Programme de stabilité et orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques, à la demande de la commission des finances.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Avec ce programme de stabilité, nous vous présentons une trajectoire de redressement réaliste et déterminée. C'est un moment de bascule, avec la fin de l'ère de l'argent gratuit et l'impératif de désendettement.

Il y a cinq ans, nous présentions des améliorations sensibles de nos comptes : la France revenait sous les 3 % de déficit, sortant de la procédure pour déficit excessif.

Il y a trois ans, le covid nous a contraints à agir dans l'urgence pour éviter l'effondrement. C'était le bon choix. La dette a augmenté, mais c'était vital pour protéger nos concitoyens. De nombreuses études montrent que, si nous n'avions pas fait ce choix, la dette aurait augmenté davantage encore.

Puis est venu le plan de relance, après la crise sanitaire, suivi des mesures contre l'inflation - le bouclier tarifaire de 200 euros par facture d'énergie, par exemple. Tout au long de ces crises, notre seule ligne de force aura été de protéger les Français.

Conséquence évidente, la dette a progressé de 16 points, passant de 97 % du PIB en 2019 à 113 % en 2021. Encore cette augmentation est-elle dans la moyenne européenne : la dette allemande a progressé de 10 points, la dette italienne de 16 points, celle de l'Espagne de 20 points. Le décrochage de notre dette a commencé bien avant, avec la crise de 2008.

De plus, nous avons changé d'époque avec l'augmentation massive des taux d'intérêt, passés en un an de moins de 1 à 3 %.

C'est donc la fin de l'argent gratuit ; il faut reprendre le contrôle de notre dette pour rester indépendants et conserver la maîtrise de nos choix : soutenir la France qui travaille, mettre le paquet sur nos services publics, accélérer la transition verte.

Le changement de notation de l'agence Fitch a fait l'objet de plusieurs questions d'actualité au Gouvernement tout à l'heure, du rapporteur général et de M. Féraud notamment. Fitch a dégradé la notation de notre dette souveraine de AA avec perspective négative à AA- avec perspective stable. Bruno Le Maire l'a dit : nous ne céderons ni au pessimisme ni au fatalisme, déterminés à maintenir la crédibilité financière de la France.

L'agence Moody's a d'ailleurs maintenu notre note à AA : les observateurs croient toujours en notre résilience, car nos réformes structurelles - réforme de l'assurance chômage, baisse des impôts de production et notamment de l'impôt sur les sociétés, réforme des retraites - continueront de produire leurs effets.

Tout cela concourt à notre objectif de bâtir une société du travail prenant en compte les aspirations de nos compatriotes : travailler autrement, avec plus de liberté dans l'organisation quotidienne, plus d'opportunités dans la vie professionnelle. Nous ouvrons ce chantier avec le nouveau pacte de la vie au travail annoncé par le Président de la République.

Notre détermination à rétablir les comptes publics est totale. Je vois dans le changement de notre notation une incitation à accélérer les réformes.

En 2023, la charge de la dette augmentera de 10 milliards d'euros du seul fait de la remontée des taux d'intérêt : bientôt, ce sera à nouveau le premier poste budgétaire de l'État. À en croire certains, la solution est de ne jamais rembourser notre dette, mais la tentation de l'ardoise magique est la certitude de la faillite. Notre adversaire, c'est la dette, pas le sérieux budgétaire.

Nous commencerons à rembourser la dette à la fin du quinquennat et ramènerons les déficits des administrations publiques à moins de 3 %.

Le programme de stabilité prévoit une trajectoire de désendettement. Le précédent, l'année dernière, prévoyait un déficit public à 2,9 % en 2027 et une dette à 112,5 %. Nous ramenons ces prévisions respectives à 2,7 % en 2027 et 108,3 %.

Nous ne céderons pas au réflexe fiscal, car nous refusons de faire payer les classes moyennes. D'abord, en matière d'impôts, nous sommes déjà au taquet. (Le rapporteur général s'amuse de l'expression.) Ensuite, ce n'est pas aux ménages de payer les soubresauts de l'économie mondiale. Depuis 2017, nous avons baissé leurs impôts de 25 milliards d'euros ; ce n'est pas aujourd'hui que nous allons les augmenter.

Nous voulons aussi réaliser des économies dès 2024 : dans certains secteurs, nous dépensons trop - je le dis sans allergie à la dépense publique. La revue des dépenses que nous engageons permettra d'entrer dans le détail des économies à réaliser. Nous avons déjà engagé des efforts en ciblant davantage les dispositifs, comme la ristourne sur le carburant, qui a coûté 8 milliards d'euros l'an dernier, remplacée par une aide ciblée sur les travailleurs modestes d'un coût de 1 milliard.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.   - Si vous aviez écouté le Sénat...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Le ratio de la dépense publique sur le PIB passera à 53,5 % en 2027, quatre points de moins qu'en 2022.

Comment répartir les efforts ? Dans le précédent programme de stabilité, nous prévoyions une baisse en volume de 0,4 % des dépenses de l'État, de 0,5 % de celles des collectivités territoriales.

Nous avons entendu les parlementaires, les élus locaux et modifié dans ce programme la répartition de l'effort : 0,8 % pour l'État et 0,5 % pour les collectivités territoriales.

Un secteur de dépenses augmente : celui des administrations de sécurité sociale, avec +0,5 %. Nous préservons ainsi l'hôpital public : la rapporteure générale de la commission des affaires sociales s'en félicitera...

Ce programme de stabilité n'est donc pas un programme d'austérité. L'austérité, c'est injuste et inefficace : chaque fois qu'elle a été engagée, elle a produit plus d'impôts et de chômage, moins de croissance et, au final, plus de déficit.

Nous assumons le sérieux budgétaire, qui permet d'être ambitieux pour nos services publics : école, police, justice, armée - et l'hôpital public, avec des moyens portés pour la première fois au-delà de 100 milliards d'euros.

Nous rehaussons nos ambitions en matière de déficit sans rien renier de nos engagements pour les services publics : chaque euro dépensé doit l'être à leur bénéfice, pour qu'ils redeviennent les meilleurs d'Europe.

Parfois, nos concitoyens ont le sentiment de ne pas savoir à quoi servent leurs impôts. Nous plaçons notre stratégie de réduction du déficit sous le signe de la confiance - dans les impôts et dans les services publics. Chaque euro dépensé doit être utile, mais chaque euro dû doit être perçu : c'est l'objet du plan de lutte contre la fraude que je présenterai prochainement.

Voilà notre feuille de route pour servir au mieux les Français. Je suis convaincu que nous pourrons nous rassembler autour de ce combat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Lors du récent déplacement du Bureau de la commission des finances à Berlin et Francfort, nous avons échangé avec nos homologues allemands sur la réforme des règles européennes de coordination budgétaire. Cette réforme prévoit une meilleure prise en compte des investissements nécessaires pour faire face aux défis de demain et une différenciation des objectifs de réduction de la dette et du déficit en fonction de la situation réelle des pays.

Cette réforme est nécessaire, car les règles précédentes n'ont pas permis de réduire les déficits. Nos économies sont sorties plus endettées des crises et nous ne pouvons ignorer le réchauffement climatique ni la nécessité de renforcer notre résilience. Cela suppose le respect de deux principes : les trajectoires présentées doivent être construites sur des hypothèses crédibles et les objectifs de maîtrise des comptes doivent être à la hauteur.

Or tel ne semble pas être le cas du programme de stabilité présenté, qui fragilise donc la parole de la France vis-à-vis de ses partenaires.

D'abord, le scénario de croissance. Le Gouvernement n'a pas révisé la prévision présentée à l'automne dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) : 1,7 % de croissance par an, alors que le Consensus Forecast prévoit 1,4 %. L'écart le plus important porte sur la consommation des ménages : 1,6 % contre 1,1 %.

En revanche, vous avez réévalué, sans la documenter, votre estimation du déflateur du PIB, qui commande l'évolution de ce dernier en valeur, sur laquelle le produit des impôts est calculé : 5,4 % en 2023, en augmentation de près de deux points par rapport au projet de loi de LPFP. Les conjoncturistes du FMI et de la Banque de France retiennent, eux, le chiffre de 3 %. Entre cette nouvelle estimation et celle du projet de LPFP, il y a un écart de 50 milliards d'euros de PIB pour 2023, soit plus de 13 milliards d'euros de recettes supplémentaires... C'est bien opportun !

La stratégie d'amélioration des comptes publics repose donc sur une hypothèse qui n'est ni documentée ni partagée. Certes, le déflateur est estimé à 5 % par la Commission européenne, mais avec une croissance bien plus faible du PIB : 30 milliards de moins que votre prévision pour cette année.

On a l'impression que le Gouvernement a choisi de retenir les hypothèses plus favorables pour la plupart des indicateurs... Vous estimez la croissance potentielle à 1,35 % par an, davantage que la plupart des conjoncturistes. Ainsi, selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), le chiffre est trop élevé, d'autant qu'il repose sur une économie qui fonctionnerait en deçà de ses capacités, ce dont on peut douter compte tenu des difficultés de recrutement.

Vos hypothèses sont trop optimistes et trop fragiles, ce qui n'est pas de nature à installer la confiance dans le cadre de notre dialogue avec la Commission européenne.

Depuis quelques jours, les ministres se prévalent des efforts en dépense dans la trajectoire des finances publiques. Là encore, la réalité est différente. D'abord vous avez revu le scénario macroéconomique, avec un PIB en 2027 supérieur de 70 milliards à la prévision présentée dans le projet de LPFP, sans aucune mesure nouvelle ! Le Gouvernement annonce, certes, des baisses d'impôts pour les classes moyennes, mais il n'y en a aucune trace dans le programme de stabilité.

La prévision d'évolution des dépenses publiques semblait en revanche plus sûre : plus 30 milliards d'euros en 2027 par rapport à la cible présentée il y a quelques mois. Dans cette hausse, 12 milliards d'euros correspondent à la hausse de la charge de la dette, premier poste de dépense de l'État. Pour le reste, les dépenses ordinaires augmenteraient de 17 à 18 milliards d'euros. Ainsi, de +0,7 % par an dans le projet de LPFP, nous passons à +0,9 %. À quoi seront affectés ces crédits supplémentaires ? Le document ne l'indique pas.

Vous dites, monsieur le ministre, avoir entendu les collectivités territoriales, avec un effort plus important qui reviendrait à l'État. Mais aucune donnée, aucun tableau ne permet de retracer les dépenses des différentes administrations : nous en restons au niveau de l'incantation.

Je reste sur la ligne suivie lors de l'examen du projet de LPFP : la trajectoire de réduction des dépenses n'est pas assez ambitieuse. Fitch semble partager cet avis...

Dans votre prévision, le déficit s'améliorerait de 4 milliards d'euros en 2027 pour s'établir à 2,7 % du PIB au lieu de 2,9 %. Ces bons résultats reposent sur un scénario macroéconomique contestable, et la hausse des recettes reste incertaine.

Le scénario proposé repose sur des estimations qui ne font pas consensus. L'amélioration des déficits et de l'endettement semble à la fois limitée et incertaine. La France n'est pas à la hauteur de ses engagements européens et paraît affaiblie vis-à-vis de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains) La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) impose au Gouvernement de transmettre le programme de stabilité et le programme national de réforme au plus tard quinze jours avant la présentation à l'Union européenne, afin que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent en débattre.

Je regrette que ce calendrier, encore une fois, ne soit pas respecté. Cette année, nous ne disposons ni du programme national de réforme ni du document d'orientation des finances publiques.

Notre débat s'inscrit cependant dans un contexte particulier : le projet de LPFP n'a pas été adopté. Le ministre nous a indiqué que l'Assemblée nationale l'examinerait à nouveau en juillet.

Avec la crise sanitaire, les incertitudes macroéconomiques étaient importantes, et les règles du pacte de stabilité et de croissance avaient été suspendues. Même en tenant compte de la crise énergétique, l'exercice de prévision redevient un peu plus fiable, et les règles budgétaires, que nous espérons réformées, s'appliqueront à nouveau à partir de 2024.

La prévision de croissance du LPFP, jugée trop optimiste par tous les experts, est reconduite. Le HCFP a donc renouvelé son message de prudence, surtout à l'égard de la croissance potentielle. L'augmentation de l'emploi lui semble surestimée. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lui, estime que 2023 sera l'année du retournement du marché du travail.

Une bataille s'était engagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale concernant la trajectoire de dépenses. Le Gouvernement manque à la transparence en ne distinguant pas la fin des mesures de soutien temporaire des dépenses courantes.

La trajectoire de dépenses reste comparable à celle présentée lors du projet de LPFP, et elle n'est pas davantage documentée : à en croire la presse, vous attendez des ministères des économies de 5 %...

Nous savons déjà sur qui le Gouvernement fait peser les efforts : le système des retraites, l'indemnisation du chômage et les minima sociaux. Nous sentons le Gouvernement prêt à courir tous les lièvres pour mettre en scène sa recherche d'économies...

Monsieur le ministre, vous venez de lancer une initiative proposant aux Français d'apprendre si, en matière d'impôts, ils en ont pour leur argent. Comme si au consentement à l'impôt, qui participe d'un modèle social, se substituait une formule thatchérienne bien connue : « I want my money back ! » - les professeurs d'anglais apprécieront... (M. Éric Bocquet le confirme.)

Un accouchement coûte 2 600 euros, mais combien rapporte à la Nation une mise au monde à l'hôpital public ? Le programme de stabilité reste dans la droite ligne de la politique gouvernementale : pas de nouvelles mesures budgétaires, si ce n'est des baisses d'impôts pour les classes moyennes, sans davantage de précisions. Je ne suis pas sûr que nos partenaires comme nos prêteurs soient rassurés par de telles annonces.

Ce programme de stabilité s'inscrit dans le schéma habituel : scénario macroéconomique optimiste, objectifs de baisse des dépenses très élevés. Je ne partage pas ces orientations, mais je me rassure : elles ne sont pas crédibles ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) La commission des affaires sociales ne sera pas plus indulgente que la commission des finances. Les hypothèses macroéconomiques sont trop optimistes, comme en témoigne l'analyse du HCFP. Ce dernier considère que la prévision de croissance effective, de 1,7 % en moyenne entre 2025 et 2027, est très élevée ; le Haut Conseil doute des hypothèses de croissance potentielle, reposant sur des gains de productivité qui semblent surestimés.

La récente dégradation de la note française résonne comme un avertissement. Ce matin, Bertille Bayart écrivait dans sa chronique du Figaro : « Tout le monde se fiche de Fitch ». Vous avez d'ailleurs cité Moody's, qui a maintenu sa note.

Anticipez-vous les conséquences de ces prévisions sur les conditions de financement des établissements publics ? C'est sur la base de ces incertitudes qu'il faut lire les prévisions concernant les administrations de sécurité sociale (Asso).

Après un retour dans le vert en 2022, le solde consolidé des Asso navigue entre 0,6 point de PIB en 2024 et 0,9 point en 2027. Mais ce solde positif est largement tiré par des administrations hors périmètre de la loi de financement de la Sécurité sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), car cet amortissement est paradoxalement enregistré comme un bénéfice, l'Assurance chômage, avec la baisse du nombre de demandeurs d'emploi, et les organismes complémentaires, dont l'Agirc-Arrco.

Les régimes de base de la sécurité sociale devraient, eux, rester en déficit : une dégradation est même prévue, de 8,2 milliards d'euros en 2023 à plus de 13 milliards en 2025 et 2026. Comment le gérer, alors que le plafond de transfert à la Cades est atteint ? Envisagez-vous de demander de nouvelles autorisations à court ou moyen terme ?

Le Gouvernement prévoit un fort dynamisme des dépenses de la sécurité sociale, l'extinction des mesures exceptionnelles étant compensée par l'inflation des dépenses de retraite et d'allocations familiales.

Les mesures du Gouvernement reposent uniquement sur la sphère sociale, qu'il s'agisse de l'assurance chômage ou de la réforme des retraites. Le Sénat a pris sa part dans ces deux réformes, en cohérence avec ses votes passés.

Mais les besoins en matière de santé et d'autonomie sont grandissants. Comment y faire face ? La documentation est lacunaire sur ce point.

Laisser filer la dette est plus qu'une inconscience : c'est une perte de liberté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli .  - L'heure est fatidique : l'agence Fitch a dégradé la note de la dette française, qui reflète la confiance des marchés financiers. En tant que parlementaire, invité à m'exprimer sur la confiance dans ce programme de stabilité que vous transmettrez à l'Union européenne, ma note serait bien plus faible que AA-...

Le contexte favorable d'avant le covid n'a donné lieu à aucune avancée majeure pour les services publics, au contraire : déficits budgétaires importants, progrès modestes dans leur réduction, alors que vos prévisions de croissance sont optimistes.

La charge de la dette augmente de 15,2 milliards d'euros l'année prochaine, soit plus que les économies espérées de la réforme des retraites. Vous vous acharnez, quoi qu'il en coûte, à faire plaisir aux marchés financiers : cette augmentation est presque entièrement due à une augmentation temporaire des paiements d'intérêts sur les obligations indexées sur l'inflation. C'est cette indexation qui permet aux marchés d'assurer leur mise. Ainsi, vous faites payer deux fois l'inflation aux Français : dans la consommation et dans les intérêts indus de la dette.

Vous faites peser le poids de vos erreurs sur les Français, et en premier lieu les collectivités territoriales. Toute la société est malmenée. Combien de territoires en pénurie d'eau ? La désertification médicale engendre colère et, parfois, violence...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Tout cela, c'est notre faute ?

M. Pascal Savoldelli.  - L'éducation, la sécurité, les logements sont les premiers tributaires d'une cure d'austérité. Vous avez la politique hasardeuse. Est-ce aux contribuables de payer les 32 milliards d'euros du bouclier tarifaire ? Vous ne protégez ni les finances publiques ni les Français.

Votre gouvernement affirme qu'un ralentissement de l'inflation s'observera au second semestre, sous l'effet de la baisse des prix industriels et agricoles. Un rappel, monsieur le ministre : les prix ne baissent jamais, ils augmentent moins vite ! Une fois ce mensonge mis au jour, comment pourrions-nous vous faire confiance ?

Même un porte-parole de vos amis financiers s'inquiète de votre politique du moins d'impôts. Vous n'avez pas rassuré les marchés ! Emmanuel Macron a pourtant justifié le recours à l'arme lourde du 44.3 par le risque financier...

Ils sont surtout inquiets de l'agitation sociale qui ne s'arrêtera pas, alors que les Français se mobilisent depuis treize semaines. Les pressions sociales et politiques compliqueront l'assainissement budgétaire, selon l'agence de notation. Plus personne n'a confiance dans vos chiffres sur les effets des réformes structurelles, dont celle des retraites.

Les marchés financiers sont ingrats avec vous : vous les servez, ils vous sanctionnent. Il vous faut non pas un cap, mais une boussole : celle de la légitimité sociale et parlementaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Dans son programme de stabilité, le Gouvernement affiche un objectif de réduction du déficit public à 2,7 % du PIB et du ratio d'endettement public à 108,3 % d'ici quatre ans.

Le groupe UC partage l'objectif de réduction des déficits et de la dette. De moins de 40 milliards d'euros en 2021 à 70 milliards en 2027, la charge de la dette s'envole. La poursuite de la dégradation des comptes publics ne peut pas être une option.

Or près de 20 % des dépenses de l'État sont gagées par une loi de programmation qui prévoit une hausse des crédits de plusieurs ministères.

De plus, le redressement des comptes publics ne peut se faire au détriment des services publics essentiels - éducation, santé, justice -, auquel l'État doit garantir l'égal accès. Il ne peut pas davantage se faire sans les investissements nécessaires pour la transition écologique.

Quatrième impératif, la trajectoire budgétaire doit tenir compte des besoins des collectivités territoriales et ne saurait se faire au détriment du monde rural.

Il faut donc concilier le redressement des comptes avec ces impératifs de dépense. Le levier des recettes doit lui aussi être actionné. (M. Daniel Breuiller applaudit.)

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Très bien !

M. Bernard Delcros.  - C'est pourquoi le groupe UC a proposé une contribution exceptionnelle pour les entreprises ayant réalisé des bénéfices exceptionnels à la faveur de la crise.

Nous approuvons sans réserve le plan de lutte contre toutes les fraudes, qui apportera des recettes importantes. Il faudra aussi un travail de fond sur les niches fiscales, qui représentent aujourd'hui près de 88 milliards d'euros.

D'autres pistes de recettes supplémentaires peuvent être envisagées : une coupe de 5 % dans tous les ministères ne répond pas aux besoins du pays.

Il convient de trouver un équilibre entre maîtrise de la dépense publique, optimisation des rentrées fiscales et politiques de l'État au rendez-vous des enjeux. Nous apporterons notre contribution à ce défi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Voici venu mon tour de participer à cette causerie... (Sourires)

Le HCFP a émis des remarques que je partage ; et ce soir le Sénat, dans la sérénité et le respect qui le caractérisent, va causer !

Les hypothèses macroéconomiques sont empreintes d'un optimisme que ne partagent ni l'OCDE, ni Rexecode, ni la Commission européenne.

Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,7 % par an, contre 1,4 % pour le HCFP et le Fonds monétaire international (FMI) et 1,2 % pour le Consensus Forecast. L'augmentation projetée de la consommation semble compromise par l'inflation.

Le programme de stabilité prévoit une baisse des dépenses publiques, comptant sur la fin du « quoi qu'il en coûte » et les 8 milliards d'euros d'économies escomptés de la réforme des retraites. C'est un peu optimiste...

Quel chiffre retenir pour le taux de chômage ? Le Gouvernement prévoit le retour au plein emploi pour 2027, mais un tableau indique un chômage à 4,5 % à la même date dans le document transmis.

Je regrette que le programme de stabilité ne soit que la poursuite de la politique du rabot, sans réforme des administrations centrales. Celles-ci sont préservées, alors que les services déconcentrés de l'État sont privés de moyens.

Il faut entrer dans une nouvelle phase de la décentralisation, pour que l'État se concentre sur ses missions régaliennes. À vouloir tout faire, il risque de tout faire mal.

Je crains que les économies ne portent essentiellement sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale, et bien peu sur l'État.

L'excédent prévisionnel de 0,5 % pour les collectivités territoriales est inatteignable, sauf sous la contrainte d'un nouveau pacte de Cahors.

La charge de la dette passerait de 40 milliards d'euros à 49 milliards en 2024 et 71 milliards en 2027, devenant le premier poste de dépense l'État ; la réduction de la dette est donc une impérieuse nécessité.

Je m'inquiète également des prémices d'une crise financière mondiale.

L'exécutif dit vouloir baisser les impôts - CVAE, impôts des classes moyennes ; il annonce également une loi de programmation militaire de 413 milliards d'euros, la revalorisation des enseignants, un plan pour les urgences, pour la justice, pour l'industrie verte... Où sont les économies ?

Ce programme de stabilité pourrait être fort inquiétant. Mais chacun sait que, comme les autres, il finira dans un tiroir bien fermé et sera vite oublié ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et SER)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre chargé des comptes publics, ou plutôt monsieur le ministre des comptes publics chargés (rires), qu'est-ce que ce gouvernement qui commence par ne pas respecter la Lolf ? Vous n'avez pas respecté la dernière loi voulue par votre majorité, qui prévoit la transmission du programme de stabilité au Parlement quinze jours avant sa transmission à Bruxelles. Nous sommes donc conviés à une simple causerie. Il s'agit pourtant des impôts des Français et de leur utilisation : le coeur du rôle du Parlement !

Vous avez le toupet d'évoquer le chapitre gouvernance, oubliant l'absence de vote sur la LPFP, le non-respect de la Lolf, socle de cette bonne gouvernance... Ce n'est pas très bien.

Sur la macroéconomie, le rapporteur général a été disert et a rappelé vos hypothèses optimistes. Nous serions « au top » sur tout : optimistes sur la croissance, très optimistes sur l'inflation et les taux d'intérêt... Tout va bien, et par miracle, nous passerions sous les 3 %, comme l'exige la négociation actuelle à Bruxelles sur la révision des règles du pacte de stabilité.

Et comme la magie ne vient jamais seule, c'est parce que les collectivités territoriales feront un excédent de 0,5 point de PIB, ce qui ne s'est jamais vu. Avec une amélioration plus réaliste de 0,1 point, nous ne passerions pas sous les 3 %.

Vous dites que le Gouvernement fera un effort supplémentaire, mais nous partons de plus haut : 40 milliards d'euros de plus que dans la LPFP, que nous n'avons pas votée !

Comment documentez-vous les one off, les fusils à un coup qui vous ont permis de passer entre les mailles du filet ? Où faites-vous les économies ? Le solde structurel ne s'améliore d'ailleurs pas.

On dégrade, mais c'est pour prendre de l'élan, pour mieux remonter ensuite, dites-vous. Non ! Chaque fois qu'on dégrade, on dégrade.

J'en reviens au coeur du sujet : la soutenabilité de la dette. Nous émettons 135 milliards d'euros de plus sur les marchés, car la Banque centrale européenne (BCE) a arrêté sa politique de rachat.

Mais vous soutenez aussi le plan REPowerEU, soit 550 milliards d'euros de dette supplémentaire !

« On ne meurt pas de ses dettes, disait Oscar Wilde. On meurt de ne plus pouvoir en faire.» « Un pays qui s'abandonne à la dette est un pays qui s'abandonne », disait Pierre Mendès France. Je ne voudrais pas, comme dirait un bon auteur qui nous manque, que notre dette soit « dilatée comme jamais » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La semaine dernière, Fitch a dégradé la note de la France. Notre pays est sanctionné pour avoir mené à bien une réforme courageuse. Fitch se fait paradoxalement l'écho des opposants à la réforme. C'est mal payer les efforts demandés aux Français pour rétablir les comptes publics.

Le Gouvernement est déterminé à repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027 et à réduire le taux d'endettement. Nous soutenons ces choix validés par les urnes. Il s'agit d'arbitrages stratégiques renouant avec le temps long - celui de l'industrie.

Réindustrialiser, c'est faire des territoires les tremplins d'une relance plus verte, créatrice d'emplois. C'est augmenter nos dépenses de R&D pour répondre aux défis du siècle, comme la transition écologique. C'est monter en compétence pour gagner des marchés à l'international et rééquilibrer notre balance commerciale.

D'où la baisse des impôts de production, la suppression de la CVAE le pilotage dynamique des dépenses et des recettes.

La gestion des finances publiques est parfois contre-intuitive : baisser les impôts peut augmenter les recettes, augmenter les dépenses peut réduire le déficit...

Tout est question de choix stratégiques. Le soutien massif et indifférencié n'est plus possible. Avec la remontée des taux, le « quoi qu'il en coûte » n'est plus d'actualité. Je plaide, pour ma part, pour le « mieux qu'il en coûte », qui consiste à optimiser le rendement de chaque euro dépensé. À moyens constants, nous pouvons et devons faire mieux.

Il faut redonner aux Français confiance en la puissance publique, en préservant le consentement à l'impôt. Cela passe par un audit de toutes les dépenses, et des pistes de réduction.

Le Gouvernement a engagé des actions pour renforcer la confiance des Français - elle est indispensable pour réussir les réformes à mener si nous voulons éviter le décrochage face aux géants américain et chinois. Nous attendons beaucoup, à cet égard, du projet de loi Industrie verte.

La dégradation de la note française est postérieure à la publication du programme de stabilité. Atteindre les objectifs ne suffira pas à améliorer notre note, mais ne pas les atteindre la dégraderait à coup sûr.

Les solutions de facilité qui ne trompent ni les Français, ni les marchés. Souvenez-vous du gouvernement de Liz Truss... Le rétablissement des finances publiques par la réduction du déficit et le désendettement est la seule voie de notre souveraineté. Cela passe par l'efficacité de la dépense publique et la réindustrialisation des territoires.

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.) Vous nous transmettez - avec retard - un tableau impressionniste nommé programme de stabilité. Je l'aurais pour ma part intitulé « baisse des déficits à l'horizon et au soleil levant », car tout y est dépeint en touches subtiles et en imprécisions choisies.

Vos prévisions d'inflation sont sous-estimées, vos précisions de croissance surestimées, et vous prétendez baisser de 5 % les dépenses de l'État. Où allez-vous taper ? Pas sur la santé ni sur la LPM... Alors, sur l'éducation, le soutien aux collectivités territoriales ?

Vous poursuivez le désarmement fiscal de l'État par des baisses d'impôts pour les plus riches, nous privant de recettes indispensables. Vous n'entendez pas l'urgence écologique, pas plus que les difficultés des Français face à l'inflation alimentaire, qui atteint 14 %. Ce que vous nous proposez, c'est l'instabilité et l'austérité.

Je sais qu'il n'y a pas d'argent magique, que le coût de la dette pèse lourd. Mais la dette climatique coûtera plus cher encore. Arrêtez les baisses d'impôts sans contrepartie aux entreprises du CAC 40 dont les bénéfices explosent : 19 milliards d'euros pour Total, 11 milliards pour LVMH, 23 milliards pour CMA CGM, 10 milliards pour BNP Paribas. Les dividendes sont exponentiels : 80 milliards d'euros distribués au printemps 2022. Taxez les dividendes, taxez les très hauts revenus !

Votre stratégie est d'abord au service des plus riches, et le ruissellement ne marche pas. Est-il normal que certains accumulent les dividendes record quand d'autres peinent à se nourrir ?

La réforme des retraites dégagera 8 milliards d'euros d'économies, soit le coût de la ristourne essence en 2022... Tout ça pour ça !

Après la réforme de l'assurance chômage, les Français ont compris que les économies se feraient sur leurs droits les plus essentiels. Et bientôt, le travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA ! Les efforts touchent toujours les mêmes, les écarts explosent. Ce n'est pas soutenable.

Sacraliser le budget des collectivités territoriales leur permettrait d'investir pour la transition écologique. Cessez de les contraindre ! La baisse de 0,5 point exigée est une mise sous tutelle. Pour être à la hauteur de la crise écologique, les collectivités devraient investir 6 milliards d'euros par an, quand le fonds vert prévoit 2 milliards sur quatre ans. Elles ont besoin d'investir, d'ingénierie. Laissez-les vivre !

Le « quoi qu'il en coûte » a été assumé pendant la pandémie, mais plus lors de la crise climatique. Pourtant, l'urgence est là.

« Lorsqu'ils auront coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d'eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, ils comprendront que l'argent ne se mange pas », dit un proverbe indien. Monsieur le ministre, votre logiciel libéral nous mène au chaos social et à l'impuissance climatique. Le rapport du Giec est sans appel. Cela devrait guider tous nos choix budgétaires, si nous voulons éviter la catastrophe climatique et l'explosion sociale. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Duranton .  - « Qui veut atteindre la perfection veut marcher sur l'horizon », écrivait Paul Carvel dans Jets d'encre. Gardons en ligne de mire cet horizon, fixé par ce programme de stabilité qui traduit deux priorités essentielles. D'une part, protéger les Français face à la hausse des prix de l'énergie tout en menant des réformes d'ampleur pour soutenir la croissance, atteindre le plein emploi, accélérer la transition écologique et numérique, garantir la souveraineté économique et réarmer le régalien. D'autre part, redresser nos comptes publics, grâce à un redressement du solde structurel de 1,3 point de PIB par an.

Le poids de la dette publique commencerait à décroître début 2026. En 2022, la dette publique était de 111,6 % du PIB, contre 112,5 % en 2021. En 2023, le ratio s'abaisserait encore, à 109,6 % du PIB.

On le sait, l'environnement économique international s'est dégradé en raison de l'invasion russe en Ukraine, qui a entraîné une augmentation de l'incertitude sur les marchés. Malgré ce contexte, l'évolution spontanée annuelle des dépenses publiques devrait s'établir à moins de 0,6 %. L'effort annoncé de 1,6 % est donc bien plus ambitieux que sous Sarkozy - 1,4 % - ou Hollande - 1 %.

France Relance et France 2030 soutiendront l'activité et le potentiel de croissance, en préservant notre souveraineté.

Comme le disait Bruno Le Maire, la France résiste mieux que ses voisins, avec le taux d'inflation le plus faible de la zone euro, à 6 %. Le Gouvernement s'engage à ne pas augmenter les impôts.

Certes, l'agence Fitch a rétrogradé la France ; mais Moody's ou Standard and Poor's ont maintenu notre note, et nous sommes dans la moyenne supérieure par rapport à nos voisins. N'oublions pas que le Gouvernement a soutenu les ménages lors de la crise covid : cette dégradation est la conséquence de ce volontarisme politique.

On peut critiquer les limites technologiques du modèle macroéconomique retenu, mais les trajectoires sont fiables.

Le cadre organique français comme le cadre européen permettront le renforcement du pilotage pluriannuel par la dépense et non plus seulement par le solde.

L'articulation avec les lois de finances et de financement de la sécurité sociale est améliorée : le HCFP peut mieux évaluer la cohérence de ces différents textes. Une trajectoire triennale est désormais présentée au Parlement dans les projets annuels de performance.

La Commission européenne émet un avis sur les projets de plans budgétaires des États membres à l'automne, avant leur discussion par le Conseil Ecofin. La conformité avec les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance sera évaluée. La BCE maintient des taux d'intérêt bas pour stimuler l'investissement et la consommation, et le plan de relance européen s'élève à 750 milliards d'euros.

Le RDPI salue la trajectoire ambitieuse présentée par le Gouvernement et les mesures prises pour conforter le dynamisme économique en ces temps de crise.

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous débattons du programme de stabilité après qu'il a été adressé à l'Union européenne - signe d'un manque de respect vis-à-vis du Parlement.

D'un point de vue budgétaire, il s'agit de répondre aux contraintes européennes en matière de déficit.

D'un point de vue politique, c'est le lieu où le Gouvernement surjoue l'orthodoxie libérale. Ainsi Bruno Le Maire martèle-t-il sa volonté de réduire la dette. Monsieur le ministre, vous agitez le chiffon rouge de l'augmentation de la charge de la dette, en brandissant des valeurs absolues : 35 milliards d'euros en 2021, 50 milliards en 2022, 70 milliards d'euros en 2027. C'est la stratégie du choc, détaillée par l'économiste canadienne Naomi Klein : sidérer pour avancer.

Mais si l'on parle de 1,5 % du PIB en 2021, 1,9 % en 2022 et 2 % en 2027, cela fait bien moins peur, à juste titre.

La hausse de la charge de la dette tient à l'émission croissante de titres de dettes indexés sur l'inflation, sans autre justification que de protéger les créditeurs.

Conjugué à la baisse des recettes fiscales et des cotisations, cela ne peut conduire qu'à une réduction drastique des dépenses sociales et des services publics. Vous envisagez ainsi une baisse des dépenses des collectivités territoriales de 0,5 % en volume. C'est le terreau d'une politique d'austérité intenable, alors que France Stratégie estime qu'il faudra entre 22 et 100 milliards d'euros d'ici 2030 pour assurer la transition environnementale.

Le poids de la dépense publique française s'explique par notre modèle social, par notre démographie dynamique, par notre budget de la défense. Nos services publics sont-ils en si bon état qu'il faille réduire leurs moyens ? Êtes-vous sourds à la détresse sanitaire de nos territoires ? Souhaitez-vous réduire le budget de la défense ?

Toute baisse de la dépense se fera au détriment de la qualité de vie des ménages et de la capacité à agir des collectivités locales.

La Première ministre a adressé une lettre de cadrage à ses ministres en leur demandant d'identifier une marge de manoeuvre de 5 % sur leur budget. Le nouveau monde promis ne serait-il pas en réalité le retour de l'ancien monde thatchérien ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - De François Hollande !

M. Patrice Joly.  - Pour réduire la dette, augmentez donc les impôts des plus riches, supprimez les allègements fiscaux injustifiés et inefficaces. Depuis 2017, le manque à gagner fiscal s'élève à 364 milliards d'euros de recettes ! Les 370 ménages aux revenus les plus élevés ont un taux effectif d'impôt sur le revenu de 2,5 %, et même de 0,26 % pour les 37 familles les plus riches, selon Gabriel Zucman.

Ce sont encore les classes moyennes et populaires qui feront les frais de vos politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Nous n'avons plus le temps ni les marges de manoeuvre pour tergiverser. Il fallait recaler le discours - le Gouvernement l'a fait - et la pratique. Le Gouvernement agit-il suffisamment, face à la pression des taux et des marchés ?

Notre groupe est attaché à la maîtrise des comptes publics. Nous saluons la volonté de rétablissement des finances publiques, mais regrettons-le manque de précision quant au modus operandi. La dépense publique n'est pas mauvaise en soi, mais l'argent magique n'existe pas. La condition de notre souveraineté réside dans le sérieux budgétaire.

Prévisions de croissances et d'inflation optimistes, prévision de croissance effective relevée, reposant sur une hausse de la consommation des ménages, tout cela interroge... Vous avez retenu des hypothèses avantageuses, alors même que les scénarios de la Commission européenne sont moins favorables. L'incertitude demeure élevée, dans un contexte international plus mouvant que jamais.

M. Delcros l'a dit : la volonté de contenir les dépenses ne doit pas conduire à des coups de rabot uniformes, injustes et inefficaces. Il faut une réelle stratégie d'évaluation et de hiérarchisation des dépenses, associant le Parlement.

Les crédits des ministères augmentent de 24 milliards d'euros, la charge de la dette tutoie les 60 milliards d'euros. Bref, la dépense publique en volume augmente bel et bien. La LPFP fait défaut, et doit être adoptée au plus tôt pour afficher une trajectoire crédible de réduction de la dépense publique.

Le Gouvernement a enfin pris la mesure de l'urgence pour la France de se désendetter, car la crédibilité de notre signature sur les marchés n'est pas indéfectible, comme en témoigne l'abaissement de la note de la France par Fitch. Nous devons intensifier les efforts, et vite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Charles Guené .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général a souligné l'optimisme du Gouvernement, à rebours des analyses extérieures. L'abaissement de la note de la France par Fitch montre que nous devons convaincre le reste du monde que nous pouvons assainir nos comptes.

Notre groupe plaide depuis des années pour une démarche sincère de rétablissement des comptes publics. Nous vous avions alertés sur les risques d'une hausse des taux d'intérêt, et de fait, la charge de la dette aura presque doublé d'ici 2027. Nous sommes donc sceptiques sur le réalisme de la trajectoire envisagée. Vous risquez de devoir agir sur des variables d'ajustement... Vous tablez sur une maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités locales et une baisse des investissements en fin de cycle électoral ; vous comptez sur l'inflation pour réguler les hausses en volume, sachant que la plupart des recettes sont désormais aux mains de l'État. Vous escomptez donc un effet d'étau.

Vous envisagez d'associer les Apul à l'effort de modération de la dépense publique : exit l'article 23 de la précédente programmation et les contrats de Cahors. Dont acte.

Pourtant, les conditions d'une concertation ne semblent pas réunies. Le passage à une fiscalité nationale, ordonnancée par le Gouvernement, et la persistance d'une fiscalité locale et d'un système de financement obsolètes laisse les mains libres à l'État.

Il faut un nouveau processus permettant aux collectivités territoriales de retrouver une libre administration, via une vraie réforme de la fiscalité et des dotations, en tenant compte des charges comme des dynamiques territoriales. Il est urgent d'introduire une nouvelle gouvernance réunissant l'État, le Parlement, les collectivités. C'est seulement à ce prix que nous réintroduirons une vraie liberté d'administration propre à une démocratie moderne. Faute de quoi ce programme de stabilité restera un pacte léonin. Nous attendons une loi de programmation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le programme de stabilité le confirme : le Gouvernement persiste à creuser son sillon néolibéral.

Il s'inscrit ainsi dans la ligne de la LPFP que le Parlement a refusé d'adopter en novembre dernier. Le HCFP s'est ému, dès janvier, de l'absence de ce texte crucial. Saisi sur le PLFRSS portant réforme des retraites, il a constaté qu'il ne pouvait pas apprécier la cohérence de ce texte avec la trajectoire retenue.

Ce texte s'inscrit aussi dans la droite ligne du programme transmis en avril dernier aux institutions européennes qui, rappelons-le, ne tiennent pas le stylo du Gouvernement.

Le recul de l'âge de départ en retraite est censé accroître le taux d'emplois des seniors, mais nous avons amplement démontré l'absurdité de la démarche : les dépenses seront reportées sur d'autres branches de la sécurité sociale.

Le Gouvernement persiste à réduire l'imposition des plus riches et des grandes entreprises. Il organise la perte annuelle de 37 milliards d'euros de recettes - à comparer aux 13 milliards d'euros de déficit des retraites en 2030 qu'il prétend prévenir. Le gain attendu de la réforme des retraites, 8 milliards d'euros, correspond à la suppression de la CVAE, ce nouveau cadeau fiscal.

Inopportunes, ces baisses d'impôt sont cohérentes avec la politique du Gouvernement, qui fait porter sur la sécurité sociale le poids de la dette covid et sacrifie deux ans de la vie des Français plutôt que d'accroître les ressources.

Ces choix, le Gouvernement les paie dans la rue. Mais les Français les paient davantage encore, à travers une grave crise sociale et la dégradation de la note de la France. Quand tirerez-vous les conclusions de la crise dans laquelle vous avez plongé la France ? (Applaudissements à gauche)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici donc la nouvelle ligne budgétaire de la France pour 2027. Pour réduire la dette, vous vous appuyez sur des économies de dépenses non documentées. La crédibilité de vos prévisions interroge. Alors que l'agence Fitch, la première à se prononcer, vient de dégrader la note de la France, nos déficits miroirs - budgétaire et commercial - inquiètent tous les Européens.

La réforme des retraites doit permettre 10 milliards d'euros d'économies, chiffre infirmé par Rexecode, mais de nouveaux objectifs budgétaires plus ambitieux sont déjà nécessaires.

En dévoilant les grandes lignes du programme de stabilité, malgré l'absence d'une LPFP que vous annoncez maintenant pour cet été, vous reconnaissez la fin de l'argent gratuit. Il est temps de reprendre le contrôle de notre dette pour garder la maîtrise de nos choix.

Ramener le déficit à 2,7 % fin 2027 : il s'agit d'une légère amélioration par rapport aux précédentes prévisions. Les propositions de la commission des finances du Sénat sont enfin retenues. S'agissant de la dette, vous prévoyez de la ramener à 108,3 % du PIB, ce qui est vraiment un minimum.

Les comparaisons européennes que vous avez faites me semblent osées, alors que notre dette est 1,8 fois supérieure à celle de l'Allemagne... La charge de la dette devrait atteindre 71 milliards en 2027, représentant ainsi le premier poste de dépenses de l'État. Le déni ne peut plus durer.

Notre politique budgétaire ne peut passer par des hausses d'impôts cassant la croissance. Après avoir baissé la dépense, il faudra baisser nos prélèvements obligatoires.

Notre dépense publique est non seulement trop importante, mais aussi inefficace. Où va notre argent ? Voilà ce que demandent nos concitoyens.

La Cour des comptes et le HCFP jugent vos prévisions de croissance optimistes. Quid de la réduction de la dépense fiscale ? Ne nous répondez pas qu'elle se fera sur le dos des collectivités territoriales, qui ne sont nullement responsables de la situation budgétaire et assurent l'essentiel des investissements.

Le programme présenté par le Gouvernement ne nous convainc pas. Vous continuez à jouer avec des allumettes, alors que nous sommes assis sur un volcan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je remercie l'ensemble des orateurs qui ont pris part à ce débat.

Non, le programme de stabilité n'a évidemment pas été transmis à la Commission européenne avant d'avoir été soumis au Parlement. Nous respectons la procédure : le programme de stabilité sera transmis aux autorités européennes dans un délai de quinze jours après sa communication au Parlement. Il sera donc transmis avec un retard d'une dizaine de jours, bien moindre que celui de l'année dernière... (M. Jérôme Bascher rit.)

Nous avons fait le choix d'attendre que la réforme des retraites soit totalement entérinée par le Conseil constitutionnel avant de finaliser le programme de stabilité ; on nous aurait reproché d'agir différemment.

La LPFP sera représentée au Parlement cet été. Je rappelle que le Sénat a bien adopté une version de ce texte, certes pas celle du Gouvernement. La discussion se poursuivra sur cette base.

Nos hypothèses macroéconomiques ont été qualifiées d'optimistes par plusieurs sénateurs, notamment MM. Husson, Delcros et Bascher. Je dirais plutôt qu'elles sont volontaristes. (M. Jérôme Bascher se gausse.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Déterminées !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous prévoyions une croissance de 2,5 % en 2022 : nous avions raison d'être volontaristes, puisqu'elle a été de 2,6 %. De même, pour 2023, les prévisions des économistes se rapprochent de plus en plus de la nôtre, à 1 %. Le HCFP tablait à l'automne sur une croissance potentielle comprise entre 0,9 et 1,3 % ; à 1,35 %, nous sommes proches du haut de sa fourchette - je rappelle que le FMI table sur 1,3 %, la Commission européenne sur 1,4 % à court terme.

Certains prévisionnistes n'ont pas tenu compte des réformes prévues dans notre programme, notamment de la réforme des retraites et de la future réforme du RSA. Nous avons tenu nos engagements pour la société du plein emploi en faisant la réforme de l'assurance chômage et celle des retraites ; de même, nous ferons celles du RSA et des lycées professionnels. (Mme Monique Lubin s'en émeut.)

En 2022, le déflateur du PIB avait été moins dynamique que prévu, en raison du choc des termes de l'échange lié à la guerre en Ukraine. Le précédent programme de stabilité tablait sur une convergence lente. Nous prévoyons désormais une convergence rapide sur 2023-2024.

Madame la rapporteure générale Doineau, l'impact de la dégradation de la note de la France par Fitch est limité à ce stade, comme Bruno Le Maire l'a indiqué lors des questions d'actualité au Gouvernement : notre spread de taux avec l'Allemagne est passé de 57 points de base avant cette annonce à 59 cet après-midi, puis 58 ce soir. Par ailleurs, monsieur Sautarel, Fitch n'a pas été la première agence à se prononcer : Moody's a maintenu notre notation inchangée.

J'en viens aux choix politiques et budgétaires qui sous-tendent notre programme de stabilité. Nous faisons le choix de l'emploi. Cela passe par la baisse de certaines fiscalités, notamment sur les entreprises et l'activité économique. Je comprendrais les critiques si cette politique n'avait pas porté ses fruits : mais nous avons créé plus de 1,5 million d'emplois, et le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans !

Mme Monique Lubin.  - Mais bien sûr...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Les allègements de cotisations sociales favorisent également l'emploi : elles avaient d'ailleurs été multipliées par deux sous le gouvernement Jospin...

Nous assumons ces choix. Nos recettes augmentent, alors même que nous baissons les taux d'imposition. Ainsi, nous n'avons jamais collecté autant d'impôt sur les sociétés que depuis que son taux est à 25 % !

Monsieur Breuiller, madame Lubin, les baisses d'impôts pour les particuliers ne concernent pas principalement les plus riches, mais les classes moyennes. Quand nos concitoyens vous parlent de leur taxe d'habitation et de leur redevance supprimées, je suis sûr que vous ne les considérez pas comme des nantis. Ils font partie de cette France qui travaille que nous voulons soutenir. Pour un ménage, la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle peut représenter 1 000 euros par an.

Monsieur Savoldelli, on ne peut parler d'un délaissement des services publics quand le budget de l'hôpital public dépasse les 100 milliards d'euros et que nous prévoyons 4 milliards d'euros supplémentaires pour l'éducation nationale, un effort inédit.

Mme Monique Lubin.  - Avec quelle inflation ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Pour la défense, l'augmentation sera de 75 % entre 2017 et 2027. Quant au budget de la justice, il a augmenté de 42 % en six ans.

Mme Annie Le Houerou.  - Pourquoi donc les services publics sont-ils aussi délabrés ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'enjeu n'est pas de dépenser plus, mais mieux.

Il en va de même pour la transition écologique. Monsieur Breuiller, il n'y a pas à choisir entre les 3 % et les 3 degrés. Nous devons investir, donc disposer de conditions de financement qui nous permettent de le faire : c'est pourquoi il faut être sérieux avec la dépense publique.

La nouvelle répartition de l'effort entre État et collectivités territoriales ne figure pas dans le programme de stabilité, car elle n'a pas à y être. Elle sera inscrite dans la LPFP.

En 2024, les collectivités territoriales dépenseront 13 milliards d'euros de plus. On est loin de l'austérité... Nous cherchons à maîtriser la progression de nos dépenses de fonctionnement, et nous y travaillons avec les associations d'élus dans le cadre des Assises des finances publiques. J'ai bon espoir que nous nous accordions sur la maîtrise des dépenses publiques.

Je remercie Bernard Delcros d'avoir insisté sur la lutte contre la fraude. À cet égard, l'année dernière a été historique : 14,6 milliards d'euros de droits notifiés à la suite des contrôles de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et 800 millions d'euros de redressements opérés les Urssaf. Je présenterai dans les prochains jours un plan Fraudes, dans lequel vous retrouverez nombre de vos propositions.

Cette trajectoire est effectivement ambitieuse, bien plus que l'année dernière : 4 points de dette en moins en 2027, un déficit revu à la baisse par rapport à la précédente copie... L'enjeu est d'y arriver ensemble. L'initiative des dialogues de Bercy sera enrichie cette année, avec un démarrage plus précoce.

Les enjeux sont majeurs : avançons de concert, j'y suis prêt (Applaudissement sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)

Prochaine séance demain, jeudi 4 mai 2023, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 45.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 4 mai 2023

Séance publique

De 10 h 30 à 13 h et de 14 h 30 à 16 h 30

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

(Ordre du jour réservé au RDPI)

1. Débat sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? »

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (texte de la commission, n°520, 2022-2023)