en hausse de 6,5 %, à 59,5 milliards d'euros, 2 000 postes en moins. Certes, la démographie scolaire est en baisse ; certes, les salaires des enseignants seront revalorisés. Mais tous les classements internationaux attestent d'une fragilisation du niveau des élèves.

Vous vantez le dédoublement des classes, mais où est la cohérence pédagogique, où est la justice territoriale quand on ferme une classe de 22 élèves et qu'à quelques kilomètres de là, une classe dédoublée en compte 12 ? Plus de 70 % des élèves qui relèvent de l'éducation prioritaire sont en zone rurale. Monsieur le ministre, la ruralité est-elle devenue la variable d'ajustement de vos politiques éducatives ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La démographie scolaire est en baisse depuis plusieurs années -  au rythme de 90 000 à 100 000 élèves de moins chaque année, soit 500 000 d'ici la fin du quinquennat. Dans l'Oise, il y aura 1 367 élèves en moins à la prochaine rentrée.

Le taux d'encadrement, dans ce contexte, est en amélioration continue. Dans l'Oise, il y a 21,5 élèves par classe, et ce sera un peu mieux l'an prochain.

Voix à gauche.  - Ils ont de la chance !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - Dans le même temps, nous créons 102 postes d'enseignants, alors que le nombre d'élèves baisse.

Le budget de l'éducation nationale donne la priorité à la revalorisation des enseignants. À quoi sert de créer des postes que nous ne pourrions pas pourvoir ?

Quant aux fermetures, elles ne sont pas décidées de manière arithmétique, au contraire. Les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) préparent la rentrée avec les élus locaux, identifiant les situations sensibles, en particulier dans les zones rurales. Il y aura des ajustements en juin, puis fin août. À ce stade, rien n'est arrêté, et je serais heureux d'en reparler avec vous.

M. Olivier Paccaud.  - Merci d'avoir évoqué la ruralité, trop souvent oubliée de nos politiques publiques. En 1947, Jean-François Gravier publiait Paris et le désert français. Depuis 2017, M. Macron décline « les métropoles et le désert français ». Or la République, c'est l'égalité des chances, partout et pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Farine au grillon

M. Laurent Duplomb .  - (Marques de sympathie ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'adresse à tous les ministres, tant le sujet nous concerne tous. La Commission européenne a autorisé, le 3 janvier dernier, un nouvel aliment : une farine partiellement dégraissée, incorporé dans de multiples recettes - pains, biscuits, sauces, pizzas, confiseries, pâtes, etc...

Cette farine est faite avec des acheta domesticus entiers, broyés en poudre. Messieurs les ministres, savez-vous ce qu'est l'acheta domesticus ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, monsieur le sénateur : c'est un insecte. (On félicite le ministre à droite.) Il n'est pas nouveau que dans certains pays, on se nourrisse d'insectes : les goûts sont variés...

La réglementation européenne exige que l'on mentionne la nature du produit, en l'occurrence sa dimension allergène. Nous travaillons à une harmonisation au niveau européen. Nous devons renforcer la surveillance sanitaire au niveau communautaire, pour assurer le respect de nos règles. Les mesures prises visent à informer le consommateur et à protéger l'environnement. Sur ces sujets, il faut travailler à l'échelle européenne.

Mme Sophie Primas.  - Comme pour l'énergie.

M. Laurent Duplomb.  - Comment en sommes-nous arrivés à devoir consommer des grillons, de la même famille que les sauterelles et les criquets, dans le pays de la gastronomie et des terroirs ? (Rires à gauche) Vous n'avez de cesse de nous parler d'alimentation saine et durable, d'agro-écologie, de circuits courts - or la sécurité sanitaire de ces produits n'est pas garantie, ces grillons sont élevés hors sol, dans des bâtiments industriels, la poudre est importée du Vietnam....

L'Union européenne cède au lobby anti-viande qui sape notre culture gastronomique et notre agriculture. Soutenons la farine de blé française plutôt que la farine de grillons, le sucre français plutôt que les insectes d'Asie ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.) Que ceux qui veulent manger des grillons viennent dans mes prés, manger des grillons nature, entiers et non broyés ! (Rires) Et pour ceux que cela rebute, je vous invite à manger une bonne côte de boeuf ! (Bravos, rires et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et CRCE ; Mme Angèle Préville applaudit également.)

M. le président.  - Mercredi 1er février, nous recevons le président de la Rada d'Ukraine. Je compte sur la présence de chacun. Les questions d'actualité au Gouvernement débuteront exceptionnellement à 15 h 15.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.