SÉANCE

du mercredi 15 février 2023

57e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Carte scolaire (I)

M. Pierre Laurent .  - Non content de mettre le pays dans la rue avec votre réforme des retraites, votre Gouvernement provoque la colère avec sa nouvelle carte scolaire : 1 000 suppressions de postes dans le primaire, 500 dans le secondaire, sans concertation...

À la rentrée, vous peiniez à mettre un enseignant devant chaque classe, et recrutiez à la va-vite lors de job dating. Quatre mois plus tard, il y aurait trop d'enseignants... Pouvez-vous nous expliquer le tour de passe-passe ? À Paris, c'est une saignée : 337 postes supprimés, 240 classes fermées, après la scandaleuse fermeture de sept lycées professionnels parisiens.

Banlieues et zones rurales sont aussi frappées. Les maires ruraux demandent un moratoire immédiat sur les fermetures. Pendant le covid, on nous expliquait que le temps éducatif devait être protégé comme la prunelle de nos yeux. Tout cela est oublié.

Le dogmatisme budgétaire a créé les pénuries et les déserts médicaux. Monsieur le ministre, allez-vous créer les pénuries et les déserts éducatifs de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - J'ai déjà eu l'occasion de le dire : nous perdrons 500 000 élèves dans les cinq prochaines années.

La diminution est plus aiguë à Paris, où la baisse de la natalité se combine à un départ des familles avec de jeunes enfants. Le nombre d'élèves y a diminué de 20 % ces dix dernières années et le mouvement se poursuit. Il y a 19,8 élèves par classe en moyenne, contre 21,7 au niveau national. Enfin, le maillage en écoles y est le plus dense de France, tout comme le réseau de transport.

Les critères sont simples : équité et universalité. L'équité territoriale impose des choix, pour préserver le service public de l'éducation, pour une meilleure rémunération des professeurs, avec une hausse de 6,5 % du budget de l'éducation nationale cette année, contre 2 % en moyenne entre 2012 et 2017.

N'opposons pas les territoires (protestations sur les travées du groupe CRCE), mais prenons la hauteur de vue nécessaire pour assurer à tous les meilleures conditions d'éducation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre Laurent.  - Opposer les territoires, c'est pourtant ce que vous faites. Vous utilisez toujours la calculette dans le même sens : à la baisse ! La colère va continuer à monter dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Transports franciliens pour les jeux Olympiques et Paralympiques

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) approchent et la question des transports en Île-de-France sera centrale. Le réseau est surchargé et les Franciliens vivent une véritable galère, au point que certains s'interrogent sur notre capacité à accueillir les Jeux.

Monsieur le ministre, vous avez visité le chantier d'Eole. Je me félicite que l'État accompagne la région Île-de-France sur ces projets, mais il ne peut tout faire. Rappelons que la compétence des transports relève de la région.

Il faudrait repenser l'ensemble du financement des transports en Île-de-France. Dès 2024, 600 millions d'euros manqueront pour financer les nouvelles lignes. Les besoins de financement s'élèvent à 1,3 milliard d'euros, notamment avec l'ouverture du Grand Paris Express.

Il y a deux ans, la chambre régionale des comptes alertait déjà sur la mauvaise gestion d'Île-de-France Mobilités. (Mme Sophie Primas et M. Christian Cambon protestent.) En décembre, l'État est venu à son secours et pourtant, le prix du passe Navigo a augmenté. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Une conférence sur le financement des transports franciliens vient de se tenir. Quelles pistes avez-vous retenues pour accueillir correctement les visiteurs des Jeux et offrir aux travailleurs franciliens des transports ponctuels, suffisants et de qualité ? (Protestations à droite ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Un comité stratégique des mobilités se réunit toutes les six semaines pour coordonner les acteurs et faire avancer les chantiers, qui bénéficieront aux Franciliens bien au-delà des Jeux. C'est le cas d'Eole. Nous avons trouvé un accord sur le financement des surcoûts de ce projet, financé pour moitié par l'État. Nous devons avancer dans un esprit consensuel.

Le contrat de plan État-région s'achève prochainement. L'État finance 40 % des besoins de l'Île-de-France, c'est un taux inédit en France. Pendant la crise sanitaire, nous avons versé 2 milliards d'euros d'avances remboursables, et 200 millions d'euros d'aides exceptionnelles sont votés pour 2023.

Il faut trouver des réponses durables. J'ai coprésidé avec Valérie Pécresse les assises du financement des transports franciliens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous aurons un diagnostic partagé en avril, et des pistes de financement avant l'été. Avançons dans un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Nationalisation d'EDF

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.) Jeudi dernier, sur proposition du groupe socialiste, l'Assemblée nationale s'est prononcée par 205 voix pour et une contre en faveur de la nationalisation d'EDF et de l'incessibilité de son capital. Si le texte est voté définitivement, EDF ne pourra donc plus être démantelée.

Les filets de sécurité prévus par le Gouvernement étant insuffisants pour les entreprises artisanales comme les boulangeries, le texte ouvre à toutes l'accès aux tarifs régulés.

Courageusement, les députés de la majorité présidentielle ont quitté l'hémicycle lors du vote. Cette attitude en dit long sur leur respect de la démocratie parlementaire, mais elle est aussi le reflet de l'impensé politique du Gouvernement à l'égard de son projet industriel pour EDF et de la réforme du marché de l'électricité.

Madame la Première ministre, si ce texte - qui est désormais sur le bureau du Sénat - ne vous convient pas, que proposez-vous ? Comment comptez-vous répondre au désarroi des entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je vais vous dire ma conviction profonde. (« Ah ! » à gauche) Je ne vois pas ce que ce texte apporte, mais je vois ce qu'il coûte : 18 milliards d'euros !

Actuellement, l'État détient 96 % des titres d'EDF. Pourquoi une loi, alors qu'il aura 100 % des titres d'ici quelques semaines ?

Je ne cesse de le répéter : le projet Hercule est mort et enterré. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Pourquoi reprendrions-nous les titres d'EDF si c'était pour démanteler l'entreprise ensuite ?

Vous proposez d'étendre les tarifs régulés à toutes les entreprises, c'est-à-dire quasiment tout le tissu économique français. Mais toutes les entreprises ont-elles besoin d'autant d'argent public ? C'est du gaspillage ! (Mme Céline Brulin proteste.)

M. Éric Kerrouche.  - C'est déjà le cas ! Il y a 60 milliards d'euros pour les entreprises !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous nous accusez toujours de gaspiller l'argent public ; là, c'est vous qui le proposez.

Quant à la bataille du marché européen de l'énergie, nous la livrons et nous la gagnerons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Franck Montaugé.  - Vous n'avez pas vraiment répondu. Voilà des mois que les ministres nous bercent de paroles lénifiantes, sans que rien ne se profile à l'horizon.

Ici, il est question de la capacité du Président de la République et du Gouvernement à peser sur la réforme du marché de l'énergie en Europe. EDF doit être au coeur de la stratégie. Le groupe SER soutiendra le texte de Philippe Brun. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Réforme des retraites (I)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le projet de réforme des retraites inquiète les élus locaux et le monde associatif. Je ne vous interrogerai pas sur l'augmentation de la cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), à laquelle les employeurs territoriaux sont opposés.

En revanche, le recul de l'âge légal de départ à la retraite aura des effets sur l'engagement associatif et politique local. La retraite est souvent l'occasion, dans les villages, d'entrer au conseil municipal ou de devenir bénévole dans une association sportive ou culturelle. Une étude de la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) des Hauts-de-France montre que 35 % des retraités engagés dans une association ne l'étaient pas avant leur retraite. En 2020, la proportion de maires de plus de 60 ans était de 55 %. En outre, les retraités sont les plus assidus dans leurs fonctions bénévoles et électives, du fait de leur disponibilité.

Les difficultés à renouveler les équipes sont déjà patentes, notamment en raison d'un statut de l'élu local devenu inadapté. Avez-vous évalué l'impact de votre réforme sur l'engagement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Sébastien Pla applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - L'engagement associatif constitue une pierre angulaire de notre société. Le bénévolat prend du temps et de l'énergie, en effet. Réfléchissons à sa valorisation.

La prise en compte de cet engagement dans les cotisations retraite pose cependant plusieurs problèmes. La plupart des bénévoles acquièrent déjà des droits à retraite au titre de leur activité principale. De plus, le financement de trimestres de retraite est difficile à assumer pour beaucoup d'associations. Les modalités d'acquisition de droits à la retraite par les bénévoles doivent être analysées en profondeur. Plusieurs amendements sur le sujet ont été déposés à l'Assemblée nationale, dont un du groupe Renaissance sur l'article 7.

Concernant le financement de la réforme par les collectivités territoriales, la CNRACL est en déficit de 8 milliards d'euros. C'est pourquoi le taux de cotisation des employeurs devrait passer de 30,65 % à 31,65 % l'année prochaine - à comparer aux 74 % dans la fonction publique d'État. Nous allons engager une concertation sur la compensation à apporter aux collectivités territoriales. L'État sera à leurs côtés.

Sûreté nucléaire

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Pour le nucléaire, rien n'est impossible. L'EPR de Flamanville est un échec ? Qu'importe, le Président de la République lance la construction de six nouveaux EPR. Le débat sur les EPR2 est en cours, la concertation sur le futur mix énergétique n'a pas encore eu lieu ? Qu'importe, on vote une loi d'accélération du nucléaire.

Lundi dernier, nouveau fait du prince : les 1 700 salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont appris le démantèlement de leur institution, pourtant reconnue internationalement. La surprise fut totale.

L'IRSN n'a jamais failli à ses missions. D'un côté, l'indépendance de l'expertise à l'IRSN, de l'autre, le contrôle à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : ce garde-fou construit après Tchernobyl a prouvé son utilité. Pourquoi le démanteler ? Est-ce une demande de l'exploitant, les exigences de sûreté de l'IRSN lui paraissant trop élevées ?

Que reprochez-vous à l'IRSN ? Pourquoi éloigner la représentation nationale de ces choix essentiels ? Pour accélérer le nucléaire, il n'est nul besoin d'affaiblir les exigences de sûreté. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du SER ; Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement mène une politique énergétique de sécurisation de nos approvisionnements et de garantie de prix compétitifs pour le pouvoir d'achat des Français, tout en participant à la lutte contre le dérèglement climatique.

Une voix sur les travées du GEST.  - Et l'IRSN ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Le nucléaire est l'un des outils pour répondre à ces défis.

Sur les travées du GEST.  - L'IRSN !

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Nous devons accélérer et coordonner la recherche, notamment pour les petits réacteurs modulaires. Le nucléaire est lié à des enjeux de souveraineté, mais aussi de sûreté.

Sur les travées du SER.  - Et la réponse ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - La sûreté nucléaire est nécessaire pour obtenir la confiance des citoyens. (M. Daniel Salmon ironise.)

Depuis toujours, nous avons voulu assurer l'indépendance de la sûreté nucléaire et maintenir une recherche d'excellence. L'IRSN a les deux volets : sûreté et recherche. Il s'agit aujourd'hui de mieux les articuler. Le côté sûreté se fera en lien avec l'ASN et le côté recherche, avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Ce modèle existe dans de nombreux pays.

Cette réorganisation doit être menée avec soin. C'est pourquoi nous avons demandé aux dirigeants de trois structures de nous proposer des scénarios. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Grève des contrôleurs aériens

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le 11 février dernier à 13 heures, sans le moindre préavis, des contrôleurs aériens se sont mis en grève à Orly, d'où l'annulation d'un vol sur deux : 25 arrivées et 22 départs.

Comment justifier que les contrôleurs aériens ne soient pas soumis aux mêmes règles que toute autre profession ? De tels blocages provoquent de graves préjudices. Dans une pagaille monstre, les passagers ont dû effectuer un parcours du combattant pour trouver des solutions en urgence.

Il y a un peu plus de quatre ans, je présentais une proposition de loi rendant obligatoire le préavis de grève pour les contrôleurs aériens. Entre 2010 et 2016, 10 milliards d'euros avaient été perdus à cause de ces blocages ; la France était à l'origine de 97 % des perturbations aériennes au sein de l'Union européenne. L'impact environnemental du contournement de notre ciel doit aussi être pris en compte.

Une notification préalable de 48 heures s'impose, comme pour toutes les autres professions de l'aérien.

Monsieur le ministre, n'est-il pas temps de faire bouger les lignes afin d'éviter ces situations que vous avez vous-mêmes qualifiées d'irrespectueuses ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDSE ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Vous avez raison, monsieur le sénateur : cette grève surprise a été irrespectueuse et irresponsable. J'ai toujours défendu le dialogue social ; en l'occurrence, il s'agit d'un contournement des règles par quelques individus qui ont gravement pénalisé, de manière inattendue, plusieurs milliers de passagers.

Le secteur aérien obéit à des règles particulières : il est soumis au service minimum, mais, pour que ce dernier soit activé, il faut un peu de prévisibilité pour que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) prenne des dispositions.

Au vu de ce comportement, je crois qu'il faut changer les choses. J'ai demandé à la DGAC d'entamer des négociations avec les organisations syndicales afin d'activer le service minimum.

Nous sommes ouverts à d'autres options. La loi n'a pas prévu d'obligation de déclaration préalable, comme dans les transports terrestres. Nous examinerons la situation sans tabou, afin de trouver des solutions dans les prochains mois. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du RDSE)

M. Joël Guerriau.  - Le cadre juridique français doit protéger les passagers. Une recommandation européenne prévoit de porter le préavis syndical à 21 jours et individuel à 72 heures, nous en sommes loin ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP)

Chaînes de télévision C8 et CNews

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a une autorité de régulation des médias : l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Celle-ci, sur son site, affirme qu'elle travaille avec le Parlement - qui désigne six de ses neuf membres - et qu'elle est totalement indépendante du Gouvernement. Madame la ministre, quelle est votre définition personnelle de cette expression ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Monsieur le sénateur, vous êtes un grand spécialiste de l'audiovisuel.

M. Jean-François Husson.  - Ça commence bien !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Toutes mes déclarations publiques depuis ma nomination montrent que je n'ai jamais commenté de décision de l'Arcom, autorité strictement indépendante.

M. François Bonhomme.  - Sauf la dernière !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Je me borne à rappeler les obligations des chaînes sur les fréquences gratuites, fixées par la loi de 1986. N'en ai-je pas le droit ? Qu'est-ce qui vous choque ? Qu'est-ce qui vous fait peur ? Posez la question à ceux qui se sentent menacés. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE ; plusieurs exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. David Assouline.  - Qu'en dit la défense de Bolloré ?

M. Roger Karoutchi.  - Rassurez-vous, madame la ministre : il n'y a pas grand-chose qui me fasse peur. Je ne vous empêche pas de faire des commentaires...

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Des constats !

M. Roger Karoutchi.  - ... sur les émissions de certaines chaînes. Moi-même, j'en fais peu. Mais quand vous déclarez qu'en 2025, l'Arcom pourrait retirer, si cela continue, l'agrément aux chaînes concernées...

M. David Assouline.  - C'est vrai !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est factuel !

M. Roger Karoutchi.  - ... vous interférez avec les décisions de l'Arcom. (Sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE : « Non ! » ; applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Vous n'avez pas à dire ce que l'Arcom pourrait faire !

Je serais beaucoup plus intéressé par vos propos sur cette fameuse réforme de l'audiovisuel public que nous attendons depuis cinq ans, et sur les moyens de le financer, puisque nous sommes dans le non-dit depuis la suppression de la redevance. (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. Xavier Iacovelli proteste également.) Laissez l'Arcom faire son travail. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Politique du logement

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 1er février dernier, la Fondation Abbé Pierre dressait un constat accablant : 330 000 personnes sans logement, des milliers d'adultes et d'enfants refusés chaque soir par le 115, près de 4 millions de mal-logés. Cette situation est indigne et les fractures s'aggravent. En cause : des évolutions conjoncturelles - crise sanitaire, inflation, dépenses énergétiques insoutenables - et structurelles - prix à l'achat et à la location en hausse, effort de l'État pour le logement qui ne cesse de chuter depuis 2010.

Les mères de familles monoparentales sont 40 % à être mal-logées, contre 20 % pour l'ensemble de la population.

Monsieur le ministre, vous n'êtes peut-être pas responsable de la situation, mais vous êtes aujourd'hui responsable du changement de braquet nécessaire. Relancerez-vous la construction de logements neufs, et en particulier sociaux ? Renouerez-vous avec l'objectif de 500 000 logements neufs par an ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MmeCathy Apourceau-Poly, Laurence Cohen et M. Marc-Philippe Daubresse applaudissent également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Oui, le logement est une priorité pour nombre de nos concitoyens. Il concourt à leur bien-être. Le Gouvernement fait un effort sans précédent pour lutter contre le sans-abrisme. Dès 2017, le plan Logement d'abord I a sorti plus de 450 000 personnes de la rue. Hier soir, 200 000 places d'hébergement d'urgence étaient offertes, contre 140 000 en 2017 : voilà notre action ! Une part importante des personnes hébergées ne sont pas éligibles au logement social, vous le savez.

Notre effort quotidien est de prévenir les expulsions locatives.

Le plan Logement d'abord II s'intéressera notamment aux femmes, avec 10 000 places...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - On ne vous parle pas d'hébergement, mais de logement !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - ... ouvertes pour celles victimes de violences. Le volet du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement oeuvre à trouver les solutions pour construire plus. Que les élus locaux portent aussi le bâton de pèlerin. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Amel Gacquerre.  - Je ne suis pas rassurée. Nous savons ce qu'il y a à faire. Allons-y ! Le logement n'est pas qu'une question technique, mais aussi humaine. Il y va de la place de chacun dans la société. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Commerce extérieur

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France est championne d'Europe des déficits jumeaux : le déficit budgétaire et le déficit commercial, 160 milliards d'euros chacun. Bravo pour cet effort ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains)

Mais plusieurs économistes s'inquiètent. Selon Rexecode, entre 2019 et 2022, la France a dégradé son solde extérieur et perdu des parts de marché dans tous les secteurs.

Que comptez-vous faire pour changer de direction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La route est longue et la pente est raide ! (Sourires)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - En effet, le déficit de la balance des biens a doublé l'année dernière, essentiellement en raison de la facture énergétique. (On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.) Le parc nucléaire a été à l'arrêt pendant deux ans en raison du rattrapage de la maintenance post-pandémie, et le prix du pétrole et du gaz a plus que doublé. Ce déficit conjoncturel s'effacera naturellement.

En revanche, la balance des services connaît un excédent, de 50 milliards d'euros, tout comme la balance des revenus, de 30 milliards d'euros. Les chiffres sont donc meilleurs que ceux que vous annoncez.

Comment sortir de cette situation ? D'abord, en réindustrialisant le pays. Depuis deux ans, le nombre d'installations d'usines est supérieur au nombre de fermetures : semi-conducteurs à Crolles, paracétamol dans l'Isère, lithium dans le Bas-Rhin et l'Allier. (M. Jean-François Husson proteste.)

Nous soutenons nos PME exportatrices, et les résultats sont là : 144 000 entreprises exportent, c'est 20 000 de plus qu'il y a quelques années. Nous voulons aller plus loin avec la Team France Export. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Une voix à gauche.  - En français !

M. Jérôme Bascher.  - J'ai lu vos chiffres, monsieur le ministre : le déficit, c'est 60 % pour l'énergie et 40 % pour le reste.

M. Olivier Becht, ministre délégué.  - Non, 85 % pour l'énergie !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Monsieur le ministre, au Parlement, on s'assoit et on écoute !

M. Jérôme Bascher.  - Au Sénat, nous avons des idées : voyez la proposition de loi transpartisane de Laurent Duplomb pour favoriser la compétitivité de la ferme France. (On ironise sur les travées du groupe SER.)

Cessez d'imposer des normes à nos entreprises et à notre agriculture et de les changer tout le temps ! Ayez de la constance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Réforme des retraites (II)

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la Première ministre, la mobilisation de samedi dernier contre votre injuste et inutile réforme des retraites a été une grande réussite. Elle était très forte dans les villes moyennes comme Lens ou Boulogne. Dans les cortèges, on entend parler de duperie, notamment pour votre promesse d'un minimum de pension de retraite à 1 200 euros. Il n'y en aura pas, sinon pour une très faible minorité. Les femmes sont les principales victimes de votre réforme, tout comme les catégories populaires ayant commencé à travailler tôt. Votre gouvernement est décidément doux avec les puissants, dur avec les plus fragiles.

Vous agitez le spectre des blocages à la veille des vacances, mais c'est bien le Président de la République, votre gouvernement et votre majorité qui, par votre surdité, bloquez le pays.

Quand prendrez-vous la seule décision susceptible d'apaiser : renoncer à votre réforme et engager de véritables négociations avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Merci pour cette question derrière laquelle pointe la contestation, légitime, de cette réforme qui consiste à demander, c'est vrai, un effort aux Français. (Exclamations sur les travées des groupeSER et CRCE) On peut dire ce qu'on veut de cette réforme ; il y a néanmoins des mesures de progrès qui manquaient dans les réformes précédentes, comme le minimum retraite dont bénéficieront 1,8 million de retraités et 200 000 nouveaux retraités par an. (M. Jean-Luc Fichet proteste.) Certains gagneront 30, 40, voire 100 euros de plus par mois, selon la durée de cotisation et le niveau de revenu.

M. Mickaël Vallet.  - C'est faux !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Hier, l'Assemblée nationale a rejeté l'article 2 du projet de loi qui met en place un index senior (« Ah » sur plusieurs travées des groupeSER et CRCE), car trop de seniors sont contraints à quitter leur emploi. Et la Nupes nous a dit pendant des semaines qu'il fallait faire davantage pour les seniors ! (Exclamations sur les travées du groupe SER)

J'espère, madame la sénatrice, que vous voterez bientôt en faveur de la revalorisation des petites retraites. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rachid Temal.  - Un peu de sérieux, monsieur le ministre !

Mme Sabine Van Heghe.  - Au-delà des postures et des éléments de langage, il y a les chiffres et les faits. Le groupe SER restera mobilisé contre cette réforme, avec responsabilité et dans le respect du débat. Écoutez les Français, écoutez les élus. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur quelques travées du GEST)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.  - Le courage de ne rien faire !

Restauration des cours d'eau

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chantiers de renaturation des cours d'eau ont été simplifiés par un décret du 30 juin 2020, les soumettant à une simple déclaration. Ces chantiers, conduits par les syndicats mixtes qui ont la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), visent à restaurer les continuités écologiques, améliorer la richesse et la variété des espèces et des habitats et lutter contre les inondations. Mais une décision du Conseil d'État du 31 octobre 2022 a annulé ce décret.

Les syndicats mixtes souhaitent que les opérations de renaturation les plus simples demeurent soumises au régime de la déclaration. Les collectivités territoriales doivent bénéficier de budgets des agences de l'eau pour ces projets, sinon 2023 risque d'être une année blanche. Comment faire pour que le bon sens l'emporte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le Gouvernement fera comme vous le suggérez et prendra un nouveau décret tenant compte des remarques du Conseil d'État. L'objectif est de simplifier les travaux.

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - À la mi-mars, le Conseil national de l'eau sera saisi d'un projet de décret. Les élus, qui ont la responsabilité Gemapi, doivent agir ; les financements existent, mais les procédures s'empilent. Le décret du 30 juin 2020 visait à simplifier les choses : il faut poursuivre selon cette philosophie. L'état global de nos milieux aquatiques n'est pas bon. La Commission européenne prépare d'ailleurs un texte sur leur restauration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Si j'osais, je dirais que je bois vos paroles, monsieur le ministre. (Sourires) Un lendemain de Saint-Valentin, merci d'écouter le Sénat. (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Aide aux combattants ukrainiens

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il y a dix jours, j'étais au coeur du Donbass, au contact des combattants ukrainiens revenant des tranchées. Là-bas, c'est Verdun au XXIe siècle : froid, boue, puanteur, rats, et vagues de chair à canon russe qu'il faut sans cesse repousser. Voilà leur enfer quotidien.

Pour survivre, ils ont besoin de notre technologie et de nos armes, dont le canon Caesar. Allons-nous enfin accélérer la cadence de livraison des obus, des pièces détachées et des douze Caesar supplémentaires prévus ? Allons-nous livrer les blindés légers AMX-10 RC promis ? Allons-nous livrer des systèmes de défense lance-roquettes unitaires (LRU) et Crotale ? Quelle est votre position sur la nécessité de livrer des avions de combat ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Alain Richard applaudit également.)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du ministre des armées, qui participe à une réunion de l'Otan à Bruxelles.

À chaque cession d'armes à l'Ukraine, nous examinons trois critères : la logique strictement défensive ; la préservation de notre modèle de sécurité et de défense ; la fourniture d'équipements rapidement opérationnels.

Nous répondons rapidement sur les blindés de combat, l'artillerie et la défense sol-air. Dix-huit canons Caesar ont déjà été livrés. La France a par ailleurs donné des LRU. Nous avons aussi livré des missiles Mistral et des batteries Crotale. Avec les Italiens, nous livrerons une batterie SAMP-T. Nous fournirons prochainement des chars AMX-10 RC.

Un fonds spécial de soutien de 200 millions d'euros a été créé et permet à l'Ukraine d'acquérir du matériel directement auprès des industriels : ce sera le cas pour douze nouveaux canons Caesar et un radar GM-200. Cela complète l'action de la Facilité européenne pour la paix. Collectivement, nous avons engagé plus de 3,5 milliards d'euros.

Nous ne nous interdisons rien : d'autres cessions pourront être envisagées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Folliot.  - Je regrette que vous n'ayez pas répondu précisément à mes questions. Il y a urgence : nous devons aider l'Ukraine maintenant. La France doit être en première ligne. C'est notre devoir, mais aussi notre honneur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)

Carte scolaire (II)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La préparation de la rentrée scolaire suscite incompréhension et colère dans les territoires ruraux. Monsieur le ministre, nous avons bien compris que votre matière favorite, ce sont les mathématiques. Dans le Cantal, Saint-Constant, Saint-Martin-Valmeroux, Junhac, Labesserette, Sansac, Saint-Santin-de-Maurs, Saint-Mamet, Giou-de-Mamou, Reilhac, Condat, Moussages, Menet, Valette, Ydes, Les Ternes, Murat, Saint-Flour : la liste des victimes de l'année est longue, et elle s'allongera.

C'est un marché de dupes : votre budget augmente de 6,5 %, mais les moyens se réduisent sur les territoires, sans concertation ni délai de prévenance, en ignorant les initiatives locales. C'est une méthodologie digne de la IIIe République.

Si vous voulez vraiment réduire nos moyens, ne le faites pas au détriment des effectifs devant élèves : dans le Cantal, seuls 85 % des enseignants du premier degré sont dans cette situation. Remettrez-vous des enseignants devant les élèves des classes rurales, pour ne pas envoyer de signal mortifère ? Les petites écoles sont la vie de nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La France connaît un déficit de natalité qui n'épargne pas votre département, et justifie des ajustements de la carte scolaire selon deux principes : l'équité et l'universalité, avec une attention particulière pour les territoires ruraux. Nous sommes dans la première phase d'élaboration de la carte scolaire ; d'autres étapes sont prévues, en juin et en août. Dans votre département, il y a 17 élèves par classe, contre 21,7 au niveau national. Nous tenons nos engagements : ne fermer aucune école en milieu rural sans l'aval du maire et augmenter la rémunération des professeurs pour pourvoir les postes mis au concours.

M. Stéphane Sautarel.  - Vous n'avez pas tout à fait répondu. Je connais les ratios. Le Président de la République s'était engagé à ne plus fermer de classes, et non d'écoles, sans l'aval du maire. (M. François Patriat le conteste.)

Je vous invite à lire un texte intitulé « Rationalisation de l'orchestre » : on y apprend comment faire passer un orchestre symphonique de 82 à 8 musiciens... Il devrait vous intéresser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Carte scolaire (III)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.) La préparation de la carte scolaire 2023-2024 se traduit par des suppressions importantes de postes, en particulier dans le premier degré. La rentrée sera de nouveau compliquée en Haute-Vienne, où le taux d'encadrement est inférieur à la moyenne nationale. La carte scolaire ne peut être dictée par de simples considérations comptables ou démographiques. L'école publique est en bien mauvais état : classes sans enseignants transformées en garderies, brigades de remplaçants détournées vers d'autres missions, enfants en situation de handicap accueillis sans moyens. Un moratoire sur la fermeture des classes serait justifié. Quels moyens pour notre école publique ? Comment sortir de la logique comptable, pour répondre aux besoins dans les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Laurent et Mme Monique de Marco applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La Haute-Vienne connaîtra une baisse de 400 élèves à la prochaine rentrée.

La préparation de la rentrée commence bien en amont, avant que des décisions définitives ne soient prises en juin et août. Avec les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen), les recteurs, les inspecteurs d'académie, nous sommes encore en phase d'échange et de dialogue.

L'école est un facteur de dynamisation des territoires : il faut mener ce travail avec les élus locaux. Dans dix académies, le programme Territoires éducatifs ruraux associe l'éducation nationale et les collectivités territoriales pour renforcer l'attractivité des territoires. Il faut l'étendre à tous les territoires ruraux.

L'augmentation du budget de 6,5 %, 3,6 milliards d'euros, permettra de mieux payer les professeurs et de pourvoir les postes ouverts au concours. C'est ce que vous n'avez pas fait entre 2012 et 2017 ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et protestations sur celles du groupe SER)

Mme Isabelle Briquet.  - C'est un peu facile... (Contestations sur les travées du RDPI ; Mme la Première ministre le conteste également.) Promouvoir l'égalité des chances, lutter contre les fractures territoriales, former et émanciper nos futurs citoyens : telle est la mission de l'école. Mais elle va mal. La méthode doit changer. Tout est question de choix : ce n'est pas en supprimant des postes que l'école ira mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Maternités et accès aux soins

M. Fabien Genet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Naître ou ne plus naître à Autun, telle est aujourd'hui la question qui hante les 70 000 habitants du Morvan après votre annonce de la fermeture de la maternité. Cela provoque colère et révolte chez les soignants, les élus locaux et la population. C'est un nouveau déménagement du territoire ! Les femmes doivent parcourir une heure ou une heure trente de route pour rejoindre une maternité.

Monsieur le ministre, vous avez justifié cette fermeture par le fait que vous ne trouvez plus de professionnels pour assurer la sécurité des accouchements. Après avoir fermé un tiers des maternités en vingt ans, allez-vous poursuivre ?

Vous avez contesté le terme de fermeture, affirmant que les accouchements étaient désormais « suspendus » à la maternité d'Autun. Les femmes enceintes doivent-elles suspendre leur accouchement, et les malades leur maladie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Marie-Pierre Monier et Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - À Autun, les accouchements sont suspendus depuis la mi-décembre faute de personnel médical. Comme moi, j'imagine que vous refusez de mettre en danger la santé des femmes enceintes.

J'ai repoussé la date de la commission sur l'avenir du site pour avoir plus de temps. Bien sûr, les femmes du Morvan doivent disposer d'une solution satisfaisante.

Plusieurs pistes se dessinent après des échanges avec les élus, les professionnels et les représentants des patients : une ligne d'intervention supplémentaire à Autun avec une ambulance et une sage-femme ; un service de périnatalité à Autun, avec une antenne à Château-Chinon ; de l'hébergement pour les femmes juste avant l'accouchement ; des consultations de pédiatrie, en lien avec les centres hospitaliers de Dijon et de Chalon-sur-Saône.

Le financement sera au rendez-vous. Ce dossier est emblématique de la construction d'une réponse à l'échelle du territoire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Fabien Genet.  - Vous présentez la transformation de la maternité en centre périnatal de proximité comme une nouveauté, mais cela date d'un décret de 1998 ! Le centre périnatal de Cosne-sur-Loire a dû fermer. Derrière vos slogans se cache la réalité : celle d'un territoire sans maternité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Fin des tarifs réglementés du gaz en juin 2023

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 1er juillet 2007, la France ouvrait son marché de l'électricité et du gaz à la concurrence pour les particuliers. On promettait alors une baisse des prix et un système plus lisible. Mais seize ans plus tard, l'énergie pèse lourd dans le budget des ménages... Le prix de l'électricité a augmenté de 50 % en dix ans. Même chose pour le gaz. Les causes sont multiples : guerre en Ukraine, marché européen, stratégies énergétiques gouvernementales incohérentes. Des millions de ménages devront renégocier leurs contrats, et verront les tarifs bondir.

Alors que la reprise s'amorce en Chine, les prix du gaz risquent de s'envoler. Allez-vous prolonger les tarifs réglementés, d'autant que la Commission européenne autorise désormais les États membres à prendre des mesures exceptionnelles pour la protection des consommateurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je vous rassure, les prix ne vont pas bondir. Depuis deux ans, la France, plus que tout autre État, protège les ménages contre la flambée des prix.

MM. Fabien Gay et Serge Mérillou.  - C'est un échec !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il y aura, en juin 2023, la même protection pour les consommateurs puisque le bouclier est maintenu jusqu'à la fin de l'année. Sachez aussi que sur douze millions de consommateurs de gaz, dix ont renoncé aux tarifs réglementés.

Pour l'électricité, nous sommes producteurs : nous pouvons réguler et plafonner le tarif et nous le faisons, notamment avec l'Arenh qui réduit de 50 % la facture des entreprises. (M. Fabien Gay proteste.)

En revanche, nous ne sommes pas producteurs de gaz ; nous n'avons donc pas les moyens d'en plafonner le prix. Il restera cependant le tarif de référence fixé par la Commission de régulation de l'énergie. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Fabien Gay et Serge Mérillou protestent.)

M. Olivier Cigolotti.  - Dans un environnement de plus en plus dérégulé, le tarif réglementé reste une référence claire pour les consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Liberté de la presse

M. Stéphane Ravier .  - Ma question s'adresse à madame la ministre de la censure... pardon, de la culture. (Marques d'agacement sur plusieurs travées) Le 9 février dernier, vous avez menacé de ne pas renouveler des fréquences de chaînes, portant atteinte à l'indépendance de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), au pluralisme des équipes de C8 et CNews, à la liberté d'expression et au débat démocratique.

Vos propos sont dignes d'une République soviétique ou bananière. (On s'indigne à gauche.) Nous sommes non à Pyongyang ou à La Havane, mais à Paris ! Cela est aggravé par un deux poids, deux mesures : samedi, France 2 accueillait en vedette un tueur en série, sans réaction ni de l'Arcom ni de vous. Votre régulation est sélective.

C8 accumule les amendes -  6,5 millions d'euros  - pour, disons-le, non-respect de l'idéologie dominante. Françoise Laborde et Mémona Hintermann, anciens membres de l'Arcom, n'ont pas manqué de dénoncer vos pressions : en appelant l'Arcom à agir, vous êtes dans l'ingérence.

Vous ne supportez pas l'expression pluraliste incarnée par C8. (Indignation à gauche) Alors que le renouvellement des fréquences aura lieu en 2025, à deux ans des prochaines échéances présidentielles, quelles garanties pour la liberté des débats dans l'audiovisuel français ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - On termine en beauté... Vous m'aviez qualifiée il y a quelque temps de ministre de la déculture : on progresse ! (Mme Marie-Pierre Monier applaudit)

M. Stéphane Ravier.  - Vous régressez !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Vous contestez les obligations posées dans la loi de 1986, le fait qu'il faille respecter la dignité des personnes, ne pas insulter un parlementaire, ni inciter à la haine... L'Arcom a sanctionné une chaîne que vous mentionnez pour des propos insultant les mineurs étrangers. En fait, vous contestez le cadre de la loi. Je suis pourtant devant les législateurs, attachés à la loi qui est le fondement du pluralisme dans notre pays.

Je m'étonne de vous entendre défendre la liberté de la presse : le candidat que vous souteniez à l'élection présidentielle faisait huer les journalistes lors de ses meetings. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous. Respectons la loi, rien que la loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, des groupes INDEP, SER et CRCE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.