SÉANCE

du mardi 30 mai 2023

91e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Douane (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

Explications de vote

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte est le premier consacré aux douanes depuis 1965. Un toilettage était nécessaire. Ce vote est important : il s'agit de sécuriser l'action des douanes juridiquement tout en rendant le droit de visite douanière conforme à la Constitution.

Le code des douanes est très ancien : il manquait des garanties en matière de protection des droits des personnes et de libertés individuelles. Nous devrions reprendre la proposition de M. Breuiller de créer un code de procédure douanière.

La commission lois et la commission des finances se sont donné pour mission de sécuriser les procédures de visite, de fouille et de perquisition. Hormis l'article 7 relatif à la réserve opérationnelle sur lequel nous sommes en désaccord, ce texte pose peu de difficultés techniques.

Mais il subsiste des doutes, malgré vos précisions, monsieur le ministre.

Le texte prévoit la remise des personnes à un officier de police judiciaire (OPJ) ou à un officier de douane judiciaire (ODJ), sur instruction et sous contrôle du procureur de la République, en cas d'infraction flagrante de droit commun. Sonorisations et captations d'images seront permises - mais sous l'autorité d'un magistrat. Ce contrôle du juge va dans le bon sens.

La révision du code de douanes autorise des visites pour rechercher toute infraction douanière sur l'ensemble du territoire douanier et à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique.

Monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que les transferts de personnels vers la direction générale des finances publiques (DGFiP) étaient justifiés par le transfert de l'activité de recouvrement, et dégageraient un gain de productivité qui bénéficierait pour moitié aux douanes. Mais je n'ai pas été convaincu. J'entends que le recrutement de 300 douaniers réservistes vise à répondre à des besoins ponctuels. Mais selon le rapporteur, cette réserve est l'occasion de se doter de compétences rares. Bref, on est dans le flou. À se demander si cela ne sert pas surtout à justifier un gel ou une baisse des effectifs.

Pour le reste, le texte est équilibré ; les rapporteurs en ont renforcé les qualités légistiques. Le groupe SER le votera.

Mais ce vote n'est pas un blanc-seing. Faute de majorité, le Gouvernement présente surtout des textes essentiellement techniques, assortis de moyens financiers nouveaux, afin de neutraliser toute critique politique et taxer les oppositions d'irresponsabilité si elles votent contre...

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) accorde certes 15 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans pour les policiers et les gendarmes, mais comporte aussi des dispositifs plus sécuritaires. Le recours à des textes techniques et complexes évite de mobiliser l'opinion, qui peine à trier le bon grain de l'ivraie. La neutralisation des oppositions se double de l'argument d'autorité. On l'a vu avec le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques, dont l'article 7 introduit la vidéosurveillance assistée par l'intelligence artificielle.

Nous serons vigilants, lors du prochain projet de loi de finances, à ce que vous joigniez les actes aux paroles et donniez des moyens aux douanes pour qu'elles s'acquittent de leurs missions cruciales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Un compromis suppose des consultations - or notre groupe n'en a pas bénéficié. Il suppose un arbitre - or la réécriture de l'article 60 est démesurément restrictive et trop grandiloquente. Elle pénalise par ses failles les agents des douanes. L'arbitre sera le Conseil constitutionnel, qui appréciera si les principes de droit au respect de la vie privée et de recherche des auteurs d'infractions sont proportionnés. Sur chaque procédure, nous attendons une jurisprudence longue, mais indispensable. Il faut s'attendre à de nombreuses nullités, notamment faute d'un code de procédure douanière qui harmoniserait les pratiques.

Notre groupe avait choisi le camp de l'intérêt général. Contre la libre circulation des marchandises prohibées et des capitaux, et pour lutter contre les trafics en tout genre, nous appelions à élargir le champ d'action des douanes. M. le ministre se vante d'avoir doublé leur rayon ? Nous voulions le tripler pour le porter à 60 km !

Notre amendement a été rejeté, tout comme celui qui l'étendait à certains axes secondaires ou tertiaires à risque.

L'équation est simple : moins de brigades, plus de paperasserie, et, finalement, moins de contrôles. Ce texte correspond à une vision de la société déshumanisée, celle d'un capitalisme fraudeur sans frontière. Les contrôles aux frontières priment sur le contrôle des flux de capitaux et des marchandises.

L'expérimentation pour le contrôle du trafic de drogue s'apparente à une surveillance généralisée, qui n'a rien à envier à la loi Sécurité globale. Vous dites vouloir mettre le paquet sur l'e-commerce, dont acte ! Mais en coulisses, cela passe par une ubérisation et une plateformisation de la profession.

La réserve opérationnelle vise à lutter contre l'immigration illégale, nullement à acquérir des compétences rares. Vous répondez aux injonctions de l'Union européenne et de Frontex pour faire des douanes des gardes-frontières corvéables en urgence.

Pourquoi ne pas avoir consulté les organisations syndicales ? (Monsieur le ministre s'indigne.) Elles sont toutes contre, voilà la réponse. Les réservistes seront des retraités aux faibles retraites, conséquence des faibles rémunérations au cours de leur carrière - un agent de catégorie C encadre parfois dix agents ! Ou des volontaires.

Certes, 8 000 à 10 000 des douaniers allemands sont chargés de la lutte contre le travail illégal ; mais 25 000 douaniers sont chargés de contrôler les marchandises et de lutter contre la fraude, contre 17 000 en France. La CGT demande une cartographie des besoins. Faites-la !

Aucun engagement n'a été pris en matière d'effectifs, vous n'annoncez que des redéploiements. Quel rendez-vous manqué !

Les douaniers rapportent moins depuis que vous les avez dépossédés, depuis 2018, de 81 milliards d'euros de recettes dont ils géraient l'assiette, le contrôle et le recouvrement, transférant 95 % des recettes à la DGFiP. Ministre et rapporteur, de concert, niaient toute perte de recettes : 12, 6 milliards d'euros collectés au titre de la TVA pétrole en 2021, contre 11 milliards d'euros en 2019. Nous ne pouvons vérifier ces chiffres, mais à cause de ce transfert, 28 % des contentieux douaniers - soit 5 milliards d'euros sur trois ans - vont faire l'objet d'une « admission en non-valeur », c'est-à-dire d'un abandon de créance.

Notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel a consacré la protection des libertés individuelles au détriment du cadre d'intervention des douanes. Les douaniers risquent de ne plus pouvoir ouvrir un coffre de voiture. Le tribunal de Lille a récemment relaxé un automobiliste britannique qui transportait dans sa voiture 20 kilos d'ecstasy.

Nos travaux doivent clarifier la législation et donner aux agents les moyens de travailler, dans le respect de la Constitution et du droit européen : encadrer sans entraver.

Avec la refonte du régime de la visite douanière, l'amélioration du contrôle des flux financiers, des outils d'enquêtes et l'adaptation des pouvoirs douaniers aux réalités numériques, le texte initial offrait des perspectives attendues.

Parmi les soixante amendements adoptés, nous saluons la création des agents de douane judiciaire (ADJ), qui assisteront les ODJ et renforceront l'Office national antifraude. Les douaniers pourront accéder aux informations de la DGFiP pour lutter contre la fraude à la détaxe de TVA. La levée du secret professionnel pour les obligations de non-prolifération chimique et la création d'un dispositif d'échange d'information entre douanes et police aux frontières sont aussi bienvenues. L'utilisation de drones pour lutter contre le trafic du tabac est une avancée réelle, dans la droite ligne de la jurisprudence récente du Conseil d'État, qui, mercredi dernier, a rejeté le recours en référé contre le décret du 19 avril relatif à l'utilisation de moyens aéroportés.

Un de nos amendements, qui s'est heurté à l'article 45 de la Constitution, confiait au seul ministre des douanes la responsabilité de fixer par arrêté le montant des redevances perçues à l'importation sur les denrées alimentaires d'origine non animale, pour permettre une évolution plus fine. J'y reviendrai en loi de finances.

M. Kern avait déposé un amendement pour prendre en compte les chaînes parallèles de distribution du tabac, notamment sur internet, et responsabiliser les plateformes pour qu'elles signalent et suppriment les contenus illicites, avec une sanction en cas de manquement. Vendre du tabac en ligne est interdit. Là aussi, il faudra y revenir. L'amendement n°79 d'Albéric de Montgolfier, qui a été adopté, tend à sanctionner les moteurs de recherche quand ils ne rendent pas inaccessibles les contenus porteurs d'infraction.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre écoute. Le groupe UC votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Jean Louis Masson .  - Je suis élu d'un département frontalier, très concerné par le trafic de drogues. Longtemps, quand on repérait des trafiquants, dans les zones rurales notamment, les gendarmes ne pouvaient spontanément fouiller les voitures : il fallait s'organiser en duo entre gendarmes et douaniers.

Je trouve la décision du Conseil constitutionnel aberrante. Les douaniers ne peuvent même plus contrôler les voitures. On se plaint tous du trafic de drogue, et le Conseil constitutionnel met à mal la lutte contre ce fléau ! Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne et maintenant Conseil constitutionnel... On ne peut plus rien faire ! On ne peut plus faire respecter l'ordre !

Je me réjouis de ce texte, même s'il est loin d'être parfait. Il ne sera toujours pas possible de fouiller spontanément une voiture. On ne décide rien, en fait. Entre protection de la vie privée des trafiquants de drogue et intérêts de la collectivité, doit-on donner la priorité aux premiers ?

Mais ces organismes wokistes acceptent tout aujourd'hui ! Monsieur le ministre, je suis très inquiet. Après les Pays-Bas, le Luxembourg s'apprête à autoriser la libre consommation de certaines drogues. Or dans mon département, cent mille travailleurs franchissent la frontière tous les jours. Au lieu de renforcer les contrôles, le Conseil constitutionnel, fier comme Artaban, supprime les moyens de contrôle ! (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'espace Schengen regroupe 27 États européens, depuis le cercle arctique jusqu'au caillou de Gibraltar, avec chaque jour 3,5 millions de traversées des frontières. Assurer la lutte contre la fraude est un défi de taille, de même que coordonner l'action des forces de sécurité tout en préservant les libertés individuelles.

Le texte vise à corriger l'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes mais aussi à pérenniser le cadre des agents des douanes.

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) compte 16 000 agents pour un budget de 1,6 milliard d'euros. Les contrôleurs sont confrontés à la multiplication de trafics de plus en plus complexes et difficiles à détecter, des stupéfiants au trafic des êtres humains. La numérisation des procédures multiplie les moyens d'investigation, mais aussi les possibilités de contournement. Je suis persuadé qu'il faut renforcer les moyens humains.

Le texte réécrit le droit de visite douanière, renforce les moyens d'action numérique et crée une réserve opérationnelle. Il rapproche le code des douanes du code de procédure pénale, avec l'information du procureur. L'article 1er fixe le rayon douanier à 40 km. Mais qu'en est-il si la zone ne correspond pas à la territorialisation du procureur ?

L'article 2 rend conforme à la Constitution l'article 60 du code des douanes. Quelles sont les conséquences opérationnelles de l'information du procureur, et par quels moyens ? Comme le demandait Nathalie Delattre, est-ce le procureur de Gironde ou celui des Landes qui sera compétent au premier péage de l'A63 à Arcachon ?

Je crains que nous soyons obligés d'embaucher pour des tâches administratives plutôt qu'opérationnelles, quitte à faciliter la vie des trafiquants. Les procédures pénales ne manqueront pas...

L'article 6 autorise la retenue temporaire d'argent liquide, afin d'appréhender les circuits financiers des activités criminelles. Le titre 2 rénove le cadre d'enquête des douanes, en vue de démanteler les réseaux criminels.

L'article 10 prévoit le gel des données numériques, l'article 10 bis facilite les échanges entre la douane et la justice. C'est important alors que la blockchain, par exemple, crée de nouvelles opportunités.

L'article 11 porte à quatre mois la durée de conservation des données des lectures automatisées des plaques d'immatriculation (Lapi).

À l'article 11 bis, l'échange d'informations entre services est facilité.

L'article 12 vise à lutter contre les trafics sur internet, notamment via les plateformes en ligne.

L'article 13 réforme le délit de blanchiment douanier correspondant au financement du terrorisme.

Déformation professionnelle oblige, quel est le rapport coût-bénéfice de chaque agent des douanes ? Ces professionnels évoluent dans un environnement pénible et dangereux. Nous saluons leur travail. Même si nos amendements n'ont pas été retenus, et malgré nos réserves, le groupe RDSE votera majoritairement ce texte, en espérant une mise en oeuvre rapide.

M. Albéric de Montgolfier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne pensais pas que la réforme du code des douanes susciterait un tel enthousiasme...

Mme Pascale Gruny.  - Si, si !

M. Albéric de Montgolfier.  - Je suis ravi de vous voir si nombreux. La décision du Conseil constitutionnel a été vécue comme un électrochoc - nous nous en serions passés. Mais cela a été l'occasion d'aller plus loin en vue de réformer un code des douanes très ancien. Je salue le travail d'Alain Richard, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, à cet égard.

Outre la réforme du droit de visite, le Gouvernement a proposé de nombreuses autres modifications. Monsieur le ministre, vous vouliez procéder par ordonnances lors du dernier projet de loi de finances : reconnaissez que la censure de ce cavalier par le Conseil constitutionnel nous offre l'occasion d'aller plus loin. (M. le ministre sourit.)

Nous avons eu des échanges constructifs, je vous en remercie.

Nous répondons à deux principales évolutions : la révolution technologique et le changement de comportement des organisations criminelles. L'article 6 donne la possibilité aux douaniers de retenir temporairement l'argent liquide circulant sur le territoire national en cas d'indices concordants. La lutte contre les flux illicites passe aussi par la lutte contre les flux financiers.

Les organisations criminelles se jouent des frontières et recourent à la technique des collecteurs de fonds. Nous devons étendre le périmètre du délit de blanchiment douanier. Le périmètre de la lutte contre le blanchiment inclura le recours aux crypto-actifs.

Le Sénat souhaitait défendre l'action des douaniers tout en leur offrant les garanties nécessaires : encadrer sans entraver. Cet équilibre n'est pas une contrainte, il garantira le bon fonctionnement des douanes.

Nous avons clarifié le droit au recours en matière de retenue temporaire et encadré la nouvelle prérogative permettant aux douaniers de geler les données informatiques en cas de visite domiciliaire.

L'obtention du retrait de contenus permettant des infractions en ligne - tabac, contrefaçon entre autres - est salutaire. Ces trafics sont nombreux et les petites infractions se multiplient. La commission des finances a encadré le dispositif et prévu des sanctions pour les intermédiaires en ligne ne respectant pas les injonctions des douanes.

Notre groupe soutient la réserve opérationnelle, la recodification par ordonnance ou le renforcement des sanctions contre le trafic de tabac - avec une saisie record de 650 tonnes l'année dernière.

Nous ne sommes pas naïfs : le renforcement des sanctions n'asséchera pas tous les flux illicites, mais nous en attendons beaucoup.

Les échanges d'information avec la justice et la police, le recours aux drones, la lutte contre la fraude à la détaxe de la TVA sont autant d'avancées dues au Sénat. La fraude à la TVA représente 20 à 25 milliards d'euros de pertes de recettes, selon la Commission européenne. J'espère que vous souscrirez à notre point de vue.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Avec l'augmentation des échanges, par ailleurs bénéfique, la contrebande menace de nombreux secteurs. La fraude gangrène notre contrat social : le Gouvernement l'a compris et je le remercie de nous avoir associés à ce travail de réflexion préalable.

La contrefaçon représente 10 milliards d'euros de fraude par an. Elle vole le fruit des efforts de créativité et d'innovation de nos entreprises. Elle nuit à la santé des consommateurs. On trouve des médicaments contrefaits, des plaquettes de frein kamikazes.

Le travail des douaniers protège à la fois la santé de nos concitoyens et notre balance commerciale. Les volumes interceptés augmentent : 11 millions de produits contrefaits, 104 tonnes de stupéfiants, 650 tonnes de tabac saisies en 2022.

Dans un monde toujours plus connecté, les agents des douanes doivent disposer d'outils ultramodernes. Ce texte y pourvoit, avec la captation audiovisuelle et les Lapi. Il faut aussi améliorer les capacités de renseignement des douanes. Le texte prévoit ainsi la saisie d'actifs numériques issus d'infractions. Immatériels ou non, les paiements frauduleux ne doivent pas échapper à la douane. La retenue temporaire d'argent liquide s'impose également. L'étape du blanchiment est cruciale.

Le texte renforce les pouvoirs des douaniers en créant une présomption de complicité : on participe à une fraude dès lors qu'on en tire un bénéfice. En achetant des marchandises illicites, les consommateurs portent atteinte à la sécurité et à la santé économique de leur pays. Ils financent des organisations violentes qui gangrènent nos quartiers : à Marseille, 32 homicides l'an dernier, et c'est encore la drogue qui est derrière la tuerie de Villerupt. Les consommateurs doivent en prendre conscience.

Les missions de la douane sont très variées, portent sur un volume croissant de marchandises et nécessitent des compétences pointues. À cet égard, la réserve opérationnelle est une avancée.

J'ai proposé d'expérimenter les conteneurs intelligents pour favoriser le suivi et la décarbonation : j'espère que cela sera pris en compte.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et du groupe UC)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Daniel Breuiller l'avait dit en discussion générale, ce texte est nécessaire. Nous ne voulons pas entraver l'action des douaniers, qui manquent cruellement de moyens.

Nous prônons l'adaptation, en matière climatique comme ailleurs. Nous saluons donc la réécriture de l'article 60 du code des douanes, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel du 22 septembre.

La saisie de documents numériques est une avancée : nous veillerons à ce que les nouvelles missions des procureurs soient prises en compte dans les moyens qui leur seront alloués.

La réécriture de l'article 12 en commission est bienvenue, car les voleurs en ligne ont trop souvent un sentiment d'impunité. Il faut impliquer les opérateurs. La réforme d'ampleur prévue par l'Union européenne devrait s'appliquer à partir de février 2024.

Les réponses apportées par le texte sont pertinentes. Toutefois, nous resterons vigilants sur l'équilibre entre la lutte contre la fraude et le nombre de postes alloués à ces missions, d'une part, et le respect de la vie privée et des libertés individuelles, d'autre part.

J'émettrai deux réserves. La réserve opérationnelle ne nous semble pas justifiée, hormis pour des motifs budgétaires. Mieux vaudrait renforcer les effectifs permanents. À force de sous-doter les services publics, le Gouvernement finit par devoir pallier les carences - avec des personnels moins formés, sans statut. Nous sommes opposés à cette politique de ressources humaines au rabais. Les services publics doivent disposer de moyens à la hauteur de leurs missions.

La douane est une administration essentiellement civile. La création d'une réserve, ici comme ailleurs, présage une dérive. Quels moyens pour la formation et le transfert de compétence, alors qu'il n'y a que deux écoles de douane ?

Second point de vigilance, l'utilisation des drones doit être limitée à la police et à la gendarmerie. Il semble aventureux, comme l'a dit le rapporteur Alain Richard, que le Conseil constitutionnel valide l'utilisation de ces caméras pour faire la chasse aux migrants. Au-delà de considérations politiciennes, la surveillance de la frontière par drone est une gabegie financière, on l'a vu à la frontière mexicaine.

Nous ne voulons pas du tout-surveillance et plaidons pour une réflexion globale sur les mouvements migratoires à l'échelle européenne. Le projet de loi Immigration et intégration aurait dû en être l'occasion. Sans surprise mais avec déception, nous constatons que le Gouvernement privilégie la surveillance autoritaire. Certaines peines sont multipliées par cinq et vous interdisez de territoire des voleurs à la sauvette de cigarettes - alors que nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne peuvent être exécutées. Au lieu de stigmatiser les étrangers les plus précaires, traquons plutôt les têtes de réseaux, qui exploitent la misère ! Cette répression qui ne s'intéresse qu'à l'étranger délinquant rappelle la proposition de loi poujadiste des députés d'extrême droite, faite pour séduire les buralistes. Monsieur le ministre, ce n'est pas vous : ne flirtez pas avec ces idées dangereuses !

Nous resterons vigilants sur l'équilibre avec les droits et libertés, ainsi que sur les moyens. Compte tenu de ses réserves, le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Au nom du groupe RDPI, je salue la qualité du travail des deux rapporteurs sur ce texte qui est le fruit d'un compromis. La pratique n'étant plus conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il fallait permettre aux agents de lutter contre des pratiques frauduleuses qui évoluent, sans jamais renoncer à la protection des libertés individuelles.

Encadrer sans entraver : voilà notre préoccupation. Le Conseil d'État, dans sa langue si particulière, appelle le législateur à assurer « une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». Il est urgent de voter ce texte car le Conseil constitutionnel nous impose de rénover le cadre juridique avant l'échéance fatidique du 1er septembre 2023.

La balle est dans le camp de l'Assemblée nationale : j'espère qu'elle enrichira le texte, malgré la volonté de certains qui s'opposent aux projets de loi les plus nécessaires. Si le texte n'est pas adopté avant septembre, la douane n'aura plus les moyens d'agir. Le ministre l'a rappelé : la décision du Conseil constitutionnel ne doit pas servir de prétexte fallacieux aux malfrats pour faire annuler des condamnations.

La décision du Conseil constitutionnel fut un « électrochoc », selon les termes mêmes de la DGDDI : en votant ce texte, nous enverrons un signal positif aux agents chargés de cette mission si importante. Votre réforme, monsieur le ministre, est d'une ampleur inédite depuis 1948.

M. Rachid Temal.  - Au moins !

M. Didier Rambaud.  - C'est pour toutes ces raisons que le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin public solennel n°292 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 313
Contre   15

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je remercie le Sénat pour son vote, ainsi que les deux rapporteurs. La douane méritait ce premier projet de loi qui lui était consacré depuis 65 ans, pour préserver le droit de visite mais aussi pour faire face aux nouvelles menaces, dont le cyber.

Votre vote à une très large majorité adresse un message fort de soutien aux douaniers, dont nous sommes fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 15 h 35.

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 15 h 45.