SÉANCE

du mercredi 29 mars 2023

75e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Violences dans les manifestations

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC) Les scènes de guerre civile à Sainte-Soline ont scandalisé. (Marques d'agacement à gauche) Cars de gendarmes en feu, hordes de black blocs venus de toute l'Europe, armés de cocktail Molotov, de boules de pétanque et de mortiers... Cette ultra-gauche européenne a fait de la France son terrain de jeu favori car elle y trouve un relais politique chez ceux qui veulent transformer les révoltes en révolution, ceux qui veulent tout conflictualiser et ceux qui ont défilé en écharpe tricolore dans une manifestation illégale et ultra-violente... « Tout cramer » et « c'est la guerre », voilà leurs hashtags de ralliement.

Alors que les organisations syndicales manifestent dans le calme et la responsabilité, ces émeutiers brûlent des kiosques et des portes de mairies, cassent les vitrines, saccagent les permanences parlementaires, menacent de mort les enfants de députés, et terrorisent les manifestants pacifiques. La cible de l'ultra-gauche pyromane, ce ne sont ni les retraites ni les mégabassines, mais la République, pour faire de la France un nouveau Venezuela. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE)

Madame la Première ministre, prendrez-vous toutes les mesures nécessaires pour protéger ceux qui nous protègent - policiers, pompiers, élus, gendarmes  - contre ces traîne-savates incendiaires ?

On déplore plus de 400 blessés parmi nos forces de l'ordre, dont 47 à Sainte-Soline. Rendons leur hommage par nos applaudissements. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI se lèvent et applaudissent longuement ; les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent également ; à leur tour, Mmes et MM. les sénateurs sur les travées de gauche se lèvent et applaudissent.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Comme vous, j'ai été profondément choquée par le déchaînement de violence contre l'ordre républicain à Sainte-Soline. J'ai été choquée d'y voir des élus en écharpe tricolore (quelques huées sur les travées du groupe Les Républicains), alors que la manifestation était interdite. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI) J'ai été choquée, ces dernières semaines, d'entendre des élus prononcer des propos incendiaires, voire justifier les violences. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI) Renvoyer dos à dos casseurs et forces de l'ordre est indigne de la part d'élus de la République. (Mêmes mouvements)

Avec vous et les Français, je veux rendre hommage aux forces de l'ordre et à leur courage. (Mêmes mouvements) Je dis ma solidarité aux gendarmes et policiers blessés au cours des derniers jours. Ils connaissent leur devoir d'exemplarité et leur déontologie. Le ministre de l'intérieur l'a encore rappelé hier. (Exclamations à gauche)

Des casseurs radicalisés sont à l'origine des scènes de Sainte-Soline. C'est leur comportement qui met en danger forces de l'ordre, secours et manifestants. J'ai une pensée pour les deux manifestants hospitalisés dans un état très grave.

M. Thomas Dossus.  - À cause de qui ?

M. Guy Bennaroche.  - À cause du ministre de l'intérieur !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Depuis plusieurs semaines, le ministre de l'intérieur, les préfets, les forces de l'ordre travaillent avec les organisations syndicales pour des mobilisations sans heurt. La violence ne doit jamais supplanter l'expression des revendications. Le dispositif mis en place hier a permis d'éviter de nombreux débordements. La dissolution du groupuscule Soulèvement de la terre va dans le même sens.

Nous continuerons à protéger tous les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)

Sainte-Soline

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Ce qui s'est produit autour de la retenue d'eau de Sainte-Soline, dans mon département des Deux-Sèvres, bouleverse la France. C'est un deuxième état de siège en moins de six mois pour ses 357 habitants : je leur adresse ma compassion et mon soutien, ainsi qu'aux agriculteurs et aux gendarmes.

Nous n'avons pas assisté à une manifestation ordinaire, d'ailleurs interdite par la préfète du département : des centaines de casseurs ont voulu faire reculer l'État, avec des dizaines de blessés chez les gendarmes et les manifestants. Ils avaient le soutien d'élus de la République : c'est intolérable ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman proteste.)

Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi une telle violence ? Le sujet n'est pas l'eau mais l'autorité de l'État. Face à une extrême violence devenue habituelle, que ferez-vous contre l'activisme des casseurs et pour restaurer l'autorité de l'État ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Avec vous, j'adresse mon soutien aux habitants de Sainte-Soline, des Deux-Sèvres et aux agriculteurs. Deux week-ends durant, qu'ont fait les gendarmes, dont une centaine ont été blessés ? Protéger l'outil de travail des agriculteurs, souvent menacés, intimidés, insultés.

Le ministre de l'intérieur applique les lois de la République. Il ne peut interpeller avant la commission des faits. La proposition de loi de M. Retailleau a d'ailleurs été en partie censurée par le Conseil constitutionnel. (M. Marc-Philippe Daubresse le déplore.) Mieux vaut toutefois critiquer le ministre de l'intérieur que vomir sur les policiers et gendarmes, comme l'a fait une partie de la gauche et de l'extrême gauche.

Ensuite, il faut des drones pour avoir des images : les casseurs en avaient...

M. Thomas Dossus.  - Les journalistes !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ...mais vous en avez refusé la possibilité aux policiers et aux gendarmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

Il n'y a pas eu de ZAD depuis deux week-ends d'affrontements : c'est ça, l'autorité de l'État.

M. Gilbert Favreau.  - J'ai remercié les gendarmes. Une ère nouvelle a commencé avec la reculade de l'État à Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'autorité de l'État a été sapée : pour l'extrême gauche, toutes les occasions sont bonnes désormais pour instaurer un état de non-droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Impact de la loi Rist sur les petits hôpitaux

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, et sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains) Samedi dernier, plus de 80 maires ont manifesté contre la fermeture de la maternité du pôle de santé du Villeneuvois. Dans de nombreux territoires, l'entrée en application de la loi Rist au 3 avril prochain conduira à la fermeture de services d'urgences et de maternité. Ne pas pouvoir accoucher près de son domicile est anxiogène. Nous attendons une réponse qui dépasse les logiques comptables.

Je partage la volonté de limiter l'intérim médical, qui s'apparente parfois à un véritable chantage, mais les effets peuvent être catastrophiques pour les petits hôpitaux. Les citoyens des territoires ruraux sont-ils des citoyens de seconde zone ?

Quelles mesures d'urgence prendrez-vous pour nos maternités rurales et nos services hospitaliers ? Allez-vous abaisser le seuil de mille naissances par an nécessaire au maintien d'une maternité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, INDEP, SER, du RDSE et du GEST)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Il n'y a pas de citoyens de seconde zone ; mon travail est de rétablir un accès équitable à la santé pour tous, sur tout le territoire.

Nous visons les dérives de l'intérim médical qui menacent le service public hospitalier. Quel médecin accepterait de travailler pour 4 000 euros par mois quand un intérimaire gagne autant en 24 heures ?

Nous entendons favoriser l'exercice des médecins hospitaliers, avec l'augmentation de la rémunération des gardes de nuit et de week-end, la prime de solidarité territoriale et le relèvement du plafond de l'intérim à 1 390 euros bruts par jour.

Quant au seuil de mille naissances, il a été proposé par un rapport scientifique qui n'engage cependant pas le Gouvernement. Il faut combiner sécurité, qualité et proximité. Je m'y emploie. (Applaudissements sur les travées du RDPI ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP et du RDSE)

Mobilisation sociale sur les retraites

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Martine Filleul et Victoire Jasmin applaudissent également.) Depuis une semaine, le débat se concentre sur les violences dans les manifestations contre la réforme des retraites. Il faut les condamner sans ambiguïté (marques de satisfaction et applaudissements sur quelques travées à droite), mais elles ne doivent pas nous détourner de la vraie question : une majorité de Français ne veut pas travailler deux ans de plus pour satisfaire les marchés financiers. Votre passage en force au Parlement et votre détournement de la Constitution ont affaibli votre légitimité démocratique.

La vraie question, c'est la répression syndicale et les réquisitions, les nasses, pourtant interdites, les arrestations arbitraires, les armes offensives, qui doivent être proscrites, et les agissements de la Brav-M, qui doit être dissoute. La vraie question, Madame la Première ministre, c'est que vous avez perdu toute autorité politique ; vous êtes seule et confinée. Vous raillez une foule, mais c'est un peuple droit et calme qui se tient devant vous et qui veut être entendu.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La foule est en bas, le peuple est en haut !

M. Fabien Gay.  - En politique, il faut avoir des convictions et les défendre. Mais quand on piétine la démocratie sociale, qu'on humilie le Parlement et qu'on choisit l'autoritarisme, c'est le signe qu'il faut reconnaître ses torts et ne pas s'entêter. L'apaisement doit venir de vous. Retrait ou référendum d'initiative populaire (RIP), allez-vous enfin écouter et respecter le peuple français ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Ce projet de loi est la concrétisation d'un engagement du Président de la République et des candidats de la majorité présidentielle aux législatives. Après quatre mois de concertation (on se récrie à gauche) et 175 heures de débat parlementaire, le texte a été considérablement enrichi : usure, carrières longues, pensions minimales. (Mêmes mouvements)

Vous condamnez les violences en marge des manifestations, manière de vous associer à notre hommage aux forces de l'ordre, ...

M. Jérôme Durain.  - Et la question ?

M. Olivier Dussopt.  - ... et vous proposez deux solutions : j'en propose une troisième, celle du dialogue social. (Rires et marques d'ironie à gauche) Ainsi, l'intersyndicale sera reçue la semaine prochaine par la Première ministre pour travailler sur l'usure professionnelle, les déroulements de carrière et le bien-être au travail. (On continue d'ironiser à gauche.) Nous souhaitons aussi que nos propositions sur le partage de la valeur soient examinées. Les portes sont toujours ouvertes. (Nombreuses exclamations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Orpaillage en Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Samedi dernier, la Guyane s'est réveillée sous le choc : Arnaud Blanc, membre du GIGN, a été tué dans une opération contre l'orpaillage illégal. Nos pensées vont à ses proches et à ses frères d'armes. Un braquage à la kalachnikov, avec prise d'otages, avait précédé.

L'orpaillage illégal se développe avec l'arrivée de factions en provenance du Brésil. Sur les 20 000 garimpeiros chassés par le président Lula, 5 000 pourraient arriver en Guyane, portant à 11 000 le nombre de chercheurs d'or illégaux. Pour ne rien arranger, le cours de l'or s'envole.

Vous connaissez les enjeux environnementaux et sécuritaires de la Guyane. En janvier 2017, le Président de la République avait conditionné l'aide au Brésil et au Suriname à la lutte contre l'orpaillage illégal : six ans plus tard, ce fléau n'est toujours pas sous contrôle, malgré les opérations Harpie.

Allez-vous intensifier l'action de l'État pour protéger la Guyane, ses populations et son environnement ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - J'ai une pensée pour le sacrifice du maréchal des logis-chef Blanc, sans doute assassiné par ceux que vous dénoncez, ainsi que pour les sapeurs-pompiers de Paris, qui viennent de déplorer plusieurs blessés graves en Guyane dans un accident de la route.

La lutte contre l'orpaillage illégal est une lutte pour la souveraineté, contre les trafics et l'insécurité. Ces bandes armées pillent, polluent et contribuent à l'augmentation des homicides en Guyane.

Le Gouvernement a déployé 250 policiers et gendarmes en six ans. L'opération Harpie a été renouvelée sous les présidents Hollande et Macron, et nous réfléchissons à renforcer les moyens militaires dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM). Il s'agit de protéger notre plus grande frontière extérieure et la forêt amazonienne.

Ce sacrifice n'est pas vain. Il s'agit de protéger nos compatriotes guyanais. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Situation sociale

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la Première ministre, depuis l'échec de la réforme des retraites, j'ai entendu le « ni dissolution, ni remaniement, ni référendum » du Président de la République et votre proposition de dialoguer avec les syndicats sur les seuls sujets que vous choisissez... Vous êtes devenue la Première ministre de l'impasse.

Malgré votre stratégie assumée du pourrissement, l'opposition n'a jamais été aussi massive. Les syndicats ont fait la preuve de leur responsabilité. En les traitant comme vous le faites, vous jouez avec notre pacte républicain. N'assénez pas vos éléments de langage habituels sur la nécessité de la réforme : nul n'y croit plus.

Nous aussi, nous soutenons l'ordre républicain et ceux qui le défendent, policiers et gendarmes (applaudissements à gauche), mais nous avons aussi le droit d'interroger votre doctrine du maintien de l'ordre.

Acceptez la médiation, suspendez cette réforme injuste et inutile. Il n'est plus temps de jouer les matamores comme le fait Emmanuel Macron, mais de répondre avec sérieux aux demandes des syndicats. Je vous offre une tribune, profitez-en ! (Applaudissements à gauche ; on ironise à droite.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Comme chacun ici, partisan ou opposant de cette réforme, je vais au contact des Français, j'entends les craintes, les espoirs et parfois les colères. J'entends les revendications, qui dépassent la réforme des retraites. Comme chacun ici, je suis attentive aux témoignages des élus locaux. Comme chacun ici, je connais les attentes sur le pouvoir d'achat, la santé, l'éducation des enfants.

Ma conviction, c'est qu'il ne faut pas attiser les craintes et les colères, (MM. Hussein Bourgi, Didier Marie et Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclament) mais apaiser le pays en rassemblant celles et ceux qui sont prêts à trouver des solutions. (Protestations à gauche) Il ne faut pas renoncer à agir, mais accélérer et apporter des réponses concrètes aux Français.

C'est autour de ces deux axes que je bâtirai dans les prochaines semaines un agenda de gouvernement et un programme législatif.

M. Rachid Temal.  - Avec quelle majorité ? Les Républicains ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - J'ai rencontré hier les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale (« Ah ! » sur les travées à gauche), je continue avec les forces politiques...

M. Rachid Temal.  - Avec Les Républicains !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... et j'ai invité les partenaires sociaux à une rencontre en début de semaine prochaine. Ma seule ambition est de bâtir des majorités de projets. C'est par la concertation, le dialogue et le compromis que nous répondrons aux inquiétudes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Kanner.  - « Programme de gouvernement », me répondez-vous. Mais cela fait 70 mois que vous êtes au pouvoir ! Vous n'avez plus de boussole, et vous ne comprenez plus les Français. (Applaudissements à gauche)

Santé mentale des jeunes

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Notre jeunesse est en grande souffrance psychologique. Crise sanitaire, réseaux sociaux, éco-anxiété, harcèlement : les causes sont multiples, les conséquences terribles.

Les chiffres de la consommation médicamenteuse sont glaçants : la moitié des 6-17 ans consomme des psychotropes. En huit ans, cette consommation a augmenté de plus de moitié. Cette surmédication concerne des dizaines de milliers d'enfants, alors qu'il s'agit de médicaments pour adultes.

La France est sous-dotée pour agir aux racines du mal : 600 pédopsychiatres pour 10 millions d'enfants ; 800 médecins scolaires, soit un pour 15 000 élèves ; deux ans d'attente pour une place en centre médico-psychopédagogique (CMPP).

Il est grand temps d'ériger la psychiatrie en grande cause nationale, avec les moyens associés. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées des groupes CRCE, SER, du GEST et du groupe Les Républicains)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - La santé mentale des jeunes est une de mes priorités, avec Pap Ndiaye, Sarah El Haïry et Charlotte Caubel. La pédopsychiatrie connaît de grandes difficultés, mais elles ne sont pas nouvelles : il faut dix ans pour former un médecin.

À la suite de notre feuille de route de 2018 et des assises de la santé mentale de 2021, nous agissons : programme des 1 000 premiers jours, maisons des adolescents, MonParcoursPsy - qui a permis 300 000 consultations, un succès.

Les conclusions des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant proposeront de nouvelles pistes pour la pédopsychiatrie.

Doctrine de maintien de l'ordre (I)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le bilan de ce qui s'est passé samedi à Sainte-Soline est lourd : je le sais, j'y étais (huées sur les travées du groupe Les Républicains) et je l'assume ! Deux manifestants dans le coma, 47 blessés parmi les forces de l'ordre, et 200, dont certains mutilés, parmi les manifestants. À tous, nous souhaitons un prompt rétablissement.

Nous dénonçons sans ambiguïté ces violences inqualifiables, mais c'est votre bilan, monsieur le ministre : vous avez décidé d'exposer 3 000 membres des forces de l'ordre à la violence, pour défendre, quoi qu'il en coûte, un trou vide !

Vous interdisez une manifestation légitime faute de faire respecter la loi en matière de partage de l'eau. (Applaudissements sur les travées du GEST ; vives protestations sur celles du groupe Les Républicains) Oui, on construit encore des bassines illégales. Oui, la bassine de Sainte-Soline met en danger la ressource en eau ! (« Non ! » à droite)

Des armes de guerre ont été employées, des secours ont été empêchés d'intervenir sur ordre de la gendarmerie, des blessés ont reçu des gaz lacrymogènes. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, vous mentez comme vous avez menti après les événements du Stade de France : dans quel pays, après un tel fiasco... (Mêmes mouvements)

MM. Philippe Mouiller et Laurent Duplomb.  - Quelle honte !

M. Thomas Dossus.  - ... un ministre peut-il continuer à mentir et dissoudre un collectif d'opposants politiques ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; huées à droite)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je regrette que des parlementaires revendiquent leur présence à une manifestation illégale (applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE), ne respectant pas eux-mêmes la loi de la République. Je regrette qu'ils soient aux côtés de ceux qui lancent des cocktails Molotov sur les gendarmes. Je regrette qu'ils n'aient pas constaté les attaques à l'acide sur les pieds des gendarmes. Je regrette qu'ils n'aient pas écouté les conférences de presse de la Préfète et du Procureur de la République. Vous vous asseyez sur tout cela.

Je regrette, encore, que vous relayiez des fake news. Non, les secours n'ont pas été empêchés par les forces de l'ordre : écoutez le Samu des Deux-Sèvres ! Non, les gendarmes ne souhaitent pas la mort des gens. En revanche, le médecin du GIGN a été harcelé par vos camarades d'un jour, et les gendarmes qui voulaient secourir un manifestant ont dû faire demi-tour face aux pavés et aux cocktails Molotov. Voilà la vérité, monsieur le sénateur !

J'ai aussi une pensée pour les blessés qui luttent pour leur vie. L'enquête judiciaire dira la vérité. Je suis à la disposition de votre commission des lois. Mais je ne cracherai pas, comme vous le faites, à la tête des forces de l'ordre. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, ainsi que du RDPI et du RDSE)

M. Thomas Dossus.  - J'assume ma présence et ma mission de contrôle du Gouvernement. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est honteux !

M. Thomas Dossus.  - Vous ne pouvez pas éborgner à huis clos ! Vous êtes le ministre d'un président qui ne sort plus de son palais !

M. le Président - Il faut conclure !

M. Thomas Dossus.  - Vous êtes le ministre d'un Gouvernement qui ne peut plus présenter le moindre texte devant le Parlement... (La voix de l'orateur se perd dans les huées et les claquements de pupitres du groupe Les Républicains)

M. le Président. - C'est terminé !

Violences contre les élus

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre en charge du renouveau démocratique. En 2021, les violences contre les maires et les élus ont augmenté de 47 %, puis de 32 % en 2022. En deux ans, elles ont presque doublé. Il s'agit d'insultes, d'agressions, mais aussi d'actes criminels. La semaine dernière, la voiture et la maison du maire de Saint-Brévin, en Loire-Atlantique, ont subi un incendie volontaire.

Mme Laurence Rossignol.  - Ça, c'est l'extrême droite !

Mme Laurence Garnier.  - Les élus locaux paient un climat de défiance que vous avez aggravé. En 2018, l'actuel ministre de l'intérieur publiait la liste des maires qui avaient augmenté la taxe d'habitation, lançant la campagne de dénigrement #BalanceTonMaire.

Vous semblez avoir pris la mesure de la situation et fait adopter des textes qui vont dans le bon sens, mais le remède court après le mal ; les agressions se succèdent, souvent dans l'impunité.

Avant de lancer le renouveau démocratique, comment allez-vous protéger ceux qui font vivre la République au quotidien dans nos 35 000 communes ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Je partage votre émotion et votre colère face à une violence qui s'accentue. Mais nous divergeons sur le diagnostic. L'histoire occidentale montre que les élus sont pris à partie par les populations en colère depuis une vingtaine d'années. (Murmures) Ce phénomène s'aggrave.

Il y a un continuum entre la violence des réseaux sociaux et celle de la rue ; entre celle qui s'exprime au sein même du Parlement - surtout à l'Assemblée nationale - et celle de la rue.

Nous devons faire bloc, au-delà des divergences idéologiques et des désaccords. Ne perdons pas le respect de l'autre ni l'estime pour l'autre.

J'ai contacté Yannick Morez, le maire de Saint-Brévin-les-Pins. C'est pour avoir accepté l'installation d'un centre d'accueil pour réfugiés - à la demande de l'État - qu'il a été victime de menaces de mort, d'injures, puis de l'incendie de sa voiture et de son domicile.

Mme Laurence Rossignol.  - Par qui ?

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Probablement par l'extrême droite.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est mieux quand on le dit !

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - L'ennemi de la République, c'est l'extrême, de gauche comme de droite. Ultra-droite, ultra-gauche, nous les condamnons sans ambiguïté, sans « oui, mais ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE) Quand il s'agit de condamner les violences, retirez le « mais » après le « oui », madame la sénatrice !

Qui s'attaque à un maire s'attaque à la République, et la République protégera les siens.

Mme Laurence Rossignol.  - Il faut se calmer, monsieur le ministre !

Mme Laurence Garnier.  - Les Français votent de moins en moins, les élus se font agresser de plus en plus. Nous devons résoudre ensemble cette crise démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Doctrine de maintien de l'ordre (II)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.) Tout le monde ici condamne les violences, d'où qu'elles viennent (on le conteste à droite), que les victimes soient des manifestants ou des membres des forces de l'ordre, dont nous saluons l'engagement.

Les agissements de la Brav-M (Brigade de répression des actions violentes motorisée) la semaine dernière à Paris sont inacceptables. Valentin, 19 ans, Suleyman, 23 ans, Salomé, 22 ans, témoignent : « je vais te péter les jambes », « on en a cassé des coudes et des gueules », « je vois la peur dans ton regard, j'aime ça ». Paul Boyer, journaliste, reçoit un coup de matraque : traumatisme crânien et fracture de la main.

M. Philippe Pemezec.  - Vous entendez ce que vous avez envie d'entendre !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Monsieur le ministre de l'intérieur, adressez donc aux forces de l'ordre la lettre de Maurice Grimaud, préfet de police à Paris en mai 1968 : « Frapper un manifestant à terre, c'est se frapper soi-même et porter atteinte à toute la fonction policière. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Comme dans toute profession, il est évident que certains policiers et gendarmes ne respectent pas les valeurs, le droit, la déontologie. J'en ai sanctionné un certain nombre.

Sous le quinquennat Hollande, vous avez, vous aussi, connu des manifestations difficiles - je pense à la loi El Khomri, à Sivens, que vous citez bien peu...

Oui, j'ai sanctionné, et j'ai parfois fait retirer l'uniforme. Mais jamais je ne céderai à la démagogie... (Protestations à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Grimaud, c'est de la démagogie ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... qui consiste à mettre sur le même plan les prétendues violences de la police et les violences des casseurs.

M. Hussein Bourgi.  - Ce n'est pas la question ! Répondez à la question !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le parti socialiste a oublié M. Cazeneuve, M. Badinter !

M. Mickaël Vallet.  - Nous voulons oublier Dussopt !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - C'est nous qui avons présenté au Conseil d'État un schéma de maintien de l'ordre corrigé, qui a été validé.

Avec vos « oui, mais », vous donnez raison à ma grand-mère, qui était femme de mineur...

M. Hussein Bourgi.  - Vous n'avez pas écouté la question !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Chacun voit que la Nupes peine à soutenir les forces de l'ordre.

Les policiers ne veulent pas de « oui, mais », mais du soutien. Ce sont des femmes et des hommes, hélas mal payés, qui protègent nos concitoyens et leur permettent de manifester tranquillement. Le procès que vous leur faites n'est pas digne d'un grand parti de gouvernement comme le vôtre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Être ministre de l'intérieur, ce n'est pas être ministre de la police, mais de la paix civile : les Français veulent le respect de l'ordre, de l'État de droit et de la justice.

Souvenez-vous de Pierre Joxe (on ironise à droite), qui a lancé le plan quinquennal de modernisation de la police, créé la direction de la formation, instauré le code de déontologie et fait afficher la Déclaration des droits de l'homme dans les commissariats... Voilà le modèle à suivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Défense du nucléaire auprès de la Commission européenne

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP) Les négociations européennes sont totalement défavorables à l'énergie nucléaire : c'est grave. Elle n'a été intégrée à la taxonomie verte qu'au prix de conditions drastiques : les autorisations délivrées après 2040-2045 et les activités de maintenance sont exclues. Idem pour la directive RED III et le règlement pour une industrie à zéro émission nette. Et la réforme du marché de l'électricité n'avance pas.

C'est un non-sens pour le climat, alors que cette énergie n'émet que six grammes de CO2 par KWh ; un non-sens pour l'industrie, alors que la moitié des États membres disposent d'un parc nucléaire.

On ne décarbonera pas 75 % de l'hydrogène dans l'industrie ou 5 % dans les transports sans le nucléaire. Le Gouvernement n'a pas été à la hauteur, c'est une faute.

Le Sénat alerte depuis longtemps, avec sa résolution de décembre 2021 sur la taxonomie verte, celle de mars 2022 sur le paquet Fit for 55, ou encore son rapport transpartisan de juillet dernier.

Que compte faire le Gouvernement pour obtenir enfin satisfaction auprès de ses partenaires européens ? Y a-t-il encore un couple franco-allemand ? Il faut garantir la neutralité technologique au nucléaire. Il y va de notre souveraineté énergétique et de nos engagements climatiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Je salue votre engagement, ancien, sur ce sujet. Plus récemment, vous étiez rapporteur du projet de loi sur l'accélération du nucléaire, voté par neuf sénateurs sur dix et, la semaine dernière, par 75 % des députés. Preuve qu'il y a désormais une union nationale derrière le nucléaire, qui permet de porter haut la voix de la France.

La France négocie, avec difficulté, mais nous sommes 27 ! La ministre de la transition énergétique était à Bruxelles hier, à Berlin aujourd'hui, pour poursuivre ces négociations. Onze pays européens ont fait alliance avec la France pour défendre le nucléaire.

Le tango franco-allemand est parfois difficile, c'est vrai : nos partenaires pensent que l'hydrogène de demain sera importé et renouvelable, nous pensons qu'il sera produit en France et nucléaire. Je remercie le Sénat et l'Assemblée nationale de soutenir le Gouvernement dans ce combat difficile, mais que nous allons mener et gagner. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Daniel Gremillet.  - Ménages, collectivités, entreprises : la France souffre de la crise énergétique. Nous ne réussirons le nouveau nucléaire qu'en intéressant les jeunes. L'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne précise que chaque État membre peut choisir son mix énergétique. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Cette liberté est aujourd'hui bafouée, et les choix stratégiques de la France ne sont plus respectés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Blocage des universités

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis le début du mouvement de contestation de la réforme des retraites, des dizaines de lycées et d'universités ont été paralysés ; même Assas était bloquée, pour la première fois de son histoire...

M. Jacques Fernique.  - Quand même !

M. Jean Hingray.  - Votre gouvernement aura réussi à faire pâlir d'envie Dany le Rouge ! (Exclamations sur les travées du GEST)

Chaque génération veut son mai 68. Derrière ces manifestations, il y a aussi la précarité et le mal-être des étudiants.

Que comptez-vous faire pour empêcher les blocages de la majorité par une minorité, pour que les examens se déroulent dans de bonnes conditions et pour améliorer le quotidien des étudiants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Une partie des universités sont bloquées ; quelques dizaines sur deux cents.

L'université est d'abord un lieu d'émancipation et d'échange, mais aussi de confrontation des idées. Si les jeunes n'exprimaient pas leurs idées, on pourrait craindre pour notre démocratie.

Pour autant, le blocage, même temporaire, n'est pas acceptable. Cependant, il n'est pas l'apanage des étudiants. Je salue la gestion de ces blocages par les préfets, les recteurs et les présidents d'université.

Parmi les revendications des étudiants figurent leurs conditions d'études difficiles. Depuis le 7 octobre, nous menons une concertation sur le sujet, au niveau national et territorial, et le Gouvernement a débloqué 500 millions d'euros pour la vie étudiante, les bourses, la pérennisation du repas à 1 euro pour les étudiants précaires, entre autres mesures.

Le Gouvernement travaille à donner de bonnes conditions à tous nos étudiants, dès la rentrée 2023, avec une augmentation historique de 20 % des bourses et des mesures pour la vie étudiante. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Jean Hingray.  - L'annonce réjouira sur tous les bancs, car nous sommes nombreux à défendre l'augmentation des bourses. Avec Pierre-Antoine Levi, je m'apprête à présenter une proposition de loi sur les repas étudiants à tarifs modérés dans les zones rurales et les petites villes. J'espère que les mesures annoncées contribueront à réduire la précarité et le mal-être étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Didier Rambaud applaudit également.)

Pêcheurs en colère

M. Alain Cadec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France gronde et les marins-pêcheurs sont en colère. Après la hausse du prix du gazole, après un plan de sortie de flotte qui limite notre capacité de pêche, après la proposition de la Commission européenne d'interdire les arts traînants, chalut, et drague, dans les aires marines protégées, voilà que le Conseil d'État ordonne de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour protéger les dauphins de captures accidentelles. C'en est trop !

Autant abandonner toute prétention à la souveraineté alimentaire, alors que nous importons déjà 70 % des produits de la mer. La fin programmée des arts traînants signifie à terme la disparition de la pêche côtière. Plus de poissons frais sur les étals, plus de coquilles Saint-Jacques (marques d'inquiétude à droite), malgré une gestion exemplaire de la ressource. Ces décisions ubuesques nous condamneront à importer et à consommer des surgelés.

Des dispositifs efficaces de dissuasion acoustique existent pour protéger les dauphins, dont les populations augmentent. Face à ce déferlement de contraintes, que comptez-vous faire pour préserver une activité qui n'a jamais été aussi encadrée et vertueuse ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Valérie Létard et Françoise Gatel applaudissent également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Hervé Berville est auprès des pêcheurs en Vendée. Leur colère est légitime. La proposition de la Commission européenne d'interdire certaines techniques de pêche dans les aires marines protégées est un coup de massue, qui fait fi de tous les efforts réalisés par la filière pour combiner activité économique et préservation des habitats marins.

Le Gouvernement a annoncé dès le 8 mars au Sénat l'opposition de la France à ce texte. Nous construisons une coalition à l'échelle européenne pour faire pièce à cette proposition.

Parallèlement, le Président de la République et la Première ministre ont annoncé un fonds de 130 millions d'euros pour le secteur. Hervé Berville a défendu des quotas pluriannuels à Bruxelles, et nous soutiendrons la réduction de la dépendance au gazole des navires de pêche. La pêche maritime française fait partie de l'identité française, elle est indispensable à notre souveraineté.

Nous agirons en conséquence devant la Commission, et dans le soutien aux pêcheurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Daphné Ract-Madoux applaudit également.)

Lutte contre l'inflation

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe M. Temal à ma question.

L'inflation n'en finit plus de ne plus finir, avec une hausse de 14,5 % des prix alimentaires en un an, et 10 % à prévoir ces deux prochains mois. C'est le chiffre le plus élevé depuis 1985. Votre réponse ? Demander aux enseignes de pratiquer pendant trois mois les prix les plus bas possible sur des produits de leur choix. Un voeu pieux, plus qu'une mesure concrète.

Votre volonté de ne rien imposer aux distributeurs est incompréhensible alors que, selon la BCE, l'inflation est tirée par les marges. Le candidat Macron promettait un chèque alimentaire pour les ménages modestes. Quels engagements prendrez-vous pour donner un cap lisible à nos concitoyens, qui ne soient pas l'otage de vos revirements et de vos renoncements permanents ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Quel revirement, quand depuis octobre 2021, le Président de la République, Jean Castex et Élisabeth Borne ont engagé 110 milliards d'euros pour soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens ? Aucun pays européen n'en a fait autant. (M. Rachid Temal le conteste ; M. Éric Jeansannetas fait mine de jouer du pipeau.) Ce n'est pas de la flûte, monsieur le sénateur, ayez le respect d'écouter ma réponse ! (Vives exclamations à gauche pour réclamer que la ministre s'adresse à M. Thierry Cozic)

Cela se vérifie, avec 46 milliards rien qu'en 2023 pour les factures d'énergie. Nul revirement : notre soutien est massif, et vous l'avez d'ailleurs voté ici.

Vous critiquez le trimestre anti-inflation : c'est pourtant la première fois que la grande distribution s'engage unanimement sur trois mois - quand les promotions habituelles durent deux à quinze jours. Cet engagement est rapide, collectif et juste. Avec Bruno Le Maire, nous y travaillons depuis des mois. Les distributeurs prennent sur leurs marges ; la DGCCRF s'en assure.

Nous avons appelé à une nouvelle négociation si les prix des matières premières baissent au printemps. Il n'y a aucun revirement, mais une détermination inchangée, alors que notre inflation demeure l'une des plus faibles d'Europe.

M. Rachid Temal.  - Où est le chèque alimentaire ?

M. Thierry Cozic.  - Les Français ont besoin de stabilité. Chèque alimentaire ? Abandonné ! Panier anti-inflation ? Abandonné ! À la fin, les Français seront-ils abandonnés ? Vous faites cinquante nuances de prix dans un panier percé. Vous placez le pays dans les mains de la grande distribution, dont les marges ne diminuent pas, mais qui passe pour le champion de la lutte contre la vie chère !

La République en Marche devient la République en marges. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains) Cela prêterait à sourire si ce n'était le consommateur qui payait vos revirements ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Officines de pharmacie

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à ma question Marie-Pierre Richer et Bruno Belin.

Le projet de décret relatif aux conditions de transfert et de regroupement des officines prévoirait de définir des « territoires fragiles », au sein desquels l'accès au médicament n'est pas satisfaisant. Alors que 99,5 % de la population française habite à moins de quinze minutes d'une pharmacie, ce décret exclut du décompte les pharmacies exploitées par un seul pharmacien titulaire de plus de 65 ans. Pourquoi les écarter, sauf à vouloir récupérer les licences pour favoriser des installations dans des territoires plus peuplés ?

Où en est ce projet de décret ? Le pouvoir des agences régionales de santé (ARS) sera-t-il élargi en matière d'autorisation de transfert et de regroupement d'officines ? Allez-vous prendre en compte l'aménagement du territoire et le maillage existant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pascal Martin et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Notre territoire est maillé par 21 000 officines, qui sont souvent le premier recours à un professionnel de santé. Je tiens à leur rendre hommage.

Pour autant, il y a des territoires comme la Corse ou la Guyane où 18 % de nos concitoyens sont trop loin d'une pharmacie. Je songe aussi à quelques territoires du Grand Est ou du Centre-Val de Loire.

Le décret que vous mentionnez est issu de l'ordonnance du 3 janvier 2018 qui prévoit une adaptation territoire par territoire. L'esprit de notre réforme du système de santé, et des CNR (conseils nationaux de la refondation) santé territoriaux, c'est le dialogue territorial avec les professionnels de santé, les élus et les citoyens.

Nous élaborons les critères pour que le décret soit opérationnel : distance, proportion de personnes âgées... C'est un travail de dentellière, territoire par territoire. Le décret sera bientôt publié, mais nous ne nous interdisons rien.

Une voix à droite.  - Il faut accélérer !

Mme Corinne Imbert.  - Merci pour l'hommage rendu aux pharmaciens d'officine. Vous avez cité 21 000 officines : c'est 4 000 de moins depuis quelques années. Les officines sont la colonne vertébrale de l'accès aux soins. Attention à ne pas fragiliser ce qui est un exemple en matière d'aménagement du territoire. N'ajoutons pas aux déserts médicaux des déserts pharmaceutiques ! Vous allez sacrifier l'aménagement du territoire et le monde rural. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Présence postale

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le législateur a confié à La Poste quatre missions de service public, dont la contribution à l'aménagement du territoire, avec l'obligation de maintenir un réseau de 17 000 points de contact. Signé le 15 février dernier, le sixième contrat de présence postale territoriale prévoit les règles d'adaptation de son réseau et de gestion du fonds de péréquation territoriale, de 174 millions d'euros.

Face à une fréquentation en chute libre des bureaux de poste, la mutualisation des réseaux territoriaux de la Poste et de l'État est une condition de survie. Or, le maintien d'un maillage serré en 2021 a coûté 348 millions d'euros : ce coût n'est compensé que pour moitié.

Comment remédier à cette sous-consommation pour permettre les investissements et assurer un service postal décentralisé et de qualité dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je salue votre travail en tant que président de l'Observatoire national de la présence postale. L'État, l'AMF et La Poste ont signé ce sixième contrat de présence postale, qui tire notamment les enseignements de votre récent rapport.

Y figurent cinq priorités : maintien des 17 000 points de contact ; maintien d'une dotation de 174 millions d'euros ; plus grande accessibilité horaire des bureaux de poste ; renforcement de la médiation sociale et numérique, à laquelle je suis très attaché ; gouvernance départementale rénovée pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.

Les premiers bénéficiaires seront les territoires ruraux, de la politique de la ville, de montagne et ultramarins. Ce soutien se poursuivra par une dotation qui sera discutée dans le cadre du projet de loi de finances.

Le Gouvernement veille à ce que La Poste puisse assumer ses missions de service public.

M. Patrick Chaize.  - Merci de cette réponse qui donne espoir.

La sous-compensation assèche le système et rend incohérents les discours et les actes. Revalorisez la compensation, pour redonner confiance ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)