SÉANCE

du mercredi 3 mai 2023

83e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Situation à Mayotte (I)

M. Jérémy Bacchi .  - Nous ne minimisons pas ce qui se passe à Mayotte : les violences et l'insécurité sont insoutenables. Pour nous, la seule réponse à cette spirale infernale est républicaine. Or, celle du Gouvernement est uniquement répressive. Pourtant, détruire les bidonvilles et expulser les sans-papiers ne rétablira pas la paix. Au contraire, vous donnez l'occasion à un vice-président du conseil départemental de Mayotte de dire tranquillement qu'il faudrait en tuer quelques-uns. L'absence de réaction au plus haut niveau de l'État à cette attaque violente de nos valeurs républicaines laisse un goût amer.

L'opération Wuambushu est une atteinte aux valeurs de la France, dont on attendait qu'elle n'agisse pas comme un chef de bande.

Ne pas comprendre que les Comores accueillent un seul peuple, c'est empêcher toute résolution. L'ONU considère cet archipel comme un même pays.

Des enfants grandissent sans leurs familles au nom du droit du sol. La République doit incarner ce qu'elle a de meilleur. Or les droits les plus essentiels, comme l'éducation ou le logement, ne sont pas respectés. La détresse sociale est grave. Monsieur le ministre, quand y répondrez-vous enfin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Tout est scandaleux dans vos propos. (Protestations à gauche) Vous vous asseyez sur la Constitution de la République. Vous venez de dire que Mayotte était non pas française, mais comorienne. (M. Jérémy Bacchi se récrie, Mme Laurence Cohen proteste.)

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Or les Mahorais ont choisi librement de rester français, par deux référendums. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du RDSE, des groupes UC et Les Républicains)

Vous venez de dire que la France se comportait « en chef de bande », alors que chaque jour, nous en interpellons. Tous les élus mahorais, même le responsable LFI de Mayotte, soutiennent l'opération Wuambushu !

Le Gouvernement fait à Mayotte ce qu'il aurait dû faire depuis longtemps : casser la violence des bandes, et, oui, l'immigration irrégulière. Elle est inacceptable, à Mayotte comme dans toute la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jérémy Bacchi.  - La France doit agir, mais certaines conditions, comme le visa Balladur, aggravent le fossé qui existe entre les différentes îles comoriennes. Il est grand temps de l'abroger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Situation à Mayotte (II)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.) Depuis quelques jours, l'Hexagone découvre avec effroi les immenses difficultés de Mayotte : immigration, eau, logement... La liste est longue.

La jeunesse, qui représente plus de la moitié de la population, est particulièrement touchée, avec un système de rotation inédit qui entraîne un taux de décrochage scolaire de 75 %, contre 10 % au niveau national. Les problèmes s'amplifient, notamment en raison de l'insécurité, alimentée par les gangs. Cette situation est sans égale sur le territoire français.

L'opération Wuambushu est très attendue par la population. Elle n'est ni honteuse ni glorieuse, mais nécessaire. (Mme Éliane Assassi en doute.) Elle tranche avec l'inertie de ces dernières années.

Je rends hommage aux forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur des travées du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Wuambushu, qui signifie « reprise » en shimahorais, a pour objectif de restaurer la sécurité. Demain, il faudra un Wuambushu de l'éducation, de la santé et du logement.

Les Mahorais s'inquiètent de la suspension des reconduites, à la suite de certaines procédures judiciaires. Monsieur le ministre, quelles mesures supplémentaires entendez-vous déployer ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - C'est sur votre initiative et celle des élus mahorais que l'État a engagé à Mayotte des moyens sans précédent pour maîtriser la démographie.

Ce territoire, qui pourrait être plus beau que les Seychelles, est déstabilisé par une population faisant dériver les services publics, quels qu'ils soient. Les enfants, à Mayotte, ne vont à l'école que par demi-journée. Presque 80 % des bébés nés à l'hôpital de Mayotte ne sont pas de parents mahorais, et 900 parturientes sont accouchées chaque année par les sapeurs-pompiers. Les difficultés sociales se multiplient.

Il faut donc une reprise de la sécurité. Sur les 60 cibles de la police judiciaire, 22 ont déjà été interpellées.

Contrairement à ce que j'entends, après la destruction des bangas, les mineurs sont logés et accueillis par les services de l'enfance.

Oui, nous luttons contre l'immigration irrégulière - originaire souvent du Sri Lanka, de Madagascar, d'Afrique des Grands Lacs et des Comores. On doit se sentir à Mayotte comme dans n'importe quel département français ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)

Notation financière de la France (I)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quelques jours après le passage en force sur les retraites, même l'agence Fitch a sorti sa casserole en abaissant la note de la France ! (Sourires à gauche)

Nous ne révérons pas les agences de notation, mais toute l'action du Gouvernement a pour but de les satisfaire. Cependant, en plus d'être injuste, votre politique est inefficace. Le flou et les contradictions de votre programme de stabilité cachent toujours plus d'austérité.

Vous refusez toute justice fiscale, mais la crise sociale et démocratique due à votre politique brutale inquiète jusqu'aux marchés financiers. Il faut changer de gouvernance pour redonner l'espoir aux Français.

Attendrez-vous encore cent jours pour changer radicalement de méthode et prendre un nouveau cap plus juste, plus clair et plus efficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen, M. Éric Bocquet et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Plusieurs « Ah » sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Cohen brandit La Fugue américaine, volume récemment publié par M. le ministre.) Vous lisez les bons auteurs, madame la sénatrice. (Sourires)

Il y a un peu d'inconséquence dans votre question, monsieur le sénateur : vous regrettez la décision de l'agence Fitch tout en nous disant qu'il ne faudrait réduire ni les dépenses publiques ni la dette.

En 2017 et 2018, nous avons rétabli les finances publiques, sommes revenus sous les 3 % de déficit et sortis de la procédure de déficit excessif. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER)

Nous avons ensuite fait face à trois crises : gilets jaunes, covid et inflation. À chaque fois, nous avons pris les mesures nécessaires pour protéger citoyens et entreprises. (MM. Fabien Gay et Pascal Savoldelli protestent.)

J'ai bon espoir que nous sortions de la crise inflationniste cet été.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et Fitch alors ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avec la Première ministre, nous avons engagé une revue des dépenses publiques. (M. Fabien Gay proteste ; quelques exclamations à droite.) Je tiendrai début juin les assises des finances publiques. Nous allons accélérer le désendettement, pas pour quelque agence de notation, mais pour les Français et la souveraineté de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rémi Féraud.  - Je n'ai pas lu tous les derniers romans, mais plutôt l'appréciation de Fitch. Vous aggravez encore votre politique en sacrifiant davantage les services publics, sans prélever de juste contribution sur les plus riches et les multinationales, mais en pénalisant les Français après une période difficile et injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

Crise de la nuciculture

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC) Depuis plusieurs mois, la filière noix traverse une crise sans précédent. Les noix se vendent actuellement entre 50 centimes et 1 euro le kilo, contre 3 euros précédemment. Pourquoi ? La filière souffre d'une chute de 30 % de la consommation mondiale de noix, qui n'est pas considérée comme un produit essentiel malgré ses qualités nutritionnelles. L'inquiétude gagne les producteurs, du Lot à la Dordogne.

S'ajoutent des problèmes de trésorerie et de stockage. Dans le Lot, la Mutualité sociale agricole (MSA) et la chambre d'agriculture vont prendre en charge les cotisations sociales des exploitations en difficulté. Mais cela ne suffira pas : il faut un fonds d'urgence, peut-être même une campagne d'arrachage.

Quelles mesures prendrez-vous pour cette filière, qui pèse lourd dans l'économie de nombreux départements ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette filière connaît plutôt une crise de croissance. La demande mondiale est poussée par le snacking, et les surfaces ont augmenté de 50 % en dix ans, avec un contexte de surproduction cette année. La France est le premier exportateur européen et le quatrième exportateur mondial.

Nous voulons encore conforter la filière. Nous devons donc communiquer auprès de la grande distribution pour valoriser le produit chez nous et mieux exporter.

Ensuite, les acteurs de la filière doivent se saisir des mesures de retrait et de régulation. Ils peuvent se rapprocher de France AgriMer. Nous devons travailler à plus long terme pour stabiliser les productions, en raison de l'augmentation des surfaces.

Enfin, la filière fait partie de la grande famille des fruits et légumes. Nous travaillons à réduire les produits phytosanitaires tout en conservant la compétitivité et en trouvant de nouveaux marchés.

Moyens de l'industrie pour la transition écologique

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.) L'eau est un bien commun et sa gestion durable une nécessité vitale. Le dérèglement climatique s'accélère. Les sécheresses sont redoutables et notre adaptation n'est pas à la hauteur. Il faut des interventions d'urgence et des interventions structurelles.

Depuis plusieurs jours, le maire de Grigny, dans l'Essonne, discute avec l'usine de Coca-Cola pour qu'elle arrête de puiser dans la nappe phréatique. En Isère, STMicroelectronics, qui a reçu 2,3 milliards d'euros d'argent public, consommera 29 000 mètres cubes par jour, soit le besoin d'une ville de 100 000 habitants. En Bretagne, l'usine Bridor est contestée, pour sa consommation de terres agricoles. (Mme Françoise Gatel proteste.)

Pourtant, le recyclage de l'eau existe. Mais sans conditionnalité des aides, la gestion de l'eau passera toujours au second plan.

Le Gouvernement supprime la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et renforce les aides fiscales, mais pour quelles contreparties ? Nous soutenons une réindustrialisation utile. Car oui, on peut être écologiste et pour l'industrie. Mais peut-on être libéral et soucieux de l'écologie ? Combien de milliards consacrez-vous à une industrie compatible avec le changement climatique ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Monsieur le sénateur, vous dites que l'on peut être à la fois écologiste et soucieux de l'industrialisation de notre pays : je vous prends au mot. Pendant trop d'années, on a fait de l'écologie grâce à la désindustrialisation, en réduisant les émissions par la fermeture d'usines. Mais on a augmenté notre empreinte par les importations.

La réindustrialisation, qui favorise les circuits courts, est exactement le chemin à suivre. Tel sera l'esprit du prochain projet de loi présenté par Bruno Le Maire.

La gestion du foncier et des ressources naturelles est un défi. Pour l'eau, la trajectoire est simple : c'est celle de la sobriété. Nous disposerons de moins d'eau à l'avenir. Aussi, il faut optimiser les usages. À Grigny, il existe d'autres solutions technologiques, notamment la réutilisation. Vous vous dites favorable à la réindustrialisation, mais, confrontés aux projets réels, vous vous abritez derrière les difficultés qu'ils rencontrent. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Daniel Breuiller.  - Nous prônons la relocalisation depuis longtemps, car c'est une condition de la transition écologique. L'industrie doit être socialement utile, soutenable et économe en eau. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Violences du 1er mai (I)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Après l'incendie des cars de gendarmerie à Sainte-Soline, des policiers eux-mêmes ont été transformés en torches vivantes, le 1er mai à Paris. Semaine après semaine, l'ultragauche et les black blocs programment l'escalade, en visant l'insurrection.

Le guide suprême de la France soumise à Poutine nous explique, vêtu d'un manteau de cuir qui aurait fait fureur dans les années 1930, qu'il faut mettre à bas la mauvaise République. Ce n'est pas un énième dérapage verbal. Un de ses sous-fifres s'est chargé de l'exégèse à l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement d'hier, en s'adressant à la Première ministre ainsi : « Policiers brûlés, les coupables, c'est vous ! » Et de continuer : « À bas Macron et la mauvaise République. Vive la Constituante et la VIe République. Le 14 juillet, vous aurez votre prise de la Bastille. »

Cette névrose obsessionnelle du 14 juillet mériterait une consultation à Sainte-Anne... (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) Méfions-nous : les émeutes ont souvent été déclenchées par des dingues.

Cette tenaille entre la violence dans la rue et la zadisation de l'Assemblée nationale sape la confiance des Français dans leurs institutions et dissout le respect pour l'ordre républicain.

Je rends hommage au policier de 27 ans brûlé, aux 405 membres des forces de l'ordre blessés ce jour-là, et aux 1 083 blessés depuis le début de l'année.

Comment mieux protéger nos forces de l'ordre contre ces voyous qui ne veulent que casser du flic ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, RDPI et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, de nombreuses manifestations ont eu lieu en France. Dans la grande majorité des villes, grâce à la responsabilité des organisations syndicales et des préfets, les cortèges se sont déroulés sans heurts. Malheureusement, une fois de plus, à Paris, Nantes ou Rennes, des casseurs décidés à en découdre se sont infiltrés dans les cortèges et ont provoqué des troubles graves. Je pense aux élus, habitants, commerçants ayant subi des dégâts. Je pense aux parlementaires dont les permanences sont cassées.

Je pense aux forces de l'ordre attaquées : plus de 400 policiers et gendarmes ont été blessés, certains gravement. La France entière a été choquée par le sort du policier grièvement blessé par un cocktail Molotov. Je leur apporte tout mon soutien et celui de tous les élus, j'en suis sûre. Les auteurs de ces actions doivent être identifiés et conduits en justice.

C'est l'honneur de nos policiers et gendarmes de protéger la liberté d'expression et de manifestation. Toutes mesures renforçant leur protection seront étudiées.

Les dernières outrances du leader de La France insoumise sont une nouvelle étape de sa sape de la confiance des citoyens dans notre démocratie. Pour Jean-Luc Mélenchon, la seule bonne République, c'est lui. Nous resterons du côté de la République et de l'ordre républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, RDSE et UC)

Situation à Mayotte (III)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Monsieur le ministre de l'intérieur, vous menez une opération d'envergure à Mayotte, territoire particulier où 50 % de la population est étrangère, dont la moitié en situation irrégulière.

Depuis de nombreuses années, nous constatons une augmentation des actes de violence.

Qu'en est-il des accords de réadmission avec les Comores ? Sans les fameux laissez-passer consulaires, les difficultés perdureront. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je vous rassure : nous coopérons efficacement avec les Comores depuis quatre ans. Chaque année, à Mayotte, 25 000 reconduites à la frontière ont lieu, dont 100 % des condamnés par la justice française : nous aimerions de tels résultats avec d'autres pays.

Les Comores ont une revendication historique sur Mayotte, qu'elles souhaitent récupérer ; les circonstances électorales actuelles ont entraîné la fin des échanges par bateau depuis cinq jours, officiellement pour des raisons techniques, avec le port d'Anjouan. Mais nous sommes en contact. Nous utilisons tous les moyens diplomatiques pour rétablir ce lien maritime.

En continuant sur le même rythme d'expulsions, nous atteindrons nos objectifs. Les 1 500 gendarmes et militaires empêchent les nouvelles arrivées de kwassa-kwassa.

J'espère que nous arriverons un jour à l'examen d'un projet de loi sur l'immigration, au sein duquel je pourrai défendre la révision du droit du sol à Mayotte. (M. François Patriat applaudit.)

M. François-Noël Buffet.  - Nous attendons avec impatience ce texte sur l'immigration, mais comme soeur Anne, nous ne voyons rien venir.

Tant que nous n'instaurerons pas de rapport de force avec les pays de départ, la situation ne s'améliorera pas. Pas de visas sans laissez-passer consulaires !

Le problème de Mayotte va au-delà : il faut un projet à long terme qui garantisse le bien-être du peuple mahorais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP et du RDPI)

Notation financière de la France (II)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vendredi dernier, Fitch a dégradé la note de crédit de la France, la faisant passer de AA à AA-. L'agence a invoqué des déficits budgétaires importants et des progrès modestes.

Comme Standard & Poor's et Moody's, la principale activité de Fitch consiste à évaluer la capacité des États à rembourser leur dette. Nous détenions la meilleure note, AAA, avant 2012. La note de la France a donc été dégradée d'un cran supplémentaire. Cette décision va à l'encontre du signal envoyé aux marchés par le Gouvernement, avec l'adoption de la réforme des retraites, censée attester d'une maîtrise des finances publiques sur le long terme.

Mais si notre pays perd sa crédibilité, nous devrons emprunter plus cher sur les marchés et donc payer plus d'intérêts. Or la charge de la dette est passée de 37 à 50 milliards d'euros en quelques mois.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour restaurer la confiance en notre pays et pour enrayer la dégradation de sa notation ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je connais votre attachement à la bonne tenue des finances publiques, monsieur le sénateur. Je sais pouvoir compter sur votre vote favorable à la prochaine loi de programmation des finances publiques. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains)

La France n'a pas de difficultés à emprunter sur les marchés internationaux.

Si Fitch a modifié la note, Moody's l'a maintenue. Le spread avec l'Allemagne a peu évolué, de 50 à 59 points de base, ce qui montre la solidité de la France, alors que pour l'Italie, ce spread s'élève à 180 points de base.

Cela dit, je vous rejoins : il nous faut une stratégie stable, cohérente et déterminée. Pour ce faire, trois solutions : premièrement, la revue des dépenses publiques, annuelle à partir de 2023, s'assurera que chacune des dépenses remplit sa mission ; deuxièmement, les assises des finances publiques ; troisièmement, la loi de programmation des finances publiques, qui gravera dans le marbre...

M. Jean-François Husson.  - Il faudra un burin !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - À graver dans le marbre, on écrit dans le vent !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... le désendettement de la France. Nous proposerons 4 points de désendettement supplémentaires.

Tous ceux qui, ici au Sénat, croient à la nécessité de finances publiques bien tenues, devraient nous rejoindre dans notre mission ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Notation financière de la France (III)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Dans un contexte de tensions sociales persistantes, la dégradation de la note de la France confirme nos inquiétudes quant à l'incapacité à réduire notre endettement, qui atteint des sommets. D'autant que, en matière de croissance, les économistes sont bien moins optimistes que le Gouvernement pour la période 2023-2027.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que ce camouflet, à tout le moins cette alerte, ne vous inspire pas d'inquiétudes particulières et que nos comptes publics ne dérivent pas dangereusement ? Quelles conséquences en tirez-vous pour l'évolution de nos conditions de financement et de la charge de notre dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je suis là pour être non pas inquiet, mais déterminé.

La détermination à rétablir nos finances publiques nous a conduits à prendre des décisions structurantes ; certaines ont été votées par votre groupe, dont je salue l'esprit de responsabilité. (Exclamations sur certaines travées à gauche) Je pense notamment à la réforme de l'assurance chômage et à la réforme des retraites, dont Fitch a salué l'efficacité pour le rétablissement financier. (Murmures à gauche)

Une autre décision concrète sera la sortie du bouclier tarifaire, la fin du gel des prix du gaz et la sortie progressive du plafonnement des prix de l'électricité d'ici la fin de 2024 et le début de 2025 ; ces mesures ne sont plus utiles dès lors que les prix baissent. J'espère que vous nous soutiendrez aussi sur ce point.

Enfin, sur la loi de programmation des finances publiques, je suis ouvert à toute amélioration pour graver dans le marbre notre engagement.

Pourquoi est-ce important ? Pas pour faire plaisir aux agences de notation. (Marques d'ironie sur certaines travées à gauche) Mais pour rétablir pleinement notre indépendance financière, et aussi parce que, en période d'augmentation des taux d'intérêt, laisser filer la dette serait jeter l'argent par les fenêtres.

Un point de taux en plus, c'est, à l'horizon 2027, 15 milliards d'euros de charges supplémentaires, soit plus que le budget du garde des sceaux... Nul doute que mon collègue et nos compatriotes préfèrent que nous dépensions cet argent pour la sécurité, la justice, l'école et l'hôpital - bref, pour les services publics plutôt que pour le service de la dette.

Vous pouvez compter sur ma détermination totale à rétablir les finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - De la détermination, dites-vous ? Vu le résultat que nous constatons depuis six ans que vous êtes aux responsabilités, vous en avez singulièrement manqué.

Pour ma part, je suis inquiet. Les dépenses inscrites dans le programme de stabilité sont supérieures de 30 milliards d'euros à celles inscrites dans la loi de programmation : la dérive se poursuit donc.

Déterminés, nous le sommes, mais pour un temps de vérité, pas pour du camouflage. Pourquoi continuez-vous à dépenser de l'argent que nous n'avons pas ? Pourquoi avoir balayé d'un revers de main les pistes d'économie que nous vous avons proposées en décembre ? Il faut vraiment se mettre au travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

Fermetures de services à l'hôpital

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) On ne compte plus les fermetures temporaires de services d'urgences ou hospitaliers. Fort de sa connaissance du quotidien de nos compatriotes, le Sénat vous interpelle depuis des mois, pour ne pas dire des années, sur la désertification médicale, qui se déporte vers l'hôpital.

Récemment encore, je vous ai interrogé sur le risque de fermeture des hôpitaux de Ruffec et Confolens, en Charente. Aucun territoire n'est épargné par la cascade de fermetures de service - les « suspensions temporaires », comme vous dites par euphémisme - ni l'avalanche de défections de médecins, épuisés. Les fermetures de maternités mettent en danger la vie des femmes.

Écoutez les territoires ! Non, un service fermé n'est pas un service désengorgé. La promesse d'Emmanuel Macron d'améliorer l'offre de soins d'ici la fin de l'année est un mirage. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez livré sur France Inter un aperçu de votre boîte à outils - peu convaincant.

Les élus, les Français ont besoin de clarté sur les fermetures. Le recours massif au 15 est-il l'alpha et l'oméga de votre politique ? L'urgence, c'est l'accès à la santé, pas les retraites ! Que proposez-vous pour réguler l'accès aux soins ? Quelle est votre vision pour la continuité du service public de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Le mirage serait de faire croire aux Français que, demain, nous pourrions avoir cinq ou dix mille médecins de plus. Notre organisation globale est à repenser.

Gouvernement, professionnels de santé et élus, nous sommes en train de gagner, ensemble, le combat contre les dérives de l'intérim médical, dont dépend la survie de l'hôpital public.

L'hôpital de Confolens a pu rouvrir ses urgences grâce à la solidarité territoriale assurée par l'ARS. Il s'agit de travailler de façon plus intelligence à l'échelle d'un territoire pour garantir la continuité des parcours de soins.

Bien entendu, un service fermé n'est pas un service désengorgé. Mais nous avons les outils structurels pour désengorger les urgences, et ainsi tenir l'engagement du Président de la République.

Le service d'accès aux soins (SAS) est une des solutions pour mieux gérer l'amont. L'été dernier, grâce au 15, nous avons fait diminuer la fréquentation des urgences ; cette tendance se poursuit dans les départements qui ont mis en place le SAS.

En aval, pour la gestion des lits, d'autres solutions existent, dans le public comme le privé. Il faut aussi réorganiser nos services pour les rendre plus fluides.

Vous parlez de mirage ? En réalité, nous atteindrons notre objectif, tous ensemble et territoire par territoire. (M. François Patriat applaudit.)

Une voix à gauche. - C'est de la littérature !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Vous gérez la crise de l'hôpital à la petite semaine, sans vision d'ensemble et sans mesurer les conséquences de vos décisions - comme sur l'intérim. Vous éradiquez la médecine de proximité et condamnez des territoires entiers à la rupture de soins ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. David Assouline renchérit ; Mme la Première ministre se récrie.)

Pouvoir d'achat et logement

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard applaudit également.) Madame la Première ministre, les voix se multiplient, notamment dans la presse, pour alerter sur une bombe sociale : la crise du logement cause une fatigue quotidienne pour ceux qui sont contraints d'habiter loin de leur travail, angoisse ceux qui arrivent à la fin de leur vie active sans pouvoir acheter un toit et provoque la colère de ceux qui ne peuvent habiter près de leur famille, à cause de prix dissuasifs.

En un an, cent mille mal-logés en plus, 10 % de personnes à la rue en plus, cent mille demandeurs de logement social en plus. Les taux d'intérêt flambent, la construction est en berne, le marché de la location se grippe, les parcours résidentiels sont bloqués. Bref, tous les voyants sont au rouge.

Or, jusqu'à il y a peu, le Gouvernement était dans le déni total, aux abonnés absents. Pourquoi avoir si longtemps négligé la politique du logement, au coeur de la vie quotidienne de tous les Français ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le logement est bien une priorité du Gouvernement et du Président de la République depuis 2017. (On ironise à droite.)

M. Jean-François Husson.  - Ça ne s'est pas vu !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le plan logement a permis à 440 000 familles de quitter la rue.

MaPrimeRénov' fonctionne, malgré certaines difficultés : plus de 1,5 million de chantiers ont été menés à bien.

Oui, il y a une crise du logement - nous ne l'avons pas découverte dans la presse. J'ai moi-même parlé de bombe sociale, dès novembre dernier. Cette crise est la conséquence de politiques du logement insuffisantes depuis de nombreuses années. (M. Éric Kerrouche proteste.)

Nous allons y répondre, comme Mme la Première ministre l'a annoncé dans sa feuille de route. Nous agissons avec la Caisse des dépôts pour acquérir des logements et débloquer des projets.

Notre priorité est de loger tous les Français de manière digne et abordable. (Exclamations sur diverses travées ; M. Fabien Genet lève les bras au ciel.) En aidant la promotion immobilière, nous aidons toute la filière de l'habitat, privé comme social. Nous travaillons avec le ministre de l'économie...

M. Jean-François Husson.  - Il est parti !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - ... et les banques pour faciliter l'accès au crédit.

M. François Bonhomme.  - C'est comme la culture : plus on l'étale...

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous maintenons le prêt à taux zéro (PTZ), qui permet à nos concitoyens modestes de disposer d'un apport.

Dans le cadre du Conseil national de la refondation-Logement, nous continuerons à travailler ensemble pour l'union sacrée du logement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Vous dressez un constat, mais ne proposez que quelques mesures conjoncturelles. Dans sa feuille de route des Cent jours, Mme la Première ministre parle simplement de faciliter l'accès au logement et de favoriser le mieux-vivre...

Nous avons besoin de remèdes structurels : il faut une remise à plat de la politique du logement et un inventaire de la réglementation. C'est du bon sens, et c'est urgent. Car, derrière la crise du logement, se profile une crise sociale explosive dans un pays déjà à fleur de peau ! (« Bravo » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également et Mme Catherine Conconne lève le pouce en signe d'approbation.)

Rapport du COI

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question notre excellent collègue Philippe Tabarot. (Marques amusées d'admiration sur les travées du groupe Les Républicains)

Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a remis son rapport à la Première ministre voilà plus de deux mois. Les principales annonces du Gouvernement sont conformes à ce que préconisait notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : effort massif pour le ferroviaire, dont la moitié pour le réseau, lancement des contrats de plan État-Région, instruction des projets de RER métropolitains par la Société du Grand Paris.

La régénération du réseau ferroviaire est urgente, d'autant que la décarbonation des transports nécessitera un report massif vers le train. Le développement de RER métropolitains est une bonne stratégie pour supprimer des millions de trajets en voiture et offrir à toutes les métropoles des transports en commun performants : grâce aux expertises combinées de la Société du Grand Paris et de SNCF Réseau, nous avons tous les atouts pour réussir.

Pouvez-vous préciser les projets du Gouvernement pour le développement de ces RER ? Plus largement, quelles sont les méthodes de financement envisagées pour mettre en oeuvre les recommandations du COI ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Notamment le contournement sud d'Auxerre ! (Sourires)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - La Première ministre a présenté, en mars dernier, un plan d'avenir ambitieux pour les transports, qui doit beaucoup aux travaux de votre commission, notamment de votre excellent collègue Philippe Tabarot. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains ; on ironise à gauche.)

La priorité sera donnée au réseau ferroviaire, âgé malgré les réinvestissements récents. Nous augmenterons progressivement de 50 % les crédits investis chaque année dans le réseau. C'est la condition pour restaurer un certain nombre de lignes délaissées, voire sinistrées, comme Bordeaux-Marseille, Paris-Limoges ou Paris-Clermont-Ferrand.

La priorité est donnée également aux services express métropolitains. Ces projets ne sont pas au service des centres-villes, mais destinés à développer une alternative à la voiture individuelle dans les périphéries. En la matière, nous soutenons la proposition de loi du député Jean-Marc Zulesi.

L'effort financier s'élève à 100 milliards d'euros. Des crédits seront prévus dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. D'autres secteurs et d'autres modes de transport seront aussi mis à contribution - sociétés autoroutières et secteur aérien notamment.

Permettez-moi d'insister sur un projet important, le Lyon-Turin.

M. Loïc Hervé.  - Très bien ! (Sourires)

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous avons cette priorité à coeur. J'échangerai dans quelques jours avec le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en vue d'un effort collectif. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Politique du handicap

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, je représentais le président du Sénat à la sixième Conférence nationale du handicap (CNH).

Contrairement aux précédentes éditions, cette conférence n'a pas été un moment de partage d'objectifs : les acteurs du handicap, insatisfaits, en avaient demandé le report, afin d'engager une vraie concertation. Résultat : de nombreuses associations, dont le collectif Handicap, n'ont pas participé à la conférence. C'est regrettable, d'autant qu'un consensus pouvait être trouvé compte tenu des thématiques retenues.

Le Président de la République a énuméré des propositions pour l'accessibilité, la scolarisation, l'emploi et l'accès aux soins ; nous ne pouvons que saluer un certain nombre d'avancées, comme les 1,5 milliard d'euros annoncés pour l'accessibilité et le remboursement à 100 % des fauteuils roulants.

Mais en écoutant le Président de la République, nous nous sommes tous posé cette question : comment financer ces mesures, qui représentent plus de 4 milliards d'euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Attendue, cette CNH était un moment important pour le monde du handicap.

Certaines associations ont un peu grincé des dents, sans que je comprenne bien pourquoi. De fait, cette conférence a été préparée par huit groupes de travail, quarante réunions et de nombreuses contributions écrites : un vrai travail de coconstruction.

Je prends cette mauvaise humeur pour ce qu'elle est, mais je constate que la majorité des associations du collectif dont vous avez parlé étaient présentes.

Les associations sont exigeantes, et elles ont raison : les personnes handicapées doivent accéder pleinement à leurs droits, notamment en matière d'accessibilité - le Président de la République a annoncé 1,5 milliard d'euros à cette fin, en particulier pour les collectivités territoriales, les petits établissements recevant du public et les commerces du quotidien. Nous sommes très en retard : la volonté de mettre le pays en marche vers une accessibilité doit donc satisfaire les associations, dont je souhaite qu'elles reviennent toutes dans la coconstruction.

Un investissement pluriannuel est prévu, et les données vous seront communiquées quand elles seront prêtes.

M. Philippe Mouiller.  - La méthode employée est à l'image de celle du Gouvernement : mais ce n'est parce que des associations participent à des réunions de travail qu'elles valident le programme du Gouvernement.

Les sommes en jeu sont fortes parce que l'objectif est ambitieux. Au Sénat, nous serons vigilants sur la traduction financière des engagements présidentiels et sur l'absence de transfert de charges aux collectivités territoriales : quand l'État s'engage, l'État paie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Fin du tarif réglementé pour les factures d'énergie

M. Jean-Jacques Michau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) La précarité énergétique frappe un nombre croissant de nos concitoyens. Dans ce contexte, plus de 2 millions de personnes seront touchées par la fin des tarifs réglementés du gaz, le 30 juin - et même 7 millions de ménages si l'on tient compte de ceux qui ont basculé en offre de marché, mais dont les contrats sont indexés sur le tarif réglementé.

Certes, vous avez annoncé la prolongation du bouclier tarifaire jusqu'à la fin de l'année, mais ensuite ? Pouvez-vous assurer que le basculement vers l'offre passerelle ou d'autres contrats n'aura pas d'incidence sur les tarifs à court et moyen termes ? La piste d'un prix de référence déterminé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'offre aucune garantie.

Quelle est notre capacité à retrouver une maîtrise publique tarifaire sur l'électricité et le gaz, biens de première nécessité ? Alors que l'inflation et les dérèglements du marché se poursuivent, allez-vous reporter la fin des tarifs réglementés ? Quelles mesures défendez-vous en Europe pour que le prix du gaz n'atteigne pas des niveaux sans rapport avec le coût de production de l'électricité dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Contrairement à ce que vous laissez entendre, le tarif réglementé du gaz est un tarif de marché : il a augmenté de 200 % entre octobre 2021 et octobre 2022. Dès lors, c'est le bouclier énergétique qui a protégé les Français de l'emballement des prix du gaz. Ces prix sont, en gros, revenus à la normale.

Le bouclier sera prolongé jusqu'à la fin de l'année pour tous les ménages qui se chauffent et cuisinent au gaz, qu'ils soient ou non au tarif réglementé. La fin du tarif réglementé du gaz résulte d'une décision de justice. Nous accompagnerons les 2 millions de Français qui ont un contrat de ce type : s'ils ne concluent pas un nouveau contrat qui leur convient, ils bénéficieront automatiquement d'un tarif calculé par la CRE, qu'Engie s'est engagée à suivre.

Aucun pays n'a autant protégé sa population que la France contre l'évolution des prix de l'électricité et du gaz. Nous continuerons à accompagner nos concitoyens face à ces tensions. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Violences du 1er mai (II)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce 1er mai, les forces de l'ordre ont été la cible de violences d'une brutalité inouïe. Chacun a en tête cette image d'un policier en feu ; j'espère et je pense qu'elle a horrifié la quasi-totalité de nos compatriotes. Tous nos voeux de rétablissement vont aux plus de 400 agents blessés.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré que ces violences étaient inacceptables. Vous l'aviez déjà dit à Sainte-Soline, à Lorient, dans les Deux-Sèvres, à Paris, à Rennes, à Verdun... Je pourrais continuer longtemps.

Oui, ces violences sont inacceptables. Et après, que faisons-nous ? Ou plutôt, que faites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je vous remercie de soutenir les policiers et les gendarmes.

J'applique les lois de la République, votées par les deux chambres.

Le Gouvernement était à l'écoute de la proposition de loi de M. Retailleau, adoptée par les deux assemblées, mais censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Retailleau.  - Dans la rédaction de M. Castaner !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Si le ministre de l'intérieur outrepassait les lois pour appliquer sa loi personnelle, nous ne serions pas en démocratie.

Madame la sénatrice, que proposez-vous ? Nous avons fait des propositions et sommes favorables à l'idée de remettre l'ouvrage sur le métier, par une proposition ou un projet de loi - qu'importe le père, pourvu qu'il porte de beaux enfants.

Les casseurs cherchent à tuer des policiers et des gendarmes et empêchent les manifestants de manifester. À cet égard, je salue le communiqué du Parti communiste français dénonçant l'agression de certains de ses élus par des black blocs.

On ne va pas voir un match de football avec des cocktails Molotov dans la poche. De même, on ne va pas manifester avec des cocktails Molotov dans la poche. Et pour ceux qui sont connus des services de police comme très violents, le ministre de l'intérieur devrait pouvoir leur interdire de manifester - la loi actuelle ne le lui permet pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est un principe constitutionnel !

M. David Assouline.  - On peut faire des arrestations préventives !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Écrivons ensemble un texte pour être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Muriel Jourda.  - Le texte dont notre groupe était à l'origine n'aurait peut-être pas été censuré si nous l'avions voté dans sa rédaction initiale.

M. Jean-François Husson.  - Et voilà !

Mme Muriel Jourda.  - Prenons la mesure de l'enjeu, celui de l'État de droit.

L'État de droit, c'est la loi votée par le Parlement appliquée par une justice efficace et des forces de l'ordre respectées. Or vous mettez à mal le Parlement par les conventions citoyennes que vous multipliez, et la justice est considérée par nos concitoyens comme si peu efficace que la justice privée prospère.

Restent les forces de l'ordre : si elles vacillent, c'est l'État de droit qui vacillera. Alors, agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Désignation des grands électeurs municipaux

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au nom de mon groupe, j'assure les forces de l'ordre de notre soutien.

Ma question pourrait paraître anecdotique, mais, pour nous, elle a son importance... Il s'agit des quarante pages de circulaire qui concernent l'élection des grands électeurs aux prochaines sénatoriales.

La date du 9 juin est à saluer ; par le passé, nous avions les listes plus tardivement. Mais nombre d'élus sont inquiets par la complexité de cette circulaire. En particulier, les indications relatives aux communes nouvelles sont trop nombreuses pour être claires ; les préfets ne sont pas en mesure de nous donner, à l'heure actuelle, le nombre exact de grands électeurs.

En outre, la date du 9 juin est fixe, alors que certains élus ne pourront être présents, notamment du fait du congrès de la Fédération des centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui se tiendra à Ajaccio.

Comment comptez-vous simplifier les dispositifs prévus ? (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Votre question sur la date du 9 juin m'étonne un peu. Ce n'est pas à vous que je l'apprendrai : un élu absent peut faire une procuration. Par ailleurs, il semble que les sénateurs aient envie de parler aux grands électeurs : or, en juin, les associations d'élus se réunissent beaucoup. Nous avons prévenu les maires suffisamment tôt. En outre, si le quorum n'est pas atteint, le conseil municipal peut être reconvoqué.

Il y a une multiplicité de villes nouvelles, de taille de plus en plus importante. Dans ce cas, le nombre de grands électeurs doit être recalculé. Peut-être votre préfet n'a-t-il pas su vous l'expliquer, mais chaque préfet connaît le nombre de grands électeurs à désigner. Élu de Tourcoing, je sais combien de grands électeurs mon conseil municipal aura à désigner... (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

Mme Nathalie Goulet.  - Il y a eu de nombreuses remontées, et pas seulement dans mon département. Le préfet de l'Orne a installé une hotline, ce qui n'est généralement pas bon signe...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il fait son travail !

Mme Nathalie Goulet.  - Certes, ce sujet n'est pas majeur. Mais envisagez-vous une différenciation entre les départements soumis au scrutin proportionnel et ceux soumis au scrutin majoritaire ?

Gilets jaunes et colère sociale

Mme Esther Benbassa .  - Monsieur le ministre Dussopt, attendez-vous, comme le Président de la République, que les Français se lassent ou prennent peur ?

On ne compte plus les violences ni les blessés, de part et d'autre - ce qui permet de remettre la sécurité au centre du débat public. Protéger les Français est un devoir, mais il en est un autre : les entendre et leur répondre.

Les Français ne veulent pas travailler deux ans de plus, mais leur colère a aussi d'autres raisons, plus profondes. Je connais les gilets jaunes pour les avoir longtemps côtoyés dans les rues de Paris. (Exclamations sur certaines travées à droite) Avec ou sans gilets, syndiqués ou non, jeunes ou vieux, tous n'ont qu'une exigence : vivre mieux - donc partir en retraite à un âge qui permet d'en profiter vraiment.

Vivre mieux, c'est aussi être traité autrement par les gouvernants. M. Macron peut bien se promener dans nos régions : s'il ne change pas et son gouvernement non plus, la colère ne retombera pas.

La Cinquième République est à l'agonie : votre exercice ultra-vertical du pouvoir la tue, et le RN vous remercie.

Quand admettrez-vous qu'il faut négocier, parfois céder ? Quand céderez-vous sur un texte inutile et injuste ? Céder, ce n'est pas forcément perdre ! (M. Daniel Breuiller applaudit.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Vous dites qu'il faut négocier : la réforme des retraites a fait l'objet d'une concertation de quatre mois, puis de longs débats parlementaires. Le texte a été adopté ici même à une large majorité.

M. David Assouline.  - Et le 49.3 ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Ce texte est légitime et a été adopté de manière démocratique.

Vous dites qu'il faut continuer à discuter. Telle est notre intention, sur les conditions de travail, l'emploi des seniors et les carrières. Sur le partage de la valeur, nous transposerons fidèlement l'intégralité de l'accord conclu par quatre organisations syndicales et trois organisations professionnelles. Désormais, les branches professionnelles ont l'obligation de négocier des accords de prévention de l'usure professionnelle.

Vous regrettez les blessés et la violence. Mais j'ai en tête votre participation à une manifestation, il y a quelques mois, lorsque vous parodiez le passage à tabac du Président de la République. À l'instant, vous n'avez pas une fois apporté votre soutien aux forces de l'ordre, mises à rude épreuve.

Par vos encouragements aux désordres et aux outrances, c'est vous qui êtes un marchepied pour le Front national ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.