Adaptation au droit de l'Union européenne (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 9 février dernier, la CMP est parvenue à un accord sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue). Je salue la rapporteure de l'Assemblée nationale et l'ensemble de nos rapporteurs. De nombreuses dispositions n'ont été modifiées que très marginalement par les députés.

La CMP a intégré les évolutions souhaitées par le Sénat en matière de handicap, en prenant en compte la dimension territoriale.

Concernant la santé, la CMP a précisé les catégories de personnes et de services autorisées à délivrer des denrées alimentaires destinées à des fins médicales.

Dans le champ de l'économie, elle a renforcé le mécanisme d'enregistrement auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) des prestataires de services sur actifs numériques.

En matière de transport, l'Autorité de régulation de transport (ART) pourra collecter automatiquement certaines données, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) rendra un avis sur le décret d'application.

Pour l'agriculture, les aides à l'installation versées par les régions seront conditionnées à la capacité du demandeur à réaliser un projet viable.

Voilà les principales modifications issues de la CMP : je vous invite à en adopter les conclusions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Au nom du Gouvernement, je vous remercie d'être parvenus à cet accord. Il s'agissait de mettre en conformité notre droit avec celui de l'Union européenne et de transposer directives et règlements dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

Je suis satisfaite de l'adoption d'un régime pilote ambitieux qui nous permettra de mener des expérimentations en matière de blockchains et conférera un avantage comparatif à la place de Paris.

L'article 5 bis sur l'encadrement des prestataires de services sur actifs numériques a été introduit par le Sénat : l'accord trouvé est plus dur en matière de calendrier, ce que je regrette.

L'article 8, sur la responsabilité sociale des entreprises, est maintenu, je m'en réjouis.

L'article 12 a beaucoup évolué, passant d'une habilitation à une réécriture totale. C'est un pas important pour nos concitoyens en situation de handicap. Le sujet me tient tout particulièrement à coeur et nous accusions un retard collectif inacceptable.

L'article 14 sur les congés parentaux a également évolué favorablement grâce au Sénat.

À l'article 23 qui porte sur la surveillance des dispositifs médicaux, le Sénat s'est attaché à éviter les risques de ruptures en renforçant les sanctions.

Les sénateurs se sont également mobilisés sur les transports et l'agriculture, notamment la programmation de la PAC 2023-2027.

Nous partageons l'ambition que ces mesures se concrétisent rapidement pour l'ensemble de nos concitoyens.

Discussion de l'article 5 bis

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 31

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Au 1° du II des articles L. 773-40, L. 774-40 et L. 775-34, et au I des articles L. 772-4 et L. 772-10, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « dix-neuvième » ;

...° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 783-8, L. 784-8 et L. 785-7 est ainsi modifié :

a) La troisième ligne est ainsi rédigée :

«

L. 621-7 à l'exception du 4° de son IV

la loi n° 

 » ;

b) La sixième ligne est ainsi rédigée :

 «

L. 621-9 à l'exception des 14° et 20° de son II

la loi n° 

 ».

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Amendement de coordination pour l'outre-mer.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Avis favorable, cela corrige un oubli de la commission, et c'est important pour nos amis ultramarins.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 5 bis, modifié, est adopté.

Explications de vote

M. Pascal Savoldelli .  - Ce texte est un catalogue de régressions et de reculs sociaux, contre lequel nous voterons.

Hervé Maurey souhaitait soumettre les prestataires de services sur actifs numériques à l'agrément de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cessons d'opposer innovation technologique et régulation ! La société Bykep proposait ainsi d'acheter des bitcoins chez les buralistes ; l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a alerté sur les risques de blanchiment, de financement du terrorisme ou de vol, et une enquête a abouti à la radiation de l'entreprise en septembre dernier. Le compromis trouvé en CMP permettra au moins, dans l'attente de la directive Markets in Crypto-Assets (MiCA), de limiter les dérives de ce secteur aussi innovant pour les technologies que pour la fraude.

L'article 8 sur la durabilité des entreprises est prématuré : la directive n'est pas prête. Mais à l'article 7 sur la transparence des revenus des entreprises pays par pays, on transpose trop tard. Nous préférons les textes en dur, même Jean-Noël Barrot a reconnu que cela aurait été préférable.

Le Sénat a alerté sur le manque de données fiables sur les entreprises, c'est l'objet même de la directive et de notre proposition de loi qui abaisse le seuil de publication aux entreprises de plus de 50 salariés. Ces informations sont une mine d'or pour conduire les politiques publiques. Les 160 milliards d'euros annuels d'aides publiques aux entreprises doivent être conditionnés. Les entreprises doivent intégrer plus fortement la réduction des émissions dans leurs modèles économiques : BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole, Total ont une empreinte carbone supérieure à celle de la France.

Enfin, vous permettez à des entreprises délinquantes de contourner les décisions du juge pour soumissionner à des marchés publics : il s'agit parfois de blanchiment, de terrorisme, de traite d'êtres humains ! Le droit européen est vicié, le Parlement devrait se dresser quand le droit est si contraire aux droits humains et à notre bloc de constitutionnalité.

Mme Jocelyne Guidez .  - Je salue le travail de notre rapporteure. Aucun des 31 articles n'a été adopté dans la rédaction du Sénat, mais les apports du Sénat ont été retenus.

Dès le 1er janvier 2024, les prestataires de cryptoactifs seront mieux encadrés pour répondre notamment au risque cyber et protéger les épargnants sans nuire à l'innovation financière.

Le Sénat a été entendu sur la limitation du champ de l'habilitation à l'article 8.

La dimension physique et territoriale de l'accessibilité des terminaux en libre-service a été prise en compte, comme le souhaitait le Sénat.

L'article 20 sur les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales retient notre volonté de sécurisation.

En matière de transport, le Sénat a aussi été entendu sur l'automatisation de la collecte des données. L'ART pourra ainsi mener ses missions à bien.

Enfin, les aides à l'installation des agriculteurs ont été conditionnées.

Nous voterons ces conclusions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Henri Cabanel .  - Ce texte, d'apparence complexe, est porteur de réelles avancées. Le RDSE, attaché à la solidarité, voulait la rendre plus inclusive. Produits et services numériques devaient être rendus plus accessibles. La loi de 2005 a été appliquée avec retard, l'État se devait d'être volontaire pour encourager les entreprises à améliorer l'accessibilité, notamment en zone rurale.

Autant d'inquiétudes auxquelles la CMP a répondu : le RDSE se réjouit que l'effort d'inclusion soit réalisé par transposition du droit européen et non par ordonnance.

La mise en conformité des produits et services interviendra ainsi dans des délais courts, les contrôles et les sanctions étant renforcés. Je me réjouis que la garantie - ajoutée par le Sénat - d'une répartition territoriale des équipements rendus accessibles ait été conservée.

En matière de transport, nous nous réjouissons de la transposition de la directive Eurovignette, qui prévoit une majoration pour les véhicules les plus émetteurs. Les autoroutes françaises sont responsables de 7 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 54 % proviennent des poids lourds : il faut verdir les flottes. L'offre industrielle de véhicules hybrides est encore trop faible, ce qui freine la transition ; en attendant de lever ces incertitudes technologiques, levons les incertitudes politiques, même si la démarche doit rester incitative et non punitive.

Satisfait des avancées sur ces deux thématiques, le RDSE votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi rassemble des dispositions très diverses. Je salue le travail des rapporteurs, contraints par des délais très limités.

La CMP a heureusement retenu l'exigence d'un équilibre territorial dans l'amélioration de l'accessibilité des guichets automatiques. Les congés paternité pourront être comptés pour la participation à l'intéressement des salariés.

Les exigences ont été renforcées concernant les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales. À l'initiative de la rapporteure Gruny, les opérateurs de dispositifs médicaux seront contraints d'alerter l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en cas de risque de pénurie.

La commission des affaires économiques, à l'initiative de Laurent Duplomb, s'est penchée sur les aides accordées aux jeunes agriculteurs. Le renouvellement des générations est un enjeu crucial : 43 % des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite en 2030. La CMP a trouvé un compromis, les régions pouvant accorder des aides au cas par cas.

La commission des finances a introduit un article sur proposition du rapporteur Hervé Maurey sur le régime des prestataires de services sur actifs numériques. Le Sénat souhaitait imposer l'agrément de l'AMF ; les députés l'ont remplacé par un enregistrement renforcé, qui entrera en vigueur à la date souhaitée par le Sénat.

Le Sénat a contraint le Gouvernement à agir sur les cessions et fusions transfrontalières en trois mois au lieu de six, comme l'avait proposé le rapporteur Didier Marie.

La commission du développement durable a transposé la directive Eurovignette et élargi les obligations envers les personnes en situation de handicap aux entreprises ferroviaires et aux gestionnaires de gares, qui devront les indemniser en cas de manquements.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements au banc des commissions) Ce projet de loi a été adopté rapidement dans les deux assemblées, à l'issue de travaux rigoureux. Nous sommes parvenus en deux mois à une CMP conclusive. Mais il reste très technique. Je salue le travail de l'ensemble des rapporteurs.

Je me réjouis de voir que l'économie, le transport, les sujets agricoles ont été traités avec la même efficacité que les sujets sociaux.

Les décisions prises à 27 améliorent la vie des citoyens. L'Union européenne fait partie de notre quotidien, c'est une chance à saisir.

Dans le secteur de la santé et du travail, le texte est équilibré : l'article 14 favorise un équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les proches aidants, dont je salue le dévouement. L'article 23 favorisera l'anticipation concernant l'approvisionnement crucial des dispositifs médicaux. C'est une question de souveraineté.

Les décisions prises depuis l'arrivée de la nouvelle Commission européenne nous touchent directement, notamment dans le cadre des transitions écologique et numérique. Le dernier Conseil européen a tracé une nouvelle feuille de route ouvrant la voie à des directives et règlements qui nécessiteront de nouvelles adaptations de notre droit : les parlementaires nationaux devront en garantir l'équilibre.

La surtransposition ou l'erreur de transposition ne sont pas des options, et je sais l'engagement du Gouvernement à ce sujet.

Le texte issu de la CMP répond aux objectifs fixés ; nous le voterons.

M. Jacques Fernique .  - En première lecture, nous avions voté ce texte hétéroclite, qui a mobilisé nombre de commissions et de rapporteurs. En maîtriser la globalité n'était pas chose aisée... Après les modifications à l'Assemblée nationale, mon groupe réitérera son vote positif.

Malgré des transpositions parfois trop peu ambitieuses, ce texte technique aura des effets concrets sur les congés paternité, l'accessibilité, les transports, l'agriculture, la durabilité des entreprises.

Je regrette l'insuffisance des avancées dans le domaine social : le texte va dans le bon sens sur les proches aidants, l'aide sociale à l'enfance, l'accessibilité des services en ligne pour les personnes en situation de handicap ; mais la demande du collectif Handicap d'une stratégie nationale sur l'accessibilité n'a pas été entendue.

Pour le congé paternité, il faut aller plus loin : pourquoi pas seize semaines pour les deux parents, non transférables et rémunérées à 100 %, comme en Espagne ?

Sur les transports, la situation française est atypique : les péages alimentent les entreprises concessionnaires d'autoroutes, la France ayant renoncé à une redevance pollueur-payeur telle qu'elle est pratiquée par l'essentiel de nos voisins.

Pour la transposition d'Eurovignette, le texte se limite aux futures hypothétiques concessions autoroutières et épargne les grands véhicules et utilitaires légers. Hypothétiques, car nous ne savons pas encore par quoi les actuelles concessions seront remplacées à leur terme, dans huit à treize ans... Le président du Conseil d'orientation des infrastructures a fait remarquer que les recettes baisseraient de 70 % avec les règles européennes en vigueur, ce qui encouragera singulièrement la route et freinera le report modal.

Il faudra rééquilibrer les choses en faveur des transports durables : si la Collectivité européenne d'Alsace réussit à taxer le transport routier de marchandises, elle démontrera que c'est possible. La région Grand Est faisant de même sur le sillon lorrain pour éviter les effets de bords, cela ouvrira la voie pour tout le réseau routier du pays, ce qui améliorera la cohérence avec nos voisins.

Mme Nadège Havet .  - Nous débattions la semaine dernière de la réponse européenne à apporter aux mesures protectionnistes américaines. J'avais appelé à une simplification des procédures, à une réflexion sur la commande publique réorientée vers les technologies propres, au développement de la formation aux métiers de demain.

Ce projet de loi participe à la construction de cette réponse, et le RDPI le votera. Il comporte de réelles avancées pour les droits sociaux et la transition écologique.

Des compromis ont été trouvés sur les 31 articles restant en discussion, permettant une CMP conclusive, ce qui est toujours une satisfaction.

À l'article 12, la proposition du Sénat a été conservée pour une répartition équilibrée des guichets automatiques accessibles. L'article 9 a été réécrit. L'article 5 bis a également fait l'objet d'un compromis.

Le texte rendra plus accessibles certains produits et services, notamment sur internet.

L'article 27 renforce les droits des voyageurs en situation de handicap ou à mobilité réduite, qui seront assistés à l'embarquement et au débarquement.

Le congé paternité sera pris en compte dans le calcul de l'ancienneté, comme l'est déjà le congé maternité. Une information sur les éléments essentiels de la relation de travail est créée.

L'article 26 vise à encourager un transport de marchandises plus écologique.

Attaché à la construction européenne, le RDPI soutient ces avancées.

Mme Corinne Féret .  - Notre droit s'enrichit régulièrement des dispositions issues du droit européen. Nous devons le mettre en conformité, mais les délais ont été contraints : ce n'est pas acceptable en démocratie, compte tenu de la technicité des sujets.

Ce texte est un fourre-tout de trente articles, traitant des sujets importants. Il va parfois dans le bon sens, pour l'accessibilité des transports ou l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Après la CMP, l'article 12 étend les obligations de la loi de 2005 en matière d'accessibilité des produits et services, visant notamment les guichets automatiques. Le Sénat a souhaité garantir leur répartition équilibrée sur le territoire, notamment pour les distributeurs de billets.

Au vu des retards dans l'application de la loi de 2005, le Gouvernement devra faire preuve de volontarisme : quand douze millions de personnes souffrent d'un handicap, l'absence d'une société pleinement inclusive est une anomalie.

Notre groupe est réservé sur l'article 8, qui porte sur la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d'information sur la durabilité des entreprises. La transposition nécessite un travail approfondi qui justifiait un examen par le Parlement, plutôt qu'un recours aux ordonnances ; c'est un élément important du pacte vert européen.

Malgré ces réserves, nous voterons ce texte en Européens convaincus.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

La séance est suspendue quelques instants.