Forces de l'ordre

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance du Sénat aux membres des forces de l'ordre déployées sur tout le territoire national présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues.

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MMFranck Menonville et Pierre Louault applaudissent également.) Cette résolution, que je présente avec le président Hervé Marseille, n'est pas uniquement symbolique, c'est un acte politique.

En un mois, ce sont plus de 1 000 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui ont été blessés, parfois gravement. En tant qu'élus, nous ne devons pas nous taire, nous devons prendre parti et choisir notre camp : celui de l'ordre républicain, et non celui de l'ambiguïté, voire de la complicité. (M. Éric Kerrouche se récrie.)

À Sainte-Soline, nous avons vu des élus ceints de leur écharpe tricolore participer à une manifestation interdite dont tous savaient qu'elle allait mal se terminer. (Marques d'exaspération à gauche) C'est bien un signe de complicité inadmissible, et notre écharpe ne saurait servir à couvrir les exactions des cagoules noires.

Les fonctionnaires, particulièrement les magistrats, doivent se tenir à leur obligation de réserve. À cet égard, le communiqué du syndicat de la magistrature sur les événements de Sainte-Soline est inadmissible : c'est un débordement qui alimente la défiance.

Les dérives, cela suffit ! Cette culture de l'excuse et cette fascination pour le chaos doivent cesser. Ceux qui lancent des pierres, qui brûlent les voitures de police ou de gendarmerie, ce ne sont pas les nouveaux damnés de la terre, mais les nouveaux incendiaires, les adversaires de la République.

N'ayez pas la naïveté de penser qu'ils se préoccupent des retraites ou des réserves de substitution : ils s'en fichent ! Ils veulent mettre à bas l'État et la démocratie.

La fausse équivalence entre l'usage légitime de la force - dont les dérives sont toujours sanctionnées - et l'usage illégal de la violence, cela suffit également ! Il ne saurait y avoir d'équivalence entre l'illégalité et l'illégitimité. Aucune équivalence non plus entre ceux qui veulent blesser, tuer, casser du flic et ceux qui protègent les personnes et les biens.

Notre camp ne sera jamais celui du nihilisme dans lequel l'ultragauche, voire l'extrême gauche se complaisent. Ce sont les mêmes, et je remercie la gauche de cet hémicycle de ne pas s'y être associée, qui ont battu le pavé parisien en novembre 2019 aux côtés des islamistes.

M. Roger Karoutchi et Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Eh oui !

M. Bruno Retailleau.  - Nous avons choisi notre camp, celui d?un ordre juste et calme. « L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté, le désordre fait la servitude », disait Charles Péguy. Ne cédons pas au terrorisme intellectuel, qui voudrait soutenir ceux qui veulent asservir la République à la chienlit. Soyons aux côtés de celles et ceux qui servent la République et notre démocratie. Certains exècrent leur uniforme. Pourtant, c'était le même que portrait Arnaud Beltrame. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) Ils ont fait le serment de servir et de défendre la loi.

Nous avons une dette à leur encontre, surtout quand leur honneur est attaqué injustement. Défendons-les ! Dans les mots, sans rien céder à l'ambiguïté, dans les actes, en leur donnant les moyens d'exercer leurs missions.

On ne peut donner raison aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes et, le lendemain, combattre ceux de Sainte-Soline : tout se tient, sinon rien ne tient. Défendons nos forces de l'ordre, car ce qu'elles représentent transcende nos clivages. L'ordre n'appartient à aucun parti, si ce n'est celui de la République. La Nation, que nous servons, qu'ils servent, leur doit la reconnaissance pour leur mission exercée souvent au péril de leur vie. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) M. Retailleau nous a réunis cet après-midi pour examiner une proposition de résolution.

M. Jérôme Bascher.  - Très bonne idée !

M. Jérôme Durain.  - Il y est question de gratitude, de reconnaissance. Les forces de l'ordre l'éprouvent-elles, alors que 13 000 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy ?

Il est vrai qu'avec cette proposition de résolution, vous ne prenez pas beaucoup de risques. C'est peut-être le but : la proposition de loi sur les casseurs de M. Retailleau a mal fini devant le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Retailleau.  - À cause de l'article 3, ajouté à l'initiative de M. Castaner !

M. Jérôme Durain.  - Mais même si le Conseil constitutionnel s'intéressait à cette résolution, je ne vois pas ce qu'il pourrait en dire. J'en veux pour preuve les termes mêmes de la résolution, qui « invite le Gouvernement à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour appréhender les casseurs et ramener l'ordre dans notre pays. » Monsieur Retailleau, comptez-vous prochainement inviter le Gouvernement à gouverner, voire lui rappeler les vertus du dialogue ?

J'ai rencontré des policiers jeudi après-midi. Aucun d'entre eux ne m'a demandé ma position sur cette résolution, ils étaient plus heureux de savoir que le groupe SER du Sénat avait voté la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Ils ne m'ont même pas confondu avec un sympathisant de l'ultragauche !

M. François Bonhomme.  - Vous en êtes sûr ?

M. Jérôme Durain.  - Notre assemblée a su faire preuve de son souci du bien commun, mais cette résolution n'apporte rien au débat. Elle résume la situation à une guerre de tous contre tous, manichéenne. Nous voyons une colère sociale portée par des millions de Français pacifiques, vous réduisez tout aux débordements de quelques dizaines d'abrutis dangereux.

Ce n'est pas la faute des manifestants si des journalistes sont agressés par les forces de l'ordre, si l'on n'ose plus manifester en famille. C'est le Gouvernement qui, à force de mépris des corps intermédiaires, participe à la montée de la température sociale. Pour calmer les esprits, il faut prendre en compte les manifestants. Crier comme vous le faites « tout le monde adore la police », c'est aussi stupide que de crier que la police tue.

Déposée après les attentats de Magnanville ou de Charlie Hebdo, cette résolution aurait eu une tout autre portée. Dans le contexte actuel, votre proposition de résolution revient à dire : circulez, il n'y a rien à voir... Or la critique de la police est souhaitable ; c'est l'honneur de la démocratie que d'interroger toutes ses institutions. Non, nous ne sommes pas au Venezuela, mais nos voisins européens s'interrogent sur notre police.

Nous ne craignons pas ce débat, contrairement à la droite et au centre qui, à l'Assemblée nationale, ont refusé de discuter la résolution demandant la dissolution de la Brav-M. Je n'aurais jamais jeté au rebut les centaines de milliers de signatures de citoyens s'inquiétant de l'action des forces de l'ordre.

On ne sort jamais gagnant d'un refus de débattre. Seulement 51 % de nos concitoyens avaient une bonne opinion de nos forces de l'ordre le 5 avril, contre 61 % en novembre 2020 - et c'était pourtant au lendemain de l'agression du producteur Michel Zecler. Le 29 mars, un sondage révélait que pour 37 % des Français, les violences policières ne sont pas marginales.

Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Il est surtout à deux doigts de tomber par terre.

Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, n'a pas le profil du casseur. Or son expérience du maintien de l'ordre sur son territoire l'inquiète dans la perspective des jeux Olympiques, et il demande un débat apaisé. Cette résolution n'y contribue pas...

Cela étant, tout n'est pas à jeter dans votre texte. Ainsi, « cette violence a prospéré depuis plusieurs années du fait de l'immobilisme, de la tolérance et parfois de la bienveillance de certains responsables politiques à l'égard de ses auteurs », et « la violence physique est désormais précédée jusque dans nos institutions d'une violence verbale qui tente de justifier des comportements aussi illégaux qu'inadmissibles ». Sur ces points, vous avez raison... si c'est l'ultradroite que vous dénoncez, les manifestations racistes, les remarques racistes du groupe RN au Palais Bourbon, la résurrection du GUD qui se baptise « Waffen Assas », et pas seulement les étudiants bloqueurs.

C'est pourquoi le groupe SER a déposé une proposition de résolution qui plagie la vôtre, mais en dénonçant l'ultradroite. (Marques d'ironie à droite) Nous soutenons la police. Puisque vous dénoncez les casseurs et l'ultragauche, nous comptons sur vous pour dénoncer l'ultradroite.

M. Jérôme Bascher.  - Bien sûr !

M. Jérôme Durain.  - Nous ne prendrons pas part au vote. (M. François Bonhomme s'en amuse.)

L'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée ». Notre famille politique a donné de grands ministres de l'intérieur, Pierre Joxe en tête. Nous croyons à la police républicaine, à celle du préfet Grimaud. Nous ne nous résignons pas à une police mal recrutée, mal formée, mal utilisée.

Votre gratitude inconditionnelle est stérile pour les forces de l'ordre. Au groupe SER, nous offrons notre soutien de principe, mais aussi notre exigence de principe parce que nous avons une haute idée de la police. C'est le sens de notre inquiétude sur le maintien de l'ordre, que les circonstances exigent. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un discours ferme, clair, républicain !

Mme Éliane Assassi .  - C'est avec un étonnement mêlé d'affliction que nous avons découvert l'inscription de ce texte à l'ordre du jour.

La crise démocratique d'une ampleur rare que nous traversons n'aurait pas eu lieu sans le projet de loi sur les retraites, passé par contrainte institutionnelle face à une large majorité de la population, face à des manifestants pacifiques. L'obstination du Président de la République et de son Gouvernement a durci le débat et fait monter les tensions.

Nous vous appelons au sérieux et au respect, car personne, à la gauche de cet hémicycle, ne souhaite la violence.

M. François Bonhomme.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Les policiers, détenteurs de missions de service public, font face aux conséquences de choix politiques dont ils ne sont pas responsables. C'est au soir du 49.3 que la colère a explosé. Des feux ont été allumés, des projectiles lancés, des membres des forces de l'ordre blessés : nous le regrettons, et j'ai toujours condamné les groupes violents qui pourrissent le mouvement social.

Mais comment pouvez-vous fermer les yeux sur l'arrestation de centaines de jeunes nassés, placés en garde à vue dans des conditions discutables, et sur ces manifestants blessés, parfois gravement ? Un homme blessé à Sainte-Soline est toujours dans le coma.

Vous adoptez une posture dangereuse pour notre démocratie, celle de l'amalgame, de la mise en cause de vos adversaires politiques. Il n'y a pas de camp du bien et de camp du mal, de l'ordre et du désordre. Vous avez contribué à enfoncer le pays dans la crise par votre vote sur ce projet de loi, et vous attaquez les partis de gauche qui soutiennent le mouvement social ?

M. Bruno Retailleau.  - L'extrême gauche !

Mme Éliane Assassi.  - Qui visez-vous, quand vous mentionnez des élus ambivalents ? Sommes-nous une menace à l'ordre public quand nous alertons, avec la Ligue des droits de l'Homme, sur des violences policières étayées et constatées ?

M. François Bonhomme.  - Nous y voilà...

Mme Éliane Assassi.  - La République, ce n'est pas l'ordre, qui n'en a certes pas été le creuset. La République, c'est la démocratie et la justice sociale ; c'est le projet que nous opposons à une proposition de résolution archaïque et réactionnaire. (On se récrie sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Le groupe CRCE ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Pascal Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Quelque 1 143 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont été blessés depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites, auxquels s'ajoutent 47 gendarmes pris en charge par les secours à Sainte-Soline le 25 mars.

Les forces de l'ordre sont la cible d'un nombre inédit de violences qui, dans le sillage du mouvement des gilets jaunes, atteignent un degré rarement observé. Certains instrumentalisent le droit de manifester pour casser du flic, nuisant à ceux qui exercent le droit fondamental de manifester. Pis, ils rendent impossible l'exercice serein de ce droit en s'attaquant aux forces de l'ordre et aux secours.

Nous n'aurons de cesse de défendre ceux qui protègent nos concitoyens. C'est pourquoi nous saluons l'initiative des présidents Retailleau et Marseille, écho à ce que beaucoup de Français ressentent au quotidien.

Ainsi, ils sont 85 % à condamner les violences contre les forces de l'ordre. Personne ne nous fera croire que nous sommes dans un État policier, que nos policiers sont agents du chaos et doivent « aller se faire soigner », pour reprendre les propos révoltants de Jean-Luc Mélenchon.

Notre engagement à leurs côtés est total, mais pas aveugle, alors que policiers et gendarmes sont soumis à une pression constante. Face aux insultes, aux crachats et aux coups, il y a eu des dérapages qu'il convient de sanctionner. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a ouvert 36 enquêtes, et son homologue dans la gendarmerie, deux : puissent-elles faire la lumière sur des actes regrettables, mais isolés.

Il est tout aussi légitime d'enquêter sur les manifestants blessés à Sainte-Soline. Mais cela ne remet pas en cause l'exemplarité des forces de l'ordre particulièrement sollicitées. Des agitateurs de premier ordre tentent de faire passer les casseurs pour les victimes et les policiers pour les bourreaux. Certains voudraient nous faire croire que sans gendarmes, il n'y aurait pas eu de casse à Sainte-Soline, et sans policiers, pas de dégradations à la Rotonde.

Encore une fois, les Français ne sont pas dupes. Les appels à la dispersion ne suffisent pas toujours contre les pavés, les mortiers et les boules de pétanque. Bien sûr, l'utilisation des LBD et des grenades de désencerclement doit être encadrée. Le problème, ce ne sont pas les LBD en eux-mêmes, mais leur usage par des agents insuffisamment formés. Il serait irresponsable de retirer cette arme intermédiaire sans alternative.

Les situations d'affrontement reflètent, en tout cas, l'échec du dialogue. Mais qui le refuse ? Prenons Sainte-Soline : les manifestants les plus radicaux font comme s'ils résistaient face à un pouvoir arbitraire. Tout se passe comme s'il n'y avait eu ni étude d'impact, ni concertation des comités de bassin et des commissions locales de l'eau (CLE), ni décision des élus en faveur des bassines. Tout se passe comme si l'idéologie de certains devait prévaloir, par la violence, sur des décisions de justice. La résistance contre l'arbitraire, c'est celle de décisions démocratiques contre une mouvance violence. Le triste bilan de cette rage, ce sont les 1 143 blessés.

Ayant été sapeur-pompier professionnel, j'adresse un hommage particulier aux agents de secours et de sécurité civile qui protègent la vie de nos concitoyens en risquant la leur. Les casseurs, eux, n'ont aucun scrupule à attaquer les sapeurs-pompiers et les urgentistes sans qui le bilan humain serait autrement pire. C'est pourquoi, en responsabilité, l'UC votera cette proposition de résolution pour exprimer sa gratitude et son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupeUC, INDEP et Les Républicains)

M. Stéphane Ravier .  - Après avoir oeuvré récemment avec vous à la création de 200 brigades de gendarmerie, j'exprime ma gratitude et ma reconnaissance aux forces de l'ordre, notamment déployées à Marseille. Je salue avec vous la mémoire d'Arnaud Blanc, gendarme du GIGN tué le 25 mars en Guyane en luttant contre l'orpaillage illégal.

Dans cette même Amérique latine, l'extrême gauche française trouve ses meilleurs amis : Chávez, Maduro, Castro, ces apôtres de l'effondrement économique et de la répression sanglante.

Si nous subissons de telles violences contre les forces de l'ordre, c'est principalement l'oeuvre de la Nouvelle union révolutionnaire des gauches.

M. Jérôme Durain.  - Pas de l'extrême droite ?

M. Stéphane Ravier.  - Les zadistes, à Paris, Bordeaux, Sainte-Soline, Marseille, dans les facs, sont aux côtés de la racaille antifa. Un ancien dealer devenu député crache sur la police qui protège son domicile depuis des semaines.

Rappelons à Fidel Hugo Mélenchon que la République, c'est eux. Le Líder máximo de l'islamo-gauchisme devrait se rééduquer lui-même, alors que ses collègues réintègrent un collègue qui frappe son épouse. Ils veulent que toute la France soit insoumise, sauf elle.

Avec 6 700 policiers et 3 300 gendarmes blessés en service en 2020: le seul racisme systémique dans notre pays...

M. Jérôme Durain.  - C'est le vôtre !

M. Stéphane Ravier.  - ... c'est le racisme antiflics. L'extrême gauche antifrançaise pousse la racaille contre la République.

Notre pays a vibré à la mort homérique d'Arnaud Beltrame, cette figure de l'abnégation chevaleresque. Je salue tous ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour protéger la nôtre.

Cette proposition de résolution a le mérite de mettre face à face le camp de la Nation et celui de ses ennemis. Face aux rouges, je serai toujours dans le camp des bleus ! (Nombreuses marques de dérision à gauche)

M. Jérôme Durain.  - Dans le camp des bruns, oui !

Mme Nathalie Delattre .  - Sans équivoque, le groupe du RDSE condamne tous les actes de violence commis, notamment par des casseurs, et toutes les attaques portées contre les policiers, les gendarmes et les pompiers. Rien n'a changé depuis les attentats de 2015 : nous sommes toujours aussi convaincus du courage et du dévouement de nos agents.

Pourtant, certains de nos concitoyens expriment une colère, un rejet de l'État. Qu'ils n'oublient pas les services rendus par nos institutions, policiers, gendarmes, mais aussi tous nos services publics. La violence à leur encontre est semblable à celle que subissent nos enseignants et nos élus. Contre cette dernière, j'ai déposé une proposition de loi de soutien aux édiles.

Pour le juriste bordelais Léon Duguit, « une société ne pourrait exister s'il n'y avait pas de discipline sociale ». La désobéissance civile est choquante quand des élus de la République la prônent. Il est donc inacceptable de renvoyer dos à dos forces de l'ordre et casseurs.

Pour autant, il ne faut pas renoncer à toute critique : on peut être révolté par l'incendie de la porte de la mairie de Bordeaux, sans pour autant pouvoir regarder sereinement les images de tirs de LBD ou de jets de grenades.

S'inquiéter de la hausse, marginale, des violences policières, c'est s'inquiéter de l'augmentation de la violence dans notre société, et de l'épuisement des agents. Mais il faut aussi une police irréprochable, et que chaque dérive soit sanctionnée. C'est notre rôle de parlementaires que de leur assurer les moyens d'un exercice décent de leur métier.

Nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans bouclier, tu n'es rien : tout gladiateur ou chevalier le sait. La place des forces de l'ordre est cruciale, au fondement du contrat social, qui ne serait qu'un voeu pieux sans force exécutoire. Parce que celle-ci existe, nous pouvons jouir paisiblement de nos existences.

La police arme la démocratie contre ceux qui s'y soustraient. Pour paraphraser Blaise Pascal, elle permet à ce qui est juste d'être fort. Sans police, pas de contrat social. La loi n'est qu'une vaine tache d'encre. Tout notre ordre repose sur cette force qui empêche la guerre de tous contre tous, décrite par Hobbes.

La rhétorique stérile dressant manifestants contre forces de l'ordre est inepte, car celles-ci garantissent justement le droit de manifester contre les perturbateurs.

Avant l'irruption des black blocs dans les cortèges, tout le monde saluait le bon déroulement des manifestations. C'est aux agresseurs de policiers, lanceurs de pavés, incendiaires de poubelles, qu'il faut jeter la pierre. La réprobation à leur endroit doit être unanime. Le droit de manifester n'est pas un droit à la chienlit, et force doit rester à la loi.

Jérôme Durain a cité la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Je me référerai pour ma part aux constitutions de 1791, 1793 et 1848, où le droit de manifester est toujours associé à la condition de la non-violence. La Constitution de 1791 garantit ainsi « la liberté de s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police. » La conciliation entre liberté et ordre public est un principe invariant et structurant de notre tradition juridique.

Devons-nous pousser des cris d'orfraie quand la police intervient contre les black blocs ? Lui reprocher de se défendre contre des assauts inacceptables ou d'escorter des pompiers ? Le faire, c'est inverser les coupables et les victimes.

En réalité, ce dont l'accusent certains, c'est de ne pas désarmer face à la violence et de préserver l'ordre républicain, faisant ainsi ce pour quoi elle a été instituée. Ceux qui le lui reprochent rompent le contrat social qui nous lie.

Nous devons redire aux forces de l'ordre notre confiance, au moment où leur critique est devenue le fonds de commerce d'une partie de la classe politique. Nous n'accepterons pas que le bruit et la fureur soient des codicilles au contrat social, et que nos policiers et gendarmes deviennent de la chair à black blocs. Sans bouclier, nous sommes faibles - toute démocratie le sait bien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Franck Menonville .  - (M. Bruno Belin applaudit.) Ces dernières semaines, nous avons assisté à un déchaînement de violences. Mairies incendiées, parlementaires pris pour cible, véhicules détruits : voilà l'image que nous donnons au monde !

À Sainte-Soline, on a jeté sur les forces de l'ordre des cocktails Molotov et des boules de pétanque, au cours d'une manifestation prétendument non violente... L'ultragauche s'en prend délibérément à notre République et à notre démocratie.

La France doit cesser d'être le terrain de jeu européen de ces factions, à la faveur d'une certaine complaisance intellectuelle et médiatique. La violence contre les dépositaires de l'ordre public doit être réprimée de façon dissuasive. (M. Laurent Burgoa abonde.) Je déplore que ceux qui ont transformé l'Assemblée nationale en ZAD soient dans la rue au côté des casseurs.

Les Français ont des opinions diverses, mais ils s'accordent sur ce point : la démocratie doit nous gouverner. « Ce qui préserve de l'arbitraire, c'est l'observance des formes », disait Benjamin Constant. Non, la violence n'est pas un moyen d'expression légitime !

Le groupe Les Indépendants rend hommage aux femmes et aux hommes qui consacrent leur vie à la protection de nos vies et de nos institutions, ainsi que des grands événements accueillis par notre pays, en dépit des violences qu'encouragent des révolutionnaires de salon.

Depuis le début des manifestations, on compte des centaines de blessés parmi les forces de l'ordre - 154 pour la seule journée de jeudi dernier. Pourtant, policiers et gendarmes continuent d'exercer leur métier avec courage et sang-froid face à ceux qui veulent embraser le pays.

Les gardiens de l'ordre républicain, qui oeuvrent au service de tous, peuvent compter sur notre reconnaissance et notre soutien. Nombre d'entre nous se sont levés pour leur rendre hommage après la question d'actualité posée par notre président, Claude Malhuret, le 29 mars dernier. De même, cette proposition de résolution doit réunir tous les Républicains. Nous la voterons, en félicitant MM. Retailleau et Marseille d'en avoir pris l'initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Xavier Iacovelli .  - Cette proposition de résolution est révélatrice du climat social et politique que nous connaissons depuis une vingtaine d'années. Les phénomènes de violence sont de plus en plus nombreux, en France comme ailleurs - souvenons-nous du G20 de Hambourg, du G8 de Rostock ou du G20 de Londres. Les prétendues zones à défendre, véritables zones de non-droit, se multiplient - comme à Lützerath, en Allemagne. En janvier dernier, à Atlanta, des manifestations contre l'ouverture d'une école de police ont entraîné un mort et de nombreux blessés.

La nouvelle génération d'activistes d'ultragauche et d'ultradroite méprise les manifestations encadrées, mais en profite pour semer le chaos. De Sivens à Notre-Dame-des-Landes, nous n'avons que trop vu leur détermination à mettre en péril la vie des forces de l'ordre.

La violence a culminé au printemps 2016, lors de la contestation de la loi travail. Depuis, des gilets jaunes à la contestation de la réforme des retraites, ultragauche et ultradroite infiltrent les manifestations pour les radicaliser.

Comme on l'a vu à Sainte-Soline, les mouvances des différents pays entretiennent des relations. Italiens, Allemands, Belges ou Français, les radicaux s'en sont pris aux forces de l'ordre pour ce qu'elles sont et, à travers elles, aux institutions de la République. Comme l'a expliqué le directeur général de la gendarmerie nationale, leur objectif est de mettre en échec la capacité des forces de l'ordre à maintenir l'ordre public et à protéger les institutions.

Nous regrettons la duplicité de certains membres du Parlement, qui, en participant à des manifestations interdites ou en ne condamnant pas clairement les violences physiques, verbales et morales contre les forces de l'ordre, jouent un jeu dangereux.

Le RDPI votera cette proposition de résolution. Toutefois, le renforcement des moyens, l'amélioration des conditions de travail et la revalorisation des carrières sont les meilleures marques de reconnaissance.

À cet égard, le premier quinquennat d'Emmanuel Macron a vu la mobilisation de moyens considérables pour le ministère de l'intérieur : 10 000 policiers et gendarmes recrutés, la moitié du parc de véhicules renouvelée, de très nombreuses heures supplémentaires accumulées enfin payées. La Lopmi prévoit 15 milliards d'euros et 8 500 postes supplémentaires jusqu'en 2027 ; l'objectif est de doubler la présence des forces de l'ordre sur le terrain, notamment à travers 200 brigades nouvelles. Nous revalorisons également les carrières et renforçons l'accompagnement social des personnels, par exemple en matière de garde d'enfants.

Les forces de l'ordre peuvent compter sur notre soutien plein et entier, traduit en actes concrets. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Jusqu'à la mi-mars, les manifestations contre la réforme des retraites se déroulaient de manière organisée et pacifique. Mais, le 16 mars dernier, la décision de la Première ministre de recourir au 49.3 a été le point de départ d'une vague de violences. Le 25 mars, nous avons assisté à un déchaînement de violence à Sainte-Soline, au cours d'une manifestation interdite. Les atteintes à nos institutions se comptent par centaines.

Saluons le sang-froid avec lequel les forces de l'ordre continuent de protéger les personnes et les biens face à ce chaos. Dire qu'il s'est trouvé des élus pour les mettre en cause de façon indécente... Quel renversement de valeurs !

À Sainte-Soline, les prétendus promeneurs auxquels nos forces de l'ordre ont fait face étaient des indignés professionnels armés de cocktails Molotov, de manches de pioche ou de boules de pétanque. Cet « arsenal festif » était complété par des bonbonnes de gaz et des mortiers d'artifice... Les fourgons en feu ne laissaient guère de doute sur leur volonté d'en découdre, au nom d'un slogan stupide : « La police tue ».

Je ne m'explique pas la complaisance, voire la fascination, que suscite cette violence, destinée à abattre nos institutions républicaines, qui seraient naturellement bourgeoises. Une violence qui n'a rien de symbolique : les vitrines de banque et les commerces attaqués en témoignent. Il s'agit de susciter un climat d'insurrection, préalable à une révolution ou à une vaporeuse VIe République.

On invoque le droit de manifester, mais le droit de propriété est bafoué lorsque, par exemple, l'outil de production de nos agriculteurs est mis à mal, comme à Sainte-Soline. Le rappeler contribue à remettre à l'endroit les valeurs qui doivent nous réunir.

Que peuvent faire les parlementaires pour soutenir les forces de l'ordre ? Le secrétaire général du syndicat Alliance...

Mme Éliane Assassi.  - Il est avec nous dans les manifs !

M. François Bonhomme.  - ... demande une nouvelle loi anticasseurs pour prévenir les violences et en sanctionner les auteurs.

La loi du 10 avril 2019 visait à renforcer le maintien de l'ordre public lors des manifestations. Malheureusement, une décision du Conseil constitutionnel a remis en cause son application. Il semble cependant qu'une voie de réécriture existe.

Par ailleurs, M. Darmanin a annoncé devant notre commission des lois que le décret relatif à l'utilisation des drones était en cours d'examen par le Conseil d'État : dès cet été, il sera possible de recourir à ces équipements.

Nous devons donner à nos forces de l'ordre tous les moyens juridiques et techniques d'accomplir leurs missions : telle est la meilleure expression de notre reconnaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs années, l'activité des forces de l'ordre s'accroît considérablement. Terrorisme, maintien de l'ordre, lutte contre l'immigration irrégulière, police du quotidien : tout peut donner lieu à de la violence.

Cette agitation permanente met nos forces sous pression, éreinte les personnels et complique leur vie familiale. On ne compte plus les heures supplémentaires ni les blessures subies pour assurer la sécurité des Français et faire appliquer les lois.

En outre-mer, les forces de l'ordre font face à une délinquance jeune et violente, ainsi qu'à l'intensification des trafics. Cette violence est parfois aggravée par des flux migratoires incontrôlés, comme à Mayotte. Nos forces de l'ordre travaillent dans des conditions particulièrement dangereuses : on l'a vu, tout récemment encore, en Guyane, avec la mort d'un gendarme d'élite engagé contre l'orpaillage illégal.

Nous exprimons notre reconnaissance à nos forces de l'ordre, qui font montre de professionnalisme et de sang-froid face à des individus radicalisés et désinhibés qui veulent casser ou brûler du flic - et s'en prennent aussi à des médecins, des pompiers, des enseignants ou des élus.

Notre maintien de l'ordre est certainement perfectible. Mais il faut aussi une réponse pénale plus ferme et plus rapide. Les OQTF doivent être exécutées et il faut lutter contre l'internationalisation des casseurs d'ultragauche, mais aussi d'ultradroite.

Une partie de la jeunesse est en perte de repères et gagnée par l'éco-anxiété. Des territoires périphériques se paupérisent : les gilets jaunes ont été l'expression de ce phénomène. Mais la violence n'est jamais la solution. Quelle image donnons-nous au monde ?

Nous devons nous attaquer à ces problèmes, pour que la violence cesse de se déchaîner contre nos forces de l'ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Chauvet applaudit également.)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - J'ai une pensée émue pour le gendarme Yannick Pierre et l'adjudant de réserve Patrick Hervé, décédés hier lors d'une opération de lutte contre la délinquance routière.

Je vous prie d'excuser Gérald Darmanin, qui tenait à être présent pour ce débat mais accompagne le Président de la République aux Pays-Bas.

Je remercie Bruno Retailleau et Hervé Marseille : leur proposition de résolution nous offre l'occasion d'exprimer à nos forces de l'ordre la gratitude de la Nation.

Permettez-moi de vous livrer un sentiment personnel. Comme Calédonienne, j'ai connu les affres d'une guerre civile fratricide. Je mesure donc le prix de la paix civile. Deux mille agents des forces de l'ordre sont venus en renfort pour permettre l'exercice serein du droit à l'autodétermination : je sais ce que nous leur devons.

Que ces femmes et ces hommes soient assurés de notre entier soutien et de notre pleine reconnaissance. De Paris à Nouméa en passant par Sainte-Soline, ils sont les garants de l'ordre républicain, le seul qui vaille.

L'article XII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit une force publique instituée pour l'avantage de tous. Les forces de l'ordre garantissent la liberté face à ceux qui veulent saper nos institutions, le droit de propriété face à ceux qui brûlent des voitures ou s'attaquent à l'outil de travail de nos agriculteurs et aux commerces des honnêtes travailleurs.

Les forces de l'ordre accomplissent cette mission en métropole comme dans les outre-mer : aux Antilles pour lutter contre le trafic de drogue, en Guyane contre l'orpaillage illégal. Je salue la mémoire d'Arnaud Blanc, gendarme du GIGN, tué le 25 mars dernier dans une opération contre des orpailleurs illégaux. Dans le Pacifique, en Polynésie, nos forces de l'ordre contribuent à défendre des écosystèmes riches mais fragiles.

Pourtant, elles sont la cible d'attaques inacceptables. Depuis le 19 janvier, nous assistons à une montée en puissance des violences dirigées contre elles - plus de 1 000 blessés ces dernières semaines. Plus grave, certains font preuve d'une bienveillance insidieuse envers les casseurs et s'efforcent de discréditer les forces de l'ordre, alors que c'est l'honneur de celles-ci de garantir la libre expression des opinions et des mécontentements.

Face à l'extrême violence de certains groupuscules, comme les Soulèvements de la Terre, notre discours ne doit être ni ambigu ni à géométrie variable. Le Gouvernement n'a pas tremblé : Gérald Darmanin a dissous ce mouvement. Nous serons fermes face à de telles organisations factieuses, d'ultragauche comme d'ultradroite. (M. Jérôme Durain s'exclame.)

Un travail important a été mené pour un renouveau de notre doctrine de maintien de l'ordre. Le déroulement des dernières manifestations montre l'efficacité de ce dispositif, malgré quelques dégradations.

Grâce à la Lopmi, 7 500 policiers supplémentaires compléteront les forces de l'ordre, 200 brigades seront créées ; les réserves seront portées à 50 000 policiers et 30 000 gendarmes. Les agents bénéficieront aussi de matériels renouvelés. En vue des jeux Olympiques et Paralympiques, onze unités de forces mobiles seront mobilisées, et sept autres seront rendues disponibles via la reprise de leurs missions par la police.

Nous devons garantir aux forces de l'ordre les moyens d'accomplir leurs missions au service de la sécurité et de la démocratie.

Cet engagement a pour corollaire l'exemplarité, car chaque fois qu'un policier dérape, ce qui peut arriver, c'est la confiance des citoyens dans la République qui est atteinte. Lorsque la proportionnalité dans l'usage de la force n'est pas respectée, il y a enquête et sanction. La formation des forces de l'ordre est précise et exigeante.

Ne tombons pas dans le piège tendu par certains en transformant des cas isolés en généralités. Il n'y a pas de violences policières dans notre pays : l'État détient le monopole de la violence légitime. Ne jetons pas l'opprobre sur les ouvriers de la sécurité que sont nos policiers et nos gendarmes.

J'ai une pensée particulière pour les familles et les proches des forces de l'ordre, qui portent aussi le poids de cet engagement.

Le vote de cette proposition de résolution exprimera la reconnaissance des Français pour les forces de l'ordre, qui veillent à leur sécurité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de résolution est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°272 :

Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 250
Pour l'adoption 250
Contre     0

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.