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Table des matières



Motion référendaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la motion

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Émilienne Poumirol

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Henno

M. Jean-Claude Requier

M. Alain Milon

M. Daniel Chasseing

M. Guillaume Gontard

Mme Annie Le Houerou

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Explications de vote

M. Daniel Breuiller

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Éliane Assassi

M. Bernard Jomier

M. David Assouline

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Suite)

Rappels au Règlement

Discussion de l'article liminaire

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Pascal Savoldelli

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Christophe-André Frassa

M. Franck Montaugé

M. Daniel Breuiller

M. Jean-Claude Tissot

M. Victorin Lurel

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Monique Lubin

M. David Assouline

M. Yan Chantrel

Mme Viviane Artigalas

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Interventions sur l'ensemble

M. Éric Bocquet

M. Thomas Dossus

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Corinne Féret

M. Patrick Kanner

M. Jean-Yves Leconte

M. Didier Marie

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Pierre Laurent

M. Daniel Breuiller

Mme Annie Le Houerou

M. Claude Raynal

M. Pascal Savoldelli

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Victorin Lurel

M. Bruno Sido

M. Yan Chantrel

Mme Laurence Rossignol

M. Guillaume Gontard

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Fabien Gay

M. Mickaël Vallet

Mme Monique Lubin

M. Franck Montaugé

M. Xavier Iacovelli

Mme Florence Blatrix Contat

M. Jean-Claude Tissot

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Laurence Cohen

Mme Viviane Artigalas

M. Hussein Bourgi

Discussion des articles de la première partie

AVANT L'ARTICLE 1er

Ordre du jour du samedi 4 mars 2023




SÉANCE

du vendredi 3 mars 2023

61e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Motion référendaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la motion présentée par M. Patrick Kanner, Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues, tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la motion .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Au nom de la présidente Assassi, du président Gontard et de nos trois groupes CRCE, GEST et SER, j'ai l'honneur de vous présenter cette motion référendaire.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.  - C'est la Nupes ! Vous avez oublié Mme Panot !

M. Patrick Kanner.  - « Toute la bataille menée depuis le XIXe siècle se trouve ainsi résumée : la bataille pour le temps de vivre. La conquête du temps de vie. Quelle était cette vie pour un prolétaire au XIXe siècle ? Il n'y avait pas de retraite à la fin de la vie, il n'y avait pas de journée de repos, il n'y avait pas de week-end. »

Quarante-deux ans plus tard, ces mots du président Mitterrand résonnent dans notre hémicycle. Issu du Nord, où l'espérance de vie est plus basse de deux ans que la moyenne nationale, je sais ce que veut dire le travail, dans le bassin minier à Denain ou Douai, dans les usines textiles de Roubaix et Tourcoing, dans les usines métallurgiques de Maubeuge et Dunkerque.

Toujours, sous tous les régimes, il a fallu arracher les concessions aux puissants et un peu de « temps de vivre » pour les salariés.

J'ai aujourd'hui face à moi ceux qui veulent revenir sur ces conquêtes sociales - toujours pour les mêmes raisons : l'argent, quoi qu'il en coûte sur le plan social. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE ; protestations amusées à droite)

Les majorités de droite, relative à l'Assemblée nationale, indiscutable au Sénat, font face aux Français, en opposition frontale. Aujourd'hui, nous nous battons, non pour arracher des concessions, mais pour qu'elles n'arrachent pas du temps de vivre aux Français - un nouvel impôt sur la vie. Ils ont fait le choix de l'injustice, plutôt que l'équité.

La retraite par répartition s'est forgée dans les luttes sociales : la Libération et les jours heureux, 1981 et ses grandes conquêtes. Vous attaquez un pan de l'histoire. Rien d'étonnant venant de la droite, qui fait son fonds de commerce du détricotage de notre modèle social. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Et la sécurité sociale ?

M. Patrick Kanner.  - Rien d'étonnant non plus venant du Gouvernement.

En revanche, le faire ainsi est inédit. Choisir une procédure qui fait obstacle à un débat souverain, pour une réforme de cette importance, c'est inédit. Présenter un texte qui semble griffonné sur un bout de table, c'est inédit. Faire émerger un front syndical aussi uni, c'est inédit. Je pourrais continuer...

Vous détournez l'article 47-1 de la Constitution pour contourner le Parlement : c'est de la piraterie parlementaire, qui entraînera un examen rapide et incomplet d'une réforme sociale relevant normalement de la loi ordinaire.

De plus, ce débat aurait dû être précédé d'une grande réflexion sur le travail et l'égalité femmes-hommes.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Exact.

M. Patrick Kanner.  - Ce texte pourrait être promulgué sans aucun vote des deux chambres : c'est un scandale. Vous agissez ainsi parce que vous n'avez pas de majorité propre, monsieur le ministre. Le Conseil d'État vous a prévenu que vous prenez le risque d'une censure des cavaliers sociaux de ce texte : les mesures qui n'ont pas d'effet direct sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale. Sans ces sucrettes, il ne restera que la pilule amère.

Au surplus, cela abîme la démocratie. Le Gouvernement est le premier comptable de ce climat dégradé. L'obstruction, le débat tronqué, le passage en force, c'est d'abord vous. (On feint l'indignation à droite ; M. Martin Lévrier proteste.)

M. David Assouline.  - Ce n'est que vous !

M. Patrick Kanner.  - Voilà plusieurs semaines que vous naviguez de contre-vérités en approximations, sur la retraite des femmes, sur le minimum de 1 200 euros : vous semblez découvrir au fil de l'eau les effets négatifs du texte, lorsque nos collègues députés vont chercher l'information à la source. Cette litanie de mensonges sert à camoufler vos insuffisances. C'est un mécano bancal, conçu par des bricoleurs.

La seule majorité que vous avez est contre vous : c'est celle des Français. Le front syndical uni est à l'origine d'une mobilisation pacifique inédite depuis trente ans. Le monde du travail, dont nous sommes les porte-voix, le montrera le 7 mars.

M. Roger Karoutchi.  - On verra !

M. Patrick Kanner.  - Entendez-vous le clair refus des Français ? Ils vous disent qu'ils ne tiendront pas jusqu'à 64 ans. Ils percent vos intentions profondes : faire des économies sur le dos des ouvriers, des employés, de la classe populaire comme de la classe moyenne. Votre obsession du moins d'impôt, vous voulez la faire supporter par six Français actifs sur dix, sans effort demandé à l'hyper-minorité des bénéficiaires de votre bouclier fiscal. Qu'ils dorment en paix : le ruissellement, c'est pour les autres...

Le Président de la République a été élu pour faire barrage à l'extrême-droite, pas pour cette régression sociale. Vous ne passerez qu'en brutalisant la République ; vous jouez avec le feu, tout en sachant à qui cela profitera politiquement.

Nous vous appelons donc à retirer votre réforme ; mais à défaut, nos trois groupes vous offrent une autre voie : assumez votre politique, et présentez le texte aux Français. Ils sont dans la rue, ils préféreraient aller aux urnes. J'appelle aussi la majorité sénatoriale à faire honneur au gaullisme ! (On se récrie à droite ; M. David Assouline s'amuse.) Faites trancher cette question par référendum, comme le permet la Constitution de De Gaulle.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

M. Patrick Kanner.  - Mes derniers mots sont pour le Président de la République, qui a osé en appeler au bon sens des Français. Le bon sens, c'est de retirer la réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST) À défaut, je vous encourage, chers collègues, à porter la question devant les Français. (Applaudissements et « bravos ! » sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

Monsieur le président Kanner, nous nous attendions à votre motion. Elle est un outil - ne disons pas une arme - de destruction majeure. (Protestations amusées à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. David Assouline.  - Quelle violence ! (Sourires)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - D'obstruction, à tout le moins !

Une incompréhension, d'abord : je sais combien vous êtes attaché à la démocratie parlementaire, monsieur Kanner.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il ne fallait pas demander un référendum dans ce cas-là !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Or vous nous proposez un court-circuit : on ne débattrait pas au Parlement, mais on laisserait la rue choisir... (Vives protestations à gauche) Je vois que cela vous fait réagir ; mais François Hollande n'a-t-il pas dit qu'il fallait respecter la démocratie représentative ? Pourquoi élire des parlementaires s'il faut tout demander directement au peuple ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; nouvelles protestations à gauche)

M. David Assouline.  - Pas tout !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Poser une question binaire sur cette réforme aboutira toujours à un non. (Nombreuses interpellations à gauche)

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - En revanche, si vous leur demandez : voulez-vous sauver le système de répartition, préserver vos propres pensions, la réponse sera oui. Soyons attentifs aux questions posées par référendum. (Les protestations et interpellations continuent.)

M. David Assouline.  - Posez-les, ces questions !

Mme Éliane Assassi.  - C'est laborieux !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Un autre socialiste, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes...

M. Mickaël Vallet.  - Il n'est pas socialiste !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - ... dit que nous sommes face à un mur d'investissements et de dettes, avec les 155 milliards d'euros de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Je n'entends pas laisser à d'autres cette responsabilité, qui relève du Parlement. (Marques d'ironie à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Le Président Chirac déclarait : « La maison brûle, et nous regardons ailleurs ». Aujourd'hui, c'est la dette que nous oublions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) On peut se poser la question du référendum : proposer au peuple un texte dont nous sommes saisis, en refusant le débat. (« Non, non ! » à gauche) Sans, donc, prendre en compte les avancées sociales que nous proposons. (On ironise bruyamment à gauche.)

M. David Assouline.  - C'est ça !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Sans l'effort pour les mères de famille, la meilleure prise en compte de l'usure professionnelle, les améliorations sur la retraite progressive. Avec une question brute de décoffrage, vous refusez le débat.

Ensuite, les Français, un petit peu franchouillards, un petit peu gaulois... (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'indigne.)

M. Martin Lévrier.  - Réfractaires !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - ... ne répondront pas nécessairement à la question qui leur est posée.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Et le référendum sur la Constitution européenne ?

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Que ne l'avez-vous pas fait, chers collègues, au moment de la réforme Touraine ? (M. Roger Karoutchi marque son approbation ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Auriez-vous demandé aux jeunes Français de 16 ans s'ils voulaient travailler 45 ans ? (Mme Monique Lubin et M. David Assouline se récrient.) Nous proposons, nous, qu'ils travaillent moins.

Je ne poserais pas la question comme vous le proposez. Je leur demanderais, moi, s'ils veulent que leurs enfants travaillent jusqu'à 65 ans plutôt que 64, car c'est ce qui arrivera si nous ne prenons pas nos responsabilités. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Que nous disent les syndicats ?

De nombreuses voix à gauche.  - Retrait de la réforme !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - C'est qu'il faut débattre du texte ! Je discutais récemment avec une déléguée CGT de mon département (on s'en amuse à gauche) : elle nous y exhortait. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Nous, nous suivons les syndicats. Avis défavorable ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les sénateurs ne peuvent se décharger de leur mission de débat et de vote. Ce serait une démission. Sur le fondement de l'article 68 de notre Règlement, vous proposez d'interrompre le débat, au moment où il s'engage. Tout ça pour ça...

Le Sénat a le rôle particulier de débattre des vingt articles du projet de loi. Seuls deux l'ont été à l'Assemblée nationale... Tant Philippe Martinez que Laurent Berger le regrettent, ce dernier ayant même déploré un « spectacle indigne et honteux ». (Protestations à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Ce n'est pas une lubie, mais un devoir. Vous esquivez le débat, comme le montre aussi le dépôt de milliers d'amendements. Pas bouger, pas fâcher, pensez-vous... Pas gouverner non plus !

Nous, nous avons la conviction que le Parlement peut être utile. Que n'avez-vous utilisé le référendum en 2016 sur la loi travail, qui permet de travailler jusqu'à 46 heures par semaine ? Deux Français sur trois n'en voulaient pas... (M. Laurent Lafon marque son approbation.)

Quant aux retraites, la loi Touraine de 2014 a-t-elle fait l'objet d'un référendum ? La réponse est non ! La présidente Cohen dénonçait à l'époque une réforme qui allait « frapper les femmes ». Je reconnais la constance au CRCE, qui avait alors multiplié les motions. Le groupe SER n'a pas cette cohérence.

Quant à la retraite à 60 ans, en 1981, elle a été instituée par ordonnance... (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

Mme Monique Lubin.  - Le mandat était clair à l'époque !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Pourtant, le directeur de cabinet du Premier ministre alertait déjà sur les dangers de la retraite à 60 ans. (M. Robert Karoutchi acquiesce.)

Si vous voulez un référendum, il faudra aussi soumettre vos propositions : renoncer à 10 % des pensions, par exemple.

Mme Monique Lubin.  - Qu'est-ce que c'est que cette histoire de 10 % ?

M. Rémi Féraud.  - Et taxer les superprofits !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - En outre, les plus jeunes, qui sont les premiers concernés, n'auraient pas leur mot à dire. Le questeur Anziani, se prononçant sur une motion référendaire en 2010, l'avait souligné en son temps : l'autre façon de consulter les Français, c'est l'élection présidentielle. Le Président de la République a abordé le sujet dès la campagne du premier tour, en 2022.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et il a eu 25 % !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le peuple français l'a porté au second tour.

Vos collègues socialistes et sociaux-démocrates européens, eux, n'ont pas fait l'autruche : José Socrates, au Portugal, 66 ans ; José Luis Zapatero, en Espagne, 66 ans ; Alexis Tsipras, en Grèce, 67 ans ! (Nombreuses protestations à gauche) Il y a urgence pour consolider le système. (Mêmes mouvements)

Le RDPI votera contre la motion, pour poursuivre l'examen du texte et faire notre travail parlementaire. Je vous citerai en conclusion cette belle analyse publiée en 1988 dans la revue Pouvoirs : « L'article 11 doit être utilisé avec précaution, à propos de textes peu nombreux et simples dans leur rédaction. Sinon, il serait préférable que la population des Français fût éclairée par un large débat parlementaire ». Elle est de François Mitterrand... Soyez mitterrandiens, éclairez les Français par le débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Laurent Lafon.  - Excellent !

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au lendemain de la victoire de 1945, la Constitution de 1946 proclame dans son Préambule : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

La politique, c'est changer la vie : voilà le thème porté par les socialistes en 1981. Parmi les grandes avancées d'alors figure la retraite à 60 ans. Nous savons combien le travail endommage la santé : seuls 35 % des ouvriers travaillent au-delà de cet âge. Vous avez supprimé le critère de pénibilité : votre politique, c'est de dégrader la vie des femmes, des précaires, de ceux qui ont une carrière longue. Changer la vie, c'est oeuvrer pour la France qui travaille, les aides-soignants, les femmes de ménage.

La retraite a été pensée comme un nouveau salaire, dans une relation autre que marchande avec la société. Les retraités sont une richesse non prise en compte dans les tableaux comptables, par leur engagement dans les associations, la garde des enfants, les conseils municipaux. Vous allez réduire de deux ans cet engagement. Les Français, qui y sont attachés, rejoignent un front syndical uni pour manifester.

Le 7 mars, les syndicats ; le 8, les femmes, le 9, les jeunes, et le 10, les marches pour le climat diront non à votre réforme injuste et libérale.

Nous vous proposons une échappatoire avec le référendum : saisissez-la. De Gaulle, par quatre fois, s'en est remis à la sagesse populaire, les citoyens prenant leurs responsabilités pour décider de l'avenir. Il faut associer les Français à la construction de leur future société.

Plus des deux tiers d'entre eux s'opposent à une réforme pour laquelle M. Macron n'a pas de légitimité : il a été élu non sur son programme, mais pour faire barrage à l'extrême droite. Sans majorité, il doit composer avec la droite. Lorsque le peuple, souverain, est en désaccord avec ses représentants, il ne reste que le référendum.

Je me tourne vers la droite : par coïncidence, il revient au groupe héritier du gaullisme de trancher. Il vous appartient d'offrir à nouveau au peuple les clés de son destin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Mme Laurence Cohen .  - (M. Patrick Kanner applaudit.) Demander un référendum sur cette réforme sonne comme une évidence. Le rejet de cette provocation est massif dans le pays. C'est une provocation de répondre ainsi à l'angoisse d'une population frappée par le covid, par une précarité en hausse, par une inflation à deux chiffres sur les produits alimentaires et de première nécessité.

C'est une provocation pour les femmes déjà discriminées dont, en reculant la retraite, vous prolongerez en réalité le chômage... Le message est cynique : l'écart entre leurs pensions et celles des hommes, qui s'élève à 40 %, sera moindre, dites-vous. Mais les femmes veulent l'égalité ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Le Président de la République a dit faire de l'égalité femmes-hommes la grande cause de son quinquennat. Mettez en adéquation les actes avec les mots !

Toute la gauche est scandalisée par l'idéologie familialiste, nationaliste qui inspire les propositions de M. Retailleau. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; protestations à droite)

M. Bruno Retailleau.  - Sectarisme !

Mme Laurence Cohen.  - Non, les femmes n'ont pas d'alternative entre travailler plus et faire plus d'enfants ! Retirez ces propositions, par dignité.

M. Bruno Retailleau.  - Jamais !

Mme Laurence Cohen.  - C'est une provocation alors que menace la troisième guerre mondiale, que la jeunesse fait face à des parcours scolaires et universitaires de plus en plus sélectifs. Que proposez-vous pour elle ? Un service national universel autoritaire, qui s'apparente à un embrigadement... Quel étudiant peut espérer une retraite avant 70 ans ?

C'est une provocation pour les premiers de corvée que vous couvriez de louanges hypocrites lors du covid.

La mobilisation du 7 mars s'annonce massive : le clivage gauche-droite, enfin assumé jusqu'au sein même du Gouvernement, s'affirme. M. Macron veut passer au forceps avec l'article 47-1 qui relève d'un détournement de procédure : vous violez la Constitution, tentez de soumettre le Parlement.

Nous sommes tout aussi choqués par l'attitude de la majorité sénatoriale : le Sénat, qui avait affirmé son rôle de contre-pouvoir, accompagne désormais complaisamment le chef de l'État.

M. Roger Karoutchi.  - C'est l'inverse !

Mme Laurence Cohen.  - Un texte qui n'aurait été soumis au vote ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat pourrait être adopté en CMP, dans un débat dominé par un groupe Les Républicains pourtant en perte d'influence dans l'opinion publique. (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi.  - Pas du tout !

Mme Élisabeth Doineau.  - Et la gauche ?

Mme Laurence Cohen.  - Il faut un référendum. Qui peut dire, alors que 90 % des actifs rejettent le texte, « restons entre nous, validons le texte dans un temps contraint » ? Tout vote contre cette motion référendaire est un acte grave contre la démocratie. (On s'indigne à droite ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST) La révolte est légitime. Je vous appelle, au nom du CRCE, à voter sans hésitation cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail des rapporteurs sur le fond du texte, ainsi que leur calme et leur modération. C'est important, on vient de le voir ! (Sourires) Leur capacité d'écoute, leur sens de la formule grandissent le Sénat.

Au nom du groupe UC, nous ne voterons pas cette motion pour des raisons d'opportunité et de fond.

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas un scoop !

M. Olivier Henno.  - Nous sommes réunis pour discuter de nos retraites, et s'exonérer du débat en choisissant le référendum reviendrait à refuser l'obstacle. Ce n'est pas une option.

En outre, notre tradition politique veut que le référendum soit réservé aux questions institutionnelles : pour les questions sociétales, économiques et sociales, c'est au Parlement de débattre. Évitons ce précédent irresponsable - car pourquoi pas un référendum sur tous les textes sociaux ? - qui est un mauvais coup à la démocratie parlementaire... (« Très bien ! » à droite)

Parlons du texte et du contexte. MM. Marseille et Vanlerenberghe ont exprimé hier le soutien de notre groupe à la réforme. Mais il faut améliorer le texte, dans une double volonté d'équilibre et d'enrichissement, notamment pour les femmes, les carrières longues, les seniors.

Nous proposerons d'aller plus loin que la commission, tout en préservant l'équilibre financier, qui est fondamental : il faut que la réforme en vaille la peine - sinon, les Français seraient fondés à dire : « tout ça pour ça ! »

M. Roger Karoutchi.  - Absolument.

M. Olivier Henno.  - Je ne comprends toujours pas la timidité du Gouvernement sur la politique familiale. Vous avez privé la branche famille de deux milliards d'euros dans le dernier PLFSS, ce qui semble d'autant plus inapproprié aujourd'hui. Nous proposons la retraite à 63 ans pour les familles jusqu'à deux enfants, et 62 ans pour les familles de trois enfants et plus. Je ne crains pas d'assumer une politique nataliste. (MM. Bruno Retailleau et Max Brisson applaudissent.)

Nous sommes attachés au système de retraite par répartition. Financer la retraite de 20 millions de retraités impose l'anticipation : seule l'augmentation de la quantité de travail garantit le financement de la protection sociale, notamment de la branche vieillesse.

Nous sommes attachés à la valeur travail : vous n'entendrez pas sur nos travées un éloge de la paresse ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Monique Lubin proteste.)

Les partenaires sociaux sont prêts à aborder la question du travail. L'index seniors est un premier geste, mais sera-t-il suffisant ? Le succès de cette réforme passe par la nécessité, pour toutes et tous, de s'épanouir dans son travail. Un sondage publié hier montre que 58 % des Français, contre 49 % en 2019, voient le travail comme une contrainte, et 42 % comme un moyen de se réaliser - ils étaient 51 % en 2019. Ce recul est inquiétant : ce changement profond, s'il se confirme, est un germe de déclin de notre pays. (M. Martin Lévrier acquiesce ; protestations sur les travées du groupe CRCE)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Merci à la loi Travail !

M. Olivier Henno.  - Dans la société post-covid, il faut débattre de l'augmentation des salaires, de la pénibilité, des métiers en tension, de la formation tout au long de la vie. Le bien-être au travail, voilà notre défi.

Il convient d'aller plus loin en matière d'équité. Au lendemain de cette réforme, il faudra recoudre notre tissu social : c'est pourquoi nous avons demandé par la voix de notre président Hervé Marseille une conférence nationale pour refonder le paritarisme et discuter de la place du travail dans notre vie.

Le groupe Union Centriste veut aller au terme de ce débat : nous ne voterons pas la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier .  - Cette motion référendaire pose deux questions : faut-il un débat, faut-il une réforme ?

Le RDSE répond « oui » à la première. Hier, nous avons entendu qu'un compromis était à notre portée, mais que la réforme est incontournable. Les regards se tournent vers le Sénat. Encore faut-il que le débat soit empreint de respect...

Beaucoup de groupes politiques ont tenté d'améliorer la réforme. Le RDSE a écouté syndicats, experts, déposé des amendements... Le renforcement des prérogatives du Parlement est un combat du Sénat : ne nous privons pas du droit de débattre ni de celui d'améliorer pour avancer. C'est le principe du bicamérisme.

Le temps de la réforme est venu : notre système sera déficitaire de 1,8 milliard d'euros dès cette année, et de plus de 13 milliards d'euros en 2030. Il a le défaut de ses qualités, mais la solidarité intergénérationnelle est au coeur du pacte républicain.

Il faut une réforme. Le RDSE défend depuis longtemps une réforme systémique pour une retraite à points. Mais, sans rancune, notre groupe ne rejette pas en bloc votre projet.

Nous sommes ouverts au compromis, avec des attentes cependant, sur les carrières longues, les droits des femmes, le service civique, la pénibilité, les seniors... La participation des entreprises ne doit pas être écartée, notamment de celles qui distribuent des dividendes indécents à leurs actionnaires en pleine crise du pouvoir d'achat.

Pour être acceptée, une réforme doit être équitable. Nous devons entendre toutes les sensibilités et nos concitoyens inquiets.

Le Sénat doit jouer son rôle, le RDSE choisit le débat. La grande majorité de mon groupe ne votera pas la motion. (MM. Emmanuel Capus et Roger Karoutchi applaudissent.)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Déposer une motion référendaire s'inscrirait dans une stratégie de « combattre sans obstruer ». Stratégie ou stratagème ? Les auteurs de la motion crient au scandale en disant qu'avec les 64 ans on pousse les Français à travailler plus longtemps, alors que c'est la réforme Touraine qui allonge la durée de cotisation. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.) Or on commence à travailler en moyenne à 22 ans : 22 plus 43, ça fait 65... (Applaudissements sur les travées dRDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Monique Lubin proteste.)

Les Français peuvent toujours partir à 62 ans, direz-vous. Mais avec quelle retraite ? Leur pension subira une décote. C'est une machine à créer des retraités plus pauvres, dont nous ne voulons pas.

Donner la parole au peuple sur un sujet qui le concerne serait démocratique. Mais qu'en est-il vraiment ? Pourquoi, Monsieur le président Kanner, déposer une telle motion qui dessaisit le Parlement de son pouvoir d'améliorer un texte si important ?

Nous parlons travail, égalité hommes-femmes, justice sociale, santé, vieillissement. C'est un véritable projet de société : jamais un référendum ne permettra de répondre à toutes ces questions. Au nom d'une légitimité populaire, votre proposition empêche tout débat de fond.

Pour exprimer la volonté populaire, le référendum doit porter sur des questions précises. (On s'agite à gauche.) La complexité des questions sur les retraites le permet-elle ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et le traité constitutionnel européen, il était simple ?

M. Alain Milon.  - Un tel référendum ne risque-t-il pas de se transformer en plébiscite et de cristalliser les tensions de notre société ?

Dominique Rousseau, cité par Éliane Assassi hier, estime que la démocratie a besoin d'institutions intermédiaires pour éviter la personnalisation excessive du pouvoir. (M. David Assouline proteste.) Toujours selon lui, le référendum laisserait penser que ces institutions sont un obstacle à la démocratie, alors qu'elles sont les instruments qui font passer de la barbarie à la civilisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau et MM. Martin Lévrier et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

Pourquoi s'automutiler, après des débats affligeants de l'Assemblée nationale qui ont creusé le fossé entre élus et citoyens ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il était déjà bien creusé, le fossé !

M. Alain Milon.  - Il est vital de défendre nos opinions. Les syndicats ont joué leur rôle avec responsabilité. Les élus politiques seraient-ils moins capables de répondre aux obligations de leur mandat ? J'espère que nous saurons faire évoluer ce texte.

La réforme n'est peut-être pas proposée au bon moment : le Gouvernement aurait pu se ranger au vote du Sénat, qui défend une réforme paramétrique pour assurer la pérennité du système. (On acquiesce au banc des commissions.) Nous devons agir pour ne pas laisser filer les déficits -  plus de 150 milliards d'euros cumulés sur les dix prochaines années.

Cette réforme est urgente : le report de l'âge légal va enfin être mis en oeuvre. Nous avons fait de nombreuses propositions pour améliorer la situation des Français -  seniors, mères de famille, orphelins, personnes en situation de handicap.

M. David Assouline.  - C'est faux, vous dégradez leur situation ! (Mme Monique Lubin renchérit.)

M. Alain Milon.  - Lisez plutôt nos propositions... Et nous voulons un système plus équitable, notamment en luttant contre la fraude.

Nous ne pouvons pas nous défausser : le groupe Les Républicains ne votera pas cette motion, afin que nous ayons un débat argumenté s'appuyant sur le travail de nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La retraite à 64 ans faisait bien partie du programme du Président de la République candidat, mais beaucoup ont voté pour lui afin de faire barrage au RN. (M. Jean-Michel Houllegatte acquiesce.)

Le Sénat vote depuis de nombreuses années une telle mesure d'âge. Bien entendu, si nos comptes étaient meilleurs, il nous serait agréable à tous de renoncer à ce projet qui mobilise syndicats et Français hostiles à la réforme.

Mais nous savons tous que les comptes de la branche retraite vont se dégrader : 26 milliards d'euros de déficit en 2040. Pourquoi ? Parce que le nombre de cotisants par retraité est passé de 4 pour 1 en 1970 à 1,7 en 2020, alors que l'espérance de vie augmentait  -  79 ans pour les hommes, 86 ans pour les femmes. Alors que nous comptions 4 millions de retraités en 1970, ils sont 17 millions actuellement et seront 21 millions en 2030.

Les générations futures risquent de ne plus pouvoir bénéficier du système de répartition, alors que le dynamisme démographique français faiblit. Il faut donc équilibrer les retraites sans baisser les pensions, en augmentant légèrement la durée de travail.

C'est pourquoi j'avais souhaité une loi travail, précédée d'une concertation auprès des partenaires sociaux, afin que soient mieux pris en compte les seniors, les personnes handicapées ou invalides, les carrières longues, les femmes, la pénibilité, les aidants, les petites retraites, l'apprentissage, l'engagement associatif, etc. Tout cela relève de la compétence de la commission des affaires sociales du Sénat.

J'avais déposé un amendement de revoyure à 2027 sur le financement.

Avec votre référendum, quelle question poserez-vous ? Celle du recul de l'âge légal, ou celle de l'allongement de la durée de cotisation à 43 trimestres de la réforme Touraine ? Car si vous êtes né en 1971 et que vous avez commencé à travailler à 21 ans, vous partirez à 64 ans. Français Hollande l'a fait non pour brimer les Français, mais pour équilibrer le système.

Cette réforme ne peut être réduite à une question fermée ; nous devons traiter de situations particulières. Aucune réforme des retraites n'a jamais été adoptée par référendum. Nous devons débattre et amender le texte pour aboutir à la réforme la plus juste possible. Les INDEP rejettent la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'examen d'une motion référendaire au Sénat, une première depuis une décennie, est un moment grave. Le Parlement n'a pas vocation à se dessaisir. Si nous sommes favorables à plus d'implication citoyenne dans la fabrique de la loi, la binarité du référendum semble peu compatible avec l'exercice complexe de la rédaction de la loi.

Mais ce débat parlementaire est une farce (M. Laurent Lafon le conteste) : le Gouvernement a choisi un véhicule législatif inédit qui corsète le débat dans le temps et l'espace. Selon vous, le travail n'est qu'un coût. Édouard Philippe avait, au moins, le courage d'une vision différente d'une réforme de comptable en costume gris. (Marques d'assentiment à gauche ; constatant qu'il porte un costume gris, M. le ministre esquisse un sourire.)

Nous sommes saisis d'un texte non voté par l'Assemblée nationale, première historique délétère. Il faudrait l'adopter avant le 12 mars minuit, sans quoi le carrosse redeviendrait citrouille ? Nous en sommes abasourdis : la citrouille, non votée, pourra tout de même être examinée en CMP, voire être adoptée par ordonnance !

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Guillaume Gontard.  - La Ve République n'est jamais en reste pour piétiner le Parlement. L'exécutif, dans sa dérive autocratique, est isolé dans sa tour d'ivoire, assiégé par les partenaires sociaux et le peuple de France tout entier, que vous méprisez. Plus vous invoquez la pédagogie, plus les Français s'y opposent. Les manifestations enregistrent des records et les préavis de grève se multiplient. La semaine du 7 mars s'annonce historique.

Alors que nous sortons d'une pandémie, que la guerre gronde, que l'inflation galope, que la crise climatique nous force à rationner l'eau, vous conduisez le pays au blocage, sans scrupule. Pour quelle urgence ? Un agenda européen caché, ou la fierté mal placée d'un Président de la République qui croit que le barrage à l'extrême droite vaut adoubement de sa royale personne, alors même qu'il ne connaît pas la composition de la potion qu'il entend faire boire au pays ?

Nous proposons une alternative : soumettez ce projet dont vous êtes si fiers aux Français. Ils sont 70 % à souhaiter s'exprimer directement. Tout à sa réélection, Emmanuel Macron affirmait, le 11 avril dernier, qu'il voulait retrouver le référendum. Voilà l'occasion !

Notre démocratie est malade : il n'y a pas de majorité nette au Parlement, mais celle de nos concitoyens est claire. Une fois n'est pas coutume, dessaisissons-nous d'une réforme bricolée dont personne ne veut. Comme disait de Gaulle, il faut savoir ce qu'il y a dans les esprits et dans les coeurs. Soyez donc gaullistes, chers collègues de droite : n'ayez plus peur du peuple et votez cette motion ! (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans Le Monde, Pierre Rosanvallon souligne que, si le Président de la République a une légitimité procédurale, il lui manque la légitimité sociale. Nombreux ont voté au second tour pour faire barrage à l'extrême droite, non pour une réforme des retraites.

La France se soulève, elle sera à l'arrêt le 7 mars. Notre système de retraites est le fruit de nos conquêtes sociales. Rien ne justifie votre obstination, alors que le système est excédentaire en 2022 et son évolution contrôlée. Le Conseil d'orientation des retraites (COR) affirme qu'il n'y a ni urgence ni nécessité. Les dépenses ne dérapent pas, il faut simplement ajuster les recettes, sans imposer deux ans de travail obligatoire.

Les Français s'opposent, avec force et détermination, à votre réforme qui ne fait que des perdants, surtout parmi les catégories populaires et les femmes. En 2017, le Président de la République déclarait lui-même qu'après plus de vingt ans de réformes, le problème des retraites n'était plus financier. Mais vous justifiez pourtant votre PLFRSS par l'urgence financière.

Vous omettez de rappeler que le troisième tour des élections de 2022 n'a pas donné de majorité solide à l'Assemblée. Nous sommes saisis d'un texte qu'elle n'a pas voté.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - La faute à qui ?

Mme Annie Le Houerou.  - En utilisant l'article 47-1 de la Constitution, vous créez vous-même les conditions de l'obstruction. Ce PLFRSS n'impacte que faiblement les comptes de l'année 2023, et vous privez les Français de leurs deux meilleures années de retraite. Le Conseil d'État l'a contesté, le Conseil constitutionnel le fera aussi. (M. Roger Karoutchi semble en douter.)

Votez cette motion, pour que le peuple tranche. Le Gouvernement pourrait alors constater l'adhésion, ou non, du peuple français, qui souhaite prendre sa retraite de son vivant. J'invite la droite à s'associer à notre démarche et à s'en remettre au peuple. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Sans surprise, le Gouvernement est défavorable à la motion.

La première question que vous posez est celle de la recevabilité. Hier, la rapporteure générale et moi-même y avons répondu. Nous avons rappelé que les effets du texte sur les comptes sociaux de 2023 le rendent recevable. Il est toutefois cocasse de nous reprocher l'obstruction. Le temps de débat dont le Parlement dispose est supérieur à celui des deux réformes précédentes.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'était le souhait du Parlement !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Le choix du Sénat d'ouvrir plus de jours que l'Assemblée nationale l'illustre. En outre, ce n'est pas le Gouvernement qui a déposé plus de 20 000 amendements à l'Assemblée nationale, dont des centaines d'identiques.

Une autre question est celle de la légitimité du Parlement à débattre des retraites. J'y crois, parce que toutes les réformes des retraites, depuis 1981, ont été examinées par le Parlement - malgré des ordonnances en 1981. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Émilienne Poumirol s'en agacent.)

Ce texte permet des progrès. Le président Requier a évoqué les carrières longues. Avant 2003, l'âge de départ était de 60 ans et la durée de cotisation de 37,5 ans. Si vous commenciez à travailler à 14 ans, vous deviez cotiser 46 ans pour atteindre les 60 ans ! À partir de la réforme de 2033, l'écart s'est progressivement réduit. Avec notre réforme, il sera de moins d'un an. (MM. David Assouline et Pierre Laurent se récrient.)

Mme Monique Lubin.  - C'est votre vision des choses !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Ce seul exemple démontre l'intérêt d'un examen du Parlement.

Enfin, la troisième question est celle de l'opportunité du référendum. On ne peut pas répondre de façon binaire à la question des retraites.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et le traité constitutionnel européen ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Aucun parent, aucune femme n'a d'enfant pour obtenir des trimestres supplémentaires.

Mme Monique Lubin.  - C'est vrai !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - En revanche, la maternité est, parfois, un facteur d'inégalité professionnelle. Notre système de retraite traduit, dans le calcul des pensions, ces inégalités professionnelles. Il ne faut pas s'interdire de les compenser. C'est pourquoi nous observons avec bienveillance l'amendement de M. Retailleau qui permettra aux mères de famille de compléter une carrière hachée.

L'augmentation, depuis 2003, de l'âge du départ à la retraite a fait perdre l'utilité des trimestres de maternité pour compléter une carrière. L'objectif est désormais de compenser, pour celles qui ont une carrière complète, les opportunités perdues en termes de progression professionnelle. Votre proposition est donc intéressante.

C'est pourquoi une question binaire est inopportune pour cette réforme. Je compte davantage sur la richesse des débats du Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Explications de vote

M. Daniel Breuiller .  - Nous sommes, bien sûr, légitimes à débattre. Même si ici, on s'écoute, on ne se convainc pas.

Mais nous traversons une crise démocratique, tant l'écart entre le peuple et le Gouvernement s'accroît, tant celui entre la majorité des citoyens et celle de notre chambre est grand. Avec un sentiment d'injustice sociale, des millions de personnes manifestent et l'unité syndicale est contre cette réforme ; si nous ne bougeons pas, le populisme s'en nourrira.

Le groupe UC appelle à un grand débat social : c'est une proposition intelligente, car la nature de ce texte, un PLFRSS, ne le permet pas.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Venez chez nous ! (Sourires)

M. Daniel Breuiller.  - Nous faisons tout à l'envers ! Sous l'impulsion du Gouvernement, nous changeons le mix énergétique avant le débat sur les choix énergétiques ; et maintenant nous votons une réforme de la retraite sans parler auparavant du travail lui-même. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Des citoyens en appellent à une convention citoyenne sur les retraites : cela me séduit, car nous échouons au consensus ici, alors que ces conventions y parviennent, sur des sujets aussi délicats que la fin de vie ou le climat. Voilà qui devrait nous faire réfléchir.

Le référendum, binaire, a de graves inconvénients, mais il n'y a jamais de honte à redonner la décision au peuple. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Après chaque élection, on fait de grandes déclarations sur le taux d'abstention abyssal, puis on oublie la gravité du décrochage d'une grande partie de la population.

Pourquoi ? Parce que depuis des années, des réformes attaquent notre modèle social -  et médical  - comme un rouleau compresseur. Malgré l'alternance politique, rien ne change ; les gens n'y croient plus.

Il faut retrouver un équilibre entre le choix référendaire et la démocratie représentative : si l'on n'avance pas sur ces deux jambes, elles sont toutes deux affaiblies.

On peut toujours déposer des amendements, mais le référendum doit avoir lieu sur l'essentiel, c'est-à-dire le recul de l'âge de départ à 64 ans, massivement refusé. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST) Sans cela, nous creusons la tombe de notre démocratie.

Chers collègues, et néanmoins amis, des Républicains, qui vous réclamez de De Gaulle, ne dites pas que le référendum est mauvais ! Mme Pécresse en demande un, avec force tambours et trompettes, sur l'immigration.

M. le président.  - La trompette du temps a sonné...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La trompette, c'est le retrait ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Un sondage récent de l'Ifop l'affirme : 75 % des ouvriers et des employés, 63 % des cadres sont opposés à la réforme ; 59 % sont favorables à une hausse des cotisations ; 77 % des actifs jugent la réforme injuste, 66 % inefficace ; 72 % des actifs soutiennent la mobilisation et 60 % souhaitent qu'elle se durcisse ; 59 % trouvent que le Gouvernement est responsable du blocage et du conflit social.

Cela ne fait que révéler une opposition massive et sans équivoque. La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, mais vous en niez la mobilisation. Cher Alain Milon, Pierre Rosanvallon complète Dominique Rousseau. Monsieur le ministre, vous vous targuez de la seule légitimité électorale, alors que vous avez été élus en raison des circonstances du second tour, et non d'un blanc-seing donné à votre programme. Vous faites semblant de l'oublier actuellement, alors que vous le disiez entre les deux tours pour réclamer nos voix. La population a le droit de débattre. Si le peuple vote contre la réforme, il ne vous restera que deux solutions : le retrait, ou alors « dissoudre le peuple », comme disait Bertolt Brecht. Le GEST votera la motion. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Éliane Assassi .  - Le référendum est un outil démocratique. Il permet de trancher, dans un moment de doute. Or nous sommes au coeur du doute.

Bien sûr, le Président de la République y est réticent, le Gouvernement y est réticent, notre majorité sénatoriale aussi, car ils craignent une remise en cause de leur légitimité. Mais ce n'est pas le sujet ! Le Président de la République se félicite du bon sens des Français : il faut aller au bout de cette logique.

Un refus du référendum serait un mauvais message envoyé aux 90 % des actifs et aux 60 % de Français qui rejettent le texte, dont bien des électeurs du premier tour d'Emmanuel Macron, mais aussi des candidats Les Républicains et centristes aux dernières élections ! Attention à leur niveau de tolérance.

Cette réforme s'ajoute aux contraintes financières et sociales déjà imposées à la population. Sortez de votre bulle de flatteurs, entendez le peuple qui demande le retrait. Le groupe CRCE votera la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. Bernard Jomier .  - Quand on évoque le général de Gaulle, c'est le signe d'un grand trouble dans notre assemblée. Le chef de l'État, qui a théorisé son mépris des organisations intermédiaires, est responsable de ce désordre institutionnel qui explose à la figure du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Une réforme des retraites négociée avec l'assentiment d'une partie des syndicats aurait été possible. Tel n'est pas le cas ici, mais ce gouvernement y est habitué, comme l'échec d'un accord conventionnel avec les professionnels de santé le démontre.

Face à un peuple qui dit non, le Gouvernement a imaginé une procédure constitutionnellement bancale et qui place le Sénat comme l'assemblée du peuple, ce que nous ne sommes pas : nous sommes la chambre des territoires.

M. Bruno Retailleau.  - Pas seulement !

M. Bernard Jomier.  - Ce chaos ne peut se résoudre par la voie parlementaire. Je le regrette, la seule solution, c'est le retrait, et d'aller vers le peuple. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. David Assouline .  - J'ai entendu les plaidoyers pour la démocratie parlementaire. J'en prends acte : le Parlement, c'est le fondement de la démocratie dans notre pays. Nous l'avons soutenu lorsqu'il a été brutalisé par les différents gouvernements. Depuis quelques années, cette brutalisation est constante : les procédures accélérées sont devenues la règle. Chers collègues qui faites ces plaidoyers, cher ministre, pourquoi brutaliser à ce point le Parlement ?

Nous allons toucher à la vie de millions de nos concitoyens, alors que le Président de la République n'a pas été investi pour faire cette réforme, sans quoi il aurait eu une majorité nette à l'Assemblée.

Le mandat octroyé au Président de la République, à la Première ministre, à la majorité sénatoriale n'est pas si clair en ce sens, alors que les enquêtes d'opinion et l'union syndicale montrent que les Français sont contre. Il faut que le peuple prenne la parole, il faut un débat dans le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

La motion référendaire est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°139 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption   93
Contre 251

Le Sénat n'a pas adopté.

(Mmes Catherine Procaccia et Nadine Bellurot applaudissent.)

La séance, suspendue à 11 h 05, reprend à 17 heures.

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

La discussion générale est close, nous passons à la discussion du texte transmis au Sénat.

Rappels au Règlement

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Mon rappel au Règlement traite de l'organisation de nos travaux et se fonde sur l'article 24, premier alinéa, de la Constitution.

Monsieur le ministre, Mme Brulin vous a demandé hier les avis et votes du Conseil d'État sur ce PLFRSS. À en croire la presse, le Conseil aurait formulé des doutes sur la constitutionnalité de certaines mesures. S'est-il exprimé sur le choix du véhicule législatif ?

Traditionnellement, les avis du Conseil d'État n'étaient pas rendus publics. Mais depuis mars 2015, sur décision orale du président Hollande, ils sont publiés sur Légifrance dès la présentation en Conseil des ministres -  à l'exception des avis sur les projets de loi de finances (PLF), les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les projets de loi de ratification d'ordonnances ou de conventions internationales. Toutefois, la nuance relève de la pratique, et aucune base légale ou constitutionnelle n'empêche le Parlement de prendre connaissance des travaux du Conseil d'État sur tout type de texte. Rien ne s'oppose à la publication de l'avis du Conseil d'État sur ce PLFRSS, d'autant plus que la réforme aurait dû passer par une loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. le président.  - J'invite chacun à respecter son temps de parole.

M. Gérard Lahellec.  - Mon rappel se fonde sur l'article 36 du Règlement et sur l'article 24 de la Constitution. Monsieur le ministre, nous vous demandons de publier l'avis et les votes du Conseil d'État. La presse s'est fait l'écho des réserves qu'il exprime sur la constitutionnalité de certaines mesures de ce texte. Depuis 2015, ces avis sont publiés par convention. L'exclusion des textes financiers n'a aucune base légale.

Selon un grand quotidien du soir, « dans une note restée confidentielle, l'institution du Palais Royal a suggéré de retirer certaines dispositions, dont celle sur l'index seniors, car leur présence dans un texte à caractère financier est sujette à caution sur le plan de la constitutionnalité. » L'article précise que le Gouvernement n'en a pas tenu compte. C'est irrespectueux : il faut publier ces documents. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Mme Céline Brulin.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur les mêmes articles. Monsieur le ministre, nous ne pouvons entamer l'examen du texte sans que l'avis du Conseil d'État soit rendu public. Chacun loue la qualité des débats au Sénat : pour que ceux-ci soient éclairés, il nous faut l'avis et les votes du Conseil d'État, d'autant que celui-ci aurait émis des doutes sur la constitutionnalité de certains articles, de même que le président du Conseil constitutionnel.

Cela fait beaucoup de doutes, après bien des inexactitudes, des approximations, voire des mensonges. Il serait sain pour la démocratie que cet avis soit rendu public, afin que non seulement les parlementaires, mais aussi les Français en prennent connaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Monsieur le ministre, voulez-vous éclairer nos collègues, et notre assemblée ?

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.  - Je ne me prononcerai pas sur les rappels au Règlement, ce n'est pas mon rôle, mais sur le fond. Première remarque : je note que vous m'interrogez sur un document secret dont vous connaissez la teneur... (Sourires ; exclamations à gauche)

Deuxième remarque : une partie de la réponse est dans la question. En 2015, le Président de la République a décidé, oralement, de rendre publics les avis sur les projets de loi ordinaires, mais pas sur les PLF, PLFR et PLFSS. Il n'est pas de mon autorité de modifier cette règle, qui a été fixée par le Président de la République précédent.

Troisième remarque : sur les PLF et PLFSS, le Conseil d'État ne rend pas d'avis mais remet au secrétariat général du Gouvernement (SGG) une note de synthèse. Un certain nombre de parlementaires, de par les fonctions qu'ils exercent, peuvent la consulter auprès du SGG.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Mme Aubry disait : « Quand il y a du flou, il y a un loup. » (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Martine, sors de ce corps !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les dits du précédent Président de la République ne sont pas des lois. Ce sont des us et coutumes, voilà tout ! S'il est possible de consulter ces notes de synthèse, pourquoi les cacher ? Ce matin, la droite nous a expliqué qu'il fallait éviter le référendum pour consolider la démocratie parlementaire. Eh bien, la démocratie parlementaire a besoin d'être éclairée par le Gouvernement - or il lui cache des éléments.

Même si les articles sur lesquels un doute subsiste ne concernent pas le recul de l'âge, ils portent sur les rustines qui sont au centre de votre argumentaire pour justifier ce texte, comme l'index seniors. Par votre manque d'information, vous trompez délibérément notre Assemblée, et par là même les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur les articles 5 et 20 de la Constitution.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que le temps d'examen contraint à l'Assemblée nationale était imposé par l'article 47-1, comme si ce n'était pas de votre faute. Or une décision de 1986 du Conseil constitutionnel précise bien que « laisser l'Assemblée nationale statuer sur un projet dont elle n'est pas dessaisie ne constitue pas une irrégularité de nature à vicier la procédure ». En d'autres termes, vous pouviez très bien laisser l'Assemblée nationale continuer à débattre, dès lors que vous laissiez au Sénat le temps imparti. (Mle ministre fait non de la tête.)

Ne secouez pas la tête ainsi, monsieur le ministre, ou alors revenez de temps en temps au centre ! (Sourires) Je vous demande de ne pas tordre la Constitution à votre avantage et d'en respecter la lettre, ainsi que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Rappel au Règlement, au titre des articles 17 bis et 45.

La discussion commence mal. (On le confirme à droite et au centre.)

Nombre d'amendements concernant les conditions de travail, les critères de pénibilité ou la redéfinition de certains seuils ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils ne portent pas sur le financement de la sécurité sociale. L'article sur l'index seniors est donc quasiment inamendable !

On nous empêche aussi de demander des rapports sur la décote, et même d'aborder l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) ! Certains amendements, acceptés dans de précédents PLFSS, ont été déclarés irrecevables, sur la prestation de compensation du handicap (PCH) par exemple.

S'agissant de la mère des réformes, nous devrions pouvoir débattre de ses conséquences sur le travail, la pénibilité, le système de soins...

En revanche, je note que des amendements de dépenses de la droite sont acceptés. Un comble ! (Marques d'ironie à droite) Nous en tiendrons compte dans la suite de la discussion. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Pemezec.  - On tremble !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur les articles 24, 24 bis, 25, 29 ter et 36, et sur les articles 39 et 47-1 de la Constitution. Hier, monsieur le ministre, vous avez indiqué que la limitation du temps n'était pas de la responsabilité du Gouvernement. Mais le régime des retraites pouvait être réformé par une loi ordinaire, comme en 2013 et en 2010. Le Gouvernement a fait un choix.

La particularité du PLFSS est qu'il n'y a pas d'avis du Conseil d'État - cela tombe bien - mais seulement une note de synthèse, secrète, que vous ne semblez pas disposé à nous communiquer.

Surtout, le PLFSS permet de recourir au 49.3 - c'est dire la confiance que vous avez dans le vote des députés ! - et de limiter la durée des débats. Pourtant, rien n'interdit de dépasser le 12 mars, à moins que vous n'ayez eu, dès l'origine, l'intention malicieuse de procéder par ordonnances. (Applaudissements à gauche)

M. Sébastien Meurant.  - Ce sujet est compliqué, comme dirait Marc Laménie (rires à gauche), ou complexe, comme l'a dit le ministre Dussopt. Pour l'examiner, il fallait du temps.

Le système des retraites, c'est un héritage plutôt réussi. Ce n'est plus la « retraite des vieux » chantée par Pierre Perret ; la pauvreté des personnes âgées a presque disparu. Les Français y sont très attachés.

Le recours à l'article 47-1 est une faute politique qui n'est pas loin du détournement de procédure. Faute devant le Parlement et faute devant les Français, légitimement inquiets. Comment justifier le passage de la réforme systémique, révolutionnaire, de 2019 à une réforme paramétrique dont le totem est le report de l'âge légal ? Comment convaincre, alors que le président Macron qualifiait cette réforme d'hypocrite en 2019 ? Avons-nous résolu la question du chômage des anciens ?

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Sébastien Meurant.  - Il faut donner du temps au temps. (M. Pierre Laurent applaudit.)

Mme Éliane Assassi.  - Mon rappel au Règlement se fonde... sur les articles invoqués par mes camarades. (Sourires)

M. le président.  - Hier, vous en avez inventé un ! (Sourires)

Mme Éliane Assassi.  - Je reviens sur les demandes de mes camarades à propos de l'avis du Conseil d'État.

Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance afin que le ministre puisse téléphoner à ses services pour leur demander de nous faire parvenir ce document. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. le président.  - Il n'y aura pas de suspension téléphonique.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Les interpellations sur les irrecevabilités méritent une réponse détaillée.

Cette réforme des retraites est portée par un PLFRSS. Les règles de recevabilité des amendements pour ces textes sont fixées par la loi organique du 14 mars 2022, codifiée par le code de la sécurité sociale. Il s'agit d'une obligation constitutionnelle que j'ai dû exercer cette année dans des conditions particulièrement éprouvantes, compte tenu des délais et du nombre d'amendements.

Ces règles de recevabilité découlent directement des délais constitutionnels d'examen des PLFSS : il s'agit de garantir que le Sénat délibère sur des amendements qui ont leur place dans un tel texte.

Premier critère, il faut que les amendements aient un effet sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Les amendements sur les régimes complémentaires de l'assurance-chômage, de l'État ou des collectivités sont irrecevables, de même que ceux portant sur le droit du travail. La présence de l'article 2 - sur lequel le Conseil constitutionnel tranchera - ne suffit pas à assurer la recevabilité des amendements.

Sur la Cades, l'objectif d'amortissement est de rang organique. Toute privation de recettes doit être compensée par une recette assise sur l'ensemble des revenus.

Sur l'information des assurés, le Conseil constitutionnel censure régulièrement des dispositions dans les PLFSS.

Au-delà de la position défavorable de la commission sur les demandes de rapports, j'ai retenu la jurisprudence stricte du Conseil constitutionnel : oui à des rapports sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, non à des rapports visant à contourner l'article 40 et à évaluer d'hypothétiques dispositifs ou des effets lointains ou diffus.

J'ai examiné près de 450 amendements portant des demandes de rapport, soit 9,5 % du total : 251 ont été déclarés irrecevables.

Les irrecevabilités sont d'autant plus strictes pour les lois de financement rectificatives que l'effet sur les comptes des régimes obligatoires de base se doit d'être sensible dès l'année en cours. Impossible donc de proposer un dispositif prenant effet au-delà de 2023 ou de repousser après 2023 l'application d'un dispositif proposé.

Sur les 4 734 amendements déposés, 493 ont été déclarés irrecevables, soit 10,4 %, un peu moins qu'en loi de financement. Il reste 3 700 amendements à examiner, le débat aura lieu.

M. Pierre Laurent.  - Plus de mille amendements irrecevables !

Discussion de l'article liminaire

M. le président.  - Motion n°4734, présentée par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission l'article liminaire du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 368, 2022-2023).

Mme Corinne Féret.  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.) Cette réforme des retraites est commandée par l'impératif d'équilibrer les comptes à la suite des cadeaux fiscaux accordés aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises. Le recours à l'artifice de l'article 47-1 nous a empêchés de débattre en commission des recettes.

Or les exonérations de cotisations sociales coûteront 18,9 milliards d'euros à la branche vieillesse, soit plus que les 17,7 milliards d'euros que le Gouvernement dit chercher. Des solutions de justice sociale existent pourtant. Revenons sur les baisses d'impôts, taxons les superprofits, soumettons à cotisation patronale les revenus du capital. L'effort ne sera acceptable que s'il est partagé.

Messieurs les ministres, nous vous avions alerté sur le poids de l'inflation, sur l'insuffisance de l'Ondam. Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il y a lieu de renvoyer à la commission l'article liminaire. (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable. Merci, chère collègue, de considérer que la commission pourrait encore apporter quelque chose, mais nous avons suffisamment débattu. (Mme Émilienne Poumirol proteste.) Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.  - Avis défavorable. Ce texte est crucial pour que nous puissions continuer à payer les pensions chaque mois (on le conteste à gauche), mais aussi pour apporter plus de ressources à l'hôpital public : pas moins de 600 millions d'euros de plus ! Voulez-vous écarter ces moyens supplémentaires ? (Protestations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous-même, vous n'y croyez pas !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Bref, si nous ne votons pas cette réforme, les trains dérailleront et les enfants ne seront plus vaccinés ! (Sourires à gauche)

Cette réforme des retraites est censée rééquilibrer les comptes publics - à moyen terme, car en 2023, elle coûtera 400 millions d'euros. Elle pose de nombreuses questions sur le financement et les conditions de travail, dont nous ne pouvons parler, irrecevabilité oblige. Il faut que la discussion puisse avoir lieu, en prenant le temps nécessaire. Nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Émilienne Poumirol.  - Élus locaux, vous savez combien le travail en commission permet d'avancer et de définir les principes de notre action. Nos réunions de commission se sont bornées à entendre les rapporteurs égrener les avis, favorables ou, le plus souvent, défavorables, sans aucune discussion sur le fond.

Mme Frédérique Puissat.  - Eh bien, démarrons le débat !

Mme Émilienne Poumirol.  - Or cette réforme n'est qu'une façon de masquer le déficit des comptes publics. Cela mérite un débat. Nous soutiendrons la motion. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

La motion n°4734 n'est pas adoptée.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Pourquoi cette contre-réforme ? D'abord, pour traduire les obsessions de la Commission européenne. Un règlement européen du 20 juin 2019 qui crée un produit paneuropéen d'épargne retraite individuelle, accueilli favorablement par le Gouvernement, est une arme pour favoriser les retraites par capitalisation et la privatisation de l'assurance vieillesse, sous prétexte d'autoriser la portabilité des droits des travailleurs dans l'Union européenne. Un marché à 2 100 milliards d'euros d'ici 2030, si les avantages fiscaux suivent !

Le projet est clair : faire payer aux travailleurs les baisses d'impôt pour les entreprises et les ménages aisés.

M. Pascal Savoldelli .  - Cet article liminaire n'est pas là par hasard : il est le prélude à quelque chose. C'est bien l'élément de justification de votre réforme.

Le solde des administrations de sécurité sociale est prévu en excédent de 0,8 point du PIB en 2023. Curieux paradoxe : c'est précisément le déficit du système de retraite à compter de 2026 selon le COR. Donc sans baisse en volume des dépenses de la sécurité sociale, nous pourrions parfaitement absorber les déficits à venir du système de retraite. Votre architecture comptable s'écroule : voilà la réalité.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Je voudrais des éclaircissements sur le tableau de synthèse. Votre réforme rapporterait 17,7 milliards d'euros au régime des retraites. Bien. Vous soustrayez les mesures d'accompagnement, mesures qui n'existent pas dans la loi actuelle, mais aussi le maintien de l'âge légal à 62 ans pour les personnes invalides ou inaptes... pour qui rien ne change ! Cela n'a pas à apparaître dans le tableau, qui doit ne prendre en compte que les mesures ayant un impact réel sur les recettes et les coûts.

M. Christophe-André Frassa .  - Les grands oubliés de cette réforme sont ceux qui ont effectué une partie de leur carrière en France et à l'étranger.

Certains pays n'ont pas signé de convention bilatérale de sécurité sociale : les années cotisées dans ces pays ne sont pas prises en compte pour la décote. Résultat, la retraite française peut se trouver minorée de 25 %.

Impossible également de prendre en compte les années cotisées dans plusieurs pays non européens : si vous avez travaillé en Égypte et aux États-Unis, par exemple, vous pouvez comptabiliser les années effectuées dans l'un ou l'autre pays, mais pas les deux... C'est une injustice qu'il faut corriger.

Nous n'avons pas pu présenter d'amendement permettant d'échapper à la décote dans ce genre de situations, article 40 oblige. Irrecevabilité également pour un amendement prévoyant un bilan annuel devant l'Assemblée des Français de l'étranger concernant les accords de sécurité sociale avec les pays non conventionnés.

Se pose enfin la question du salaire de référence pour le calcul de la pension, lorsqu'il porte sur les 25 meilleures années. Il conviendrait d'envisager des mesures correctrices.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Christophe-André Frassa.  - Les carrières internationales sont une réalité, il faut les prendre en compte.

M. Franck Montaugé .  - Le solde budgétaire de la sécurité sociale n'est exprimé qu'en fonction du PIB, ce qui est réducteur : le PIB ne dit rien sur la pénibilité du travail ou sur l'espérance de vie en bonne santé, par exemple. D'éminents économistes comme Joseph Stiglitz ou Jean-Paul Fitoussi font une critique sévère du PIB comme seul instrument de mesure de la richesse d'une nation, car il ne prend pas en compte les bienfaits d'une sécurité sociale qui profite aussi aux bien-nés et aux nantis qui ont toutes vos faveurs.

Une réforme juste doit être inspirée par ce qui fait société pour nous : il faut prendre en compte de nouveaux indicateurs de qualité de vie, qui définissent le pouvoir de vivre.

Votre indifférence est dogmatique. Le référentiel de cet article liminaire est tout à fait inadéquat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Daniel Breuiller .  - Monsieur le ministre a-t-il pu passer le coup de fil pour obtenir la note de synthèse du Conseil d'État ? (On s'amuse à gauche.)

Cet article liminaire fait référence à une loi encore non approuvée, la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Bruno Le Maire avait évoqué un effort structurel indispensable pour atteindre l'objectif d'un retour du déficit à 3 % : le caractère austéritaire était alors parfaitement assumé. Où est cette loi de programmation ? Le Sénat avait notamment voté un amendement, combattu à gauche, qui entérine la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires... Je ne retrouve pas la mesure dans le tableau. Est-elle intégrée dans ce texte ?

Vous visez une augmentation de 10% du taux d'emploi des seniors, ce qui rapporterait 2 % de PIB, soit 50 milliards d'euros, selon Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur.

Quant à l'hypothèse de 4,5 % de chômage en 2027, cela rapporterait 20 milliards d'euros à l'Unédic ... Cela non plus n'apparaît pas. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Claude Tissot .  - Nous souhaitons tous que les débats aient lieu dans un climat apaisé. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat.  - Commençons !

M. Jean-Claude Tissot.  - Vos estimations sont tout à fait contestables, et vous les étayez par un texte qui n'a jamais été validé par le Parlement. Cela en dit long sur votre considération pour le Sénat...

À l'Assemblée nationale, monsieur Dussopt, vous avez osé dire au député Jérôme Guedj que vous n'aviez pas à rendre de comptes sur votre manière de faire des prévisions. J'espère que vous vous présentez ici dans d'autres dispositions, car notre devoir de parlementaires est précisément de vous demander des comptes.

Vous clamez que pour sauver les retraites par répartition, il faudra que les Français sacrifient deux ans de leur vie : la moindre des choses est de nous dire ce que nous allons réellement payer par ce sacrifice. Ayez un langage de vérité et arrêtez les faux-semblants. Donnez-nous les comptes, tous les comptes, mais les vrais. (Applaudissements à gauche)

M. Victorin Lurel .  - Ce texte est présenté de manière fort curieuse - d'aucuns diraient machiavélique. Pas d'étude d'impact, la commission vote des dispositions qui disparaissent en séance publique, comme certains votes de l'Assemblée nationale... On a beau être responsable, on se sent piétiné !

Cet article, c'est l'architecture financière de votre projet. Or elle est douteuse : critère du PIB, quelques centaines de millions ici ou là... mais surtout, ne jamais augmenter les impôts, comme si c'était un gros mot ! Il est possible de faire une autre réforme des retraites, en recherchant de nouvelles recettes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - À chaque réforme des retraites, on dramatise la situation pour remettre en cause les acquis sociaux. C'est un grand classique.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Tout va bien, il n'y a pas de dette !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Par malchance, le COR a beaucoup relativisé vos hypothèses, en jugeant le système maîtrisé et le déficit facile à combler.

Au demeurant, l'augmentation du déficit s'explique par la baisse de participation de l'État. Or dans vos hypothèses, vous ne créez aucun poste de fonctionnaire d'ici 2027, hors les 15 000 emplois du Ségur : pas de professeurs, d'infirmières, de magistrats. C'est une question centrale, car notre pays a besoin de fonctionnaires. En outre, vous gelez le point d'indice : d'ici 2037, ils perdront 8 % de leur pouvoir d'achat, quand les salariés du privé gagneront 12 %. Vous sacrifiez l'avenir de la fonction publique, sans le dire aux Français. (Applaudissements à gauche)

Mme Monique Lubin .  - Article liminaire, cela signifie loi de finances... et c'est là que le bât blesse.

Vous avez promis une baisse de la dépense publique. Comme la part des retraites dans cette dépense est importante, vous tapez dans les retraites. Pour récupérer de l'argent, vous allez pénaliser ceux qui partiront bientôt, qui ont déjà plus de 40 annuités. Allez donc leur expliquer que leur sacrifice sert à améliorer les comptes publics...

Ces débats peuvent paraître compliqués, mais les salariés ont très bien compris : c'est pourquoi ils seront dans la rue mardi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. David Assouline .  - Nous en sommes donc aux préliminaires, avec cet article liminaire. Ça commence bien ! On pensait débattre, s'enrichir, nous éclairer, donc éclairer l'opinion.

Cet article liminaire en dit beaucoup sur l'esprit cette réforme. La retraite taraude tous nos concitoyens. Il n'y a pas que la démographie : tout le monde du travail est bouleversé par les nouvelles technologies. Personne ne sait comment on produira dans dix ans. Il faudra de nouveaux mécanismes sociaux.

Le réchauffement climatique modifie aussi les paramètres, par exemple sur la pénibilité. Tant de critères non évalués, alors que c'est le rôle du Parlement. Et on nous dit que dans trente ans, tout sera déséquilibré !

Cet article liminaire montre bien qu'il s'agit d'une réforme comptable, et non sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Yan Chantrel .  - Il y a un vrai problème de méthode. Cela honorerait aussi la droite de le dire ! Une réforme au coeur de notre pacte social ne peut pas être discutée dans un tel délai. Le Gouvernement piétine le droit des parlementaires à échanger.

Vous violentez les Français et le Parlement, avec la complicité de la droite sénatoriale. Nous en sommes à mille amendements déclarés irrecevables - alors que beaucoup d'entre eux ont été acceptés dans de précédents PLFSS. (Mme Catherine Deroche le conteste vigoureusement.) Il y a une volonté d'empêcher le débat.

On justifie les irrecevabilités en prétextant que les amendements ne portent pas sur le périmètre du PLFRSS. Mais, madame la présidente Deroche, c'est l'ensemble du texte qu'il faudrait déclarer irrecevable ! Il faudrait avoir le courage de présenter une loi ordinaire. Cette réforme n'a rien à faire dans un PLFRSS. Je constate aussi que vous avez peur d'un référendum. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Concluez.

M. Yan Chantrel.  - Car vous savez bien que vous le perdriez.

Mme Viviane Artigalas .  - Cet article montre bien que votre impératif est d'équilibrer les comptes publics. Mais aborder une telle réforme sous le seul angle financier envoie un très mauvais signal.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Tout à fait !

Mme Viviane Artigalas.  - Vous justifiez votre réforme par la démographie. Mais la démographie, c'est aussi la réduction du nombre de fonctionnaires, qui assèche le régime.

Un déficit de 2 % du PIB, pour un retour à l'équilibre en 2050, est tout à fait supportable. Le Gouvernement a mis bien plus d'argent pour d'autres choses... Que l'État prenne ses responsabilités.

De plus, vous n'évaluez pas les coûts induits sur le chômage, le RSA, les services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Vous vous appuyez sur des agrégats figurant dans une LPFP 2023-2027... qui n'a pas été votée, le Gouvernement craignant de ne pas obtenir de majorité à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement est en réalité sans boussole, avec un déficit creusé par ses cadeaux fiscaux. Il n'a pas de vision à long terme. Vous utilisez la réforme des retraites pour combler les déficits, et donner ainsi des gages à l'Union européenne.

Le vrai problème des finances publiques réside dans votre refus de vous pencher sur le problème des recettes, qui pourrait être réglé autrement. Cela sous-tend une stratégie du sauve-qui-peut.

Nous demandons donc la suppression de cet article liminaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur quelques travées du GEST)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Monsieur Savoldelli, vous nous accusez de déplacer le déficit de la branche retraite vers d'autres branches. Non. Il y avait 12 millions de pensions à payer en 2022, il y en aura 30 millions en 2030, puisque l'on vit plus longtemps, et que la population active ne suit pas.

Mme Cathy Apourceau-Poly et Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et la productivité ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - La ligne de la gauche est d'augmenter les impôts. Cela a le mérite de la clarté. (Protestations à gauche)

M. Pierre Laurent.  - De faire payer les riches !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - À l'Assemblée nationale, il ne s'agissait pas des riches, à moins que l'on considère tels des retraités qui ont 1 500 euros de pension. (On se récrie à gauche) Le diable est dans les détails...

Mme Monique Lubin.  - Et dans le ruissellement.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - En prétendant taxer les très riches, on touche souvent les classes moyennes.

J'ai aussi entendu dire qu'un déficit de 13,5 milliards d'euros, ce n'était rien. (Nouvelles exclamations à gauche) Cela pourrait toujours être pire, mais ce n'est pas une paille !

En réalité, vous validez la stratégie de ce Gouvernement. Si nous n'avons pas plus de déficit, c'est que nous avons créé 1,5 million d'emplois depuis cinq ans, qui abondent le système de 25 milliards d'euros (on le conteste à gauche) - grâce à la flat tax, à la suppression de l'ISF, à la baisse de l'impôt sur les sociétés... (Murmures à gauche comme à droite)

Mme Émilienne Poumirol.  - Ce n'est pas ça qui crée de l'emploi !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Cela a permis de dégager des recettes en plus pour notre système social.

Mme Poncet Monge estime que le maintien de l'âge de départ à 62 ans pour les personnes invalides n'est pas un progrès, car c'est la situation actuelle. Le code de la sécurité sociale dispose que leur âge de départ est le même que celui du reste de la population : il a donc reculé à chaque réforme. Nous créons en fait un âge de départ anticipé, pour un coût de 3 milliards d'euros.

Merci de mettre en exergue les mesures sociales de ce texte. Les mesures sociales de la réforme Woerth en 2004 s'élevaient à 1,5 milliard d'euros ; celle de l'excellente réforme Touraine (sourires) en 2014, à 4 milliards d'euros ; les nôtres, à 6 milliards d'euros, soit plus que les deux précédentes cumulées.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Dites-le aux manifestants mardi !

M. Pierre Laurent.  - Et aux syndicats !

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Cette réforme est portée dans un PLFRSS pour une seule raison : l'ensemble des mesures a un impact sur les comptes sociaux. (On le conteste à gauche.)

Il n'y a pas d'avis du Conseil d'État, mais une note de synthèse.

M. David Assouline.  - Donnez-la-nous !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - J'ai indiqué que cette note était consultable sous certaines conditions par des parlementaires qui disposent de certaines prérogatives. Je les invite à se rapprocher du secrétariat général du Gouvernement.

Monsieur Frassa, vous avez évoqué les difficultés des Français de l'étranger en l'absence de coopération sociale avec les pays de résidence. Aucune des dispositions qui pourraient régler les problèmes que vous soulevez n'a sa place dans ce texte, car elles relèvent des conventions internationales. C'est un chantier titanesque, car il y a autant de situations que de pays, mais nous voulons l'ouvrir. Rendez-vous est pris pour avancer.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mme Assassi.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article prévoit un solde des administrations publiques de 0,8 %, soit le même chiffre que dans la précédente LFSS. L'impact de la réforme en 2023 serait donc extrêmement faible : selon le COR, 400 millions d'euros, sur un total de 722 milliards, soit 0,05 %... En 2022, l'écart entre le prévisionnel et le réalisé était de 19 milliards d'euros, et il n'y a pas eu de loi rectificative.

En réalité, le Gouvernement n'a opté pour ce véhicule législatif que pour conserver l'option du 49.3 pour un futur texte et limiter les débats dans le temps. Le 7 mars, nous verrons ce que les citoyens en pensent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je suis inquiète pour nos comptes publics s'ils vous sont confiés, monsieur le ministre ! Je persiste, le maintien de l'âge de départ des personnes invalides n'est pas un coût. Vos mesures sociales, c'est 3 milliards d'euros.

Avec ses cadeaux pour les plus fortunés, le Gouvernement a amputé le budget de 50 milliards d'euros, reconnaît Bercy. C'est un choix politique. Le déficit du système des retraites a moins à voir avec un déséquilibre démographique qu'avec le démantèlement du fonds de réserve des retraites en 2018.

Cet article est le symbole de la vision étriquée portée par cette contre-réforme des retraites. Supprimons-le.

M. le président.  - Amendement identique n°127, présenté par M. Gontard.

M. Guillaume Gontard.  - Le déficit résulte d'une succession de choix budgétaires : transformation du crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) en exonérations de cotisations, gel du point d'indice relevant d'une politique malthusienne, imputation de la dette covid aux comptes sociaux plutôt qu'aux comptes de l'État.

Pour faire face à la diminution du ratio entre actifs et retraités, le gouvernement Jospin avait institué un fonds de réserve des retraites (FRR) qui aurait dû atteindre 65 milliards d'euros en 2020 et aurait pu combler les déficits pour les décennies 2020 et 2030. Mais par dogmatisme anti-impôt, la réforme Woerth-Fillon l'a raboté en 2010. Sur ce point, les majorités sénatoriale et présidentielle marchent main dans la main.

Et maintenant, pour réparer vos erreurs, vous faites payer à tous les Français un impôt sur la vie de deux ans. D'autres solutions sont sur la table. Ayez au moins la décence de reconnaître que cette réforme est un choix et en aucune façon une nécessité. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°128, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Labbé, Parigi et Salmon.

M. Daniel Breuiller.  - Merci à la présidente Deroche pour ses explications sur les irrecevabilités, qui montrent tous les artifices dont use le Gouvernement.

Monsieur le ministre, je ne sais pas faire la différence entre un avis et une note de synthèse, mais je connais les Français : le secret sème le doute, ce n'est pas une bonne chose pour la démocratie. Publiez ce document ! (Applaudissements à gauche)

Pour 400 millions d'euros, vous allez faire perdre deux ans de retraite à nos concitoyens. Ne pouvait-on attendre un PLF ou une loi ordinaire ?

D'autres hypothèses que les vôtres sont possibles. Imaginez une nouvelle crise covid, de nouvelles canicules... Vous qualifiez votre réforme de paramétrique, mais deux ans de la vie des gens, ce n'est pas un paramètre. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°279, présenté par M. Féraud.

M. Rémi Féraud.  - Cet article liminaire d'apparence modeste dit beaucoup en creux. L'évolution marginale des chiffres montre bien que le véhicule législatif est un prétexte. Il ne mentionne aucune ressource nouvelle, que l'on aurait pu trouver dans les revenus du capital et notamment les superprofits. Il ne dit pas non plus que vous créez un impôt nouveau : trois mois de vie pour ceux nés après le 1er septembre 1961.

Il y a également un problème de légitimité, car cette réforme comptable s'inscrit dans une trajectoire des finances publiques qui n'a pas été votée par le Parlement. Je vous rappelle une phrase sibylline du projet de LPFP : « la soutenabilité de notre trajectoire reposera sur les réformes structurelles engagées ». Réformes structurelles que vous nous présentez aujourd'hui... Faites adopter votre LPFP d'abord ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe CRCE)

L'amendement identique n°311 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°341, présenté par Mme Briquet.

Mme Isabelle Briquet.  - Vous avez dit que votre politique avait réduit le déficit. Dans ce cas, pourquoi cette réforme ?

Cet article entérine une réforme injustifiée pour réparer une aggravation du déficit que le Gouvernement a lui-même créée par ses cadeaux fiscaux. Il ne reflète pas une nécessité mais une vision idéologique, au détriment de la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Monique Lubin.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement identique n°365, présenté par Mme Féret.

Mme Corinne Féret.  - Vous ajoutez 750 millions d'euros à l'Ondam pour l'hôpital public, c'est très insuffisant. En tenant compte de l'inflation, il baisse de 5,2 % par rapport à 2022 !

Dans le Calvados comme ailleurs, l'hôpital public est en crise. Dans le CHU de Caen, dans les hôpitaux de proximité, les besoins en personnel sont alarmants, les services des urgences ont dû fermer provisoirement. Ce n'est pas acceptable.

M. le président.  - Amendement identique n°448, présenté par M. Fichet.

M. Jean-Luc Fichet.  - Nous supprimons un article qui entérine une réforme injuste. Le déficit est bien dû aux cadeaux fiscaux au bénéfice des grandes entreprises : fin de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), fin de l'ISF, flat tax...

Il faut poser la question des recettes, taboue pour ce Gouvernement. Les exonérations de cotisations sociales coûtent 18,9 milliards d'euros à la branche vieillesse - davantage que les 17,7 milliards que le Gouvernement cherche à dégager, d'autant que vous ne tenez pas compte des coûts induits par votre réforme sur le régime du chômage et les minima sociaux.

M. le président.  - Amendement identique n°483, présenté par M. Chantrel.

M. Yan Chantrel.  - L'indigence de l'annexe explicative nous laisse sans voix. Qu'avez-vous à cacher ? Publiez la note de synthèse ! N'ayez pas peur de la transparence.

Pourquoi prévoir une diminution de la masse salariale des fonctionnaires ? Est-ce à dire qu'ils connaîtront une paupérisation ? Le COR évoque un gel du point d'indice jusqu'à 2027 et une augmentation très réduite après cette date. Pourquoi ?

Pourquoi calculer le déficit en euros constants et le PIB en euros courants, empêchant toute comparaison ?

Pourquoi la part des rémunérations des agents des collectivités territoriales diminue-t-elle dans le total, alors que leur taux de cotisation est supérieur à celui d'autres régimes ? Pourquoi ne pas avoir pris en compte une amélioration du taux d'emploi des seniors, sur laquelle vous fondez pourtant de grands espoirs ? Pourquoi les femmes ont-elles, dans les projections, un taux d'emploi inférieur de 8 % à celui des hommes alors que vous avez fait de l'égalité salariale une grande cause nationale ? Et quid des hypothèses factices transmises au COR ?

C'est toujours la même méthode : on réduit les cotisations, puis on en tire prétexte pour repousser l'âge de départ à la retraite. Quand on veut tuer son chien...

L'amendement identique n°517 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°566, présenté par Mme de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La France est le pays européen où l'investissement diminuera le plus en 2023. Au lieu de mener cette réforme injuste, occupez-vous de l'état de notre industrie !

Vous annoncez une économie de 17,7 milliards d'euros, supportée aux deux tiers par les femmes. Mais en ne renégociant pas le prix de l'électricité, c'est 30 à 50 milliards que vous gaspillez pour 2023.

Le COR le dit bien : il n'y a pas de dynamique incontrôlée du déficit et la part des pensions dans le PIB à terme sera stable ou en diminution.

M. le président.  - Amendement identique n°578, présenté par M. Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - La réforme est injustifiée et injuste. Comme toujours, vous faites porter les efforts sur les plus modestes. J'imagine que vous avez d'autres cadeaux en réserve pour les plus riches. Et rien sur les recettes ! Alors que vous pourriez supprimer des exonérations de cotisations, coûteuses pour la branche vieillesse.

Tout au long des débats, nous vous démontrerons que les économies escomptées risquent de se reporter vers l'assurance chômage et les minima sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°665, présenté par Mme Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou.  - Vous préemptez deux ans de la vie des Français. Les 17,7 milliards d'euros escomptés ne tiennent pas compte des coûts induits par la réforme. Deux salariés sur cinq ne sont déjà plus en emploi quand ils font valoir leurs droits : ils sont souvent malades ou invalides. Il faut se soucier de ceux qui sont déjà hors du système avant le départ à la retraite ; le coût caché de la réforme serait déjà de 36 milliards d'euros sans compter l'assurance chômage, qui n'est pas dans le périmètre. S'ajoutent 970 millions d'euros supplémentaires pour les arrêts de travail. Vous faites l'impasse sur ces éléments ; nous manquons d'une étude d'impact sérieuse.

Le déficit du système de retraites est résorbable. Il représente moins de 1 % du PIB, quand 8,5 % du PIB est consacré aux aides aux entreprises.

Votre courage se résume à faire payer par les plus pauvres vos cadeaux aux plus riches. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°695, présenté par Mme Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Emmanuel Macron veut prendre deux années de repos aux Français, alors que la trajectoire de notre régime est pourtant maîtrisée. Les femmes paieront le prix fort. Cette régression suscite un rejet massif : le mouvement social est historique.

De plus, le véhicule législatif n'est pas adéquat, et ne permet pas un vrai débat. Le recours au PLFRSS limite le débat parlementaire, en témoigne le nombre d'amendements irrecevables. Au cynisme envers les Français, Emmanuel Macron ajoute le mépris.

Cette réforme se justifie-t-elle par le déficit ? Les baisses d'impôts et les cadeaux aux plus riches ont amputé le budget de l'État de 50 milliards d'euros par an ! Les exonérations ont augmenté trois fois plus vite que les aides sociales au cours de ces dix dernières années. En 2023, elles représenteront 19 milliards d'euros en partie supportés par la branche vieillesse, soit un peu plus que les économies que le Gouvernement veut faire avec cette réforme. Ce n'est pas aux travailleurs d'assumer vos choix politiques. Cette réforme relève d'une tromperie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°725, présenté par M. M. Vallet.

M. Mickaël Vallet.  - Selon vos mots, « 13 milliards d'euros, ce n'est pas une paille ! » Même à gauche, nous savons faire la différence entre millions et milliards. Causons recettes ! Le problème n'est pas l'impôt ni la taxe, qui ne sont pas des gros mots, mais la redistribution.

Nous avions proposé un référendum d'initiative partagée sur la taxation des superprofits, qui aurait rapporté 10 milliards d'euros...

Les choix des pays européens nous obligent, dites-vous ? Imitons l'Espagne qui a décrété une taxation exceptionnelle des superprofits, qui rapportera 7 milliards d'euros en deux ans, pour financer des mesures sociales ! Ou la Grande-Bretagne, qui taxe à 25 % les compagnies pétrolières - temporairement, comme nous le proposions - ou l'Italie, qui prélève 10 % aux énergéticiens.

Ayez un peu de mémoire : on a taxé les superprofits à l'issue des deux guerres mondiales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Gérard Lahellec applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement identique n°807, présenté par M. Jacquin.

M. Olivier Jacquin.  - Cette question engage la vie de tous les Français, qui rejettent la réforme, Elle ne peut passer par un PLFSS. Cette réforme est paramétrique, conservatrice, injustifiée et injuste.

Elle n'est que le résultat de cadeaux fiscaux et du transfert de la dette covid aux comptes sociaux. Et la question des recettes est taboue ! Les exonérations de cotisations sociales coûteront 18,9 milliards d'euros à la branche vieillesse, soit plus que ce que rapportera la réforme.

Vous criez à l'urgence, le COR vous dément. Retirez le texte, et reprenons une véritable discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Gérard Lahellec applaudissent également.)

Les amendements identiques nos820 et 860 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement identique n°895, présenté par M. Lurel.

M. Victorin Lurel.  - Quel ballet ! La gauche se lève et défend ses principes, et l'autre côté s'assoupit progressivement... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ferions de l'obstruction ? Mais sur les 4 335 amendements, vous en avez écarté un millier ! Vous avez la componction du responsable qui s'irrite que nous ne débattions pas plus vite et qui attend de voter...

Je n'ai jamais assisté à une telle scène dans cet hémicycle. Il est vrai que je n'ai jamais vu appliqué l'article 47-1. Vous avez le droit de défendre votre idéologie. Supprimez cet article, et vous supprimerez l'obstruction ! (Rires ; applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°929, présenté par Mme Artigalas.

Mme Viviane Artigalas.  - Cette réforme ne se justifie que par votre volonté de dégager des ressources sur le travail des Français, notamment des plus précaires. Il n'y a pourtant aucune urgence, surtout avec un tel véhicule législatif. Les Français subissent l'inflation, peinent à se soigner, à se loger, à se chauffer... Était-ce le moment ? Ne pouvait-on attendre de voir les effets de la réforme Touraine ?

Et pourquoi supprimer autant de postes de fonctionnaires, alors que les Français ont tant besoin d'éducation et de santé ? Les fonctionnaires sont une partie de la solution pour équilibrer cette réforme... Vous payez leurs cotisations, mais allez aussi récupérer les recettes. Réfléchissez !

Les amendements identiques nos940, 979, 1007 et 1028 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement identique n°1058, présenté par M. Houllegatte.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, dit le dicton populaire, depuis le XIIIe siècle. Le déficit de la branche vieillesse est utilisé comme un épouvantail.

Le COR indique qu'il manque des recettes. Le ratio actifs-retraités se dégrade, mais vous oubliez que la productivité augmente plus vite que le ratio précédent ne se dégrade.

La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Dress) s'est penchée sur la réforme Woerth-Fillon de 2010, qui a reporté l'âge de départ de 60 à 62 ans : mécaniquement, les attributaires du RSA et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ont vu leur situation prolongée de deux ans, pour un surcoût de 600 millions d'euros. Lorsqu'on est au RSA à 60 ans et trop éloigné de l'emploi, on le reste à 62 et on le restera à 64 ans ! (Mme Monique Lubin le confirme.)

Cet article est insincère, supprimons-le. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°1074, présenté par M. Tissot.

M. Jean-Claude Tissot.  - Il faut peut-être une réforme, mais sûrement pas dans un texte qui limite à ce point notre capacité d'amendement. Près de mille amendements irrecevables !

Votre réforme est purement paramétrique. L'Insee et la direction générale du travail en montrent les effets macroéconomiques délétères.

Le « quoi qu'il en coûte » a refusé tout ciblage des aides, et pompé sur les caisses de retraite. Cela continue avec les cadeaux aux plus riches et la suppression de la CVAE, qui coûtera 8 milliards d'euros en année pleine. Désormais, les travailleurs paient la facture, avec deux ans de leur vie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°1095, présenté par M. Éblé.

M. Vincent Éblé.  - C'est un amendement de suppression...

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Quelle surprise !

M. Vincent Éblé.  - Cette réforme est la conséquence des cadeaux faits aux plus riches, mais aussi d'un transfert de la dette covid sur les comptes sociaux.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Qui a fait cela ?

M. Vincent Éblé.  - D'autres solutions existent, à commencer par les recettes, taboues pour le Gouvernement. En 2023, les exonérations de cotisations coûteront 18,9 milliards d'euros à la branche vieillesse !

M. le président.  - Amendement identique n°1145 rectifié bis, présenté par Mme Lubin.

Mme Monique Lubin.  - Selon Mme la rapporteure générale, les conséquences de la réforme sur le solde de l'année en cours sont de 400 milliards d'euros : 600 millions de dépenses pour les minima de pension, 200 millions d'économies avec le relèvement de l'âge au 1er septembre. Les mesures portant sur 2023 ne sont qu'un prétexte. Pendant le covid, les dépenses de la sécurité sociale ont explosé avec une augmentation de l'Ondam de 2 milliards d'euros et 4 milliards d'euros pour Santé publique France. Mais le Sénat n'avait pas obtenu, pour autant, un PLFRSS.

Le déficit des comptes sociaux est parfaitement organisé.

Le Président de la République s'est fait élire sur un objectif de réduction du chômage... Messieurs les ministres, vous ne vous faites pas assez confiance : avec un chômage en baisse, aucun problème pour financer les retraites ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

L'amendement identique n°1204 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1237, présenté par Mme Jasmin.

Mme Victoire Jasmin.  - Ce texte pénalise les plus fragiles, et aussi les plus travailleurs, ceux qui ont été applaudis pendant la crise sanitaire, et qui sont souvent malades avant leur départ en retraite. Ce sont les grandes victimes de votre réforme ! Vous oubliez ceux qui nous ont permis de résister, souvent des femmes. Assistantes à domicile, aides-soignantes, caissières, éboueurs... (Applaudissements à gauche) Quelle injustice ! C'est malhonnête. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement identique n°1267, présenté par M. Montaugé.

M. Franck Montaugé.  - Le COR lui-même reconnait qu'il y a une vraie controverse scientifique à propos de la justification de la réforme. Cette question touche à la vie des Français, à celles et ceux qui se sacrifient pour notre pacte social. Votre approche est partielle et partiale. Elle répond à des injonctions européennes, liées aux comptes déplorables de la France, résultat de votre politique. Vous rendez les Français responsables de vos propres turpitudes budgétaires.

Le grand économiste Amartya Sen le disait : « l'économie est une science morale ». Supprimons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

L'amendement identique n°1313 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1337, présenté par M. Marie.

M. Didier Marie.  - Vous entérinez par cet article cette réforme injuste et brutale, résultat de votre politique ultralibérale, faite d'exonérations massives de cotisations sociales et de cadeaux fiscaux. S'ajoute le transfert de la dette covid. Vous imposez aujourd'hui un impôt sur la vie, sur les meilleures années de la retraite. D'autres solutions sont pourtant possibles, mais taboues pour le Gouvernement et la majorité sénatoriale. Quid de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, du taux d'emploi des seniors, du renforcement des services publics, de la taxation des superprofits ? Supprimons cet article. (M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.)

M. le président.  - Amendement identique n°1370, présenté par M. Bourgi.

M. Hussein Bourgi.  - Messieurs les ministres, faire bouger les paramètres des différents régimes est un choix de paresse, frappé du sceau de l'injustice sociale. Vous auriez pu aller chercher l'argent là où il est, sur les comptes des grandes entreprises qui réalisent des dizaines de milliards d'euros de profit.

Vous préférez pénaliser ceux qui souffrent et travaillent. Vous êtes les ministres des riches et des très riches, à l'image du Président de la République. Messieurs les ministres, vous reniez ce que vous défendiez il y a quelques années. Cette injustice sociale, nous ne l'acceptons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement identique n°1403, présenté par M. Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous commencions à nous ennuyer, enfin nous en sommes aux préliminaires. (Sourires) J'ai été frappé par la grande confusion parmi les membres du Gouvernement. Le Président de la République joue gros sur ce texte : il a décidé de s'affronter à une grande partie du peuple français.

Qui touchera une retraite de 1 200 euros ? Deux millions de personnes ? 40 000 ? 10 000 ? On parle de ceux qui ont commencé à 17 ans, mais quid de ceux qui ont commencé à 18, 19, 16 ans ?

Selon Mme Schiappa, ce texte serait favorable aux femmes. (MmeLaurence Rossignol et Monique Lubin ironisent.) Quand on le lit paragraphe par paragraphe, on voit pourtant qu'il les pénalise. (Mmes Victoire Jasmin et Émilienne Poumirol, ainsi que M. Jean-Michel Houllegatte applaudissent.) Il n'est pas sérieux de traiter les choses ainsi. Repartons sur d'autres bases. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE)

Les amendements identiques nos1433, 1501 et 1540 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement identique n°1578, présenté par M. Assouline.

M. David Assouline.  - Je vois que le débat avance (sourires sur les travées du groupe SER), et que les arguments éclairent sur la vraie justification de cette réforme. En 2018, le Président de la République déclarait que reculer l'âge de la retraite était injuste, qu'il ne le ferait pas, pour ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt ni infliger deux ans de chômage de plus aux seniors... Sa réforme structurelle a capoté. Nous devions discuter d'une réforme du marché du travail pour répondre à la question cruciale du travail des seniors. Les laisser hors activité jusqu'à 64 ans pèse sur les finances publiques.

Il est injuste de faire payer les plus démunis, alors que 50 milliards d'euros ont été distribués aux grandes entreprises pendant le quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

L'amendement identique n°1589 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1619, présenté par Mme Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol.  - Les femmes, les carrières longues, les métiers pénibles sont les grands oubliés.

Oui, monsieur Attal, 13,5 milliards d'euros, c'est une très grande somme pour les gens payés au Smic. Mais le COR est formel : au regard des 345 milliards distribués chaque année, 3 %, ce n'était pas insoutenable.

Votre seul objectif est de compenser les baisses d'impôts consenties aux grandes entreprises. Vous nous présentez cette réforme comme la seule solution. Des alternatives existent pourtant, mais elles nécessitent de sortir de votre dogme et de toucher au tabou des recettes.

Ne nous dites pas que les exonérations de cotisations sociales ont créé des emplois. Ce n'est pas le Gouvernement qui crée les emplois, mais les entreprises. (Marques d'ironie sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

Les amendements identiques nos1649 et 1661 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement identique n°1690, présenté par M. Leconte.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet article, comme ce projet de loi, est un hold-up, pour cacher une mauvaise gestion. (M. Roger Karoutchi en doute.) Les 500 milliards d'euros de dette de ces trois dernières années ont été reportés sur les comptes de la sécurité sociale par pure décision politique. Vous faites un hold-up sur le coeur du modèle social français. Et la majorité sénatoriale est complice. (MmeValérie Boyer et Catherine Belrhiti protestent.)

Les irrecevabilités nous interdiront de débattre de nombreux sujets.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Eh oui, c'est la règle.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je pourrai lire les objets de ces amendements pour montrer que vous êtes complices de ce hold-up !

M. Roger Karoutchi.  - Ne remettez pas en cause les présidents de commission !

M. Jean-Yves Leconte.  - Avec la guerre en Ukraine, avions-nous besoin d'une telle réforme ? Nous ne voulons pas être complices. Repoussons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

L'amendement identique n°1746 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1816, présenté par M. Kanner.

M. Patrick Kanner.  - Vous l'avez compris, nous ne voulons pas de cet article liminaire. (Sourires) Il répond à un impératif d'équilibre, mais en tenant compte du désarmement fiscal. D'ici 2027, nous allons perdre 500 milliards d'euros.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Et le CICE ?

M. Patrick Kanner.  - C'était 20 milliards d'euros, non pérenne.

Vous oubliez la suppression de l'ISF, de l'exit tax, les 30 milliards d'euros d'exonérations d'impôts de production...

M. Xavier Iacovelli.  - Et les 1,5 million d'emplois créés !

M. Patrick Kanner.  - Et vous dites aux Français qu'il n'y a plus d'argent, qu'il leur faut payer votre incurie budgétaire ?

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Celle de Hollande !

M. Patrick Kanner.  - Comme le dit l'adage latin, « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

M. Xavier Iacovelli.  - Dixit...

M. Patrick Kanner.  - Supprimons cet article et dénonçons cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement identique n°1868, présenté par M. Cozic.

M. Thierry Cozic.  - Pour faire accepter sa réforme, le Gouvernement agite comme un chiffon rouge un déficit qu'il gonfle artificiellement. Il manquerait 21,2 milliards d'euros en 2035 ? Vous choisissez le scénario et la convention du COR qui vous conviennent. Le COR a présenté un autre scénario, dans lequel le nombre de fonctionnaires augmente. Le système est loin d'être menacé : même si l'on ne fait rien, le déficit reviendra progressivement à l'équilibre, toutes conventions et scénarios confondus. Nous sommes loin de la faillite ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Gérard Lahellec applaudissent également.)

L'amendement identique n°1898 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°1944 rectifié ter, présenté par M. E. Blanc, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli et Saury, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Genet, Pellevat, Frassa, Bascher, Houpert et Segouin, Mme de Cidrac, MM. Bonne et Sautarel, Mme Estrosi Sassone, MM. Cuypers, Rojouan et Piednoir et Mmes Boulay-Espéronnier et Bonfanti-Dossat.

M. Étienne Blanc.  - Je me sens un peu isolé... (Sourires)

M. Mickaël Vallet.  - Je vous félicite !

M. Étienne Blanc.  - Nous le savons tous : cette réforme n'est pas pérenne, elle améliore à la marge les comptes de la sécurité sociale. Notre système de répartition sera rattrapé par la question démographique, qui concerne aussi nos voisins.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est vrai !

M. Étienne Blanc.  - Comment y ont-ils répondu ? Tous ont créé un système mixte, qui cumule une base et une capitalisation en complément.

Cet amendement d'appel est l'occasion de vous demander, monsieur le ministre, pourquoi vous n'avez pas abordé cette question ? Rien n'empêchait de le faire dans un PLFRSS. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; MM. Mickaël Vallet et Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement identique n°1989, présenté par Mme Rossignol.

Mme Laurence Rossignol.  - Je défends la suppression de cet article pour des raisons orthogonales. Nous souhaitons conserver un système par répartition juste et favorable aux salariés. La potion que le Gouvernement veut prescrire aux Français est composée de neuf mesures de vinaigre contre une de glucose pur -  ce n'est même pas du sirop !

Croyez-vous que les Français seront dupes, lorsque vous direz que la vilaine gauche du Sénat n'a pas voulu voter les 750 millions d'euros de plus pour l'hôpital ? Les infirmières savent que votre réforme leur est très défavorable ! C'est de l'enfumage. Nous ne boirons pas votre mauvaise potion, malgré le glucose. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. le président.  - Amendement identique n°2030 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.

M. Christian Bilhac.  - Vous voulez redresser les comptes publics, nous sommes d'accord. Vous voulez sauver la retraite par répartition, nous sommes d'accord. Mais repousser l'âge de départ d'un trimestre tous les deux ans, c'est le coup de la carte bancaire à débit différé. En 2031, il faudra passer à 66 ans, en 2039, à 68 ans, en 2047, à 70 ans ! Où nous arrêterons-nous ?

La démographie ne permet plus d'équilibrer le système ; il faut donc trouver d'autres recettes. Je proposerai de faire participer les caisses automatiques des péages et des supermarchés, qui ont remplacé des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

L'amendement identique n°2068 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°2232 rectifié, présenté par Mme Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - M. Attal nous disait en préambule que supprimer cet article empêcherait de payer des fonctionnaires et de revaloriser les moyens de l'hôpital public. Cela rappelle l'outrance du ministre Véran, qui a affirmé sans trembler que la journée d'action du 7 mars faisait peser un risque sur les réserves en eau du pays, que l'on courait le risque d'une catastrophe écologique, agricole, sanitaire voire humaine !

L'argument est éculé. Rejetons cet article, et, avec lui, une réforme qui aurait dû passer par une loi ordinaire, car elle n'a pas d'effet cette année. Nous combattrons ce texte ligne à ligne, mot à mot. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

L'amendement identique n°2233 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°2234, présenté par M. Bocquet.

M. Éric Bocquet.  - Que n'a-t-on pas entendu sur le rapport du COR ? Page 75 : « Le contexte économique qui conditionne la soutenabilité à long terme d'un système de retraite est le reflet de la productivité du travail, du partage de la richesse et du taux d'emploi. »

Il faut donc prendre en compte bien d'autres facteurs. L'argument démographique n'explique pas tout, tant s'en faut. « Il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités. C'est un fait, pas un argument politique », a déclaré la Première ministre. Fermez le ban !

L'argument démographique, simpliste, occulte le triplement de la productivité horaire, de 25 dollars en 1970 à 70 dollars en 2018. Le nombre d'heures travaillées nuancerait cet argument, mais selon l'Insee, sa réduction ne tient que pour un tiers à la baisse du nombre d'heures travaillées par les salariés à temps complet. Là aussi, c'est un fait. Restez zen sur les 35 heures, chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°2235, présenté par Mme Brulin.

Mme Céline Brulin.  - La note sera payée par les travailleurs qui ont un métier pénible, les femmes et ceux qui devaient partir bientôt, et qui prennent deux ans ferme pour 42 ans de bonne conduite !

Elle sera aussi payée par les employeurs publics, qui verront leurs cotisations augmenter d'un point quand les employeurs privés verront cette augmentation compensée.

Hôpitaux et collectivités territoriales devront payer 600 millions d'euros jusqu'à 2028, et 700 millions après. Encore un coup dur !

Personne ne peut dire qu'il ne savait pas. L'article 16 de la loi de programmation des finances publiques dispose clairement que les collectivités territoriales participent à l'effort de réduction des déficits. Je n'en dirai pas plus sur l'inflation. Ce sera la double peine pour nos concitoyens : deux ans de travail en plus et des services publics en moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°2236, présenté par Mme Cohen.

Mme Laurence Cohen.  - Pourquoi cette réforme ? Je laisse de côté la volonté du Président de la République de montrer qu'il tient contre la rue, contre le peuple souverain. Cette pratique autoritaire du « en même temps » est sa marque de fabrique...

Le président du COR nous dit que les dépenses ne dérapent pas mais ne sont pas compatibles avec les objectifs de dépenses du Gouvernement, notamment au regard des règles budgétaires européennes. Tout est dit. Le système des retraites est effectivement incompatible avec cette logique. Demander aux Français de travailler deux ans de plus est une hérésie macro-économique, sociale et politique. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Philippe Pemezec.  - Rien que cela ?

Les amendements identiques nos2237 et 2238 ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement identique n°2239, présenté par M. Lahellec.

M. Gérard Lahellec.  - Si la participation du Gouvernement au financement des retraites demeurait constante, le système serait à l'équilibre. Le déficit résulte d'un désengagement de l'État. Vous créez un déficit que vous demandez aux travailleurs de combler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE)

M. le président.  - Amendement identique n°2240, présenté par M. P. Laurent.

M. Pierre Laurent.  - Cet article consacre un sous-financement programmé du système par répartition pour ouvrir la voie à la capitalisation. Le président Larcher a déclaré dans Le Figaro que là n'était pas la question du moment. Mais dans le même journal, 44 parlementaires de droite signent une tribune sous le titre : « Osons la retraite par capitalisation ». Il y a du beau monde : M. Karoutchi, Mme Primas, Mme Gruny, Mme Delattre, M. Longeot...

Mme Frédérique Puissat.  - Et les autres ? (Sourires)

M. Pierre Laurent.  - Ce ne sont pas des frondeurs, mais le coeur de la majorité sénatoriale. C'est donc bien cela que vous visez : c'est pour cela que vous voterez ce texte des deux mains.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Oui, dès demain ! (Rires)

M. Pierre Laurent.  - Supprimons cet article mensonger sur les objectifs de cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

L'amendement identique n°2242 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°2243, présenté par M. Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli.  - L'augmentation des impôts est taboue. Mais ceux qui travailleront deux années de plus en paieront plus, des impôts !

Il y a trois possibilités pour payer les retraites : baisser les pensions, travailler plus longtemps ou augmenter les recettes - ne l'oublions pas.

Pourquoi la part des prélèvements obligatoires dans le PIB augmente-t-elle depuis 1965 ? Parce que le PIB augmente moins vite. Vous oubliez que depuis cette date, les protections sociales ont quintuplé : nous prélevons plus, mais nous redistribuons plus. Ce ruissellement, les Français en ont besoin : l'argent ne disparaît pas dans les administrations ! C'est cette République solidaire que votre réforme met en cause.

Les impôts sur la consommation des ménages rapportent quatre fois plus que l'impôt sur les sociétés... Vous trouvez cela normal ? (Applaudissements sur les travées du CRCE)

Les amendements identiques nos2244, 2245 et 2256 ne sont pas défendus.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous avons entendu de tout, lors de cette troisième discussion générale...

Cet article liminaire est obligatoire depuis la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Il présente les prévisions de soldes structurel et effectif... dont je n'ai guère entendu parler.

Le solde pour les administrations publiques est à moins 5 % du PIB. C'est proche de la loi de financement pour 2023. Cette loi sur les retraites aura peu d'incidence, mais il s'est tout de même passé des choses ces derniers mois.

Pour le solde des organismes de sécurité sociale, je constate un excédent de 21 milliards d'euros, qui vient principalement de la Cades, pour 16,4 milliards d'euros. Ce n'est pas ainsi que nous allons résorber la dette. Il nous faut faire des économies.

La situation est favorable pour l'assurance chômage après deux années difficiles pour l'Unédic. La dette a atteint plus de 63 milliards d'euros. Elle va décroître jusqu'à 55 milliards d'euros en 2023.

Pour les retraites complémentaires, il y a des aspects positifs.

Un amendement de l'Assemblée nationale ajoute 750 millions d'euros à l'Ondam, qui n'a pu être intégré à l'article 15 car l'Assemblée n'est pas allée au bout de ses travaux.

Le pays qui a le plus de charges sociales au monde, c'est bien la France. (« Ce ne sont pas des charges ! » sur les travées du CRCE et du SER)

M. Hussein Bourgi.  - Ce sont des cotisations. Les mots ont un sens !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Sur le bulletin de salaire, il y a 62 % de charges, les salariés le savent ! Et quand vous cherchez sur Internet, vous voyez que le pays le plus généreux, c'est aussi la France. Il faut arrêter de pleurer. Avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Oui, madame, Briquet, le déficit aurait pu être pire... si nous n'avions pas créé 1,5 million d'emplois !

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas vous !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Pour créer des emplois, il faut que le coût du travail baisse pour les entreprises.

Sans les réformes Woerth et Touraine, le déficit serait encore pire. Et bientôt, nous louerons la réforme Dussopt !

M. David Assouline.  - Monsieur le ministre, vous n'avez pas manifesté contre la réforme Woerth ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Non !

M. Xavier Iacovelli.  - Il n'était pas né ! (Sourires)

Mme Monique Lubin.  - Il était déjà de droite.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Les pertes de recettes, que vous appelez des cadeaux fiscaux, n'ont rien à voir avec les retraites. Il y a eu des baisses de cotisations sociales, qui ont été compensées par le budget de l'État. Comme il y a plus d'emplois, 25 milliards d'euros de cotisations sociales sont payés en plus par an. Nous collectons aussi plus d'impôts sur les sociétés depuis que le taux est passé de 33 à 25 %. Pourquoi ? Car taxer un gâteau qui grossit rapport plus que de taxer un gâteau qui se réduit, parce qu'on le taxe trop.

La France est toujours deuxième des 38 pays de l'OCDE pour les impôts de production. Nous les réduisons car un investisseur sera plus enclin à s'installer dans un pays où ces impôts sont moindres.

Nous avons aussi instauré une taxation exceptionnelle sur les énergéticiens dans le PLF pour 2023. Vous proposez de lier le financement des retraites à une taxation des superprofits, mais que se passera-t-il s'il n'y a pas de profits exceptionnels ?

M. Thomas Dossus.  - Ce n'est pas sérieux !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Vous voulez en fait taxer ceux qui travaillent.

Vous refusez que je fasse référence aux amendements de l'Assemblée nationale, je parlerai donc de ceux du Sénat.

Avec l'amendement n°2857, vous proposez de taxer l'intéressement : combien de salariés touchés, alors que cela n'a rien à voir avec des superprofits ? Au lieu de 1 500 euros, un salarié ne recevrait que 1 200 euros. (Protestations à gauche)

Autre amendement socialiste, le n°2628, qui augmente les cotisations vieillesse pour les artisans et commerçants. (Protestations à gauche)

Encore un autre, le n°2855 qui crée de nouveaux taux de CSG ; vous ponctionnez tous les retraités qui perçoivent 1 600 euros de retraite de 173 euros. (Huées à droite)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Ces amendements n'ont pas encore été défendus.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Madame Poncet Monge, votre amendement n°3182 augmente les taxes et cotisations sur les heures supplémentaires, alors que deux tiers des ouvriers en font ! C'est 100 à 200 euros de pouvoir d'achat. (Vives protestations à gauche)

Monsieur Gontard, votre amendement n°2528 supprime les allégements de cotisations sur les bas salaires. C'est 39 milliards d'euros supplémentaires pour les entreprises. Ainsi, un boulanger qui a trois salariés au Smic devra en licencier un pour payer ses charges ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC)  

Et enfin un amendement CRCE, le n°4267...

Plusieurs voix à gauche.  - Et l'article liminaire ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - ...augmente les cotisations salariales : c'est priver les salariés de pouvoir d'achat.

Avec vous, c'est contre les salariés qu'il y aurait potion amère et hold-up ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

M. Éric Bocquet.  - Je remercie Étienne Blanc, dont l'amendement est très éclairant. Pierre Laurent a révélé la nature de l'accord entre Gouvernement et majorité sénatoriale : aller progressivement vers la capitalisation. En Suède, après la capitalisation, les pensions ont baissé pour 72 % des hommes et 92 % des femmes ! Pourquoi, alors, copier la Suède ? Que M. Macron, de retour de sa tournée africaine, appelle Stockholm !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Supprimez la Préfon des fonctionnaires, dans ce cas !

M. Éric Bocquet.  - Vingt ans après le scandale Enron, les fonds de pension britanniques ont frôlé la banqueroute après une panique sur les marchés financiers, il y a quelques semaines. Si c'est ce que vous voulez, vous nous trouverez face à vous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Monique Lubin.  - Nous voulons supprimer cet article liminaire car nous nous opposons au PLFRSS.

Nous sommes le pays le plus généreux... vous le regrettez, mais nous, nous nous en réjouissons ! Depuis longtemps, les enfants ne travaillent plus dans les mines. (Marques d'ironie à droite)

M. Roger Karoutchi.  - C'était il y a 120 ans.

Mme Monique Lubin.  - Nous avons créé les retraites et l'hôpital public, et nous en sommes fiers.

En baissant les cotisations sociales, assumez-vous de baisser le niveau de protection sociale ? Seuls pourront se protéger seront ceux qui en auront les moyens : allez-vous le dire ?

En 2012, nous sortions tout juste de la crise des subprimes, nous étions au début du papy-boom. Nous commençons tout juste à en sortir. Comparez ce qui est comparable.

Quant aux boulangers, occupez-vous plutôt de leur facture d'électricité ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Yan Chantrel.  - Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à toutes les interventions sur cet article liminaire. Comment le Gouvernement peut-il présenter un texte qui se fonde sur un projet de loi de programmation qui n'a pas été adopté ?

Comment dire que cet article est sincère, alors qu'il est truffé de mensonges ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen applaudissent également.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Madame la rapporteure, il ne s'agit pas de charges sociales mais de cotisations. J'ai été employeur en Pologne : les taux y sont plus élevés - car les salaires au-dessus de 1,5 Smic, en dessous desquels les cotisations sont exonérées, ne sont pas si fréquents !

Le marché du travail est en tension : il faut donc augmenter les salaires, plutôt que les primes qui n'entraînent pas de cotisations. Multiplier les primes affaiblit les comptes sociaux. Pour avoir plus de moyens pour la sécurité sociale, augmentez les salaires !

Le système des retraites est équilibré, le COR l'a dit. Les retraites ne pèseront pas de plus en plus. Les chiffres sont stables et baisseront.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Monsieur Blanc, la capitalisation n'est pas une cagnotte qui n'affecterait pas le PIB. Les pensions sont toujours une part du PIB réel ; c'est une illusion économique de croire le contraire. La différence se fait entre solidarité distributive et protection en fonction des revenus.

Il a fallu de nombreuses interventions pour lever le mensonge sur les 1 200 euros. Comptez sur moi pour rappeler, autant de fois qu'il le faudra, que le maintien du départ à 62 ans des invalides étant neutre, il faut sortir cette mesure du texte. Pour quel futur cadeau aux grands groupes du CAC 40 préparez-vous des excédents ? (Quelques applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je voterai la suppression de cet article. Pour commencer, si les salaires des femmes et des hommes étaient égaux, les caisses de retraite seraient équilibrées.

Monsieur le ministre, vos hypothèses sont fausses. Nous ne serions pas attentifs aux Français moyens ? Que dit la CFE-CGC, qui n'est pas composée de gauchistes ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Il y a un changement de ligne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Que la réforme ne se justifie pas au vu du basculement continu de la valeur ajoutée du travail vers le capital !

Selon la Banque de France, de 1997 à 2019, la part de valeur ajoutée consacrée aux salaires est passée de 59,3 à 54,9 %, celle consacrée au capital, de 5,2 à 15,8 % ! Il faut rééquilibrer tout cela. La valeur travail, c'est d'abord de valoriser les salaires. (Quelques applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. Daniel Breuiller.  - Je suis surpris d'entendre le ministre Attal répondre sur des amendements non débattus. Et déçu de l'absence de réponse sur la transmission de la note du Conseil d'État.

Vous êtes en train de mettre un pays sens dessus dessous. Regardez les sondages : 58 % des sympathisants Les Républicains sont défavorables à cette réforme ! Les gens vous demandent de la retirer. Trouvez d'autres solutions : augmentation des salaires, de l'employabilité des femmes. « Il suffirait de presque rien »... pour ne pas voler deux années de vie aux Français. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Pierre Laurent.  - Entendons-nous sur le sens des mots. Tout le monde est pour le système par répartition. Or, la répartition, ce sont des cotisations prélevées sur la valeur ajoutée créée par le travail pour financer la sécurité sociale. Sans cotisations sociales, pas de système par répartition ! (Mme Laurence Cohen applaudit.) La retraite n'est pas une charge, madame la rapporteure, c'est une libération, après une vie de travail. (Mme la rapporteure générale lève les yeux au ciel.) L'assurance maladie n'est pas une charge, c'est ce qui nous a sauvés pendant la pandémie. Le travail, c'est la richesse créée qui les finance.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Dites-le à Mme Rousseau !

M. Pierre Laurent.  - Si vous voulez un système par répartition, il faut protéger la cotisation sociale, et même la développer si les besoins sociaux le justifient. À la clé, le développement économique : c'est le compromis passé entre Ambroise Croizat et les gaullistes à la libération pour reconstruire le pays.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas comparable.

M. Pierre Laurent.  - Pour sortir de la crise actuelle, suivons cette voie-là, pas celle de la financiarisation. (Applaudissements à gauche)

M. Sébastien Meurant.  - La France a 3 000 milliards d'euros de dettes. Ce n'est pas durable, et ne tient que grâce à une politique monétaire extravagante. Je conteste la méthode choisie pour cette réforme, mais aussi le moment. Ces deux dernières années, le système était excédentaire. L'État, lui, a un déficit de 150 milliards d'euros ; en 2023, il empruntera 270 milliards. Incapable de tenir son budget, le pouvoir se propose donc de toucher au système social.

Pour que ce système social reste généreux, il faut de la répartition et de la capitalisation.

La vraie question n'est pas celle des retraites mais du travail, de la création de richesse. Nous sommes les plus taxés, les plus endettés, mais aussi ceux qui créent le moins de richesse ! (On le conteste à gauche.) Le déficit commercial atteint 160 milliards d'euros ! Un pays qui ne tient pas ses finances publiques s'appauvrit. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Rossignol.  - M. Attal nous a exalté la valeur morale du travail, tout en rappelant son objectif de baisse du coût du travail.

Monsieur le ministre, le travail n'est pas une valeur morale mais marchande. On veut le vendre le plus cher possible, l'acheter le moins cher possible.

En vous attaquant à la rémunération du travail, vous montrez qu'en fait, vous n'aimez pas le travail ! Vous voulez que les salariés soient payés le moins cher possible ! (M. Gabriel Attal fait non de la tête.) Vous refusez l'augmentation du Smic, mais aussi celle du salaire différé que sont les cotisations sociales. Vous êtes un homme jeune, mais votre discours, c'est la doxa libérale de Thatcher qu'on entend depuis 25 ans ! (« Bravo » et applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et vous, c'est du Karl Marx ! C'est le discours du XIXe siècle !

M. David Assouline.  - En 2018, le Président de la République affirmait qu'il fallait réformer le système des retraites, mais que le recul de l'âge était une injustice. Qu'est-ce qui a changé depuis ?

Il y a eu le covid. Le Gouvernement a donné beaucoup d'argent aux entreprises, des milliards chaque année.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Il ne fallait pas le faire ?

M. David Assouline.  - Puis il a décidé de se rembourser en allant chercher l'argent dans les poches des salariés, les premiers de corvée.

C'est le noeud de ce changement. Il s'agit d'une réforme budgétaire pour combler une dette qui découle de vos choix politiques. Vous épargnez ceux qui ont largement profité de la crise, mais imposez aux classes moyennes, étranglées par l'inflation et la stagnation des salaires, un impôt de deux ans sur la vie ! Décidément, vous êtes à côté de la plaque. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

À la demande du groupe CRCE, les amendements identiques de suppression de l'article liminaire sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°140 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption   93
Contre 251

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 20 h 15.

Présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 45.

Mme la présidente.  - Amendement n°2625 rectifié, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéa 1

Supprimer les mots :

telles qu'elles figurent dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027,

II. - Alinéa 2, tableau, dernière colonne

Supprimer cette colonne.

Mme Monique Lubin.  - Nous souhaitons supprimer toute référence au projet de loi de programmation des finances publiques, qui n'a pas été adopté. Cela fait peser un soupçon d'insincérité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°3402, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Fin 2022, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, par manque de données sérieuses. Je m'étonne de le voir cité, puisqu'il est dépourvu d'existence légale - même si le Sénat l'a voté, supprimant au passage plus de 100 000 fonctionnaires...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°3813, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

M. Pascal Savoldelli.  - Le projet de loi de programmation des finances publiques a été rejeté par l'Assemblée nationale et durci par la majorité sénatoriale. Je me souviens qu'un amendement de la droite visait à supprimer 150 000 postes de fonctionnaires.

Vous vous entêtez dans une vision rigoriste des finances publiques, avec la plus forte contraction en volume depuis la première loi de programmation, en 2005, qui prévoyait une augmentation de 1,9 point des dépenses publiques ; la deuxième prévoyait une hausse de 0,7 point ; la troisième, de 1 point. La vôtre prévoit une contraction de 0,4 point. Du jamais-vu ! La droite sénatoriale estimait alors que le compte n'y était pas...

Alors que le Gouvernement fait l'hypothèse que ses réformes du RSA, des retraites, de l'assurance chômage ou de l'apprentissage feront plus que compenser le net ralentissement de la population active, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge cet impact surestimé.

Mme la présidente.  - Amendement n°2627 rectifié, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, tableau, dernière colonne

Supprimer cette colonne.

Mme Monique Lubin.  - Amendement de repli, visant à supprimer la référence au projet de loi de programmation dans le tableau.

Mme la présidente.  - Amendement n°2626 rectifié, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, tableau

1° Quatrième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

- 4,1

par le nombre :

- 4,9

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

- 4,0

par le nombre :

- 4,9

2° Cinquième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

- 0,8

par le nombre :

- 0,2

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

- 0,8

par le nombre :

- 0,2

3° Septième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

- 5,0

par le nombre :

- 5,3

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

- 5,0

par le nombre :

- 5,3 

4° Quinzième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le nombre :

- 5,8

par le nombre :

- 6,1

b) Dernière colonne

Remplacer le nombre :

- 5,6

par le nombre :

- 5,9

Mme Monique Lubin.  - Ce texte prévoit un déficit public à 5 %, dont 4 % pour le seul déficit structurel. Or la notion même de déficit structurel, reposant sur celle de croissance potentielle qui, par définition, n'est pas observable, fait débat parmi les économistes.

En octobre 2022, la Commission européenne a publié ses propres prévisions : 5,3 % de déficit total, dont 4,9 % de déficit structurel. Nous proposons de corriger les données sur ce fondement.

Mme la présidente.  - Amendement n°3806, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Alinéa 2, tableau

1° Quatrième ligne, dernière colonne

Remplacer le montant :

- 4,0

par le montant :

- 4,9

2° Cinquième ligne, deuxième et dernière colonnes

Remplacer le montant :

- 0,8

par le montant :

- 0,2

3° Septième ligne, deuxième et dernière colonnes

Remplacer le montant :

- 5,0

par le montant :

- 5,3

4° Quinzième ligne

a) Deuxième colonne

Remplacer le montant :

- 5,8

par le montant :

- 6,1

b) Dernière colonne

Remplacer le montant :

- 5,6

par le montant :

- 5,9

M. Éric Bocquet.  - Le 20 février, à la radio, Bruno Le Maire a dépeint les oppositions en dealers de peur - rengaine bien connue. Il ajoutait : « il est bon en politique de revenir à la réalité et de garder son sang-froid ». Est-ce revenir à la réalité que d'évoquer le chiffre, sans précédent depuis 1996, de 58 100 radiations, soit 9,7 % des sorties au dernier trimestre 2022 ?

Cet amendement majore le déficit structurel pour vous alerter sur les fausses estimations du Gouvernement. La Commission européenne prévoit un déficit structurel de 4,9 points, quand la majorité sénatoriale tablait sur 3,6 points. Cela a des conséquences lourdes, car nous minorons d'autant la part conjoncturelle imputable au déficit public.

Nous avons des visions radicalement différentes.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La référence à la loi de programmation des finances publiques est obligatoire dans l'article liminaire. Impossible d'ajouter ou de retrancher une colonne au tableau. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Merci, monsieur Savoldelli, d'avoir souligné que l'effort de contraction de la dépense publique prévu par la LPFP était le plus fort depuis vingt ans. C'est ce dont j'avais tenté de convaincre la majorité sénatoriale.

Vous prenez dans l'avis du HCFP ce qui vous arrange. (On proteste à gauche.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Comme vous !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Le HCFP a aussi jugé « réalistes » les prévisions d'estimation du Gouvernement sur l'impact de la réforme des retraites. Vos amendements alignent le déficit prévu pour 2023 sur les prévisions de la Commission européenne, alors que vous nous accusez régulièrement de nous soumettre à ses « diktats »... Heureusement qu'il y a un Président en France et que ce n'est pas la Commission qui fait les prévisions !

Vous souhaitez aussi supprimer la référence à la LPFP au prétexte qu'elle n'a pas été adoptée. Mais l'article liminaire des textes financiers examinés et votés à l'automne dernier comportait la même référence ; et dans sa décision du 29 décembre 2022, au considérant 23, le Conseil constitutionnel n'y voit aucune méconnaissance de la loi organique relative aux lois de finances : vos arguments tombent. Avis défavorable.

M. Claude Raynal.  - J'ai raté les préliminaires, je me réjouis de vous retrouver... (Sourires)

Vous avez affirmé, messieurs les ministres, que la baisse de l'impôt sur les sociétés aurait entraîné une augmentation de son produit. Or il est à peu près le même depuis 2006, hors périodes de crise, à 50 milliards d'euros.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - 62 milliards !

M. Claude Raynal.  - En 2021, nous étions à 48 milliards d'euros. La baisse du taux n'a pas entraîné une hausse de recettes ! De plus, le produit de cet impôt est difficile à calculer. France Stratégie ne le confirme pas pour le moment.

M. Rémi Féraud.  - Nous examinons un texte qui n'a pas été voté par l'Assemblée nationale...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La faute à qui ?

M. Rémi Féraud.  - ... et qui fait référence à un autre texte qui ne l'a pas été davantage ! (Applaudissements à gauche) Il y a là un problème de légitimité démocratique. Le Gouvernement n'a même pas cru bon de recourir au 49.3 pour faire adopter son projet de LPFP. Il serait plus honnête intellectuellement de supprimer cette référence. Remettons de l'ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Daniel Breuiller.  - Certes, je suis un jeune sénateur... (Sourires)

M. Gérard Longuet.  - Un sénateur récent ! (Rires)

M. Daniel Breuiller.  - Oui, c'est plus juste.

M. Vincent Éblé.  - Cinq secondes de perdues !

M. Daniel Breuiller.  - Mais souvent, j'ai entendu la droite sénatoriale défendre la rigueur et la sincérité dans les débats. Or la LPFP n'a pas été votée par le Parlement. Au Sénat, la majorité a supprimé 120 000 fonctionnaires. Qu'en reste-t-il dans ce texte ? Je ne le retrouve pas dans les tableaux.

Monsieur Dussopt, vous refusez de transmettre la note de synthèse du Conseil d'État aux parlementaires. Certains diront que je suis redondant... (Sourires ; on fait mine de se récrier sur plusieurs travées) mais je m'attendais à ce qu'une telle demande émane aussi de la droite.

De la part d'un ministre, inviter les parlementaires à trouver l'information dans les journaux n'est pas respectueux.

M. Pascal Savoldelli.  - Monsieur Attal, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale qu'il y avait toujours un projet de loi de programmation des finances publiques, et qu'il n'est pas respectueux de tenir pour rien ce que le Sénat vote.

Or le Sénat a modifié le projet de LPFP en le durcissant, mais vous n'en tenez aucun compte dans ce texte, pas plus que du rejet de la CMP. Majorité ou opposition, on n'a pas droit à ces chiffres !

Quant au considérant 23 de la décision du Conseil constitutionnel que vous réclamez, le voici : « Si ce projet de loi de programmation, qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le même jour que le projet de loi de finances, n'a pas été adopté avant l'adoption de la loi de finances pour 2023, il ne résulte de cette circonstance aucune méconnaissance de l'article 1er H de la loi organique du 1er août 2001 ni du principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».

Comment pouvons-nous travailler dans de telles conditions ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Pour la clarté des débats...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - On va avoir la note ? (Sourires)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Monsieur Breuiller, la jeunesse est un état d'esprit. J'ai moi-même appris de Mme Rossignol que j'étais un vieux thatchérien... (Rires)

Mme Laurence Rossignol.  - Dans un corps de jeune homme !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - C'est bien sur le projet initial de la LPFP déposé par le Gouvernement que se fonde cet article liminaire, le texte étant encore en navette. Les écarts par rapport à la loi de programmation sont mesurés à cette aune.

Monsieur Savoldelli, le considérant 23 dit bien qu'un texte financier peut se référer à un projet de loi de programmation qui n'a pas été adopté. (On le conteste sur les travées du groupe CRCE.) Ce n'est pas moi qui le dis, mais le Conseil constitutionnel !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Effectivement, on vient de lire le considérant.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Monsieur Raynal, le produit de l'impôt sur les sociétés était de 62 milliards d'euros en 2021, contre 45 milliards en 2006, alors que son taux est passé de 33 % à 25 %.

France Stratégie estime que la baisse des impôts a entraîné un surcroît d'activité économique et que le prélèvement forfaitaire unique s'est autofinancé.

À la demande du groupe SER, les amendements identiques nos2625 rectifié, 3402 et 3813 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°141 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption   91
Contre 252

Les amendements identiques nos2625 rectifié, 3402 et 3813 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°2627 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos2626 rectifié et 3806.

Mme la présidente.  - Amendement n°4478 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Alinéa 2, tableau, huitième ligne, première colonne

Remplacer les mots :

de Maastricht

par les mots :

du traité de Maastricht

Mme Éliane Assassi.  - (On s'impatiente à droite, l'oratrice tardant à défendre l'amendement.) Ne vous inquiétez pas, ça va bien se passer, comme dirait l'autre... (Sourires)

L'expression « dette au sens de Maastricht » invisibilise le caractère contraignant de ce traité. (Constatant une certaine inattention à droite, l'oratrice s'interrompt un instant.) Or cette réforme des retraites émane bien de la volonté européenne de réduction de la dépense publique : il convient de ne pas en omettre la genèse.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable, car votre amendement n'apporte qu'une subtilité sémantique. En outre, il allongerait inutilement la navette.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Pierre Laurent.  - Ce n'est pas une réponse, madame la rapporteure générale. Tout le monde sait que les critères de Maastricht ont volé en éclats durant la pandémie. Le pacte budgétaire est suspendu : plus personne ne parle des 3 % de déficit et les futurs critères sont toujours en négociation. Ces règles ne veulent plus rien dire. Au sens de Maastricht, la dette s'élève à 112,5 % du PIB, mais selon l'Insee, c'est 101,2 % ; selon Eurostat et l'OCDE, 87 %. Mais vous continuez à agiter ce dogme pour justifier la compression des dépenses. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Madame la rapporteure générale, quelle navette serait ralentie par l'adoption de mon amendement, puisque le texte n'a pas été adopté par l'Assemblée nationale ? Au demeurant, en quoi ne serait-elle pas ralentie par vos amendements à l'article 2 sur les régimes spéciaux ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - L'expression « dette au sens de Maastricht » n'a pas de sens. Le traité fixait des critères de convergence dont le passage à l'euro devait marquer la fin ; le traité d'Amsterdam redéfinirait ensuite le cadre de stabilité.

L'expression n'est donc pas neutre, car les pays qui ont ratifié Maastricht ne sont pas les mêmes que ceux qui ont ratifié Amsterdam : une chose était de converger, une autre de faire un dogme de critères qui devraient relever d'arbitrages politiques.

Au demeurant, il existe un critère qui n'est jamais invoqué, celui de la balance commerciale. Au-delà d'un certain seuil, l'État responsable devait prendre des mesures de relance intérieure pour rééquilibrer la donne vis-à-vis de ses partenaires européens. Mais la France n'a jamais eu le courage de demander son application face à l'Allemagne. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

L'amendement n°4478 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3793, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Alinéa 2, tableau

Compléter ce tableau par une colonne ainsi rédigée :

2027

Programme de stabilité (PSTAB) 2022-2027

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0,6

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0,6

 

Mme Céline Brulin.  - Il convient de préciser les objectifs réels de cette réforme : se conformer aux objectifs de la Commission européenne de maintenir les dépenses publiques en dessous d'un certain seuil, et non améliorer les petites pensions et encore moins l'emploi des seniors.

C'est la même austérité qui a conduit les gouvernements à ne pas remplacer les départs en retraite de fonctionnaires, ce qui a sous-coté le système de retraites.

Le projet de loi de finances pour 2023 a supprimé la CVAE, qui apportait 5,7 milliards d'euros au bloc communal et 3,8 milliards aux départements. D'ici à 2024 ce sont 16 milliards d'euros en moins pour les entreprises et l'État, soit le montant du déficit des retraites.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - C'est la loi organique qui définit le format du tableau : impossible de le modifier. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Laurence Cohen.  - Deux ans de vie volée qui doivent permettre au Gouvernement de tenir le totem des 3 %... qui ne correspondent à aucun critère économique sérieux et qui ont justifié toutes les régressions sociales depuis trente ans.

Un ancien haut fonctionnaire de la direction du budget l'a récemment confessé : ces 3 % ont été fixés sur un coin de table, sans aucune réflexion théorique. En 1982, le président Mitterrand faisait face à des difficultés économiques, avec un déficit de 100 milliards de francs. Il a demandé à ses conseillers un chiffre en pourcentage, plus accessible. (M. Mickaël Vallet le confirme.) Ce furent donc 3 %, chiffre repris par le Premier ministre Laurent Fabius, puis intégré dans les critères de Maastricht.

Parce qu'il y a quarante ans, on a retenu 3 % et non 4 %, vous allez sacrifier deux ans de vie de nos concitoyens contre l'avis des trois quarts des Français, de 90 % des actifs, contre l'unanimité des organisations syndicales, qui manifesteront contre ce coup de force le 7 mars.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - François Mitterrand a toujours pensé que les critères de convergence n'étaient que le prélude à une seconde étape où serait mis en place un gouvernement économique de la zone euro. C'est Jacques Chirac qui, en négociant le traité d'Amsterdam, a repris tels quels les critères de convergence, sans le gouvernement économique. D'où une vision malthusienne du développement de l'Union européenne, qui a connu la croissance la plus faible du monde sur vingt ans.

Sans s'en contenter, la Commission européenne a ajouté un critère de baisse des dépenses publiques, en excluant toute hausse des recettes. Nous sommes exactement dans le même débat !

C'est au sommet de Barcelone que l'on a fixé des objectifs de baisse de la dépense publique, d'âge moyen de départ à la retraite à 63 ans et demi, de développement des fonds de capitalisation. C'est la matrice d'une vision qui pénalise les Français.

Mme Laurence Rossignol.  - Comme le disait Marie-Noëlle Lienemann, et même si certains collègues peuvent y voir un débat périphérique, nous sommes bien au coeur du sujet. La réforme est proposée non pour des raisons démographiques, mais parce que les objectifs européens nous ont conduits à réduire la masse salariale, ce qui a réduit les recettes des retraites.

Nous avons ce débat quotidiennement. Un jour, nous parlons des problèmes de l'hôpital, l'autre de la justice, l'autre de l'éducation nationale, un autre encore des transports... Tout cela découle du choix de faire de l'Union européenne un espace libéral destiné à réduire les prestations sociales et les services publics. Nous voterons cet amendement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. Pascal Savoldelli.  - La dette publique en 2021 était de 2 813 milliards d'euros, soit 112,5 % du PIB, au sens de Maastricht. En 2021, au sens de l'Insee, elle n'était plus que de 101 %, au sens de l'Eurostat, c'est 87 %. Ce ne sont pas des tours de passe-passe, mais des méthodes de calcul différentes.

Votons cet amendement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Mickaël Vallet applaudissent.)

M. Claude Raynal.  - Effectivement, à l'objectif de parvenir à l'équilibre, on a ajouté celui de baisser les impôts, dans une période qui ne s'y prête pas.

Tous les dirigeants d'entreprise savent qu'une baisse de l'impôt sur les sociétés n'emporte pas forcément une hausse des profits : elle permet surtout d'investir davantage. Même chose pour les 20 milliards d'euros pour la CVAE - à la suppression de laquelle le Parlement s'est opposé : personne ne sait où ils sont passés ! Malgré tout, on poursuit dans cette logique.

Pour les habitants, quels changements ? On enlève la taxe d'habitation qui n'était pas payée par les 30 % les moins aisés, mais on impose à tous cette réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

L'amendement n°3793 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Éric Bocquet .  - À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez dit : c'est ou la réforme, ou la faillite.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - On est au Sénat ! (Rires)

M. Éric Bocquet.  - Rappelons les propos du président du COR : le déficit s'annule à terme.

Le déficit aurait plusieurs causes : baisse des cotisations des fonctionnaires - leurs cotisations représentent 15 % de l'ensemble, alors qu'ils constituent 8 % de l'emploi salarié - effet Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) - baisse des rémunérations des agents des collectivités territoriales ; en clair, ceux qui cotisent le plus cotiseront moins. Monsieur le ministre, reconnaissez ces effets : c'est parce que vous diminuez le nombre des fonctionnaires que le système des retraites est en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Thomas Dossus .  - Il y a eu des réponses du ministre sur des amendements qui seront examinés plus tard, mais pas sur nos interventions à propos de la sincérité du véhicule législatif. Le 29 novembre, on votait le PLFSS ; à peine un mois plus tard, le 10 janvier, on nous disait que la réforme des retraites ferait l'objet d'un PLFSSR, décidé dans l'urgence pour corseter le débat.

À l'Assemblée nationale, vous prétendiez vous baser sur la loi de programmation des finances publiques (LPFP) votée au Sénat, mais ici, vous dites vous fonder sur le texte initial.

La capitalisation, évoquée par notre collègue du Rhône, est-elle le futur projet du Gouvernement ?

Quelle réponse à la question du sénateur Breuiller à propos de la note de synthèse ?

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Et moi, je n'ai toujours pas de réponse à propos des 3,1 milliards d'euros de mesures sociales en trop dans l'article liminaire.

Dans la version votée par le Sénat, la LPFP prévoyait une réduction des effectifs de 120 000 postes de fonctionnaires.

La convention pour l'équilibre permanent des régimes (EPR) prévoit un désengagement de l'État justifiant cette réforme injuste : baisse des effectifs de 11 %. C'est comme l'EPR nucléaire, ce n'est pas une bonne mesure ! (Sourires)

Si aucun décrochage n'est organisé, le déficit serait réduit de 3 milliards d'euros. Les Français doivent connaître l'ampleur et la teneur de ce projet délétère. Nous ne voterons pas cet article liminaire qui consacre une politique globale d'austérité.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Henri Sterdyniak, membre des économistes atterrés, expliquait l'importance de la politique d'emplois publics pour le financement des retraites. Le COR reprend les hypothèses de la direction du Budget : les effectifs seraient fixes, sauf les 15 000 embauches dans les hôpitaux promises lors du Grenelle de la santé. Tous les autres secteurs sont oubliés. D'ici 2037, le pouvoir d'achat des fonctionnaires perdrait 8,3 %, contre une augmentation de 12,7 % dans le privé. La part du traitement des fonctionnaires passerait de 10,5 à 7,8 % en 2037.

Mme Corinne Féret .  - Contre l'avis des organisations syndicales et celui des Français qui se mobiliseront - sans que cela soit la fin du monde - le Gouvernement s'obstine à imposer cette réforme brutale pour les femmes et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Brutale, car la retraite est une nouvelle vie dont vous priverez les Français, que vous conduisez vers la précarité et la pauvreté.

Nous avons tout entendu ; le Président de la République et la Première ministre ont même prétendu que la réforme permettrait de dégager des marges de manoeuvre pour d'autres politiques publiques. Le problème, ce ne sont pas les retraites mais bien les finances publiques, c'est clair. Il n'est pas sérieux de parler, comme M. Attal, de faillite. Certains déficits sont volontairement entretenus - comme lorsque l'État ne compense pas des exonérations de cotisations. Nous voterons contre l'article liminaire.

M. Patrick Kanner .  - Le groupe SER votera contre cet article.

M. Xavier Iacovelli.  - On avait compris !

M. Patrick Kanner.  - Nous sommes, nous, fidèles à nos convictions, contrairement à ceux ayant signé d'autres amendements de suppression qui ne les ont même pas votés... Mais ça, c'est le problème de la majorité sénatoriale !

Ce vote, c'est notre premier acte pour refuser une réforme impopulaire, injuste et inutile. Nous ne pensons pas que c'est la bonne méthode pour équilibrer le régime par répartition, qui a dégagé un excédent en 2022 de 2 milliards d'euros. Certes, cela ne va pas durer.

Quel est le contexte ? Aujourd'hui, la CMA-CGM a déclaré 25 milliards d'euros de bénéfices - plus que les 20 milliards de Total ! Vous vous obstinez à ne pas faire contribuer ceux qui ont les moyens. Nous voterons contre cet article liminaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Leconte .  - L'objectif est clair : faire des économies pour financer les baisses d'impôts concédées depuis des années et les exonérations de cotisations.

Pour cela, 900 000 personnes se verront refuser la retraite cette année, et devront attendre un an. Évidemment, cela fait des économies : il y a moins de pensions à payer, et elles seront plus faibles, avec des conditions aggravées.

Si les règles de la protection sociale doivent être modifiées, il faut laisser cette tâche aux partenaires sociaux ; l'État ne fait que se servir pour compenser ses propres déficits.

Nous allons revenir à la situation d'il y a cinquante ans : les plus de 60 ans redeviendront pauvres.

M. Didier Marie .  - Le régime des retraites n'est pas en péril, comme l'a souligné le président du COR. Les dépenses sont stables depuis 2010 - 13,5 % à 14 % du PIB. Toutes les études montrent que la situation est sous contrôle jusqu'en 2070. Certes, nous avons un problème ponctuel : celui du papy-boom. Mais c'est en passe d'être absorbé.

Le déficit sera faible en valeur relative : entre 0,5 et 0,8 % du PIB en 2032.

Depuis 201, on applique l'austérité à la fonction publique, couplée à son démantèlement progressif via le recours aux contractuels, qui explique les difficultés d'abondement du régime de la CNRACL.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Les réformes se succèdent, avec toujours le même scénario : on gonfle le déficit, on assèche les recettes, d'où une dégradation du montant des pensions. C'est alors que les publicités pour les fonds de pension arrivent. Chers collègues Les Républicains, vous vous dévoilez : vous voulez des retraites minimales, et une part croissante de capitalisation.

En outre, vos calculs sont inexacts : au nom de quoi décidez-vous que le nombre de fonctionnaires n'augmenterait pas d'ici 2037 ? Monsieur le ministre, combien de seniors supplémentaires se retrouveront dans la zone grise, sans emploi ni retraite ? Combien de seniors supplémentaires touchant l'ASS, le RSA ou le chômage ? 40 000 au moins dans chaque catégorie.

M. Pierre Laurent .  - Chers collègues Les Républicains, vous êtes très nombreux, mais visiblement condamnés au silence par un coup de baguette magique, sans doute à la demande du président Retailleau ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Xavier Iacovelli.  - Vous compensez !

M. Pierre Laurent.  - On sait qu'il faudra changer les règles européennes. Étienne Blanc a expliqué que l'article liminaire ne ressemblait à rien, mais n'a même pas voté son propre amendement de suppression. Vous qui prônez la rigueur, allez-vous continuer à ne rien dire et à voter ce n'importe quoi budgétaire ?

Seul un vote sur les 64 ans compte à vos yeux. Mais jusqu'à quand cautionnerez-vous la méthode du Gouvernement et ses calculs fabriqués de toutes pièces ? Allez-vous continuer à accepter que le Sénat soit abaissé de cette manière ? (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Gérard Longuet.  - Petit !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Nul !

M. Daniel Breuiller .  - Cet article n'a qu'un objectif : diminuer les dépenses publiques. Or deux ans de travail en plus, ce n'est pas rien pour les personnes les plus exposées. Ces jeunes retraités sont engagés dans la vie associative, dans la vie politique locale. Ils gardent leurs petits-enfants et viennent en aide à leurs parents âgés. Tous ces éléments ne figurent pas dans l'article liminaire, mais ils auront un coût pour notre cohésion sociale !

Monsieur le ministre, pourquoi ne publiez-vous pas l'avis du Conseil d'État ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Vous savez tous que ce dernier a indiqué que ce n'était pas le bon véhicule législatif. Les parlementaires ont droit à une information autre que celle des journaux ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

Mme Annie Le Houerou .  - L'article fait état d'une hausse de 400 millions d'euros pour la branche vieillesse. Toutefois, ni baisse de dépenses, ni hausse de recettes. Pourquoi avoir amputé le budget de l'État de 50 milliards d'euros par an sous le précédent quinquennat, à coups de baisses d'impôts au profit des plus riches et des grandes entreprises ?

Le COR prévoit un retour à l'équilibre à horizon 2050, avec un effort constant de l'État dans le financement des retraites à hauteur de 2 % du PIB. Vous justifiez la réforme pour sauver le régime, mais il n'a pas besoin de ce sauvetage, qui aurait des conséquences sociales désastreuses.

Moins il y a de fonctionnaires, moins l'État participe au financement du système. Nous voterons contre l'article. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)

M. Claude Raynal .  - Voilà six ans que l'on nous parle de réforme des retraites - une paille ! À chaque fois, on nous annonce une réforme géniale. (Sourires)

Mme Valérie Boyer.  - La réforme Touraine aussi !

M. Claude Raynal.  - Je pense à la retraite à points. Sauf que certains, comme les deux millions d'enseignants, étaient oubliés. C'était génial, mais ça a capoté !

Deuxième mandat : on sent que la réforme paramétrique pour reculer l'âge de départ à 65 ans ne prend pas, car il manque une majorité -  là aussi, une paille !

Finalement, le Gouvernement s'en remet au projet de la majorité sénatoriale... Lors de la discussion générale, pourquoi le président Retailleau n'a-t-il pas parlé après les ministres ? C'eût été logique, en tant que coproducteur ! (Le président Retailleau, la main sur le coeur, tend l'autre bras en remerciant l'orateur ; applaudissements amusés à gauche.)

Bruno Le Maire avouait que c'était une réforme budgétaire, on l'a fait taire. Désormais, il affirme qu'on la fait pour le bien des retraités...

M. Pascal Savoldelli .  - Nous voterons contre l'article liminaire, qui consacre l'état des prévisions et le solde structurel, des sujets sérieux.

Il en va de même ici que pour l'assurance chômage. La droite nous répète volontiers que les communistes ne connaissent rien aux entreprises... 

M. Christian Cambon.  - C'est bien vrai. (Marques d'ironie à droite)

M. Pascal Savoldelli.  - Mais je sais que dans l'entreprise, il faut comparer l'actif et le passif : c'est le bilan. La dette de la France s'élève à 87 % du PIB, pas à 111,2 %. On ne peut accepter des comptabilités qui ne sont pas justes, car il y a derrière des conséquences concrètes ! Où sont les enseignants dans nos débats ? Il y a plus de 600 000 contractuels dans la fonction publique ; 41 % sont en CDD, 68 % ont des contrats de moins d'un an, et n'ont pas droit à une retraite complémentaire... (Applaudissements à gauche)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - L'hypothèse de croissance la plus crédible est de 1,3 %.

Retenir une hypothèse de 7 % pour le chômage est réaliste. En revanche, la participation de l'État au système des retraites relève d'un choix politique : baisse des pensions des fonctionnaires, de la participation de l'État et des mécanismes de solidarité, ce qui aura des conséquences néfastes.

Le besoin de financement du système des retraites dépend toujours des choix politiques de l'État. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Guillaume Gontard applaudit également.)

M. Victorin Lurel .  - Après six ans de présence au Sénat, je pensais que l'on pouvait être fier d'être sénateur. Or, pour de sombres calculs, vous faites des abus de majorité ! Vous servez vos intérêts. Vous eussiez pu faire preuve d'un conservatisme éclairé. Vous n'êtes pas au Gouvernement ! Vous pensiez que ce sera la retraite Retailleau ?

Mme Laurence Rossignol.  - Et non la retraite de Retailleau !

M. Victorin Lurel.  - Chers collègues, ayez un sursaut de lucidité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Sido .  - (Exclamations et applaudissements ironiques à gauche) En plus de vingt ans, c'est la première fois que je vois un débat d'une telle qualité ! (Mme Frédérique Puissat applaudit.) Nous donnons la même impression que le peuple français retient des débats à l'Assemblée nationale.

M. Hussein Bourgi.  - Rien à voir : nous n'avons insulté personne !

M. Bruno Sido.  - Oui, à ceci près, selon un journaliste tout à l'heure, que nous pratiquons « l'obstruction cordiale ». Défendre 80 amendements identiques : quelle image renvoyons-nous ?

M. Fabien Gay.  - Nous avons le droit !

M. Vincent Éblé.  - Nous le devons à nos électeurs !

M. Bruno Sido.  - Vous voulez faire en sorte de ne pas arriver à la fin de l'examen de cette loi.

M. Vincent Éblé.  - Votre silence rehausse-t-il le Sénat ? C'est une honte !

M. Bruno Sido.  - J'espère que vous vous ressaisirez... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yan Chantrel .  - Monsieur Sido, je suis un jeune et récent sénateur. Nous défendrons tous nos amendements : c'est notre droit le plus strict ! (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

Nous n'avons pas à recevoir de leçons, d'autant que des milliers de Français manifestent avec une dignité remarquable. Nous serons la chambre de leur écho. (Applaudissements à gauche)

Cette réforme est injuste et brutale. Nous défendons le peuple français qui souffre.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et si on parlait des régimes spéciaux ?

M. Yan Chantrel.  - Ce serait votre honneur d'intervenir. C'est votre réforme : défendez-la ! (Protestations à droite) N'ayez pas le bâillon Retailleau sur la bouche ! Faites comme M. Pradié ! Du courage ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Il est irradié, le Pradié !

Mme Laurence Rossignol .  - Merci à M. Sido d'avoir eu l'audace de prendre la parole. (M. René-Paul Savary trouve le mot excessif.)

Vous avez raison, cher collègue : quelle image les Français ont-ils du Parlement et du Gouvernement, alors que depuis des semaines, ils s'expriment de manière pacifique, sereine et légale dans les manifestations, les grèves, les enquêtes d'opinion ? Sept Français sur dix ne veulent pas de cette réforme injuste !

De deux choses l'une : soit on s'enferme - c'est la position du Gouvernement : plus il explique, moins on comprend... - soit on traduit au Parlement ce mouvement pacifique !

Certes, nous avons déposé beaucoup d'amendements. Mais la Constitution de 1958 donne beaucoup d'armes pour tordre le bras des oppositions et de la majorité des Français. En tant qu'opposants, nous avons nos moyens, nos amendements et notre temps de parole. Nous les utiliserons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Guillaume Gontard .  - Bravo à M. Sido, qui a été le premier à avoir eu le courage de parler. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Pour ma part, je crois que le Sénat sort grandi de notre débat. Même si les amendements se ressemblent, nous avons défendu plusieurs arguments. En face, je n'ai rien entendu ! Les ministres n'ont rien dit. La majorité sénatoriale a le projet de faire travailler les Français plus longtemps : défendez votre réforme !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Quand nous serons entrés dans le coeur du texte.

Mme Monique Lubin.  - Nous avons le temps...

M. Guillaume Gontard.  - En fait, vous êtes déçus par la qualité de nos arguments ! (Applaudissements à gauche ; M. René-Paul Savary applaudit en riant ; marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis.

Je suis stupéfaite par les propos de M. Sido. Si les Français ont une piètre image de nos débats au Sénat, c'est de votre fait ! (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) La majorité sénatoriale ne participe pas au débat. Pourquoi êtes-vous là ? M. Retailleau vote pour l'ensemble de son groupe, à tel point que l'auteur d'un amendement de suppression ne l'a même pas voté ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Chers collègues, ressaisissez-vous ! Nous répéterons à l'extérieur que la droite n'a jamais participé à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE et du GEST)

Mme la présidente.  - Acte est donné de ce rappel au Règlement.

M. Fabien Gay .  - Avec mes enfants, à la maison, je joue au roi du silence. (Sourires) Dans l'hémicycle, c'est moins bien !

M. Gérard Longuet.  - Vous ne devez pas gagner souvent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, au banc des commissions et sur quelques travées du groupe SER)

M. Fabien Gay.  - Ce n'est pas faux ! Mais ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis.

Le droit d'amendement est constitutionnel ; il est nécessaire pour fabriquer la loi. Nous sommes prêts au débat, mais il faut aussi une réaction en face !

Si vous criez à l'obstruction, vous ouvrez la porte à une réforme constitutionnelle et à une réduction du droit d'amendement et du nombre de parlementaires. Nous vous attendons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

M. Mickaël Vallet .  - Des collègues de droite nous ont expliqué, sur un autre texte, que chacun pouvait être fier de son vote. Ne nous donnez pas de leçon de maintien. Je veux entendre Bruno Retailleau, pas Nadine de Rothschild ! (Sourires) Je ne me mouche pas dans la nappe, et la présidente Assassi n'a pas le couteau entre les dents ! Passons aux analyses de fond. Soyons dignes des Français, qui eux aussi sont très bien élevés. (Applaudissements à gauche)

Mme Monique Lubin .  - Chers collègues de droite, tout le monde sait que vous êtes très majoritaires au Sénat et que vous êtes très favorables à la réforme, que vous avez négociée avec le Gouvernement. Ma question est simple : qu'attendez-vous de nous ? (« Rien ! » sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et RDPI) Que nous ne jouions pas notre rôle de représentants du peuple et d'opposants ? Que nous fermions notre bouche ? Belle conception du débat républicain ! (Applaudissements et « très bien ! » à gauche)

M. Franck Montaugé .  - Le silence est effectivement assourdissant à la droite de l'hémicycle (M. Fabien Genet s'en émeut), mais aussi sur les travées du RDPI. Pas un n'a pris la parole. (M. Xavier Iacovelli lève la main ; on s'en amuse à gauche.)

Nos compatriotes nous écoutent. Jusqu'ici, les groupes de gauche ont été à la hauteur des enjeux, des institutions et des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ainsi que du GEST)

M. Xavier Iacovelli .  - (Exclamations à gauche) Vous nous reprochez de ne pas prendre la parole pour défendre l'article ? Nous en sommes à l'article liminaire. Pardon de ne pas rebondir sur vos plaisanteries lourdes et répétées... Assumez votre obstruction raisonnable - certes, il n'y a pas 20 000 amendements... Ne pas grouper 62 amendements identiques, c'est de l'obstruction, d'autant que vous avancez les mêmes explications de vote. (On le conteste avec force à gauche.) Avançons, si vous voulez avoir un débat sur les différentes parties du texte. Les Français ne veulent pas de votre attitude. (Brouhaha à gauche ; M. Gérard Longuet et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - Je suis très surprise des accusations d'obstruction. Pour moi, l'obstruction est faite contre le droit d'amendement, avec l'irrecevabilité de 1 000 amendements.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est la Constitution !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cette méthode est injuste. L'objectif de cette réforme, c'est de travailler plus, plus longtemps, en gagnant moins, pour financer d'autres choix du Gouvernement et pour couvrir des déficits que ce dernier a creusés lui-même.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Et François Hollande, il les a aussi creusés !

Mme Florence Blatrix Contat.  - Une lutte efficace contre l'évasion fiscale rapporterait plusieurs milliards d'euros par an. Il y a d'autres solutions que cette réforme injuste, dont les études macroéconomiques montrent qu'elle augmentera le RSA et le chômage. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Claude Tissot .  - Nous ferions de l'obstruction ? Croyez-vous qu'un vendredi soir à 23 h 23, nous soyons contents d'être au Sénat ? Nous avons mandat pour défendre nos idées.

Ce soir, particulièrement, je préférerais être auprès de mes enfants.

Mme Frédérique Puissat.  - Moi aussi.

M. Jean-Claude Tissot.  - À l'approche des échéances électorales, vous croyez pouvoir vous cacher derrière votre silence. Mais nous côtoierons les mêmes citoyens. Il vous sera compliqué d'assumer ce discours : « tu devras travailler plus pour la même retraite ». Vous vous cachez derrière la parole de votre président. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme Corinne Féret.  - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis de notre Règlement. Les sénateurs ont le droit de présenter et de défendre des amendements. L'ennui, c'est que toutes les prises de parole proviennent de la gauche de l'hémicycle. Or la démocratie doit s'exercer et nous devons échanger.

Nous avons défendu nos amendements avec des arguments complémentaires, et non avec un discours identique. En revanche, chers collègues, je ne vous ai pas entendus défendre ce texte, ni en particulier l'article liminaire.

Mme la présidente.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Il faut voter cet article liminaire.

Le rapport du COR, que j'ai entre les mains, indique que les dépenses augmenteront, puis se stabiliseront, grâce à la baisse de la pension moyenne relative.

M. Gérard Longuet.  - Ce sera moins 30 % !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela signifie que les pensions augmenteront moins que les revenus d'activité. Doit-on s'y résigner ? Non. Nous devons agir. Ce n'est pas Bruxelles qui nous l'impose ! (M. Pierre Laurent le conteste.) Lorsqu'on est souverain, on prend souverainement la décision de ne pas dépendre de tel marché, de telle instance, et de ne pas payer des milliards d'euros de financement de ce système.

Il est important que ce débat se tienne dans le respect mutuel et que les amendements soient défendus, mais il est possible de croiser les regards sans que chacun défende le même amendement.

Une étude de l'Ifop a croisé le regard des Français sur Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Le premier se fait ratatiner par la seconde sur tous les sujets ! (Quelques protestations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Il n'est plus là depuis une dizaine d'années !

Mme Laurence Cohen .  - Obstruction cordiale, dites-vous ? Je suis très choquée. Ce que vous appelez de l'obstruction, c'est simplement le droit d'amendement. Vous devriez le défendre ! Vous prétendez que tous nos amendements sont identiques ? Ils sont tous argumentés avec des exemples concrets.

La vraie obstruction, c'est la méthode du Gouvernement. Nous nous opposons au rassemblement des droites, macronistes, centristes et Les Républicains qui s'opposent toujours aux mêmes, à ceux qui travaillent dur.

Quand le Gouvernement supprime la CVAE, l'ISF, défend le CICE, sans parler de la fraude fiscale... cela représente 80 à 100 milliards d'euros de cadeaux fiscaux, soit 5 à 9 fois le déficit de l'assurance vieillesse ! Quand on veut, on peut ! Les Français sont heureux que des parlementaires les défendent. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

Mme Viviane Artigalas .  - Monsieur Iacovelli, vous ne pouvez pas nous reprocher d'examiner longuement cet article liminaire qui est au coeur de la loi. Pour défendre nos amendements, nous avons deux minutes...

M. Gérard Longuet.  - Quand on n'a rien à dire, c'est deux de trop !

Mme Viviane Artigalas.  - Les journalistes parlent d'obstruction, mais de nombreux citoyens nous écrivent pour nous dire qu'ils sont très contents de voir les arguments du Gouvernement contredits avec succès. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Nous avons de nombreuses propositions pour augmenter les recettes et retrouver l'équilibre des retraites. (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER et CRCE)

M. Hussein Bourgi .  - J'ai entendu deux qualificatifs : une obstruction cordiale et raisonnable. Pour ma part, je parlerai tout simplement d'opposition en démocratie. Hier...

M. Gérard Longuet.  - Vous votiez Touraine !

M. Xavier Iacovelli.  - Justement, il faut pérenniser le droit d'amendement !

M. Hussein Bourgi.  - ... nous étions dans la majorité. Demain, vous serez dans l'opposition et vous en profiterez.

Ici, aucun ministre n'a été insulté, et c'est très bien, car au Sénat, nous avons le culte du respect de l'adversaire.

Ce projet de loi, c'est le texte de la majorité sénatoriale, présenté par procuration par le Gouvernement. Vous devez être satisfait de votre force d'influence auprès du Gouvernement. Revendiquez votre victoire !

Et vous, chers collègues de la majorité présidentielle, assumez cette jonction entre les deux droites : celle du Sénat et celle du Président de la République !

Vous le refusez, parce que parmi les grands électeurs devant lesquels vous devrez vous présenter en septembre prochain, il y a des caissières, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), des personnes à qui vous rajoutez deux ans... (Applaudissements à gauche)

À la demande du CRCE, l'article liminaire est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 250
Contre   91

L'article liminaire est adopté.

(Applaudissements au banc des commissions ; MMGérard Longuet et Philippe Tabarot applaudissent également.)

Discussion des articles de la première partie

Mme la présidente.  - Amendement n°3394, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Dispositions relatives aux recettes et illustrant l'incapacité du gouvernement à équilibrer le budget, autrement qu'au détriment des travailleuses et travailleurs

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement de clarté et de sincérité établit que la réforme repose exclusivement sur les travailleurs. Rien n'est demandé aux employeurs, sinon l'index seniors, non contraignant, qui risque de disparaître dans la censure du Conseil constitutionnel...

Selon l'Insee, 10 % des ménages français ont un patrimoine net supérieur à 534 000 euros.

M. Gérard Longuet.  - Mélenchon !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Pourtant, taxer à 2 % les principales fortunes de France pourrait combler le déficit. Vous avez contribué à leur enrichissement. Qu'elles prennent leur part de l'effort !

Selon l'Ifop, 59 % des Français sont favorables à une augmentation des cotisations, plutôt qu'à l'allongement de deux ans.

Selon le chercheur Michaël Zemmour, une cotisation de 28 euros par mois et par salarié suffirait à couvrir le déficit, sachant que les salaires augmenteraient de 128 euros entre-temps.

Mme la présidente.  - Amendement n°3531, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Dispositions relatives aux recettes et illustrant l'incapacité du Gouvernement à équilibrer le budget, autrement que par une contre-réforme injuste et brutale

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement relève du constat partagé : cette réforme frappera en particulier les travailleurs les plus modestes et les femmes. Le sas de précarité des seniors qui ne sont ni en emploi ni à la retraite augmentera. L'Insee, l'Ined et le COR ont constaté une stagnation de l'espérance de vie. Selon la Drees, les dernières réformes ont fait baisser la durée de la retraite de 7 % : de 25,5 ans avant la réforme Sarkozy à 24,5 ans, elle devrait descendre à 23 ans avec cette réforme. C'est une marche en arrière.

Selon des chercheurs de l'université Paris-Dauphine, le différentiel d'espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres s'aggravera.

Les quelques mesures que vous prétendez sociales n'y changeront rien.

L'amendement n°2188 rectifié est retiré.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - La première partie a un intitulé normé. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Rémi Féraud.  - Pour une fois que la majorité sénatoriale avait un amendement, le n°2188 rectifié, on aurait pu en discuter...

Il est dommage que notre collègue Vincent Delahaye ne soit pas présent. Souvent, il propose un amendement visant à modifier le titre de la première partie du projet de loi de finances en adéquation avec la réalité : les déséquilibres financiers... C'est ce que ces amendements font. Votons-les. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

M. Daniel Breuiller.  - Je voterai l'amendement de Mme Poncet Monge : mal nommer les choses, cela coûte cher. Seulement 17 % des Français trouvent cette réforme juste, quand 79 % la trouvent injuste. Chers collègues de la majorité sénatoriale, je reconnais votre courage, alors que 59 % des électeurs Les Républicains la trouvent eux aussi injuste.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est pour cette raison qu'ils se taisent !

M. Daniel Breuiller.  - J'ajoute que 70 % des Français la trouvent peu claire - sans doute en l'absence de publication de la note du Conseil d'État. (Rires à gauche)

Ce n'est pas acceptable, monsieur le ministre, que vous continuiez à la cacher. Publiez-la ! (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER)

M. Claude Raynal.  - Sans débattre de l'amendement n°2188 rectifié de Mme Boyer, qui a été retiré, on peut lire la première phrase de son objet : « La réforme des retraites qui nous est proposée ne va pas résoudre la question du financement de notre système de retraite par répartition, ni à moyen terme, ni à long terme ». (Applaudissements amusés à gauche) Vous parlez peu, mais vous écrivez bien ! (Rires)

Certains d'entre vous ont une lucidité qu'il faut saluer. Depuis cinq ans, vous déposez un amendement d'appel - une telle réforme ne se fait pas par amendement. Pourquoi avez-vous perdu cinq ans sans amendement d'appel sur de vraies questions : l'égalité hommes-femmes, les seniors, l'augmentation des recettes ? C'est là qu'on vous attendait ! Et qu'on vous attend toujours, d'ailleurs. (Sourires) Monsieur Retailleau, c'est dommage d'avoir demandé le retrait de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Grâce à Viviane Artigalas, j'ai compris que les Français nous regardaient dans les Hautes-Pyrénées - ce doit aussi être le cas dans l'Yonne et ailleurs. C'est l'occasion de parler de l'article 9, qui porte sur les départs anticipés : 40 % des départs en retraite se feront sur ce fondement. Je pense aussi à l'article 13 qui élargit l'accès à la retraite progressive, auxquels les fonctionnaires n'ont pas droit : travailler moins à l'approche de la retraite est plutôt vertueux. Je voterai contre l'amendement Mme Poncet Monge.

Mme Victoire Jasmin.  - Je suis séduite par l'amendement de Valérie Boyer (l'intéressée lève les bras au ciel) ; il rejoint mes propos d'hier sur la démographie et la situation des femmes.

Quel dommage qu'il n'ait pas été défendu, car je l'aurais probablement voté. Je regrette que vous vous soyez arrêtée en si bon chemin, chère collègue.

Mme Valérie Boyer.  - Il fallait le reprendre !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - M. Lemoyne a bien du courage à défendre quelques rustines pour rattraper ce texte !

Cette réforme sera pire que la réforme Touraine : le niveau des retraites baissera considérablement, surtout au regard du ratio salaire-retraite. La pension moyenne passerait de 50 % du salaire moyen en 2021 à 42 % en 2050. Votre réforme va contre les travailleurs.

En Allemagne, le taux de retraite ne dépasse jamais 50 % du revenu des actifs, et le nombre de retraités pauvres ne cesse d'augmenter.

La France est respectueuse de la dignité humaine. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - M. Lemoyne a évoqué les départs anticipés pour carrière longue et les retraites progressives, mais il oublie de préciser que ces avancées mineures se feront au prix de deux ans de travail supplémentaire ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Mme Lienemann a bien expliqué la situation : la réforme Touraine fait baisser les pensions. En allongeant la durée de cotisation sans toucher à l'âge, cette réforme entrainerait une baisse de 300 euros d'ici quelques années. Retarder l'âge de départ augmente le montant des pensions en évitant la décote. (On le conteste à gauche.)

Voilà pourquoi, depuis quatre ans, nous expliquons qu'il faut être attentif au pilier de la durée, qui protège ceux qui commencent tôt, et au pilier de l'âge, qui protège ceux qui commencent tard. Si nous ne prenons pas nos responsabilités en reportant le seuil à 64 ans, nos enfants, d'ici quelques années, travailleront jusqu'à 65 ans et pour une durée non pas de 43, mais de 45 ou 46 ans !

Le Sénat proposera des mesures de justice sociale face à cet effort demandé aux Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI)

M. Didier Marie.  - Les retraités gagneront plus, dites-vous ? Mais nombre de nos concitoyens de 60 ans n'ont ni emploi ni pension de retraite : à 61 ans, ils sont 61 % à se retrouver dans cette situation, et vivent des minima sociaux. À 62 ans, ils sont 73,6 %. Imaginez combien ils seront à 63 ou 64 ans. Attendre deux ans supplémentaires pour sortir de la précarité est-il réellement une avancée sociale ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Monique Lubin.  - Toutes les réformes des retraites menées depuis 1993 ont baissé le niveau des pensions. Celle de 1993, en fondant le calcul des pensions du privé sur les 25 meilleures années de carrière et en indexant leur évolution sur les prix, a été catastrophique pour les salariés. Je ne renie pas la réforme Touraine...

M. Gérard Longuet.  - Que j'ai votée !

Mme Monique Lubin.  - À l'époque, nous n'étions pas sortis de la crise. La prévision de déficit s'élevait à 30 milliards d'euros. Cette réforme a allongé la durée du travail, mais elle a maintenu l'âge de départ en retraite à 62 ans. Tous les Français ne font pas de longues études : ceux qui commencent à travailler à 18 ans doivent être protégés plus que les autres. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

M. Victorin Lurel.  - Le rapporteur Savary a parlé de deux variables : la durée et l'âge. Mais il faut tenir compte de l'environnement général ! Dans votre conception du régime de répartition, seuls les salariés cotisent et doivent équilibrer leur régime. Mais si vous ouvrez le système et si vous augmentez les subventions, si vous taxez les dividendes, les superprofits, le système est équilibré et tient parfaitement la route ! (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Ce n'est plus de la répartition.

L'amendement n°3394 n'est pas adopté.

À la demande du GEST, l'amendement n°3531 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente - Voici le résultat du scrutin n°143 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption   91
Contre 251

L'amendement n°3531 n'est pas adopté.

AVANT L'ARTICLE 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°4473 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport comparant les différents systèmes de retraite au sein de l'Union européenne. Il étudie les différents âges légaux, la durée et les taux de cotisation ainsi que les éléments paramétriques permettant d'y déroger. Il décrit précisément les sources de financement entre les revenus du travail et les revenus du capital. Il établit le degré de capitalisation de chacun des systèmes. Il formule enfin le cas échéant sur le modèle des autres systèmes de retraites des pistes pour améliorer notre système de retraite par répartition.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Le principal argument du Gouvernement repose sur le prétendu déséquilibre insurmontable entre actifs et retraités : on vit plus longtemps, on doit donc travailler plus longtemps. Tous les pays européens - sauf les Gaulois réfractaires - auraient réformé leur système, ce qui justifierait cette réforme brutale.

Élie Cohen, l'un des premiers soutiens d'Emmanuel Macron, brandit ainsi la carte d'Europe de l'âge du départ en retraite, qui montre la France comme une oasis...

Mais selon le rapport du COR, l'âge moyen de départ effectif est de 63 ans. L'estimation de l'OCDE l'estime à 64,5 ans, contre 63,9 ans pour les autres pays européens. Un travailleur français est donc en moyenne plus longtemps en activité !

Bruno Le Maire affirmait en décembre 2020 que nous ne travaillions pas assez -  lui qui, quelques mois plus tôt, faisait applaudir les premiers de corvée !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - En France, l'âge légal est fixé à 62 ans, moins que chez nos voisins, mais il y a une autre borne : l'âge pour partir sans décote, fixé, lui, à 67 ans.

M. Daniel Breuiller.  - Exact !

M. Fabien Gay.  - Ces deux bornes n'existent pas ailleurs. Comparons ce qui est comparable.

Mme Monique Lubin.  - Tout à fait.

M. Fabien Gay.  - De plus, nous sommes un des rares pays à avoir un système par répartition, et non par capitalisation. Le directeur de la sécurité sociale suédoise nous implore de ne pas faire cette réforme, qui a provoqué tant de dégâts chez les retraités suédois.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - M. Bocquet nous l'a déjà dit.

M. Fabien Gay.  - Y aurait-il un agenda caché, visant à pousser à la capitalisation ? Rappelons-nous 2019...

On nous parle beaucoup de l'Allemagne, mais attention : avec le report de 65 à 67 ans, le nombre de retraités pauvres y passe de 15 % à 21 % ! (Mme Victoire Jasmin et M. Yan Chantrel applaudissent.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai l'amendement n°4473 rectifié, que j'aurais aimé pouvoir sous-amender. Plusieurs pays sont revenus en arrière après avoir instauré un système par capitalisation, qui a aggravé le déficit budgétaire.

L'harmonisation au niveau européen n'est pas forcément bénéfique pour les personnes en mobilité, qui ont effectué une partie de leur carrière à l'étranger. D'un pays à l'autre, les modes de calcul divergent. Il faut harmoniser par le haut, en s'inspirant des bons exemples.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On vit plus longtemps, il faut donc travailler plus longtemps, disait M. Sarkozy en 2010. Avec lui, le gain d'espérance de vie devait se répartir ainsi : deux tiers pour le travail, un tiers pour la retraite. Mais depuis sa réforme, tous les gains d'espérance de vie ont été mangés, et on a pris sur la retraite, dont la durée a diminué d'un an. Votre réforme fera perdre encore un an, c'est scientifiquement prouvé.

M. Claude Raynal.  - Je salue cette demande de rapport : peut-être disposerons-nous grâce à elle d'une étude d'impact... Celle que le Gouvernement nous a fournie est d'une pauvreté affligeante.

Avoir une vision européenne sur ces sujets est précieux.

D'aucuns arguent que dans certains pays nordiques, les personnes travaillent sans problème jusqu'à 67 ans. Mais regardons la qualité de vie au travail : la France est avant-dernière ! Il est plus difficile de continuer à travailler dans ces conditions.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les comparaisons européennes servent le plus souvent à dévaloriser le système français, jugé trop coûteux.

En Italie, malgré la réforme Monti qui a reporté l'âge de départ à 67 ans, la part des dépenses liées aux retraites dans le PIB n'a fait que s'accroître -  au point que le pays a fait machine arrière, devant la chute du niveau des pensions et le mécontentement social.

En Allemagne, les comparaisons sont édifiantes : le nombre de retraités de plus de 69 ans qui travaillent est considérable, faute d'une pension suffisante. C'est sans doute le fin du fin de la compétitivité mondiale, mais je ne veux pas de ce système pour notre pays. Plus les travailleurs sont âgés, plus ils ont des problèmes de santé et d'adaptation aux évolutions technologiques. Je rappelle que les Luxembourgeois partent à 60,2 ans !

M. Daniel Breuiller.  - Si notre pays a le système de retraite le plus généreux, j'en suis fier.

J'ai appris que dans ma chère ville d'Arcueil, le centre communal d'action sociale (CCAS) s'appelait à l'origine Bureau d'aide aux vieux travailleurs. Grâce à notre système de retraites, il a moins à s'occuper des personnes âgées, mais, malheureusement, beaucoup des jeunes et des travailleurs précaires - ceux que votre réforme pénalise.

Avant d'avoir le rapport que demandent nos collègues du CRCE, j'aimerais avoir l'avis du Conseil d'État ! (Rires et applaudissements à gauche) Pourquoi le cache-t-on aux parlementaires et aux Français ? Parce qu'il dit que le véhicule retenu va rendre inconstitutionnelles les mesures qui atténuent la dureté de votre réforme !

Merci, messieurs les ministres, de la concision de vos réponses, qui évite de nous noyer sous les chiffres et les arguments techniques ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Olivier Dussopt, ministre.  - À votre service.

Mme Monique Lubin.  - Effectivement, les comparaisons sont intéressantes. Parce que nous faisons mieux que les autres, il faudrait légiférer pour faire moins bien ? J'ai du mal à comprendre ce raisonnement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Didier Marie.  - L'approche européenne pour déterminer les meilleures solutions est intéressante. En France, on part après l'âge légal : 63 ans en moyenne. Ailleurs, c'est l'inverse : avant l'âge légal, avec décote.

La question n'est donc pas l'âge pivot, mais le montant de la pension au moment du départ. Dans bon nombre de pays européens, on constate que les salariés partent avant les Français, avec des niveaux de pension équivalents, voire supérieurs. Ce rapport serait donc très utile avant de prendre des décisions définitives.

M. Pierre Laurent.  - Mme la rapporteure générale pourrait-elle préciser sa position ? Elle n'a pas motivé son avis défavorable. Vous êtes-vous fixé comme règle de refuser toutes les demandes de rapport ?

M. Jean-François Husson.  - Il faut venir tous les jours pour le savoir !

M. Pierre Laurent.  - J'en ai vu émanant de la majorité sénatoriale. Allez-vous les refuser ? Selon quels critères ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il n'y a pas de règle, mais un usage que vous connaissez. Cela n'empêche pas l'assemblée de voter favorablement un certain nombre de rapports. L'avis est toujours défavorable.

M. Pierre Laurent.  - C'est bien noté.

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - C'est le thème qui compte. (On s'amuse à gauche de l'aparté entre la rapporteure générale et le rapporteur.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous avons dû voter des avis en commission dans un temps très réduit, vu le nombre d'amendements déposés. L'avis sur les demandes de rapport est généralement défavorable, on le sait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Selon qui les demande.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Chaque année, il y a tant de rapports votés, et si peu produits...

Dans les annexes, vous pouvez retrouver des informations qui infirment d'ailleurs certaines de vos affirmations.

Mme Lienemann semble très bien connaître les systèmes de retraite européens : demandez-lui de vous rédiger un tel rapport ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur l'article 40 de la Constitution.

Un certain nombre d'amendements demandant des rapports n'ont pas reçu un avis défavorable - ce que je pourrais comprendre - mais ont été frappés par l'article 40. Le président Raynal s'est réjoui que cet amendement puisse être examiné. Pourquoi d'autres demandes de rapport ont-elles été jugées irrecevables ? Présuppose-t-on que leur rédaction induirait des charges supplémentaires pour l'État ? C'est incompréhensible.

Si les irrecevabilités sont déclarées au regard de l'article 45 de la Constitution, il faudra m'expliquer en quoi ces amendements n'ont pas de lien même indirect avec le texte.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Il ne s'agit pas de l'article 45 !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les amendements ayant un lien même indirect avec le texte sont recevables. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

M. Victorin Lurel.  - Quand le Gouvernement utilise toutes les ressources de la Constitution -  article 47-1, article 40 - il ne reste aux parlementaires que l'arme du pauvre : la demande de rapport.

Si nous avions fait un rapport, cette réforme n'aurait pas été présentée sans aucune différenciation prévue pour l'outre-mer.

Le ministre propose de supprimer le seuil de récupération sur succession ; il aurait suffi de le fixer non pas à 39 000 euros, mais à 100 000 euros pour l'ensemble du territoire national. Voilà un exemple montrant qu'un rapport est nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Leconte.  - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur le fondement de l'article 17 bis.

Des amendements demandant des rapports sont déclarés irrecevables au titre de l'article LO 111-3-12 du code de la sécurité sociale, au motif qu'un rapport n'a pas d'effet sur les comptes de la sécurité sociale. Cela signifie donc que nous ne pourrions plus jamais en demander en loi de finances !

Mon amendement n° 2333, irrecevable, demandait un rapport sur les modalités de calcul des pensions : on est pourtant au coeur du sujet !

L'utilisation abusive de cet article fragilise les droits du Parlement et, partant, l'examen de l'ensemble du texte. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement. Mme la présidente Deroche s'est déjà expliquée sur les irrecevabilités.

Mme Victoire Jasmin.  - Si l'étude d'impact avait été faite avec les données de la Cnav, nous aurions vu les incidences réelles sur les populations d'outre-mer. Il faudrait faire un travail sérieux avant de décider.

À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°4473 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°144 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption   91
Contre 251

L'amendement n°4473 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné 77 amendements au cours de la journée (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), il en reste 3 657.

Prochaine séance aujourd'hui, samedi 4 mars 2023, à 9 h 35.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du samedi 4 mars 2023

Séance publique

À 9 h 35, 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, M. Gérard Larcher, président, Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert

- Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2023 (n°368, 2022-2023) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)