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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mises au point au sujet d'un vote

Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique ?

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie

M. Guillaume Chevrollier

M. Franck Menonville

M. Daniel Salmon

M. Frédéric Marchand

M. Jean-Claude Tissot

M. Fabien Gay

M. Patrick Chauvet

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Cyril Pellevat

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Stéphane Demilly

Salut à une délégation sénatoriale de la République de Pologne

Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique (Suite)

Mme Martine Berthet

M. Franck Montaugé

Mme Béatrice Gosselin

Mme Sabine Drexler

M. François Calvet

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains

Pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit

Discussion générale

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi

Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Ronan Dantec

M. Frédéric Marchand

M. Jean-Michel Houllegatte

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Stéphane Demilly

M. Éric Gold

M. Didier Mandelli

Mme Martine Filleul

M. Louis-Jean de Nicolaÿ

M. Cyril Pellevat

Discussion des articles

ARTICLE 1er

ARTICLE 2

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE 5

APRÈS L'ARTICLE 5

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ?

M. Éric Bocquet, pour le groupe CRCE

M. Paul Toussaint Parigi

M. Didier Rambaud

M. Vincent Éblé

M. Pascal Savoldelli

Mme Sylvie Vermeillet

M. Christian Bilhac

M. Jean-François Husson

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Rémi Féraud

Mme Nathalie Goulet

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

M. Éric Bocquet, pour le groupe CRCE

Ordre du jour du mercredi 3 mai 2023




SÉANCE

du mardi 2 mai 2023

82e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Patrick Chauvet.  - Lors du scrutin n°270 sur les amendements identiques tendant à supprimer l'article 11 de la proposition de loi pour une école de la liberté, de l'égalité des chances et de la laïcité, M. Jean-Pierre Moga souhaitait voter contre, M. Pierre-Antoine Levi et Mme Élisabeth Doineau s'abstenir.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique ? », à la demande du groupe Les Républicains.

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) L'inclusion de l'hydrogène au côté du nucléaire dans les textes européens fait l'objet de vifs débats. C'est regrettable pour notre transition écologique : atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 suppose de mobiliser toutes les sources d'énergie décarbonée. C'est, en outre, contraire à notre souveraineté énergétique, garantie par le droit européen. Enfin, c'est malvenu au vu du contexte international : l'Europe ergote sur la définition de l'hydrogène, pendant que les États-Unis, avec l'Inflation Reduction Act (IRA), instaurent une remise fiscale pour toutes les formes d'hydrogène décarboné. Que de temps perdu, que d'opportunités gâchées en Europe !

L'hydrogène est un vecteur de premier plan pour la décarbonation. Sa capacité de stockage est essentielle pour promouvoir la mobilité propre, en complément des énergies renouvelables.

La commission des affaires économiques du Sénat s'est mobilisée en faveur de l'hydrogène avant le Gouvernement - et souvent contre lui.

En 2019, dans la loi Énergie-Climat, nous avons rehaussé de 20 à 40 % notre objectif d'hydrogène décarboné d'ici à 2030. L'année suivante, dans notre plan de relance Énergie, nous avons appelé à révéler le potentiel de l'hydrogène en consolidant la gouvernance et les moyens de la filière. Puis, en 2021, nous avons intégré dans la loi Climat-Résilience un paquet hydrogène ; dans ce cadre, nous avons notamment prévu l'inclusion de l'hydrogène dans les appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur le stockage.

Plus récemment, dans notre rapport sur la relance du nucléaire, nous avons plaidé pour une production massive d'hydrogène bas-carbone. Nous avons conforté en ce sens la loi Accélération des énergies renouvelables, en appliquant un bilan carbone à tous les projets d'hydrogène soutenus par appels d'offres pour favoriser les projets les moins émissifs et en intégrant l'hydrogène à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et aux débats des comités régionaux de l'énergie. Enfin, nous avons adopté plusieurs mesures de simplification : guichet unique, consolidation de l'autoconsommation.

Dans le projet de loi Nouveau nucléaire, nous avons proposé l'application des mesures d'accélération aux projets d'électrolyseurs d'hydrogène couplés à des réacteurs nucléaires.

Si nous nous félicitions de l'attention aujourd'hui portée à l'hydrogène, nous considérons qu'il faut faire davantage.

La loi quinquennale sur l'énergie doit fixer un cadre législatif pérenne. Nous espérons que son examen, prévu avant le 1er juillet prochain, ne sera ni reporté ni annulé. Ce texte est le fruit du compromis trouvé en CMP sur la loi Énergie-Climat : convaincus de la nécessité d'inverser la hiérarchie des normes en matière énergétique, nous voulions établir la préséance du législateur sur le pouvoir réglementaire, de la politique sur la technique.

Sur le plan de la gouvernance, le Conseil national de l'hydrogène devrait être réuni plus souvent et mieux associer les collectivités territoriales.

Les moyens annoncés pour l'hydrogène dans le cadre du plan de relance et du plan d'investissement, soit 7 et 1,9 milliards d'euros, doivent être engagés. À l'échelle nationale, il convient de pérenniser les appels d'offres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sur la mobilité et les écosystèmes. À l'échelle européenne, le budget des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) est en attente de bouclage.

L'avenir de l'hydrogène se joue dans les négociations européennes en cours. Dans notre résolution sur la taxonomie verte, nous avons appelé à maintenir une neutralité technologique entre l'hydrogène nucléaire et le renouvelable ; nous avons réaffirmé cette position dans notre résolution sur le paquet Ajustement à l'objectif 55. L'hydrogène bas-carbone ne doit pas être pénalisé par la directive sur la taxation de l'énergie ni exclu de la directive sur les énergies renouvelables ou du règlement sur les carburants alternatifs. Il doit bénéficier de dispositions plus simples et incitatives.

Nous avons besoin d'une stratégie claire, d'une gouvernance solide et de financements pérennes pour soutenir activement l'hydrogène dans l'industrie comme dans les transports. Le Gouvernement doit faire de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie le texte d'amorçage de la filière française de l'hydrogène. Quant à la Commission européenne, elle doit garantir une complète neutralité technologique.

Monsieur le ministre, quelles dispositions sur l'hydrogène, nucléaire comme renouvelable, la loi quinquennale sur l'énergie comportera-t-elle ? Comment la France entend-elle défendre l'hydrogène nucléaire dans le cadre du paquet Ajustement à l'objectif 55 ? Enfin, si un compromis a été trouvé sur la directive relative aux énergies renouvelables, qu'en est-il des autres textes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir inscrit cette question importante à l'ordre du jour de la reprise de vos travaux.

L'hydrogène n'est pas la pierre philosophale de la décarbonation, mais il en est un vecteur essentiel. En particulier, c'est le seul moyen de décarboner certaines industries, comme la production d'acier. De même, inventer des procédés décarbonés pour la production d'engrais nécessitera de l'hydrogène. Celui-ci apportera aussi à la mobilité lourde une autonomie qui serait hors de portée avec les batteries traditionnelles.

Reste que l'hydrogène ne remplacera pas le gaz naturel dans tous ses usages. Il est coûteux à produire et difficile à transporter. Nous ne ferons pas chauffer nos casseroles, appréciées ces temps-ci (sourires), avec de l'hydrogène...

Notre mix sera, demain, plus diversifié qu'aujourd'hui. Dans ce cadre, l'hydrogène sera utilisé pour les usages à haute valeur ajoutée. Il nous faut garantir l'accès à un hydrogène bas-carbone, notamment pour l'industrie lourde : c'est un enjeu de souveraineté industrielle.

Le Président de la République m'a chargé d'établir une feuille de route pour les cinquante sites industriels les plus polluants, totalisant plus de 60 % de nos émissions. Parmi eux, dix-huit sont stratégiques et auront besoin d'hydrogène pour se décarboner.

S'agissant de la loi quinquennale, monsieur Gremillet, je préfère un texte quelque peu décalé à un texte qui risquerait d'être incomplet. Le Conseil de planification écologique doit se réunir dans quelques semaines, puis la loi sera présentée à l'automne.

Quelque 50 % d'hydrogène supplémentaires seront nécessaires d'ici à 2030 : un tiers pour remplacer les usagers fossiles, deux tiers pour de nouveaux usages.

Quel modèle de production ? Comment réussir ce défi ? Tels sont les deux enjeux.

Nos voisins allemands privilégient l'importation d'hydrogène vert par rapport à la production d'hydrogène bas-carbone. Nous ne sommes pas encore totalement tombés d'accord, mais nous sommes sur la bonne voie, notamment sur le pourcentage d'hydrogène vert nécessaire. J'ai confiance en Agnès Pannier-Runacher pour obtenir un compromis.

Les conditions de transport de l'hydrogène ne sont pas garanties : infrastructures insuffisantes, prix incertain, risques géopolitiques... Remplacer une dépendance au gaz par une autre, à l'hydrogène, serait une erreur.

Produire sur notre sol présente deux avantages majeurs : renforcer notre souveraineté et améliorer notre attractivité. La maîtrise des coûts sera un enjeu essentiel. Aux États-Unis, l'IRA fixe le prix à 0,80 euro le kilo avant transport. L'hydrogène made in France aurait un coût de 3 à 4 euros le kilo. Nous devons donc aider la filière en lui fournissant une électricité à prix compétitif. Nous devons aussi améliorer les capacités de production, notamment en créant des hubs à proximité des centrales nucléaires.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure du défi climatique, l'hydrogène vert connaît un développement fulgurant. Nous nous réjouissons qu'une stratégie française se dessine enfin. Les objectifs sont ambitieux : remplacer progressivement l'hydrogène gris, qui représente 90 % de la production actuelle, par de l'hydrogène décarboné.

Plusieurs sites se déploient sur le territoire, avec le soutien d'aides diverses : 7 milliards d'euros dans le cadre de France 2030, dispositifs de soutien de l'Ademe, programme d'investissements d'avenir (PIA).

Tout cela crée une dynamique, mais il reste un défi majeur : le développement des usages, dans l'industrie comme dans la mobilité. L'acquisition d'un bus ou d'un camion est très onéreuse, et le plan Rétrofit ne contient que de timides mesures.

Il faut de vraies incitations financières, car seule une hausse de la demande fera baisser le prix de la production. Comment le Gouvernement compte-t-il encourager le développement des usages de l'hydrogène dans tous les secteurs de l'économie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - L'essentiel est de disposer d'hydrogène décarboné à prix compétitif.

Toutefois, il faut, en effet, faciliter le développement des usages, surtout pour la mobilité lourde - autobus, poids lourds ou bennes à ordures.

C'est pourquoi nous avons lancé, dans le cadre de France 2030, un appel à projets Écosystèmes territoriaux hydrogène, pour 125 millions d'euros ; il s'agit notamment d'encourager l'achat de bus auprès de fabricants français.

M. Franck Menonville .  - (M. Alain Marc applaudit.) Développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique est une nécessité pour accélérer notre transition énergétique et renforcer notre industrie.

Le développement d'une filière d'hydrogène décarboné est la garantie de notre indépendance énergétique. Si certains de nos voisins privilégient les importations, la situation géopolitique nous invite à renforcer notre souveraineté.

Privilégions les énergies bas-carbone : hydrogène et nucléaire participent du même objectif.

Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur la taxonomie européenne. Sera-t-il suffisant pour favoriser la production d'hydrogène bas-carbone ? Quelle articulation entre cette énergie, le nucléaire et les énergies renouvelables ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Les négociations européennes sont en cours : je ne puis préjuger de leur point d'atterrissage. Toutefois, les choses sont en bonne voie : la cible de 42 % d'hydrogène vert d'ici à 2030 serait ramenée à 33 % si l'hydrogène fossile représente moins de 23 % du mix total - la France est sans doute capable d'y arriver. Ce sont les chiffres actuels, que nous ambitionnons de négocier encore.

Nous souhaitons tous favoriser le développement des énergies renouvelables, mais nous voulons aussi encourager l'hydrogène d'origine nucléaire. Si nous adoptions la position de nos amis allemands, nous manquerions d'hydrogène dans le monde.

M. Daniel Salmon .  - À la différence de l'électricité, énergie de flux, l'hydrogène est une énergie de stock : c'est son intérêt. Il a toute sa place dans le mix énergétique.

Nous devons développer sa production, mais à partir d'énergies renouvelables : 95 % de l'hydrogène produit aujourd'hui est d'origine fossile.

Alors que le projet de pipeline H2Med a été lancé, la France s'appuiera-t-elle majoritairement sur des importations ou sur une production locale à base d'énergies renouvelables ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Pour décarboner l'industrie traditionnelle, créer emplois et prospérité dans nos territoires et réconcilier économie et écologie, nous devons avant tout produire l'hydrogène chez nous.

Cet hydrogène sera issu à la fois d'énergies renouvelables et d'énergies décarbonées. On doit faire l'un et l'autre. La prochaine loi de programmation pluriannuelle mettra cette stratégie en perspective.

M. Daniel Salmon.  - Votre mix énergétique s'appuie essentiellement sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Je ne suis pas favorable au premier, vous le savez bien...

Le rendement d'une centrale thermique pour la production d'électricité est de 35 %. Ensuite, le rendement de la production d'hydrogène est de 30 %. Bilan des courses : 90 % de l'énergie primaire est perdue ! En partant d'une électricité renouvelable, la première déperdition n'a pas lieu.

Il faut absolument développer l'hydrogène à partir d'énergies renouvelables qui seront, à l'avenir, bien plus compétitives que le nucléaire.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Vos chiffres ne tiennent pas compte de l'intermittence.

Les industriels disent avoir besoin d'un hydrogène compris entre 2 et 2,50 euros le kilo, alors que le prix de l'hydrogène obtenu à partir d'énergies renouvelables est de 4 à 6 euros le kilo. Aujourd'hui, les énergies renouvelables ne permettent pas de disposer d'un hydrogène compétitif, même si avec le développement des volumes, nous y parviendrons sans doute. D'ici là, le nucléaire est un élément essentiel du développement de l'hydrogène.

M. Daniel Salmon.  - Vous ne m'avez pas convaincu : le rendement de l'hydrogène issu du nucléaire est déplorable, et le mégawattheure nucléaire sera autour de 120 euros dans les prochaines années. Avec Flamanville, on voit bien que ce prix augmente, alors que le développement de l'éolien offshore est massif.

M. Frédéric Marchand .  - S'appuyer sur les laboratoires de recherche à la pointe et devenir un des leaders mondiaux de l'hydrogène obtenu par électrolyse, telle est la feuille de route de notre pays. Il nous faut améliorer les rendements, favoriser le stockage, baisser les coûts de production, réduire les risques industriels.

L'Union européenne entend soutenir la production d'hydrogène. Mais le mode d'octroi des contrats repose sur des enchères remportées par les projets les moins chers. Ce système défavorise les technologies plus coûteuses mais plus novatrices.

Une solution serait de conserver une forme de concurrence, mais entre paniers de technologies, comme le font les Pays-Bas et l'Angleterre pour l'électricité renouvelable.

Est-il envisagé de passer des contrats sur différence (CFD) entre États et acteurs privés pour accélérer la production d'hydrogène par électrolyse ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Les CFD peuvent avoir des effets pervers, mais ce n'est pas le cas pour l'hydrogène. Souvent, les projets les plus innovants ont les rendements les plus élevés. Si l'on finance les coûts en capital via les PIIEC, les coûts d'opération peuvent être plus faibles pour les secteurs les plus innovants. Le mécanisme est alors vertueux pour l'innovation.

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce débat soulève deux questions : celle de l'utilité réelle de l'hydrogène et celle de sa démocratisation.

Comme M. Salmon l'a souligné, la majeure partie de l'hydrogène produit aujourd'hui l'est à partir de combustibles fossiles ; l'hydrogène vert a un coût trop élevé. Comment la France compte-t-elle réussir la transition vers l'hydrogène vert ?

Le développement de l'hydrogène concerne essentiellement les transports lourds. Comment le Gouvernement prévoit-il de démocratiser l'hydrogène auprès des particuliers comme des collectivités territoriales ? Ces dernières manquent d'informations sur les projets industriels d'ampleur : comment les renseigner sur les aspects positifs et négatifs ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - L'hydrogène fait partie des piliers de l'énergie du futur, dans le to B - commerce à commerce - plutôt que dans le B to C - commerce à consommateur.

La démocratisation de l'hydrogène n'est sûrement pas pour demain, compte tenu des coûts de transport. En revanche, les transports en commun, trains et bus à hydrogène, comme les poids lourds, peuvent être rentables.

Il faut développer l'hydrogène bas carbone. L'industrie, dans des territoires souvent déclassés, a une belle histoire devant elle : nous allons ainsi produire des engrais à partir de l'hydrogène. Nous avons là une belle histoire à raconter aux Français, et elle sera créatrice d'emplois.

M. Fabien Gay .  - L'hydrogène est une énergie d'avenir, porteuse de nombreux espoirs pour la décarbonation. La stratégie nationale vise trois objectifs : disposer de suffisamment d'électrolyseurs, développer les mobilités propres et construire une filière industrielle, avec jusqu'à 150 000 emplois.

Mais se tourner vers l'avenir n'empêche pas d'apprendre des erreurs du passé. Quelque 7 milliards d'euros sont mis sur la table pour les entreprises : encore une fois, il s'agit de subventions publiques au secteur privé. Mais qu'est-ce qui garantira l'emploi si les investisseurs se rendent compte que les subventions sont plus fortes ailleurs, que les États-Unis sont plus attractifs que nous ? Si les industriels décident de s'installer outre-Atlantique, de quelle maîtrise disposerons-nous à long terme ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Nous y croyons, en dépit de votre américanophilie apparente... (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Fabien Gay.  - Ce n'est pas sérieux !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Je plaisantais, monsieur le sénateur.

Nous sommes convaincus que l'Europe a des avantages. La France, en particulier, dispose d'un avantage énorme : sa recherche. Nous sommes le deuxième pays au monde pour les brevets sur l'hydrogène ; le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a le plus gros portefeuille de brevets au monde. Profitons-en pour investir !

Les États-Unis, chantres du libéralisme, se sont lancés dans une course aux subventions massives, parfois délétère. Nous continuerons à subventionner nos acteurs pour disposer d'une industrie souveraine et autonome.

EDF va devenir une entreprise entièrement nationalisée. En matière d'hydrogène, les enjeux de diversité des solutions sont trop importants pour que l'État choisisse à la place des investisseurs. Nous croyons à l'innovation, à l'entrepreneuriat. Le modèle que nous choisissons est le meilleur pour disposer d'un hydrogène compétitif.

M. Patrick Chauvet .  - L'Union européenne s'est fixé comme objectif de produire 10 millions de tonnes d'hydrogène vert d'ici à 2030. Il faudra pour cela augmenter nos importations d'énergies renouvelables.

L'Union européenne a signé des protocoles d'accord dans cette perspective, notamment avec des pays africains. Mais des limites apparaissent : les pays producteurs d'énergies renouvelables devront puiser dans leurs ressources pour satisfaire la demande. Or seuls 56 % des Namibiens, par exemple, ont accès à l'électricité.

La transition énergétique sera mondiale ou ne sera pas. Allons-nous, pour développer l'hydrogène vert, renforcer la dépendance d'autres pays aux énergies fossiles ?

La majorité de l'hydrogène produit aujourd'hui est bleu, monsieur le ministre. Le vert le remplacera-t-il vraiment ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Je le répète : produire son propre hydrogène, décarboné ou renouvelable, est une bonne solution pour assurer sa souveraineté et ne pas remplacer une dépendance aux hydrocarbures, par une autre aux importations d'énergies renouvelables.

Vous apportez un argument de plus en ce sens : importer de l'énergie renouvelable pourrait accroître la consommation d'énergies carbonées dans les pays où elle est produite.

L'Allemagne connaît actuellement une forte hausse de sa consommation d'énergies renouvelables, mais aussi, du fait de la fermeture de ses centrales, d'énergies carbonées. (M. Daniel Salmon le conteste énergiquement.)

Via le nucléaire et les énergies renouvelables, nous pouvons produire l'hydrogène dont nous avons besoin pour assurer la souveraineté française et européenne.

M. Patrick Chauvet.  - Je suis d'accord pour produire l'hydrogène vert en France, mais serons-nous compétitifs ?

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Pour atteindre la neutralité carbone, notre pays a l'ambition de déployer 6,5 gigawatts d'électrolyseurs à l'horizon 2030. Nous partageons cet objectif : l'hydrogène dit vert ou décarboné est un vecteur incontournable de décarbonation dans l'industrie lourde, les mobilités routières intensives ou les transports maritimes ou aériens.

Toutefois, l'électrolyse mobilise la ressource en eau. Certes, la production de 1 million de tonnes d'hydrogène ne représente que 0,2 % de la consommation d'eau de notre pays, contre un tiers pour l'ensemble du secteur de l'énergie. Mais, dans le contexte actuel de sécheresse, quelle stratégie adopter ? Réutilisation des eaux usées industrielles, désalinisation partielle ?

L'autonomie minière est aussi un enjeu majeur. La filière hydrogène n'échappe pas aux besoins de métaux critiques, en l'espèce l'iridium et le platine. Comment sécuriser nos approvisionnements pour les prochaines décennies ?

Enfin, où sont les 4,2 milliards d'euros promis au titre du mécanisme de soutien à la production ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - L'hydrogène n'échappe pas aux enjeux de sobriété pour la consommation d'eau.

L'industrie a réduit sa consommation en eau depuis une dizaine d'années et contribue au plan de sobriété annoncé par le Président de la République. La réutilisation des eaux usées de l'industrie limitera la consommation d'eau pour la production d'hydrogène.

S'agissant de la dépendance aux métaux critiques, un fonds d'investissement doit sécuriser les approvisionnements. Les nouvelles technologies ne font plus appel aux métaux rares que vous avez cités.

Les négociations continuent avec la Commission européenne sur les subventions accordées.

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hydrogène occupera une place de choix dans notre futur mix énergétique. Il ouvre la voie à la décarbonation de certaines industries, mais aussi de certains transports. Notre industrie du décolletage, dans la vallée de l'Arve, y voit une piste de développement importante.

Néanmoins, considérer l'hydrogène comme une solution miracle serait se méprendre. L'éolien et l'hydroélectricité devront monter en puissance. La France doit accélérer sa production d'énergies renouvelables.

Il est essentiel que l'hydrogène dit rose, issu du nucléaire, soit considéré comme renouvelable - sans quoi nous ne pourrons répondre à notre demande intérieure, encore moins exporter. Une porte a été ouverte par Bruxelles en février dernier, mais sept États membres font barrage. Où en sont les négociations et comment le Gouvernement compte-t-il surmonter les oppositions ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Dans la vallée de l'Arve, des projets de moteurs thermiques à hydrogène existent - nous les subventionnons, notamment Symbio.

L'hydrogène rose est une sorte de tabou de part et d'autre du Rhin. Réduire les objectifs d'hydrogène vert revient à donner, de manière implicite, un avantage à ceux qui souhaitent produire de l'hydrogène rose, comme nous.

Nous ne sommes pas encore tout à fait parvenus à un compromis qui nous satisfait, mais les choses vont dans le bon sens.

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous partageons le constat : l'hydrogène est utile pour accélérer la transition énergétique. Mais encore faut-il s'entendre sur son mode de production, actuellement fondé sur les énergies fossiles. L'hydrogène gris n'entraîne aucune décarbonation des économies.

La voie offerte par l'électrolyse est intéressante. Coupler l'électrolyseur à une source d'énergie décarbonée permet d'obtenir de l'hydrogène vert. Ce système répond à la variabilité de l'éolien et du photovoltaïque, en permettant le stockage de l'énergie. Mais son déploiement à grande échelle posera d'autres problèmes, notamment en matière d'artificialisation des sols.

On estime que le déploiement des infrastructures nécessaires ne pourra se faire avant le milieu de la décennie. En attendant, on continuera à produire de l'hydrogène carboné. Pouvez-vous détailler le calendrier prévu pour le développement d'une filière de production d'hydrogène vert ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Nous visons une augmentation de 50 % de l'hydrogène vert ou décarboné d'ici 2030 et de 100 % d'ici 2035. Ambitieux, ces objectifs sont cohérents avec les moyens mobilisés et l'accompagnement proposé aux porteurs de projet. Ils répondent aux objectifs européens et à nos besoins. Pour décarboner nos aciéries, nos usines d'engrais, il faut pouvoir y utiliser de l'hydrogène décarboné.

M. Stéphane Demilly .  - J'associe à cette question ma collègue Denise Saint-Pé.

L'hydrogène prendra une place capitale dans le cadre de la transition énergétique. Nous menons une politique offensive dans ce domaine avec le plan Hydrogène 2030, ce qui est une excellente chose.

L'hydrogène, pour peu qu'il soit vert, peut décarboner l'industrie, les mobilités lourdes et le chauffage des bâtiments, avec les chaudières gaz à condensation.

Mais la production à moins de 10 euros le kilo n'est pas encore envisageable. Quid, dans ces conditions, de la possibilité d'extraction de l'hydrogène présent dans le sous-sol, dit hydrogène blanc ? De récentes expérimentations menées au Mali, aux États-Unis ou en Chine montrent que de telles extractions sont possibles. Le Gouvernement envisage-t-il d'accorder des autorisations de recherche aux entreprises françaises qui le demandent ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Après l'hydrogène vert, bleu et rose, voici l'hydrogène blanc : vous ajoutez une couleur à l'arc-en-ciel... (MJérôme Bascher s'en amuse.)

Nous étudions toutes les opportunités pour disposer d'hydrogène en quantité importante. Nous envisageons la production à partir de la biomasse, mais aussi de l'hydrogène natif, inclus dans le code minier dès 2021. Nous avons identifié quelques projets qui pourraient ouvrir des perspectives : l'État doit déterminer le potentiel des gisements et les enjeux économiques et environnementaux.

Salut à une délégation sénatoriale de la République de Pologne

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer dans notre tribune d'honneur une délégation de sénateurs polonais conduite par M. Aleksander Pociej, président du groupe d'amitié Pologne-France. Elle est accompagnée par notre collègue Valérie Boyer, présidente du groupe d'amitié France-Pologne.

Cette visite d'étude permettra de renforcer la coopération franco-polonaise dans le contexte particulier du conflit en Ukraine. Ses travaux concerneront la défense, mais aussi le secteur agricole et la coopération scientifique.

La richesse de la culture partagée entre la France et la Pologne sera à l'honneur avec la visite, en Indre-et-Loire, du château et du village de Montrésor, intimement liés à l'histoire polonaise.

À la veille du 3 mai, fête nationale célébrant la Constitution de 1791, je souhaite à nos homologues du Sénat polonais, en votre nom à tous, la plus cordiale bienvenue et un fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, applaudissent.)

Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique (Suite)

Mme Martine Berthet .  - La révision de la stratégie nationale hydrogène, annoncée en février, devrait être présentée d'ici l'été prochain. Que pouvez-vous nous dire des gigafactories, des équipements indispensables à cette industrie tels que les électrolyseurs, les piles à combustible, les réservoirs, qui devraient entraîner tout un tissu industriel ?

Les entreprises concernées disposeront-elles de débouchés suffisants d'ici 2030 pour se consolider et devenir des fleurons industriels durables ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Trois projets de gigafactories sont déjà en cours en France. Elogen, basé aux Ulis, souhaite en construire une à Vendôme, Genevia conduit un projet à Béziers et John Cockerill, une entreprise franco-belge, porte un projet en Alsace.

Ces trois unités devraient produire 2 GWh, pour des besoins aujourd'hui estimés à 6 GWh : il n'y a donc pas d'inquiétude sur les débouchés. Reste à produire à un coût compétitif.

Mme Martine Berthet.  - Quel soutien sera apporté au développement de la mobilité professionnelle - véhicules utilitaires légers, camions notamment - et à la mise en place d'infrastructures de recharge sur l'ensemble du territoire national ?

Deux constructeurs français ont développé des véhicules utilitaires légers à hydrogène. Il serait dommage de ne pas potentialiser cette filière, alors que nous mettons en place les zones à faibles émissions.

M. Franck Montaugé .  - (M. Christian Redon-Sarrazy applaudit.) L'hydrogène est un moyen de décarboner l'industrie, mais aussi une solution pour la production électrique dans son ensemble. En effet, plus la proportion des énergies renouvelables sera forte dans notre réseau, plus nous aurons besoin de faire appel au stockage d'hydrogène, qui apportera de la flexibilité.

Pour cela, il faudra intégrer des systèmes hydrogène au réseau, avec des électrolyseurs, des centrales thermiques, voire des interconnexions avec les pays limitrophes.

De la nature et de l'ampleur de ces systèmes dépendra la flexibilité du réseau électrique. Ce choix politique aura des conséquences sur le niveau d'énergies renouvelables dans le mix, donc sur la PPE elle-même.

Quelle est la vision du Gouvernement ? Où en est-on de la planification des infrastructures nécessaires ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Contrairement aux énergies renouvelables, l'hydrogène peut en effet être stocké en grande quantité dans les cavités salines. C'est un avantage réel.

En France, les cavités de Manosque, anciennement utilisées pour le gaz naturel, pourraient stocker jusqu'à 30 kilotonnes d'hydrogène.

Le stockage permet notamment des arbitrages sur le choix de l'horaire de production pour optimiser le coût de l'électricité, qui représente 70 % du coût total de production. À plus long terme, cela pourrait contribuer à l'équilibre du système électrique, notamment grâce aux piles à combustible. Une start-up française, HDF, va mener une expérimentation en Guyane. Il est aussi possible d'utiliser des cycles combinés avec le gaz naturel, comme cela se fait en Allemagne.

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hydrogène est un vecteur énergétique de choix, mais aussi un outil de flexibilité du mix électrique.

Comme énergie, l'hydrogène bas-carbone est utilisable pour le transport collectif et de marchandises, où il est plus adapté que la batterie. La pile à combustible présente l'avantage de ne rejeter que de l'eau. Enfin, l'hydrogène peut être stocké.

En revanche, l'hydrogène renouvelable produit par électrolyse coûte cher : il faut réduire le coût de production de l'électricité solaire et éolienne.

Le défi immédiat pour accompagner la production d'hydrogène propre est d'assurer un approvisionnement suffisant en électricité décarbonée. L'hydrogène bas carbone produit à partir du nucléaire sera-t-il reconnu comme indispensable par les autorités européennes, comme l'énergie renouvelable ? Quid de la production offshore ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - En matière d'autonomie, l'hydrogène présente un avantage comparatif indéniable par rapport à la batterie, pour les trains et les véhicules de transport collectif. En revanche, pour les véhicules individuels, nous sommes loin du compte. Le coût de production est supérieur, et le rendement total équivaut au tiers de celui de la batterie. Stellantis conduit en ce moment un projet de véhicules utilitaires légers pour la logistique urbaine.

Concernant la production offshore, nous en sommes au stade expérimental, mais nous finançons les recherches.

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans le Haut-Rhin, le complexe Alsachimie regroupe trois entreprises fabricant du nylon, de l'ammoniaque et des engrais. Au total, il produit 75 000 tonnes d'hydrogène à partir de gaz, qui est très émetteur. Pour passer à de l'hydrogène vert, il faudrait un puissant électrolyseur.

Vu le coût du gaz en Europe, ces entreprises ont dû réduire leur production : Butachimie tourne à 30 % de sa capacité. Le complexe va au-devant d'importantes difficultés. Le plafonnement à 4 millions d'euros des aides pour l'hydrogène vert est insuffisant. Il faut revoir notre modèle de soutien à cette industrie afin de la pérenniser et de lui donner de la stabilité. À défaut, 2 000 emplois directs et autant d'emplois indirects seraient sacrifiés, dans une région déjà frappée par la fermeture de Fessenheim.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour éviter un nouveau désastre économique et social ?

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - J'ai échangé avec les responsables de ces entreprises. Elles vont mieux, en tout cas moins mal, et la baisse des prix de l'énergie n'y est pas étrangère.

L'aide européenne ne peut dépasser 4 millions d'euros, en raison de la manière dont les prix des intrants et des extrants sont fixés. Faut-il pour autant abandonner ? Non. Il y a des projets très ambitieux en matière d'hydrogène vert. Je pense au projet Borealis, avec 200 emplois à la clé, à Ottmarsheim (Mme Sabine Drexler acquiesce.) Une aide de 100 millions d'euros pour la décarbonation du site a été notifiée à l'Union européenne. Nous sommes prêts à aider dans leurs efforts de décarbonation les entreprises que vous avez mentionnées.

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans le cadre du plan d'investissement 2030, le Gouvernement a lancé une accélération du plan Hydrogène décarboné.

Je m'étonne que l'on n'y trouve aucune mesure sur l'hydrogène naturel. Depuis la découverte d'un puits au Mali il y a dix ans, nous savons qu'il en existe un peu partout dans le monde. En Australie du Sud, 35 demandes de permis d'exploration ont été déposées. La France possède des poches d'hydrogène qui intéressent les entreprises de prospection, notamment dans les Pyrénées. Dans les Pyrénées-Atlantiques, une société de prospection a déposé une demande de prospection exclusive pour une zone de 226 km2. Si le projet aboutit, le coût de production de cette exploitation serait de moins d'1 euro le kilo. La France devrait examiner attentivement ce potentiel.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Vous faites référence au projet dit « Sauve Terre ». La surface est certes importante, mais il faudrait creuser très profond, à 6 000 mètres. Les perspectives de cette exploitation sont très intéressantes, avec un coût d'extraction compétitif. Il faut déterminer l'ampleur potentielle du gisement, les fondements économiques du projet, les bénéfices et impacts environnementaux. Nous accordons un vif intérêt à ce projet qui offre une perspective d'hydrogène peu cher et souverain. Il reste quelques obstacles à lever.

M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe Les Républicains pour ce débat qui permet d'aborder, en dehors de toute pression législative, la question de notre mix énergétique.

Une orientation pragmatique se dégage : nous devons diversifier nos modes de production d'énergie tout en décarbonant notre industrie. L'hydrogène est incontestablement un levier d'action, mais pose de nombreux défis, car il n'y aura pas d'hydrogène magique.

Premier défi : cet élément chimique abondant n'est pas facilement accessible. De plus, les modes de production ne sont pas tous vertueux. Nous sommes encore loin d'une production neutre en CO2, avec 11 millions de tonnes émises actuellement.

Deuxième défi : le coût de production de l'hydrogène bas carbone, essentiellement par électrolyse de l'eau, peut atteindre 8 euros le kilo, contre 2 euros pour un kilo d'hydrogène gris. La marche est haute, et l'équilibre ne pourra être atteint sans aides publiques.

Le Gouvernement a bien identifié ce sujet, avec néanmoins plusieurs biais. D'abord l'ambition : en 2018, la France consacrait 100 millions d'euros à la filière, alors que l'Allemagne a mis 7 milliards d'euros sur la table - il est vrai que le Gouvernement a rectifié le tir en 2020 avec un nouveau plan, mais il ne couvre pas tous les enjeux.

Le coût d'un électrolyseur a été divisé par quatre en dix ans. Le secteur évolue rapidement, et l'électrolyse à haute température apporte désormais de bien meilleurs rendements.

Le stockage est un axe important. Les batteries seront bientôt produites en série. Nous aurons bientôt des batteries XXL produites dans deux gigafactories, qui pourront stocker les surplus de production.

Reste à identifier les sources de production. Le surplus de production des énergies renouvelables intermittentes, associé à la production d'hydrogène mis à disposition pour des pics de consommation, présente un intérêt certain.

En revanche, pas un mot sur le couplage avec le nucléaire, malgré la récente conversion du Président de la République - après le sacrifice industriel et commercial de la filière, pour raisons politiciennes. Il est temps d'en finir avec cette schizophrénie.

La loi de programmation sur l'énergie et le climat nous permettra d'évoquer cette question.

Deux points de vigilance sont à noter. Premièrement, la combinaison de l'hydrogène vert avec le dioxyde de carbone permettrait de produire du méthane de synthèse. Deuxièmement, il faudra mailler le territoire d'un réseau de distribution, avant de structurer des partenariats avec nos partenaires européens.

La séance est suspendue quelques instants.

Pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je suis heureux de vous retrouver pour l'examen de ce texte cosigné par 139 collègues de tout bord.

Il vise à répondre aux alertes répétées sur les malfaçons et dysfonctionnements dans le raccordement des utilisateurs finaux à la fibre optique. C'est le résultat des difficultés du mode Stoc (sous-traitance à l'opérateur commercial), qui délègue l'étape finale du déploiement aux opérateurs commerciaux. Ces derniers ont tendance à sous-traiter la tâche.

C'était à l'origine une pratique dérogatoire, qui présentait deux singularités : elle était sans base législative, car développée à la suite d'une décision de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) ; elle contrariait la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre, sa mise en oeuvre du mode Stoc étant considérée comme de droit par l'Arcep.

Le régulateur avait bien précisé que le mode Stoc n'était valable que si les sous-traitants respectaient « les règles de l'art ». Les désordres constatés montrent que ce principe reste théorique.

Bien sûr, le tableau n'est pas totalement noir. Le mode Stoc a permis un déploiement rapide de la fibre, avec plus de 18 millions de Français raccordés - en 2013, nous étions parmi les mauvais élèves de l'Union.

Mais ce succès ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt : la situation actuelle n'est pas acceptable, compte tenu des sommes engagées par l'État, les collectivités territoriales et des attentes des consommateurs, alors que les jours du réseau cuivre sont comptés.

En 2020, une feuille de route multilatérale entre opérateurs commerciaux et opérateurs d'infrastructure a été établie, avec quatre volets : la limitation à deux des rangs de sous-traitance, un compte rendu d'intervention pour chaque raccordement, l'obligation pour l'opérateur commercial d'avoir des intervenants formés, et l'obligation pour l'opérateur d'infrastructure de s'assurer que les intervenants ont les agréments nécessaires.

Malgré une entrée en vigueur prévue pour fin 2020, ces mesures n'étaient toujours pas appliquées en 2022, d'où le dépôt de ma proposition de loi en juillet dernier.

Dès votre nomination, monsieur le ministre, vous avez annoncé vouloir vous emparer du sujet. Les opérateurs ont promis de nouvelles mesures en septembre. Si notre proposition de loi y a contribué, nous nous en félicitons.

Toutefois, nous sommes dubitatifs quant à la crédibilité de ces annonces. Alors que la fermeture du réseau cuivre se profile, nous ne pouvons plus attendre.

Le texte agit sur plusieurs leviers.

Premièrement, l'encadrement du recours au mode Stoc. L'article 1er clarifie les responsabilités entre les opérateurs et rappelle le rôle de garant de l'opérateur d'infrastructure. Surtout, il institue des outils en vue de vérifier la bonne réalisation des travaux et crée un guichet unique pour résoudre les difficultés de raccordement. Il prévoit la remise d'un certificat confirmant que les opérations ont été menées dans les règles de l'art.

En outre, l'article 3 vise à interdire le recours au mode Stoc dans les 430 zones ayant le statut de zones fibrées. Ces secteurs, entièrement raccordables à la fibre, doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Deuxièmement, les leviers sont mis à la disposition des collectivités territoriales pour contrôler la qualité des raccordements dans les réseaux déployés sur deniers publics. L'article 2 prévoit la remise à la collectivité territoriale porteuse du réseau d'initiative publique (RIP) de certificats lui permettant de vérifier la bonne réalité des travaux, faute desquels elle ne sera pas tenue de rémunérer l'opérateur.

M. François Bonhomme.  - Normal !

M. Patrick Chaize.  - Autre levier, l'article 4 vise à octroyer des pouvoirs de police spéciale en matière de communications électroniques à l'Arcep, au ministère et à l'Agence nationale des fréquences. Il prévoit également une publication trimestrielle par l'Arcep d'indicateurs portant sur la bonne qualité des réseaux, ainsi que des audits et un pouvoir d'astreinte.

L'article 5 actionne le levier de la protection des droits des consommateurs, en instaurant trois nouvelles pénalités en cas de suspension du service, en fonction de sa durée : suspension du paiement de l'abonnement, indemnisation, résiliation sans frais.

Cette proposition de loi a suscité une opposition de principe des opérateurs commerciaux pour qui les engagements de la filière valent mieux qu'une proposition de loi. J'estime que l'un n'exclut pas l'autre. J'ai entendu les arguments en faveur du mode Stoc, qui a permis le développement rapide de la fibre. Mon objectif est d'assurer la qualité de service, non de remettre en cause une technique qui a fonctionné. Que les opérateurs lisent la proposition de loi !

Je salue le travail de la rapporteure, Patricia Demas.

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous : aidez-nous à enrichir ce texte au cours de la navette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et SER ; MM. Pierre-Jean Verzelen, Ronan Dantec et Frédéric Marchand applaudissent également.)

Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi d'apparence technique répond à une préoccupation quotidienne de nos concitoyens. Je remercie M. Chaize de son initiative.

Le mode Stoc était l'exception avant 2015. Depuis, il est devenu la règle. Dans nos territoires, nous avons tous constaté l'exaspération des usagers et des élus locaux face aux débranchements injustifiés, aux branchements anarchiques, aux armoires vandalisées, et surtout à l'absence de recours effectif.

Le raccordement final à la fibre optique est le talon d'Achille du plan France très haut débit, à l'heure de la fin du réseau de cuivre.

Face à cette situation, trois options s'offrent à nous. La première, privilégiée par le Gouvernement, consiste à négocier avec les opérateurs. Certes, ce mode d'action est souple, mais il est pour le moment insuffisant. La révision des contrats Stoc a permis des progrès, encore trop timides. Les engagements des opérateurs peinent à se traduire en actes. Le législateur doit accompagner le mouvement pour venir à bout des réticences des opérateurs.

Deuxième option, plus radicale : mettre fin au mode Stoc et placer les opérateurs d'infrastructure en première ligne. Solution séduisante, mais qui reviendrait à changer de plan de bataille en cours de route, alors que 20 000 foyers sont raccordés quotidiennement depuis 2018.

Troisième option, que je privilégie : mieux encadrer le mode Stoc, répondre aux préoccupations des usagers et des collectivités sans renverser la table.

Après avoir entendu l'ensemble des parties prenantes, j'ai proposé à la commission plusieurs modifications.

D'abord, clarifier les conditions de mise en oeuvre du mode Stoc et de la répartition des compétences entre les opérateurs. L'opérateur d'infrastructure confie la réalisation de la fibre à l'opérateur commercial, sous condition du strict respect des règles de l'art dans le raccordement. L'équilibre des contrats de sous-traitance est préservé, tout en respectant la volonté de l'auteur du texte.

La commission a renforcé la place de l'utilisateur dans le dispositif, en lui permettant de suivre la résolution des difficultés, qui ne devra pas prendre plus de dix jours. Sur ce point, les réactions des parties divergent, notamment sur les modalités du guichet unique. La commission est ouverte à un dialogue sur ce sujet lors de la navette.

En outre, la commission a modifié l'article 3 qui interdit le recours au mode Stoc dans certaines zones, en restreignant cette interdiction aux raccordements longs et complexes. Il s'agit de prendre en compte la fin programmée du réseau cuivre.

Nous avons prévu, à l'article 1er, l'exigence d'un socle minimal de qualité et introduit une obligation de labellisation. Un compte rendu d'intervention devra être systématiquement prévu.

À l'article 2, pour les RIP, le calendrier des interventions devra être transmis aux élus locaux dans un délai de 48 heures.

Enfin, nous voulons que le dispositif soit opérant : l'article 4 étend les pouvoirs de l'Arcep en matière de raccordement à la fibre.

À l'article 5, nous avons amélioré l'articulation des sanctions pouvant être prononcées contre les opérateurs commerciaux tout en protégeant ces derniers contre les recours abusifs.

Ce faisant, nous nous sommes inscrits dans l'esprit de conciliation de la proposition de loi de Patrick Chaize. Vous l'aurez compris, il n'y a pas de solution miracle, mais nous mettons des propositions sur la table.

Monsieur le ministre, la balle est désormais dans votre camp, sur cette initiative qui fait l'objet d'une attente forte des usagers et des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je remercie Patrick Chaize pour sa proposition de loi. Nous fêtons cette année le dixième anniversaire du plan France très haut débit, un grand succès français : en 2013, 1 million de foyers étaient éligibles à la fibre ; ils étaient 8 millions en 2017 et 34 millions en 2022.

C'est le programme d'investissement le plus ambitieux depuis le début du siècle, avec 34 milliards d'euros, dont 65 % pris en charge par le secteur privé, 25 % par les collectivités territoriales et 10 % par l'État. Plus de 40 000 agents ont été mobilisés sur l'ensemble du territoire. C'est un succès, parce que voilà dix ans, un accord intelligent a été trouvé entre l'État, les collectivités et les opérateurs.

Mais le ressenti de nos concitoyens est différent : des problèmes de qualité se multiplient et empoisonnent leur quotidien. Les chiffres en témoignent : 20 000 notifications sur le site de l'Arcep l'année dernière, et des témoignages chaque semaine dans les journaux. À qui la faute ?

Il faut distinguer les opérateurs d'infrastructure des opérateurs commerciaux qui, en vertu du mode Stoc, réalisent le branchement au dernier kilomètre.

Dans 90 % des cas, le problème vient des opérateurs d'infrastructure, en raison notamment de réseaux très accidentogènes, conçus avant le plan France très haut débit.

Voilà pourquoi il y a six mois, j'ai demandé aux opérateurs d'infrastructure de me présenter un plan de reprise complète des réseaux accidentogènes. Pour 450 000 prises, les plans ont été présentés ; 23 000 prises ont été traitées, notamment dans le Calvados et l'Essonne.

Une minorité de problèmes sont liés aux opérateurs commerciaux - c'est le sujet de cette proposition de loi. On assiste e, effet parfois à des débranchements et à des coupures sauvages par certains sous-traitants dont le temps est très contraint.

Il est tentant de remettre en question le mode Stoc pour régler ces problèmes minoritaires. Créé par une décision de l'Arcep en 2015, le mode Stoc attribue à l'opérateur d'infrastructure la responsabilité de la qualité du réseau de bout en bout ; mais ce dernier ne peut s'opposer à ce que l'opérateur commercial opère le raccordement dans le dernier kilomètre, sauf si cela se traduit par une dégradation de la qualité.

Le mode Stoc n'est pas parfait : en cas de défaillance ou de coupure, l'opérateur commercial et l'opérateur d'infrastructure se renvoient la balle pour savoir qui doit réparer le dommage.

Cela étant dit, avec le mode Stoc, l'usager n'a qu'un interlocuteur : l'opérateur commercial. De plus, étant chargés du dernier kilomètre, les opérateurs commerciaux se font concurrence pour raccorder au plus vite les usagers, ce qui a accéléré le déploiement de la fibre optique.

Nous voulons non pas supprimer le mode Stoc, mais le corriger. Si nous le supprimions, il faudrait réécrire de nombreux contrats, ce qui reporterait nombre de raccordements. En outre, cela poserait un problème d'équité concurrentielle : les opérateurs d'infrastructure pourraient être tentés de privilégier certains opérateurs commerciaux, en raison des liens capitalistiques qui les unissent à ceux-ci.

Il faut cependant corriger la situation. C'est pourquoi, s'il est très réservé sur les trois premiers articles, le Gouvernement accueille très favorablement l'article 4 de la proposition de loi qui renforce les pouvoirs de sanction de l'Arcep, et l'article 5 qui améliore la protection de l'usager.

Les amendements de la rapporteure sur les certificats de conformité et de non-raccordement vont également dans le bon sens.

La fin du plan France très haut débit est proche, avec l'objectif de décommissionnement du réseau cuivre, cher à entretenir et aux coûts environnementaux élevés. Il faut donc que 100 % des foyers soient éligibles à la fibre en 2025, contre 80 % aujourd'hui. Dans cette perspective, les corrections apportées au mode Stoc sont bienvenues, pour assurer l'égal accès de tous à l'économie numérique.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Comme les crèches, La Poste ou les commerces de proximité, internet est devenu un service structurant. Le développement de la fibre, plus ou moins lent selon les territoires, suit une bonne dynamique. En zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII), les opérateurs s'engagent ; dans les autres, les collectivités locales prennent le problème à bras-le-corps.

Sur le papier, cela fonctionne : l'Aisne est parmi les départements ruraux les mieux fibrés. Cependant, certains élus font remonter des difficultés lors du raccordement.

L'Arcep constate retards et malfaçons, et conclut que l'objectif d'une France totalement fibrée en 2023 ne sera pas atteint. Fin 2022, 79 % des foyers sont raccordables - ce qui ne signifie pas raccordés. N'oublions pas ceux qui attendent, qui subissent des coupures ou sont jugés non prioritaires. À l'heure du tout numérique, la situation est très pénalisante.

Je salue le travail de Patrick Chaize et de la rapporteure. Ce texte porte des mesures concrètes pour les usagers.

Le raccordement part d'une « armoire spaghetti », comportant tant de branchements et de fils qu'il est difficile de s'y retrouver : parfois, on arrache un fil pour en raccorder un autre ! Le mode Stoc implique la sous-traitance : il faut donc poser le principe de responsabilité des opérateurs d'infrastructure. Les techniciens doivent être formés pour raccorder dans les règles de l'art. Le partage des données entre opérateurs est impératif - d'où le compte rendu d'intervention. L'Arcep doit avoir les moyens de contrôler.

Sans doute faudrait-il envisager le préraccordement, et communiquer le calendrier hebdomadaire des interventions aux collectivités sous 48 heures est une mesure de bon sens.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Ronan Dantec .  - La fibre optique est devenue le mode d'accès principal à internet : 80 % des locaux y sont raccordables, mais certains départements ruraux dépendant encore du réseau cuivre à plus de 25 %. Le non-accès à la fibre est une rupture d'égalité intolérable. Il est de notre responsabilité de faire respecter l'objectif de généralisation de la fibre d'ici 2025.

Avec le plan France très haut débit, les opérateurs commerciaux sont intervenus massivement pour raccorder les clients : la partie la plus délicate du raccordement est assurée par des sous-traitants, particularité française et exception comparée aux autres réseaux - gaz, eau, électricité - à l'origine de coupures inopinées et de malfaçons.

Les collectivités territoriales ont tiré le signal d'alarme : l'Arcep a réuni les opérateurs d'infrastructure et commerciaux dès 2019, mais les démarches qu'ils ont entreprises s'avèrent insuffisantes. Nous suivrons attentivement le plan d'action remis par la filière au Gouvernement en septembre 2022.

Le GEST accueille favorablement cette proposition de loi, améliorée par la commission, qui régulera les opérateurs et leurs sous-traitants, renforcera l'Arcep, protégera les consommateurs et rassurera les collectivités. Toutefois, veillons à ne pas ralentir le déploiement de la fibre, alors que la fermeture du réseau cuivre est imminente.

Il faut consulter les collectivités territoriales, et prévoir de nouveaux AMII en cas de carence dans les zones d'initiative privée.

Concernant la protection des consommateurs, nous proposons un amendement travaillé avec l'UFC-Que choisir pour modifier les seuils de sanctions en cas d'interruption de l'accès à internet, qui a de graves conséquences pour les entreprises et dans la vie quotidienne.

On aurait pu débattre du choix du mode Stoc, de l'augmentation de la consommation d'énergie, même si la fibre consomme quatre fois moins que le cuivre... Cela étant, le GEST votera ce texte, qui va dans le bon sens.

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En 2013, avec le plan France très haut débit, le Gouvernement s'engageait à couvrir intégralement notre territoire à moyenne échéance. L'objectif était de relier les 35 millions de logements et locaux à usage professionnel en 2022, dont 80 % en fibre optique, avec une généralisation en 2025.

Le montant initial s'élevait à 20 milliards d'euros d'investissements publics et privés, dont 3,3 milliards d'euros de subventions de l'État pour les zones dites non conventionnées. En 2017, la Cour des comptes a réévalué le coût à 35 milliards d'euros, en jugeant l'objectif de 2022 compromis par l'insuffisance du co-investissement privé.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a mobilisé 420 millions d'euros supplémentaires pour les collectivités - Bretagne, Mayotte, Auvergne notamment.

La France est en tête des pays les plus fibrés d'Europe, avec presque 80 % de locaux raccordables, ce qui ne veut pas dire raccordés. Des disparités demeurent : en zones très denses et moins denses d'initiative privée, on atteint, respectivement, 91 % et 87 % des locaux, contre 68 % pour les zones moins denses d'initiative publique. L'objectif de 100 % de couverture est quasiment atteignable d'ici 2025, malgré les 670 000 locaux difficilement raccordables, qui seront traités en 2026.

La dynamique puissante n'empêche pas les difficultés opérationnelles. La sous-traitance ne permet pas un contrôle de la formation des techniciens, entraînant des malfaçons. L'Arcep recommande de s'en tenir à deux rangs de sous-traitance, sachant que l'on atteint parfois cinq à six niveaux...

Les points de mutualisation subissent dégradations, débranchements sauvages ; les témoignages sur les incivilités et les malfaçons se multiplient. Le plus souvent, ce sont les techniciens des sous-traitants qui sont en cause.

L'expertise de Patrick Chaize a déjà porté ses fruits. Le constat dressé dans l'exposé des motifs de la proposition de loi de juillet 2022 a fait prendre conscience à la filière de l'insatisfaction des usagers. Elle a réagi avec un plan d'actions : photos avant-après jointes aux comptes rendus d'intervention, remise en état des points de mutualisation. Le référentiel sur les sous-traitants, qui porte notamment sur la formation des techniciens, entrera en vigueur à la fin du mois.

Les opérateurs d'infrastructure disent craindre de voir leurs tâches complexifiées par le présent texte. Le Gouvernement a déjà obtenu des concessions depuis la proposition de loi de juillet 2022. Ce texte est un bel accélérateur : le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le numérique connaît un essor considérable et conditionne le développement économique comme la vie sociale. Les infrastructures sont un préalable à des services et des usages que l'on n'imaginait pas il y a quelques années.

Ces infrastructures se déploient en un temps record : il a fallu un demi-siècle pour construire le réseau de distribution d'eau ou d'électricité, et il faut remonter à Valéry Giscard d'Estaing et à la modernisation du réseau de téléphonique pour retrouver un tel rythme de développement.

Le plan France très haut débit, lancé en 2013 sous François Hollande, tenant d'un État stratège, est un succès : 80 % des locaux sont raccordés, et le taux devrait dépasser 95 % en 2025. Malheureusement, la qualité des raccordements n'est pas toujours au rendez-vous, ce qui génère colère et frustrations.

Il semble que nous ayons confondu vitesse et précipitation. Le mode Stoc, censé éviter la double intervention de l'opérateur commercial et de l'opérateur d'infrastructure, a démontré ses limites, le vent de l'ubérisation ayant soufflé sur la sous-traitance.

Face à ces dysfonctionnements, faut-il légiférer ou se contenter de faire les gros yeux aux opérateurs ? Certains pensent qu'une loi n'est pas nécessaire, que le système peut s'autoréguler par le biais de chartes de bonnes pratiques. Ces engagements sont bienvenus, mais sont-ils suffisants ?

Faisons le parallèle avec l'empreinte environnementale du numérique, cet angle mort des politiques publiques étudié par le Sénat il y a deux ans. Notre mission d'information avait permis la mobilisation des acteurs, qui se sont dotés de plans ambitieux. Mais le Parlement ne peut rester un lanceur d'alerte. La mission d'information avait débouché sur la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique. Il est donc nécessaire de légiférer. Ne soyons pas naïfs : la loi encadre, responsabilise et protège. Pour ces raisons, le groupe SER engage de manière positive la discussion sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu'au banc des commissions)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Le tout numérique fait l'objet de préoccupations légitimes. Alors que la presse invoque les potentialités, positives comme négatives, de l'intelligence artificielle, pour certains de nos concitoyens, le haut débit se fait encore attendre. L'objectif du « tous connectés » se heurte à la politique du chiffre. Malfaçons, non-raccordements, débranchements intempestifs et dilution des responsabilités : selon l'Avicca, 75 % des raccordements réalisés en mode Stoc sont défectueux. Les V2 et V3 n'y ont rien changé.

Cette proposition encadre le déploiement de ces opérations, où la recherche de rentabilité prime sur le souci de la qualité.

Dans les zones rurales, faute de manifestation d'intérêt du privé, le public a pris le relais. Dans mon département, c'est 500 millions d'euros d'investissements publics, dont 74 millions d'euros pour le département.

La forte hausse des alertes constatée par l'Arcep témoigne de la situation des « naufragés de la fibre », victimes des dysfonctionnements occasionnés par des installations bâclées.

Avec la fin du réseau cuivre en 2030, les opérateurs doivent garantir un basculement vers la fibre dans les meilleures conditions. La sous-traitance, dérogatoire, est devenue la règle, avec des cadences qui se font au détriment de la sécurité des installateurs, souvent mal formés et mal rémunérés, dans une forme d'ubérisation.

Le guichet unique, le certificat de conformité et le contrat de sous-traitance soumis à l'Arcep sont des améliorations susceptibles de corriger la situation. Le texte renforce les droits des consommateurs et prévoit des sanctions en cas d'interruption du service.

ERDF, GRDF, France Télécom, ces noms résonnent comme des vestiges après tant d'années de privatisation. Les opérateurs publics sont pourtant des gages de réussite, de durabilité et d'efficacité pour un déploiement qui est avant tout un enjeu d'intérêt général.

Alors que la dématérialisation progresse, y compris en matière de services publics, cette proposition de loi participe de la réduction de la fracture numérique, alors que 13 millions de nos concitoyens souffrent d'illectronisme. Le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte vise à garantir la qualité des raccordements de fibre optique, alors que des dysfonctionnements quotidiens sont constatés. Ces problèmes sont liés au recours à la sous-traitance en mode Stoc, que l'Arcep reconnaît depuis 2015, à condition que les raccordements aient lieu dans le respect des règles de l'art.

Pour nous - et j'associe Évelyne Perrot à mon propos - la technologie doit servir les Français, alors que les démarches administratives, désormais dématérialisées, sont devenues un parcours du combattant. Sans même mentionner les zones blanches, un accès stable à internet est une nécessité. La fibre optique offre la meilleure capacité et la plus grande longévité. La France a pour l'instant bien réussi son pari numérique, avec 34 millions de locaux rendus raccordables, mais de nombreux travaux sont encore nécessaires.

Quand on a goûté à la fibre, on ne peut plus s'en passer ; de nombreux maires nous font remonter les problèmes rencontrés par les usagers qui ne savent plus vers qui se tourner. Comme souvent dans ces cas-là, la mairie devient le bureau des pleurs.

Le mode Stoc V2 et le plan qualité de 2022 n'ont pas eu d'effet. Les parties doivent prendre de nouveaux engagements.

La sous-traitance doit notamment être mieux encadrée pour éviter la dégradation des réseaux ou les déconnexions impromptues. C'est l'objectif de ce texte, qui réaffirme la responsabilité de l'opérateur d'infrastructure et son rôle de garant de la qualité des travaux. Il propose que les contrats de sous-traitance soient conformes à un contrat type.

Chaque intervenant remettra à l'abonné un certificat attestant de la conformité des travaux réalisés au cahier des charges. Cela renforcera la transparence. Le texte renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction de l'Arcep, ainsi que les droits des consommateurs en cas d'interruption prolongée de l'accès à internet.

La commission a suivi les recommandations de sa rapporteure en prévoyant notamment un socle d'exigences minimales de qualité, un délai de résolution des dysfonctionnements de dix jours, ou encore la réalisation systématique d'un compte rendu d'intervention afin d'améliorer la traçabilité de la gestion des incidents.

Ces mesures sont nécessaires pour assurer un déploiement qualitatif du réseau fibre.

Les attentes sont fortes. Il reste à peine deux ans avant la date butoir fixée par le plan France très haut débit. Le groupe UC votera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions et sur quelques travées du groupe UC)

M. Éric Gold .  - La France est championne d'Europe de la fibre optique, avec 75 % du territoire couvert et 18 millions d'abonnés fin 2022 - mais aussi près de 45 000 alertes reçues par l'Arcep, en hausse de 17 % sur un an, imputables essentiellement aux problèmes de raccordement. Alors qu'internet est devenu indispensable, y compris pour l'accès aux services publics, les coupures à répétition, erreurs et malfaçons sont fort mal vécues. Le ras-le-bol est général, et l'inquiétude croît avec l'abandon programmé du réseau cuivre.

Cette proposition de loi, que nous sommes plusieurs à avoir cosignée, propose des solutions.

Les contrats de sous-traitance dits Stoc (sous-traitance opérateur commercial) sont une exception devenue la règle. Ils ont sans doute permis un déploiement rapide, mais sont aujourd'hui mis en cause, avec des intervenants mal formés et un manque de contrôle évident.

Les engagements pris par les opérateurs commerciaux en 2020 puis en 2022 n'ont pas été suivis d'effets visibles.

La proposition de loi précise que la mission de raccordement revient en priorité à l'opérateur commercial, sous réserve de respecter les règles de l'art.

Tout en restant la norme, la sous-traitance opérateur commercial serait interdite sur les raccordements longs et complexes, notamment dans les zones déjà fibrées. Le mode Stoc serait ainsi recentré sur le déploiement rapide et massif de la fibre.

Enfin, les exigences minimales envers les sous-traitants seraient relevées, de même que les pouvoirs de police de l'Arcep et les sanctions en cas d'interruption prolongée de l'accès à internet.

Les travaux de notre rapporteure ont permis d'aboutir à un texte d'équilibre. Les opérateurs commerciaux s'y opposent, car ils redoutent une déstabilisation d'un modèle qui a fait ses preuves, et un ralentissement du déploiement de la fibre.

Mais 80 % des locaux sont déjà raccordables. L'objectif de 100 % en 2025 est à portée de main. Concentrons-nous sur la qualité du réseau fibre, quitte à ralentir un peu la cadence.

L'organisation actuelle a abouti à des situations ubuesques. Sur 840 points de mutualisation, l'Arcep a constaté que seule la moitié des câblages respectaient les règles de l'art. Opérateurs d'infrastructures et opérateurs commerciaux se renvoient la balle, et la responsabilité.

Cette proposition de loi renverse la hiérarchie de la filière pour faire du plan France très haut débit une réussite. Le groupe RDSE la votera.

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Je salue l'excellent travail de Patrick Chaize, très engagé sur ces sujets.

Actuellement, plus de 15 000 Français sont raccordés à la fibre chaque jour. Nous saluons le travail des acteurs de la filière, mais, avec un tel rythme, des défaillances sont compréhensibles. Cette proposition de loi entend remédier aux dysfonctionnements liés à un recours mal maîtrisé à la sous-traitance en mode Stoc.

Le déploiement de la fibre est un enjeu économique, mais aussi de développement durable, car elle est moins énergivore et moins émettrice de gaz à effet de serre.

Notre rapporteure s'est attachée à clarifier le cadre de mise en oeuvre du mode Stoc et la chaîne de responsabilités, à consolider les exigences de qualité et de contrôle en matière de raccordement et à assurer le caractère opérant des dispositifs.

Malgré le très bon rythme de déploiement et un territoire désormais fibré à 70 %, soit l'un des plus forts taux d'Europe, nous constatons des disparités dans les raccordements, faisant craindre une fracture numérique. En Vendée, à La Roche-sur-Yon ou aux Sables d'Olonne, les opérateurs sont en retard sur leurs obligations. Je salue les efforts des élus locaux pour trouver des solutions.

Cette proposition de loi fixe un cadre à la mise en oeuvre du mode Stoc, clarifie les responsabilités et renforce les sanctions en cas d'interruption du service.

Il s'agit d'établir un guichet unique, d'interdire le mode Stoc dans les zones fibrées ou celles où la fermeture du réseau cuivre est engagée, de renforcer les pouvoirs de l'Arcep ainsi que les droits des consommateurs tout en protégeant les opérateurs commerciaux contre d'éventuels abus des consommateurs.

L'heure est aux actes concrets. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le constat est partagé : la France est à la pointe des déploiements quantitativement, mais de nombreux Français, naufragés du numérique, vivent une galère lors du raccordement.

Comme toujours, les maires sont en première ligne ; ils se sont mobilisés, en interpellant directement l'Arcep.

Cette proposition de loi de Patrick Chaize va dans la bonne direction. L'article 5 permet de mieux protéger les consommateurs, notamment les plus vulnérables, trop souvent démunis face aux opérateurs. L'article 4 renforce le rôle de l'Arcep comme police spéciale des opérateurs.

Globalement, la proposition de loi va dans le bon sens. C'est un lieu commun, mais internet s'est installé au coeur de la vie des Français : télétravail, consommation de biens et de services, lien avec nos proches, information, apprentissage, accès aux droits.

Mais cet effet émancipateur du numérique est à double tranchant. Ceux qui restent sur le bord de la route se retrouvent progressivement exclues.

Il faut veiller aussi bien à l'accès matériel au numérique qu'aux usages des 16 millions de personnes en situation d'illectronisme - souvent les plus précaires, les moins diplômés - à l'heure de l'administration 100 % dématérialisée.

Monsieur le ministre, vous avez promis le raccordement pour tous à la fibre d'ici 2025. Encore faut-il qu'il soit opérationnel. Le groupe SER votera cette proposition de loi bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) La France a très tôt misé sur le réseau de fibre optique. Dans le cadre du plan France très haut débit, nous sommes à un moment charnière, avec la fin programmée du réseau téléphonique.

D'où l'exigence de qualité lors des interventions sur le réseau fibre, pour en assurer la pérennité.

Or la dégradation de la situation est telle qu'elle nécessite un engagement fort, dût-il passer par la loi.

Le mode Stoc a pu sembler judicieux pour assurer un déploiement massif, mais s'est avéré propice à des manquements : dégradations, vandalisme, déconnexion d'abonnés, malfaçons, vieillissement prématuré des réseaux... Cette situation perdure, malgré le contrat Stoc V2. C'est inacceptable. Les signalements à l'Arcep ont doublé en un an.

Le choix de ce mode de gestion ne saurait justifier une quelconque dégradation de la qualité du réseau. L'exigence de qualité implique un véritable effort sur le long terme pour que soit assurée une maintenance des infrastructures. Nous relayons l'exaspération des territoires, qui demandent le maintien du réseau cuivre tant que les problèmes de raccordement à la fibre ne seront pas réglés. Dans la Sarthe comme ailleurs, de nombreuses motions ont été votées en ce sens.

Si l'Arcep travaille avec les opérateurs via son plan qualité, cette proposition de loi comporte des dispositions plus fines afin de réguler la cacophonie actuelle - je salue le travail de Patrick Chaize et de notre rapporteur. Face à la sous-traitance en cascade, elle ajuste la lutte contre la dilution des responsabilités grâce à un guichet unique assurant un service après-vente rapide, ainsi que la remise d'un compte rendu d'intervention et d'un certificat de conformité. Elle fait en sorte que l'Arcep puisse jouer pleinement son rôle. Enfin, elle sécurise les droits du consommateur final.

La proposition de loi tend à garantir un environnement propice pour un réseau de qualité et pérenne. Nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.) La France s'est fixé des objectifs ambitieux pour développer la fibre optique. D'ici 2026, 100 % de la population devra être raccordée. Nous sommes déjà l'un des pays les plus performants.

Cependant, nous constatons des malfaçons dont la liste ne cesse de s'allonger. Dans mon département, le Syane, l'opérateur d'infrastructure, a relevé 145 incidents en dix mois, quatre dégradations chaque semaine, qui l'ont obligé à engager 12,5 millions d'euros pour y répondre. C'est inadmissible, et un véritable gâchis d'argent public.

Interpellé, M. le ministre m'avait répondu que le problème tenait à l'accidentologie du réseau. Or les dégradations se rencontrent partout : elles sont dues aux mauvaises pratiques des opérateurs commerciaux et de leurs sous-traitants, permises par le mode Stoc, censé être dérogatoire mais devenu la norme.

Certes, les opérateurs ont pris des engagements, mis en place des formations labellisées et lancé un plan de reprise des points de mutualisation dégradés, mais force est de constater que c'est insuffisant -  l'Arcep l'a elle-même reconnu.

Le fonctionnement actuel du mode Stoc est un échec. La proposition de loi corrige le tir en mettant les opérateurs devant leurs responsabilités. J'y souscris : ce n'est qu'en encadrant le recours à la sous-traitance, en clarifiant la responsabilité, en renforçant les contrôles et en protégeant les droits des usagers que nous mettrons fin à ces mauvaises pratiques.

Nous voterons donc cette proposition de loi, enrichie en commission. Un taux de raccordement de 100 % mais avec un taux d'incidents de 75 % ne saurait être considéré comme satisfaisant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur quelques travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Monsieur Pellevat, les très nombreux problèmes rencontrés en Haute-Savoie sont liés à l'accidentologie du réseau.

Le réseau du Syane ne fait pas partie du plan de reprise. Je souhaite qu'il y soit intégré. Ce type de situation représente l'essentiel des problèmes d'accès au réseau de fibre optique dans notre pays. Ils seront réglés par des engagements de reprise de la part des opérateurs d'infrastructure. Ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi, qui traite des coupures liées à l'intervention des opérateurs commerciaux.

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 34-8-3-2.  -  I.  -  Quelles que soient les modalités de réalisation du raccordement, la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 du présent code est responsable de la ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique au sens du présent code, du point de mutualisation jusqu'au dispositif de terminaison intérieur optique.

« Le raccordement permettant de desservir l'utilisateur final doit être réalisé dans le respect des exigences de qualité minimales fixées par un décret, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et des dispositions des articles L. 34-8-3-et L. 34-8-3-3 du présent code.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Cet amendement rédactionnel vise à conserver le lien entre l'opérateur et l'utilisateur final, tout en précisant que la responsabilité de la qualité du réseau incombe bien à l'opérateur d'infrastructure.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Demas, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 2

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans le respect des dispositions de l'article L. 34-8-3-3 et d'exigences de qualité minimales fixées par un décret pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse 

2° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

de l'article L. 34-8-3-3

par les mots :

du même article L. 34-8-3-3

et les mots :

des exigences de qualité minimales fixées par un décret, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse

par les mots :

les exigences de qualité minimales précitées

II.  -  Alinéa 8

Remplacer le mot :

ledit

par les mots :

un contrat est conclu comprenant un cahier des charges qui respecte les exigences de qualité minimales prévues au I de l'article L. 34-8-3-2. Ce contrat est transmis à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. Ledit

III.  -  Alinéa 11

Remplacer les mots :

comporte le contrat mentionné au troisième alinéa du présent I

par les mots :

comportent les contrats mentionnés aux premier et troisième alinéas du présent I

IV.  -  Alinéa 14

Supprimer les mots :

, selon des modalités définies par voie réglementaire,

V.  -  Alinéa 15

Supprimer les mots :

dans des conditions fixées par voie réglementaire,

VI.  -  Après l'alinéa 15

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

« 3° En cas d'échec de raccordement, la remise à l'utilisateur final d'un certificat attestant de l'impossibilité technique de procéder au raccordement. Ce certificat précise les informations suivantes :

«  -  les coordonnées de la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 et les modalités de saisine du guichet unique mentionné au II de l'article L. 34-8-3-2 ;

«  -  les coordonnées de la personne pour le compte de laquelle il intervient ;

«  -  le cas échéant, les coordonnées de l'opérateur demandant un accès à une ligne de communications électroniques ;

«  -  les coordonnées de l'utilisateur final ;

«  -  le motif de l'échec de raccordement.

« Les modalités de réalisation et de transmission du compte rendu d'intervention, du certificat de conformité et du certificat d'échec de raccordement sont fixées par voie réglementaire.

VII.  -  Alinéa 16, seconde phrase

Au début, insérer les mots :

Sans préjudice de l'article 5 de la loi n° ... du ... vient à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit à fibre optique,

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Cet amendement précise que les exigences de qualité s'appliquent aux travaux de raccordement, quel que soit le mode opératoire retenu. Ces dispositions s'appliquent lorsque l'opérateur d'infrastructure effectue lui-même des opérations de raccordement.

Par cohérence, ces exigences sont applicables au contrat Stoc.

L'amendement institue en outre un certificat qui sera remis à l'utilisateur final en cas d'échec de raccordement. Enfin, il clarifie l'articulation entre les dispositions de l'article 1er et de l'article 5.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié quinquies, présenté par Mmes Jacquemet, Herzog, Saint-Pé et de La Provôté, MM. Folliot et Henno, Mmes Loisier et Devésa, M. Détraigne, Mmes Perrot et Guidez et MM. Le Nay, P. Martin et Levi.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'opérateur qui, après en avoir fait la demande, renonce à accéder aux lignes informe la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 des raisons motivant l'abandon de sa demande.

Mme Annick Jacquemet.  - Nous voulons obliger l'opérateur commercial à communiquer à l'opérateur les motifs d'annulation d'une commande de raccordement, ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 8 à 11

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 34-8-3-3.  -  I.  -  Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 dans des conditions non-discriminatoires, confie la réalisation du raccordement à un opérateur demandant un accès à sa ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, un contrat est conclu avec la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3, comprenant un cahier des charges détaillant les exigences de qualité minimales prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 34-8-3-2 du présent code.

« Les informations minimales que comporte le modèle de contrat mentionné au premier alinéa du présent I sont fixées par voie règlementaire.

« Il est communiqué pour information à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Là encore, nous voulons préserver le lien entre l'opérateur commercial et l'usager, afin de garantir la simplicité des raccordements.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par MM. Chaize et Bascher, Mmes Schalck, Belrhiti, Puissat, Muller-Bronn, Micouleau et M. Mercier, MM. J.P. Vogel et Le Gleut, Mme Jacques, M. Reichardt, Mme Gosselin, MM. B. Fournier, Hugonet et Bazin, Mme Di Folco, M. Sol, Mme de Cidrac, MM. de Nicolaÿ et Sautarel, Mme Lassarade, MM. Burgoa et C. Vial, Mmes Richer et Imbert, M. Lefèvre, Mmes Bellurot et Dumont, MM. Mandelli, Sido, Charon, Chevrollier, Favreau et Bouchet, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Anglars, D. Laurent, Brisson et Perrin, Mme Deroche, MM. Laménie et Milon, Mmes Lopez, F. Gerbaud et Ventalon, M. Pointereau, Mme Canayer et M. Chatillon.

Alinéa 9

Après le mot :

privé,

insérer les mots :

en y intégrant le réseau numérique du logement, et d'assurer

M. Patrick Chaize.  - Les nouveaux logements bénéficient de boîtiers d'accès à la fibre. Or les opérateurs ne les utilisent pas. Par cohérence avec la loi de 2015, cet amendement précise que les raccordements effectués dans les parties privatives doivent les prendre en compte.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié ter, présenté par MM. Chaize et Bascher, Mmes Schalck, Belrhiti, Puissat, Muller-Bronn, Micouleau et M. Mercier, MM. J.P. Vogel et Le Gleut, Mme Jacques, M. Reichardt, Mme Gosselin, MM. B. Fournier, Hugonet et Bazin, Mme Di Folco, M. Sol, Mme de Cidrac, MM. de Nicolaÿ et Sautarel, Mme Lassarade, MM. Burgoa et C. Vial, Mmes Richer et Imbert, M. Lefèvre, Mmes Bellurot et Dumont, MM. Mandelli, Sido, Charon, Chevrollier, Favreau et Bouchet, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Anglars, D. Laurent, Brisson et Perrin, Mme Deroche, MM. Laménie et Milon, Mmes Lopez, F. Gerbaud et Ventalon, M. Pointereau, Mme Canayer et M. Chatillon.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et des infrastructures d'accueil, au sens de l'article L. 32, nécessaires à la réalisation du raccordement

M. Patrick Chaize.  - Les infrastructures d'accueil font parfois l'objet de malfaçons ou de dégradations de la part des intervenants chargés du raccordement à la fibre. Nous voulons que les critères de qualité s'appliquent également à l'utilisation de ces infrastructures.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°16 à titre personnel, le Gouvernement ayant déposé ses treize amendements trop tardivement pour que la commission les examine. Cet amendement est incompatible avec la rédaction adoptée par la commission.

Avis favorable à l'amendement n°12 rectifié quinquies, qui apporte une précision utile et améliore le partage de l'information.

Avis défavorable à l'amendement n°26, qui revient sur la rédaction adoptée par la commission, et qui est satisfait par l'amendement n°29.

Avis favorable à l'amendement n°7 rectifié ter, qui complète utilement le dispositif, comme à l'amendement n°8 rectifié ter, qui apporte une clarification justifiée.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Monsieur le ministre, je dois dire notre étonnement quant à votre méthode. Nous avons reçu les amendements du Gouvernement - pas moins de treize ! - après la réunion de la commission, qui s'est tenu à 14 heures.

Un travail important a été mené tout le week-end. Nous avons dialogué constamment avec vos services. J'imagine que ces amendements n'ont pas été rédigés à la dernière minute... La commission n'a pas pu les examiner, la rapporteure n'a pas pu les étudier sereinement. Une telle méthode ne favorise pas un travail de qualité avec la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Je vous prie d'accepter les excuses du Gouvernement pour le dépôt tardif de ces amendements.

Toutefois, le dialogue avec le Sénat a bien eu lieu, et depuis longtemps. Nos amendements étaient connus de la rapporteure bien avant leur dépôt.

Avis favorable à l'amendement n°29. Demande de retrait de l'amendement n°12 rectifié quinquies au profit de l'amendement n°29. Demande de retrait des amendements nos7 rectifié ter et 8 rectifié ter.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

L'amendement n°29 est adopté, ainsi que l'amendement n°12 rectifié quinquies.

L'amendement n°26 n'a plus d'objet.

L'amendement n°7 rectifié ter est adopté, ainsi que l'amendement n°8 rectifié ter.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur demande d'un opérateur souhaitant accéder à sa ligne de communications électroniques, adressée par l'intermédiaire du guichet unique, à la suite de difficultés de raccordement identifiées par celui-ci ou portées à sa connaissance par l'utilisateur final ou une collectivité territoriale, la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 garantit la résolution des difficultés de raccordement, dans un délai raisonnable qui ne peut excéder un délai fixé par voie réglementaire, en tenant compte de la complexité de la difficulté. Le délai commence à courir à compter de la saisine du guichet unique.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous voulons préserver la qualité de la relation entre l'usager et l'opérateur.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable : l'amendement prive l'utilisateur final et la collectivité de la possibilité de saisir le guichet unique.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

labellisé selon un

par les mots :

respectant les exigences d'un

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Amendement rédactionnel.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable : il y a un hiatus entre le dispositif de l'amendement et son objet. L'amendement n'est pas que rédactionnel. La montée en qualité des intervenants est nécessaire.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le référentiel est bien établi dans l'article. Nous voulons simplement préciser la qualité de la tierce partie effectuant la labellisation, afin d'éviter tout flou.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié quinquies, présenté par Mmes Jacquemet, Herzog, Saint-Pé et de La Provôté, MM. Folliot et Henno, Mmes Loisier et Devésa, M. Détraigne, Mmes Perrot et Guidez et MM. Le Nay, P. Martin et Levi.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations prévues au présent I ter s'appliquent également si une nouvelle intervention est nécessaire pour remédier à une difficulté de raccordement.

Mme Annick Jacquemet.  - L'article 1er prévoit des obligations pour l'intervenant effectuant un raccordement. Nous voulons les étendre aux cas où il doit à nouveau intervenir lors d'une opération de service après-vente, afin que l'opérateur d'infrastructure soit informé constamment. J'ajoute que lorsque l'ensemble du territoire sera raccordé, l'intervenant réalisera principalement des opérations de service après-vente.

Mes amendements, rédigés avec le syndicat mixte Doubs très haut débit, s'appuient sur des remontées de terrain.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis favorable à cette clarification.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°11 rectifié quinquies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 16, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

selon les conditions de droit commun

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Amendement rédactionnel.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable : la précision est superfétatoire.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Delahaye.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« III. - L'opérateur mentionné au I du présent article met en place un  registre unique incluant les coordonnées, l'horaire et la géolocalisation de toute intervention de raccordement d'utilisateurs finals aux réseaux à très haut débit en fibre optique.

« Le registre est consultable par la personne mentionnée au premier alinéa du I de l'article L. 34-8-3 et, dans le cadre d'audits et d'enquêtes, par les autorités compétentes. Le fait d'effectuer une fausse déclaration dans ce registre est puni d'une amende de 500 €. »

M. Vincent Delahaye.  - Nous complétons cette excellente proposition de loi en créant un registre des interventions de raccordement à la fibre, en vue de responsabiliser les opérateurs commerciaux et leurs sous-traitants.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis favorable. Ce registre sera accessible aux opérateurs d'infrastructure, mais aussi à l'Arcep. Cet amendement complète utilement l'article 1er et assoit mieux les dispositions de l'article 4.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable, car l'amendement est satisfait par le guichet unique et les comptes rendus d'intervention.

L'amendement n°14 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« III.  -  Les dispositions du I du présent article s'appliquent aux contrats conclus ou pour lesquels une consultation est engagée à compter de la publication de la loi n° ... du ... visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous voulons appliquer les dispositions uniquement aux nouveaux contrats, afin d'éviter le risque de contentieux portant sur les contrats existants.

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. Cet amendement priverait l'article 1er de sa portée.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Delahaye.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article L. 34-8-4 du code des postes et des communications électroniques est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour les nouveaux bâtis (logement individuel et collectif), l'opérateur devra indiquer le point de raccordement le plus viable économiquement pour le propriétaire du bâtiment.

« Les travaux de raccordement et de mise en éligibilité commerciale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de l'immeuble bâti (logement individuel ou collectif) doivent être achevés dans un délai de six mois à compter de la mise à la disposition par le propriétaire de l'adduction au réseau physique très haut débit.

« Les potentiels travaux de raccordement d'adduction nécessaire aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sont proposés et gérés par l'opérateur d'infrastructure. »

M. Vincent Delahaye.  - Nous clarifions le code des postes et des communications électroniques en y ajoutant trois alinéas.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Quel est l'avis du Gouvernement ? Depuis la fin du service universel, Orange n'est plus obligé d'assurer le raccordement au réseau cuivre des logements neufs. Je suis sensible au problème soulevé par M. Delahaye, certains usagers étant sans accès au réseau en attendant la fibre, mais je ne sais pas évaluer les conséquences opérationnelles et financières.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - L'article L. 113-10 du code de la construction prévoit déjà que les bâtiments neufs doivent être pourvus d'infrastructures de communication de très haut débit. L'amendement est satisfait : retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°13 est retiré.

L'article 1er, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - J'associe Annick Jacquemet à cette prise de parole.

Je salue cette proposition de loi, qui apporte des solutions concrètes aux problèmes rencontrés par les citoyens et les entreprises, notamment dans les zones rurales où l'accès au numérique a vocation à compenser l'éloignement des services publics.

La commission a adopté ce texte à l'unanimité, tout en l'enrichissant.

Les engagements pris par la filière depuis 2020 n'ont pas porté leurs fruits. Dans le Doubs, la qualité du réseau fibre s'est même dégradée.

Je soutiens pleinement cette proposition de loi, et notamment son article 2, qui dote les collectivités territoriales de leviers de contrôle de la qualité des raccordements. Elles sont souvent démunies face aux dégradations infligées à leurs réseaux par une sous-traitance peu scrupuleuse. Cet article 2 clarifiera les responsabilités de chacun et créera une dynamique vertueuse.

Mme le président.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous supprimons cet article, qui invoque des leviers déjà inscrits dans le code des marchés publics. Il convient de s'y référer, plutôt que de faire grossir le code des postes et des télécommunications.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. C'est un apport important de la proposition de loi, renforçant les leviers des collectivités pour contrôler la qualité des raccordements.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

Mme le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Demas, au nom de la commission.

Alinéa 3, première phrase

Remplacer le mot :

et

par le mot

ou

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Nous clarifions le champ d'application du dispositif : l'interdiction du recours au mode Stoc s'applique à la fois aux zones fibrées et aux communes dont la fermeture du réseau cuivre est engagée.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°30 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par MM. Chaize et Bascher, Mmes Schalck, Belrhiti, Puissat, Muller-Bronn, Micouleau et M. Mercier, MM. J.P. Vogel et Le Gleut, Mme Jacques, M. Reichardt, Mme Gosselin, MM. B. Fournier, Hugonet et Bazin, Mme Di Folco, M. Sol, Mme de Cidrac, MM. de Nicolaÿ et Sautarel, Mme Lassarade, MM. Burgoa et C. Vial, Mmes Richer et Imbert, M. Lefèvre, Mmes Bellurot et Dumont, MM. Mandelli, Sido, Charon, Chevrollier, Favreau et Bouchet, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Anglars, D. Laurent, Brisson et Perrin, Mme Deroche, MM. Laménie et Milon, Mmes F. Gerbaud et Ventalon, M. Pointereau, Mme Canayer et M. Chatillon.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

fin de la fourniture de nouveaux accès à la boucle locale ?cuivre? est prévue à une échéance de trente-six mois

par les mots :

fermeture technique de la boucle locale ?cuivre? est prévue à une échéance de dix-huit mois

M. Patrick Chaize.  - La fermeture du réseau cuivre se fera en deux phases : une phase de transition, entre 2020 et 2025, et une phase de fermeture technique. Or en février 2023, selon l'Arcep, 20 millions de lignes étaient déjà fermées commercialement.

Nous voulons interdire le recours au mode Stoc dans les communes où la fermeture technique du réseau cuivre est prévue dans les dix-huit mois.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis favorable. La fermeture commerciale du réseau cuivre est déjà effective dans de nombreux territoires.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°9 rectifié ter est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

voie réglementaire

par les mots : 

le ministre chargé des communications électroniques sur proposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Précision rédactionnelle.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. La rédaction proposée par la commission est satisfaisante.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous voulons non pas supprimer le mode Stoc, mais le corriger, car nous estimons qu'il présente plus d'avantages que d'inconvénients.

Le mode Stoc crée une concurrence entre les opérateurs commerciaux et offre à l'usager la simplicité de n'avoir qu'un seul interlocuteur.

Si le Gouvernement est réservé sur les articles 1er, 2 et 3, il est favorable aux articles 4 et 5, qui renforcent les pouvoirs de l'Arcep et corrigent le mode Stoc sans le supprimer.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. Cet amendement supprime un apport de la commission, qui interdit le mode Stoc pour les opérations de raccordement nécessaires en cas de changement de fournisseur d'accès à internet par un abonné à la fibre.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Après le mot :

exercée

insérer le mot :

notamment

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Amendement rédactionnel.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. La rédaction adoptée en commission est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

 «  12° La qualité, la pérennité, et l'intégrité des réseaux de communications électroniques, et notamment ceux à très haut débit en fibre optique mentionnés à l'article L. 34-8-3. » ;

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Amendement rédactionnel.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable à cet amendement qui revient sur la rédaction de la commission en supprimant la mention des raccordements et des exigences de sécurité du réseau dans les objectifs du ministre et de l'Arcep.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Demas, au nom de la commission.

Alinéa 12

Remplacer le mot :

quatrième

par le mot :

cinquième

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Correction d'une erreur matérielle.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°31 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 16 à 20

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Le président de l'Autorité peut demander au président de la section du contentieux d'ordonner à un opérateur de se conformer à ses obligations.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. Cela revient à supprimer des dispositions renforçant les pouvoirs de l'Arcep.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme le président.  - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Après le mot :

consécutifs

insérer les mots :

à compter du signalement du consommateur à son fournisseur de service dans le respect des modalités prévues au contrat

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - L'article 5 renforce les garanties au profit des usagers. C'est une excellente chose. Nous précisons que c'est à compter du signalement de l'usager à son fournisseur que s'ouvrent les droits nouveaux prévus par l'article.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis défavorable. La rédaction de la commission semble plus sécurisante. L'amendement introduit en outre une incohérence.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Demas, au nom de la commission.

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le nombre de jours d'interruption est calculé jusqu'au rétablissement continu du service d'accès à internet sur au moins sept jours.

II. - Alinéa 5, seconde phrase

Après le mot :

rétablissement

insérer le mot :

continu

et après le mot :

internet

insérer les mots :

sur au moins sept jours

III. - Alinéa 7

1° Première phrase

Après le mot :

rétablissement

insérer le mot :

continu

et après la seconde occurrence du mot :

internet

insérer les mots :

sur au moins sept jours

2° Troisième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dans un délai de dix jours suivant le début de l'interruption

3° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le consommateur est informé sans délai, par tout moyen, des modalités selon lesquelles est effectué le remboursement.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Nous précisons que le nombre de jours d'interruption est calculé jusqu'au rétablissement du service pendant au moins sept jours, afin de tenir compte des rétablissements momentanés. Par ailleurs, les modalités de remboursement de l'usager sont clarifiées.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°32 est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°15, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

sept

II.  -  Alinéa 7, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

M. Paul Toussaint Parigi.  - Lors d'une perte de connexion, les consommateurs lésés doivent être indemnisés plus rapidement. Nous abaissons le seuil de jours consécutifs de perte de connexion, donnant droit à indemnisation, de dix à sept jours, et de cinq à trois jours pour la suspension du paiement de l'abonnement.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Retrait ou avis défavorable. Les délais établis par la commission ont reçu l'avis favorable des acteurs auditionnés. Il ne faut pas remettre en cause cet équilibre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 5

Mme le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Genet, Rojouan, Sautarel, Brisson, Somon, Joyandet, Sol, Bacchi, Bascher et Courtial, Mmes Belrhiti et Deroche, M. Bouchet, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mmes M. Mercier et Borchio Fontimp, MM. Favreau, Mandelli, Le Gleut et Allizard, Mme Bellurot, M. Lefèvre, Mmes Joseph et Micouleau, M. D. Laurent, Mmes Imbert, Schalck et F. Gerbaud, M. Charon et Mme Lopez.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement portant sur l'opportunité de la fermeture commerciale et technique du réseau de communication historique cuivre et la pertinence du plan d'action retenu pour sa mise en oeuvre. Ce rapport décrit également les impacts pour les usagers, de la transition du cuivre vers la fibre, notamment en termes de disponibilité, de qualité, de sécurité et d'abordabilité des services, ainsi que les modalités d'information et d'association des élus locaux à cette démarche.

M. Bruno Rojouan.  - Orange a annoncé la fermeture de son réseau cuivre d'ici à 2030. La transition du cuivre vers la fibre doit s'accompagner de garanties. Les élus locaux doivent y être associés. Nous demandons un rapport sur la fermeture du réseau cuivre.

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Retrait. Il n'est pas opportun de reporter la fermeture du réseau cuivre alors que le chantier est engagé. Je partage les inquiétudes exprimées sur un calendrier trop rapide et une insuffisante association des élus locaux, mais ce texte ne semble pas être le bon véhicule pour répondre à ces questions.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme le président.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par MM. Chaize et Bascher, Mmes Schalck, Belrhiti, Puissat, Muller-Bronn, Micouleau et M. Mercier, MM. J.P. Vogel et Le Gleut, Mme Jacques, M. Reichardt, Mme Gosselin, MM. B. Fournier, Hugonet et Bazin, Mme Di Folco, M. Sol, Mme de Cidrac, MM. de Nicolaÿ et Sautarel, Mme Lassarade, MM. Burgoa et C. Vial, Mmes Richer et Imbert, M. Lefèvre, Mmes Bellurot et Dumont, MM. Mandelli, Sido, Charon, Chevrollier, Favreau et Bouchet, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Anglars, D. Laurent, Brisson et Perrin, Mme Deroche, MM. Laménie et Milon, Mmes F. Gerbaud et Ventalon, M. Pointereau, Mme Canayer et M. Chatillon.

Après le mot :

des

insérer les mots :

raccordements aux

M. Patrick Chaize.  - Je remercie mes collègues pour leur confiance : ce texte est important pour la qualité de nos réseaux. J'espère qu'il fera avancer la filière dans la bonne direction.

Plutôt que d'évoquer uniquement les « réseaux » dans le titre de la proposition de loi, je propose d'ajouter la notion de « raccordements ».

Mme Patricia Demas, rapporteure.  - Avis favorable. L'intitulé de la proposition de loi doit être cohérent avec le champ de ses dispositifs.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable également. Je remercie à nouveau l'auteur du texte, ainsi que la rapporteure et les membres de la commission, pour leur travail.

L'amendement n°10 rectifié ter est adopté et la proposition de loi est ainsi intitulée.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Frédéric Marchand et Mme Céline Brulin applaudissent également.)

La séance, suspendue à 18 h 10, reprend à 18 h 45.

Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ?

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle réponse au phénomène mondialisé des fraudes fiscales aux dividendes ? », à la demande du groupe CRCE.

M. Éric Bocquet, pour le groupe CRCE .  - (Mme Nathalie Goulet applaudit.) Nous sommes rassemblés sur l'initiative de notre groupe pour débattre du phénomène tentaculaire et mondial de la fraude aux dividendes - véritable braquage de nos finances publiques. Si le Parquet national financier (PNF) annonce un préjudice d'un milliard d'euros annuel, il aurait atteint 33 milliards d'euros pour ces vingt dernières années dans notre pays, et 140 milliards au niveau international.

Les transactions CumEx et CumCum reposent sur la notion cardinale d'arbitrage de dividendes consistant à transférer la propriété d'actions dans l'objectif d'échapper à l'impôt. Lorsque des droits sont attachés à l'action, on parle de Cum. Quand il n'y en a aucun, on parle d'Ex.

En résulte un double bénéfice frauduleux : non-acquittement de l'impôt et retenue à la source remboursée sous la forme de crédit d'impôt indûment perçu. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu'aucune pratique de cet ordre n'a eu lieu depuis votre prise de fonctions ?

Ces pratiques peuvent être internes ou externes. Dans le premier cas, le propriétaire de l'action la prête autour de la date du versement des dividendes à un résident français - le plus souvent à l'établissement financier - qui n'est soumis à aucune retenue à la source, et rétrocède le dividende à son véritable bénéficiaire en échange d'une commission. Dans le second cas, l'action est prêtée à un résident d'un pays dont la convention fiscale avec la France ne prévoit pas de retenue à la source : l'Arabie Saoudite, le Bahreïn, l'Égypte, les Émirats arabes unis, la Finlande - un partenaire européen -, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Éric Bocquet.  - Je me souviens à cet instant que Jérôme Kerviel avait évoqué ce phénomène à l'occasion d'une audition à huis clos le 8 octobre 2013 dans le cadre de la commission d'enquête sur la fraude fiscale que nous avions conduite - Nathalie Goulet était présente.

Comment croire que l'administration fiscale, avec la compétence qui est la sienne, n'aurait engagé des contrôles qu'en 2017, comme l'affirmait Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques devant le Sénat le 1er décembre 2021 ?

Je salue la pugnacité de l'administration fiscale et je l'encourage à poursuivre ses efforts dans l'exploitation des documents saisis lors de la perquisition qui a frappé BNP Paribas, Exane, Société Générale, Natixis et HSBC, avec la participation de 16 magistrats du PNF, de 150 enquêteurs et de 6 procureurs allemands.

Ce scandale est d'autant plus choquant qu'il concerne notamment les trois spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) qui achètent et traitent la dette française sur les marchés financiers.

Selon M. Iannucci, si l'une des banques a accepté le redressement, reconnaissant que les pratiques en cause ne relevaient pas du fonctionnement normal des marchés, les autres nient le mobile fiscal, même face à des cas caricaturaux avec des prêts de titres la veille des versements d'acomptes.

Nous avons ainsi de quoi être optimistes quant à l'issue de ces investigations, malgré l'obstruction du lobby bancaire, qui a déposé un recours au Conseil d'État deux jours après la perquisition, mais prétendument sans lien avec elles...

Nous sommes au coeur du sujet : le système bancaire tente d'inventer un nouveau concept : la « fraude légale ».

Car sur le terrain du droit, comment qualifier une pratique qui a pour seul objectif d'échapper à l'impôt - sinon de fraude ? Le Parlement et le Gouvernement ne doivent pas laisser croire qu'il pourrait exister une « fraude légale ».

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, cinq groupes du Sénat avaient pourtant déposé un amendement commun visant à encadrer ces pratiques, sur lequel Mme Pannier-Runacher, alors au banc, avait émis un avis de sagesse, « faute de meilleure proposition ». Mais en nouvelle lecture, le ministre du budget, aidé par la majorité de l'époque, avait vidé le dispositif de sa substance : le total return swap, où les opérateurs s'échangent des actions sans conclure formellement de contrats de cession, est en effet exclu, de même que les transactions, même d'apparence frauduleuse, éloignées de 45 jours du versement du dividende. Nul besoin d'être ingénieur financier pour avoir l'idée de le faire le 46ème jour !

M. Iannucci regrettait de ne pas disposer de bilan de l'efficacité du dispositif finalement retenu, mais ne croyait pas les établissements financiers gênés par le délai de 45 jours. Lors du projet de loi de finances pour 2022, le Sénat est revenu à la charge sur cette question. Il ne faut plus de clause de revoyure, mais une date à fixer pour mettre un terme à ce pillage fiscal qui lèse les peuples de France et d'ailleurs. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.  - Je remercie le groupe CRCE d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour.

Nous avions entamé ce débat il y a quatre mois sur la question de la fraude fiscale. Ce sujet est d'importance, en raison des montants.

Soyons clairs : il n'y a pas de fraude légale. La fraude est illégale et il nous revient de l'identifier, pour que les sommes indûment perçues soient recouvrées par l'administration fiscale.

Je confirme que nous n'avons pas identifié à date de schémas CumEx, contrairement à l'Allemagne. La DGFiP a mené en revanche des procédures concernant des Cum internes, pour un montant de 2,5 milliards d'euros. Une deuxième série de contrôles a entraîné la saisine du PNF pour certains dossiers.

Comme vous, je salue le travail de l'ensemble de l'administration fiscale sur ce sujet.

M. Paul Toussaint Parigi .  - Ce débat intervient dans un contexte de fraude fiscale aggravée qui aurait coûté 33 milliards d'euros à l'État, au moment où le Gouvernement impose une réforme injuste visant à combler un déficit de 13,5 milliards d'euros.

Tragique ironie que celle de faire peser sur l'ensemble de nos concitoyens le poids de la dette, là où il convient de faire primer la justice fiscale, garante de notre pacte social et de notre modèle de solidarité.

La presse a mis en évidence des scandales, avec les Pandora Papers, les Panama Papers, ou les CumEx Files.

Les politiques ont une responsabilité majeure dans ce domaine. Si les progrès du PNF et de l'administration fiscale sont réels, notamment grâce à la loi du 23 octobre 2018, beaucoup reste à faire.

Au travers du CumEx Files, un consortium de journalistes a mis en évidence une perte de 140 milliards d'euros sur vingt ans pour les États concernés.

Je salue le travail régulier de la commission des finances et du Sénat en la matière. Notre assemblée avait adopté, lors de l'examen des projets de loi de finances, des amendements visant à faire échec à ces dissimulations, mais l'Assemblée nationale les a, hélas, empêchés de prendre toute leur mesure.

Certes, la tâche est complexe, mais la faiblesse des moyens de l'administration fiscale ne constitue-t-elle pas une forme de politique ? Monsieur le ministre, mènerez-vous ce chantier essentiel avec la même détermination dont vous avez fait preuve pour la réforme des retraites ?

Il nous faut combattre cette pratique délétère, dimension importante mais trop négligée de la crise globale qui frappe le monde contemporain. (M. Éric Bocquet applaudit.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je présenterai prochainement un plan de lutte contre les fraudes fiscales, sociales et douanières, issu des travaux du groupe de travail auquel ont participé Mmes Goulet et Vermeillet et MM. Rambaud et Bocquet. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

J'ai déjà annoncé le doublement du nombre d'officiers du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF)...

M. Jean-François Husson.  - Vous auriez pu le faire lorsque nous l'avions proposé !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - ... effectivement, c'était une de vos propositions ; d'autres annonces compléteront ces premières dispositions.

En 2019, je n'occupais pas les mêmes fonctions : mes prédécesseurs et le Parlement ont revu le dispositif voté par le Sénat pour le rendre conforme à la Constitution et aux conventions fiscales, afin d'éviter une censure totale du Conseil constitutionnel.

Quant à l'efficacité du dispositif, une diminution des prêts-emprunts de titres autour des dates de versement des dividendes a été observée, mais on ne peut être sûrs que cette corrélation soit un lien de causalité. Restons prudents.

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le mardi 28 mars dernier fera date dans l'histoire bancaire française : des perquisitions ont eu lieu dans cinq grandes banques, à l'occasion de l'enquête pour fraude fiscale aggravée et blanchiment aggravé de fraude fiscale.

Les mises en examen témoignent de l'importance des faits reprochés notamment à la BNP et à la Société Générale.

La fraude aux dividendes se nomme le CumCum : un investisseur non résident détenant des actions cotées en France transfère temporairement le titre de propriété aux banques qui, elles, ne sont pas soumises à cet impôt. L'investisseur récupère ensuite le titre de propriété une fois le dividende versé, exonéré d'impôts.

Le CumEx a été mis en évidence en novembre 2018 grâce à un groupe de médias internationaux : l'opération vise à échanger la même action autour de la date de paiement des dividendes, faisant en sorte que l'administration fiscale ne soit plus en mesure de connaître le véritable bénéficiaire du dividende, chacun recevant une attestation fiscale alors que l'impôt n'a été payé qu'une seule fois.

La fraude aux dividendes aurait coûté 33 milliards d'euros de recettes fiscales entre 2000 et 2020.

Quelles réponses législatives ou réglementaires à ce problème ? La coopération est l'une des clés de l'efficacité. Or nous devons pouvoir compter sur des partenaires, qui n'ont pas répondu positivement à nos demandes, pour le moment. Nous devrions essayer de les y contraindre. Quels leviers faut-il utiliser pour créer un rapport de force ?

Les réponses européennes ou internationales sont complexes. Toutefois, nous pouvons déjà apporter une réponse au vide juridique du droit français. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

Je me souviens des débats lors des projets de loi de finances pour 2019 et pour 2020, et des dispositifs proposés par Albéric de Montgolfier et repris par Jean-François Husson. Il convient de cibler les situations abusives dans lesquelles le non-résident évite délibérément la retenue à la source de la taxe.

Le Beps, instrument de lutte contre l'érosion de la base fiscale, peut nous permettre de modifier nos conventions. Pourra-t-il remettre en cause le treaty shopping, ou chalandage de traités, par lequel des investisseurs cherchent à bénéficier de la protection plus avantageuse d'un traité bilatéral d'investissement entre un État dont ils n'ont pas la nationalité et l'État hôte dans lequel ils ont investi ?

Monsieur le ministre, j'espère que votre plan antifraude permettra d'endiguer ces phénomènes. En luttant contre toutes les fraudes, nous renforçons la confiance de nos concitoyens dans l'action publique.

Un tel combat est crucial : c'est une boussole pour le Président de la République. En tant que parlementaire, je poursuivrai mon engagement en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'identification du bénéficiaire des flux est l'un des enjeux. Mais cela relève aussi de la responsabilité des banques : elles doivent effectuer toutes les diligences pour le connaître - tel est, pour nous, l'esprit de la loi. C'est ce que rappelle un bulletin officiel des finances publiques (Bofip), publié en février dernier, et attaqué devant la justice administrative par les établissements bancaires. Les banques ont cette responsabilité, comme en matière de blanchiment.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Très bien !

M. Vincent Éblé .  - Au lendemain d'une mobilisation de deux millions de Français pour plus de justice sociale et contre la réforme des retraites, je salue l'initiative du groupe CRCE.

De nombreuses multinationales essaient de diminuer leur imposition, privant de ressources les services publics essentiels. La fraude fiscale globale coûterait aux États entre 80 et 100 milliards d'euros. Nos concitoyens sont très sensibles à cette question.

Les CumCum et les CumEx sont des pratiques d'optimisation fiscale à la limite de la fraude. Il nous faut réprimer de tels comportements politiquement et moralement inacceptables. Notre commission y travaille depuis longtemps.

À l'époque, président de la commission des finances, avec le rapporteur général Albéric de Montgolfier, j'avais déposé un amendement adopté à l'unanimité par le Sénat, visant à lutter contre ces comportements fiscaux douteux.

Concernant les montages internes, nous avions proposé d'instaurer une retenue forfaitaire de 30 %, les banques pouvant obtenir son remboursement uniquement si elles pouvaient prouver que l'objectif poursuivi par le prêt de titres n'était pas fiscal.

Concernant les fraudes externes, nous proposions que l'établissement bancaire pratique par défaut un taux de retenue à la source de 30 %, cette retenue étant remboursée si le prêt avait d'autres justifications que d'éviter la fiscalité. En résumé, nous proposions d'inverser la charge de la preuve.

Malheureusement, ce dispositif a été vidé de sa substance par l'Assemblée nationale. Nous aurions pourtant pu engranger 12 milliards de recettes fiscales depuis cette date - somme qui se rapproche du déficit putatif des caisses de retraite.

Monsieur le ministre, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas soutenu notre proposition à l'époque ? En 2019, vous vous étiez engagés à produire un bilan ; où en êtes-vous ? Depuis, vous n'avez fait aucune nouvelle proposition ; qu'attendez-vous ? Le temps passe, mais le problème demeure.

Les Français comprendraient mal que des dividendes échappent à toute taxation, alors que ces derniers vont battre tous les records, avec 140 milliards d'euros de résultat net !

Pour les procédures en cours, il faut distinguer les perquisitions et les accords entre les banques et le Gouvernement. Est-ce le retour du verrou de Bercy ?

Notre dispositif est toujours d'actualité. En cette période de tensions, appuyez-vous sur la sagesse du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Certaines conventions fiscales avec plusieurs pays prévoient des taux nuls lors du versement de dividendes. La liste des pays concernés n'est pas très longue. Les objectifs des renégociations sont ambitieux, mais nous devons les engager. Nous venons de trouver un accord avec la Finlande en vue de réviser le taux nul, qui passerait à 15 %. Le Parlement sera saisi de la ratification de cette convention fiscale courant 2024.

Nous sommes également très favorables au standard Beps de l'OCDE, clause générale anti-abus.

M. Vincent Éblé.  - Monsieur le ministre, nous proposons d'agir avant la transmission des actions dans un pays tiers, en taxant l'établissement français : dès lors, nul besoin de modifier les conventions fiscales.

M. Pascal Savoldelli .  - Je me réjouis de ce débat. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin stigmatisent les étrangers, accusés de fraude aux prestations sociales, créant un ennemi imaginaire, alors que le monde bancaire est bien plus responsable des inégalités. C'est un jeu dangereux et c'est une manipulation grossière ! La fraude fiscale représente entre 80 et 100 milliards d'euros, quand la fraude aux prestations sociales n'atteint même pas le milliard d'euros !

Cessons de nourrir la stigmatisation et la haine pour cacher l'incapacité à taxer les grandes entreprises.

La seule fraude aux CumCum, concernant seulement cinq banques, représente pas moins de 3 milliards d'euros, soit trois fois le montant des fraudes sociales !

Monsieur le ministre, les outils législatifs actuels sont-ils suffisants pour nous prémunir contre la fraude aux dividendes ? Aucune disposition n'a été prévue dans le dernier budget ; au contraire, les propositions quasi unanimes du Sénat pour lutter contre ce pillage fiscal ont été rejetées. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

Dans ses investigations, l'administration s'appuie sur une jurisprudence européenne de 2019 et sur une jurisprudence du Conseil d'État. Le droit français doit-il accompagner ce revirement de jurisprudence ?

Albéric de Montgolfier indiquait en 2018 que le volume des prêts de titres était multiplié par huit en période de versement de dividendes. Qu'en est-il aujourd'hui ?

La résurgence de la fraude aux dividendes s'inscrit dans un contexte particulier, alors que nous cherchons quelques milliards pour les retraites. Commençons par lutter contre la fraude !

Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, il y a une passion pour les dividendes : la flat tax a fait s'envoler leur montant de 60 % dès 2018. La fortune des 0,1 % de Français les plus aisés a augmenté de 25 % depuis 2017 - excusez du peu ! Ils peuvent vous remercier.

L'an dernier, 59,8 milliards d'euros de dividendes ont été versés, soit une croissance de 4,6 % ; 95 % des entreprises ont maintenu ou augmenté le versement par rapport à 2021. D'où nos amendements au PLF visant à lutter contre la fraude aux arbitrages des dividendes. Ces 140 milliards manquent aux travailleurs, à l'investissement et à l'administration fiscale.

Négocier avec la Finlande est une bonne chose, mais quid du Luxembourg par exemple ? Vous avez un peu moins de cent jours pour agir, monsieur le ministre ! (Rires à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Vous critiquez la création de la flat tax, or France Stratégie estime que la flat tax est autofinancée. La mise en oeuvre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) a créé des recettes supplémentaires.

Mes prédécesseurs et la majorité de l'Assemblée nationale ont revu le dispositif voté par le Sénat pour que celui-ci soit conforme à la Constitution et à nos engagements internationaux.

Mon ministère a publié une nouvelle doctrine fiscale, qui s'appuie sur une jurisprudence du Conseil d'État. Nous considérons que l'esprit de la loi oblige déjà les établissements financiers à identifier le bénéficiaire ultime des flux. C'est pourquoi nous n'avons proposé aucune modification législative. Je suis persuadé que le Conseil d'État validera un Bofip qui s'inspire de sa propre jurisprudence.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous n'avons pas la même lecture des documents de France Stratégie. Les 0,1 % des plus riches ont amélioré leurs revenus de 25 % depuis 2017. Je connais très peu de petites entreprises, d'artisans ou de salariés qui puissent en dire autant !

La flat tax s'est certes autofinancée, mais l'augmentation de 60 % du taux de versement des dividendes pose la question de la redistribution fiscale. Je vous le répète : il vous reste un peu moins de cent jours !

Mme Sylvie Vermeillet .  - Le groupe CRCE propose un débat sur un sujet épineux mais passionnant. Les membres de la commission des finances se souviennent de l'audition du 1er décembre 2021 sur les outils de lutte contre les pratiques de fraude fiscale, où le chef de service du contrôle fiscal, M. Iannucci, avait bien du mal à se faire comprendre par le directeur général délégué de la Fédération bancaire française, M. Barel. Les logiques s'étaient combattues avec courtoisie, mais sans concession.

Les pratiques en matière de CumCum et de CumEx ont cours depuis si longtemps qu'elles semblent normalisées. On considère que toute tentative d'un État pour s'y opposer entraînerait la perte de compétitivité de ses banques... Mais mieux vaut tard que jamais : l'administration fiscale mérite notre soutien et des moyens. Selon M. Iannucci, le problème tient aux compétences des enquêteurs : il nous faut former les meilleurs des meilleurs, et les rémunérer mieux que ceux qui sont du côté de la fraude fiscale.

Nos impôts doivent être des outils simples tels que la flat tax. Notre complexité fiscale favorise le contournement. Revenons à des systèmes plus directs, permettant un contrôle plus aisé. L'administration allemande a remboursé plus de dix fois par action la même retenue à la source, sans avoir pu vérifier que l'impôt avait été acquitté !

La fraude a toujours un coup d'avance. Nous n'attendons pas de miracle, mais de la détermination et des compétences pour que l'État reste maître de ses finances.

Rien n'interdit aux établissements bancaires de nous proposer des solutions, que nous aurons plaisir à étudier. (Mme Françoise Férat applaudit.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Effectivement, la fraude semble toujours avoir un coup d'avance, et nous devons anticiper. Ce n'est pas évident. La loi de 2018 a été une avancée, même si elle n'a pas réglé tous les problèmes.

Il faut identifier les pratiques frauduleuses sans jeter l'opprobre sur tous les établissements financiers et sans affaiblir la place de Paris comme place de référence.

Oui, il faut lutter contre la fraude, mais aussi permettre les investissements. Nous sommes naturellement très ouverts aux propositions du secteur.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Parmi les banques initialement visées, l'une d'entre elles a accepté de changer ses pratiques. Je ne vois pas pourquoi les autres ne feraient pas de même !

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Franck Menonville applaudit également.) En 2018, éclatait le scandale des CumEx files, cette technique d'évasion fiscale frauduleuse qui a même conduit le fisc à rembourser des trop-perçus imaginaires.

Les banques européennes ont incité les clients à profiter de ces fraudes, qui représentent environ 140 milliards d'euros de pertes sur les vingt dernières années, dont 33 milliards d'euros pour la France.

Il y a trois mois, le PNF, mobilisant seize magistrats, 150 enquêteurs et six procureurs allemands, a réalisé la plus grosse opération de son histoire en perquisitionnant de nombreux établissements. Mais une seule banque a reconnu ses torts et payé 105 millions d'arriérés d'impôts. Les autres encourent un redressement fiscal de 1 milliard d'euros, assorti d'amendes pénales pouvant aller jusqu'à 50 % de l'impôt dû.

En 2018, un amendement voté au Sénat avait été rejeté par l'Assemblée nationale. Les demandes du Sénat n'ont pas été entendues, notamment le doublement du nombre d'enquêteurs ou la révision des conventions fiscales.

Monsieur le ministre, vous avez mis en place un groupe de travail, dont je suis membre, pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Renforcer l'arsenal de l'État, y compris en passant par la loi, est essentiel. Ces pratiques sont frauduleuses ; la haute finance joue sur la mince frontière entre l'optimisation et l'évasion fiscales. Leur double langage doit cesser.

Le data mining permet des progrès encourageants, mais le recrutement d'agents compétents est indispensable. Les sommes que nous pourrions recouvrer pourraient financer nos retraites (on le confirme sur les travées du groupe CRCE) ou nos services publics.

Les mailles du filet doivent être solides, et ne pas ressembler à la toile d'araignée, qui comme chacun sait, capture les moucherons et laisse passer les bourdons. (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Le plan de lutte contre la fraude s'est construit sur la base des différents Papers produits par la presse. Je souhaite que la France puisse elle-même produire de telles révélations.

À la suite des Panama Papers, l'administration fiscale a identifié environ 200 dossiers et 180 millions d'euros ont été récupérés ; pour les Paradise Papers, 35 dossiers ont été identifiés, pour 12 millions d'euros de récupérés. Nous devons nous doter d'outils pour récupérer l'information auprès de ceux qui permettent ces révélations : je ferai des annonces concrètes à ce sujet.

M. Jean-François Husson .  - Comme mes prédécesseurs, je remercie le groupe CRCE de proposer ce débat qui s'inscrit dans la continuité des travaux du Sénat depuis la publication des CumEx Files en 2018. Le groupe de suivi de notre commission des finances sur la lutte contre l'évasion fiscale a proposé immédiatement un dispositif anti-abus, adopté en séance sur un amendement d'Albéric de Montgolfier.

Le Gouvernement de l'époque et sa majorité à l'Assemblée nationale ont restreint le dispositif proposé aux opérations simples d'emprunt de titres, empêchant l'action sur des actions plus complexes. De plus, le Gouvernement n'a pas cherché à renégocier les conventions internationales concernées.

L'administration fiscale a engagé des travaux pour identifier le préjudice subi.

Avant même les spectaculaires perquisitions de mars dernier, notre mission d'information sur la lutte contre la fraude avait plaidé pour un renforcement des effectifs du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Dans le projet de loi de finances pour 2023, nous avions proposé de financer un doublement des effectifs des officiers fiscaux et judiciaires du service sur cinq ans, mais vous aviez émis un avis défavorable. Quelques mois plus tard, faisant acte de contrition, vous annoncez le renforcement des effectifs de ce service. Que de temps perdu !

Il faut ensuite qualifier ces montages et mettre en place des dispositifs anti-abus efficaces. Les CumEx Files n'ont pas touché tous les pays de la même manière : en Allemagne, le préjudice s'élèverait à près de 50 milliards d'euros, parce que certains intermédiaires ont pu demander le remboursement d'une retenue à la source sur les dividendes qui ne leur avait pas été prélevée... Les montages réalisés en France sont plus difficiles à qualifier ; ils sont à la frontière entre fraude, optimisation et évasion fiscales.

L'administration fiscale, les enquêteurs et les magistrats doivent distinguer le fonctionnement normal des marchés des manoeuvres abusives. Le but n'est pas de paralyser les marchés, dont il faut assurer la liquidité pour ne pas perturber la formation des prix. Toutefois, ce type d'opérations présente un risque clair de déstabilisation.

L'autorité européenne des marchés financiers relevait ainsi en septembre 2020 que les montages internes et externes d'arbitrage des dividendes présentaient plusieurs marqueurs de fraude fiscale.

Un surplus de valorisation de titres prêtés à la date de détachement de dividendes de 160 milliards d'euros relève-t-il d'un fonctionnement normal des marchés ?

Pour ma part, je fais confiance aux enquêtes pour nous éclairer sur la qualification des arbitrages de dividendes. Ce sera au législateur d'en tirer les conséquences. Faudra-t-il renforcer le dispositif anti-abus mis en place à l'initiative du Sénat ? Comptez sur moi, et sur les travaux de la commission, y compris dans le cadre de nos actions de contrôle, pour y veiller.

Notre rapport d'information demandait au Gouvernement de renégocier certaines conventions fiscales pour nous prémunir contre les montages fiscaux abusifs.

Renforcement des services d'enquête, évaluation du dispositif anti-abus, renégociation des conventions : voilà une réponse claire au scandale des CumEx Files. Monsieur le ministre, à vous de jouer !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je salue le travail mené par la commission des finances du Sénat. Je ne regrette pas ma demande de retrait de votre amendement au projet de loi de finances pour 2023 : vous proposiez un doublement des effectifs sur cinq ans, je propose un doublement d'ici à 2025. C'est plus ambitieux, mais dans le même esprit.

N'oublions pas de saluer la DGFiP : le volet administratif de la lutte contre la fraude est tout aussi important que le volet judiciaire.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Tout à fait !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - La mise en conformité des banques a ainsi permis le recouvrement de 2,5 milliards d'euros.

Concernant l'évaluation de la clause anti-abus, la nouvelle doctrine fiscale publiée en février nous permettra d'être plus efficaces.

Enfin, j'ai également annoncé l'aboutissement de la renégociation de la convention fiscale avec un pays qui pratique actuellement un taux nul de retenue à la source. Nous avançons donc sur les trois volets.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Les perquisitions menées par le PNF en mars dernier feront date : elles ont remis dans l'actualité les pratiques des CumCum et des CumEx, ces dernières ayant déjà fait les gros titres en 2018 avec les révélations de plusieurs médias internationaux, dont Le Monde. Ces perquisitions en sont la conséquence puisqu'elles faisaient suite à l'enquête préliminaire lancée sur des chefs de fraude fiscale aggravée et de blanchiment.

Le PNF essaie de déterminer si les CumCum relèvent de la fraude fiscale. Ce qui sépare les CumCum des CumEx est ce qui sépare la fraude de l'optimisation. Il s'agit dans les deux cas d'un transfert temporaire de titre financier, avec le bénéfice du dividende.

Dans le cas des CumEx, la propriété du titre est, elle aussi, transférée, afin de tromper l'autorité fiscale. Dans le cas des CumCum, l'opération s'effectue dans un cadre légal, où des intermédiaires opèrent pour le compte des détenteurs de titres afin d'améliorer leur rendement.

Il faut clarifier la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas, et c'est au Parlement de le faire. Gardons-nous d'entretenir la confusion entre fraude et optimisation fiscale.

Il convient aussi de faire la lumière sur les montants ; en la matière, le flou prédomine. Par essence, la fraude fiscale est difficile à chiffrer. Certains médias ont évoqué 140 milliards d'euros de recettes fiscales perdues - mais sur une période de vingt ans. Alexandra Givry, directrice de l'Autorité des marchés financiers (AMF), avait évoqué devant la commission une fourchette beaucoup plus modeste, de l'ordre de 400 millions à 1 milliard d'euros de pertes annuelles liées aux opérations de prêt-emprunt.

Il ne s'agit pas de relativiser les pertes, mais prétendre que la lutte contre cette fraude suffira à financer notre système de retraites, c'est aller un peu vite en besogne...

La France ne semble pas être le pays le plus exposé à la fraude des CumEx, mais il faut une coopération internationale sur le sujet. Quant aux CumCum, le Sénat a proposé des mesures dès 2018, et plusieurs des amendements du groupe Les indépendants n'ont pas été repris par l'Assemblée nationale. Il en reste quand même la durée minimale de détention des titres de 45 jours.

Nous avons aussi proposé d'étendre la retenue à la source à tous les versements équivalant à des dividendes à des non-résidents, disposition inspirée du code des impôts des États-Unis. Cela sécuriserait nos concitoyens et nos banques, et renforcerait l'attractivité de la place de Paris.

Espérons que nous progresserons dans cette voie ; les Français l'attendent.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'évaluation du préjudice, parfois très élevée, ne peut pas aisément être infirmée : les évaluations se poursuivent. Nous en sommes à 2,5 milliards d'euros de droits notifiés, pénalités incluses.

Nous sommes amenés à travailler avec un très grand nombre d'acteurs. Nous échangeons notamment avec l'AMF pour nous assurer que nous n'entravons pas les activités bancaires classiques.

Au vu des instruments très complexes qui entrent en jeu, notamment sur les produits dérivés, nous avons aussi besoin d'experts qui connaissent très bien le monde bancaire, et des banques elles-mêmes.

M. Rémi Féraud .  - Ce débat intervient deux semaines après que le Gouvernement a annoncé une réforme de la lutte contre la fraude fiscale.

Je regrette que le ministre de l'économie ait d'abord ciblé dans ses interventions médiatiques la fraude aux prestations sociales, qui est pourtant sans commune mesure avec la fraude fiscale. On évoque pour cette dernière, faute d'évaluation précise, un montant de 80 à 100 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, vous avez apporté quelques réponses, mais pourquoi le Gouvernement a-t-il tant tardé ? Comment clarifier la législation pour mieux distinguer optimisation et fraude fiscales ? Écartez-vous toute modification de la législation sur les CumCum ? Le plan annoncé traitera-t-il de la fraude aux dividendes ?

Alors que les scandales dévoilés par la presse et les lanceurs d'alerte se multiplient, il est urgent d'agir. Ne faut-il pas enfin changer d'approche, accélérer et modifier la législation ?

Alors que nos finances publiques ont grand besoin de nouvelles ressources, vous avez toujours refusé de conditionner les aides publiques pendant la crise sanitaire au non-versement de dividendes.

Mme Nathalie Goulet.  - Ce n'est pas faute de l'avoir demandé !

M. Rémi Féraud.  - Alors que vous avez fait passer la réforme des retraites, ne serait-il pas temps de mettre à contribution des revenus du capital, dans un souci d'équité ? C'est un sujet éminemment politique.

En 2018, votre prédécesseur, M. Darmanin, avait promis la création d'un observatoire de la fraude fiscale. Cet engagement n'a pas été tenu. Le sera-t-il enfin ? Il est temps de passer aux actes. (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Bruno Le Maire n'a jamais ciblé les prestations sociales comme premier levier de la fraude dans notre pays : il a répondu à une question sur le versement de prestations sociales sur des comptes étrangers.

On croirait, à entendre la gauche, qu'il n'y a que de la fraude fiscale ; à entendre la droite, que de la fraude sociale ! Nous nous attaquons à tous les types de fraude, fiscale ou sociale. Un euro fraudé, c'est un euro soustrait à la solidarité nationale et un préjudice pour tous les Français.

J'ai répondu à M. Savoldelli qu'il ne nous paraît pas nécessaire de légiférer pour nous adapter à la jurisprudence du Conseil d'État : à nos yeux, la doctrine fiscale publiée en février suffit. Le Conseil d'État donnera son avis, nous en tirerons les conclusions.

Le débat sur la justice fiscale relève du projet de loi de finances, ne mélangeons pas les sujets. La France n'est pas un paradis fiscal. Nous taxons plus tous les niveaux de contribuables que nos voisins, nous sommes deuxièmes de l'OCDE pour les prélèvements obligatoires.

Mme Nathalie Goulet .  - Avec ce énième débat sur la fraude fiscale, j'ai l'impression de revivre la chanson de Barbara : « Chaque fois qu'on aime d'amour / C'est avec "jamais" et "toujours" / On refait le même chemin / En ne se souvenant de rien / Et l'on recommence... »

Le 19 novembre 2021, à mon initiative, le Sénat avait de nouveau voté l'amendement complémentaire à l'amendement de 2018 ; le 22 novembre 2022, il le retoquait, au motif que le rapport de la commission des finances proposait le même dispositif. Nous évoquons ce sujet très régulièrement.

Vous nous avez parlé de la convention fiscale avec la Finlande, c'est formidable, mais quid de celles avec l'Arabie saoudite ou le Qatar ? Le Sénat ayant refusé une demande de rapport sur le manque à gagner lié à ces conventions fiscales, j'ai posé une question écrite en décembre : dans la réponse, vos services me renvoient à un rapport de 2015. Est-ce exagéré de demander une mise à jour de ces informations ?

Il faut avancer également, dans le cadre du Beps, sur le recrutement de vérificateurs européens compétents, face à des fraudes particulièrement créatives.

Éric Bocquet a proposé une COP fiscale, c'est une bonne idée. Nous pourrions évoquer les ports francs, le Luxembourg et la Suisse. Il faudrait également une réunion des Cnil européennes, car nous nous heurtons aussi au problème de l'échange des données. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je salue votre engagement sur ces sujets. Vous êtes d'une certaine manière une lanceuse d'alerte.

Les dispositifs votés au Parlement doivent avant tout être conformes à la Constitution et aux conventions.

Pour renégocier une convention, il faut être deux. Si nous demandons à modifier le taux applicable aux dividendes, on nous demandera en contrepartie des concessions, peut-être moins favorables pour nous...

Je rappelle que la clause générale anti-abus du Beps s'applique même aux pays avec lesquels la convention fiscale prévoit un taux nul.

Concernant un éventuel observatoire, je suis favorable à une instance indépendante, incluant des parlementaires et des personnalités qualifiées, pour évaluer plus finement l'ampleur de la fraude, car les estimations varient du simple au triple.

Je suis également très favorable à l'idée d'une COP fiscale. Ce point figurera dans le plan que je présenterai prochainement.

Mme Nathalie Goulet.  - Il convient de réévaluer les dispositifs, car on ne peut se fonder sur un rapport de 2015.

Avant de renégocier, commençons par discuter. Les ports francs à nos portes - Luxembourg, Suisse, Jersey - méritent une attention particulière. Faut-il rappeler que le Sénat, très attentif à ces sujets, avait refusé de ratifier la convention avec le Panama ?

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La fraude fiscale aux dividendes atteindrait 140 milliards d'euros : le casse du siècle ! Les mesures prises jusqu'à présent sont-elles suffisantes ? La plupart des États ont légiféré pour lutter contre les montages frauduleux.

La frontière entre optimisation et fraude fiscales n'est pas toujours évidente.

Un montage respectueux de la lettre de la loi mais contraire à son esprit peut être rejeté sur le fondement de l'abus de droit fiscal.

Sur les CumEx, tout a été dit et je salue l'action du PNF.

La fraude fiscale massive renforce le sentiment d'opacité du secteur bancaire, au détriment de l'égalité fiscale.

Les réponses du législateur sont insuffisantes. Le secteur bancaire, sans violer directement la loi, a profité d'un encadrement trop large de ses pratiques. Celles-ci sont aujourd'hui sous le coup de procédures du PNF fondées sur l'abus de droit. Pour prouver sa bonne foi, le secteur bancaire a saisi le Conseil d'État.

Légiférer à nouveau aurait plusieurs conséquences, sur la sécurité juridique, sur la compétitivité des établissements financiers et sur leur image, déjà dégradée.

Un cadre juridique clair et cohérent est nécessaire. Il doit préserver la sécurité et la compétitivité des banques.

La pratique des CumEx était courante et visiblement tolérée. Ne désavantageons pas les banques françaises sur la scène internationale. La régulation serait plus efficace à l'échelle de l'Europe ou de l'OCDE.

Monsieur le ministre, l'administration fiscale et le PNF disposent-ils de moyens suffisants ?

Nous proposons de généraliser les conventions fiscales bilatérales imposant une retenue à la source sur les flux de dividendes sortants. Où en sont les négociations en cours au niveau européen et à l'OCDE ?

Les CumEx et autres CumCum peuvent sonner le glas de toute possibilité d'optimisation fiscale, au regard de leur écho médiatique. Il est donc urgent de clarifier les choses. Une approche éthique de la fiscalité mondialisée est nécessaire si l'on souhaite préserver le consentement à l'impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'administration fiscale dispose-t-elle d'outils suffisants pour obtenir des informations semblables à celles du consortium de journalistes ? La réponse est non. C'est pourquoi je proposerai un renforcement de ses moyens.

Concernant les discussions à l'échelle de l'OCDE, 2 300 conventions sur 2 400 ont été mises au standard Beps en 2022.

Mme le président.  - Nous arrivons au terme de ce débat. À vous la parole, monsieur le ministre.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Nous avons eu des échanges nourris sur ce sujet majeur. Des progrès ont été constatés ces derniers mois. Des démarches ont été entreprises ; une convention fiscale a été renégociée avec un pays pour lequel on a appliqué un taux nul de retenue à la source pour le versement de dividendes.

Nous franchirons une étape supplémentaire avec le plan de lutte contre la fraude fiscale que je présenterai prochainement.

Je veux redire mon admiration pour nos agents qui, loin du battage médiatique, face à une très grande complexité, travaillent d'arrache-pied pour identifier les abus, et les distinguer des erreurs de bonne foi. Je les remercie pour leur travail exceptionnel.

M. Éric Bocquet, pour le groupe CRCE .  - L'objet du débat n'était pas de jeter l'opprobre sur un secteur ni de stigmatiser telle ou telle banque. Nous nous appuyons sur des faits.

Les banques incriminées - BNP Paribas, Crédit Agricole, HSBC et Société Générale - sont des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT). Elles ont pratiqué ces fraudes. Elles nous font perdre des recettes fiscales, y gagnent des commissions et aggravent la dette, dont elles gèrent les titres sur les marchés.

J'ai sous les yeux le code déontologie de l'agence France Trésor que ces banques s'engagent à respecter. En cas de manquement, l'agence peut décider de suspendre les SVT. Ainsi de Morgan Stanley entre août et novembre 2020. Indépendamment du travail que la justice mène en toute indépendance, est-il éthiquement supportable que ces banques gèrent encore nos titres de dette ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Prochaine séance demain, mercredi 3 mai 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 3 mai 2023

Séance publique

À 15 h, de 16 h 30 à 20 h30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Pascale Gruny, vice-président, M. Alain Richard, vice-président

Secrétaires : M. Loïc Hervé - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires, présentée par MM. Rémi Féraud, Jean-Claude Tissot, Patrick Kanner, Rémi Cardon, Mmes Florence Blatrix Contat, Laurence Rossignol et plusieurs de leurs collègues (n°35, 2022-2023)

3. Proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique, présentée par M. Rémi Cardon, Mmes Viviane Artigalas, Catherine Conconne, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (n°170 rectifié, 2022-2023)

4. Débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques (demande de la commission des finances)