SÉANCE

du mercredi 31 mai 2023

92e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Abrogation de la réforme des retraites

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Madame la Première ministre, j'avais prévu de vous interpeller avec véhémence pour dénoncer vos manoeuvres visant à empêcher l'examen en séance plénière du texte sur l'abrogation de la réforme des retraites. Mais, après ce qui s'est passé ce matin à l'Assemblée nationale, c'est avec une profonde gravité que je m'adresse à vous. (On ironise à droite.)

C'est à l'aune des droits de l'opposition que l'on juge de la qualité d'une démocratie.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous avez passé votre temps à faire de l'obstruction... Pyromane !

M. Guillaume Gontard.  - Pour tous nos partenaires européens, notre régime, avec son hypertrophie de l'exécutif qui ne laisse au Parlement qu'une fonction tribunitienne, est une incongruité, voire une aberration. Le Premier ministre espagnol remet son mandat en jeu après avoir perdu les élections municipales : rien de tel chez nous.

En bafouant le droit d'amendement, en transformant le corset de l'article 40 de la Constitution en véritable étau, vous créez un précédent délétère, réduisant le droit d'expression déjà famélique des parlementaires.

Madame la Première ministre, vous êtes une démocrate, vous l'avez clamé en juillet 2022 : comment tolérez-vous cette dérive autoritaire dans laquelle le Président de la République vous enferme ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Je suis souvent surprise d'entendre ceux qui prétendent défendre le Parlement être les premiers à en refuser les règles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Revenons aux faits : 175 heures de débat parlementaire ont été consacrées à la réforme des retraites (protestations à gauche), votée deux fois par le Sénat et validée, pour l'essentiel, par le Conseil constitutionnel, qui a également censuré les deux référendums d'initiative partagée.

La proposition de loi du groupe Liot aggraverait les charges publiques et réduirait les recettes : elle contrevient manifestement à l'article 40 de la Constitution. Personne n'est dupe de la manoeuvre.

Ce matin, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé l'article qui abrogeait la réforme des retraites : ce vote est clair et démocratique. Mais, immédiatement, avec 3 000 sous-amendements, la Nupes a répliqué par de l'obstruction. (Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Rémi Cardon et Mme Michelle Gréaume protestent.) Quand le résultat d'un vote déplaît à la Nupes, elle n'a qu'une réponse : l'obstruction !

Je respecte le travail parlementaire : je souhaite que l'examen de ce texte aille à son terme et que le contrôle de la recevabilité des amendements puisse s'exercer dans la sérénité. Une seule chose m'importe : le respect de nos règles et du débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Guillaume Gontard.  - L'obstruction, c'est vous ! (On proteste au centre et à droite.) Tordre les règles, ce n'est pas les respecter. Vous resterez dans l'histoire comme une fossoyeuse de la démocratie française. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE ; protestations au centre et à droite)

Suicide de Lindsay

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC et du RDSE) « Je ne serai pas là demain » : tels sont les derniers mots de Lindsay, 13 ans, à l'une de ses camarades de classe. Le 12 mai, elle mettait fin à ses jours. Son âge, qui devrait être celui de l'insouciance, fut pour elle un enfer, en raison du harcèlement d'un groupe d'élèves d'une violence inouïe subi sur les réseaux sociaux.

Chaque année, près de 1 million d'élèves subissent le harcèlement scolaire, et une vingtaine d'entre eux commettent l'irréparable. Il faut que cela cesse.

Avec Sabine Van Heghe, qui vit ce drame dans son département, j'ai remis au ministre Pap Ndiaye un rapport comportant trente-cinq préconisations, autour de trois axes : prévenir, détecter et traiter tous les cas, systématiquement et sans délai. La situation est urgente : dès qu'un cas de harcèlement apparaît, tous les acteurs doivent agir sans attendre ; le cyberharcèlement démultiplie la gravité des conséquences.

Le programme pHARe a le mérite d'exister, mais il est loin d'être déployé dans tous les établissements. Force est de constater que tout n'est pas mis en oeuvre pour sauver ces enfants. Le cas de Lindsay était connu dans son établissement, mais quelle aide a-t-elle reçue ?

M. le président.  - Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Colette Mélot.  - Madame la ministre, que comptez-vous mettre en oeuvre immédiatement et concrètement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; Mmes Sabine Van Heghe, Cathy Apourceau-Poly et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Permettez-moi d'adresser toutes mes pensées à la famille de Lindsay.

Nous avons fait de la lutte contre le harcèlement une priorité, en délictualisant le harcèlement, en généralisant le plan pHARe dans tous les collèges et lycées, en formant les professionnels à la prévention, à la détection et à la prise en charge et en diffusant les numéros verts 3618 et 3619. Le ministre a annoncé une procédure spécifique pour déplacer l'élève harceleur, comme l'avait proposé la sénatrice Marie Mercier.

À l'automne dernier, la mère de Lindsay avait indiqué à son établissement que sa fille subissait un harcèlement. L'élève en cause a été exclue une première fois trois jours, puis définitivement fin février. Mais le cyberharcèlement a continué, à l'abri des regards. Ce n'est que trois jours avant le geste fatal que l'équipe du lycée a été informée de la situation. Des poursuites ont été lancées : quatre adolescents et un adulte ont été mis en examen ; une enquête administrative est aussi en cours.

L'éducation nationale et son personnel font tout pour lutter contre ces drames. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier et Mme Guylène Pantel applaudissent également.)

Haut-Karabagh

M. Bruno Retailleau .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Madame la Première ministre, je m'adresse à vous -  et à travers vous, au Président de la République  - pour soutenir une cause juste, celle d'un petit peuple oublié, victime d'un génocide il y a un peu plus d'un siècle et désormais d'une tentative d'épuration ethnique, culturelle et religieuse.

Depuis plus de six mois, l'Azerbaïdjan bloque le corridor de Latchine, transformant le Haut-Karabagh en prison à ciel ouvert. Le 22 février, la Cour internationale de justice a sommé l'Azerbaïdjan de lever le blocus qui met en danger la vie de 120 000 Arméniens, dont 30 000 enfants. Dans ce contexte, l'Arménie, défaite par la guerre des 44 jours, le sabre sous la gorge, son intégrité étant menacée, pourrait envisager d'abandonner le Haut-Karabagh.

Dans un esprit transpartisan, j'associe notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d'amitié France-Arménie, à mes deux questions. Depuis toujours, la France fait de l'autodétermination des peuples un principe cardinal : est-ce toujours le cas ? Que ferez-vous pour empêcher une épuration ethnique ? (Applaudissements prolongés)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - La France, avec ses partenaires, est pleinement engagée pour un règlement durable du conflit. Nous le suivons avec attention et savons votre mobilisation. La ministre de l'Europe et des Affaires étrangères s'est rendue dans la région fin avril pour appeler à la reprise des discussions, qui reprennent sous l'égide de l'Union européenne. Nous saluons le rôle actif des États-Unis, avec qui nous nous coordonnons.

Notre pays est engagé au plus haut niveau pour la paix. Demain, après le sommet de Chisinau, le Président de la République sera aux côtés du chancelier Scholz et de Charles Michel pour une réunion avec le premier ministre arménien et le président azerbaïdjanais.

La solution passe par la reconnaissance mutuelle de l'intégrité territoriale et la délimitation d'une frontière commune : nous saluons à cet égard les déclarations du premier ministre Pachinian.

La France n'oublie pas les conséquences du blocage persistant du corridor de Latchine et nous appelons à mettre en oeuvre la décision de la Cour internationale de justice.

Vous avez raison de soulever la question et pouvez compter sur le plein engagement de la France. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

M. Bruno Retailleau.  - Je sais et reconnais l'engagement de la France et du Président de la République, mais il faut faire davantage. Nous le devons à ce peuple frère, avec qui nous partageons tant. Les mélodies d'Aznavour, les compositions de Michel Legrand, les films d'Henri Verneuil -  dont le prénom était Achod  - , l'héroïsme de Manouchian, qui devrait bientôt entrer au Panthéon : autant de raisons qui nous obligent. (Applaudissements)

Fraudes sociales (I)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Médevielle applaudit également.) Monsieur Attal, vous avez présenté hier votre plan de lutte contre la fraude sociale. Je vous remercie de reconnaître enfin cette réalité, qui m'a valu d'être traitée de menteuse et de suppôt du RN il y a quelques années par un ministre de votre majorité. (Marques d'indignation)

Quatre ans plus tard, le problème demeure. La Cour des comptes rappelle l'importance des fraudes documentaires et demande des mesures de sécurisation. Vous abandonnez la biométrie, et envisagez désormais la fusion des cartes d'identité et des cartes Vitale. Les voix divergent au sein du Gouvernement et la mise en place de cette mesure prendrait des années. Pourquoi un tel choix ? Selon quel calendrier - sachant le temps qu'il faut pour obtenir une carte nationale d'identité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - La lutte contre la fraude sociale, tout comme celle contre la fraude fiscale, est fondamentale. Il s'agit de garder le contrôle sur notre modèle social.

Je vous remercie, madame la sénatrice, pour vos travaux sur la question et votre participation au groupe de travail que j'ai constitué. Vous avez inspiré plusieurs mesures de mon plan, comme la fin du versement de prestations sociales sur des comptes bancaires étrangers.

Selon le rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances, la carte Vitale biométrique coûterait 250 millions d'euros par an. (Protestations à droite) La Cnil s'y oppose (mines dubitatives à droite), tout comme les syndicats de médecins, qui demandent à juste titre comment donner des empreintes quand, cloué au lit, on envoie un proche à la pharmacie ?

Plusieurs voix à droite.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous envisageons plutôt une migration de la carte Vitale sur la carte d'identité, ce qui faciliterait la lutte contre la fraude à l'identité. Avec Gérald Darmanin et François Braun, nous avons lancé une mission de préfiguration pour déterminer le calendrier et les modalités. (On ironise à droite.)

M. Jean-François Husson.  - Il serait temps !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'objectif est d'aller vite, mais sans rupture dans l'accès aux soins et aux droits. Une telle bascule ne peut s'envisager tant que les délais ne sont pas redevenus normaux - mais la Première ministre a annoncé le déblocage de moyens nouveaux dans ce but. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Titre de séjour en France et droits sociaux ne sont pas liés. Le 24 mai, la Cour des comptes indiquait que 58 millions de cartes Vitale sont actives - soit un surplus de 2,6 millions ! Il y a urgence à agir, quand 44 000 numéros d'inscription au répertoire sont frauduleux. L'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) ne fonctionne pas. Il faut régler tout cela, sans quoi votre plan ne servira à rien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Parcoursup

M. Pierre Ouzoulias .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER) Comme tous les ans, presque 900 000 candidats ont, non sans angoisse, soumis leurs voeux à Parcoursup. Comme tous les ans depuis 2018, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur les critères d'examen des dossiers par les établissements. Certaines filières utilisent un algorithme pour faire un premier tri et 20 % des commissions d'évaluation intègrent dans leurs critères le lycée d'origine, dévalorisant les notes du contrôle continu, ce qui pénalise les élèves issus des lycées populaires. Notre groupe s'est toujours élevé contre le sous-investissement chronique dont pâtit l'université : la France a besoin de former plus d'ingénieurs, de techniciens et de diplômés pour faire face aux défis sociaux et environnementaux.

Mais dans l'immédiat, la Commission européenne, le Conseil constitutionnel, la Cour des comptes, le Défenseur des droits, le comité d'éthique Parcoursup, la commission de la culture du Sénat réclament avec moi une clarification des procédures d'examen des dossiers. Certains établissements, usant et abusant d'une dérogation discutable, se sont affranchis de l'obligation faite à toute administration publique de rendre des comptes. Comment prétendre lutter contre l'opacité des Gafam, et accepter celle de Parcoursup ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je partage cette ardente obligation de transparence. Non que nos enseignants pratiqueraient la discrimination, mais pour mieux orienter nos jeunes, et diminuer leur stress et celui des familles.

Depuis cinq ans, l'amélioration continue de Parcoursup facilite la compréhension des critères de chaque formation, dont l'affichage a été rendu obligatoire. Pour la rentrée 2023, nous avons refondu la présentation de ces critères pour apporter une information plus précise aux candidats. Toutes les formations, y compris les classes préparatoires, devront produire un rapport, publié sur la plateforme. Mais il faudra aussi préserver le secret des délibérations des enseignants, reconnu par le Conseil constitutionnel. J'insiste sur la dimension humaine de Parcoursup, et la garantie d'un regard humain - derrière Parcoursup, il y a le travail de nos collègues, que je salue.

Demain s'ouvre la période des résultats des voeux : nous pensons aux futurs étudiants, et faisons tout pour les accompagner. (Marques d'ironie à droite ; M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

M. Pierre Ouzoulias.  - J'entends ce discours depuis 2018. Il faudrait que les choses changent. L'université est un service public : que vos services se donnent les moyens de réaliser ces contrôles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées des groupeSER et Les Républicains)

Fraude sociale (II)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le ministre des comptes publics, vous venez d'annoncer un vaste plan de lutte contre la fraude sociale. Sous ses diverses formes -  cotisations éludées, fraude aux prestations et aux allocations  - , elle est évaluée à 11 milliards d'euros.

La fusion de la carte Vitale et de la nouvelle carte nationale d'identité, mesure phare de votre plan, soulève des interrogations sur sa mise en oeuvre comme sur la protection des données. La Suède, le Portugal et la Belgique, notamment, ont déjà adopté cette carte hybride, qui permet de renforcer les contrôles.

Dans 70 % des cas, dites-vous, la fraude aux prestations est le fait de professionnels, qui pratiquent des surfacturations ou facturent des actes fictifs ; pour l'année dernière, l'assurance maladie évalue cette fraude à 300 millions d'euros. Quant aux arrêts maladie dits de complaisance, vous les chiffrez à 30 millions d'euros entre 2017 et 2022.

Quels moyens comptez-vous déployer pour détecter et combattre ces prescriptions abusives ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Oui, la lutte contre la fraude sociale nécessite des moyens. C'est pourquoi j'ai annoncé une augmentation des effectifs de contrôle de 20 % au cours des cinq prochaines années et un investissement de 1 milliard d'euros dans la modernisation des systèmes d'information des caisses -  j'ai pu me rendre compte, en Belgique, que les systèmes de données sont beaucoup plus performants que les nôtres.

J'étais hier à la Caisse nationale des allocations familiales, où l'on m'a présenté un dossier édifiant : dans le Val-de-Marne, 437 cas de non-conformité ont été identifiés -  des fausses déclarations de résidence ou de salariat venues de Roumanie, pour un préjudice de 8 millions d'euros. Nous devons renforcer nos outils de détection et de sanction.

La fraude aux prescriptions est une réalité, même si l'écrasante majorité des professionnels de santé agissent selon les règles. L'année dernière, nous avons déconventionné cinq centres de santé, notamment dentaires et ophtalmologiques, qui facturaient des actes non réalisés. Désormais, les patients recevront par SMS la liste des actes facturés par le centre, afin qu'ils puissent, s'il y a lieu, procéder à un signalement. L'assurance maladie pourra ainsi cibler ses contrôles sur les centres ou les professionnels pour lesquels les suspicions sont les plus fortes.

Nous devons lutter implacablement contre ces fraudes : je m'y emploie avec mes collègues, singulièrement François Braun et Jean-Christophe Combe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Bernard Buis.  - Nous espérons que les moyens annoncés permettront de lutter contre la fraude sociale, qui gangrène notre pays. (M. Xavier Iacovelli et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

Tribune visant le professeur Raoult

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En préambule, madame la Première ministre, je tiens à vous féliciter pour vos propos sur Pétain et le Rassemblement national. (Applaudissements sur des travées à gauche ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.) La politique ne se résume pas à des positions morales, mais celle-ci, eu égard notamment à votre histoire personnelle, mérite le respect. (Marque d'agacement sur quelques travées à droite)

Jusqu'au 31 décembre 2021, un protocole thérapeutique portant sur 30 000 personnes a été mis en oeuvre en violation flagrante de la loi protégeant les personnes soumises à une recherche médicale. C'est un fait inédit et grave.

Pourquoi une telle inertie des pouvoirs publics face à ce scandale ? Pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps avant d'agir ? Que comptez-vous faire maintenant ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Nous parlons d'une étude présentée en preprint, c'est-à-dire non encore acceptée par des revues scientifiques - heureusement, suis-je tenté de dire...

Dans ce cadre, 30 000 patients ont été traités à l'IHU Marseille-Méditerranée en dehors de tout cadre d'expérimentation clinique et des médicaments ont été administrés hors autorisation de mise sur le marché et alors qu'ils avaient fait la preuve de leur inefficacité contre la covid-19.

Une enquête des inspections générales des affaires sociales et de l'éducation, du sport et de la recherche a rendu ses conclusions en septembre dernier. Sylvie Retailleau et moi-même avons immédiatement saisi le procureur de la République de Marseille sur le fondement de l'article 40 du code pénal, compte tenu de pratiques managériales et cliniques inappropriées, voire déviantes. Par ailleurs, nous avons convoqué les administrateurs de l'IHU et imposé la mise en place d'un plan de redressement.

Comme vous, je déplore ce nouvel épisode, inadmissible, dans cette affaire. La justice suit son cours. S'agissant de la proposition de publication, dont je considère qu'elle s'apparente à une provocation, Mme Retailleau et moi-même prendrons toutes les mesures nécessaires envers l'ensemble de ses signataires. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Jomier.  - Je pense que vous avez vous-même conscience de la faiblesse de votre réponse...

Il y a deux ans, les alertes étaient déjà nombreuses. Dès 2015, l'Inserm avait quitté le conseil d'administration de l'IHU Méditerranée. Qu'a fait l'université d'Aix-Marseille ? Rien. Qu'a fait le Gouvernement ? Monsieur Véran, qui étiez ministre de la santé, vous n'avez pas répondu à ma question écrite. Mme Vidal, alors ministre de la recherche, ne m'a pas répondu davantage.

Si l'ensemble des institutions de notre pays et les ministres se sont tus et ont été faibles, c'est peut-être parce que le chef de l'État était allé couvrir de sa chaleureuse immunité le patron de l'IHU Méditerranée. C'est un dysfonctionnement grave de nos institutions. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du GEST et du groupe CRCE)

Écriture inclusive (I)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Daniel Chasseing et Pierre Médevielle applaudissent également.) Une fois n'est pas coutume dans cet hémicycle, je voudrais parler d'amour...

« L'amour en général passe par l'amour de la langue, qui n'est ni nationaliste ni conservateur, mais qui exige des preuves. Et des épreuves. On ne fait pas n'importe quoi avec la langue ». (Sourires sur certaines travées) Ces mots de Jacques Derrida sont repris par le ministre de l'éducation nationale dans son rapport au Parlement sur la langue française.

Et pourtant, à l'université Lyon 2, un sujet d'examen de licence en droit a été libellé dans un langage inclusif excessif par son intégrisme : on y trouvait les mots « touz », « als », « professionnæls », « appelæ », « reconnux » ou encore « ouvertx » - tous aussi incompréhensibles.

« La langue de la République est le français », énonce l'article 2 de la Constitution. Pour Michelet, l'identité même de la France réside dans sa langue. Tous les citoyens ont le droit, garanti par la loi, de recevoir une information et de s'exprimer dans leur langue.

M. Mickaël Vallet.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire.  - La loi Toubon affirme le droit au français pour que l'ensemble de la société puisse se comprendre. Elle dispose que le français est la langue de l'enseignement, des examens et concours, des thèses et mémoires. Le rapport du ministre souligne la nécessité de « redonner à ce cadre toute sa dimension politique et d'agir pour maintenir son efficacité ». Ces principes sont rappelés par la circulaire du 6 mai 2021.

Dans le respect absolu de la liberté académique, à laquelle nous veillons tous, que pouvez-vous faire pour que, à l'université, la liberté de penser et de créer s'exerce avec le vocabulaire du dictionnaire officiel de l'Académie française, qui n'est pas figé ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur de nombreuses travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci pour votre question.

Le cadre normatif, dont vous avez rappelé certains éléments, comporte également la circulaire de 2017 d'Édouard Philippe sur les règles de féminisation, qui s'applique aux actes de nature juridique et aux textes administratifs et donne la priorité à la clarté et à l'intelligibilité immédiates de ces documents. Nous sommes attachés à ces principes, mais la circulaire ne s'applique pas aux sujets d'examen, pour l'élaboration desquels les enseignants-chercheurs sont entièrement libres.

Ni l'université ni le ministère n'exercent directement de contrôle sur les enseignements et les sujets d'examen, sauf en cas de propos diffamatoires, injurieux ou discriminatoires. (Protestations sur certaines travées du groupe Les Républicains)

M. Arnaud Bazin.  - Il faut des sanctions !

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Dans le cas de l'épreuve de droit de la famille dont vous parlez, un choix était proposé entre deux sujets : l'un rédigé dans une forme d'écriture dite inclusive, l'autre parfaitement classique.

Encourageons-nous l'usage de l'écriture dite inclusive dans les sujets d'examen et tout document ? Clairement, non. (Exclamations sur certaines travées à droite)

M. François Bonhomme.  - Encore heureux !

Mme Sylvie Retailleau, ministre.  - Je suis, moi aussi, attachée à notre belle langue. Je suis aussi très attentive aux questions de représentations. Notre langue est suffisamment riche pour nous permettre de nous exprimer sans véhiculer des stéréotypes de genre. Nous développons des guides dans cette perspective. (On ironise sur certaines travées à droite.)

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Un numéro vert !

M. François Bonhomme.  - Quel charabia !

Lutte contre les stupéfiants

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'année 2022 a vu des saisies de drogues records, mais aussi une montée inexorable de la violence liée à ce trafic. Ce phénomène gangrène tous nos territoires : grandes villes, villes petites et moyennes, territoires ruraux. Le Creusot, Carpentras, Orléans, Chambéry, Valence et, dans mon département, Villerupt, où cinq personnes ont été blessées : la spirale des règlements de comptes, avec son lot de fusillades, n'épargne aucun territoire.

Comment l'État répond-il aux appels à l'aide des populations, sous l'emprise d'une forme de terreur, et des élus locaux ? Quels moyens de surveillance et de protection déployez-vous ? Dans une zone police comme celle de Villerupt, quel plan d'action concret comptez-vous mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Gérald Darmanin, en déplacement en Nouvelle-Calédonie.

Nous partageons votre constat. Le ministre de l'intérieur se mobilise pour lutter contre les violences liées au trafic de stupéfiants, dans les quartiers des grandes villes comme dans les villes de taille moyenne. Un effort important a été consenti en matière de renforts policiers, notamment lors du mouvement général de 2023 : 11 postes supplémentaires ont été ouverts dans la circonscription de Longwy, dont dépend Villerupt, et 44 postes dans toute la Meurthe-et-Moselle.

Plus globalement, 8 500 postes supplémentaires sont prévus sur cinq ans dans la Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Une concertation permanente avec les élus locaux a été mise en place : le 26 mai, le préfet de Meurthe-et-Moselle a reçu des élus pour un échange sur l'amélioration de la sécurité du territoire ; plusieurs propositions ont été formulées, qui seront de nouveau examinées le 5 juin, place Beauvau.

Les préfets sont à la disposition des élus pour adapter les dispositifs de sécurité aux enjeux locaux, par exemple pour financer la vidéoprotection. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-François Husson.  - J'ai assisté à la réunion du 26 mai. Mais les propos que vous avez tenus, on les entend depuis plus de dix ans ! Et les effectifs de police ne sont jamais à la hauteur : pour Villerupt-Longwy, ils sont 70, quand il en faudrait 95. Le ministre annonce des arrivées, mais il y aura autant de départs... Ce n'est pas sérieux.

Faudra-t-il des événements encore plus graves pour que l'État se mobilise au côté des collectivités territoriales ? Nous comptons sur lui ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit.)

Pacte enseignant

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Partout, les enseignants manifestent leur refus du pacte que votre Gouvernement propose. La promesse du Président Macron d'une augmentation de 10 % du salaire de tous les enseignants à la rentrée n'est pas au rendez-vous. Nous assistons à une crise des vocations, avec un nombre d'inscrits aux concours en nette baisse, et des démissions et ruptures conventionnelles multipliées par cinq, notamment en raison de la baisse du pouvoir d'achat.

La revalorisation aurait dû concerner la partie socle du salaire ; elle ne rattrape pas la baisse de 15 à 25 % du pouvoir d'achat des enseignants en vingt ans. En début de carrière, un enseignant gagnait 2,2 Smic dans les années 1990 ; aujourd'hui, c'est 1,2 Smic.

Il faut relever le point d'indice, et non accorder des primes.

Vos propositions de missions supplémentaires sont une provocation, alors que les enseignants français travaillent plus que leurs homologues européens, et devant plus d'élèves. C'est le retour du « travailler plus pour gagner plus ».

Allez-vous augmenter les salaires pour tous les enseignants sans contrepartie et leur témoigner la considération de la Nation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le pacte enseignant est l'un des deux volets de la revalorisation du métier d'enseignant. L'enjeu est crucial : remettre à niveau les rémunérations et recruter.

La revalorisation inconditionnelle pour tous les enseignants est un engagement du Président de la République. Tous les nouveaux professeurs titulaires débuteront à plus de 2 000 euros nets par mois. Tous les professeurs verront leur rémunération augmenter de 95 à 200 euros par mois. Cette revalorisation concernera quelque 850 000 personnes, enseignants, personnel d'éducation et d'orientation, et comptera pour les deux tiers de l'enveloppe globale de 3,2 milliards d'euros.

Une rémunération supplémentaire est prévue pour les volontaires qui accepteraient de nouvelles missions. (Mme Pascale Gruny manifeste sa déception.) Chacune de ces missions serait rémunérée à hauteur de 1 250 euros bruts par an. Ainsi, un professeur qui en choisirait trois gagnerait 3 750 euros supplémentaires.

Dans les lycées professionnels, les professeurs volontaires toucheront un forfait de 7 500 euros bruts annuels pour ce pacte. (M. Jean-François Husson proteste.)

Il ne s'agit pas de travailler plus pour gagner plus, mais de rendre le service public de l'éducation plus efficace et de reconnaître l'engagement des enseignants. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Florence Blatrix Contat.  - Vous n'avez pas pris la mesure de la situation. Votre réforme n'est pas à la hauteur des enjeux, et va dégrader les conditions de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Écriture inclusive (II)

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le tribunal administratif de Grenoble a annulé, dans une décision du 11 mai dernier, le règlement du service des langues de l'université de Grenoble-Alpes écrit en écriture inclusive, avec des points médians, au motif qu'étant illisible, il n'était pas conforme à la Constitution.

Mais quelques jours plus tard, dans une interview au Figaro, Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de la formation de nos élites, expliquait qu'au titre de nos libertés académiques on pouvait accepter l'écriture inclusive. Qui faut-il croire ? Le Président de la République, qui avait déclaré à Villers-Cotterêts que la langue française était un trésor à protéger, ou Mme la ministre, qui accepte l'écriture inclusive qui détruit notre langue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci de me donner l'occasion de préciser à nouveau ma position : je ne défends pas l'utilisation de l'écriture inclusive. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) En revanche, dire « chers toutes et tous », c'est très différent.

Monsieur le sénateur, je vous sais très attaché aux libertés académiques. Vous l'avez rappelé avec M. Gattolin dans le rapport de votre mission d'information sur les influences étrangères dans le monde universitaire. Mais on ne peut à la fois défendre l'autonomie des universités et fustiger continûment le ministère quand il n'intervient pas dans le contenu des enseignements. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Pascale Gruny.  - Non, mais franchement !

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - La liberté académique n'empêche pas les consignes claires : il y a une circulaire qui impose le respect de la langue française, et des sujets d'examen rédigés dans une langue claire et intelligible. C'est important pour tous nos étudiants.

M. Mickaël Vallet.  - Et les cours en anglais ?

M. Étienne Blanc.  - Votre réponse est ambiguë. Vous ne répondez pas sur le problème constitutionnel pointé par le tribunal administratif de Grenoble. Vous ne répondez pas davantage à l'Académie française...

Mme Laurence Cohen.  - Ah ! L'Académie française !

M. Étienne Blanc.  - ... qui considère l'écriture inclusive comme un péril mortifère. (M. Max Brisson abonde.)

Camus disait que tout le malheur des hommes provient du fait qu'ils ne tiennent pas un langage clair.

Mme Laurence Rossignol.  - Elle est usée, cette citation !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la phrase exacte...

M. Étienne Blanc.  - L'écriture inclusive, c'est oui ou c'est non ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - C'est non !

M. Étienne Blanc.  - Si c'est non, décidez donc que tout texte écrit en écriture inclusive est nul du point de vue du droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur quelques travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

Interdiction des chaudières à gaz

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La Première ministre a annoncé un plan d'action sur la transition écologique pour la fin juin. Nous sommes tous en faveur d'une énergie décarbonée, mais il faut aussi tenir compte des réalités écologiques, territoriales et sociales.

À cet égard, nous sommes inquiets du projet d'interdiction des chaudières à gaz, sachant que plus d'un logement sur quatre a recours à cette source d'énergie. Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Le Président de la République a fixé un objectif clair : faire de la France le premier pays industriel à sortir des énergies fossiles. C'est une condition nécessaire pour atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050.

Nous ne pouvons relever ce défi immense qu'avec la mobilisation de chacun ; le Gouvernement travaille donc sur des feuilles de route filière par filière. Dans le bâtiment, 47 % des émissions de CO2 sont liées au chauffage au gaz.

Réduire le recours aux énergies fossiles, c'est réduire la facture, réduire notre dépendance énergétique et agir contre le dérèglement climatique.

MaPrimeRénov' accompagne déjà les Français souhaitant changer de chaudière. (M. Vincent Segouin proteste.) Nous avons aussi décidé d'interdire l'installation de chaudières à gaz dans les bâtiments neufs. Avec Olivier Klein et Christophe Béchu, nous travaillons à l'élaboration d'autres solutions pour tous nos concitoyens, partout sur le territoire.

Prochainement, nous lancerons la concertation de manière pragmatique, sans perdre de vue nos ambitions climatiques.

M. Vincent Segouin.  - Un scandale !

M. Michel Canévet.  - Je partage votre ambition, madame la ministre. Mais le Gouvernement doit être attentif : nous ne pouvons nous contenter d'une seule source d'énergie, il faut un mix. (M. Jean-François Husson le confirme.) Nous avons pu constater cet hiver que se reposer entièrement sur l'électricité nous exposait à des déconvenues...

Il faut prendre en compte les territoires ruraux, où certains foyers ont des moyens très limités. Le gaz renouvelable est une solution intelligente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Segouin et Mme Toine Bourrat applaudissent également.)

Scolarisation des enfants porteurs de handicap

Mme Kristina Pluchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.) L'actualité de mon département de l'Eure me conduit à évoquer l'exclusion des enfants porteurs d'un handicap à prise en charge complexe : en l'espèce, l'autisme. Ils n'ont pas droit à une éducation décente. Le 17 avril dernier, la France a été condamnée à ce titre par le comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe.

Les budgets consacrés à l'inclusion scolaire sont pourtant importants. Mais inclure, ce n'est pas laisser des enfants à domicile avec un saupoudrage d'intervenants, contraignant les parents à des ruptures dans leur parcours professionnel. Ce n'est pas hypertrophier les moyens pour la comitologie, au détriment de la création de places en structure d'éducation adaptée.

Inclure, c'est comprendre que le milieu dit protégé a toute sa place comme lieu d'expertise au bénéfice des enfants.

Qu'avez-vous prévu pour résorber l'embouteillage dans les instituts médico-éducatifs (IME) à la rentrée prochaine ? Quelle solution digne pour des parents dont certains se mettent en grève de la faim ? Comment sortir de l'éternel effet d'annonce ? Il faut des places !

Ces enfants ne sont pas des enfants de la République à temps partiel, ils ont droit à une scolarisation à temps complet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - J'ai rencontré aujourd'hui le maire de Poses, dans votre département, qui est personnellement concerné et qui porte la voix de familles qui sont, comme lui, dans l'impasse. L'école inclusive, ce sont 430 000 enfants ; ce sont aussi 1 140 IME avec 71 000 places. Il n'y a eu aucune suppression.

M. Bruno Belin.  - Il n'y en a pas assez !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - En revanche, 10 000 de ces places sont occupées, de manière anormale, par des adultes au titre de l'amendement Creton. Notre première mission est de travailler avec les départements pour trouver des solutions différentes. (M. André Gattolin manifeste son scepticisme.)

M. Bruno Belin.  - C'est le travail de l'État !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée.  - Nous allons proposer de nouvelles places et des solutions dans les vingt départements les plus concernés.

Enfin, certains handicaps complexes nécessitent des solutions nouvelles.

La Conférence nationale du handicap a été l'occasion pour le Président de la République de s'engager sur 50 000 nouvelles places et sur des solutions pour la France entière. L'effort est majeur : 2 millions d'euros de plus sur mon budget, qui seront déployés dans les cinq prochaines années. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Kristina Pluchet.  - Oui, il manque des places, alors place au concret. Augmentons les capacités, structure par structure, lançons des projets innovants. Ces enfants si vulnérables méritent toute l'attention de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey applaudit également.)

Diffusion de la Coupe du monde féminine de football

M. Jean-Jacques Lozach .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Coupe du monde féminine de football se déroulera du 20 juillet au 20 août prochains. Or à ce jour, aucun accord n'a été trouvé avec les diffuseurs éventuels pour sa retransmission en France. L'appel d'offres n'a toujours pas abouti, et le président de la Fifa craint que l'événement ne soit pas diffusé dans les cinq grands pays européens.

Je précise que les revenus ainsi générés financent le développement du sport féminin, que les chaînes françaises se sont par ailleurs engagées à favoriser davantage.

Notre équipe nationale fait pourtant partie du top 5 mondial, et la dernière édition, organisée en France en 2019, avait remporté un immense succès, avec un record d'audience pour le quart de finale !

Depuis la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport, il est possible de créer une société commerciale pour gérer plus efficacement les droits audiovisuels du sport professionnel. Pour l'heure, seul le football est concerné. Il serait paradoxal que la dimension féminine soit exclue. Il y va symboliquement de la promotion, de l'affirmation et du financement du sport féminin, de la lutte contre les discriminations qui font obstacle à l'émancipation de la femme par le sport.

La France sera-t-elle privée de Coupe du monde féminine ? Faut-il élargir le décret de décembre 2004 listant les évènements d'importance majeure à l'ensemble des matchs des équipes nationales de foot et de rugby, y compris féminines ? Si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - En 2019, nous étions douze millions de téléspectateurs à encourager l'équipe de France féminine face au Brésil. Il est important de montrer ces images pour créer des vocations chez les jeunes.

La Coupe du monde féminine de football se tiendra dans 50 jours en Australie et en Nouvelle-Zélande, et nous voulons bien sûr regarder notre équipe, que nous espérons retrouver en finale le 20 août.

À l'initiative de la France, mais aussi de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne et de l'Angleterre, la ministre des sports - actuellement retenue par un événement à J-100 de la Coupe du monde de rugby - a appelé la Fifa et les annonceurs à trouver un accord afin que la Coupe du monde féminine soit diffusée, en France comme chez nos voisins passionnés de football. Elle s'est engagée à ce qu'une solution soit trouvée.

Je vous rejoins sur la nécessité de diffuser du sport féminin, qui ne représente que 5 % des diffusions sportives. Or il s'agit d'un sport de qualité, d'excellence et qui fait rêver. (M. François Patriat applaudit.)

Fermetures de services hospitaliers

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les fermetures temporaires de services d'urgences et de maternités se multiplient en raison des difficultés de recrutement. En l'espace d'un mois, les urgences de Sainte-Foy-la-Grande ont été fermées à quatre reprises, soit dix-sept jours. Idem pour les urgences d'Arcachon ou la maternité de Langon.

Ces arrêts touchent tout le territoire, et plus particulièrement les territoires ruraux. En cause, le manque de médecins, aggravé par la loi Rist qui limite le recours à des intérimaires. On constate déjà 14 000 décès supplémentaires par an dans les zones rurales. La mortalité infantile a augmenté de 7 % de 2012 à 2019 : en dix ans, la France est passée du deuxième au vingt-cinquième rang européen. Cette dégradation alarmante est inacceptable.

Votre Gouvernement culpabilise les médecins. Hier, une cheffe de service, en poste depuis trente ans, a fait une tentative de suicide. Ce que vivent les médecins est inhumain. Ce n'est pas à eux de pallier les insuffisances du système, mais à vous !

Le manque d'attractivité est patent : 30 % des postes de praticiens hospitaliers sont vacants, du jamais vu. Il est urgent de redonner de l'attractivité à la médecine hospitalière.

Quelles solutions pérennes proposez-vous pour pallier ces difficultés et éviter la multiplication des fermetures temporaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Effectivement, les difficultés de notre système de santé sont accentuées dans les services à forte pénibilité, avec gardes de nuit, comme les urgences et surtout les maternités, où il faut trois spécialités en permanence.

Ces difficultés ne sont pas nouvelles. La lutte justifiée contre les dérives de l'intérim, qui asséchait nos hôpitaux, ne saurait être tenue pour responsable. Nous avons surmonté les difficultés en avril et en mai et nous avons désormais de la visibilité. Nous trouvons des solutions alternatives sur l'ensemble des territoires.

Le Gouvernement précédent a levé la barrière du numerus clausus et d'ici quelques années, 15 % de médecins supplémentaires sortiront de nos facultés. La solution repose sur trois principes : l'éthique, le travail en équipe et la responsabilité territoriale.

Je précise enfin que le traitement des urgences vitales reste garanti sur tout le territoire national.

Mme Florence Lassarade.  - Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à ma question. La promesse de désengorger les urgences d'ici à la fin 2024 restera vaine tant que les soignants ne seront pas rémunérés à hauteur de leur engagement et de leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Délais d'obtention des titres d'identité

Mme Lana Tetuanui .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je suis interpellée par mes compatriotes polynésiens sur les délais d'obtention des passeports. Hors zone européenne, impossible de se déplacer sans un passeport à jour, mais l'obtenir relève du parcours du combattant. Pour nos citoyens ultramarins, si éloignés de la métropole, quelles mesures adopter ou adapter pour obtenir et acheminer les passeports dans des délais plus raisonnables ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Veuillez excuser le ministre de l'intérieur, qui se trouve en outre-mer. Vous le savez, les délais de délivrance des passeports et cartes d'identité ont augmenté considérablement avec l'augmentation des demandes : neuf millions en 2021, douze millions en 2022, quinze millions aujourd'hui. À la demande de la Première ministre, nous mettons tout en oeuvre pour réduire ces délais.

Mais les délais en Polynésie sont particulièrement satisfaisants. (Rires à droite et au centre ; Mme Lana Tetuanui s'exclame.)

M. François Bonhomme.  - Qu'est-ce que c'est ailleurs !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Ils sont de 30 jours chez vous, contre 50 jours en moyenne en métropole - et 70 jours il y a deux mois encore. Vous avez 18 dispositifs de recueil en Polynésie, et nous en installons un de plus. Que le délai vous paraisse encore trop long, je le conçois, et nous travaillons à le réduire encore d'ici à l'été.

Mais entendez que les collectivités locales et le préfet font un travail remarquable, ce qui explique un délai très bas.

Mme Lana Tetuanui.  - Je serai gentille : madame la ministre, je vous pardonne, mais vous méconnaissez totalement ce qui se passe dans nos collectivités ultramarines.

M. Mickaël Vallet.  - Et elle est gentille !

Mme Lana Tetuanui.  - Si tout allait bien, je me tairais ! Mais ce n'est pas le cas ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE)

Les grandes vacances scolaires, la rentrée universitaire de septembre approchent : pour les étudiants qui s'apprêtent à poursuivre leurs études en métropole, on fait quoi ? Les services de l'État, le haut-commissaire me répondent qu'il y a trop de demandes, qu'il faut attendre, qu'on n'y peut rien. Il est aberrant d'entendre cela en 2023 ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SER)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.