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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

FNGIR pour les petites communes

Mme Nadia Sollogoub

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Option végétarienne quotidienne dans la restauration collective

M. Daniel Salmon

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Fermeture des zones de pêche dans le golfe de Gascogne

Mme Frédérique Espagnac

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Interdiction des chaudières à gaz dans le secteur du bâtiment

M. Michel Canévet

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Architectes des bâtiments de France

M. Bruno Belin

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Contribution citoyenne aux associations de défense de l'environnement

M. Laurent Burgoa

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Maintien du service d'accès aux soins de Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Universitarisation du Centre hospitalier sud-francilien

Mme Laure Darcos

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Dépistage organisé des cancers de la prostate et du sein aux Antilles

M. Dominique Théophile

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Contrôle d'effectivité des droits à la PCH

M. Philippe Mouiller

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Manque d'enseignants remplaçants en Haute-Vienne

Mme Isabelle Briquet

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

France Travail et missions locales

M. Hervé Gillé

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Lutte contre les incendies en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Caméras individuelles pour les ASVP

Mme Sylvie Vermeillet

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Répartition des renforts de gendarmerie en Guyane

M. Georges Patient

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Recrudescence des agressions envers les élus

Mme Catherine Belrhiti

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Implantation d'un CRA dans le Haut-Rhin

Mme Patricia Schillinger

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Droit à la formation des élus

Mme Elsa Schalck

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Transfert de TVA aux collectivités territoriales

M. Pierre Louault

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Réfaction de la TGAP

Mme Annick Billon

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

M. Bruno Sido

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Dérogation à l'interdiction de chauffage extérieur pour les commerçants itinérants

M. Cyril Pellevat

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Retour des loups dans les Bouches-du-Rhône

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Ouvrages d'art de rétablissement des voies

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Application du DPE au patrimoine ancien

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Canaux d'irrigation du Haut-Rhin

Mme Sabine Drexler

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Création d'une ligne S

Mme Daphné Ract-Madoux

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Fusion des filières REP d'emballages ménagers et de papier (Conclusions de la CMP)

Mme Marta de Cidrac, rapporteure pour le Sénat de la CMP

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

M. Bernard Fialaire

M. Guillaume Chevrollier

M. Claude Malhuret

M. Jacques Fernique

M. Michel Dagbert

M. Joël Bigot

Mme Éliane Assassi

M. Michel Laugier

État de la justice dans les outre-mer

Mme Victoire Jasmin, pour le groupe SER

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer

M. Bernard Fialaire

Mme Elsa Schalck

M. Franck Menonville

M. Jacques Fernique

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Éliane Assassi

Mme Jocelyne Guidez

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Victoire Jasmin

M. Gérard Poadja

M. Pierre Frogier

M. Bernard Jomier

Mme Annick Petrus

M. Patrick Kanner, pour le groupe SER

Ordre du jour du mardi 2 mai 2023




SÉANCE

du jeudi 13 avril 2023

81e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

FNGIR pour les petites communes

Mme Nadia Sollogoub .  - Certaines petites communes rurales voient leur contribution au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) figée depuis 2014 alors que leurs ressources évoluent en général négativement. Mes amendements au projet de loi de finances (PLF) visaient à exonérer les plus petites communes de contribution au FNGIR en deçà d'un certain seuil de population.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le dispositif en vigueur a permis d'assurer une stricte neutralité financière pour chaque collectivité locale, grâce au mécanisme pérenne instauré par l'article 78 de la loi de finances pour 2010, composé d'une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) financée par l'État et du FNGIR.

Un prélèvement ou un reversement au titre du FNGIR est calculé sur la base d'une comparaison des ressources avant et après réforme de la taxe professionnelle (TP) pour le seul exercice 2010, au terme d'une opération à caractère national.

Depuis 2012, les montants prélevés ou reversés au titre du FNGIR sont fixes en euros constants et évitent ainsi une instabilité des compensations. Cette fixité n'est pas structurellement pénalisante pour les contributeurs qui ont connu depuis 2010 un dynamisme de leur fiscalité économique locale. Leur contribution au FNGIR n'a pas augmenté, tandis que leurs ressources fiscales ont progressé.

L'objectif du législateur étant de ménager la transition entre deux régimes fiscaux successifs, la réactualisation année après année des prélèvements alimentant le FNGIR ou leur réfaction dégressive ne paraît guère envisageable. Le Gouvernement est conscient des difficultés liées à la fixité du FNGIR pour les communes contributrices, notamment rurales, confrontées au départ d'une ou plusieurs entreprises de leur territoire. Des mesures ont été prises pour compenser les pertes exceptionnelles de base de contribution économique territoriale (CET). L'article 79 de la loi de finances pour 2021 a créé un prélèvement sur recettes de l'État, prévoyant que l'État verse annuellement une dotation égale à un tiers de la contribution au FNGIR. Pour les communes dont le prélèvement au titre du FNGIR représente plus de 2 % de leurs recettes réelles...

M. le président.  - Votre temps est largement dépassé, madame la ministre.

Mme Nadia Sollogoub.  - Concrètement, Bazolles, commune de 290 habitants dans la Nièvre, verse 250 000 euros au titre du FNGIR. Le problème, ce n'est pas la fixité de la contribution mais son montant, déraisonnable. Lors de l'examen du PLF, on m'avait répondu qu'il peut y avoir de toutes petites communes avec un fort potentiel fiscal. Mais même si un millionnaire était présent sur une commune, cela ne remplit pas ses caisses pour refaire les routes ou le toit de l'église ! On ne va pas augmenter la fiscalité de l'ensemble des habitants sous prétexte que l'un d'entre eux est beaucoup plus riche que les autres. Avec la réforme de la taxe d'habitation, le levier fiscal n'existe plus, et les budgets des toutes petites communes se retrouvent avec des aberrations. Je reformulerai ma demande chaque année.

Option végétarienne quotidienne dans la restauration collective

M. Daniel Salmon .  - Après deux années d'expérimentation du menu végétarien dans la restauration collective mise en place par la loi Climat et résilience, dans plus de 200 communes, un consensus émergeait sur les bienfaits de ce menu équilibré pour la bonne santé des enfants et vertueux pour l'environnement.

Pourtant, un projet d'arrêté ministériel pourrait imposer une quantité minimale de viande et de poisson dans les cantines, résultat de la contre-offensive de l'industrie agroalimentaire, qui rendrait impossible l'alternative végétarienne pour la restauration scolaire !

Or les bénéfices des repas végétariens sont multiples : d'abord pour la santé, en réduisant les risques de maladies chroniques d'origine nutritionnelle. Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), un menu végétarien équilibré apporte la quantité de protéines nécessaire à la santé.

Ensuite, les économies réalisées servent à introduire plus de viande bio et locale : 20 % des cantines sans menu végétarien proposent de la viande bio locale contre 50 % des cantines avec un menu végétarien quotidien. Ce cercle vertueux bénéficie ainsi à toutes les parties prenantes.

Le menu végétarien est un modèle d'inclusion, une « alternative affranchie de freins éthiques, religieux ou sociaux » selon le Défenseur des droits.

Enfin, il est bénéfique pour le climat : l'alimentation représente 24 % de l'empreinte carbone des ménages français. Chaque repas végétarien évite l'émission de 1,5 kg de carbone en moyenne, soit 10 km en voiture.

Plutôt que de mettre un terme à une expérimentation qui a fait ses preuves, pérennisons-la ! Laissons aux familles le choix de leur alimentation. Permettez à toutes les cantines de servir une option végétarienne sur une base quotidienne.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le rapport relatif à l'expérimentation de l'option végétarienne quotidienne pour les collectivités volontaires est en cours d'élaboration, sur la base des travaux d'une mission interinspections associant celles de l'agriculture (CGAAER) et de l'environnement (IGEDD). Seules 49 collectivités sur 200 ont souhaité s'inscrire dans le cadre de cette expérimentation et partager leur expérience. Des entretiens qualitatifs complémentaires ont dû être organisés.

Depuis 2012, il est obligatoire de servir, sur vingt repas successifs, du poisson lors de quatre repas et de la viande rouge non hachée lors de quatre repas. En cas de choix multiple, il est donc possible de servir une option végétarienne quotidienne, dès lors que de la viande et du poisson sont servis dans les options non végétariennes. De même, certaines collectivités ont mis en place une option végétarienne sur réservation quelques jours à l'avance, ce qui s'apparente à un choix multiple.

En revanche, le cadre existant depuis dix ans ne permet pas une inscription à une option végétarienne à l'année ou au trimestre car, de fait, les élèves inscrits à cette option n'auront pas la possibilité, de manière certaine, de consommer de la viande ni du poisson pendant toute une année ou un trimestre.

Le tribunal administratif de Lyon a estimé, le 23 mars 2023, que la décision de la mairie de Lyon d'instaurer des menus sans viande du 22 février au 2 avril 2021 était contraire au respect de la qualité nutritionnelle des repas.

Le Haut Conseil de la santé publique recommande que les enfants consomment du poisson deux fois par semaine, et de la viande, volaille et oeufs les autres jours - sans qu'il soit nécessaire d'en consommer à chaque repas.

M. Daniel Salmon.  - Il faudra faire évoluer les pratiques et les régimes alimentaires, comme le préconisent tous les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), sinon nous n'arriverons pas à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Fermeture des zones de pêche dans le golfe de Gascogne

Mme Frédérique Espagnac .  - Depuis le 29 mars 2023, des marins-pêcheurs d'Arcachon et de Capbreton, inquiets, bloquent le port de Bayonne. Ils contestent la décision du Conseil d'État du 20 mars 2023, qui ordonne au Gouvernement de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour quatre mois, dans un délai de six mois.

Si tout le monde partage l'objectif de protéger la diversité, et particulièrement les dauphins, cela ne doit pas se faire au détriment des pêcheurs.

Après un plan de sortie de flotte dégradant les capacités de pêche, la décision de la Commission européenne d'interdire le chalutage dans les aires marines protégées d'ici 2030, le Conseil d'État charge encore la barque. Les marins-pêcheurs, déjà dans une situation compliquée, risquent de voir leur chiffre d'affaires baisser jusqu'à 50 %.

Près de 3 000 marins et leurs familles risquent d'être affectés par cette décision, qui fait courir un risque majeur pour la filière, secteur important de l'économie locale. Ces pêcheurs, qui exercent leur métier, difficile, avec passion, ne peuvent entendre que l'État leur supprime une partie de leur travail. Il est urgent de trouver des solutions qui protègent les dauphins et qui permettent à nouveau aux pêcheurs de larguer les amarres, plutôt que de jeter l'éponge...

L'association Bloom a porté plainte devant la Cour de justice de la République contre les récents propos du secrétaire d'État, Hervé Berville.

Le Gouvernement envisage-t-il d'autres solutions que les dispositifs d'éloignement des dauphins sur les bateaux, jugés inefficaces par le Conseil d'État ? Quelles sont précisément les zones potentiellement concernées par l'interdiction de pêche dans le golfe de Gascogne, détail important qui a échappé au Conseil d'État ? Si la pêche est effectivement fermée pour quatre mois, quelles indemnités sont prévues pour les pêcheurs, et quand ? Pouvez-vous clarifier les propos et intentions du ministre sur le plan d'action européen ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - En raison du nombre important d'échouages de cétacés sur les plages de l'Atlantique à la suite de captures accidentelles, le Gouvernement a mis en place un plan d'urgence en septembre dernier, qui prévoit d'une part des équipements obligatoires comme des dispositifs de localisation, d'effarouchement et des caméras, et d'autre part l'installation de ces dispositifs sur les 213 navires les plus actifs dans le golfe de Gascogne dont 100 en caméras. C'est la première fois qu'un plan de ce type est mis en place aussi rapidement avec plus de 17 millions d'euros de financements publics et un engagement des professionnels. Ce plan conciliant pêche et présence de cétacés a été réalisé avec les scientifiques, les ONG et les pêcheurs, et sera évalué d'ici fin 2024.

Le Gouvernement prend acte de la décision du Conseil d'État qui demande à l'État de garantir l'efficacité des mesures dès l'hiver prochain. Ce jugement nécessite de réinterroger l'équilibre du plan d'urgence. Il est encore trop tôt pour dire quelles mesures seront prises, mais elles seront concertées avec tous les acteurs et les élus concernés.

Interdiction des chaudières à gaz dans le secteur du bâtiment

M. Michel Canévet .  - J'attire votre attention sur le projet d'interdiction des chaudières à gaz. Nous sommes sensibles à la transition énergétique, y compris les jeunes du lycée Laennec de Pont-l'Abbé qui nous écoutent. Depuis juillet 2022, l'installation de chaudières au fioul est interdite dans les nouvelles habitations, et une même interdiction semble se profiler pour les chaudières à gaz. Certes, nous utilisons actuellement du gaz d'origine fossile. Mais en Bretagne, nous sommes capables de produire du gaz renouvelable qui pourrait apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Président de la République a fixé l'objectif ambitieux de faire de la France le premier grand pays industriel à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Depuis 2022, la réglementation environnementale RE 2020 impose le recours à une part d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs et aux bâtiments tertiaires. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières à gaz dans les logements existants.

MaPrimeRénov', qui a permis de rénover près de 700 000 logements en 2022, ne subventionne plus l'achat de chaudières au fioul ou au gaz. Des solutions compétitives existent néanmoins : réseaux de chaleur, énergies renouvelables, solaire, etc.

Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 TWh de gaz en 2021 et nous avons une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse limité, fortement sollicité par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont guère d'alternatives comme l'aviation ou le maritime.

Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un fort développement du biogaz.

M. Michel Canévet.  - Faisons attention : nous avons encore besoin du gaz dans les zones rurales. Changer de mode de chauffage nécessite des moyens importants. Tout miser sur l'électricité nous rend vulnérables. Mieux vaut multiplier les sources d'approvisionnement énergétique.

Architectes des bâtiments de France

M. Bruno Belin .  - La France est belle, riche d'un patrimoine exceptionnel qui fait rayonner nos villes et habille nos campagnes.

Ce patrimoine appartient aux communes, qui, malgré des efforts remarquables, éprouvent bien des difficultés à l'entretenir. Certes, les finances sont exsangues, mais à cela s'ajoute la complexité d'un dialogue parfois difficile avec les architectes des bâtiments de France (ABF).

Les maires ont besoin d'eux. Ils sont de bon conseil. Toutefois, la surcharge de contraintes et de prescriptions et le manque de cohérence lié à la rotation des postes font que les travaux nécessaires à des projets essentiels pour l'économie locale ne peuvent aboutir.

Quel dialogue pouvons-nous imaginer entre les maires et les ABF pour favoriser la mise en oeuvre des projets ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La mise en valeur de notre patrimoine dans les communes de France est un sujet important. Les maires ont besoin des conseils avisés et de qualité des ABF, sur la cohérence des paysages ou du bâti par exemple.

Les espaces remarquables représentent 6 % du territoire national. Ils contribuent au rayonnement et à l'attractivité de la France.

La mission de protection de ces espaces dévolue aux ABF doit s'exercer en bonne intelligence. Les avis conformes sont rendus au cas par cas et cela fonctionne : sur plus de 500 000 dossiers instruits chaque année, 7 % seulement font l'objet d'un avis défavorable.

Le cas échéant, une procédure d'appel est possible et les tribunaux administratifs peuvent être saisis. Prenons les ABF pour des partenaires et pour des partenaires fiables !

M. Bruno Belin.  - Loin de moi l'idée de remettre en cause la compétence des ABF. Je suggère néanmoins qu'ils soient placés sous l'autorité des préfets de département. À la fin, le dernier mot devrait revenir au maire.

Contribution citoyenne aux associations de défense de l'environnement

M. Laurent Burgoa .  - Pour éviter un procès pénal, des mesures alternatives peuvent être prises par le procureur de la République afin d'assurer rapidement la réparation du dommage, mettre fin à l'infraction ou sensibiliser l'auteur des faits aux conséquences de son acte. La loi du 8 avril 2021 permet ainsi de demander à l'auteur de verser une contribution citoyenne d'un montant de 3 000 euros maximum auprès d'une association d'aide aux victimes avec laquelle le tribunal a signé une convention.

Cependant, alors que la principale victime est parfois l'environnement, par exemple dans le département du Gard, les associations de défense de l'environnement ne peuvent bénéficier de ces contributions citoyennes.

Il serait pertinent qu'à l'occasion d'une incivilité entraînant une pollution, d'une infraction aux règles d'urbanisme ou encore d'un comportement à risque en matière d'incendie, ces associations puissent donner davantage de sens à la sanction pénale.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La loi du 8 août 2016 a consacré la réparation du préjudice écologique qui, bien que de nature civile, a aussi vocation, selon la Cour de cassation, à être convoquée au pénal par les parties civiles en vue d'une indemnisation.

En outre, les associations de défense de l'environnement bénéficient de la convention judiciaire d'intérêt public environnementale (CJIPE). Cette convention permet d'obtenir la réparation du préjudice écologique dans un délai d'un an maximum, sans attendre la condamnation pénale de l'entreprise. C'est un succès : neuf conventions ont déjà été conclues et des dommages et intérêts significatifs versés à des associations.

Le dispositif législatif offre donc toutes les possibilités aux associations d'obtenir réparation, tant devant le tribunal correctionnel que dans le cadre des CJIPE.

M. Laurent Burgoa.  - Vous resituez la réparation dans le cadre d'un procès pénal. Or ma question portait plutôt sur les alternatives à ce dernier.

Maintien du service d'accès aux soins de Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - Grâce à la collaboration des acteurs médicaux du département, le service d'accès aux soins de Haute-Savoie (SAS 74) a permis, en deux ans, d'améliorer la régulation des appels d'urgence et de désengorger les services d'urgence.

Son financement national valorise la participation des médecins, ainsi que leurs efforts pour recevoir de nouveaux patients. Or, en février dernier, la directrice de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie a unilatéralement décidé de ne plus financer la majoration de 15 euros par consultation pour soins non programmés (SNP), si le patient n'a pas été au préalable dirigé par le centre 15.

Alors que la Haute-Savoie subit une double peine - déserts médicaux et fuite des professionnels de santé vers la Suisse -, cette décision injustifiée, technocratique et irresponsable réduit à néant les progrès obtenus sur le terrain. Elle va également à l'encontre de l'instruction ministérielle de juillet 2022.

J'en appelle donc à l'arbitrage du Gouvernement. Cette décision est un nouveau coup dur insupportable pour notre système de soins.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Ce SAS bénéficie de financements pérennes pour son fonctionnement, ses équipements et la valorisation de la participation aux soins de ville.

Je n'ai pas votre lecture de l'instruction du 10 juillet 2022, qui précise bien que l'acte doit être effectué à la demande de la régulation du Samu ou du SAS pour être soumis à la majoration de 15 euros. Par conséquent, la position de la CPAM 74, partagée par l'agence régionale de santé (ARS), n'est en rien arbitraire.

L'amélioration de l'accès aux soins non programmés passe par une plus grande adhésion des médecins effecteurs à la plateforme. Une mission d'accompagnement au déploiement des SAS sera très prochainement mise en place. Ses axes seront évaluation, montée en puissance et accompagnement.

Mme Sylviane Noël.  - De grâce, faites confiance aux acteurs de terrain ! Il n'y a pas d'effet d'aubaine. La Suisse est très attractive et la démographie galopante crée des besoins très importants.

Universitarisation du Centre hospitalier sud-francilien

Mme Laure Darcos .  - Le Centre hospitalier sud-francilien de Corbeil-Essonnes (CHSF) est réputé pour l'excellence de son offre de soins. Soutenu par les collectivités territoriales, il poursuit une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche.

Pivot du groupement hospitalier de territoire Île-de-France Sud, il assure une médecine de proximité et de recours, ainsi qu'une importante activité d'urgences gynécologiques et pédiatriques. L'établissement est doté de services hospitalo-universitaires en diabétologie, endocrinologie et urologie, en lien avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les facultés de médecine et pharmacie de Paris-Saclay et le Genopole. Il mène notamment des actions renforçant la continuité entre recherche fondamentale et soins et favorisant l'innovation hospitalière.

Au regard de cette excellence, il serait légitime de lui accorder les moyens de poursuivre son universitarisation.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le CHSF occupe une place essentielle en Île-de-France. Ses postes universitaires renforcent son attractivité et contribuent au rayonnement de la recherche et de l'innovation sur le territoire. Sa recherche clinique est par ailleurs dynamique.

L'ARS soutient le développement de l'universitarisation du CHSF. Elle organisera prochainement une réunion avec les élus, le doyen de la faculté de médecine, la direction et la présidente de la communauté médicale pour avancer vers une nouvelle étape.

Cela pourrait passer par l'attribution de nouveaux postes universitaires, voire par le développement de nouvelles disciplines. L'action de l'ARS portera en particulier sur l'attractivité de l'hôpital auprès des internes.

Mme Laure Darcos.  - Je remercie le Gouvernement. Nous espérons que cette réunion sera suivie d'effets.

Dépistage organisé des cancers de la prostate et du sein aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - Le 5 janvier, le tribunal de grande instance de Paris prononçait un non-lieu dans l'enquête sur l'utilisation du chlordécone aux Antilles. Sept années de procédure n'auront pas suffi...

Il reste que l'insecticide a contaminé les sols, les eaux, les cultures, les produits animaux et surtout les corps - plus de 90 % de la population adulte. Le lien entre la surexposition au chlordécone et le cancer de la prostate est établi, avec une incidence aux Antilles plus de deux fois supérieure à ce qu'elle est dans l'Hexagone. Si le lien avec le cancer du sein n'est pas formellement établi, la précocité de son incidence interroge : en Guadeloupe, plus de 20 % des cancers se déclarent chez les femmes de moins de 50 ans.

C'est pourquoi il conviendrait d'organiser un dépistage généralisé du cancer de la prostate chez les hommes de plus de 45 ans et, chez les femmes, d'abaisser l'âge cible du dépistage organisé du cancer du sein.

Quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ? Je m'associe pleinement au plan Chlordécone 4, qui est ambitieux, mais il faut aller beaucoup plus loin.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Compte tenu de la surincidence du cancer de la prostate aux Antilles, des actions renforcées de sensibilisation ont été mises en place, avec des séances d'information dans les communes et les quartiers les plus défavorisés et les plus éloignés de l'accès aux soins. Organisées avec les maires et les professionnelles de santé, elles rassemblent de plus en plus de personnes.

Depuis 2021, le cancer de la prostate est reconnu comme l'une des maladies professionnelles pouvant être liée à l'exposition au chlordécone. Des mesures sont engagées pour réduire l'exposition, mais nous allons également mettre en place des rendez-vous de prévention pour la population générale. Organisés pour les tranches d'âge de 40 à 45 ans et de 60 à 65 ans, ils permettront d'aborder le dépistage des cancers de la prostate et du sein dans les territoires concernés. Nous allons notamment questionner à nouveau les bornes d'âge et proposer des recommandations pour les personnes qui n'en relèveraient pas.

Contrôle d'effectivité des droits à la PCH

M. Philippe Mouiller .  - Créée par la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap (PCH) permet aux personnes en situation de handicap de financer des aides pour assurer leur autonomie. L'article 3 de la loi du 6 mars 2020 dont je suis l'auteur a pour objet d'améliorer les contrôles d'effectivité, étape importante dans le parcours d'accès aux droits de ces personnes, mais aussi source d'inquiétude.

La loi dispose que la période de référence du contrôle d'effectivité ne peut être inférieure à six mois ; or dans certains territoires, cette disposition n'est pas respectée et dans d'autres, la période de référence est ramenée d'un an à six mois. La souplesse dans les périodes de contrôle permettait pourtant de mieux prendre en compte les périodes de vacances, de maladie ou les phases de répit.

Les personnes en situation de handicap ne comprennent pas pourquoi la loi n'est pas respectée. Qu'allez-vous faire pour améliorer les contrôles ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La création de la PCH répondait à une forte demande des associations. Le contrôle d'effectivité, confié aux conseils départementaux, permet de vérifier que les aides servent réellement à la compensation du handicap. Il ne s'applique pas dans certains cas : forfaits surdicécité, dédommagement de l'aidant familial notamment. L'introduction de la période de contrôle sur une durée suffisamment longue apporte de la souplesse.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a communiqué à plusieurs reprises aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et aux conseils départementaux sur la durée minimale de six mois et souligné qu'un report d'heures d'aide humaine est possible d'un mois sur l'autre au sein de cette période.

Depuis 2020, nous avons harmonisé les pratiques pour les bénéficiaires. Harmonisation et équité sont des principes fondateurs de la prise en charge des personnes en situation de handicap.

Manque d'enseignants remplaçants en Haute-Vienne

Mme Isabelle Briquet .  - Dans la Haute-Vienne, pas une semaine ne se passe sans que la presse locale se fasse l'écho de classes sans enseignants dans le premier degré. En janvier, une centaine de classes étaient dépourvues d'enseignants du fait de l'épidémie de grippe, une quarantaine il y a quinze jours, et encore une trentaine la semaine dernière. Certaines classes n'ont pas cours en début ni en fin de semaine. Les enfants sont répartis dans les autres classes ou, quand ce n'est pas possible, une garderie est improvisée. Cela s'explique par des remplaçants en nombre insuffisant, puisque les 138 enseignants de la brigade de remplacement sont déjà tous en poste. Il n'est pas acceptable que la scolarité des enfants soit ainsi perturbée par la faiblesse des moyens.

Comment garantirez-vous la continuité du service public de l'éducation nationale dans la Haute-Vienne ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - À la rentrée 2022, 30 000 ETP ont été mobilisés pour des remplacements dans le premier degré. Les formations sont déplacées hors du temps devant les élèves, comme le mercredi après-midi. Un logiciel est en cours de déploiement pour réduire le temps de latence entre l'expression du besoin et le remplacement.

Dans l'académie de Limoges, le nombre d'élèves a baissé de 5 000 entre 2018 et 2023, et de 1 500 dans la Haute-Vienne. Cela se traduit par une hausse régulière du taux d'encadrement qui se poursuivra à la rentrée 2023.

Néanmoins, la situation locale reste difficile : depuis le mois de mars, le département de la Haute-Vienne a des difficultés à couvrir les remplacements longs, avec parfois plusieurs remplaçants qui se succèdent. L'académie travaille à la fidélisation des viviers d'enseignants contractuels et à la détection de nouveaux viviers.

Mme Isabelle Briquet.  - Le problème, c'est que sur le terrain, personne ne voit les moyens mis en oeuvre. D'exceptionnelles, les absences sont devenues la norme, et la nouvelle carte scolaire n'arrangera pas les choses.

Avec douze recrutements possibles et aucun candidat, il y a un problème d'attractivité.

France Travail et missions locales

M. Hervé Gillé .  - Les missions locales organisent le service public de l'accompagnement et de l'insertion des jeunes, favorisant leur accès à l'emploi.

Elles se sont naturellement rendues aux concertations sur le plein emploi organisées par le président Macron. Pourtant, alors que le rapport du Haut-Commissaire pour l'emploi est attendu dans les prochaines semaines, les inquiétudes grandissent : les missions locales craignent une concurrence avec France Travail, qui succédera à Pôle emploi. Il serait regrettable de les assimiler à un Pôle emploi jeunes, avec une mise sous tutelle par le nouvel organisme.

En effet, les missions locales s'occupent non seulement d'emploi, mais aussi de logement, de handicap, de loisirs, de mobilité. C'est ce qui fait leur originalité, reconnue en Europe. L'algorithme d'orientation comme point d'entrée obligé pour le premier contact risque d'avoir un effet stigmatisant.

L'intégration dans France Travail va entraîner une perte d'identité. Quelles garanties pouvez-vous donner à cet égard ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Gouvernement est très attaché aux missions locales, qui vont vers les jeunes les plus éloignés de l'emploi. Elles continueront à assurer un accompagnement de qualité en devenant France Travail jeunes. (M. Hervé Gillé le conteste.)

L'État a témoigné de sa confiance envers les missions locales avec le contrat d'engagement jeune, l'appel à projets pour les jeunes dits en rupture et l'accompagnement des jeunes en situation de handicap. France Travail jeunes participera à l'élaboration de la feuille de route annuelle pour le public jeune sur chaque territoire, qui détaillera notamment les objectifs en matière de repérage, d'accompagnement et de retour à l'emploi.

France Travail jeunes pourra prendre l'initiative, piloter les projets et être leur garant directement auprès de l'État et des collectivités dans le cadre de la contractualisation et de la feuille de route commune.

M. Hervé Gillé.  - Je propose un protocole de discussion et de négociation pour l'intégration dans France Travail, qui rassurerait l'ensemble des acteurs.

Lutte contre les incendies en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi .  - La Corse connaît chaque année des incendies ravageurs. Le réchauffement climatique se traduit par des feux si rapides que la présence de moyens aériens sur place est devenue incontournable.

Le Canadair 415 est l'outil adéquat d'intervention. À ce jour, la sécurité civile possède une flotte vieillissante de onze appareils à Nîmes, à une heure trente de trajet. En été, ils sont répartis entre les Landes, la Provence et la Corse. Cette dispersion est régulièrement remplacée par des regroupements hors de leur secteur d'affectation.

La dégradation climatique justifie de régionaliser les moyens de lutte et de les rendre permanents en Corse. Une rationalisation des coûts de fonctionnement peut être envisagée en sollicitant des retraités de la sécurité civile ou d'anciens pilotes basés en Corse, rémunérés le seul temps d'astreinte. Un partenariat avec les régions méditerranéennes voisines pourrait être envisagé, et l'Union européenne sollicitée.

Le Gouvernement soutient-il la présence permanente d'unités de bombardiers d'eau en Corse ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le ministère de l'intérieur dispose actuellement de douze Canadair bombardiers d'eau amphibies, de sept Dash 8 bombardiers d'eau et de trois Beechcraft 200. Un huitième Dash viendra compléter ce dispositif au 1er juin 2023. La flotte de Canadair sera renforcée par deux appareils financés par l'Union européenne et deux autres acquis sur fonds propres. Le Président de la République a par ailleurs décidé du remplacement de la flotte de Canadair par des appareils de nouvelle génération.

La base de Nîmes concentre les flottes, pour une meilleure rationalisation des coûts de fonctionnement des infrastructures ainsi que des moyens humains et une meilleure efficacité de notre organisation.

La Corse dispose d'un site de détachement opérationnel activé durant toute la saison et de deux avions bombardiers d'eau.

Le métier de pilote d'avion nécessite un entraînement constant. Conscient de la nécessité de fidéliser ces pilotes, le ministre de l'intérieur a signé mardi dernier un protocole d'accord avec les organisations syndicales pour valoriser leur métier. C'est sans précédent.

Caméras individuelles pour les ASVP

Mme Sylvie Vermeillet .  - Depuis 2018, les policiers municipaux peuvent s'équiper de caméras individuelles afin de filmer certaines interventions. Les évolutions apportées par le décret du 2 novembre 2022 contribuent grandement à faciliter leurs missions. Elles limitent efficacement les agressions et insultes dont ils sont victimes.

En zone rurale, majoritairement dépourvue de police municipale ou intercommunale, la loi prévoit une expérimentation des caméras individuelles pour les gardes champêtres. Mais les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui assurent des missions de surveillance du domaine public et sont exposés aux mêmes actes d'incivilités que leurs collègues policiers, ne peuvent en être équipés.

Envisagez-vous une expérimentation autorisant les ASVP à porter de telles caméras ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les ASVP sont des agents communaux chargés d'une mission de police.

Les caméras individuelles portent atteinte au respect de la vie privée des personnes filmées. Leur usage doit être encadré et strictement proportionné aux finalités poursuivies et aux missions exercées. Si l'usage des caméras individuelles a été autorisé pour certaines catégories d'agents, c'est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte à la vie privée.

En équiper les ASVP ne repose pas sur des motifs pertinents et suffisants. Contrairement aux policiers municipaux et aux gardes champêtres, les ASVP exercent des missions dont le champ est particulièrement restreint, et ne disposent d'aucune prérogative de police judiciaire. Ces missions ne justifient pas qu'ils soient autorisés à filmer leurs interventions, même à titre expérimental.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Les ASVP subissent des agressions et des outrages, et cette expérimentation ne coûte rien.

Répartition des renforts de gendarmerie en Guyane

M. Georges Patient .  - La Guyane est devenue le département le plus criminogène et le plus violent de France. Les agressions, crimes, meurtres s'y multiplient.

Plus une seule partie du territoire n'est à l'abri. L'assassinat du gendarme Arnaud Blanc, en pleine forêt amazonienne, en est la triste démonstration - je rends hommage à ceux qui se dévouent jusqu'à la mort pour la sécurité de leurs concitoyens.

L'État se doit d'assurer la sécurité de tous, partout.

Lors des assises de la sécurité en Guyane en septembre 2022 à Cayenne, le Gouvernement a annoncé des renforts de gendarmerie. Six mois après, qu'en est-il ? Quand ces nouvelles brigades seront-elles créées ? Et où ? Il y a urgence.

La brigade de Mana n'est plus suffisamment dimensionnée pour couvrir son aire géographique d'intervention. Les communes de Roura et de Montsinéry-Tonnégrande sont aussi de plus en plus frappées par les crimes et délits.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Depuis 2017, le Président de la République fait de la sécurité du quotidien la priorité de son mandat. En Guyane, 94 postes de gendarmes ont été créés depuis 2017. Cet effort va se poursuivre.

Depuis le 7 septembre 2022, un septième escadron de gendarmerie mobile renforce le dispositif opérationnel en Guyane, et un renfort judiciaire en provenance de métropole a accompagné une réorganisation partielle de la sécurité.

Lors des assises de la sécurité le 30 septembre dernier, le ministre de l'intérieur s'est engagé à créer plusieurs brigades, dont certaines fluviales, soit 40 effectifs supplémentaires à court terme, ainsi qu'à pérenniser ce septième escadron.

La création de ces nouvelles unités est toujours à l'étude mais devrait être prochainement officialisée.

Recrudescence des agressions envers les élus

Mme Catherine Belrhiti .  - L'Association des maires de France a révélé en février que les agressions envers les élus avaient augmenté de 15 % en un an. Selon les données rendues publiques par le Gouvernement le 15 mars, en 2022, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale ou physique contre des élus ont été recensés, contre 1 720 en 2021, soit une hausse de 32 %. Les maires et leurs adjoints sont les premières victimes de cette recrudescence, comptant pour plus de la moitié des faits recensés.

En Moselle, ce phénomène s'est intensifié ces derniers mois. Les maires, ne sachant plus que faire, posent ouvertement la question de l'abandon de leur mandat. Depuis 2020, 900 d'entre eux ont démissionné, et le mouvement, en Moselle comme ailleurs, se poursuit.

La loi du 24 janvier 2023 à l'initiative de notre collègue Nathalie Delattre améliore la répression en donnant la possibilité aux associations d'élus ou aux collectivités locales de se porter partie civile afin d'accompagner les victimes. Néanmoins, la principale problématique, à savoir la peur quotidienne, reste présente et pesante.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre les citoyens coupables de ces violences face à leurs responsabilités, et permettre ainsi aux élus d'exercer leurs mandats sereinement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement apporte son soutien sans faille à tous les élus victimes de ces agressions inacceptables. Ces atteintes relèvent d'une problématique sociétale. Lorsqu'un élu est agressé, c'est la République qui est attaquée et la démocratie qui recule.

Chacun a pris sa part au renforcement de la protection des élus. Je remercie la sénatrice Delattre pour sa proposition de loi. J'espère que le Sénat se saisira prochainement d'un texte visant à durcir les peines encourues en cas de violences contre des élus ou leurs proches.

Nous renforçons notre connaissance du phénomène par la création d'un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus. Je ferai d'autres annonces prochainement en la matière, pour un choc civique dès le plus jeune âge.

Mme Catherine Belrhiti.  - L'exercice d'un mandat local est un honneur qui risque de se raréfier si les élus ne sont pas soutenus.

Implantation d'un CRA dans le Haut-Rhin

Mme Patricia Schillinger .  - Les zones frontalières sont, par nature, exposées à la criminalité transfrontière et à l'immigration illégale.

À la frontière de la Suisse et de l'Allemagne et abritant le cinquième aéroport international de France, la zone des trois frontières, dans le sud du Haut-Rhin, est l'une des principales portes d'entrée en France. Rien que sur le vecteur ferroviaire franco-suisse, plus de 5 000 migrants clandestins ont été interpellés depuis novembre dernier.

Dans ce contexte, l'implantation d'un centre de rétention administrative (CRA) en périphérie de l'EuroAirport, ou à Mulhouse, serait pertinente. Actuellement, les centres les plus proches sont à Geispolsheim et à Metz, la ville de Saint-Louis ne disposant que d'un local de rétention administrative (LRA) de neuf places. Les agents de la police aux frontières doivent parcourir entre 120 et 270 km pour y accompagner les étrangers en situation irrégulière, alors qu'ils manquent d'effectifs.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) fixe un objectif de 3 000 nouvelles places en centre de rétention. Où en sommes-nous de la réalisation de ce plan ? Quelles sont les intentions du ministère vis-à-vis du territoire des trois frontières, soumis à une forte pression migratoire ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement porte en effet l'objectif de créer 3 000 places en CRA d'ici 2027 ; une enveloppe de 240 millions d'euros a été votée dans le cadre de la Lopmi. En parallèle, une instruction ministérielle du 3 août 2022 a fixé un objectif d'augmentation d'au moins un tiers de la capacité des LRA, qui permettent le maintien en rétention durant les premières 48 heures.

Aujourd'hui, la zone de défense et de sécurité Est compte deux CRA : à Geispolsheim, avec 34 places, et à Metz, avec 98 places.

Pour l'implantation de nouveaux CRA, il a été décidé de privilégier les projets d'une capacité de 140 places, situés à proximité d'une grande plate-forme aéroportuaire. Ces projets doivent offrir un niveau élevé de sécurité bâtimentaire et pouvoir être lancés rapidement. Ils doivent en outre respecter les contraintes urbanistiques et environnementales et permettre la construction d'une salle de justice à proximité immédiate.

Les deux CRA de la zone Est étant déjà situés dans deux départements frontaliers de l'Allemagne, la recherche d'un nouveau site privilégiera l'objectif d'un rééquilibrage territorial au sein de la zone. Des propositions seront prochainement formulées par la préfète de la région Grand Est, en concertation avec les élus du territoire.

Droit à la formation des élus

Mme Elsa Schalck .  - La formation des élus est essentielle pour qu'ils puissent exercer au mieux les nombreuses responsabilités qui leur incombent.

Or on constate une baisse des demandes de formation. En cause, la complexification de la procédure d'inscription qui exige, depuis le 25 octobre 2022, de passer par FranceConnect-F. La sécurisation du dispositif rend l'inscription complexe, voire impossible, faute de pouvoir créer une nouvelle identité numérique, attester de son identité ou valider des données. Toutes ces démarches découragent les élus.

Alors que près de 4 000 élus ont démissionné en trois ans, dont 1 000 maires, alors que l'exercice de responsabilités locales est toujours plus difficile, le droit individuel à la formation doit être simple et pragmatique. Je rappelle que les élus locaux cotisent à hauteur de 1 % pour le financer.

Que comptez-vous faire pour améliorer la procédure d'inscription et répondre aux attentes des élus ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Depuis janvier 2022, les élus peuvent directement mobiliser leur droit individuel à la formation via Mon compte élu, une plateforme numérique adossée à Mon compte formation dont la gestion est assurée par la Caisse des dépôts.

Face aux fraudes et tentatives de fraudes sur la plateforme, un niveau supérieur de sécurité de FranceConnect a été déployé depuis le 25 octobre 2022. Un dispositif d'accompagnement a été mis en place par la Caisse des dépôts et par La Poste, adapté aux besoins des élus locaux. Une communication comprenant des informations pratiques et des tutoriels a été diffusée. Si des usagers rencontrent néanmoins des difficultés pour générer leur identité numérique, ils peuvent se rendre dans les bureaux de poste ou solliciter les conseillers numériques France services. Enfin, une assistance téléphonique dédiée a été mise en place, avec un numéro spécifique.

Conscient des difficultés engendrées par ces évolutions et du temps nécessaire à l'appropriation par les élus de la nouvelle procédure, le Gouvernement a relevé de 700 à 800 euros le plafond des droits pouvant être détenus afin de ne pas pénaliser les élus qui n'ont pas utilisé leurs droits en 2022 : ils bénéficieront ainsi, en 2023, d'un abondement de 400 euros portant le montant total de leur compte formation à 800 euros.

Le travail se poursuit, en vue d'encourager la formation des élus.

Mme Elsa Schalck.  - Il était important de relever le plafond, mais il faut aussi lever l'ensemble des freins et difficultés dont témoignent les élus.

Transfert de TVA aux collectivités territoriales

M. Pierre Louault .  - À la suite de la suppression de la taxe d'habitation, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la baisse des impôts de productions, l'État a mis en place une compensation par des fractions de TVA - au point qu'en 2021, l'État ne percevait plus que la moitié des recettes totales de TVA.

En outre, la suppression de la CVAE rompt le lien entre l'activité et le territoire, à l'heure où l'on cherche à attirer des entreprises industrielles. Dans un contexte économique déjà difficile, la compensation « à l'euro près » de la CVAE tarde à venir. Surtout, la suppression de ces impôts locaux réduit drastiquement l'autonomie fiscale des collectivités.

Cette rupture entre fiscalité et territoire a conduit la Cour des comptes, en octobre 2022, à suggérer un recentrage de la fiscalité locale sur le bloc communal.

Quelles sont les réflexions et les pistes actuelles pour assurer l'autonomie financière des collectivités ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE visait à accroître le pouvoir d'achat des ménages et améliorer la compétitivité des entreprises.

Les communes ne percevant plus de taxe d'habitation sur les résidences principales depuis 2021, elles bénéficient en contrepartie du transfert de la taxe foncière des départements, ce qui préserve leur pouvoir de taux sur un montant identique.

Les EPCI à fiscalité propre et les départements ont perçu, en contrepartie de leur perte de taxe d'habitation et de taxe foncière, une fraction de TVA très dynamique. Celle-ci a progressé de plus de 9 % en 2022 et devrait progresser de 6 % en 2023.

En contrepartie de la suppression de la part régionale de CVAE en 2021, les régions ont perçu une fraction dynamique de TVA, à hauteur du montant de CVAE perçu en 2021. Cette compensation est d'autant plus favorable aux régions que la TVA a progressé de plus de 9 % en 2022.

Idem pour le bloc communal et les départements. Pour tenir compte de la dynamique spécifique de chaque territoire, la dynamique de TVA affectée au bloc communal abonde un fonds national dont un décret d'application fixera les critères de répartition.

Au total, plus de 50 milliards d'euros de TVA seront versés aux collectivités en 2023. C'est une compensation intégrale, pérenne et dynamique de la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE. Mais je pense que vous saviez tout cela ! (Sourires)

M. Pierre Louault.  - Effectivement ! Si la situation financière des régions et des départements s'est améliorée, ce n'est pas le cas pour les communes, qui ont perdu le lien avec les citoyens. Quand on ne sait plus d'où vient l'argent qui finance les services, on n'en mesure plus le coût, faute de le sentir dans son portefeuille !

Réfaction de la TGAP

Mme Annick Billon .  - Pour bénéficier de la réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), il faut avoir installé un compteur de biogaz homologué avant le 31 décembre 2022. Le compteur de la marque Sick a été homologué en 2018, celui de la marque Fuji, en novembre 2022.

Nombre d'opérateurs - dont le syndicat vendéen de traitement des déchets Trivalis - utilisent le compteur de marque Emerson, reconnu comme fiable et qui permettait jusqu'ici de bénéficier de la réfaction de la TGAP. Or celui-ci n'est pas homologué.

Le temps des procédures administratives et des travaux ne permettent pas d'installer de nouveaux compteurs avant le deuxième semestre 2023. Les opérateurs risquent donc d'être pénalisés.

Au demeurant, il paraît peu pertinent d'imposer à des collectivités d'acquérir un nouvel équipement alors que la réfaction de la TGAP prend fin au 1er janvier 2025.

Ne peut-on envisager que les compteurs de marque Emerson continuent à bénéficier de la réfaction de la TGAP ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Il existe en effet un tarif réduit sur la TGAP lorsque l'installation valorise le biogaz capté.

Christophe Béchu est conscient des difficultés d'homologation. C'est pourquoi, avec le ministère du budget, nous avons repoussé à plusieurs reprises l'entrée en vigueur de cette condition pour accéder au tarif réduit. Initialement prévue pour le 1er janvier 2020, celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Néanmoins, compte tenu des difficultés auxquelles les opérateurs font face, nous avons prévu un nouveau report, au 1er janvier 2024, qui sera officialisé prochainement par un arrêté publié conjointement avec le ministère du budget.

La valorisation du biogaz des décharges fait partie des solutions pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre et contribuer à notre souveraineté énergétique. Le tarif réduit de taxation en prend acte.

Cette réduction n'a toutefois pas vocation à durer. La généralisation du tri à la source des déchets alimentaires et des déchets verts à compter du 1er janvier 2024, prévue par la loi antigaspillage de 2020 et par le droit européen, conduira en effet à une montée en puissance de solutions de valorisation plus efficaces, comme le compostage ou la méthanisation.

Mme Annick Billon.  - Un nouveau report, soit. Mais la réfaction de la TGAP prend fin au 1er janvier 2025 : mieux vaudrait supprimer tout délai, plutôt que d'imposer un nouvel investissement...

Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

M. Bruno Sido .  - La loi NOTRe a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes, malgré l'opposition du Sénat, qui a tenté de rétablir son caractère facultatif dans pas moins de cinq textes. Mais les députés ont renvoyé en commission en octobre 2017 la proposition de loi Retailleau, votée à l'unanimité en janvier 2017 ; en 2019, la CMP sur la loi Engagement et proximité n'a pas été conclusive sur ce point ; la loi 3DS n'a pas davantage permis d'avancer. Des assouplissements ont toutefois été obtenus avec un report au 1er janvier 2026 et le maintien des syndicats infracommunautaires. La proposition de loi adoptée à une large majorité par le Sénat le 16 mars sera-t-elle mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et quand ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi Engagement et proximité introduit de nombreuses souplesses, notamment un mécanisme de délégation des compétences au profit d'un syndicat existant au 1er janvier 2019 et inclus dans le périmètre de la communauté de communes. Cela permet de maintenir des structures historiques et d'assurer la continuité du service, le temps que l'EPCI puisse reprendre la compétence.

Lors de la présentation du plan Eau, le besoin essentiel de mutualisation pour la protection des ressources a été rappelé, cet aspect devant être étudié par une mission parlementaire au Sénat. Le Président de la République ne souhaite pas revenir sur l'obligation de transfert, mais il veut introduire une logique de différenciation. Le dialogue qui s'engage avec le Sénat est essentiel.

M. Bruno Sido.  - Je connais les assouplissements, mais ils ne suffisent pas. Le prix unique de l'eau dans la communauté de communes entraîne une augmentation dans certaines communes sans justification. Je vous fais une proposition : prévoir la création dans tous les départements où ils n'existent pas encore de syndicats départementaux de production et de transport d'eau, les communes étant chargées de la distribution.

Dérogation à l'interdiction de chauffage extérieur pour les commerçants itinérants

M. Cyril Pellevat .  - L'interdiction des chauffages extérieurs dans l'espace public prévue par la loi Climat de 2021 est entrée en vigueur en mars 2022 avec la parution du décret d'application. Ciblant les terrasses, elle occulte la question des commerçants itinérants qui ont besoin de se chauffer durant l'hiver, par exemple sur les marchés.

En l'absence de dérogation, la police municipale leur demande de couper leur chauffage ou leur inflige une contravention. Cette interdiction est pourtant dangereuse pour leur santé, car le froid leur donne des engelures : fils de maraîcher et ayant pratiqué les marchés, je peux vous dire que ce n'est pas un mythe, en particulier à la montagne où les températures sont négatives plusieurs mois par an. Prévoyez-vous une dérogation ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Proposée par la Convention citoyenne pour le climat, l'interdiction de chauffer les espaces publics extérieurs a été reprise par la loi Climat et résilience de 2021 sans distinction de l'activité concernée. Le décret d'application a uniquement exempté les lieux couverts et fermés de manière étanche à l'air, et les installations mobiles couvertes et fermées nécessaires à l'animation de la vie locale - activités foraines ou circassiennes ou manifestations culturelles, sportives, festives, cultuelles ou politiques.

Par conséquent, les activités qui se déroulent sur le domaine public à l'air libre, telle que le commerce ambulant, sont soumises à l'interdiction. Le chiffre d'affaires ne devrait cependant pas en souffrir, l'interdiction ne visant pas l'énergie nécessaire à la production ou la conservation des denrées vendues.

M. Cyril Pellevat.  - Les intentions de cette interdiction sont louables. Mais pour l'avoir vécu, je peux vous dire qu'une dérogation pour les commerçants des marchés serait justifiée.

Retour des loups dans les Bouches-du-Rhône

M. Stéphane Le Rudulier .  - Le loup est dans la bergerie ou, plus précisément, aux portes de Marseille. Depuis des années, il avance pas à pas sur le territoire provençal, jusqu'à élire domicile dans le massif des Calanques, où vivent désormais un couple, cinq louveteaux et un mâle adulte. Cela met en péril l'agriculture extensive et le pastoralisme, traditions ancestrales participant du patrimoine immatériel de notre région.

Les pouvoirs publics doivent revoir les mesures d'accompagnement, notamment les dispositifs d'aide à la protection des troupeaux et les procédures d'indemnisation. Filets, gardiennage, chiens de protection, tirs d'effarouchement, prélèvements encadrés... des solutions existent. Comment comptez-vous défendre le pastoralisme ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement cherche à concilier l'élevage et la préservation de l'espèce, strictement protégée par le droit national, européen et international. Le plan national 2018-2023 finance des moyens de protection des troupeaux et l'indemnisation des éleveurs. Le préfet des Bouches-du-Rhône, par arrêté du 31 janvier 2023, a classé les communes en cercles 1, 2 ou 3 selon le risque, permettant aux éleveurs d'ovins et de caprins d'accéder aux aides.

Un travail de revalorisation de l'indemnisation des coûts directs des attaques est en cours, comprenant les animaux morts, euthanasiés ou disparus, mais aussi le coût des pertes indirectes, consécutives à la perturbation du troupeau - stress, moindre prise de poids, avortements ou baisse de lactation.

Des tirs peuvent également être autorisés dans la limite d'un plafond fixé chaque année de manière à respecter la viabilité de la population.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Défendre le pastoralisme, c'est défendre les éleveurs. Je ne demande pas l'éradication du loup, protégé par la convention de Berne, mais qu'on l'on garantisse la défense de nos éleveurs et de leurs troupeaux.

Ouvrages d'art de rétablissement des voies

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La loi Didier de 2014, d'initiative sénatoriale, prévoit que les ponts qui rétablissent une voie de communication appartenant à une collectivité territoriale interrompue par une infrastructure de transport de l'État ou de ses établissements publics - réseau routier, ferroviaire et fluvial de l'État, de SNCF Réseau ou de Voies navigables de France (VNF) - font l'objet de conventions précisant les rôles de chacun quant à la gestion des ouvrages et le financement de leur surveillance, entretien, réparation et renouvellement.

Un recensement publié le 22 juillet 2020 a identifié les ouvrages concernés. La plupart se dégradent, mais selon élus, qui sollicitent VNF, l'établissement des conventions reste suspendu. Ce retard est non seulement préjudiciable pour les usagers mais expose les collectivités à une insécurité juridique et financière. Doivent-elles solliciter la médiation du préfet, prévue dans l'instruction du 15 mars 2018 ? Pourquoi ces ponts ne seraient-ils pas éligibles au programme national Ponts ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi Didier ne remet pas en cause la jurisprudence constante du Conseil d'État selon laquelle ces ponts étant constitutifs des voies dont ils assurent la continuité, ils relèvent de la responsabilité des collectivités. La contribution du gestionnaire de la voie franchie est purement financière, la maîtrise d'ouvrage ne lui étant pas transférée.

Concernant VNF, qui a la responsabilité de 6 700 km de réseau, la prise en charge de ces coûts ne peut être que progressive. Si la négociation n'a pu aboutir, la loi Didier prévoit en effet une médiation du préfet du département.

Enfin, le programme national Ponts vise à aider de petites communes pour la gestion de leurs ouvrages, et non à financer des obligations incombant à l'État ou à ses opérateurs au titre de la loi, sauf à priver des projets qui le méritent d'une ressource précieuse.

Application du DPE au patrimoine ancien

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - S'il incite à la rénovation, le diagnostic de performance énergétique (DPE) reste néanmoins problématique pour le bâti ancien, notamment le petit patrimoine non protégé, souvent rural. Ainsi, on constate des dysfonctionnements dans les outils et la formation des diagnostiqueurs.

La situation met en péril le patrimoine local, pourtant facteur d'attractivité. Ainsi, la table ronde du 1er février dernier relative à la transition écologique du bâti ancien, organisée par la commission de la culture, a rappelé que la rénovation de l'existant était à privilégier à la construction neuve, tout en pointant la nécessité d'adapter la réglementation applicable au patrimoine vernaculaire.

Comment ferez-vous évoluer le DPE ? Comment outillerez-vous les professionnels ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La rénovation de l'existant est notre priorité. Le DPE, fiabilisé par la réforme de 2021, y est central.

Aucune réglementation thermique n'existait pour la construction neuve avant 1974 : il n'y a donc aucune certitude sur la performance des bâtiments plus anciens. C'est pourquoi le DPE comprend des valeurs par défaut selon l'année de construction, qu'il convient d'éviter autant que possible en mesurant précisément la performance du logement.

En outre, la réforme de 2021 tient compte de l'inertie des matériaux du bâti ancien, comme la terre et les colombages. Aucune évolution n'est donc envisagée à court terme, même s'il y a un enjeu sur la qualité de la réalisation des DPE.

Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, a annoncé le renforcement de la rénovation et du contrôle des diagnostiqueurs. Enfin, le Gouvernement soutient l'expérimentation du label de performance énergétique pour les bâtiments patrimoniaux.

Canaux d'irrigation du Haut-Rhin

Mme Sabine Drexler .  - La nappe phréatique d'Alsace, la plus grande d'Europe, est menacée. Le canal de navigation et d'hydroélectricité, construit dans les années 1950 et long de 50 km, empêche l'infiltration naturelle, pour un milliard de mètres cubes d'eau manquants par an, ce qui assèche puits, rivières et zones humides.

Après des manifestations, l'État a donc bâti un autre canal pour recharger la nappe de 500 millions de mètres cubes par an. Cependant, il tombe en ruine, et l'État réduit son alimentation au tiers de sa capacité, quand il ne la coupe pas, d'où un stress de plus en plus fréquent de la nappe.

Le syndicat gemapien des cours d'eau et canaux de la plaine a donc sollicité le transfert des ouvrages et demandé à faire appliquer les contrats de concessions hydroélectriques du Rhin, selon lesquels l'énergéticien prend en charge les frais liés à l'impact sur la nappe. Il souhaite transformer les canaux bétonnés en rivière naturelle.

Quand l'État reviendra-t-il à la table des négociations et fera-t-il respecter les contrats ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est propriétaire des canaux d'irrigation de la Hardt, gérés par la direction départementale des territoires (DDT) du Haut-Rhin. Ils réalimentent la nappe grâce aux droits d'eau agricoles. Les canaux ne sont pas bétonnés, donc pas étanches sur toute leur longueur ; ils sont entretenus par l'État et restent dans un état convenable. Le débit est maintenu sur une plus longue période, avec une réduction du chômage d'hiver.

L'État est favorable au transfert vers une collectivité, qui pourrait mener un projet de renaturation. Ainsi, le ministère de l'agriculture élabore une stratégie de transfert, en coopération avec les services déconcentrés et la Collectivité européenne d'Alsace, pour transférer le foncier, les ouvrages et les moyens dans les meilleurs délais.

Mme Sabine Drexler.  - Le syndicat local est motivé et volontaire pour travailler sur ce dossier, faites-leur en part.

Création d'une ligne S

Mme Daphné Ract-Madoux .  - En 2019, la refonte de l'offre du RER D devait réduire les retards et améliorer le confort de ses 615 000 usagers quotidiens, mais les dysfonctionnements n'ont pas cessé, et de nombreux passagers doivent désormais prendre une correspondance, allongeant leur parcours de quinze minutes.

Je salue les initiatives des élus des six communes concernées et des associations d'usagers, qui ont missionné un bureau d'études suisse pour rechercher une alternative. Une nouvelle ligne S diminuerait le temps de parcours de dix-huit minutes entre Corbeil-Essonnes et la gare de Lyon, tout en évitant des correspondances. Les élus ont demandé un complément d'études, pour affiner la question du matériel.

L'amélioration serait significative, pour un coût raisonnable. Dans le cadre du volet mobilité du contrat de plan État-région (CPER), comment le Gouvernement peut-il apporter son soutien et intégrer ce projet dans le schéma directeur du RER D, pour un test en 2024 ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'organisation des transports publics relève d'Île-de-France mobilités (IDFM). L'État ne peut s'y substituer sans contrevenir au principe de libre administration. Aussi les conclusions du bureau d'études suisse SMA sur un RER S reliant Malesherbes et Melun à Paris éclaireront-elles les suites qu'IDFM donnera à ce projet.

Cela pourrait relever de la concertation en cours sur la révision du schéma directeur du RER D. Après le soutien de l'État via le CPER 2015-2022, une enveloppe sera mobilisée pour le RER dans le cadre du CPER 2023-2027, dont les négociations vont s'ouvrir. C'est l'occasion d'aborder une éventuelle ligne S, mais aussi le projet dit « du terrier de Bercy », qui accroîtra les capacités d'insertion de trains à long terme.

Les trains longue distance circulant aussi sur cet axe, vers Clermont-Ferrand, par exemple, imposent une vigilance particulière.

La séance est suspendue à 12 h 25.

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Fusion des filières REP d'emballages ménagers et de papier (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers et des producteurs de papier.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements) Voilà quatre ans, le Sénat adoptait à une large majorité la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec). Aujourd'hui, nous parachevons le travail parlementaire, qui garantit le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP), si important pour les collectivités et l'environnement.

Ce n'était pas gagné d'avance ! En effet, la proposition initiale prévoyait d'exclure la presse de la REP, ce qui aurait constitué un dangereux précédent : d'autres secteurs auraient pu demander une semblable exonération. Nous ne pouvions accepter une telle régression.

Heureusement, nous avons fait beaucoup de chemin depuis, grâce au travail effectué dans cet hémicycle. J'en remercie la commission de la culture, son président Laurent Lafon et Michel Laugier. La solution trouvée est à la fois protectrice de la presse et exigeante d'un point de vue environnemental. La CMP l'a confortée en maintenant la presse dans le champ de la REP.

Notre première priorité était de protéger le service public de gestion des déchets (SPGD) et les collectivités : mission accomplie.

La seconde était d'aider la presse : c'est chose faite avec la possibilité de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d'intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment via la mise à disposition gratuite d'encarts. Cette mesure a été reprise par la CMP, qui a en outre précisé que les dispositifs d'information du public ne pourront avoir de visée publicitaire ou promotionnelle pour les bénéficiaires.

Enfin, par cohérence avec la fusion des filières REP, le texte a été modifié pour renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les taux de prise en charge par les éco-organismes des coûts supportés par le SPGD, qui ne pourront être inférieurs au niveau actuellement prévu par la loi : 80 % pour les emballages, 50 % pour les papiers.

La balle est donc désormais dans le camp du pouvoir réglementaire, qui devra s'assurer de cet équilibre. Notre commission y veillera. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE et du RDSE)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - L'accord trouvé en CMP montre que le dialogue permet d'aboutir à un consensus. Ce n'était pas chose aisée, tant la problématique est complexe.

La proposition de loi prévoit le maintien de la fusion des filières REP emballages et papiers : c'est la meilleure voie possible. Nous anticipons les difficultés que continuera à connaître la filière papier, et lui offrons un cadre plus solide. Nous espérons que sa performance environnementale sera à la hauteur des ambitions, avec des stratégies d'écoconception communes entre les deux filières.

Pour la presse, deux choix se présentaient : construire un modèle propre qui lui soit propre en sortant la presse de la filière, en échange d'une contribution en nature bien définie, ou la maintenir dans la filière, avec une réduction de sa contribution financière en fonction de critères d'écomodulation.

L'Assemblée nationale avait choisi la première option. Le Sénat a privilégié la seconde, finalement retenue par la CMP, qui a introduit plusieurs ajouts, comme l'interdiction des encarts promotionnels et le non-versement du bonus si la mise à disposition des encarts conduit à une augmentation de la quantité de déchets, notamment par le suremballage.

Notre dialogue a été constructif et je vous en remercie. Notre ambition environnementale est élevée. Nous lançons des filières REP dans de nombreux secteurs ; la filière REP textile a été renforcée ; l'affichage environnemental progresse ; le bac jaune est généralisé, ce qui augmente la performance du recyclage des emballages plastiques.

Nous accueillerons très prochainement à Paris les négociations pour la signature du futur traité sur les plastiques. C'est l'occasion de partager notre ambition avec le monde entier. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions ; M. Guillaume Chevrollier applaudit également.)

M. Bernard Fialaire .  - Trois semaines après son examen en séance, nous débattons à nouveau de la fusion de la filière REP des emballages ménagers et papiers, et du maintien de la presse dans cette filière. Absence d'étude d'impact, de seconde lecture : le RDSE regrette une telle précipitation, pour une loi qui sera rétroactive.

Malgré l'accord en CMP, je ne suis toujours pas convaincu de l'équilibre trouvé. La CMP maintient ce que le droit européen nous reproche : le caractère non financier des contributions. Selon le rapporteur à l'Assemblée nationale, Denis Masséglia, en CMP, « l'équilibre trouvé donnera peut-être lieu à des décisions de justice du fait de la zone d'ombre dans laquelle nous nous sommes placés »...

Les effets du texte sont complexes à évaluer, tant pour la presse que pour les autres producteurs qui devront compenser le coût de la moindre contribution de la presse. Que devient le principe pollueur-payeur ? Je regrette à cet égard la suppression du rapport demandé, à l'initiative de Daniel Gremillet, sur l'impact de la prime accordée à la presse sur les autres contributeurs.

L'enjeu principal est de combattre le suremballage plastique : ne nous trompons pas de combat. Quant à l'argument selon lequel la sortie de la presse de la REP serait une régression environnementale, il n'est pas fondé, puisqu'on aurait pu lui appliquer les mêmes critères environnementaux, même hors de la filière.

Je sais que les collectivités locales craignent un manque à gagner sur l'écocontribution de la presse - mais nous parlons de 15 à 20 millions d'euros, une goutte d'eau dans un océan de 8,8 milliards d'euros.

Ce sont le contribuable local et le lecteur, cette espèce en voie de disparition, qui paieront ; et ce sont les chaînes d'information en continu qui y gagneront. Non, les journaux ne sont pas des déchets mais des supports culturels, comme l'a dit le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. J'aurais voulu que celle du Sénat se prononce...

Plusieurs intervenants ont dit que le maintien de la presse dans la REP était destiné à éviter un dangereux précédent. Espérons qu'il n'en créera pas un pour le livre.

In extremis, il a été décidé de renvoyer au décret la fixation du taux de prise en charge par les éco-organismes des coûts supportés par le SPGD. C'est un recul supplémentaire. Sans contester le bien-fondé du système REP, je m'interroge sur les options retenues par la CMP. Par cohérence avec la position exprimée en première lecture, le RDSE votera contre la proposition de loi.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) La CMP est parvenue à un texte équilibré et ambitieux. Je m'en félicite, et je salue le travail de la rapporteure.

Il s'agit de fusionner deux filières REP - emballages ménagers et papier - et de moduler les écocontributions des éditeurs de presse en contrepartie de la publication d'informations d'intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.

Le maintien de la presse dans la filière REP est un acquis important. L'en exclure aurait constitué un dangereux précédent, un manque à gagner pour le SPGD et une régression environnementale.

L'article 1er prévoit donc une modulation de l'écocontribution pour les produits qui contribuent à l'information sur la gestion des déchets, sans visée publicitaire ou promotionnelle.

Le financement et le fonctionnement du SPGD restent garantis. C'est heureux, au moment où les marges de manoeuvre financières des collectivités territoriales se réduisent. Il reviendra toutefois au pouvoir réglementaire de déterminer les taux de prise en charge par les éco-organismes du coût de gestion.

L'article 2 prévoit une entrée en vigueur de l'article 1er au 1er janvier 2023. Les agréments des éco-organismes concernés devront être mis à jour avant le 1er janvier 2024.

L'article 2 bis garantit un suivi effectif des impacts de la loi, sous la forme d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement.

Ce texte comporte de nombreuses avancées et répond aux attentes des filières concernées, sans aggraver les finances du SPGD et en maintenant des garanties environnementales. Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Claude Malhuret .  - La circularité de notre économie nous fait entrer dans la réalité de la lutte contre le gaspillage.

La sobriété, tant vantée, s'applique parfaitement à cette nouvelle forme de production et de consommation. L'économie circulaire fait partie du futur, dans une vision libérale de l'écologie alliant responsabilité économique, investissement et préservation de notre environnement.

Je salue le travail de la commission et de la rapporteure. L'accord en CMP conserve de nombreux apports du Sénat.

La fusion des REP emballages et papiers est bienvenue ; c'est l'aboutissement logique de la loi Agec.

Nous avons tous été alertés par nos titres de presse locaux, dont la contribution à la filière aurait pu s'élever à plusieurs millions d'euros, alors que le secteur traverse une crise grave.

Les citoyens s'informent de plus en plus sur les réseaux sociaux, et les politiques publiques n'arrivent pas à suivre. Or les réseaux sociaux nous exposent davantage aux fausses informations, ce qui fragilise nos démocraties, comme le dit Barack Obama dans The Atlantic. Un citoyen bien informé est aussi un électeur averti. Une presse écrite et de qualité est au fondement de notre système démocratique et de notre destin.

Au niveau local également, nous avons une presse de qualité, qui est l'un des ciments de nos territoires.

Le groupe INDEP a été attentif à la rédaction de l'article 1er, car nous connaissons le poids financier de la gestion des déchets pour les collectivités. L'équilibre était difficile à trouver. La rédaction finale conserve l'écomodulation sur la base de la mise à disposition gratuite d'encarts d'information sur la prévention et la gestion des déchets : la presse sait faire.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

M. Jacques Fernique .  - (M. Joël Bigot applaudit.) L'enjeu de ce texte était de parvenir à un équilibre délicat entre efficacité du SPGD, protection de l'environnement et soutien à la presse écrite.

Les producteurs doivent prendre en compte le coût des déchets qu'ils génèrent et concevoir des produits recyclables, voire réemployables. C'est chose faite avec le texte de la CMP. La presse est maintenue dans la filière, grâce à un tour de passe-passe de notre rapporteure pour éviter une régression environnementale et un précédent risqué - ainsi qu'un lourd manque à gagner pour les collectivités territoriales.

Nous nous satisfaisons partiellement de la solution trouvée : le principe du pollueur-payeur est préservé, mais attention au risque de contagion à d'autres filières. Je pense notamment à la filière emballage, qui pourrait demander l'écomodulation.

Préciser que les encarts d'information ne peuvent avoir de visée promotionnelle ou publicitaire est bienvenu. En revanche, nous regrettons la suppression de la disposition prévoyant des critères au moins aussi exigeants que ceux du droit en vigueur, introduite à l'initiative des députés écologistes.

La CMP a modifié un mécanisme central. Le taux de couverture, fixé par la loi à 50 % pour les papiers et 80 % pour les emballages, n'est pas respecté par les éco-organismes : en pratique, il s'élève à 20 % pour les papiers et 50 % pour les emballages. D'où un différentiel de plus de 40 millions d'euros, entre les 105 millions théoriques et les 63 millions effectivement versés par Citeo au titre de la filière papier...

En renvoyant à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre les acteurs sur la répartition d'une facture de 950 millions d'euros !

Le compte rendu de la CMP ne traite pas des modalités de transfert de l'écocontribution vers les autres acteurs de la nouvelle filière fusionnée. Qui acceptera de compenser l'exonération accordée à la presse ? Est-ce juridiquement solide ? Nous espérons que les collectivités territoriales ne subiront pas une réévaluation des coûts.

L'État doit mieux jouer son rôle de régulateur et s'assurer que les producteurs paient leur dû aux collectivités.

Comme en première lecture, nous optons pour une bienveillante abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Michel Dagbert .  - La CMP a abouti à un accord qui nous paraît équilibré.

En vertu de la loi Agec de 2020, les collectivités territoriales et leurs groupements veillent à ce que la collecte séparée des déchets d'emballages et des papiers à usage graphique soit harmonisée, avec un renouvellement des contenants de collecte sur tout le territoire au 31 décembre 2022. Ce prérequis étant rempli, la fusion des deux filières est naturelle.

La difficulté tenait à l'exemption de la presse des obligations de la filière REP ainsi fusionnée. Denis Masséglia proposait d'exempter les publications de presse dès lors qu'elles signaient une convention de partenariat, conclue entre le ministère de l'environnement, le ministère chargé de la communication et les organisations professionnelles, prévoyant la mise à disposition gratuite d'espaces de communication destinés à informer le public sur la transition écologique.

La rapporteure a proposé une modification radicale en réintégrant la presse dans la filière REP et en instaurant une écomodulation, notamment selon la mise à disposition gratuite d'encarts.

En séance publique, le RDPI avait soutenu un amendement de M. Requier rétablissant le texte de l'Assemblée nationale. Le Sénat l'ayant rejeté, nous nous sommes opposés à la proposition de loi, pour trois raisons.

D'abord, la version votée pouvait contrevenir à la directive européenne de 2018, avec à la clé un risque de contentieux. Ensuite, le choix des critères pouvait ouvrir le bénéfice du dispositif à d'autres secteurs que la presse : un tel appel d'air aurait eu un impact sur le montant global des écocontributions et, in fine, sur les objectifs environnementaux. Enfin, il oubliait que les autres opérateurs sont également soumis à des contraintes économiques importantes.

Le texte de la CMP confirme le maintien de la presse dans la filière REP, avec quelques modifications. Les encarts ne doivent pas augmenter la quantité d'emballage et ne peuvent être publicitaires ou promotionnels. Les critères de performance environnementale sont précisés.

Le dispositif final, quoiqu'imparfait, est équilibré. C'est pourquoi le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que les filières REP créées par la loi Agec se constituent encore, notre groupe estimait qu'une dérogation pour la presse risquait de déstabiliser le principe pollueur-payeur. Il ne s'agit pas d'opposer la presse et les collectivités territoriales. Le législateur doit veiller à l'application de la loi, si dure soit elle.

Les discussions en CMP ont permis de maintenir la presse dans la filière REP. Ce consensus apaisera les tensions en renvoyant au décret la fixation du niveau de prise en charge des coûts ou les modalités de mise à disposition d'encarts d'information.

Nous conservons un régime dérogatoire, qui devait prendre fin cette année, afin d'aider la presse à faire face à ses difficultés. Je me réjouis que la voix du Sénat ait été entendue.

Toutefois, on introduit un précédent qui risque d'aboutir à de nouvelles demandes, comme celle de l'industrie papetière, qui traverse elle aussi une crise tout en continuant à payer son écocontribution. C'est une petite révolution, par la remise en cause implicite de la prise en charge des coûts du service public de gestion des déchets.

Le pouvoir réglementaire pourra moduler la prise en charge sans l'aval du Parlement.

Les collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets devront être associées à l'élaboration des décrets.

Malgré le travail d'orfèvrerie légistique des deux rapporteurs, je reste circonspect. Le groupe SER s'abstiendra, en espérant que cette loi n'ouvre pas la porte à de nouvelles exceptions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Éliane Assassi .  - Certaines dispositions de la loi Agec pour faciliter le tri sont déjà lancées, d'autres, comme les restrictions sur les prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres, tardent à l'être.

Malgré l'urgence, cette proposition de loi n'apporte guère d'avancées sur le traitement des déchets. Les alertes sur la pollution de l'eau montent d'un cran : au-delà des pesticides que le Gouvernement laisse se répandre dans nos sols et notre eau, les microplastiques se multiplient dans les cours d'eau et les océans. La fin des emballages plastique pour les fruits et légumes devrait arriver - enfin ! - et évitera au moins 1 milliard d'emballages plastiques par an. Il y aura de facto une réduction du tonnage de déchets, donc de l'écocontribution.

Cette proposition de loi l'anticipe en proposant une fusion qui garantira une meilleure lisibilité et une réduction des coûts de fonctionnement. Tout n'est donc pas à jeter dans ce texte...

Dans certaines communes, faute de moyens, la réduction de la collecte finit par reposer sur les usagers qui entassent leurs déchets ou voient revenir de véritables décharges sauvages.

Nous maintenons notre vote initial : un journal n'est pas un papier comme un autre, et nous préférerions une contribution en nature et pédagogique plutôt que financière.

Une vraie réflexion sur la presse s'impose, à la fois pour favoriser l'indépendance des médias, quel que soit leur format, et assurer un financement qui garantisse la pluralité de l'information.

En l'espèce, l'écocontribution déstabilise un peu plus la presse écrite. Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Michel Laugier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Laurent Burgoa applaudit également.) J'interviens au nom du groupe Union Centriste et comme rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la presse.

Fallait-il imposer à une presse en pleine crise une charge supplémentaire de 20 millions d'euros de compensation de l'écocontribution ? Dans mon rapport de juillet dernier, j'ai conclu par la négative : ne fragilisons pas davantage un secteur déjà aux abois. D'autres moyens existent, à tel point que l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi reprenant nos recommandations, même si le texte final reportait in fine la charge financière sur les collectivités territoriales.

J'évoquais dans mon rapport une « dette » de l'État envers la presse : promesse de 150 millions d'euros de crédits d'impôt non tenue, captation par le budget général de l'État de l'amende de 500 millions d'euros payée par Google. Plutôt que de demander à l'État un pas en direction de la presse, les députés ont préféré cibler les collectivités, aux poches réputées profondes...

Marta de Cidrac, dont je salue le travail remarquable, a trouvé une solution judicieuse, qui répartit l'effort sur l'ensemble de la filière. La presse contribuera sous la forme d'encarts de sensibilisation. Sans ce compromis, le texte de l'Assemblée nationale risquait de ne pas être adopté. Finissons-en avec les politiques d'autant plus généreuses qu'elles puisent dans les poches des autres !

La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement. Espérons que la volonté du législateur sera respectée. La contribution de la presse doit se limiter à une participation en nature. Madame la ministre, j'attends de votre part un engagement ferme de nature à rassurer la filière.

Je me félicite que le Sénat ait joué son rôle et remercie chaleureusement Marta de Cidrac pour son talent à emporter la conviction. Le groupe UC votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

À la demande de la commission, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°274 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 253
Pour l'adoption 239
Contre   14

La proposition de loi est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Je me félicite de l'issue de la CMP et remercie la rapporteure pour son travail et ses propositions judicieuses. Je remercie aussi le président et le rapporteur pour avis de la commission de la culture pour le travail réalisé en commun. Je vous remercie enfin, madame la ministre, pour votre implication. Je souhaite que le Gouvernement respecte la volonté du Parlement. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

État de la justice dans les outre-mer

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'état de la justice dans les outre-mer, à la demande du groupe SER.

Mme Victoire Jasmin, pour le groupe SER .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST) Je me réjouis de l'initiative du groupe SER d'organiser ce débat. Si la justice, mission régalienne de l'État, connaît des difficultés indéniables dans l'Hexagone, elle est en outre-mer dans un état de faillite avancée, tant dans sa dimension humaine et morale que matérielle et structurelle.

Me Patrick Lingibé, vice-président de la conférence des bâtonniers, dénonce l'état « parfois comateux » de la justice en outre-mer. Ces territoires, qui font la grandeur de la France en matière géopolitique et sa puissance maritime, sont bien éloignés de la République en matière de développement économique, social et judiciaire.

De lourds retards pèsent sur l'activité des juridictions. L'accès au droit est précaire, dans un contexte de grande pauvreté et de fracture numérique. Le récent rapport de la Défenseure des droits le confirme.

L'accès au droit est pourtant un principe fondateur de l'État de droit : tous les citoyens doivent avoir un accès égal à la justice sous toutes ses formes. L'aide juridictionnelle permet en théorie à tout justiciable de faire valoir ses droits. Mais, outre-mer, la réalité est tout autre : en raison de l'éloignement, les habitants de Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon n'ont pas accès à un avocat en cas de garde à vue.

Alors que la fracture numérique est bien réelle outre-mer, la Chancellerie annonce un plan de transformation numérique pour une justice zéro papier, profondément inadapté à la réalité ultramarine.

Le rapport d'information de Stéphane Artano, Nassimah Dindar et Viviane Artigalas au nom de la délégation aux outre-mer a mis en évidence les difficultés de certains territoires, isolés lors du confinement faute d'accès internet.

Nos territoires souffrent d'un manque de moyens humains et matériels, conséquence de la sous-dotation chronique de la justice en outre-mer. Il faudrait revaloriser l'unité de valeur au profit des avocats ultramarins qui doivent se déplacer en bateau ou avion pour défendre nos concitoyens au titre de l'aide juridictionnelle.

Dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions, les services judiciaires sont particulièrement exposés aux tensions sociales. La crise de confiance est déjà majeure dans l'Hexagone ; elle est désastreuse outre-mer, notamment après le non-lieu sur le chlordécone, au terme de dix-sept années de procédure.

L'argumentation juridique n'a plus de pertinence lorsqu'on ne partage pas la même langue ni les mêmes codes sociétaux.

L'ampleur de la défiance à l'égard de la justice en outre-mer a été mise en évidence par une étude de 2021 du Conseil national des barreaux : 58 % de nos concitoyens ultramarins considèrent qu'il leur est difficile de faire valoir leurs droits.

L'état des établissements pénitentiaires est particulièrement préoccupant. Dans son rapport de 2019, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis deux recommandations urgentes liées à des violations graves des droits fondamentaux des personnes incarcérées en outre-mer. Le taux d'occupation des prisons s'élève à 123 %, contre 119,7 % dans l'Hexagone. La CEDH a condamné la France pour traitement dégradant des détenus : sur les neuf établissements mis en cause, trois sont ultramarins.

Ces conditions indignes, que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et l'Observatoire international des prisons ne cessent de dénoncer, rendent difficile le recrutement des personnels carcéraux et de justice outre-mer. Les prises de poste ne sont pas aisées, notamment pour les magistrats et greffiers fraichement sortis d'école.

Cette maltraitance institutionnelle doit cesser.

Les conditions matérielles d'arrivée des agents doivent être améliorées ; le minimum serait de prévoir une avance de rémunération. Signalons aussi que le taux d'absentéisme dans les services judiciaires est supérieur à la moyenne nationale, de même que le taux de rotation - lié à l'âge moyen des agents, inférieur à la moyenne nationale.

Je remercie le ministre des outre-mer pour sa présence, mais je regrette l'absence du garde des sceaux.

Des solutions collectives sont possibles, mais elles supposent de la volonté et des moyens adaptés. Le Gouvernement est-il prêt à répondre aux problématiques récurrentes en outre-mer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Je vous remercie d'avoir mis en lumière cet enjeu, sur lequel je suis déterminé à agir. Je vous prie d'excuser le garde des sceaux, retenu par d'autres engagements ; nous échangeons régulièrement sur nos sujets communs, et des progrès importants ont été réalisés. Sur les affaires en cours, je ne m'exprimerai pas davantage qu'il ne le pourrait lui-même, mais j'apporterai volontiers des éléments de réponse à vos questions.

L'action du Gouvernement dans ce domaine est empreinte de volontarisme et de pragmatisme. Beaucoup a été fait à la suite du rapport de la Défenseure des droits que vous avez mentionné.

La politique de conciliation est essentielle. Deux conciliateurs ont été recrutés en 2022 dans les deux départements antillais. Les juridictions concernées poursuivent les campagnes de recrutement.

La politique de l'amiable est en développement. De fait, nos concitoyens plébiscitent cette forme de justice.

Les hausses inédites du budget de la justice profitent à tous. Ainsi, 68 contractuels sont arrivés outre-mer dans le cadre du déploiement de la justice de proximité - un objectif prioritaire du garde des sceaux.

Sur l'aide juridictionnelle, la Chancellerie est prête à étudier des propositions, en échange d'engagements de la part des avocats ; il faut aussi développer le recours à la visioconférence dans certains cas. La revalorisation de l'unité de valeur ne fait pas partie des évolutions envisagées.

Le garde des sceaux est conscient que l'état de la justice n'est pas parfait en outre-mer, ni d'ailleurs en métropole - cette situation remonte à loin. Mais les hausses importantes récemment intervenues dans le budget de la justice laissent entrevoir des améliorations.

Pas moins de 100 000 ont été créés depuis 2018, dont 71 de magistrats en outre-mer depuis deux ans. Les effectifs de l'administration pénitentiaire sont passés de 2 800 à 2 932 postes, ce qui permet notamment aux agents d'origine ultramarine, nombreux dans cette administration, de revenir plus facilement dans leur territoire d'origine.

Quoiqu'importants, ces renforts restent insuffisants, je le reconnais. Nous prenons en compte les difficultés de recrutement, à travers une aide à l'installation pour les magistrats et les greffiers, des contrats de mobilité et un effort de formation avant la prise de poste, afin que les fonctionnaires appelés à exercer outre-mer soient conscients des spécificités de ces territoires.

Par ailleurs, l'outre-mer est largement concernée par le programme de création de 15 000 places de prison.

L'immobilier judiciaire n'est pas en reste. Des opérations d'ampleur sont en cours, comme à Cayenne, Basse-Terre ou Mamoudzou. Les projets d'investissement représentent plus de 800 millions d'euros. La Défenseure des droits a donc été entendue.

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) multiplie aussi les constructions : deux nouveaux centres éducatifs fermés sont en construction, en Guyane et à Mayotte.

Le Gouvernement prend en compte sérieusement les enjeux de la justice outre-mer, avec des efforts humains et financiers considérables. Peut-être ne le dit-on pas assez. Je me réjouis d'en débattre avec vous.

M. Bernard Fialaire .  - Depuis toujours, le RDSE est attentif au renforcement des moyens de l'État dans les outre-mer

La loi de 2017 de programmation pour l'égalité réelle outre-mer (Érom) a fixé un objectif de convergence des territoires ultramarins et métropolitains. Pour l'égalité réelle des droits et des services, l'accès de tous à une justice de qualité est un objectif essentiel.

Mon collègue Stéphane Artano souligne que la prise en charge des frais de déplacement des avocats dans le cadre de l'aide juridictionnelle n'est prévue qu'en Polynésie française. Or les transports en avion, coûteux, sont un frein à l'aide juridictionnelle dans d'autres territoires, dont Saint-Pierre-et-Miquelon. Il convient donc d'ajuster l'indemnisation des avocats concourant à l'aide juridictionnelle. L'égalité est au coeur de notre pacte républicain ! (M. Jean-Claude Requier abonde ; Mme Victoire Jasmin applaudit.)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Cette question est prise en compte par le ministère de la justice.

Les distances séparant le lieu d'exercice professionnel habituel d'un avocat et celui de son intervention sont souvent importantes. Des dispositifs existent déjà, pour les avocats de Nouméa par exemple, mais ils sont trop restreints.

Reste que la prise en charge des frais de déplacement n'est pas le seul levier. Il faut en particulier intensifier le recours à la vidéo-intervention, en concertation avec les organisations représentatives des avocats.

M. Bernard Fialaire.  - Il faut travailler vite et bien, monsieur le ministre ! Il y va de l'égalité réelle pour les territoires ultramarins.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Nous travaillons vite et bien, monsieur le sénateur, et nous allons continuer.

Mme Elsa Schalck .  - Ma collègue Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy, m'a chargée de poser sa question.

Saint-Barthélemy fait face à une forte augmentation de la délinquance : les atteintes aux personnes ont augmenté de 50 % entre 2021 et 2022, les escroqueries et les atteintes aux biens de 25 %.

L'île compte 27 gendarmes mobiles, dont 10 officiers de police judiciaire (OPJ). Elle est sous-dotée face à des difficultés relativement nouvelles, les effectifs ayant progressé moins vite que les besoins.

Nous nous inquiétons du rajeunissement des prévenus, qui rend nécessaire un accroissement des moyens de protection judiciaire. Cette préoccupation est au coeur des travaux de la délégation sénatoriale aux droits des femmes sur la parentalité en outre-mer.

Le nombre de dossiers implique des audiences foraines durant deux à trois journées, contre une auparavant. Récemment, une matinée entière a dû être renvoyée, mettant à mal la continuité de la justice.

Une part importante des délits sont liés à la consommation d'alcool et de stupéfiants : la sanction judiciaire doit être rapide pour envoyer un message de fermeté.

Les contentieux civils augmentent aussi fortement, liés notamment aux baux d'habitation et aux successions.

Une mise à niveau des effectifs à Saint-Barthélemy est-elle envisagée à court terme ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Une déléguée interministérielle aux droits des femmes en outre-mer sera très prochainement nommée. Mmes Caubel et Rome et moi-même travaillons à des réponses aux violences familiales, à l'image de ce qui se fait à Wallis.

Les effectifs de police sont en augmentation. La Lopmi prévoit des moyens supplémentaires. À Saint-Barthélemy, il faut plus de garde-côtes, mais aussi de gendarmes supplémentaires pour l'aéroport.

Les audiences foraines sont la règle à Saint-Barthélemy. Les effectifs judiciaires de Basse-Terre seront au complet au 1er septembre prochain. Enfin, la création d'un tribunal relève de l'organisation de la justice.

M. Franck Menonville .  - Je pose cette question au nom de mon collègue Jean-Louis Lagourgue.

Comme tous les territoires de la République, les outre-mer sont pluriels, mais ils connaissent des problématiques similaires, dont la surpopulation carcérale, une insécurité préoccupante et un manque d'attractivité des juridictions. Les déserts judiciaires côtoient souvent les déserts médicaux. L'accès au droit de nos compatriotes ultramarins est en jeu.

En Polynésie française, une dotation prend en charge les frais de déplacement des avocats dans le cadre de l'aide juridictionnelle, mais, à Wallis-et-Futuna, les justiciables n'ont pas accès à un avocat : ils sont assistés par des citoyens défenseurs.

Comment assurer la défense par un avocat ? Est-il envisageable d'étendre le dispositif polynésien à tous les outre-mer ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Renforcer l'attractivité des postes suppose de travailler sur l'accueil des magistrats, le logement, la prime, la suite de la carrière. Je constate une amélioration depuis trois ans mais, en effet, il faut aller plus loin et plus vite.

En ce qui concerne les prisons, l'effort est considérable - M. Sueur ne va pas y croire !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous verrons bien...

M. Jacques Fernique .  - Les conclusions des états généraux de la justice n'ont pas surpris grand-monde. Pour 70 % de nos concitoyens, la justice n'a pas les moyens de faire son travail. Notre justice est malade. C'est, en effet, le résultat d'une très longue histoire.

Clairement, le Gouvernement a fait un effort financier, mais la dématérialisation à outrance, la multiplication des postes d'assistant de justice et la construction de nouvelles places de prison comme marqueur de revitalisation de la justice ne sont pas la bonne réponse.

Le vice-président de la conférence des bâtonniers a relevé la faible place des outre-mer dans le rapport des états généraux de la justice. Il propose la création d'une ligne budgétaire spécifique aux outre-mer dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

Quid des personnes en garde à vue qui n'ont pas d'avocat ? Qu'envisage le Gouvernement quand la distance empêche la mise à disposition d'un avocat ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Nous devons poursuivre le travail entrepris. Le budget de la justice outre-mer a augmenté de 14 % entre 2018 et 2022 et augmente encore cette année.

En revanche, je ne crois pas qu'il faille une ligne budgétaire spécifique pour l'outre-mer. Cela irait contre l'unité de la République.

Certes, les magistrats en mission ne sont pas une solution durable ; c'est un cautère sur une jambe de bois. C'est pourquoi nous travaillons à renforcer l'attractivité des postes, en agissant notamment sur la formation et les affectations ultérieures.

Le travail continue : merci de voter tous les budgets...

M. Jacques Fernique.  - M. Benarroche, à la place de qui j'interviens, insiste sur la nécessité de conserver l'usage du papier lorsque la connexion internet, voire téléphonique, est défaillante.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Le zéro papier n'est pas pour demain - il est prévu pour 2027. Mais le numérique donne aussi de bons résultats : regardez ce qui se passe en Guyane dans le domaine de l'éducation nationale. En la matière, il faut agir de manière progressive ; les moyens nécessaires sont prévus dans le cadre de France 2030.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Le rapport des états généraux de la justice consacre deux pages et demie sur deux cent cinquante aux outre-mer : c'est peu quand on connaît le cumul de difficultés auquel ces territoires sont confrontés.

L'accès à la justice est rendu plus difficile par l'absence d'aide juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

Pour remédier à cet état de grande fragilité, le garde des sceaux a annoncé le recrutement de 27 nouveaux juristes assistants et déployé un dispositif expérimental de soutien à Cayenne et Mamoudzou. Ces « sucres rapides » ont fait la preuve de leur utilité pour parer à l'urgence.

Mais, au-delà, il faut bâtir un plan stratégique d'action adapté à chaque territoire. Les outre-mer, ce sont treize territoires, relevant de quatre catégories juridiques.

L'inspection générale de la justice plaide en faveur d'une vision prospective. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette recommandation pour injecter dans notre justice les « sucres lents » dont nos outre-mer ont tant besoin ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Effectivement, la justice outre-mer a besoin d'un plan stratégique, comme l'administration pénitentiaire.

Je salue l'action du garde des sceaux, qui s'intéresse beaucoup à l'outre-mer. Nous combattons pour que l'outre-mer soit prise en compte par chaque institution. Nous avançons, mais ne sommes pas encore au bout du voyage.

Un poste de délégué aux outre-mer sera placé directement auprès du secrétaire général du ministère de la justice. Un délégué aux droits des femmes et aux violences familiales déclinera un plan stratégique pour chaque territoire. Un concours permettra le recrutement en juillet de sept greffiers à Mayotte, dix en Guyane, tandis que quatorze techniciens du secrétariat général du ministère travaillent sur les réseaux informatiques depuis 2020.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ce plan stratégique est nécessaire : le Gouvernement peut compter sur les sénateurs pour sa mise en oeuvre.

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La surpopulation carcérale dans les outre-mer est de 123 %. La CEDH a condamné la France pour l'indignité de ses prisons, notamment à Baie-Mahault en Guadeloupe, Ducos en Martinique et Faa'a Nuutania en Polynésie.

Les conditions sont aussi très difficiles à Nouméa, comme l'a montré la Contrôleure générale des lieux de prévention de liberté : certains détenus sont logés dans des containers marins non isolés. Il faut mettre fin à ces conditions indignes !

En Guyane, le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly présente des risques pour la santé du personnel et des détenus. La violence y règne.

Monsieur le ministre, quid de la régulation ? C'est le seul moyen de sortir de la surpopulation carcérale. D'autres peines doivent être préférées à la détention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Les conclusions de la CEDH ont été prises en compte. J'ai visité de nombreuses prisons outre-mer.

Nous multiplions les actions contre des bandes de voyous et de casseurs. Les interpellations et les incarcérations augmentent. Bien sûr, certaines prisons sont d'une vétusté horrible. Nous préférons construire des prisons plutôt que de recourir à la régulation.

En Martinique, une structure d'accompagnement à la sortie de 120 places sera construite ; elle ouvrira dès 2025. L'accompagnement à la sortie, c'est mieux que la régulation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut les deux ! Cela devient explosif !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - La régulation pose des problèmes de sécurité.

Près de 400 places seront livrées en Guadeloupe, entre 2024 et 2027, et 500 places supplémentaires seront construites à Saint-Laurent-du-Maroni, en sus de la création d'un tribunal judiciaire.

Nous devons aussi améliorer le recrutement du personnel pénitentiaire. Les centres vétustes devront être rénovés. Jamais depuis quinze ans la programmation n'a été aussi ambitieuse.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voyez ce qu'a dit M. Molins lors des états généraux de la justice.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Je ne suis pas M. Molins et ce dernier n'est plus chargé de ce dossier.

Mme la présidente.  - Et moi je suis la présidente et je mets bon ordre à ce dialogue... (Sourires)

Mme Éliane Assassi .  - Une opération de lutte contre l'immigration illégale sera menée à Mayotte à la fin du mois d'avril, avec le déploiement de 400 gendarmes mobiles supplémentaires et la venue de la CRS 8.

L'amalgame entre immigration et délinquance et l'instrumentalisation de la justice au service d'une politique pénale décidée par le ministre de l'intérieur est inacceptable.

Les nombreuses personnes placées en centre de détention n'auront pas le temps de recourir au juge des libertés et de la détention ; on évoque trois bateaux pour expulser les personnes étrangères.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Elles rentrent chez elles !

Mme Éliane Assassi.  - Les magistrats du siège doivent demeurer indépendants et se tenir loin du tout-répressif et des reconduites aux frontières expéditives et systématiques.

Nous relayons les inquiétudes des associations : les mineurs, notamment, ne pourront être accompagnés. Le tribunal administratif ne pourra répondre à toutes les sollicitations, qui devraient tripler.

Avec cette opération, la justice judiciaire devient l'alliée objective du ministère de l'intérieur. C'est une attaque contre les droits fondamentaux.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Le premier droit fondamental est de ne pas se faire couper la main dans un bus scolaire, de ne pas voir brûler ce qui existe, de ne pas subir la multiplication des agressions.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - On doit entrer légalement dans notre pays.

Mme Éliane Assassi.  - On ne parle jamais des causes !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Nous avons mis en place un plan gigantesque à Mayotte. Oui, il y faut de la répression. Les opérations qui s'y dérouleront répondent aux demandes des Mahorais, qui ne sont pas en sécurité. Les meurtres, les rançonnages, les embuscades, les attaques de bus scolaires se multiplient.

Les opérations de reconduite et de destruction des habitats indignes se poursuivront dans le respect des règles.

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ce que dit le Contrôleur général des lieux de privation de liberté !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Six magistrats sont provisoirement affectés en renfort au tribunal de Mamoudzou. Sept agents rejoindront les services du greffe. Nous interpellons les chefs de bande, qui sont des assassins.

Mme Éliane Assassi.  - Je parle de justice !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Les instances administratives et judiciaires locales n'ont pas connaissance de difficultés rencontrées par le barreau de Mayotte. Les relations sont très fluides.

Tous les services de l'État sont mobilisés contre les passeurs et les délinquants. Les moyens sont là : les personnes peuvent faire appel, nous respectons les règles.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Exactement.

Mme Jocelyne Guidez .  - Nos questions sont redondantes, mais plus on tape sur le clou, plus ça rentre...

Voilà un an, le comité des états généraux de la justice remettait son rapport, qui consacre deux pages sur 216 aux outre-mer. Il y est rappelé que l'accès au droit y est particulièrement précaire, que la fracture numérique y est bien pire que dans l'Hexagone.

Compte tenu de l'état des infrastructures et du taux d'illectronisme, les citoyens ultramarins n'ont pas accès aux mêmes moyens numériques, comme l'a montré le rapport de Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar.

Lors de la présentation de son plan d'action pour la justice, le 5 janvier 2023, le garde des sceaux a fixé un objectif zéro papier pour 2027. Est-il prévu de conserver le recours au papier dans les outre-mer ? Sinon, quels moyens l'État compte-t-il mettre en oeuvre ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Le garde des sceaux ne sera plus en poste en 2027. En tout état de cause, son successeur n'appuiera pas sur le bouton si cela ne fonctionne pas.

Une démarche similaire des services de l'éducation nationale se déroule avec succès.

Nous essayons de progresser dans la transformation numérique : au recrutement de techniciens de proximité pour chaque juridiction s'ajoutent les quatorze personnes du secrétariat général du ministère déployées depuis 2020. Les heures d'ouverture du centre d'appels sont ajustées en tenant compte du décalage horaire. Nous souhaitons aussi réduire les mises à jour durant la nuit hexagonale.

Nous travaillons en vue d'un bon fonctionnement en 2027.

Mme Jocelyne Guidez.  - Les zones blanches continuent d'exister outre-mer, ne serait-ce que pour le téléphone...

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - La réduction des zones blanches outre-mer fait l'admiration de certains citoyens de l'Hexagone.

M. Stéphane Le Rudulier .  - À l'issue des travaux de la commission des lois sur l'insécurité à Mayotte, nous avons formulé seize recommandations, dont le renforcement des moyens humains du tribunal judiciaire. Le garde des sceaux s'est rendu à Mayotte où il a fait une série d'annonces en ce sens.

Un jeune greffier a dénoncé ses conditions de travail, avant de tenter de mettre fin à ses jours. Les moyens annoncés sont louables, mais insuffisants. Quid de la création d'une véritable cour d'appel ? On nous répond que le volume d'affaires est faible, mais le procureur de la République souligne que les Mahorais préféraient régler les conflits par eux-mêmes : une cour d'appel améliorerait le recours à l'institution judiciaire. Cela réglerait aussi les difficultés organisationnelles en évitant les multiples déplacements entre Mayotte et La Réunion.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Mayotte ne se réduit pas aux problèmes de sécurité et de justice. Nous travaillons sur de nombreux autres sujets avec les élus, notamment l'éducation et l'accès à l'eau. Lorsque nous songerons à créer une cour d'appel spécifique à Mayotte, c'est que nous aurons réglé bien des problèmes. Je préfère utiliser les financements pour d'autres sujets.

Il y a une chambre d'appel à Mamoudzou compétente pour toutes les décisions, hormis celles relevant de la chambre d'instruction.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Elle ne fonctionne pas correctement...

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - C'est l'affaire du ministère de la justice.

Les jeunes incarcérés à La Réunion n'ont aucun débouché lorsqu'ils sortent de prison. Ce problème me semble prioritaire, contrairement à la création ex nihilo d'une nouvelle cour d'appel.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cela existait avant la départementalisation.

Mme Victoire Jasmin .  - Depuis mars 2022, le président du conseil de prud'hommes de Basse-Terre et les organisations syndicales alertent sur leurs difficultés à exercer leur mission. Les conseillers prud'homaux de Saint-Barthélemy sont victimes de leur double insularité. L'indemnisation des frais de déplacement et d'hébergement est insuffisante. En outre, les délais de remboursement sont très longs : trois à six mois. Une réforme s'impose. Le rapport du Défenseur des droits appelle à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'égalité réelle et à l'effectivité du recours aux droits.

Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Nos concitoyens ont le plus recours à la justice prud'homale et à la justice familiale. Il faut qu'elles fonctionnent.

Il s'agit de verser les sommes dues : les chefs des cours d'appel de Basse-Terre ont informé le garde des sceaux qu'un suivi mensuel de ces remboursements serait désormais effectué.

Je ne suis pas sûr que l'augmentation du plafond des frais de repas et de nuitées soit une priorité, contrairement à celui des frais de déplacement. En outre, le temps de transport doit être considéré comme un temps de service.

Je solliciterai le garde des sceaux pour qu'il vous réponde plus précisément.

M. Gérard Poadja .  - Lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, j'avais souligné que la Nouvelle-Calédonie est le seul territoire de la République ne disposant pas d'un centre d'accès au droit.

J'ai été entendu. Dix-huit mois après l'adoption du texte prévoyant sa création, où en est-on ?

L'insalubrité du Camp Est, surnommé « la prison de la honte », est catastrophique. Il faut agir. Les autorités judiciaires et les forces de l'ordre appellent de leurs voeux une nouvelle prison. Je salue l'ouverture du centre pénitentiaire Nord. Quelles sont les perspectives ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - À ma connaissance, le centre de Koné a ouvert en février. Celui de Nouméa est indigne, avec des cellules à quatre personnes. Il sera rénové et étendu.

Les conseils d'accès au droit de Polynésie et de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été créés en 2022. Concernant la Nouvelle-Calédonie, un dialogue nourri a été noué avec l'État. La création d'un conseil de l'accès au droit a été actée. Le ministre de la justice finance certaines actions d'accès au droit.

En raison des embûches juridiques, la Chancellerie avance méthodiquement pour éviter tout retour en arrière. Le projet de décret a été rédigé par le ministère de la justice et soumis au Conseil national de l'aide juridique. Le Conseil d'État en sera prochainement saisi. La naissance de ce conseil est donc plus proche que jamais.

M. Pierre Frogier .  - Je rejoins les propos de M. Poadja sur la surpopulation carcérale chronique au Camp Est de Nouméa. Ce centre pénitentiaire a été construit sur les vestiges de l'ancien bagne, qui date du Second Empire. On y recense 600 détenus (M. le ministre acquiesce) pour une capacité de 400. La surpopulation est de 300 % dans le quartier de la maison d'arrêt des hommes.

M. Sueur a parlé des containers. L'état du bâti reste vétuste et sous-dimensionné. C'est indigne, lorsque 5 ou 6 détenus sont entassés dans une cellule de 12 mètres carrés. L'État a été condamné par la justice administrative à verser 700 000 euros d'indemnités.

Les magistrats de l'ordre judiciaire ont même prononcé des remises en liberté, considérant ces conditions de détention comme un traitement dégradant. C'est de plus en plus difficile pour le personnel pénitentiaire : 44 agressions ont été recensées dans les prisons en 2022, 23 depuis le début de cette année. Allez-vous enfin annoncer la construction d'un nouveau centre pénitentiaire et nous donner un calendrier précis ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Analyse partagée, monsieur le sénateur, tant sur les conditions indignes de détention que sur les violences carcérales à Nouméa. Sur ces violences, des plans et des formations sont prévus, mais la seule solution, c'est la rénovation-extension du Camp Est.

À Koné, le Gouvernement a prévu 120 places, ce qui, certes, est encore insuffisant face à la hausse des incarcérations.

Je m'engage à ce que vous ayez une réponse écrite précise sur le début des travaux de rénovation-extension.

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France a été condamnée à de multiples reprises tant par sa propre justice que par la CEDH pour les conditions de détention indignes.

Mais ce n'est que l'un des symptômes de l'état de la justice : 58 % des Ultramarins, 70 % des Guyanais estiment qu'il leur est difficile de faire valoir leurs droits - c'est deux fois plus qu'en métropole. Comment ne pas s'indigner du manque d'avocats ? À Wallis-et-Futuna, les avocats sont défendus par des citoyens défenseurs - ils sont donc privés d'avocats !

L'outre-mer catalyse les maux du service public. La part du financement des services publics dans notre pays représentait 18,1 % du PIB en 1980 ; il est toujours de 18 % aujourd'hui, alors que la population outre-mer a plus que doublé, passant de 1,4 à 2,7 millions d'habitants. Votre gouvernement refuse de revenir sur la moindre exonération fiscale et sociale ; a-t-il l'intention de financer le service public judiciaire à la hauteur des besoins ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - La réponse est oui. (M. le ministre commence à se rasseoir ; M. Bernard Jomier proteste.)

Je peux répéter ce que j'ai dit : les places de prison à Basse-Terre, à Baie-Mahault, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Nouméa... Un budget de fonctionnement de la justice inégalé depuis ces quarante dernières années... Comment pouvez-vous nous interroger sur nos intentions ? Nous les démontrons par nos actes. Je vous ferai un récapitulatif des cinq dernières années.

Certes, on ne va pas assez vite. Mais il ne s'agit pas de contraintes budgétaires : il y a un problème d'attractivité, de disponibilité des terrains, des entreprises. Tout cela est souvent plus difficile outre-mer. Futuna, c'est loin : 34 heures de vol ! Et pourtant, il y a une défense des citoyens avec les citoyens défenseurs. C'est une réalité historique. Ils seraient peut-être mieux défendus par des avocats, mais regardez les efforts accomplis ! Je vous enverrai cela par écrit.

M. Bernard Jomier.  - J'ai touché un point sensible, mais je parlais de l'état des services publics depuis 1980 : vous n'êtes pas au pouvoir depuis quarante ans. Mais tant que nous ne rectifierons pas le fléchage vers les services publics, nous n'y arriverons pas. Vous devez en convenir.

Mme Annick Petrus .  - Le tribunal de proximité de Saint-Martin couvre Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et dépend du tribunal de Basse-Terre. C'est le seul, avec celui de Saint-Laurent-du-Maroni, à bénéficier d'une dérogation qui lui permet d'assumer quasiment toutes les missions du tribunal judiciaire de Basse-Terre, y compris celles de son président. Conséquence : entre 250 à 300 dossiers en cours au civil, soit plus qu'à Basse-Terre !

Pourtant, le tribunal judiciaire de Basse-Terre compte 12 magistrats, contre 4 à Saint-Martin, pour un volume comparable. Nous n'avons que 7 greffiers, alors qu'il y en a 14 à Basse-Terre !

Le contentieux civil a augmenté de 50 %. En mars 2023, il n'était plus possible de prendre date pour introduire une nouvelle affaire avant octobre 2023 !

L'aide juridictionnelle ne se porte pas mieux : une seule semaine de permanence d'aide juridictionnelle en Guadeloupe pour 300 avocats inscrits ! Dix à quinze avocats sont domiciliés à Saint-Martin, douze à Saint-Barthélemy sont tenus d'assurer une à deux journées de permanence pénale par semaine et le paiement de cette aide survient avec beaucoup de retard à cause du sous-effectif du greffe.

Il faudrait donner au tribunal judiciaire de proximité de Saint-Martin son autonomie totale. Il revient à l'État d'assurer la continuité territoriale et l'égalité devant la justice. Seriez-vous prêt à pallier cette difficulté par des réformes ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Ne parlons pas des avocats de Saint-Barthélemy, qui sont surtout des avocats d'affaires. À Saint-Martin, les contentieux fonciers mobilisent beaucoup. Nous nous mobilisons pour les réduire avec le président Mussington. La cité administrative et judiciaire créée en 2025 sera un outil de 1er ordre. Il y a aussi la question de l'attractivité pour les magistrats.

Dans le cadre du comité interministériel outre-mer, nous en parlons avec le président Mussington afin de proposer des avancées à Mme la Première ministre.

M. Patrick Kanner, pour le groupe SER .  - Je ne regrette pas d'avoir porté ce débat. L'appartenance à notre République se définit par le respect de ses principes fondamentaux.

Aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est une république indivisible, laïque et sociale. Cela suppose un droit applicable uniformément sur le territoire, qui n'empêche pas une République plurielle. La plasticité ne doit pas nous conduire à renier nos principes.

L'outre-mer est pluriel : treize territoires aux statuts différents, un statut spécifique pour la Nouvelle-Calédonie, des terres inhabitées comme les Terres australes et antarctiques françaises et Clipperton. Certains ont un statut particulier, une justice spécifique. Définir un cadre unique n'est pas aisé, mais c'est la République.

L'histoire de la France dans ces outre-mer n'a pas été facile. Le pouvoir régalien doit être d'autant plus irréprochable, car ce passé colonialiste qui nous oblige. Mais l'État est loin d'être parfait. Les états généraux de la justice font état d'une crise profonde, d'une justice au bord de la rupture, de délais de jugement indécents, nourrissant une défiance croissante de nos concitoyens.

Malgré des hausses de crédits, cette justice garante du respect du droit reste en difficulté. Nous partons de loin... Il reste beaucoup à faire - ce que vous ne niez pas. Ne prenez pas nos exigences comme la négation de ces efforts.

Nous adoptons trop souvent un prisme hexagonal, et l'adaptation des mesures outre-mer est parfois insuffisante. Les taux de pauvreté et de chômage y sont particulièrement élevés, le coût de la vie exponentiel. Ces inégalités doivent être prises en compte, tout comme l'éloignement.

On ne peut accepter qu'en 2023, tous les justiciables n'aient pas le même accès au droit. Seul l'État peut assurer l'impartialité.

Nos collègues ont exposé les failles de ce service public et posé un diagnostic. Nous veillerons à y apporter les bons remèdes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Prochaine séance, mardi 2 mai 2023, à 14 h 30.

La séance est levée à 16 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 2 mai 2023

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Débat sur le thème : « Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique ? » (demande du groupe Les Républicains)

2. Proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°518, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)

3. Débat sur le thème : « Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ? » (demande du groupe CRCE)