Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.
Discussion générale
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Nous tenons entre nos mains un objet précieux : un texte législatif qui, dès qu'il sera appliqué, changera des vies. En cas de violences conjugales, il est toujours difficile de tourner le dos à son bourreau. Rien ne doit freiner le courage des femmes qui décident de recouvrer leur liberté. Si nous le pouvions, nous ferions disparaître l'emprise mortifère qui les détruit et aiderions chacune à boucler sa valise. Nous pouvons tout de même agir : le Gouvernement, avec le « pack nouveau départ » annoncé par la Première ministre en septembre 2022 ; la sénatrice Valérie Létard, en déposant cette proposition de loi ; le Sénat et l'Assemblée nationale, en l'adoptant à l'unanimité en première lecture. Je me réjouis d'un nouveau vote transpartisan, car face à ce fléau, seule l'union fait la force.
Pour que le dispositif s'adapte à toutes, quels que soient les parcours et les situations, le Gouvernement a modifié l'article 1er. Les principes du texte sont ceux de la République. Il contient des solutions pratiques pour aider les femmes concrètement.
Lorsque j'étais magistrate, j'ai croisé des femmes qui n'étaient plus que l'ombre d'elles-mêmes. Je me souviens de Gisèle, séquestrée et violée par son conjoint, qui s'enfuit grâce à une amie ; de Solange, enfin partie, à 75 ans, après des années de violence. J'ai gardé leurs mots en mémoire, et je n'oublierai pas non plus les visages de celles que je n'ai vues qu'en photo, parce que c'était trop tard, comme Leïla, massacrée devant ses enfants. J'aurais voulu les aider à partir. (La voix de Mme la ministre se teinte d'émotion.) Leurs visages m'accompagnent.
Cette proposition de loi permettra à des femmes de relever la tête. Chaque cas est unique, il faut répondre à tous. Elle complétera le « pack nouveau départ », qui propose aux victimes un parcours coordonné pour débloquer toutes les aides auxquelles elles ont droit, et dont le Président de la République a réaffirmé le caractère prioritaire le 25 novembre dernier. Je pense également au Grenelle, quasi intégralement mis en oeuvre.
Lorsque les obstacles et freins au départ peuvent être levés par des politiques publiques, il faut être au rendez-vous. Dans ce moment charnière, où tout peut encore basculer, nous pouvons, en faisant cesser la dépendance économique, rompre l'emprise et le cycle de la violence. Car tout non-départ, tout retour en arrière peut être fatal.
C'est pourquoi j'ai voulu que le prêt puisse aussi prendre la forme d'un don, car il est impensable que la victime se retrouve en position de débiteur pour se protéger. Le départ est une décision difficile, et il faut éviter tout faux départ. Nous posons donc le principe d'une aide d'urgence aux victimes de violences conjugales, financée par l'État, sous forme de don ou de prêt qui, le cas échéant, devra être remboursé par l'auteur condamné, pour le mettre face à sa responsabilité.
Notre proposition repose sur les principes de souplesse, pour répondre aux besoins de chacun, de rapidité, car chaque seconde passée avec son bourreau est une seconde de trop, et d'universalité, car toutes les victimes doivent y avoir accès, sans conditions de ressources.
Protéger nos concitoyennes : cela dépasse les clivages partisans. En votant ce texte, vous soulagez celles qui veulent s'extraire des griffes de leurs bourreaux, vous sauvez des vies. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de faire un pas de plus dans la lutte contre les violences faites aux femmes : saisissons-la.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Mme Valérie Létard applaudit.) Le 20 octobre dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard. Moins de quatre mois plus tard, le texte nous revient après le vote unanime de l'Assemblée nationale, qui y a toutefois apporté des modifications substantielles.
Le texte du Sénat prévoyait une aide d'urgence, octroyée par la caisse d'allocations familiales (CAF), sous la forme d'un prêt à taux zéro, pour aider les victimes à quitter le domicile conjugal, alors que 19 % d'entre elles déclarent subir des violences économiques lors de leur appel au 3919.
Le dispositif était issu d'une expérimentation menée dans le Nord. Le premier versement devait intervenir sous trois jours et l'aide était assortie d'un mécanisme de remboursement par l'auteur des violences. La CAF pouvait se constituer partie civile pour le compte de la victime si celle-ci renonçait à exercer ses droits.
Les députés ont adopté des amendements du Gouvernement, enfin sorti de sa réserve, mais ont gardé intacte l'ambition de donner aux victimes, dans un délai très court, les moyens financiers de partir. C'est pourquoi la commission a adopté le texte sans modification, pour permettre son application rapide.
Nous nous réjouissons des avancées introduites : le financement de l'aide d'urgence a été transféré de la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) à l'État ; le droit pour toute victime de bénéficier d'un accompagnement global a été affirmé ; la Mutualité sociale agricole (MSA) est intégrée au dispositif. Nous saluons ces modifications, que les règles de recevabilité financière ne nous permettaient pas de proposer.
L'aide pourra prendre la forme d'un prêt ou d'une aide non remboursable, et les montants pourront être modulés selon les besoins de la personne, notamment sa situation financière et sociale, en tenant compte de la présence d'enfants à charge.
L'Assemblée nationale a porté le délai de premier versement de l'aide de trois à cinq jours ouvrés si la victime n'est pas allocataire de la CAF. Même si cet allongement n'est pas souhaitable en soi, nous comprenons les inquiétudes de la Cnaf.
Toujours à l'article 1er, le mécanisme de récupération de l'aide a été conservé, avec le principe du remboursement par l'auteur des violences, qui pourra être prononcé par la juridiction pénale.
L'Assemblée nationale a respecté l'esprit du texte adopté par le Sénat, nous nous en réjouissons.
À l'article 2, les députés ont maintenu l'obligation faite aux gendarmes et policiers d'informer la victime déposant plainte de la possibilité de demander l'aide d'urgence. Mais l'enregistrement de la demande n'est plus systématique : sans doute les députés ont-ils considéré que les acteurs de terrain l'appliqueraient.
En outre-mer, les victimes de violences conjugales sont encore plus nombreuses que dans l'Hexagone. L'article 1er bis autorise le Gouvernement à adapter la loi à Mayotte par ordonnance.
L'Assemblée nationale a aussi inséré quelques articles plus anecdotiques. L'article 1er ter prévoit une loi de programmation pluriannuelle en matière la lutte contre les violences faites aux femmes - mesure symbolique mais non normative. Enfin, les articles 2 ter et 2 quater sont des demandes de rapport sur lesquelles, une fois n'est pas coutume, la commission a été indulgente.
Elle a donc adopté ce texte sans modification. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait levé le gage financier. Cette proposition de loi, issue du terrain, complétera utilement les dispositifs existants. La commission vous invite à l'adopter conforme. (Applaudissements)
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je renouvelle nos remerciements à Mme Létard pour cette proposition de loi : son obstination a permis d'aboutir. Il est temps que la navette parlementaire s'arrête et que le texte soit promulgué et mis en oeuvre : les femmes l'attendent.
L'un des principaux freins au départ est la crainte des victimes de se retrouver dans la précarité, sans ressources, a fortiori si elles ont des enfants à charge. Cette crainte les pousse à taire leur calvaire et à se résigner à rester au domicile conjugal, devenu prison.
L'indépendance économique des femmes est une étape indispensable pour leur émancipation. Nous avons beaucoup progressé, grâce à la mobilisation des féministes : accès au compte bancaire, droit de travailler sans le consentement du mari, suppression des interdictions professionnelles, etc.
Nous poursuivons cette mobilisation pour avancer sur le chemin de l'égalité professionnelle, faire tomber les stéréotypes - en cette journée du numérique, remarquons que les filles s'engagent encore trop peu dans ces métiers d'avenir.
Je défends la déconjugalisation de l'allocation de soutien familial ou encore l'augmentation du Smic, car 60 % des salariés au Smic sont des femmes. Augmenter le Smic, c'est augmenter les femmes !
Nous fêtons les cinq ans du mouvement #MeToo. Je me réjouis de la mobilisation de la société, des pouvoirs publics mais aussi, et c'est nouveau, des collectivités locales : un atelier spécifique avait d'ailleurs été organisé lors du Congrès des maires. Communes et intercommunalités s'emparent du sujet, car elles sont concernées par les violences dont peuvent être victimes leurs habitantes, leurs fonctionnaires ou encore leurs élues - mais aussi par les violences qui peuvent être commises par des élus... On retrouve les mêmes statistiques à chaque échelon de la société.
Beaucoup de chantiers restent à ouvrir : restriction de l'autorité parentale et du droit de visite et d'hébergement de l'auteur des violences, renforcement de l'ordonnance de protection, dissimulation de l'adresse de résidence et de l'école des enfants, signalement à la victime de la remise en liberté de son agresseur, abrogation du délit de non-représentation de l'enfant - arme à fragmentation pour les mères qui protègent leurs enfants et, enfin, création d'une juridiction spécialisée sur les violences intrafamiliales rassemblant justice civile et pénale. Sur ce sujet, nous serons à vos côtés, madame la ministre.
Ce texte est essentiel. Les violences contre les femmes coûtent 3,3 milliards d'euros à la société. Les sommes engagées sont bien peu au regard de ce coût collectif. (Applaudissements)
Mme Laurence Cohen . - Cette proposition de loi aura connu un parcours tumultueux. Mme Létard a repris une proposition de loi déposée par Michelle Gréaume en février 2021 ; je salue leur travail, ainsi que celui de la rapporteure.
Par amendement à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a intégralement réécrit l'article 1er. À l'initiative du groupe GDR, les conditions de régularité au séjour et de difficultés financières immédiates ont été supprimées : une aide universelle doit être telle, même si elle est modulée. Qu'elle soit gérée par l'État et non par la Cnaf est positif.
La loi de programmation pluriannuelle prévue à l'article 3 - certes non normatif - est attendue. Madame la ministre, verra-t-elle le jour avec les moyens nécessaires, notamment pour le 3919 et les associations ?
Enrichi par des amendements émanant des groupes Les Républicains, centriste et socialiste, ce texte est largement transpartisan. Cela s'explique par l'augmentation des violences conjugales : 213 000 victimes en 2019. Le ministère de l'intérieur a signalé une augmentation de 20 % des féminicides en 2021 : 122, contre 102 en 2020.
Il est indispensable d'accompagner les victimes pour les sortir de l'emprise morale et économique exercée par le conjoint.
Nous regrettons que la grande cause du quinquennat d'Emmanuel Macron ne bénéficie pas des 2 milliards d'euros demandés par les associations féministes, pour agir sur l'éducation et la prévention.
Madame la ministre, si nous voulons débarrasser notre société de ce fléau, soumettez au Parlement un projet de loi-cadre sur les violences faites aux femmes en vous appuyant sur le travail des associations et notamment du Collectif national pour les droits des femmes.
En attendant, le CRCE votera ce texte, en espérant son entrée en vigueur rapide. (Applaudissements)
Mme Valérie Létard . - Nous voici arrivés au terme de l'examen de cette proposition de loi - en quatre mois, c'est un record !
Je prends la parole avec émotion et fierté. Qu'une initiative de terrain, nourrie par une expérimentation conduite par les professionnels de mon territoire, ait trouvé une traduction législative est une excellente chose.
Nous espérons que ce texte contribuera à changer le destin des trop nombreuses victimes, grâce à une aide financière qui devra être simple d'accès et universelle. Les montants et modalités, qui seront fixés par décret, devront être à la hauteur des besoins, madame la ministre.
Aide remboursable ou non, l'objectif reste le même : permettre à la victime de s'extirper de l'emprise de son bourreau, pendant la période nécessaire pour rétablir ses droits. Aucun milieu social, aucune génération n'est épargnée : l'universalité de l'aide était une condition essentielle de son succès. On ne saurait exclure les femmes salariées, les moins de 25 ans non éligibles au RSA, les retraitées...
Merci à la commission pour son écoute attentive, à nos collègues qui ont enrichi le texte et renforcé sa portée. L'unanimité du Sénat a sans doute permis au Gouvernement de surmonter ses réserves initiales.
Je remercie également la présidente de l'Assemblée nationale, qui a créé les conditions d'un vote unanime, et la rapporteure Béatrice Descamps, députée du Nord. Parmi les ajouts bienvenus, citons l'accompagnement social et professionnel, les droits sociaux liés, la transmission simplifiée des demandes à la CAF et au département. Merci à Mme la ministre d'avoir levé le gage. Je me réjouis également que la MSA puisse gérer ses propres bénéficiaires.
Cette unanimité montre que nos assemblées sont capables de surmonter leurs divisions. La loi doit protéger les plus fragiles : ce principe essentiel m'a toujours guidée. Merci à vous tous de donner tout son sens à l'engagement politique et à l'action publique. Ce texte est une grande avancée pour les plus vulnérables : nous pouvons collectivement être fiers de notre travail. (Applaudissements)
M. Éric Gold . - L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications qui ont amélioré ce texte, grâce au Gouvernement qui est sorti de sa réserve initiale. Saluons le travail consensuel entre le Parlement et le Gouvernement, preuve que nous pouvons travailler en bonne intelligence.
Près de 300 000 personnes sont victimes chaque année de violences familiales - 72 % d'entre elles sont des femmes. Or la précarité financière retarde, voire empêche le départ du domicile conjugal.
En complément des mesures existantes, cette proposition de loi s'attaque à la question de la dépendance financière en instaurant un prêt à taux zéro ou une aide non remboursable, modulés en fonction des besoins de la victime et des enfants à charge. Sur décision de justice, le remboursement pourra être mis à la charge de l'auteur des violences.
Cette aide est toutefois conditionnée à un dépôt de plainte ; policiers et gendarmes devront informer la victime de son existence.
En sus des demandes de rapport, nous regrettons également l'inscription, purement symbolique, d'une demande de loi de programmation pluriannuelle. Le Gouvernement n'est pas tenu de déposer un tel projet de loi, gardons-nous de créer de faux espoirs.
La suppression de la condition de régularité de séjour et de résidence stable en France me paraît peu opérationnelle. Chaque victime doit pouvoir être aidée, mais les personnes en situation irrégulière ne se rendront pas au commissariat pour porter plainte...
La dépendance financière ajoute à la vulnérabilité des femmes et repousse la mise à l'abri. Si ce texte peut convaincre ne serait-ce qu'une victime de partir, nous aurons peut-être sauvé une vie. Le RDSE le votera d'une seule voix. (Applaudissements)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Elles avaient 19, 30, 51 ou 90 ans. La plupart étaient mères ; leurs enfants ont parfois été témoins, ou même victimes. Certaines ont été brûlées vives, étranglées, poignardées. Des meurtres perpétrés le plus souvent par des hommes déjà connus de la police pour des faits de violences conjugales.
En 2022, 147 femmes et 18 hommes ont été tués par leur conjoint ou ex-conjoint. Un enfant est tué par l'un de ses parents tous les cinq jours. Derrière ces chiffres, une réalité : celle de la souffrance des victimes. Voilà pourquoi le Sénat a adopté à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard, le 20 octobre dernier. Enfin, une mesure concrète, associant les collectivités territoriales ; je m'en réjouis, car tel est le but du travail sénatorial.
La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat universel. Je m'y suis engagée depuis plus de dix ans, aux côtés de Maître Nathalie Tomasini et du juge Édouard Durand. Je salue le travail de notre délégation aux droits des femmes, notamment sa dynamique présidente. Mais nous n'avançons jamais assez vite !
Voilà des années que nous demandons une grande loi sur les violences conjugales, mais il faut nous contenter de propositions de loi successives : la loi du 9 juillet 2010 de Guy Geoffroy ou encore les lois du 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020. Certaines mesures, comme la suspension et le retrait de l'autorité parentale du parent violent, ont longtemps été systématiquement rejetées par les gouvernements Hollande et Macron. Nous en reparlerons bientôt.
Ces causes méritent que nous dépassions les clivages politiques.
L'analyse des appels au 3919 montre une augmentation des viols conjugaux, menaces de mort et tentatives de féminicide : en 2019, 2 100 auteurs de violences étaient récidivistes.
Je me réjouis que ce texte responsabilise l'auteur des violences, qui devra rembourser l'aide à l'issue de la procédure.
Bien sûr, ce texte ne résorbera pas toutes les failles. Selon un rapport de 2019 sur les homicides conjugaux, 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, mais 82 % des mains courantes n'avaient donné lieu à aucune investigation et 80 % des plaintes avaient été classées sans suite.
Commençons par faire appliquer les lois existantes. Un exemple : la loi de 2019 a créé un comité de pilotage chargé de suivre les différentes expérimentations ; il ne s'est réuni que deux fois en quatre ans...
J'espère que cette belle loi sera adoptée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, SER, du RDSE et du RDPI)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) En octobre dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard. Cette initiative qui intègre dans la loi ces pratiques qui ont fait leurs preuves sur le terrain est un cas d'école.
L'expérimentation menée à Valenciennes est un succès. Dans mon département de Seine-et-Marne, la CAF a mis en place un système d'aide aux victimes, qui fonctionne également.
Je remercie Valérie Létard pour son initiative et nous voterons ce texte afin qu'il soit rapidement mis en oeuvre.
Je me réjouis également du soutien de l'Assemblée nationale, qui a corrigé quelques lacunes du texte - notamment l'intégration de la MSA - et du Gouvernement.
J'avais déposé un amendement, retiré en début de séance, qui revenait sur la rédaction de l'article 1er ter. Nous devons viser toutes les victimes de violences, femmes et hommes. (Mme Laurence Rossignol s'en émeut.) Bien sûr, les violences conjugales sont le plus souvent commises par des hommes, mais ils en sont parfois victimes également.
J'espère que ce texte sera mis en oeuvre au plus vite : les victimes l'attendent ! (Applaudissements)
Mme Mélanie Vogel . - Le 25 novembre 2017, Emmanuel Macron promettait de faire de l'élimination des violences faites aux femmes la grande cause de son quinquennat. Or chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences ; 147 féminicides ont été commis en 2022, 25 % de plus qu'en 2021.
Les féminicides n'ont donc pas baissé. Voilà pourquoi les parlementaires ont pris le relais et je salue le travail de Valérie Létard. Nous voterons ce texte, qui vise à surmonter la barrière économique. En moyenne, les femmes gagnent 22 % de moins que les hommes, alors qu'elles sont plus diplômées. Dans les couples hétérosexuels, l'écart de rémunération atteint 47 %. Ce manque d'autonomie financière est un frein majeur au départ. Les violences conjugales se doublent parfois de violences économiques - interdiction d'accès aux comptes bancaires, contrôle des dépenses, etc.
L'annonce de la séparation est le moment le plus dangereux celui où les femmes risquent la mort : « Elle le quitte, il la tue ». La proposition de loi apporte une réponse à ces situations dramatiques.
La première version ne prévoyait que l'octroi d'un prêt. Je me réjouis que le texte prévoie désormais également une aide financière d'urgence non remboursable, calibrée selon les besoins de la victime et dont le remboursement pourra être imputé à l'auteur des violences.
Toutefois, ce texte n'est qu'une première brique : nous demandons 2 milliards d'euros, soit 1 % du PIB, pour protéger 50 % de la population, afin que le décompte macabre des féminicides cesse de nous hanter ! (Applaudissements)
Mme Nadège Havet . - Je salue l'engagement de Valérie Létard. Mon groupe votera ce texte.
Il prévoit désormais un soutien financier accessible rapidement aux victimes. Il faut absolument éviter que le départ soit retardé, voire empêché pour des raisons financières. La nouvelle aide prendra la forme d'un prêt à taux zéro, débloqué trois à cinq jours ouvrés après la demande. La notion de prêt pouvait être source d'insécurité pour les plus précaires : l'Assemblée nationale a répondu à ces inquiétudes. C'est une belle avancée.
Les chiffres sont glaçants : 122 féminicides en 2021, 160 000 plaintes en 2020 - peut-être le double en réalité.
L'avance financière doit se doubler d'un accompagnement social et professionnel. L'article 2 prévoit ainsi que l'officier de police judiciaire informera la CAF et les services sociaux du conseil départemental.
Le 3919, numéro national d'écoute et d'orientation, est anonyme et gratuit. Rappelons ce numéro encore et toujours. (Applaudissements)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2009, le Sénat a débattu de nombreux textes portant sur la lutte contre les violences conjugales et voté d'utiles mesures. Mais face à l'urgence, le Parlement accélère la cadence. Nous étions en retard : la première étude statistique ne date que de 2006... Malgré ce volontarisme, les violences conjugales augmentent et les crimes violents continuent de briser des vies et des familles.
Cette proposition de loi sonne comme une évidence, car l'aide est primordiale dans un moment particulièrement éprouvant pour les victimes, celui du départ, qui est un saut dans l'inconnu. C'est pourquoi de nombreuses victimes préfèrent le statu quo.
Cette aide viendra soutenir leur courage au moment du départ. Elle marque aussi symboliquement le soutien de la société à ces victimes, en leur permettant d'entrevoir un après. Je salue cette avancée majeure et le travail collectif de terrain réalisé par Valérie Létard.
La méthodologie d'élaboration a été exemplaire, fondée sur l'écoute des acteurs du secteur médico-social, de l'aide juridique, du logement et de l'insertion professionnelle. En matière de violences conjugales, seule une approche multidimensionnelle associant les collectivités locales, les travailleurs sociaux, les gendarmeries et les CAF permet d'avancer.
J'appelle de mes voeux la création d'une juridiction spécialisée, qui a fait ses preuves en Espagne. Nous devons intensifier notre lutte contre les violences conjugales et mieux coordonner les acteurs.
Dans l'attente d'une grande loi de lutte contre les violences conjugales, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi attendue et utile. Merci, chère Valérie Létard. (Applaudissements)
Les articles 1er, 1er bis, 1er ter, 2, 2 ter, 2 quater et 2 quinquies sont successivement adoptés.
La proposition de loi est adoptée.(Applaudissements)
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. - Madame Létard, je vous remercie, ainsi que tous les sénateurs et sénatrices pour leur mobilisation pour cette grande cause qui nous mobilise tous. Madame la ministre, nous attendons un texte global sur les violences faites aux femmes. Vous trouverez dans le Sénat un partenaire. (Applaudissements)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Émue de cette adoption à l'unanimité, je vous remercie pour la qualité de nos échanges. Je me félicite que l'aide puisse être non remboursable. Nous allons maintenant nous atteler à la publication des décrets. Je salue le travail constructif mené avec la délégation aux droits des femmes et la présidente Billon. Madame Rossignol, Monsieur Brisson, le travail continue : la notion de justice spécialisée est fondamentale, car ces violences nécessitent une prise en charge spécifique. J'attends avec intérêt le rapport de Mmes Vérien et Chandler. Vous pouvez compter sur moi, comme je compte sur vous : face à ces violences, l'union fait la force. (Applaudissements)