Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Réforme des retraites (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mme la Première ministre, onze mots ! En onze mots, vous allez sacrifier huit millions de Français sur l'autel de la rentabilité financière : « le nombre : soixante-deux est remplacé par le nombre : soixante-quatre ».

Depuis que le Président de la République a souhaité cette réforme inutile et injuste, vous faites tout pour que le débat démocratique soit empêché, car vous êtes minoritaire.

La nuit dernière, votre Gouvernement était main dans la main avec la droite sénatoriale pour empêcher que l'on examine correctement le PLFRSS. (Marques d'ironie et protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Votre volontarisme est de l'entêtement ; votre nouvel impôt, un impôt sur la vie ; votre vision de l'intérêt général, la préservation des privilèges.

Pourtant, les sujets ne manquent pas : inflation, précarité, services publics... La France est au bord de l'implosion sociale et vous regardez ailleurs, sans faire appel à la solidarité des plus riches.

À l'Élysée, on n'écoute pas, on n'entend pas. Le silence du Président de la République est un grave problème démocratique. Madame la Première ministre, pouvez-lui demander de recevoir l'intersyndicale et de retirer cette réforme ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - La réforme que nous défendons suscite des oppositions, (on le confirme avec ironie à gauche) comme les précédentes. C'est le droit des syndicats et de nos citoyens que de descendre dans la rue, et je le respecte.

Hier, la journée de mobilisation a rassemblé le même nombre de manifestants qu'à la fin du mois de janvier... (Vives contestations à gauche, où l'on indique que le nombre était bien supérieur.)

M. Hussein Bourgi.  - Demandez à Darmanin !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... sans débordements.

Je salue la mobilisation des forces de l'ordre et la responsabilité des manifestants, tout en regrettant les incidents qui ont eu lieu à Paris et à Marseille. (Protestations à gauche)

Je condamne les coupures d'électricité, dans certains quartiers, tribunaux et permanences parlementaires. (Brouhaha à gauche) Le droit de grève n'est pas le droit de blocage.

Le Gouvernement est toujours prêt au dialogue. (On le conteste à gauche.) Si les organisations syndicales souhaitent évoquer des points particuliers, la porte d'Olivier Dussopt reste ouverte. (Nouvelles contestations)

C'est après trois mois de dialogue et de concertation que ce texte a été construit (les contestations redoublent.) et que nous avons décalé l'âge de départ à la retraite non pas à 65 ans, mais à 64 ans. (Nombreux « ah ! » ironiques à gauche)

C'est grâce au dialogue que nous avons décidé de revaloriser les petites pensions, que nous agissons sur la pénibilité (le brouhaha se poursuit) - ces sujets ne vous semblent peut-être pas importants, mais ils le sont (protestations à gauche) - que nous agissons, enfin, sur la prise en compte des travaux d'utilité collective, ces fameux TUC des années 80.

Ce sont des changements significatifs. Je suis ouverte à une surcote...

M. Pascal Savoldelli.  - Et les superprofits ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... pour celles qui auront la durée de cotisation à 63 ans. Vous en discutez actuellement au Sénat.

M. Pascal Savoldelli.  - On est bâillonné !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Nous sommes prêts à faire évoluer le texte, dans le respect de ses équilibres.

Monsieur Kanner, contrairement à ce que suggèrent votre ton et vos insinuations, le Gouvernement n'intervient pas dans l'organisation des travaux du Sénat. (Rires et commentaires ironiques à gauche ; M. Pascal Savoldelli proteste.) Le débat doit se tenir, avec une volonté de discussion sincère.

M. Pascal Savoldelli.  - Et les amendements de la nuit dernière !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - N'opposons pas la légitimité de la rue et celle de nos institutions. Il reste plus de cent heures de débat pour l'examen de ce texte. Vous avez les cartes en mains (vives protestations à gauche) pour agir et pour donner aux Français le débat démocratique qu'ils souhaitent. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Patrick Kanner.  - Cette nuit, vous n'étiez pas dans l'hémicycle, madame la Première ministre.

En fait, vous faites preuve non pas d'entêtement mais d'aveuglement. Je parlerai non à vous, mais aux Français. Eux comptent sur notre détermination pour nous opposer à cette mauvaise réforme : nous serons leur porte-voix ! (Applaudissements à gauche)

Avenir des petites maternités

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Michel Canévet applaudit également.) La presse a abondamment commenté les conclusions du rapport du chef de la maternité de l'hôpital Necker, adopté par l'Académie de médecine, préconisant la fin des accouchements dans une centaine de maternités de niveau 1 qui pratiquent moins de mille accouchements par an.

L'objectif est de renforcer la sécurité des parturientes face au manque de personnel et à la perte d'attractivité des métiers. Une maternité qui ne peut garantir leur sécurité doit certes fermer, mais ce dogme du critère du nombre de naissances pour décider des fermetures ne prend pas en compte les réalités territoriales. Ce choix fait courir des risques supplémentaires en zone rurale et en montagne, où les maternités sont moins accessibles. Une étude de 2013 en Bourgogne a montré qu'un temps d'accès supérieur à 45 minutes accroît les risques.

La réponse ne doit pas être fondée sur le seul calcul. En Lorraine, il y a dix-neuf maternités, dont dix de niveau 1 et quatorze pratiquant moins de 1 000 accouchements par an. Les inquiétudes sont fortes.

Madame la ministre, ce rapport est-il une commande ou une initiative spontanée ? Le Gouvernement compte-t-il s'en inspirer pour un futur plan national pour la périnatalité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'Académie de médecine est indépendante : ce rapport ne signifie aucunement que des maternités fermeront, ou que trente ans de politique périnatale dans notre pays seront remis en cause du jour au lendemain. Il s'agit de trouver le bon équilibre entre proximité et sécurité des actes.

La sécurité n'est pas négociable, en ville comme en territoire rural. Il faudra des solutions territoire par territoire, coconstruites avec l'ensemble des acteurs : c'est l'esprit du Conseil national de la refondation.

Nous agissons à tous les niveaux, notamment sur la formation des sages-femmes, en reconnaissant mieux les compétences et en renforçant l'attractivité du métier. C'est l'objet de la loi du 25 janvier 2023 qui crée le diplôme d'État de docteur en maïeutique.

En cette journée internationale des droits des femmes, le Gouvernement est engagé pour protéger toutes les femmes, notamment celles qui ont subi une fausse couche, avec un meilleur accompagnement.

Mme Véronique Guillotin.  - Votre réponse claire lève les inquiétudes provoquées par ce rapport. Il faut répondre aux problématiques territoire par territoire, maternité par maternité. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Réforme des retraites (II)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) En cette journée internationale du droit des femmes, nous aurions préféré vous interroger, par la voix de Mme Vogel, sur toutes les politiques que vous ne mettez pas en oeuvre pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Mais avec la mobilisation historique d'hier, et les entraves gravissimes au débat parlementaire, allez-vous retirer votre réforme inique avant de provoquer un blocage démocratique et politique ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

Plusieurs voix à droite.  - Assez !

M. Emmanuel Capus.  - C'est vous, le blocage !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Je suis attachée à la séparation des pouvoirs.

Mme Pascale Gruny.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je respecte les prérogatives du Sénat, et je lui fais confiance pour mener à bien le débat.

Plusieurs voix à droite.  - Et vous avez raison !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Votre question intervient le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

Mon gouvernement est mobilisé pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. C'est la grande cause des deux quinquennats d'Emmanuel Macron. Je me bats pour cette égalité depuis des années.

Notre projet protège celles qui ont commencé à travailler tôt, en tenant compte des carrières longues et des trimestres de congé parental et des périodes d'aidants. Nous protégeons ceux qui ont des revenus modestes au cours de leur vie. Les retraités futurs et actuels bénéficieront d'une revalorisation de la pension minimale ; deux tiers des personnes concernées sont des femmes. L'écart de pension entre les hommes et les femmes va ainsi se réduire d'un tiers.

Nous sommes ouverts à des propositions nouvelles pour réduire encore cet écart. Vous allez ainsi débattre de la surcote après 63 ans. Mais la retraite ne peut tout corriger : il faut continuer à se battre contre les inégalités tout au long de la vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Jocelyne Guidez, Évelyne Perrot et Daphné Ract-Madoux applaudissent également.)

M. Guillaume Gontard.  - Votre discours faussement pédagogique ne convainc personne - sinon de rejoindre les cortèges ! Vous portez les responsabilités du blocage du pays et du déni démocratique à l'oeuvre, avec vos alliés de droite, et de l'arrivée demain de l'extrême droite au pouvoir.

M. Roger Karoutchi.  - C'est vous qui provoquez l'arrivée de l'extrême droite !

M. Guillaume Gontard.  - Cessez de mentir aux Français, ou alors remaniez le Gouvernement, en intégrant Les Républicains à votre coalition ! Votre projet est un projet de régression sociale de droite. (Protestations à droite) Retirez ce projet inutile. Comme le disait le porte-parole du Gouvernement, le pays à d'autres urgences à gérer. (Applaudissements à gauche)

Interdiction de la vente des voitures thermiques en 2035 (I)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC) L'interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique en 2035 a été votée par le Parlement européen le 14 février dernier. Cependant, le vote des États membres, prévu hier, a été reporté sine die en raison de l'abstention de plusieurs pays opposés au tout-électrique.

Cette interdiction n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact : disparition de centaines de milliers d'emplois, délocalisations, pertes de capacité d'innovation sur les carburants propres.

De plus, l'électrique n'est pas adapté aux territoires ruraux, où les distances sont plus importantes.

L'empreinte écologique de ces voitures n'est pas neutre : la production et le recyclage des batteries soulèvent de nombreux problèmes. Jean-Dominique Senard, président de Renault, pense qu'en 2050 le moteur thermique pourrait présenter le même bilan carbone que l'électrique, grâce à la recherche-développement.

Je ne veux pas opposer les deux technologies, mais ne nous enfermons pas. La France est leader sur les petits diesels. Quelle est votre position ? Protégeons nos intérêts et ne nous fermons aucune piste de développement. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le 29 juin dernier, l'Union européenne a validé cette réglementation, qui a fait l'objet d'un vote du Parlement européen le 14 février.

Mais pour des raisons politiques internes à la coalition au pouvoir, depuis quelques jours, l'Allemagne menace de ne pas tenir sa parole : ce serait un mauvais signal pour l'environnement et pour notre économie. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Plusieurs voix à droite.  - C'est faux !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Les véhicules thermiques émettent à eux seuls plus que les secteurs de l'agriculture, de l'industrie ou du bâtiment. Les biocarburants ne sont pertinents que pour les secteurs maritime et aérien, où il n'y a pas de solution électrique.

L'année 2035 ne marque pas la fin des moteurs thermiques, mais celle de la vente de moteurs neufs.

Plusieurs voix à droite.  - Tout de même !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Avec Bruno Le Maire et Clément Beaune, nous voulons donner un cap clair aux industries : Valeo, Stellantis, Renault, tous les industriels appellent à ne pas envoyer de contre-signal, au risque, sinon de se faire tailler des croupières par la Chine qui fabrique des véhicules électriques dans des usines fonctionnant au charbon. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Martin Lévrier et Emmanuel Capus applaudissent également.)

Journée du 8 mars

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Femme, vie, liberté : en ce 8 mars, comment ne pas penser le coeur lourd aux Iraniennes et aux Afghanes (Mme Françoise Gatel « Très bien ! »), qui se battent contre des régimes qui nient leur existence, qui les empêchent d'accéder au savoir ou à l'émancipation, jusqu'à empoisonner des écolières ?

Ces femmes sont victimes d'un véritable apartheid sexuel. En 1973, l'ONU adoptait la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid. Cinquante ans plus tard, la France s'honorerait à porter l'extension de cette convention à l'apartheid sexuel. Cette proposition initiée par la Ligue du droit international des femmes est soutenue par de nombreux intellectuels, parmi lesquels l'iranienne Chirine Ebadi, prix Nobel de la paix.

La France, pays des droits de l'Homme et des Lettres Persanes, aura-t-elle le courage de porter ce message ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI, et sur quelques travées du RDSE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - Nous pensons à ces femmes opprimées, en cette journée internationale du droit des femmes. La France est l'un des rares pays à s'être dotés d'une diplomatie féministe, portée par Mme Colonna. Au Forum Génération égalité de 2021, organisé à Paris, plus de 40 milliards d'euros ont été attribués à l'égalité femmes-hommes dans le monde.

Une priorité est d'universaliser la convention d'Istanbul, qui reconnaît la violence structurelle des sociétés à l'égard des femmes, et demande aux signataires de prendre des mesures de prévention et de sanction pour protéger les femmes et les enfants. Telle est notre ambition.

En 2019, un fonds national de soutien aux organisations féministes a été créé, et ces dernières en sont satisfaites. La France, pays des droits de l'Homme, est aussi celui du droit des femmes. (M. Gérard Longuet s'exclame.) En inscrivant dans sa Constitution le droit à l'IVG, nous enverrions un signe d'espoir à toutes ces femmes. (M. André Reichardt proteste.)

M. Rachid Temal.  - Et la réponse à la question ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - J'attendais un oui ou un non, rien d'autre ! Nous ne pouvons laisser, par inaction, régner un tel climat de terreur ! Ne décevons pas les combattantes de la liberté, en Iran et en Afghanistan, ne brisons pas leur rêve ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Lutte contre les féminicides

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP) En cette journée symbolique, je rappelle qu'avant-hier un homme soupçonné d'avoir défenestré sa femme a été arrêté à Poitiers ; deux jours avant, c'était un homme qui avait poignardé sa conjointe en Gironde...

Depuis le 1er janvier, 26 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, alors que le Président de la République avait fait de cette cause une grande cause nationale et que le Parlement a adopté quatre textes de loi sur le sujet. Il y a eu 130 féminicides en2017, 106 en2022. Les personnels restent insuffisamment formés. Il faut d'abord faire respecter les procédures prévues par la loi, et notamment la transmission immédiate des plaintes aux procureurs.

Je regrette le manque d'ambition sur le calendrier du pacte « nouveau départ » pour arracher les femmes aux griffes d'un conjoint violent : un test de trois mois dans le Val-d'Oise, puis sur quatre territoires, avant une généralisation d'ici 2025 ou2026. En n'accélérant pas, on risque la mort de 300femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe CRCE ; MM. Hussein Bourgi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - J'ai une pensée pour ces trop nombreuses victimes. Depuis 2017, beaucoup a été fait pour protéger les victimes : 300 téléphones grave danger, bracelets anti-rapprochement, hébergement d'urgence en hausse de 80 %, 150 000 policiers et gendarmes formés. Nous irons encore plus loin.

Dès septembre, nous lancerons le pack nouveau départ, pour déclencher des aides matérielles rapidement : allocations, aide au retour à l'emploi ou la formation, aide à la garde d'enfant, accompagnement psychologique, et éventuellement hébergement. Ce dispositif peut être déclenché par de nombreux acteurs.

Nous prévoyons douze semaines d'expérimentation dans le Val-d'Oise d'abord, puis dans quatre territoires. Il faut prendre un peu de temps pour éviter de créer une usine à gaz. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Femmes et réforme des retraites (I)

Mme Laurence Cohen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) En affirmant que les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme des retraites, le Gouvernement instrumentalise leur cause. En réalité, c'est une réforme contre les femmes : elle aggravera les inégalités, alors que l'écart salarial entre hommes et femmes est de 28 %, et de 40 % pour les pensions.

Bien plus que les hommes, les femmes devront repousser l'âge de leur départ en retraite, comme le montre votre étude d'impact. Cela ne vous empêche pas d'essayer de nous vendre le contraire, avec l'aide de la majorité sénatoriale : quel scandaleux spectacle, hier, que l'utilisation de l'article 38 du Règlement du Sénat ! (Protestations et huées sur les travées Les Républicains, qui couvrent brièvement la voix de l'oratrice ; applaudissements à gauche.)

M. Max Brisson.  - C'est le Règlement !

Mme Laurence Cohen.  - Ma question est simple : en cette journée internationale des droits des femmes, allez-vous sortir du déni ? (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - La revalorisation des petites pensions profitera davantage aux femmes qu'aux hommes.

M. Victorin Lurel.  - Et dans les outre-mer ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Ce sont elles qui ont les plus petites retraites dans notre pays. (On le confirme à gauche.) Pour le départ anticipé dans le cadre des carrières longues, nous intégrons un certain nombre de trimestres cotisés par les parents au foyer.

Nous sommes ouverts à certains amendements déposés au Sénat pour améliorer encore la situation des femmes et des parents dans le calcul des pensions retraites. Je songe notamment au dispositif sur la surcote porté par Bruno Retailleau.... (On ironise à gauche.)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ah !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Cette proposition mérite l'attention !

Convenons ensemble, en cette journée internationale des droits des femmes, que les inégalités dans les pensions ne sont pas liées à notre système de retraite mais aux inégalités professionnelles, sur lesquelles nous devons porter tous nos efforts. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Laurence Cohen.  - Le 8 mars, journée du recul des droits des femmes !

Revalorisez les métiers féminisés, ceux du soin et du lien, les personnels de propreté qui ont manifesté ce matin devant le Sénat ! Ce sera autant d'argent en plus pour les caisses de la sécurité sociale, pour résorber le déficit que vous invoquez à l'envi.

Le peuple est encore dans la rue, que cela vous plaise ou non, pour dire non à ces deux ans de vie volés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Rachid Temal.  - Il fallait le faire quand même !

Traité sur la haute mer

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Teva Rohfritsch et Michel Canévet applaudissent également.) La place des océans dans l'agenda politique international n'est pas à la hauteur de leur rôle dans les équilibres planétaires, a dit le Président de la République à l'issue du premier mondial qui leur était consacré il y a un an, à Brest. Une coalition inédite de cinquante États avait alors été constituée pour parvenir à un texte contraignant sur la gouvernance de la haute mer.

C'est chose faite : après celui de décembre, un nouvel accord a été signé le 4 mars à New York, sous l'égide de l'ONU, sur l'utilisation durable des ressources en haute mer. Il entérine notamment la création des aires marines protégées, et je salue les travaux de Teva Rohfritsch et Michel Canévet sur le sujet. (Marques d'impatience sur les travées du groupe SER ; M. Rachid Temal mime une brasse coulée.)

La France a joué un rôle actif dans cette avancée majeure pour la protection des océans. Quelles actions reste-t-il à mener pour la mise en oeuvre de ce texte juridiquement contraignant ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer .  - Je vous remercie pour votre engagement en faveur des océans.

M. Rachid Temal.  - Et aussi pour la question !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État.  - Vous l'avez dit, les États membres des Nations unies ont conclu un accord sur la protection de la biodiversité marine en haute mer. Il y a un peu plus d'un an, le Président de la République a en effet relancé des négociations enlisées depuis quinze ans pour parvenir à un texte juridiquement contraignant, protégeant un espace qui couvre 45 % de la planète.

Cet accord est historique à trois titres : il oblige les États à produire des études d'impact sur l'environnement de toute nouvelle activité, il ouvre la voie à la création d'aires marines protégées en haute mer, et il permet la création de ces aires à la majorité et non par consensus.

Quelles sont les prochaines étapes ?

M. Rachid Temal.  - La grève des marins-pêcheurs !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État.  - Notre objectif est une entrée en vigueur au sommet de Nice, prévu pour 2025. Il faut pour cela une ratification par soixante États.

La France continuera à militer pour l'interdiction de l'exploitation minière dans les grands fonds marins. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Politique de la France en Afrique

M. Alain Joyandet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France, libératrice du Mali, en est chassée sans préavis, comme en Centrafrique et au Burkina Faso. La France, grande puissance diplomatique, au langage universel, se fâche avec tous ses partenaires. Se fâcher en même temps avec le Maroc et l'Algérie, il faut le faire ! C'est un échec diplomatique cuisant.

Quelle est votre politique pour l'Afrique ? Le 27 février, le Président de la République a déclaré qu'il n'y avait plus de politique française en Afrique. Est-ce vrai ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - L'Afrique a changé, depuis un certain temps, et la France aussi. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jacques Grosperrin.  - On va aussi bientôt changer les ministres !

Mme Catherine Colonna, ministre.  - L'Afrique est une terre de croissance, d'opportunités, de création. Le Président de la République a pu le constater lors de son déplacement à l'Institut français de Kinshasa.

Les pays africains défendent leurs intérêts, avec raison. Sortons des visions datées. Nous avons sur ce continent des partenaires, des défis communs, des atouts : nos diasporas, nos entrepreneurs, nos universités, nos réseaux culturels, le dynamisme de notre jeunesse.

La France a changé ; elle met en place des outils pour développer ces nouveaux partenariats. Il nous faut aussi lutter contre la désinformation. Nous savons quelles forces sont à l'oeuvre ; elles ne vont pas dans le sens de la paix ni de la prospérité de ces pays.

C'est en additionnant toutes ces actions que nous resterons un partenaire actif sur ce continent, dans l'intérêt de nos peuples et de l'Europe.

M. Jacques Grosperrin.  - Laborieux !

M. Alain Joyandet.  - La France doit reprendre son destin en main, en Afrique comme ailleurs. Nous refusons un éventuel copilotage de nos bases en Afrique avec nos alliés états-uniens. La France est assez grande pour mener une vraie politique. Madame la ministre, vous disposez de bases prépositionnées, dont les accords ont été renégociés en 2010 et d'un corps diplomatique exceptionnel, qu'il faudrait protéger au lieu de le casser. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Notre ligne est claire : ni ingérence ni dédain. Ne laissons pas dire que la France serait un État néocolonialiste. (Mme Catherine Conconne le conteste.) C'est l'honneur de la France. Ne nous laissons pas humilier.

Sur ces sujets, la commission des affaires étrangères du Sénat peut vous aider. Nous vous demandons un débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Femmes et réforme des retraites (II)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Cette réforme protège les femmes qui ont commencé à travailler tôt, qui ont des métiers difficiles, ou qui ont dû interrompre leur carrière, a dit Mme la Première ministre.

Je pense à ces femmes de mon département, les Landes, qui travaillent dans l'industrie agroalimentaire, notamment. Cette femme qui se lève à 4 heures du matin pour travailler sur une chaîne d'éviscération de volailles, pour un salaire à peine supérieur au Smic après de nombreuses années, réunit tous ces critères. Madame la Première ministre, en quoi votre réforme améliorera-t-elle sa future retraite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Guillaume Gontard applaudit également.)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Très bien !

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Vous prenez l'exemple d'une femme qui pratique un travail physique et posté, en commençant très tôt.

Qu'apporte notre projet de loi ? Nous améliorons le compte professionnel de prévention en diminuant de 50 à 30 le seuil de nuits de travail posté pour obtenir des points. Si cette femme est exposée à des températures basses ou à des opérations de manutention pénibles, elle pourra également obtenir plus de points.

Si vous votez l'article 9, la branche sera tenue de négocier un accord de prévention de la pénibilité, que nous cofinançons à hauteur de 1 milliard d'euros.

Les postures pénibles, les vibrations, le port de charges lourdes seront prises en charge et lui permettront de bénéficier de prévention, de formation, de reconversion, d'un suivi médical renforcé et, le cas échéant, d'une possibilité de départ anticipé.

Mme Corinne Féret.  - Vous avez supprimé ces critères !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Grâce au relèvement du minimum contributif et donc des pensions les plus basses, cette femme partira avec une retraite meilleure.

M. Rachid Temal.  - À quel âge ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Si cette femme ressemble à celles que je connais dans mon département de l'Ardèche, peut-être a-t-elle commencé à travailler très tôt. Dans ce cas, elle pourra partir plus tôt, car notre réforme protège les carrières longues. (« À quel âge ? » sur les travées du groupe SER)

Après l'article 7, une fois l'obstruction surmontée (exclamations indignées à gauche) nous pourrons peut-être nous y intéresser. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Rachid Temal.  - Soyons sérieux !

Mme Monique Lubin.  - Je savais que j'obtiendrais de vous une réponse parfaite, formatée, monsieur le ministre. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

Les critères de pénibilité ? Vous avez supprimé ceux qui existaient ! (Applaudissements sur les travées des groupeSER et du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Les carrières longues ? Mais si elle n'a pas commencé avant 18 ans, elle travaillera deux ans de plus, de 62 à 64 ans ! (Applaudissements à gauche ; M. Olivier Dussopt fait signe que non.)

Vous avez cherché à instrumentaliser la cause des femmes pour mieux vendre votre projet de loi, mais les économistes ont démonté vos assertions. (M. Emmanuel Capus tape sur son pupitre pour marquer son impatience.)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Monique Lubin.  - Avec Violaine Lucas, je vous rappelle que les femmes ne veulent plus être instrumentalisées, que ce soit les ouvrières des Landes ou celles qui combattent en mémoire de Gisèle Halimi ! (« Bravo » et applaudissements à gauche ; brouhaha à droite)

Encadrement de l'intérim médical

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'encadrement de la rémunération de l'intérim médical par la loi Rist entre en application le 3 avril, et l'inquiétude monte. Faute de médecins, on risque la fermeture de services d'urgence, de maternité, de chirurgie, mais aussi la fragilisation de la régulation et des Samu. Cela va creuser encore les inégalités dans l'accès aux soins.

Conscient des difficultés qui s'annoncent, le Gouvernement a demandé aux Agences régionales de santé (ARS) d'animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour construire des solutions avec les professionnels et les établissements de santé.

Les établissements privés, vous l'avez rappelé, se sont engagés sur la voie d'une rémunération raisonnée. Est-ce suffisant ?

Cela suffira-t-il à résoudre la pénurie ? Il y a urgence. Le Ségur de la santé n'aura en définitive rien réglé.

Comment comptez-vous assurer la permanence des soins, redonner confiance, rendre le statut de praticien hospitalier plus attractif, afin que la question de l'intérim ne se pose plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La régulation de l'intérim est une volonté constante du législateur, comme deux lois récentes en témoignent. En 2021, l'intérim a coûté 359 millions d'euros, avec des rémunérations journalières individuelles pouvant atteindre 5 000 euros. C'est inacceptable et injuste.

La loi de 2016 plafonne l'intérim à 1 170 euros bruts pour 24 heures, ce qui demeure attractif. Il n'est pas question de supprimer tout recours à l'intérim, mais bien de mettre fin aux dérives. L'entrée en vigueur de la loi Rist a été décalée au 3 avril. Nous avons anticipé en demandant aux ARS un bilan, établissement par établissement, et suivons attentivement les situations locales.

Le secteur privé doit prendre ses responsabilités et jouer le jeu de l'éthique. Nous sommes pleinement mobilisés pour accompagner les territoires et mettre fin à ces dérives. Comptez sur notre engagement. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)

M. Jean Sol.  - Seul un cap clair et partagé entre les différents acteurs et une dose de reconnaissance permettra d'assurer l'accès à des soins de qualité, 24 heures sur 24, sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Prix des places pour les jeux Olympiques de Paris 2024

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) répète vouloir faire des JOP de Paris 2024 un succès populaire et accessible à tous. Son président Tony Estanguet s'est réjoui de la liesse suscitée par l'événement, tout en rappelant que les recettes de billetterie sont indispensables à l'équilibre des comptes.

Or l'ouverture de la billetterie à l'issue du tirage au sort est loin du succès espéré : entre la rigidité du système de packs, le choix limité et des tarifs jugés prohibitifs, le compte n'y est pas. Pour une famille, le coût peut atteindre plusieurs milliers d'euros, loin des tarifs « populaires » promis.

En creusant, on apprend que la moitié des billets à 24 euros seront réservés par l'État pour être distribués à des jeunes et à des associations. C'est louable, mais cela crée de la frustration.

De plus, les études comparatives semblent montrer que les tarifs sont plus élevés que lors des éditions précédentes.

Comment faire de ces JOP un événement réellement populaire ? Comment lutter contre le sentiment d'exclusion et faire triompher les valeurs olympiques de participation et de regroupement ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; MM. Bernard Fialaire et Pierre Laurent applaudissent également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Nous sommes tous attachés à l'accessibilité tarifaire des Jeux, qui doivent être une grande fête populaire.

Parmi les 8 millions de billets mis en vente par le Cojop, 1 million sont à un prix d'entrée de 24 euros, pour tous les sports ; 4 millions sont à moins de 50 euros. Seuls 10 % des billets coûteront plus de 200 euros. Ces prix sont dans la lignée des éditions précédentes.

Ce spectacle réunit les athlètes les plus exceptionnels du monde. Les Jeux sont autofinancés, ce qui suppose des recettes de billetterie. Je salue l'engouement des Français, qui représentent 50 % des acheteurs, sur 112 nationalités.

Parallèlement, les collectivités Terre de Jeux pourront proposer une billetterie territoriale accessible, et l'État offrira des billets à la jeunesse, aux personnes en situation de handicap ainsi qu'aux bénévoles du mouvement sportif. Nous serons au rendez-vous de cette grande fête populaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Interdiction de la vente de voitures neuves thermiques en 2035 (II)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 février, le Parlement européen votait l'interdiction de la commercialisation des véhicules à moteur thermique à compter de 2035. Le vote définitif, prévu le 1er mars puis le 7 mars, a été reporté sine die, en raison du blocage de l'Allemagne, de l'Italie, de la Pologne et de la Bulgarie.

La voiture électrique, c'est une mobilité décarbonée, silencieuse et confortable, mais c'est aussi un recyclage insatisfaisant des batteries, dont à peine 46% sont collectées ; une menace pour notre souveraineté industrielle, 80 % des batteries étant importées d'Asie ; un facteur d'inégalités territoriales, car bénéficiant surtout aux trajets en ville.

Bref, la voiture électrique n'a pas démontré sa vertu écologique ni sa pertinence pour notre stratégie industrielle. Quelle sera la position de la France le 10 mars prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Comme l'a rappelé Christophe Béchu, des engagements ont été pris lors de la présidence française de l'Union européenne.

Vos préoccupations sont fondées, mais l'alternative est claire : devons-nous reporter l'échéance de 2035, ou nous donner les moyens de réussir cette grande ambition écologique et industrielle en produisant en France et en Europe ?

Mme Sophie Primas.  - Et les biocarburants ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous avons choisi la deuxième voie. Nous risquons sinon de regretter, dans dix ans, de n'avoir pas pris ce virage qu'empruntent les États-Unis et la Chine.

Hier, j'ai échangé avec mon homologue allemand - dont les positions sont aussi liées à des considérations de politique intérieure - pour que nous rappelions ensemble notre engagement à relever ce défi.

Les véhicules électriques doivent être accessibles à tous.

M. Loïc Hervé.  - C'est essentiel !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Malgré les aides, ils restent encore trop chers. Nous favorisons également le déploiement des bornes. Renoncer maintenant serait un terrible gâchis.

Nous devons relever le défi industriel, avec Bruno Le Maire et Roland Lescure. Nos constructeurs se sont engagés à produire en France et en Europe des véhicules électriques abordables et souverains. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Eux-mêmes nous demandent de tenir le cap.

Mme Marta de Cidrac.  - Certains de nos partenaires savent défendre leurs intérêts mieux que nous ! Au pays de Stellantis et de Renault, je ne doute pas que notre industrie automobile relèvera le défi. Mais l'échéance de 2035 me semble prématurée au regard des enjeux industriels et environnementaux. Monsieur le ministre, entendez cet appel de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Cours d'éducation sexuelle à l'école

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2001, la loi Aubry rendait obligatoire trois séances d'éducation à la sexualité par an, pour dévoiler les stéréotypes sexistes et lutter contre les violences faites aux femmes notamment.

En cette journée des droits des femmes, le rapport du Haut Conseil à l'égalité révèle une recrudescence du sexisme chez les jeunes hommes, qui sont 25 % à penser qu'il faut parfois être violent dans une relation amoureuse.

Commençons par appliquer la loi.

J'avais fait adopter dans le projet de loi de finances pour 2021 un amendement pour augmenter le budget dédié à ces séances, hélas écarté à l'Assemblée nationale. Pour Jean-Michel Blanquer, il n'y avait pas de problème. Or selon un rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale, moins de 15 % des élèves de primaire et de lycée de moins de 20% des collégiens bénéficient de ces trois séances !

Le Haut Conseil demande un plan d'urgence. Trois associations, le Planning familial, SOS Homophobie et Sidaction, attaquent l'État en justice pour vous mettre devant vos responsabilités. Elles gagneront, car elles ont raison ! Que comptez-vous faire ? (Applaudissements à gauche)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - L'éducation à la sexualité nous concerne toutes et tous. Depuis la loi du 4 juillet 2001, trois séances par an d'éducation à la sexualité, adaptées à leur âge, doivent pouvoir être dispensées aux élèves. Dès son arrivée, le ministre de l'Éducation nationale a lancé une enquête sur la question et deux circulaires ont été adressées, aux inspecteurs et chefs d'établissement, pour que des progrès soient faits.

Le plan interministériel lancé par la Première ministre prévoit un renforcement de l'éducation à la sexualité, une enquête annuelle pour étudier la mise en oeuvre des actions, un plan de formation du personnel de l'Éducation nationale.

Je m'étonne que les trois associations que vous citez attaquent l'État, car elles interviennent dans nos établissements et nous les finançons.

M. Hussein Bourgi.  - Pas assez ! Donnez-leur des moyens !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Ce sujet en tout cas est une grande cause portée par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Pénurie d'eau

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les importants épisodes de sécheresse estivaux n'étaient que les prémices d'une pénurie qui s'installe dans la durée. Nous avons deux mois de retard sur la recharge des nappes phréatiques. L'accès à l'eau potable est menacé. La réduction du débit des cours d'eau engendre des problèmes sanitaires.

Cette tension sur l'eau a un impact sur nos entreprises, notre agriculture, nos centrales nucléaires.

Le Sénat a proposé plusieurs pistes sur la conciliation des usages, la sobriété, les retenues d'eau, l'irrigation... Mais il faut des financements.

Plusieurs départements ont été placés en situation d'alerte sécheresse. Le temps n'est plus à la réaction mais à l'anticipation et à l'adaptation du pays au changement climatique.

À défaut d'avoir anticipé la crise de l'énergie, quelle est votre politique d'anticipation des ressources en eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Plus de 700 communes ont été privées d'eau potable l'été dernier, et 1 260 cours d'eau ont été en rupture d'écoulement.

La récente période de sécheresse n'a pas permis de recharger les nappes, et a même aggravé la situation. Oui, nous avons deux mois de retard - non par rapport à la moyenne, mais à la situation d'avant l'été 2022 !

Depuis hier, il pleut abondamment sur le nord du pays, mais hélas pas sur le pourtour méditerranéen ou le couloir rhodanien.

Il nous faut anticiper le changement climatique. Selon les experts, nous pourrions avoir jusqu'à 40 % de pluie en moins, avec des épisodes de pluies trop fortes pour recharger correctement les nappes - d'où la nécessité de préserver la perméabilité des sols et lutter contre l'artificialisation.

Nous avons réuni un comité d'anticipation le 23 février, les préfets coordinateurs de bassin le 27 février, puis tous les préfets lundi dernier pour les inciter à prendre dès maintenant des mesures.

Pour les cinquante mesures du plan Eau, nous nous sommes inspirés des travaux du Sénat. Vous y retrouverez une partie de vos préconisations. Il faut une union sacrée car l'eau, c'est la vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Guillaume Chevrollier.  - Le soutien financier aux collectivités locales est indispensable ; elles sauront trouver les solutions les plus adaptées. Le Gouvernement doit informer de façon transparente sur les mesures de restriction pour faciliter l'acceptation des contraintes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Menaces sur la pêche au chalut

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La France est un grand pays maritime, nous tenons à ce qu'il le demeure. Or la filière halieutique est inquiète : 90 navires sortiront de la flotte française en raison du plan d'accompagnement individuel Brexit, les prix des carburants s'envolent, les pêcheurs sont montrés du doigt pour les prises accidentelles de dauphins, dont la population a beaucoup augmenté sur le littoral Atlantique.

Mais le plus inquiétant, c'est le projet d'interdiction du chalutage dans les aires marines protégées, proposé par la Commission européenne. Imaginez que l'on ne puisse plus pêcher les coquilles Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, les langoustines ou la lotte aux Glénan ou les huîtres de pleine mer ? (Applaudissements et marques de vive inquiétude à droite et au centre)

Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de la Commission européenne ? Que faites-vous pour accompagner la filière ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer .  - Merci de votre engagement pour le Finistère et pour notre filière pêche.

Cette proposition de la Commission européenne d'interdire tout engin de fond dans les aires marines protégées a été évoquée voilà quelques semaines. La Première ministre l'a rappelé à Bruxelles, le Président de la République au Salon de l'agriculture, moi-même dans le Calvados : la France y est fermement opposée.

Mme Laurence Rossignol.  - Ah bon ? C'est honteux !

M. Bernard Jomier.  - On parle d'aires protégées !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État.  - D'abord, cela méconnaît les efforts réalisés par les pêcheurs français depuis des années, grâce auxquels les stocks, de coquille Saint-Jacques notamment, ont été reconstitués - M. Alain Cadec le sait bien. (MStéphane Le Rudulier salue l'hommage.)

Ensuite, c'est une prime aux mauvais élèves, puisque ceux qui ont mis en place des aires marines protégées sont pénalisés.

Enfin, c'est une folie en matière de souveraineté alimentaire, alors que nous importons 80 % des produits de la pêche.

Arrêtons d'opposer développement de la filière halieutique et protection des aires marines : nous pouvons mener les deux objectifs de front. Le Gouvernement encourage la production et la décarbonation de la filière. Nous avons prolongé les aides carburant et soutenons partout cette belle filière. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Michel Canévet.  - Merci de cet engagement. Les marins-pêcheurs l'attendent. Le sénateur Cadec, qui est pêcheur lui aussi, appréciera ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.