Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Suite)

Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)

APRÈS L'ARTICLE 8 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°1577, présenté par Mme Billon.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VI de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent VI, en cas de décès de l'enfant avant la fin de la quatrième année suivant sa naissance ou son adoption, la majoration prévue audit II est égale à quatre trimestres.

« En cas de condamnation définitive d'une personne pour meurtre dans les situations prévues aux 1° , 3° et 4° ter de l'article 221-4 du code pénal lorsque la victime est l'enfant ouvrant droit à la majoration prévue au II du présent article, la personne condamnée ne peut bénéficier de cette majoration. »

Mme Annick Billon.  - Cet amendement attribue une majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation de quatre trimestres en cas de décès de l'enfant avant la fin de la quatrième année suivant sa naissance ou son adoption.

Actuellement, le nombre de trimestres est proportionnel au nombre d'années durant lesquelles l'assuré a résidé avec l'enfant.

En cas de décès du fait d'un des deux parents, ce dernier est privé du droit à la majoration.

M. le président.  - Amendement identique n°1915 rectifié, présenté par M. Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Didier Rambaud.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°2346 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Grand, Guerriau, Médevielle, Verzelen, Chasseing, Decool et Lagourgue, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Menonville et Malhuret.

M. Emmanuel Capus.  - Il faut mettre fin à une double, voire triple peine : douleur de perdre un enfant, amputation des quatre trimestres pour son éducation.

M. le président.  - Amendement identique n°3410, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°4462 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Mme Laurence Cohen.  - Je défends aussi l'amendement n°4001. Cet amendement nous a été suggéré par ma collègue députée Karine Lebon, qui a échangé avec M. Dussopt sur ce sujet. Nous y tenons beaucoup.

Dans le privé, l'éducation des enfants donne droit à quatre trimestres supplémentaires, les quatre années suivant la naissance ou l'adoption. Dans le secteur public, une majoration de 10 % est accordée au titre du troisième enfant. Pourtant, les parents se voient refuser ce droit quand ils perdent un enfant, avant 4 ans dans le privé, avant 9 ans dans le public.

À la douleur s'ajoute l'injustice, avec l'obligation de travailler plus longtemps. Cette mesure ne ramènera pas l'enfant décédé ni ne comblera la douleur, mais n'en rajoutons pas.

M. le président.  - Sous-amendement n°4948 à l'amendement n°4462 rectifié de Mme Assassi, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

 Remplacer le mot : "quatrième"

Par le mot : "première"

Mme Monique Lubin.  - Nous avions prévu des périodes différentes. Ces sous-amendements sont défendus.

M. le président.  - Sous-amendement n°4947 à l'amendement n° 4462 rectifié de Mme Assassi, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

 remplacer le mot  : "quatrième"

Par le mot : " deuxième"

C

Mme Monique Lubin.  - Défendu.

M. le président.  - Sous-amendement n°4949 à l'amendement n° 4462 rectifié de Mme Assassi, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

 Remplacer le mot  : "quatrième"

Par le mot : "troisième"

Mme Monique Lubin.  - Défendu.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis favorable. L'injustice a été très bien exposée par les auteurs de ces amendements.

À titre personnel, en 2020, j'avais rapporté la proposition de loi de Guy Bricout pour accompagner les parents touchés par le deuil d'un enfant. Nous avions ainsi rallongé le congé de deuil de cinq à douze jours, maintenu les prestations familiales pendant trois mois, prévu une aide automatique pour les obsèques...

M. Olivier Dussopt, ministre.  - J'ai en effet débattu avec Mme Lebon et la délégation des droits des femmes de l'Assemblée nationale de ce sujet tragique. Avis favorable. Les quatre trimestres seront acquis, et l'harmonisation entre régimes de retraite sera assurée.

Le Gouvernement sera également favorable aux amendements suivants, à partir du n°1576, qui visent à maintenir la majoration de 10 % à partir de trois enfants.

Demande de retrait des sous-amendements, qui auraient un effet inverse et affaibliraient la protection des parents.

Les sous-amendements nos4948, 4947 et 4949 sont retirés.

Mme Michelle Meunier.  - Je salue l'avis favorable de la rapporteure et du ministre. Bien sûr, la réponse du législateur ne sera jamais à la hauteur du drame vécu par les familles. J'en parle en connaissance de cause... Mais ne pas y être sourd, c'est le minimum.

Le Sénat s'honore en votant ces amendements.

Les amendements identiques nos1577 1915 rectifié, 2346 rectifié ter, 3410 et 4462 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1576, présenté par Mme Billon.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du III de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « par faits de guerre » sont supprimés.

Mme Annick Billon.  - Merci, monsieur le ministre, d'avoir émis par avance un avis favorable à cet amendement qui facilite l'accès à la majoration de pension de 10 % pour les fonctionnaires parents de trois enfants qui ont connu le décès d'un enfant. Cette majoration valait jusqu'aux 9 ans des enfants. Cet amendement permet une convergence vers le régime général, notamment en supprimant la mention du décès pour faits de guerre. Il est de bon sens et de cohérence.

M. le président.  - Amendement identique n°1916, présenté par M. Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Xavier Iacovelli.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°2535, présenté par M. Gontard, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

M. Guillaume Gontard.  - Qu'il ait été élevé 9 ans ou moins, la perte d'un enfant est dramatique. Cet amendement permet, sinon d'atténuer la douleur des parents, du moins de réparer une injustice.

M. le président.  - Amendement identique n°4001 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Mme Laurence Cohen.  - Défendu.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis favorable.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos1576, 1916, 2535 et 4001 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°2390, présenté par M. Benarroche, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'impact chiffré de la mise en oeuvre de la politique des trois ages dans la gestion des droits pour les carrières longues.

M. Daniel Breuiller.  - Nous demandons un rapport sur les effets des bornes d'âge sur les dispositifs carrières longues et très longues, caution sociale du Gouvernement. En réalité, moins de 1 % des générations touchées par la réforme est concerné.

Nous proposons, nous, de supprimer ces trois bornes d'âge, dont la mention ne garantit aucunement un départ suffisamment anticipé, à la hauteur d'une longue vie de labeur.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2390 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3691 rectifié, présenté par Mmes Monier et Préville, M. Magner, Mmes de La Gontrie et Conconne, MM. Todeschini, Montaugé, P. Joly et Féraud, Mmes G. Jourda et Briquet, M. Lurel, Mme S. Robert, M. Jomier, Mme Carlotti, MM. Chantrel et Kerrouche, Mmes Meunier, Poumirol et Le Houerou, M. Tissot, Mme Conway-Mouret et MM. Cardon, Stanzione, Devinaz et Jacquin.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'application de l'article 74 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il se prononce notamment sur l'opportunité pour le Gouvernement de mettre en oeuvre une harmonisation par le haut des différents régimes de pensions de réversion.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le système de pensions de réversions présente de nombreuses disparités selon les régimes. Les salariés du privé bénéficient d'un taux de réversion supérieur à celui du public. Le conjoint survivant doit attendre 60 ans pour toucher la pension de réversion dans le privé, alors qu'aucune condition d'âge n'existe dans le public. Enfin, les conditions de remariage sont plus strictes dans le public que dans le privé.

Nous demandons un rapport afin d'harmoniser par le haut les différents régimes.

Les femmes représentent 88 % des 4,8 millions de bénéficiaires de pensions de réversion. Pour 1 million d'entre elles, c'est l'unique source de retraite.

M. le président.  - Sous-amendement n°4986 à l'amendement n° 3691 rectifié de Mme Monier, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme M. Vogel.

Amendement N° 3691 rect.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

"six"

par :

"trois".

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Compte tenu de l'urgence, nous voulons ce rapport dans les trois mois.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

Un rapport a été demandé au COR sur les droits familiaux : vous aurez donc satisfaction.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Même avis.

Le sous-amendement n°4986 n'est pas adopté.

L'amendement n°3691 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°424, présenté par M. Benarroche, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 31 mars 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport e?valuant le nombre et la nature des recours aupre?s de la commission nationale charge?e d'examiner les demandes relatives a? la retraite anticipe?e des travailleurs en situation de handicap afin de mesurer les effets des dispositions du 2° du I de l'article 8 de la loi n° de financement rectificative de la se?curite? sociale pour 2023.

M. Daniel Breuiller.  - Nous demandons un rapport pour évaluer le nombre et la nature des recours auprès de la commission nationale chargée d'examiner les demandes relatives à la retraite anticipée des travailleurs en situation de handicap.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable. Comme les éléments transmis l'indiquent, ce texte devrait faciliter les recours.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Entre 2018 à 2020 - nous n'avons pas de données plus récentes - il n'y a eu que 60 recours. C'est très peu.

L'amendement n°424 n'est pas adopté.

ARTICLE 9

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°5392, présentée par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission l'article 9 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Mme Émilienne Poumirol .  - Nous demandons le renvoi en commission de l'article 9 sur l'usure professionnelle. Ses dispositions ne sont pas à la hauteur des besoins de reconnaissance et de compensation de la pénibilité.

Le changement sémantique est parlant : nous parlons, nous, de pénibilité, ce qui induit une responsabilité collective liée aux conditions de travail. Vous introduisez, vous, la notion d'usure professionnelle, et donc de responsabilité individuelle.

Cet article poursuit le détricotage de la prise en compte de la pénibilité entamé par Emmanuel Macron en 2017. Les quatre facteurs supprimés - postures pénibles, vibrations mécaniques, charges lourdes, exposition aux agents chimiques - ne sont pas réintroduits. La cotisation spécifique des employeurs a été définitivement abandonnée.

Plutôt que de la prévenir activement, le Gouvernement préfère tenir compte de la pénibilité en fin de carrière, quand il est trop tard !

Il faut étudier plus en détail ce sujet, d'où notre demande de renvoi en commission.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Même avis.

La motion n°5392 n'est pas adoptée.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - En application de l'article 46 bis alinéa 2 du Règlement, la commission demande un examen séparé de l'amendement n°2132 des rapporteurs. En application de l'article 42 alinéa 6 du Règlement, elle demande également la priorité de l'examen et du vote de cet amendement.

M. Éric Kerrouche.  - Ce n'est pas de l'obstruction, ça ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Sagesse.

La priorité est ordonnée.

Plusieurs voix à gauche.  - Nous n'avons pas l'amendement !

M. Vincent Éblé.  - Il n'a pas été distribué !

M. le président.  - L'amendement est en cours de distribution.

Mme Corinne Féret.  - Rappel au Règlement sur la base de l'article 46 bis. Nous avons besoin d'un peu de temps pour mesurer les conséquences de cette décision, qui bouleverse l'ordre d'examen des amendements.

Mme Éliane Assassi.  - Nous voyons bien ce qui se trame. Nous avions un certain nombre d'amendements précédant l'amendement de M. Savary. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons besoin de travailler. (Exclamations ironiques à droite)

M. Martin Lévrier.  - Enfumage !

Mme Éliane Assassi.  - Je demande une suspension de séance pour permettre à mon groupe de travailler. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes des gens sérieux et responsables. (Applaudissements à gauche ; vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Gontard.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Je demande également un peu de temps pour nous réorganiser. Vous nous déstabilisez.

M. Vincent Éblé.  - C'est fait pour !

M. Guillaume Gontard.  - Je ne sais pas comment vous arrivez à travailler dans ces conditions, mais cela manque cruellement de sérieux. Je demande une suspension de séance. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Non !

M. Patrick Kanner.  - Rappel au Règlement. Depuis quelques jours, vous nous accusez de toutes les turpitudes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier.  - À raison !

M. Xavier Iacovelli.  - Assumez !

M. Patrick Kanner.  - Vous nous accusez même de « mélanchonisation », ai-je cru comprendre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli.  - C'est M. Gontard qui l'a dit !

M. Patrick Kanner.  - Le travail doit se poursuivre au Sénat sur ce projet de loi. (« Oh ! » à droite)

M. Jean-François Husson.  - Vous faites tout pour accélérer !

M. Patrick Kanner.  - Vous êtes déloyaux ! (Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains) Par cette demande de priorité, vous coupez court au travail d'ordonnancement de nos amendements. La manoeuvre a beau être réglementaire, elle contribue à saboter le travail parlementaire. (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est honteux !

M. le président.  - Je vais accorder cinq minutes de suspension de séance. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

J'ai été saisi d'une demande de priorité, que j'ai ordonnée.

En vertu de l'article 46 bis alinéa 2, je dois aussi consulter le Sénat sur la demande d'examen séparé.

La disjonction est acceptée.

M. le président.  - L'adoption de cet amendement n° 2132 ferait tomber une soixantaine d'amendements. (Brouhaha à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est le but !

M. David Assouline.  - Rien que cela !

M. le président.  - Il s'agit des amendements identiques de suppression, du n°301 au n°3790, ainsi que des amendements nos44 rectifié, 2369 rectifié, 2637 rectifié, 3436 rectifié, 3823, 430 rectifié, 43 rectifié, 2366 rectifié, 2639 rectifié bis, 3352, 3136 et 3922 rectifié.

Après l'examen de l'amendement n°2132, nous reprendrions à l'amendement n°3308.

Mme Monique Lubin.  - C'est scandaleux !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Rappel au Règlement ! L'article 46 bis dit très clairement que les amendements doivent être examinés en commençant par les amendements de suppression. Or vous nous dites que l'adoption de l'amendement de la commission ferait tomber les amendements de suppression. Il y a bien là une distorsion du Règlement.

M. Roger Karoutchi.  - C'est faux !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - M. Karoutchi le conteste, mais je connais bien sa façon de procéder, depuis le temps !

Il y va de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire, sur lesquels nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. Christian Cambon.  - On le sait !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'amendement, qui ne figurait pas dans notre liasse, vient tout juste d'être distribué. Nous n'avons aucune visibilité sur le périmètre de la discussion. Comment un amendement à l'alinéa 4 de l'article 9 peut-il faire tomber des amendements de suppression ? Sur ce point, nous contestons la demande de réorganisation du débat.

M. Xavier Iacovelli.  - Elle a été décidée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je remercie la présidence de nous accorder 5 minutes, mais une suspension de 30 minutes serait plus raisonnable. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - L'article 46 bis du Règlement dit bien « sauf décision du Sénat sur proposition de la commission saisie au fond ». C'est le cas en l'espèce. C'est une pratique constante dans notre assemblée. Il n'y a pas d'ambiguïté sur le Règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Je suspends la séance pour dix minutes. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Patrick Kanner applaudit.)

La séance, suspendue à 22 h 05, est reprise à 22 h 15.

M. Guillaume Gontard.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 44 bis, relatif à la sincérité des débats. J'ai clairement demandé la parole avant la suspension, monsieur le président : vous ne me l'avez pas accordée, alors qu'elle est de droit.

Je souhaite que la commission nous explique précisément pourquoi cet amendement fait tomber les nôtres. C'est un sujet constitutionnel. Remettons du sérieux dans nos travaux : depuis deux jours, c'est n'importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Nous déposons des amendements sur le fond, sur les risques professionnels. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Soixante amendements identiques !

M. Guillaume Gontard.  - Connaissez-vous seulement le nombre de risques professionnels qui existent ? Nous voulons travailler au fond. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli.  - Et nous, aller au bout ! (M. Michel Dagbert renchérit.)

M. Guillaume Gontard.  - Nos débats ne sont absolument pas sérieux ou sincères. Donnez-nous des explications claires, revenons à la sérénité. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. le président.  - J'avais été saisi d'une suspension de séance, et j'avais annoncé que je l'accordais. C'est pourquoi je ne vous ai pas immédiatement donné la parole, ni au président Laurent qui la demandait également.

J'ai précisé quels amendements tomberaient, c'est assez clair. (Protestations à gauche)

M. David Assouline.  - Mais expliquez pourquoi !

M. Éric Kerrouche.  - Rappel au Règlement. Nous savons tous lire, même si vous semblez en douter...

M. Jean-François Husson.  - Ce n'est pas au niveau.

M. Éric Kerrouche.  - Calmez-vous, ça va bien se passer...

M. Jean-François Husson.  - Ne soyez pas pédant !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Assez !

M. Éric Kerrouche.  - Nous avons besoin d'explications. Selon l'article 46 bis du Règlement, les amendements de suppression sont prioritaires. Pourquoi la demande de priorité sur l'amendement n°2132 fait-elle tomber les amendements de suppression de l'article ?

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - C'est évident !

M. Éric Kerrouche.  - La question n'est pas extravagante. Si vous avez la réponse, donnez-nous-la ! Ce n'est pas parce que vous êtes juridiquement majoritaire que vous avez politiquement raison. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; rires sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier.  - Il l'a fait !

M. Pierre Laurent.  - Rappel au Règlement sur la base de l'article 46 bis. La commission et la droite sénatoriale ont déclenché une énième manoeuvre procédurale sur un article clé du texte. (Marques d'ironie à droite) L'article 9 est très important pour les organisations syndicales, et vous voudriez faire tomber des dizaines d'amendements sur cette question essentielle pour les travailleurs.

M. Jean-François Husson.  - Et les travailleuses !

M. Pierre Laurent.  - Bien sûr, l'appel en priorité est un droit de la commission. Mais même la direction de la séance, qui fait un travail formidable, a du mal à suivre, car vous cachez vos procédures.

M. Jean-François Husson.  - Et vous ?

M. Pierre Laurent.  - Il y a de l'insincérité dans la manière dont vous désorganisez sciemment les débats pour nuire à leur qualité. (M. Xavier Iacovelli s'impatiente.) Vous ne justifiez à aucun moment vos décisions. (Marques d'impatience à droite ; Mme Céline Brulin proteste contre l'interruption de l'orateur.)

M. Rémi Féraud.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis, selon lequel le Gouvernement et les sénateurs ont le droit de présenter des amendements et sous-amendements, « recevables s'ils s'appliquent effectivement au texte qu'ils visent et, en première lecture, s'ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion. »

Nous avons découvert l'amendement proposé par la commission, maintenant qu'il a été distribué.

Il est intéressant, mais succinct : à l'alinéa 4, alinéa 5, deuxième phrase, et alinéa 10, après la référence « 1° » insérer les mots : « et au a du 2° » ; à l'alinéa 7, remplacer les mots « aux 1° » par les mots « au 1° et au a du 2° » (Rires à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est fondamental !

M. Jean-François Husson.  - Il sait lire !

M. Rémi Féraud.  - Cet amendement change-t-il l'esprit de l'article 9 ? À l'évidence, non. À voir l'empressement à préciser les 70 amendements que son adoption rendrait sans objet, on peut se demander si ce n'était pas le but de la commission des affaires sociales.

M. Patrick Kanner.  - Cela y ressemble !

M. Rémi Féraud.  - Un amendement appelé en priorité doit avoir pour but de clarifier nos débats, non de le perturber. Il faut revoir l'ordre de notre examen. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Breuiller.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis.

La qualité d'une démocratie se mesure au traitement réservé aux minorités. La commission s'honorerait à détailler les motifs de sa demande de priorité. Nous traitons de l'usure professionnelle, de la pénibilité, qui concernent des millions de nos concitoyens. Notre débat doit être d'une meilleure qualité que celle annoncée par cette procédure. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Laurence Cohen.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis.

Nous contestons la priorité demandée pour l'amendement de M. Savary. Le principe de la disjonction est reconnu par le Sénat pour les amendements de suppression, qui sont toujours discutés avant les autres.

Il a été très difficile pour nous de se retrouver dans le méli-mélo qui a suivi la demande de priorité.

Comme tout le monde, nous avons tenté d'étudier les amendements lors de la suspension de séance - je remercie d'ailleurs le président de séance de l'avoir accordée ; heureusement qu'il n'a pas écouté certaines travées, alors que plusieurs de nos collègues n'avaient même pas encore l'amendement sous les yeux.

Nous avons demandé à plusieurs reprises pourquoi l'adoption de cet amendement en ferait tomber tant d'autres, car ce n'est pas logique. Je demande une réunion de la commission des affaires sociales pour clarifier les choses. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Nous aurions réuni la commission si l'amendement avait été réécrit. Or il a déjà été examiné en commission.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Mais il n'était pas dit qu'il en ferait tomber tant d'autres !

M. David Assouline.  - Rappel au Règlement. Nous venons d'entendre un aveu : vous voulez écourter nos débats, et nous empêcher de défendre nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Je vous avertis, chers collègues de la droite : vous êtes plus que nous tributaires de la fonction remplie par cette chambre, parce que vous la dirigez. Vous faites une chose que vous n'avez jamais osé faire jusqu'à présent.

M. Bruno Retailleau.  - L'obstruction, c'est vous !

M. David Assouline.  - Vous vous êtes mis dans une seringue. Lors du débat de 2010 sur les retraites, vous n'avez jamais utilisé ces procédures, et au terme, il y a eu un vote. La mobilisation de l'article 47-1 fixe un délai (on proteste à droite, arguant qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement) ; mais au lieu de le contester, vous avez accepté de soumettre le Sénat à la volonté de l'exécutif. (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)

M. Claude Raynal.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis.

Avec cette manoeuvre, vous faites tomber 70 amendements, empêchant 70 prises de paroles sur le sujet qui nous intéresse. Mais vous les remplacez par 70 rappels au Règlement, qui sont de droit. (On rejette à droite la faute sur la gauche.)

Nous aurions préféré un débat de fond. Vos méthodes ne sont pas sérieuses, il faudrait revenir à plus de calme.

D'amendement en amendement, vous affirmez que les articles importants sont le 7, le 8, le 9 et le 10. Mais dès qu'on y arrive, vous abrégez la discussion. Ce n'est pas possible ! (« Bravo ! » et applaudissements à gauche)

M. le président.  - Après les amendements qui tomberaient, il en resterait malgré tout 140 à examiner sur l'article.

M. Jean-François Husson.  - Commençons à travailler !

M. Thomas Dossus.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. L'examen de ce texte est déjà contraint par le 47-1, péché originel qui l'entache. Le Gouvernement vous a suivi en utilisant le même véhicule législatif que vous préconisez chaque année.

Vous avez l'article 38, que vous activez. Autre levier : la réécriture, via un amendement anecdotique. Nos amendements de suppression ont la même valeur, et nous devrions pouvoir en discuter. En meurtrissant le droit d'amendement des parlementaires, vous fragilisez le texte. (M. Jérôme Durain le confirme.) Vous êtes en train d'inventer un 49.3 sénatorial.

Vous voulez faire travailler les Français deux ans de plus, mais vous rechignez à travailler ce weekend. (Applaudissements amusés à gauche ; protestations à droite)

Mme Céline Brulin.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis également. Lorsque la priorité est donnée à certains amendements dans notre débat, c'est pour la clarté de celui-ci ; neuf fois sur dix, elle fait consensus. Quelle cohérence y a-t-il à étudier prioritairement cet amendement qui vise à inclure les agents chimiques dans le fonds de prévention de l'usure professionnelle, plutôt que des amendements qui portent sur la différence entre l'usure, caractéristique individuelle, et la pénibilité, caractéristique d'un métier, ou qui proposent d'associer les partenaires sociaux aux discussions sur ce fonds ? (M. Emmanuel Capus proteste.)

Quelle priorité y a-t-il à faire tomber l'amendement de M. Canévet qui laissait la main à la branche AT-MP pour le fonctionnement de ce fonds ? La seule justification semble être de faire tomber le maximum d'amendements. Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre !

Monsieur Savary, depuis le début vous dites vouloir débattre de l'article 9 : débattons-en !

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Dans les débats juridiques, il me semble - même si je ne suis pas juriste - qu'il y a le fond et la forme. Ces artifices de forme me semblent plutôt relever du tapis vert.

En quoi exhumer l'amendement n°2132 fait-il tomber les autres amendements ? Sans doute prétendez-vous que si nous discutons d'un amendement au fond, nous reconnaissons que l'article n'a pas été supprimé et ne peut plus l'être ? Nous avons tous besoin de comprendre !

M. Ronan Dantec.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Un amendement faisant tomber les autres restructure le débat. « Alinéa 4, alinéa 5, deuxième phrase, et alinéa 10, après la référence : 1°, insérer les mots : et au a du 2° » ? Ce n'est pas sérieux ! Ayons un débat sur ce sujet central de l'usure professionnelle.

Le ministre aurait pu annoncer qu'inspiré par M. Patriat, il lançait dès aujourd'hui une filière de production d'exosquelettes.... (Sourires à gauche)

M. Jean-François Husson.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Ronan Dantec.  - Il n'est pas possible de débattre exclusivement sur un changement d'alinéa. Nous souhaitons débattre de l'avenir des Français.

M. Jean-François Husson.  - Allons-y !

M. Ronan Dantec.  - Les Français nous regardent ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Emmanuel Capus proteste.)

M. Guy Benarroche.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Pourquoi de telles procédures ? La raison en est simple : vous ne voulez pas débattre pour améliorer le texte, mais le voter sans discussion. (M. Emmanuel Capus proteste.) Je vous en prie, cher collègue, demandez la parole ! (M. Jean-François Husson proteste.) Je ne vous entends pas d'aussi loin.

Votre stratégie cachée nuit à la sincérité des débats. Vous n'argumentez même pas ! Expliquez-nous au moins pourquoi certains amendements ne peuvent plus être discutés.

M. Alain Richard.  - Puisque nous discutons Règlement et procédure législative... (M. Claude Raynal, Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Éric Kerrouche demandent sur la base de quel article l'orateur fonde son rappel au Règlement.) Je me fonde sur l'article 44 bis. Si nous nous interrompons à chaque syllabe, ce n'est plus un débat démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. David Assouline.  - Vous devriez parler plus souvent !

M. Alain Richard.  - Lorsque nous avons une discussion commune, sont mis en discussion les amendements portant sur les mêmes éléments du texte et dont l'adoption serait contradictoire.

M. David Assouline.  - Ce n'est pas le cas ici.

M. Alain Richard.  - C'est exactement la même chose, et c'est une question de logique, comme l'a dit M. Houllegatte : en adoptant l'amendement n°2132, le Sénat adopterait une rédaction de l'article et donc écarterait les amendements de suppression. (Mme Éliane Assassi proteste.) Ce n'est pas une grande découverte !

Mme Monique Lubin.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis. Les amendements que vous repoussez correspondent à l'esprit de l'article et du texte.

En 2017, le Gouvernement s'est empressé de supprimer les critères de pénibilité que nous avions introduits dans la loi. Nous avons de bonnes raisons de ne pas vous faire confiance...

Après avoir voté un allongement de la durée de travail et des dispositifs carrières longues qui n'améliorent rien, les salariés attendent de nous que nous soyons très convaincants sur cet article 9. Monsieur Savary, je vous ai entendu vous inquiéter de l'examen des articles 7 et 9...

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Je m'en inquiète encore !

Mme Monique Lubin.  - Les salariés concernés ont le droit d'être protégés. Nous demandons à travailler sur cet article. (Mme Françoise Gatel proteste.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. En demandant la suppression de l'article 9, nous voulons prendre du champ, pour prendre en considération toutes les implications de l'article 7. Le compte y est-il concernant les mesures d'accompagnement ? Vous nous empêchez de donner du sens à nos futurs votes.

Environ 10 % de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40, 90 % au titre de l'absence de lien, direct ou indirect, ce qui était faux.

Là, vous écartez encore des amendements par lesquels nous voulions exprimer notre position. Le compte n'y est pas ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Yan Chantrel.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Vous avez commencé à utiliser ces procédés depuis les manifestations massives de mardi... (Soupirs à droite)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Et vous, vous pratiquez de l'obstruction massive !

M. Yan Chantrel.  - Plus nous parlons du fond, plus cela vous dérange, car des sénateurs de vos groupes se rétractent - et cela ne fait que commencer ! (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.)

Cet article 9 est, avec l'article 7, l'un des plus injustes.

M. Christian Cambon.  - N'importe quoi !

M. Yan Chantrel.  - Laissez aux Français le droit d'en débattre, au lieu de fouler le Parlement ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)

M. Xavier Iacovelli.  - Et vous, vous l'humiliez !

M. Vincent Éblé.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis. Je donne lecture de son deuxième alinéa : « Les amendements sont mis aux voix dans l'ordre ci-après : les amendements de suppression et ensuite les autres amendements en commençant par ceux qui s'écartent le plus du texte proposé et dans l'ordre où ils s'y opposent, s'y intercalent ou s'y ajoutent. Toutefois, lorsque le Sénat a adopté une priorité ou une réserve dans les conditions fixées à l'alinéa 6 de l'article 44, l'ordre de mise aux voix est modifié en conséquence. Lorsqu'ils viennent en concurrence, et sauf décision contraire de la Conférence des Présidents ou décision du Sénat sur proposition de la commission saisie au fond, les amendements font l'objet d'une discussion commune, à l'exception (l'orateur accentue cette fin de phrase) des amendements de suppression et de rédaction globale de l'article ». (M. Roger Karoutchi se frappe le front en signe de consternation.)

Nous contestons formellement que la décision de priorité fasse disparaître les amendements de suppression, qui doivent être étudiés en premier lieu. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - C'est n'importe quoi !

M. Henri Cabanel.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis.

Cet article 9 portant sur la pénibilité est très important. Je suis aussi surpris de la demande de priorité et de ses conséquences sur de nombreux amendements. (Marques de satisfaction à gauche) J'aurais aimé que la majorité sénatoriale nous explique ce processus.

Je le dis sans polémique : nous aussi, nous avions déposé des amendements que la demande de priorité nous empêche de défendre. Mais il faut bien reconnaître que la série de 55 amendements identiques était exagérée pour la sérénité des débats... (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Nous ne sommes plus dans le débat. Le RDSE, quant à lui, veut aller au bout du texte (M. Claude Kern applaudit), jusqu'à dimanche minuit s'il le faut. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; protestations à gauche)

Mme Michelle Meunier.  - C'est mon premier rappel au Règlement ; je me fonde sur l'article 44 bis.

Que vient faire cette affaire de disjonction dans le débat ? Quel sens a-t-elle concernant l'article 9 ? Nous attendons des réponses sur le fond, non sur la forme.

M. Pierre Ouzoulias.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis, en complément de l'argumentaire de M. Éblé. Vous voulez supprimer des amendements de suppression.

M. Roger Karoutchi.  - Pas vous, monsieur Ouzoulias !

M. Pierre Ouzoulias.  - Une question de pure logique : comment fait-on pour supprimer des amendements de suppression d'un article ? Supprimez l'article, et on ira beaucoup plus vite. (Rires et applaudissements sur quelques travées des groupes CRCE et SER)

M. Jacques Grosperrin.  - Vous devenez ridicules !

M. Daniel Salmon.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis.

Vous enjambez la question de la pénibilité, de l'usure au travail. Or de plus en plus, les Français s'interrogent sur le sens du travail et sur leurs conditions de travail.

Cet article 9 était le moment adéquat pour en débattre ; mais les travailleurs des industries agroalimentaires, les tâcherons du bâtiment ne vous intéressent pas - votre seul objectif est d'accélérer les débats.

Le bruit, les travaux répétitifs, le froid, la chaleur, l'humidité, les pressions physiques ou psychiques - vous n'en avez cure. Les débats ne sont pas sincères. Reprenez-vous ! (Applaudissements sur quelques travées du GEST)

M. Daniel Chasseing.  - La loi Touraine de 2014, qui prévoit 43 ans de cotisation, fait consensus. Les personnes ayant commencé à travailler à 21 ans pourront prendre leur retraite à 64 ans.

Cela doit s'accompagner d'une meilleure prise en compte de la pénibilité : c'est le coeur de l'article 9. Il faut améliorer le C2P, le temps partiel ; les branches doivent négocier sur l'exposition des salariés aux facteurs de risques, les formations, le départ anticipé... Nous aurions pu avoir une négociation avec les partenaires sociaux.

Cet article apporte des éléments très constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Rappel au Règlement au titre de l'article...

M. René-Paul Savary, rapporteur.  -  36 15 !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cela vous fait rire ? (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - C'est bien de la mélenchonisation !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Madame la présidente Deroche, vous n'avez pas compris la demande de Mme Cohen. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Pemezec.  - Bien sûr, nous sommes stupides !

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Mme Cohen demande légitimement une réunion de la commission des affaires sociales. Ces 70 amendements étaient recevables. Vous usez de tous les artifices pour nous empêcher de défendre nos amendements de suppression. Cela nous aurait pris deux heures et demie, or nous discutons depuis déjà plus d'une heure...

M. Jérôme Durain.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. L'explication de la disjonction est insatisfaisante.

Autre question plus naïve : la procédure a été enclenchée à 21 h 54 ; tous les auteurs des amendements de suppression n'étant pas dans l'hémicycle, vous n'aurez rien gagné dans cette affaire : nous venons de passer une heure à parler de la forme, et non du fond.

Celui qui prétendrait que les trois groupes de gauche n'ont pas travaillé le fond ne rendrait pas justice à notre travail. (Applaudissements à gauche)

M. Patrick Kanner.  - Nous sommes nombreux à avoir beaucoup d'heures de vol... (Sourires)

Une voix à droite.  - Certains plus que d'autres !

M. Patrick Kanner.  - Mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a peu de perdreaux de l'année. Je vois en revanche beaucoup d'arroseurs arrosés, notamment à droite... Si vous voulez nous brider, nous avons les moyens de prendre la parole malgré vous. Si vous pensez que nous allons plier le genou, mettre notre robe de bure et nous présenter la corde au cou, vous vous trompez !

M. Roger Karoutchi.  - Vous allez y être contraints !

M. Patrick Kanner.  - Nous avons, vous avez des choses à dire.

Cet amendement est intéressant, mais il n'est pas cardinal ; il n'a aucune raison d'être positionné avant les amendements de suppression.

Vous faites fausse route. Montrez plutôt que la Haute Assemblée peut défendre les travailleurs. (Applaudissements à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Bravo !

M. Jean-François Husson.  - Pour l'instant c'est l'inverse !

M. Jacques Fernique.  - Rappel au Règlement sur le fondement des articles 46 bis et 36. Vous découvrez, et nous découvrons aussi que les rappels au Règlement sont illimités. Vous tentez de raccourcir nos débats sur le fond en ouvrant les vannes des débats sur la procédure. Mesurez-en les avantages et les inconvénients. Nous vivons une période assez inédite.

Avançons sur le fond. Le carrosse se transformera peut-être en citrouille dimanche à minuit. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-François Husson.  - Il ne tient qu'à vous ! Parlez moins et agissez plus !

M. Jean-Luc Fichet.  - Nous exprimons le fond de nos pensées.

Depuis le début, nous butons sur la pénibilité. Le Président de la République a supprimé les quatre critères les plus importants. Vous avez reculé l'âge de départ de 60 à 62 ans pour les personnes handicapées.

Ce soir, à l'article 9, nous pouvions discuter de la pénibilité, et vous faites tomber nos amendements.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Il en reste 140 !

M. Jean-Luc Fichet.  - C'est très révélateur de votre perception du travail. Je connais l'irrecevabilité au titre de l'article 40. Mais ce n'est pas le cas : nos amendements ne proposent pas de nouvelles dépenses. Ils abordent un débat de fond.

M. Rémi Cardon.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 42 bis. Alors que nous devrions parler de la pénibilité, chers collègues, vous devenez pénibles. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Quel bon mot !

M. Rémi Cardon.  - J'ai compris que ce soir, vous vous étiez convertis au macronisme. Macron avait dit qu'il ne voulait pas employer le mot de pénibilité pour ne pas donner l'impression que le travail était pénible, en 2019.

Je suis inquiet de votre comportement : jouez-vous au bonneteau ? Vous tentez de changer des règles, alors que la réforme des retraites est déjà difficile pour les Français. Ressaisissez-vous !

M. le président.  - Nous passons aux prises de parole sur article.

Paroles sur l'article 9

Mme Raymonde Poncet Monge .  - L'article crée un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle.

Usure professionnelle plutôt que pénibilité au travail : mots du pouvoir, pouvoir des mots...

Nous répondons par des chiffres de la chercheuse Dominique Méda : 8,5 % des cancers sont d'origine professionnelle ; l'emploi de plus de 43 % des Français implique de déplacer des charges lourdes ; 57 % des Français travaillent dans des postures douloureuses ou fatigantes ; 2 millions de salariés sont exposés à au moins un agent cancérogène ; il existe 11 ans d'écart d'espérance de vie entre ouvriers et cadres. À quand une réforme des retraites dont l'espérance de vie en bonne santé serait le paramètre central ?

Depuis 2017, il y a eu 719 morts au travail : la Confédération européenne des syndicats (CES) donne comme objectif zéro mort au travail en 2030.

L'usure, ce sont les corps qui s'usent par le travail. La pénibilité, ce sont les métiers qui sont pénibles.

Mme Corinne Féret .  - Ce soir, j'ai honte : vous empêchez le débat sur un sujet essentiel de cette réforme, la pénibilité, que des milliers de salariés éprouvent au quotidien.

J'ai honte pour le Sénat. Mais vous ne pourrez m'empêcher de parler. Le droit à la retraite est une grande conquête sociale. Nous ne pouvons l'aborder sans parler des conditions de travail. Certains métiers sont dangereux, pénibles, mais le Gouvernement préfère parler d'usure professionnelle. La pénibilité porte sur les conditions de travail - c'est une responsabilité collective - alors que l'usure porte sur le corps - c'est une responsabilité individuelle. Nous n'avons pas les mêmes valeurs.

Par ordonnance, l'exécutif a supprimé quatre des dix critères du compte de prévention : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l'exposition aux produits chimiques. Nous avons déposé un amendement pour réintroduire ces éléments, mais ce PLFRSS ne nous permet pas de débattre des vrais enjeux, et il a été déclaré irrecevable. (Marques d'impatience à droite ; M. Laurent Burgoa tape sur son pupitre ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Un grand auteur a confié qu'« au fur et à mesure que l'épreuve de l'usine avance, il faut puiser au plus profond de ses ressources pour pouvoir continuer à tenir, et on se raccroche à tout ce qui peut nous faire tenir. » Non, ce n'est pas un auteur du XIXe ou du XXe siècle qui le dit, mais, il y a trois ans, le défunt Joseph Ponthus, auteur d'À la ligne.

Vous n'avez de cesse de segmenter les hommes et les femmes de ce pays, entre les supposés privilégiés relevant des régimes spéciaux et les autres. Ce constat s'applique jusque dans vos choix sémantiques : non plus chaîne, mais ligne, non plus pénibilité mais usure. Cette euphémisation est symptomatique de votre déconnexion de la dure réalité du travail et d'un certain mépris de classe.

M. Xavier Iacovelli.  - Sérieusement ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est très dur de travailler à l'usine. Le surcoût de la rente d'invalidité sera de 1,8 milliard d'euros en cas de recul de deux ans de l'âge de départ, mais le fonds ne sera doté que de 250 millions d'euros. Alors que la pénibilité devrait être un sujet central, le Gouvernement n'y consacre qu'un article secondaire. C'est largement insuffisant ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je rappelle qu'il n'est donné la parole, sur l'article, qu'à un orateur par groupe.

M. Patrick Kanner.  - Et la droite alors, elle ne s'exprime pas ?

M. Jean-François Husson.  - Écoutez le rapporteur !

M. le président.  - Amendement n°2132, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales.

I.  -  Alinéa 4, alinéa 5, deuxième phrase, et alinéa 10

Après la référence :

1° 

insérer les mots :

et au a du 2° 

II.  -  Alinéa 7

Remplacer les mots :

aux 1° 

par les mots :

au 1° et au a du 2° 

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Je m'impatientais d'avoir la parole... Vous m'avez demandé des explications. On récolte ce que l'on sème. (Exclamations à gauche) La semaine dernière, vous n'avez pas tenu vos engagements.

M. Éric Kerrouche.  - Quels engagements ? Qu'est-ce que cela signifie ?

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Demandez à vos présidents de groupe, ils savent de quoi je parle... (Marques d'étonnement à gauche) Tenez vos engagements : vous aviez noué des accords pour travailler dans de bonnes conditions. Il était convenu que nous irions au bout du texte.

Mme Monique Lubin.  - Nous voulons aller jusqu'au bout !

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Face à tous ces amendements de suppression, j'ai demandé à Mme la présidente de la commission la priorité sur cet amendement.

Pourquoi ? Parce que les agents chimiques ne sont pris en compte ni dans le C2P ni dans le fonds d'investissement. C'est un point de divergence avec le Gouvernement et je veux que nous puissions en discuter. Il ne faudrait pas que cette amélioration sur la pénibilité soit manquée parce que nous n'aurions pas achevé l'examen du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

La commission a souhaité, à la demande des syndicats, que l'on prenne des mesures de prévention vis-à-vis des agents chimiques. On ne pense pas aux fumées, aux poussières inhalées par les travailleurs exposés, qui méritent d'être prises en compte, plutôt par la prévention que par la réparation.

Ce fonds d'investissement n'est réservé qu'à la prise en compte des troubles ergonomiques. Certains points sont plus faciles à évaluer dans le cadre du C2P que d'autres. La moitié des accidents du travail et 80 % des maladies professionnelles sont liées à ces facteurs ergonomiques : ce dispositif est donc une amélioration.

Dans le cadre du C2P, les activités partielles avant la retraite seront plafonnées, pour que les personnes exposées puissent achever leur carrière de façon progressive. C'est une mesure de prévention, plus importante que la mesure de protection actuelle. La sortie précoce actuelle n'est pas un service que l'on rend aux travailleurs !

Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que nos propositions soient prises en compte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président.  - Je suspends la séance pour réorganiser les débats.

La séance, suspendue à 23 h 15, reprend à 23 h 35.

M. le président.  - Je suis saisi des sous-amendements nos5500 à 5654, publiés sur le dossier législatif en ligne.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Hier soir, j'ai souvenir que le dérouleur affichait 1 037 amendements restant en discussion. Ce matin, nous étions à 1250. (Protestations à gauche) Cela signifie que plus de 200 amendements ont été déposés pendant la nuit.

Aujourd'hui nous avons débattu et adopté nombre d'amendements, mais le dérouleur continue de s'allonger.

M. Patrick Kanner.  - Une nuit sans fin !

M. Hussein Bourgi.  - C'est la productivité. (Sourires ; plusieurs membres du groupe Les Républicains demandent le silence)

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Certains sous-amendements, portant sur des demandes de rapport, proposaient une remise le 2, le 3, le 4 avril, et ainsi de suite, au lieu du 1er... (Mme Annie Le Houerou le conteste.)

Sur cet amendement n°2132, il y a 150 sous-amendements.

M. Guillaume Gontard.  - Je demande la parole !

Mme Sophie Primas.  - Laissez le ministre parler !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Depuis quelques jours, je me perfectionne sur le Règlement du Sénat. La parole du Gouvernement est libre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)

Un grand nombre d'amendements font le tour du dictionnaire des agents chimiques de France. C'est de l'obstruction, du blocage : nous en sommes à 5 800 amendements déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe UC, du RDPI et du groupe INDEP)

M. David Assouline.  - C'est la réponse du berger à la bergère !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - C'est une vis sans fin. Vous voulez que le Sénat soit privé de sa capacité à voter sur le texte (protestations à gauche). Vous opposez la légitimité de la rue à la légitimité du Parlement. (Les protestations redoublent.) Nous croyons à la légitimité du Parlement. (Vives protestations à gauche)

Certains sénateurs ont recouru à des articles du Règlement du Sénat. Vous avez tous reconnu que si l'opposition pouvait utiliser certains articles du Règlement, la majorité le pouvait aussi, pour s'assurer du bon déroulement du débat.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Il se trouve que le Gouvernement aussi. En application de l'article 44 alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement s'oppose à l'examen des sous-amendements à l'amendement n°2132 non soumis à l'examen de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP et du RDSE)

M. David Assouline.  - Scandale !

M. le président.  - Conformément à l'article 44 alinéa 2 de la Constitution et 46 bis du Règlement, madame la présidente, confirmez-vous que ces amendements n'ont pas été soumis à la commission avant ouverture du débat ?

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Bien évidemment.

M. le président.  - Dans ces conditions, ces sous-amendements ne peuvent être examinés. Avis du Gouvernement sur l'amendement n°2132 ?

Plusieurs voix à gauche.  - Rappel au Règlement !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Le Gouvernement partage pleinement la préoccupation de la commission sur la prévention des risques chimiques. L'inspection du travail fait respecter au quotidien les obligations de supprimer l'exposition aux agents les plus dangereux.

Le quatrième plan Santé au travail, qui renforce la prévention sur les risques chimiques, les conventions d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP sont des outils.

Quelque 22 000 substances sont enregistrées au niveau européen. Des millions de salariés français sont concernés.

Le Gouvernement est extrêmement réservé sur l'extension du financement du fonds d'investissement aux agents chimiques. La meilleure prévention, en la matière, ce sont les normes et les interdictions.

Les employeurs ont une obligation de protection individuelle et collective. Le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle ne doit pas financer des équipements individuels qui doivent être fournis par l'employeur. Éventuellement, il pourrait financer de la formation.

C'est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, même si je sais que ce débat continuera dans le cadre de la navette parlementaire.

Mme Éliane Assassi.  - Rappel au Règlement sur l'article déjà utilisé.

Après l'annonce du ministre, j'ai du mal à être sereine. Nous ne sommes pas surpris. Vous êtes très prévisible avec ce recours à l'article 44.2, et pourquoi pas demain au 44.3...

Nous ne sommes pas dupes ; nous sommes prêts !

Après la majorité sénatoriale qui a utilisé quasiment toutes les procédures du Règlement ...

M. Roger Karoutchi.  - Pas assez !

Mme Éliane Assassi.  - ... C'est au tour du Gouvernement de nous bâillonner.

Que dire ? Ce que vous faites ce soir est un signe de faiblesse politique, et de fébrilité du Gouvernement. Celui-ci sait que sa réforme est majoritairement rejetée, par notre opposition sénatoriale et dans tout le pays, car elle est injuste.

C'est un coup de force coorganisé qui rejaillit dans les mobilisations qui auront lieu samedi. (Applaudissements à gauche)

M. Guillaume Gontard.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. C'est la deuxième fois que je demande un rappel au Règlement avant la suspension, et qu'on ne me donne pas la parole.

M. le président.  - Vous l'avez eue la première fois.

M. Guillaume Gontard.  - Monsieur le rapporteur, vous prétendez qu'on ne respecte pas un accord. Mais lequel ? Je n'ai signé aucun accord.

Plusieurs sénateurs sur les travées du groupe Les Républicains.  - Et votre parole ?

M. Guillaume Gontard.  - Aucun accord, remettons les choses au clair. Sinon, ce serait effectivement grave ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier.  - C'est grave !

M. Guillaume Gontard.  - Redescendez sur terre pour reprendre un débat parlementaire sérieux.

Monsieur le ministre, vous déplorez que nous n'avancions pas et que le nombre d'amendements restant à examiner augmente. Mais je constate que depuis le début, jusqu'à l'article 7, on a débattu sérieusement. (On en doute à droite.)

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Vous avez monologué !

M. Guillaume Gontard.  - Ce n'est pas moi qui le dis : tout au long de la semaine, les médias ont loué le travail sérieux et serein du Sénat. Puis il y a eu la triste nuit du 7 au 8 mars, qui restera dans la mémoire du Sénat. Vous avez voulu aller plus vite que la musique et nous censurer. (On s'impatiente à droite, faisant signe que le temps de parole est épuisé.)

Vous n'avez pas d'autre choix... (M. Emmanuel Capus frappe son pupitre ; tumulte sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Le temps est écoulé.

(Applaudissements à gauche)

M. Yan Chantrel.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. À partir de l'article 7, quand plus d'un millier de nos amendements ont été supprimés, nous avons déposé des sous-amendements pour pouvoir débattre.

Monsieur le ministre, le débat parlementaire est difficile pour vous au Sénat, où il n'y a pas de 49.3.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - C'est difficile entre vous !

M. Yan Chantrel.  - Vous ne pouvez pas brutaliser le Sénat comme vous brutalisez l'Assemblée nationale.

Pendant la suspension de séance, nous avons vu le ministre et M. Retailleau quitter l'hémicycle ensemble. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - C'est un rappel au Règlement, ça ?

M. Yan Chantrel.  - La droite, avec le Gouvernement, a décidé d'utiliser cet article de la Constitution contre sa propre assemblée. Les Français ne pourront plus être dupes. (Mme Sophie Primas proteste.) C'est clair et transparent.

Mme Sabine Van Heghe.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis.

Vous refusez le vrai débat sur la pénibilité, alors que c'est ce qu'attendent les salariés exposés. Il est plus facile d'éviter les débats que de les affronter courageusement.

C'est une démonstration de lâcheté et de mépris, contre les Français qui devront travailler deux ans de plus, et qui veulent que l'on se penche sur leurs conditions de travail. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

M. Patrick Kanner.  - Le parlementarisme rationalisé (M. Roger Karoutchi ironise), voilà la manière dont les rédacteurs de la Ve République ont voulu mettre le Parlement sous une forme de contrôle. Cela a été modifié par la réforme Sarkozy en 2008, il faut le noter.

Vous utilisez l'article 44.2, mais vous auriez pu utiliser le 44.3 de la Constitution, c'est-à-dire le vote bloqué, pour arrêter les débats. C'était clair et net.

Mme Éliane Assassi.  - Oui !

M. Patrick Kanner.  - Peut-être est-ce la prochaine étape, que vous envisagez sans nous le dire ? Une gradation ascendante pour nous empêcher de faire notre travail : vous apporter la contradiction sur cette réforme. Une coalition - c'est si évident - s'est formée entre la droite sénatoriale et la droite élyséenne.

Sans désemparer, nous continuerons à défendre nos arguments, avec conviction, vigueur et détermination. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Breuiller.  - Rappel au Règlement au titre de l'article 44 bis.

Le Gouvernement a choisi de contraindre les débats par l'article 47-1 et le véhicule d'un texte financier, puis par un nouvel article constitutionnel pour contraindre le Sénat. C'est son droit le plus strict.

Nous avons tous contesté, sur toutes ces travées, ce choix législatif qui ne nous accorde ni la durée, ni l'ampleur du débat nécessaire. Pourtant, chers collègues, vous vous en êtes accommodés.

La valeur d'une démocratie se mesure au respect à l'égard de ses minorités ; ce respect manque.

M. Roger Karoutchi.  - Ils parlent 70 % du temps !

M. Daniel Breuiller.  - Pourrons-nous voter d'ici dimanche ? Je n'en ai pas un désir extrême, étant opposé au texte. Mais qu'est-ce qui l'empêchera ? L'article 47-1, et non le débat parlementaire. (Applaudissements à gauche)

Il n'y aura aucun doute sur le vote. Si nous votons avant dimanche minuit, vous serez satisfaits. Et si nous ne votons pas, vous voterez après la CMP, il n'y aura aucun doute. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Bruno Retailleau.  - Depuis le départ, vous vous opposez farouchement à ce texte. (Plusieurs voix à gauche  répètent : « Quel article ? ») Ce n'est pas moi qui vais vous en faire le reproche.

Nous n'avons pas pour habitude de nous cacher : j'ai toujours dit que nous voulions cette réforme, mais modifiée. C'est pour ces modifications que nous voulons la faire aller à son terme.

M. David Assouline.  - Allez-y !

M. Bruno Retailleau.  - Je vous ai entendu protester que vous vouliez discuter du fond...

Plusieurs voix à gauche.  - Mais oui !

M. Bruno Retailleau.  - Vous ne voulez pas discuter du fond ! (Protestations à gauche) Car au rythme où nous allons, nous n'aurons pas le temps d'aborder la transition professionnelle, l'assurance vieillesse, des aidants, les jeunes volontaires, la revalorisation des petites retraites.

Je reconnais votre rapidité foudroyante à créer une machine à bloquer le débat, une machine à obstruction (protestations à gauche), qui repose à la fois sur des sous-amendements et sur des rappels au Règlement.

Bien sûr, il faut respecter les droits de la minorité. Mais j'exige...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - « J'exige » !

M. Bruno Retailleau.  - ... que ces droits ne viennent pas non plus s'imposer aux droits de la majorité. (Protestations à gauche)

Nous aurions tellement mieux fait de parler pénibilité que de rappels au Règlement... L'obstruction, c'est la maladie du parlementarisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC  et INDEP ; MM. Jean-Claude Requier et Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme Corinne Féret.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Monsieur le ministre, chers collègues de droite, que voulez-vous ? Nous empêcher de débattre ? De quoi avez-vous peur ?

Le Gouvernement ne veut pas entendre les millions de Français qui rejettent cette réforme. Une nouvelle fois, la majorité sénatoriale ne veut pas non plus entendre ceux qui s'opposent. (Marques d'ironie à droite)

Nous, nous voulons débattre.

M. Laurent Burgoa.  - Alors débattez !

M. Emmanuel Capus.  - On l'attend depuis le début !

Mme Corinne Féret.  - Nous avons des propositions concrètes qui enrichissent le débat et voulons vous dire pourquoi nous sommes contre.

Je vous le dis tout net : vous ne réussirez pas à nous décourager. Nous serons là demain, et après-demain s'il le faut, et dimanche jusqu'à minuit.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Nous aussi.

M. Didier Mandelli.  - Lundi matin !

M. David Assouline.  - Vous n'irez pas à la messe !

M. Éric Kerrouche.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 46 bis.

Alain Richard nous disait tout à l'heure que le droit était une logique. Non : le droit, je le dis en tant que politiste, est un outil - que vous utilisez ce soir contre la minorité.

Le Parlement français est l'un des plus faibles, au regard de ses pouvoirs constitutionnels, par rapport aux autres démocraties occidentales. Et vous concourez à l'infantiliser, à réduire son rôle. Vous, parlementaires, vous vous êtes mis dans la main du Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

On aurait pu faire les choses plus intelligemment...

Une voix à droite. - C'est vrai !

M. Éric Kerrouche.  - Maintenant, c'est l'équilibre de la terreur : à chaque fois que vous chercherez à nous marcher dessus, nous trouverons les moyens de vous contrer. Nous sommes portés par des millions de Français. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Iacovelli.  - Ils ne sont pas derrière vous !

M. Éric Kerrouche.  - Nous les représenterons, pour vous dire non ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis.

Monsieur Retailleau, le parlementarisme ne vient pas de naître... Ici, j'ai connu des batailles mémorables. Nous avions alors cinq minutes pour expliquer notre vote, pour présenter un amendement, pour prendre la parole sur un article.

M. René-Paul Savary, rapporteur.  - Heureusement que le Règlement a été modifié !

M. David Assouline.  - Lors de la réforme des retraites de 2010, nous avons eu plusieurs semaines de débat avec ce temps de parole. Et nous avons été au bout !

Le problème n'est pas de notre côté, M. Retailleau : c'est que le Gouvernement a limité le temps du débat avec le 47-1. Vous qui voulez aller au vote, vous avez accepté cette limitation. Parlementaires, vous auriez dû tempérer les volontés de l'exécutif de se passer du débat parlementaire ; mais vous avez décidé de devenir les supplétifs du Gouvernement ! (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Gatel.  - Arrêtez !

Mme Monique Lubin.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis.

Monsieur Retailleau, vous avez souligné votre respect des convictions des élus ; je vous en sais gré.

En tant que chef de file du groupe SER sur ce sujet des retraites, ce dossier me passionne. J'ai entraîné mon groupe, parce que, chevillée au corps, j'ai l'envie de défendre les gens modestes, avec lesquels je vis toujours (Mme Sophie Primas proteste) - n'y voyez nulle critique à votre endroit.

Je me suis engagée pour défendre ce à quoi je crois, ces salariés, et j'ai entraîné mon groupe dans ce combat.

Je vous le dis clairement : je voulais débattre de l'article 7. Vous nous avez quelque peu coupé les ailes, mais le débat a partiellement eu lieu ; nous avons eu ensuite une discussion de qualité sur l'article 8. Je veux maintenant aborder la suite. (M. Bruno Retailleau fait un geste de la main dénotant son scepticisme.)

Mme Sophie Primas.  - Ah non !

Mme Monique Lubin.  - Mais si ! Sans manoeuvre de votre part, nous aurions commencé à débattre. (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Henno.  - Avec gravité, j'irai un peu plus loin que M. Kerrouche : votre volonté d'opposition à la réforme est plus forte que notre volonté de la voter. (Plusieurs « ah ! » à gauche)

Mais il y a, pour nous, quelque chose de sacré : les institutions et le Sénat. (Protestations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

Vous jouez avec des allumettes !

Monsieur Kanner, vous êtes mal à l'aise car vous êtes dépassé par votre base radicale... (Vives protestations à gauche) Vous respirez le malaise. (Tumulte)

M. Mickaël Vallet.  - Et chez les centristes, on est à l'aise ?

M. Olivier Henno.  - Le Parlement, c'est le débat. Mais la différence, c'est que nous voulons débattre, mais aussi voter ! (Applaudissements à droite et au banc des commissions ; protestations à gauche)

Il y a toujours des arrière-pensées en politique. Vous vous dites que vous tirerez peut-être les bénéfices de cette crise (on se récrie vivement à gauche) mais c'est le populisme qui en tirera les bénéfices ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI et sur quelques travées du RDSE) C'est pour cela qu'il faut voter !

Plusieurs voix à gauche. - Oui, aux sénatoriales !

M. Pierre Laurent.  - Cela fait maintenant deux heures que nous attendons de pouvoir débattre de l'article 9. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jacques Grosperrin.  - La faute à qui ?

M. Pierre Laurent.  - Et nous allons y entrer par la petite porte avec cet amendement appelé en priorité, alors que la pénibilité est un sujet majeur.

Mme Sophie Primas.  - C'est pour cela que vous voulez supprimer l'article ?

M. Pierre Laurent.  - Deux heures de perdues à cause de la droite sénatoriale, de la commission, et du Gouvernement.

Monsieur le ministre, 5 238 amendements ont été déposés. Il en reste 1 126. Nous en avons examiné 80 %. (On conteste vivement ce calcul à droite.)

Mme Laure Darcos.  - Et vous allez en redéposer !

M. Pierre Laurent.  - Il nous reste trois jours et deux nuits pour en discuter.

M. Jean-François Husson.  - Tout est faux dans ce que vous dites.

M. Pierre Laurent.  - Au rythme où nous avançons, il n'y a aucune raison de penser que nous n'arriverons pas au terme.

Depuis mardi, vous organisez une sorte de montée en régime procédurale pour bâillonner le débat.

Vous avez décidé d'être le jouet consentant du Gouvernement. Méditez ce que disait Christian Jacob, ancien président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale : on n'est pas obligé d'être la droite la plus bête du monde ! (Applaudissements à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Bravo !

M. Jean-Yves Leconte.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 44 bis. Je ne suis pas un spécialiste du sujet ; j'ai des convictions, des interrogations, je me fais l'écho des problèmes que les Français que je représente, ceux de l'étranger, rencontrent.

Nous avons exprimé notre condamnation globale du texte. Depuis plusieurs jours, nous avons des échanges fructueux entre spécialistes et chefs de file, et je tiens à saluer Mme Poncet Monge qui suit l'ensemble du débat (M. Thomas Dossus applaudit), ainsi qu'avec nos rapporteurs.

Et pourtant, tout dérape au moment de parler de la pénibilité. On se met à interpréter le Règlement : on évoque l'article 46 bis qui porte sur l'ordre de discussion des amendements. Vous arrivez avec des amendements non préparés, anecdotiques sur la question de la pénibilité, alors que les dispositions de la loi Touraine sur ce sujet ont été supprimées par ordonnances en 2017.

Il serait préférable de reprendre nos esprits, de reprendre notre manière de travailler, et d'arrêter de jouer dans le bac à sable.

M. Philippe Tabarot.  - Merci pour cette contribution...

M. Jean-Yves Leconte.  - Monsieur le rapporteur, il nous reste trois jours de débat. Arrêtons !

M. Ronan Dantec.  - Je rends hommage aux pères de la Constitution, qui ont beaucoup réfléchi sur le Sénat, qui n'est pas l'Assemblée nationale. On voit la logique du 49.3 : c'est le Gouvernement qui s'impose à sa majorité quand elle est frondeuse, avec les risques que cela comporte.

Le Sénat, ce n'est pas ça : on ne peut pas passer en force.

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas ça du tout !

M. Ronan Dantec.  - Au Sénat, toute manoeuvre destinée à gagner du temps sécrète son antidote. Nous avons tous beaucoup progressé dans la connaissance du Règlement...

Soit nous engageons une bataille médiatique pour nous rejeter la responsabilité de la situation. Soit, pour aller au bout, nous nous donnons tout le temps. C'est le Gouvernement qui peut en décider : prenons une semaine de plus. Alors, on retire l'amendement de M. Savary, et on ira au bout. Mais on ne brutalise pas le Sénat. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le GEST a déposé des amendements jusqu'au dernier article, et aimerait que ces amendements de fond soient discutés.

Mme Sophie Primas.  - Nous aussi !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Quand on aborde la question du travail, on ne la gâche pas. (Applaudissements sur les travées du GEST) Le travail, ça se respecte : c'est la première chose que dit un ouvrier.

Vous avez fait tomber nos amendements de fond, nous avons dû les remplacer par des sous-amendements - de moindre qualité, j'en conviens.

Je l'ai dit dès le début en commission des affaires sociales : il aurait fallu une loi ordinaire, et une loi Travail au préalable. Cette réforme ne peut pas tenir dans la seringue du temps contraint, à laquelle vous vous êtes soumis.

M. Olivier Dussopt, ministre.  - On vous a vu faire !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La droite et le Gouvernement bataillent pour revendiquer la paternité de cette loi. Mais elle a deux pères ! Le parent 1 et le parent 2. La question est réglée. (Rires à gauche, sourires à droite)

Si vous vouliez un débat serein, il ne fallait pas rendre irrecevable des amendements qui ne l'étaient pas. Voici la monnaie de votre pièce. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Laurence Cohen.  - Toute la journée, nous avons débattu de manière sérieuse, et le débat était passionné mais serein, notamment sur l'article 8.

Dimanche matin, nous avons eu un débat de fond sur la capitalisation, projet de droite contre projet de gauche.

Les sénateurs de gauche se battent contre une réforme imposée à la hussarde, comme le peuple et les organisations syndicales, qui ont demandé un rendez-vous avec le Président de la République.

Mais alors que nous discutions du fond, vous dégainez des procédures. D'abord, la droite sénatoriale, puis le Gouvernement. Et vous vous étonnez que cela se passe mal ! On ne discute plus du fond, on fait des rappels au Règlement, et vous nous faites perdre du temps, à tous. (On ironise à droite.)

Ce n'est pas grave ; ce qui est grave, c'est que vous méprisez les gens auxquels vous volez deux ans d'existence. Depuis quatre ans, vous votez ces deux ans supplémentaires dans le PLFSS. Cela vous amuse. Nous non, et nous continuerons à nous battre !

M. le président.  - Nous allons passer aux explications de vote. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Signes d'exaspération sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le rapporteur a écouté les organisations syndicales, mais pas jusqu'au bout. Que demandent-elles ? Certes, que le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) prenne en compte les agents chimiques. Mais elles demandent aussi que les six facteurs de pénibilité du C2P y entrent, et que le C2P retrouve les dix facteurs d'origine.

Je suis d'ailleurs surprise de l'argument du ministre sur les équipements de protection individuels (EPI). J'espère qu'avec 250 millions par an, on ne va pas se contenter d'acheter des EPI.

Mme Angèle Préville.  - Effectivement, il fallait rétablir ce critère de pénibilité de l'exposition à des agents chimiques dangereux, dont la suppression en 2017 était scandaleuse. Nous avons dépassé la sixième limite planétaire avec l'arrivée de nouvelles espèces chimiques sur le marché, dont l'impact est énorme sur l'environnement. La Terre n'en peut plus. Il y a de nouveaux produits qu'il faut prendre en compte.

Cet amendement n'est pas suffisant ; il fallait réintégrer les critères de pénibilité de 2017 : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations, etc.

Cette pénibilité est-elle anecdotique ? Ne mérite-t-elle pas des dispositions particulières ? Plus les débats avancent, plus il se confirme que vous vivez dans un autre monde, où le travail n'est pas pénible, et où l'espérance de vie est la même pour tous.

Pouvons-nous nier que nos concitoyens travaillent dans des conditions extrêmement difficiles ? Il aurait fallu revenir sur les régressions de 2017.

M. Pierre Laurent.  - Cet amendement insuffisant ne nous convient ni sur la forme ni sur le fond. Nous entrons par la plus petite des portes dans le débat sur la pénibilité. Nous ne restons pas insensibles à la réintégration d'un critère d'exposition à des matières dangereuses, mais tous les autres ont été laissés de côté. Cet amendement est là pour solde de tout compte, en quelque sorte...

De plus, il évacue le débat fondamental sur la substitution de la notion de pénibilité par celle d'usure professionnelle, très contestée par les syndicats. Ainsi, il n'y a plus de métiers pénibles, mais des salariés plus ou moins résistants à l'usure ! Dans cette deuxième version, on les use autant qu'on peut avant la retraite, avant d'envisager une compensation.

J'espère que nous arriverons à discuter du Fipu ; un fonds pour qui ? Pour les retraités ? Non, pour financer les dépenses de prévention éventuelles des entreprises. Cet argent n'ira jamais aux retraités, et c'est le fond du problème.

Mme Corinne Féret.  - Je suis satisfaite que le rapporteur prenne en compte un critère de pénibilité; mais c'est insuffisant. C'est dans le C2P qu'il faut réintroduire ce critère. Nous nous abstiendrons.

M. Guillaume Gontard.  - Le GEST aurait pu voter cet amendement, mais on ne peut pas considérer le critère du risque chimique indépendamment des autres facteurs de risque.

La réforme est dans la continuité de la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. En 2019, celui-ci avait déclaré ne pas aimer le mot pénibilité, au motif qu'il donnerait l'impression que le travail serait pénible. Mais oui, monsieur Macron, le travail est pénible pour un préparateur de commande, pour un chef d'expédition, qui porte des charges lourdes et travaille la nuit.

L'exposition aux agents chimiques dangereux entraîne des troubles graves, comme des cancers, l'insuffisance rénale ou des troubles de la fertilité. Le Gouvernement pourrait faire bien mieux : le C2P est un dispositif utile, mais la Cour des comptes a montré qu'il n'était pas à la hauteur.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le Gouvernement n'est pas totalement d'accord avec le rapporteur. Mais pourquoi ne prendre qu'un seul critère ? Il faudrait réintroduire les quatre qui ont été supprimés en 2017. 

La notion de pénibilité ne convient pas au Président de la République, comme il l'a déclaré en 2019. C'est en reconnaissant cette pénibilité que l'on pourra aménager au mieux les conditions de départ en retraite.

M. Emmanuel Capus.  - J'aurais aimé ce soir qu'on parle des Françaises et des Français qui travaillent la nuit, dans le froid, à des tâches difficiles, aux trois-huit... J'avais même modestement préparé un petit mot.

J'aurais aimé qu'on parle de l'abaissement des seuils, du déplafonnement du C2P, de l'accès facilité à la retraite anticipée, des agents chimiques...

Au lieu de cela, toute la soirée nous avons parlé de procédure.

Mme Laurence Cohen.  - La faute à qui ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Ça n'a rien à voir avec l'amendement !

M. Emmanuel Capus.  - Monsieur Kerrouche, vous n'avez pas le monopole de la représentation des Français. Nous aussi, nous aurions aimé parler de la pénibilité.

Vous avez fait le pari de l'obstruction, de faire perdre du temps pour ne pas voter le texte. C'est un pari dangereux. Vous n'y gagnerez pas, et la démocratie y perdra. Le Sénat perd sa crédibilité en se mélenchonisant et en courant derrière les extrêmes. (Protestations à gauche)

Mme Émilienne Poumirol.  - On en a marre !

M. Emmanuel Capus.  - Au final, les Français seront déçus par notre parlementarisme.

Je voterai cet amendement, en regrettant que nous n'ayons pas pu débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Céline Brulin.  - Il faut garder son sang-froid mais aussi une once de crédibilité. Bien sûr, cher collègue, qu'il faut parler de ces sujets, c'est pourquoi nous avions déposé des amendements.

M. Bruno Retailleau.  - Des amendements de suppression !

Mme Céline Brulin.  - Ce matin, M. Joyandet nous a dit qu'il retirait son amendement sur les carrières longues de peur que nous - une poignée d'élus de gauche ! - ne le sous-amendions.

M. Roger Karoutchi.  - Cinq cents sous-amendements ! Allez !

Mme Céline Brulin.  - Le Sénat est observé comme il l'est rarement. Attentions à ce que cela ne se retourne pas contre nous. Les Français pensent que vous vous moquez du monde !

M. Xavier Iacovelli.  - Ils sont dépités, surtout.

Mme Céline Brulin.  - Nous proposons de supprimer un article que nous jugeons inacceptable, et nous travaillons pour améliorer la loi, rien d'autre. Cela vous gêne ?

Mme Émilienne Poumirol.  - Cette réforme crée un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle, doté de 1 milliard d'euros jusqu'en 2027, soit 200 millions d'euros par an.

La prévention est un enjeu crucial pour notre système de santé. Lors du PLFSS, le Gouvernement a annoncé un virage de la prévention, et le ministre de la santé est aussi celui de la prévention. Mais aucun article ne traitait de la prévention primaire - qualité de l'air, alimentation, bienfaits du sport, conditions de travail...

Il est temps de changer de paradigme et de construire un modèle fondé sur la santé et sur non le soin, en agissant sur les déterminants de la santé : le concept One Health.

Un milliard d'euros sur cinq ans pour la prévention, c'est bien moins que le coût du report de l'âge légal à 64 ans !

À la demande du groupe SER, l'amendement n°2132 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°248 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 241
Pour l'adoption 217
Contre   24

L'amendement n°2132 est adopté.

En conséquence, les amendements identiques du n°301 au n°3790, ainsi que les amendements nos44 rectifié, 2369 rectifié, 2637 rectifié, 3436 rectifié, 3823, 430 rectifié, 43 rectifié, 2366 rectifié, 2639 rectifié bis, 3352, 3136 et 3922 rectifié sont sans objet.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 10 mars 2023, à 9 h 40.

La séance est levée à minuit quarante.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du vendredi 10 mars 2023

Séance publique

À 9 h 40, 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : Mme Nathalie Delattre, vice-présidente, M. Gérard Larcher, président, Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

. Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2023 (n°368, 2022-2023) (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)