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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Lutte contre les incendies

M. Emmanuel Capus

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Crise du logement (I)

M. Jérôme Bascher

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Crise du logement (II)

Mme Valérie Létard

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Crise du logement (III)

M. Pascal Savoldelli

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Grève dans les écoles à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Crise du logement (IV)

Mme Viviane Artigalas

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Banalisation de la violence

M. Éric Gold

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Financement de la transition écologique

M. Daniel Breuiller

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Rémunérations dans les hôpitaux

M. Alain Milon

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Harcèlement scolaire

Mme Sabine Van Heghe

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Agression du maire de Magnières

Mme Véronique Del Fabro

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Transfert de sans-abri parisiens en région

M. Jean-Pierre Moga

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Grippe aviaire

M. Max Brisson

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

« Paquet de printemps » du semestre européen

M. Patrice Joly

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Lutte anti-drones

M. Cédric Perrin

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Interdiction des chaudières à gaz

M. Stéphane Piednoir

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

CMP (Nominations)

Indices locatifs (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Valérie Létard

M. Henri Cabanel

Mme Sophie Primas

Mme Colette Mélot

M. Daniel Salmon

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Cyril Pellevat

M. Rémi Cardon

Question préalable

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

Discussion des articles

ARTICLE 1er

ARTICLE 2

APRÈS L'ARTICLE 2

Nominations à une éventuelle CMP

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

Salut à une délégation parlementaire géorgienne

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

APRÈS L'ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS

ARTICLE 4

M. Marc Laménie

APRÈS L'ARTICLE 4

ARTICLE 5

APRÈS L'ARTICLE 5

ARTICLE 6

M. Jean-Yves Roux

Ordre du jour du jeudi 8 juin 2023




SÉANCE

du mercredi 7 juin 2023

95e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Lutte contre les incendies

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Voilà 21 mois que la France est en situation de sécheresse, 23 jours qu'il n'a pas plu dans le Nord. Même l'hiver dernier, la sécheresse était telle qu'il y a eu des incendies. Avant, 2022 avait été dramatique.

Je salue les sapeurs-pompiers pour leur bravoure et leur dévouement (applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains) ainsi que les agriculteurs et les nombreux citoyens qui ont aidé à lutter contre les feux de cet été. (Nouveaux applaudissements)

Aucun territoire, même au nord de la Loire, n'est à l'abri. Dans le Maine-et-Loire, à Baugé-en-Anjou, à Beaulieu-sur-Layon et jusque dans l'agglomération angevine, 2 000 hectares sont partis en fumée, vous le savez, monsieur Béchu...

Il faut s'adapter. Des mesures ont été mises en place en octobre, mais il reste beaucoup à faire. Sommes-nous prêts pour l'été qui vient, avec la sécheresse qui ne nous quitte plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur les travées des groupes Les Républicains et SER) À mon tour de saluer les sapeurs-pompiers, en première ligne, qui auront à nouveau à faire preuve de courage et dévouement cet été. À cause du dérèglement climatique, pas moins de 72 000 hectares ont brûlé, dont 60 000 de forêts, jusque dans le nord du pays : dans le Maine-et-Loire, mais aussi dans la Sarthe et les monts d'Arrée. (M. Michel Canévet et Mme Françoise Gatel le confirment.)

La proposition de loi relative aux obligations légales de débroussaillement, que vous avez adoptée, prévoit notamment une éco-redevance pour financer une campagne de communication sur ce thème. Elle sera examinée en CMP le 19 juin.

La météo des forets a été mise en place le 2 juin dernier. Pas moins de 90 % des feux sont d'origine humaine, et plus de la moitié est liée à des imprudences.

Il faut renforcer les moyens de lutte : le fonds vert flèche 100 millions d'euros pour l'achat par les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de caméras thermiques et de drones. Le nombre de colonnes de renfort passera de 44 à 51, les moyens aériens de 38 à 47, pour protéger ceux qui nous protègent. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - La lutte contre les conséquences du réchauffement climatique est une priorité des maires. Les annonces sur le fonds vert sont bienvenues. Le Sénat sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

Crise du logement (I)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, quand le bâtiment va, tout va. Lundi, vous avez conclu le CNR (Conseil national de la refondation) Logement, mais je pense que vous avez confondu avec la convention citoyenne sur la fin de vie (rires) : fin de vie pour le pavillon individuel, pour les investisseurs, pour les emprunteurs modestes.

Une voix à droite.  - Exactement !

M. Jérôme Bascher.  - Vous avez réalisé l'exploit, et l'oxymore, d'un plan de relance qui fait des économies, quand le secteur est au plus mal. Oubliées, toutes les mesures d'offre. Rien pour les terrains, l'investissement et la solvabilisation. À quand le vrai plan de reconstruction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je m'inscris en faux, et je m'étonne de votre conservatisme... (Nombreuses marques d'ironie à droite) Le CNR est un succès. (Protestations à droite) Il a mobilisé des centaines d'acteurs et a fait suite aux mesures de ce gouvernement et du précédent : Logement d'abord, MaPrimeRénov', budget de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) porté de 5 à 12 milliards d'euros.

À l'issue du CNR, la Première ministre a annoncé le rachat de 47 000 logements par la CDC Habitat et Action Logement, qui nous donne une force de frappe sans précédent, ainsi que le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'à 2027.

Le Pinel a été utile, mais nous en voyons aussi les inconvénients : les logements proposés par les banques sont de piètre qualité, et mal entretenus par des propriétaires bailleurs absentéistes. (Murmures ; Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone protestent.) Nous mettons l'accent sur le logement intermédiaire, car les investisseurs institutionnels seront de meilleurs gestionnaires.

Mme la Première ministre - peut-être l'avez-vous mal écoutée (on le conteste à droite) - a aussi annoncé de nouvelles méthodes contre la spéculation foncière. Les services fiscaux réévalueront le prix des terrains. (Les protestations redoublent.)

M. François Bonhomme.  - Pas nous !

M. Jérôme Bascher.  - Vous appelez succès ce que les professionnels du secteur appellent un four. Tous critiquent les conclusions de ce CNR, d'où les mesures d'offres sont absentes.

Vous dites que le rachat de logements par la Caisse des dépôts et consignations est sans précédent ? Je sais, pour siéger à son conseil de surveillance, qu'elle a fait plus en 2016. Comme les maires, que, comme à votre habitude, vous accusez de ne pas respecter les PLU, nous attendions de vrais gestes pour la construction. Viser les petits appartements, c'est avoir une mauvaise vision du problème. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Crise du logement (II)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le CNR Logement était celui de tous les espoirs. La concertation était inédite, l'engagement des acteurs total, ce qui a abouti à des centaines de propositions. Hélas, c'est un rendez-vous manqué.

Une voix à droite.  - Plutôt raté !

Mme Valérie Létard.  - L'heure est à la désillusion. Votre politique du logement est une variable d'ajustement budgétaire : 2 milliards d'euros en moins à l'issue du CNR ! Ce n'est pas acceptable !

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Valérie Létard.  - Monsieur Klein, vous estimez que le CNR n'est pas une fin en soi. Est-ce le début de quelque chose ? Nous attendons un plan d'ampleur pour répondre à la colère non apaisée du logement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, des groupes INDEP et SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains, où quelques voix demandent M. Olivier Klein.) Je me félicite que vous trouviez désormais des mérites à ce CNR...

M. Jean-François Husson.  - Mais non, ce n'est pas la même chose ! Il y a 4,2 millions de demandeurs de logement social !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La Première ministre l'a dit, ce CNR n'est pas la fin de l'histoire, mais un point d'étape : on tient compte des concertations, on va de l'avant. Elle a donné rendez-vous en juin aux ministres concernés et à la Cour des comptes.

Une nouvelle convention quinquennale a été signée avec Action Logement (Mme Sophie Primas proteste), à l'unanimité des partenaires sociaux. Nous avons agi, sur le PTZ et les taux d'usure.

Mais il reste beaucoup à faire, à commencer par le pacte de confiance avec les bailleurs sociaux. Dans un contexte de renchérissement du foncier, de forts enjeux de rénovation énergétique, nous devons poser de nouvelles bases. La remise à plat de la fiscalité sur la location a vocation à être examinée avant le projet de loi de finances. Ce sera l'occasion de faire le bilan, dans un contexte de crise des mises en chantier. Crise de l'offre et crise de la demande se conjuguent, en France et ailleurs.

Vous ne pouvez dire que nous n'avons rien fait, mais il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Valérie Létard.  - Les propositions issues du CNR laissent trop de questions en suspens ; il faut des réponses fortes. Que faites-vous des territoires qui ne sont pas en zone tendue ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) En dehors des métropoles, point de salut ? Mais il y a 4,2 millions de demandeurs de logements sociaux ! (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe INDEP et du RDPI) Comment allez-vous faire ? Recentrage du PTZ, suppression du Pinel : l'accession à la propriété restera-t-elle ouverte au plus grand nombre ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Quid de l'accession sociale à la propriété ? Attention ! On va vers la fin de l'accession populaire en province.

Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour relever ce défi. (On le conteste vigoureusement à droite comme à gauche.) Agissez ! (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)

Crise du logement (III)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.) Quelques chiffres : 330 000 personnes sans abri, 4,2 millions de mal logés, 2,4 millions de ménages en attente de logement social, dont plus de 100 000 dans le Val-de-Marne. Et 5,7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus au logement.

Deux mots me viennent à l'esprit : souffrance et irresponsabilité.

Le logement coûte 38 milliards d'euros par an à la nation, mais rapporte 88 milliards. Comment se fait-il que la part du budget qui lui est consacrée - 1,5 % en 2021 - n'ait jamais été aussi faible ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je commencerai en vous rappelant les mesures prises au cours du dernier quinquennat. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains) Le plan Logement d'abord a permis à 440 000 personnes de passer de la rue au logement. Lancé cette année, le plan Logement d'abord 2, dans lequel beaucoup de municipalités se sont engagées, représentera 160 millions d'euros sur le quinquennat.

L'hébergement d'urgence est une priorité : nous sommes passés de 120 000 places en 2017 à 200 000. Plus de 6 millions d'euros y sont consacrés chaque soir.

Il faut accompagner le logement social ; j'y suis très attaché, pour en avoir occupé un au début de ma carrière d'enseignant.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous le faisons en plafonnant l'augmentation du taux du livret A. Pour favoriser la seconde vie, nous exonérons de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les rénovations lourdes. Nous travaillons à un pacte de confiance ambitieux avec l'Union sociale de l'habitat, que nous signerons dans quelques mois au congrès HLM de Nantes. (M. François Patriat applaudit.)

M. Pascal Savoldelli.  - Madame la Première ministre, qu'aurait fait le Conseil national de la résistance, dont vous avez osé reprendre le sigle, face à une telle crise du logement ? Gel immédiat des loyers, TVA à 5,5 % pour la construction de logements sociaux, généralisation des aides à l'accession à la propriété, interdiction des expulsions sans relogement, augmentation des APL, plafonnement des loyers en zone tendue, taxation des plus-values immobilières pour abonder le Fonds national d'aide au logement (Fnal), sanctions pour les communes ne respectant pas leurs obligations au titre de la loi SRU !

La seule opposition à la conquête du droit au logement, c'est vous, et votre Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Grève dans les écoles à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke .  - La grève du personnel de l'enseignement primaire dure depuis cinq à six semaines à Wallis-et-Futuna, dans une indifférence quasi totale. Cela fait 54 ans qu'ils assurent leur mission de service public sans reconnaissance de l'État. Une ordonnance du 15 février 2006 a étendu à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française l'application de la loi du 5 janvier 2005 dite Censi sur les maîtres dans l'enseignement privé sous contrat, mais Wallis-et-Futuna en a été exclu, au motif que l'enseignement du premier degré y est concédé.

Nos maîtres, titulaires d'une licence des métiers de l'enseignement, sont donc payés directement par le vice-rectorat dans le cadre d'un contrat de travail.

Les grévistes veulent être reconnus comme agents publics de l'État dès la rentrée 2024. C'est légitime : ils sont citoyens français. Nos enfants sont ceux de la République et doivent retourner en classe. Comptez-vous réparer cette injustice en étendant la loi Censi à Wallis-et-Futuna ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - À Wallis-et-Futuna, les enseignants du premier degré sont de droit privé, l'enseignement y étant concédé à l'enseignement catholique. C'est cependant l'État qui les rémunère, à 4 500 euros bruts mensuels, plus les primes éventuelles. Les maîtres sont recrutés à bac+2, au lieu de bac+5.

J'ai donné mandat à la vice-rectrice de Wallis-et-Futuna pour que les négociations avec FO-éducation aboutissent. Des groupes de travail compareront la situation des maîtres et maîtresses de Wallis-et-Futuna avec leurs collègues de Nouvelle-Calédonie et étudieront la possibilité de les faire accéder au statut d'agents publics.

Notre objectif est que les élèves retrouvent les bancs de l'école au plus vite. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Crise du logement (IV)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.) Le logement va mal, tous les indicateurs sont à la baisse : vente de logements, mises en chantier, permis de construire délivrés. Plus de 2 millions de personnes attendent un logement social, un record.

Après six mois de travail et de concertation, les attentes étaient fortes, mais la montagne du CNR a accouché d'une souris : un plan minimaliste et imprécis. Les acteurs de l'immobilier, de la construction et de la solidarité se sentent méprisés par le Gouvernement. Pourquoi n'avez-vous pas pris la mesure des conséquences de cette crise économique et sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Ce CNR a été un moment important de mobilisation et de travail pour les acteurs du logement. C'est tout sauf un point final : il pose les bases de notre méthode de travail.

Il nous faut construire un parcours résidentiel pour tous les Français et favoriser l'accession à la propriété abordable grâce à des mesures équilibrées (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste) - maintien du prêt à taux zéro, bail réel solidaire qui sera « boosté ». C'est aussi le sens des discussions menées avec Bruno Le Maire sur l'accès au crédit.

Ensuite, il nous faut encourager l'accès à la location. Le logement locatif intermédiaire, un des meilleurs moyens de lier l'emploi au logement, sera étendu. Il a le même produit final que le Pinel, que certains semblent regretter.

Nous allons doubler le nombre de personnes éligibles à Visale, qui est la caution pour ceux qui n'ont pas de caution. Notre priorité est d'aider les Français dans leur parcours résidentiel.

Concernant le logement social, notre travail sur le pacte de confiance est essentiel, pour la rénovation comme pour la production, tout comme la compensation de la hausse du taux du livret A. (Exclamations à gauche)

Mme Viviane Artigalas.  - Les faits sont têtus : le logement n'est pas votre priorité. Toutes les aides au logement ont été dépouillées pendant le premier quinquennat Macron. Quelle réponse aux 2,4 millions de demandeurs de logement social ? Quelle réponse sur le foncier ? Rien pour permettre aux jeunes d'accéder à la propriété dans les territoires, aucune mesure pour relancer la dynamique de construction, perdue depuis 2017. Où est la refondation promise ?

Le ministre des comptes publics a annoncé une nouvelle baisse du budget du logement dans le projet de loi de finances pour 2024. La crise va s'aggraver à cause de votre inaction ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mmes Valérie Létard et Amel Gacquerre applaudissent également.)

Banalisation de la violence

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La banalisation de la violence, dans les écoles, les stades, envers les élus ou les dépositaires de l'autorité publique, est un signal d'alerte en ces temps de crise. Une partie de la population, y compris la jeunesse, choisit l'abstention ou les extrêmes, signe de l'accroissement du malaise démocratique.

Lorsque je me rends dans les écoles, collèges et lycées de mon département, je constate que, malgré l'engagement des professeurs, les jeunes ignorent le sens de la République et méconnaissent les institutions, ce qui entraîne un risque de moindre acceptation des lois.

Ce défi démocratique doit être relevé. Au-delà des mesures prises - purement curatives, et non préventives - le RDSE, avec Henri Cabanel, a engagé un travail transpartisan sur l'engagement et la culture citoyenne pour que chacun trouve sa place et s'inscrive dans un projet commun grâce à des références partagées.

L'ignorance est le terreau de la défiance. L'école est le lieu de formation des futurs citoyens. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour y renforcer la culture citoyenne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Évelyne Perrot et M. Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Vous posez la question de l'engagement citoyen des jeunes et donc de l'avenir de notre démocratie. L'enseignement moral et civique fait partie des enseignements obligatoires, du CP à la terminale. Le rapport Cabanel fait des propositions pertinentes.

Cet enseignement doit être effectif à tous les niveaux, et non demeurer une variable d'ajustement. Son contenu doit être amélioré : connaissance des institutions, valeurs de la République, capacité pour chaque élève de choisir un engagement éclairé. Les programmes vont être revus et nous nous assurerons de leur mise en oeuvre.

Nous devons aussi nous assurer que les professeurs sont formés. Une épreuve spécifique sur l'appropriation des valeurs de la République a été proposée à partir de 2022 à l'oral du Capes et de l'agrégation.

Il faut enfin travailler sur l'éducation aux médias, car nous connaissons le rôle délétère des réseaux sociaux sur les jeunes. Sur ce point également, vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Financement de la transition écologique

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.) L'ISF climatique, pour nous, c'est oui ! Le Giec répète que l'urgence est plus violente et rapide que prévu. Le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz confirme l'absolue nécessité de réorienter les financements publics vers la durabilité et la résilience. Écoutez les élus, dont les écologistes (on ironise à droite), qui vous demandent un soutien de 25 milliards d'euros par an aux collectivités pour amortir le choc de la hausse de 4 degrés Celsius en France.

Nous devons faire en dix ans ce qui n'a pas été fait en trente. Il faut activer tous les leviers, et mettre les plus riches à contribution : parce qu'ils sont les plus pollueurs (quelques sénateurs des groupes Les Républicains et UC le contestent) et parce que les 378 ménages aux revenus les plus élevés sont ceux qui paient le moins d'impôts, selon l'institut des politiques publiques (IPP).

Monsieur Béchu, comment financerez-vous la transition écologique ? Vous dites non à un impôt vert exceptionnel sur le patrimoine des 10 % les plus riches. Vous dites également non à un endettement pourtant légitime pour faire face à la gravité exceptionnelle de cette crise climatique. À quoi dites-vous oui ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le rapport Pisani-Ferry, 160 pages, commence par expliquer qu'écologie et économie ne sont pas contradictoires et qu'on peut tenir ensemble une trajectoire écologique et une trajectoire de croissance.

M. Guy Benarroche.  - Quelle croissance ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Il explique aussi que les mesurettes ne sont pas à la hauteur de la marche et valide la planification écologique de ce Gouvernement, à laquelle je dis oui ! (On ironise sur les travées du GEST.) Je dis oui aussi à la proportion des efforts par secteur.

Vous retenez deux pages sur les 160 du rapport...

Plusieurs voix sur les travées du GEST.  - Ce sont les meilleures !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ma réponse : pas de tabou sur la fiscalité. Mais le débat sur les symboles nuit à l'essentiel. (L'ironie redouble sur les travées du GEST.) Si l'écologie devient un prétexte pour interdire et taxer, cela ne fera que renforcer son impopularité auprès d'une partie de la population et nous éloigner des objectifs. L'enjeu, c'est la transition fiscale de l'essence à l'électrique, alors que la TICPE produit 40 milliards d'euros.

La transition, c'est renchérir l'artificialisation tout en assouplissant le ZAN pour les territoires ruraux (on s'en réjouit bruyamment à droite) et en aidant les élus à dépolluer les friches.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Faites !

M. Christophe Béchu, ministre.  - C'est à cette réflexion globale et collective que je vous invite dans les semaines qui viennent. (On ironise sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Breuiller.  - Merci de me répondre par des questions. Pour la crise covid, vous avez dépensé sans compter, tant mieux. Mais pour l'environnement, c'est non ! L'ISF climatique est une demande partagée sur un grand nombre de nos travées... (On le conteste à droite et au centre) - tout au moins, de la gauche ! Pas moins de 170 élus vous le demandent : la réponse vous appartient. (Applaudissements sur les travées du GEST, sur des travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

Rémunérations dans les hôpitaux

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En juillet dernier, le Gouvernement a accordé une majoration exceptionnelle du travail de nuit et des heures supplémentaires, reconduite jusqu'au 31 août 2023, pour les 929 000 professionnels non médicaux des hôpitaux publics - 531 millions d'euros en 2023 et 760 millions d'euros cumulés en 2022. Mais rien pour leurs 284 000 homologues des établissements privés et associatifs non lucratifs, qui remplissent pourtant les mêmes missions et obéissent aux mêmes règles.

La situation de notre système de santé appelle la mobilisation de tous. La crise sanitaire a montré que des synergies étaient possibles : l'esprit covid doit être préservé. Il passe par des rémunérations équitables. Comment, avec cette injustice, garantir l'engagement de toutes et tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre de la santé accorde une grande attention au pouvoir d'achat des professionnels de santé. Le Ségur prévoit une revalorisation socle de 183 euros nets pour les agents du privé non lucratif - un montant équivalent à celui du public - et de 160 euros nets pour le privé lucratif, grâce à une compensation pour le secteur privé de 220 millions d'euros. Dans le privé, nous avons aussi revalorisé la rémunération des sages-femmes et la prime d'exercice en soins critiques pour les infirmiers et cadres de santé.

Les mesures concernant la majoration des nuits et gardes à la suite de la mission flash sur les urgences et soins non programmés sont transitoires. François Braun et moi-même travaillons sur des systèmes de revalorisation plus pérennes.

Nous travaillons également sur la permanence des soins, qui doit effectivement reposer sur tous les acteurs. Nous en débattons notamment dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sur l'engagement territorial des médecins, qui a débuté à l'Assemblée nationale cette semaine. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

M. Alain Milon.  - Le ministre voulait reconnaître les spécificités liées au travail de nuit, mais votre mesure ne concerne pas les personnels des hôpitaux privés. Le travail de tous doit être reconnu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Bernard Fialaire et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Harcèlement scolaire

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Combien faudra-t-il de Lindsay, Lucas, Chanel ou Dinah pour qu'on s'attaque enfin au problème du harcèlement scolaire ? Aujourd'hui, l'émotion nous assaille, mais la question risque de retomber dans l'oubli.

Monsieur le ministre, lorsque Colette Mélot et moi vous avions rencontré en février, à l'occasion de la remise de notre rapport, vous sembliez touché et mobilisé, notamment pour diffuser partout le programme pHARe.

Or, sur le terrain, on constate des disparités : lorsque l'équipe et les services se sont saisis de la question, les choses s'améliorent. C'est quand cette question n'est pas une priorité, là où les moyens manquent ou là où l'on préfère le « pas de vagues », que cela va mal. Le programme pHARe n'est pas connu partout, et les associations spécialisées se voient refuser l'accès à certains collèges au motif que tout va bien... C'est inadmissible !

Allez-vous enfin rendre obligatoire l'application des dispositifs existants ? Augmenterez-vous les contrôles, renforcerez-vous les équipes médicosociales et la coordination entre l'éducation nationale et la police afin de faire en sorte que l'enfant se sente écouté et protégé ? Comment contraindrez-vous les réseaux sociaux à la modération effective du flux d'informations et à la publication de messages d'alerte à destination du jeune public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous avons avancé en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, mais nous avons encore du pain sur la planche. La loi Balanant a fait du harcèlement un délit ; les numéros 3018 et 3020 ont été créés, le programme pHARe a été généralisé depuis la rentrée 2022 dans les écoles et les collèges -  même si des disparités demeurent.

Nous nous inspirons de l'excellent rapport que vous avez rédigé avec Colette Mélot pour aller plus loin. (M. Emmanuel Capus s'en félicite.)

Nous défendons la nomination d'un adulte référent, CPE, professeur ou infirmier, pour assurer le suivi des situations de harcèlement. Nous nous assurerons que le programme pHARe est généralisé aux lycées et effectif dans tous les établissements, que le procureur est saisi et nous imposerons le déplacement de l'élève harceleur, suivant en cela une proposition de la sénatrice Mercier,...

M. Max Brisson.  - Excellente !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - ... au moyen d'un décret transmis hier au Conseil d'État.

Enfin, nous formerons massivement le personnel et augmenterons les moyens des plateformes d'écoute. Le Gouvernement agit pour faire reculer le fléau intolérable du harcèlement scolaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

Mme Sabine Van Heghe.  - Rien de nouveau sous le soleil... (Mme la Première ministre le conteste.) Il faut passer de la parole aux actes ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Agression du maire de Magnières

Mme Véronique Del Fabro .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la nuit du 4 juin, Édouard Babel, maire de Magnières, a été violemment agressé par dix individus après avoir tenté de mettre fin à un tapage nocturne. Choqué, il ne démissionne pas. Je lui apporte mon plein soutien.

Nous n'oublions pas l'incendie criminel du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins et le décès du maire de Signes.

Certes, la protection fonctionnelle a été renforcée, les parquets ont reçu des instructions de fermeté, les forces de police et de gendarmerie sont davantage mobilisées. Malgré cela, la violence envers les élus a augmenté de 32 % l'année dernière.

Face à la déshumanisation de la société, aux agressions de policiers, pompiers, soignants, enseignants et élus, quand imposerez-vous des sanctions pénales exemplaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Au nom de la Première ministre, du ministre de l'intérieur et du Gouvernement tout entier, je renouvelle notre soutien à M. Édouard Babel. Je salue son courage d'avoir porté plainte, ainsi que la mobilisation du corps préfectoral, de la gendarmerie et du procureur. Grâce à leur coordination, le parquet de Nancy a ouvert une information judiciaire dès le lendemain de l'agression. Plusieurs interpellations ont déjà eu lieu.

Des circulaires du ministère de l'intérieur et du garde des sceaux ont été prises ces dernières années. Signalement rapide, évaluation de la gravité des faits, sanction : sur tous ces points, nous accélérons. Les 3 400 référents « violences faites aux élus » dans la police et la gendarmerie sont désormais bien identifiés.

C'est surtout la cyberviolence qui a fortement augmenté ces derniers mois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Husson proteste avec énergie.)

Chaque citoyen peut signaler les faits sur une plateforme dédiée, qui les référencera.

M. Hussein Bourgi.  - Donnez-lui des moyens !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous travaillons dans une logique transpartisane. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Veille proactive, réponse opérationnelle et judiciaire ferme et systématique.

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

Mme Véronique Del Fabro.  - Je transmettrai votre message à M. Babel. L'interpellation des agresseurs est une bonne chose, mais à Villerupt, dans notre département pourtant calme de Meurthe-et-Moselle, on a récemment interpellé un individu violent - pour la 34e fois... Il y a une crise d'autorité dans notre société, certains s'affranchissent de toutes les règles. N'attendons pas que le pays soit à feu et à sang pour apporter une réponse implacable ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Transfert de sans-abri parisiens en région

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question Pierre-Antoine Levi.

Depuis quelques semaines, des sans-abri d'Île-de-France sont transférés vers des villes de province. Il est vrai que les jeux Olympiques et la Coupe du monde de rugby se profilent. On avait agi de la sorte lors des Jeux de Rio en 2016 ou de l'Exposition universelle de Shanghai en 2010.

Ces déplacements choquent. Ils posent la question de l'accueil et de l'accompagnement des personnes déplacées, et des liens entre l'État et les maires, qui n'ont pas été informés ni consultés en amont.

Pouvez-vous nous en dire plus ? Les élus locaux sont-ils consultés ou placés devant le fait accompli ? Quel accompagnement social pour les déplacés ? Les maires ne méritent-ils pas plus de transparence et de considération ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je saisis l'occasion de rétablir quelques vérités. Le travail d'accompagnement en province des personnes sans abri de la région parisienne est mené depuis plusieurs mois, avec les associations de solidarité. Plus de la moitié des 200 000 places d'hébergement d'urgence que nous ouvrons chaque soir sont en Île-de-France. C'est pourquoi nous recherchons des solutions avec le préfet de région.

Le maire de Bru avait été informé bien en amont et faisait partie de la concertation. Nous demandons aux préfets d'associer les élus locaux. Cet accueil en région, en petit nombre, des personnes en hébergement d'urgence, c'est la solidarité nationale, c'est l'honneur de la France. Nous devons le faire dans de meilleures conditions, avec un accompagnement social et administratif, ce que ne permet pas l'éclatement des nuitées d'hôtel en Île-de-France.

L'accompagnement proposé se fait sur la base du volontariat. Les personnes concernées sont informées ; elles pourront ensuite revenir en région parisienne, être raccompagnées ou rester en province, dans des lieux de tension sur l'emploi. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Pierre Moga.  - Après l'épisode de Saint-Brevin-les-Pins, il serait regrettable de créer de nouvelles tensions avec les maires, qui ont parfois le sentiment d'être tenus pour quantité négligeable.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Moga.  - Les décisions de ce genre doivent être prises en concertation avec les élus pour assurer leur succès. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Grippe aviaire

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 29 avril, le risque de grippe aviaire passait d'élevé à modéré. Le 3 mai, elle réapparaissait dans quatre départements du Sud-Ouest. C'est la sidération : tous les modèles d'élevage ont été touchés, toutes les ripostes dépassées, tous les territoires frappés. Lundi, vous disiez entendre la désespérance des éleveurs et confirmiez une campagne de vaccination pour octobre prochain. Un tabou se brise enfin, mais la date est lointaine, alors que les filières avicole et gras du Sud-Ouest sont à genoux. Beaucoup d'éleveurs se sont endettés et attendent encore les indemnités des abattages antérieurs.

La vaccination n'est pas la panacée, mais c'est une réponse très attendue. Les quatre chambres d'agriculture réclament le déploiement du vaccin dès cet été. Appliquerez-vous la vaccination aux élevages AOP comme ceux du pays de Bresse, cher à Patrick Chaize ? Quelle sera la part à la charge des éleveurs ? Enfin, peut-on accélérer la vaccination dans le Sud-Ouest ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le 14 mars dernier, nous pensions être sortis de l'épisode de grippe aviaire de 2022-2023. En Nouvelle-Aquitaine, le plan Adour de dédensification avait permis de réduire le nombre de foyers à 28. Mais en mai, le virus est réapparu, dans le Gers, puis dans les Landes et les Pyrénées Atlantiques. Nous avons pris des mesures classiques de dédensification et d'abattage sanitaire, et travaillé pour accélérer l'indemnisation des éleveurs, y compris pour les nouveaux cas.

Concernant la vaccination, nous avions annoncé une expérimentation à partir de juin 2022 - car nous avions besoin d'autorisations - et jusqu'en mars, nous avons été au rendez-vous. À l'automne, nous serons au rendez-vous de la vaccination des palmipèdes. J'entends l'impatience des éleveurs, nourrie de la désespérance, après cette nouvelle vague.

Nous avons qualifié le vaccin et lancé les précommandes, et si nous pouvons accélérer le calendrier, nous le ferons. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Max Brisson.  - Je comprends les problèmes techniques, mais il faut un plan d'urgence, sinon les éleveurs ne seront plus là lorsque le vaccin arrivera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

« Paquet de printemps » du semestre européen

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À l'occasion de l'examen annuel de la situation économique et sociale de la France, la Commission européenne a constaté dans notre pays des disparités régionales croissantes et une fracture économique entre zones urbaines et rurales. Elle juge important de corriger ces déséquilibres pour améliorer notre croissance à long terme.

Plus précisément, la Commission préconise de demander à la France la mise en oeuvre rapide de politiques de cohésion pour accélérer une transition écologique, sociale et numérique équitable et inclusive.

Face à ce diagnostic impitoyable, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le « paquet de printemps » de la Commission européenne comporte en effet certaines recommandations, comme à l'accoutumée. Vous avez pris soin de ne pas mentionner celles qui pourraient avoir moins de succès sur vos travées - par exemple, la réduction de la dépense publique... (Protestations sur les travées du groupe SER)

Vous parlez d'harmonisation du territoire : c'est le sens de la politique, notamment industrielle, que nous menons depuis des années et qui donne de premiers résultats. Après des décennies de désindustrialisation, nous enregistrons désormais une création annuelle nette de l'ordre de 300 entreprises. Le Président de la République est allé récemment dans les Hauts-de-France : c'est sur de tels territoires, qui ont perdu beaucoup d'usines, qu'il nous a demandé de mettre le paquet.

Quant au verdissement de notre économie, c'est l'objet du projet de loi Industrie verte. En Français et en Européens, nous devons fabriquer à nouveau sur notre territoire les instruments nécessaires à la rénovation thermique, des panneaux solaires aux pompes à chaleur.

M. Mickaël Vallet.  - Vous n'avez même pas réussi à fabriquer des masques...

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Si nous pouvons avoir des désaccords sur d'autres sujets, nous inscrivons nos pas, en l'occurrence, dans ceux de la Commission européenne. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Patrice Joly.  - Certes, il y a des avancées en matière industrielle. Mais les chiffres montrent l'urgence d'une politique globale d'aménagement des territoires : 57 600 euros de PIB par habitant en Île-de-France, 29 200 ailleurs ; 22,4 % de la population exposée à la pauvreté dans le monde rural, 19,2 % en agglomération. Le délitement de la cohésion sociale met en péril notre République !

Le Sénat, unanime, avait demandé au Gouvernement d'agir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour une politique européenne en faveur des territoires ruraux : cet impératif demeure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pascal Savoldelli et Daniel Breuiller applaudissent également.)

Lutte anti-drones

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 sont une chance, mais aussi une charge d'un point de vue sécuritaire.

On le voit tous les jours  en Ukraine: les drones sont autant un atout qu'une menace très élevée. En 2021, la direction générale de l'armement a conclu avec le consortium Thalès-CS Group le marché Parade, visant à doter la France d'un dispositif de lutte anti-drones. Mais il semble que cette solution ne soit pas du tout opérationnelle.

Je n'ose imaginer que la France, naguère référence au sein de l'Otan, soit prise de vitesse ; que nous soyons contraints d'importer pour protéger les jeux Olympiques ; que nos ambitions de souveraineté soient rabaissées au moment où la loi de programmation militaire les réaffirme.

L'enjeu est crucial ; les Français comme les visiteurs du monde entier ont besoin d'être rassurés. Oui ou non, notre dispositif de lutte anti-drones est-il opérationnel ? Sera-t-il testé au salon du Bourget et lors de la Coupe du monde de rugby, comme promis par le Gouvernement ? Est-il bien made in France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre des armées, retenu à l'Assemblée nationale pour le vote de la loi de programmation militaire.

Vous avez raison : la lutte anti-drones est essentielle, d'autant qu'elle touche à nos opérations extérieures aussi bien qu'à notre sécurité intérieure, notamment dans la perspective des JOP.

La loi de programmation militaire prévoit plus de 5 milliards d'euros pour la défense sol-air ; dans ce cadre, la lutte anti-drones bénéficiera de 350 millions d'euros. Son article 27 renforce le régime légal des actions de brouillage et de neutralisation de drones.

Nous développons des solutions innovantes pour faire face aux nouvelles menaces : armes à énergie dirigée et drones intercepteurs, notamment.

S'agissant du système Parade, la contractualisation est intervenue en 2021 avec Thalès et CS Group. Depuis, six exemplaires ont été commandés ; neuf supplémentaires sont prévus. Comme tout système d'armes complexe, celui-ci rencontre quelques difficultés, mais elles sont en cours de résolution.

Le ministre des armées sera en mesure de protéger les JOP sans faire appel à des solutions sur étagère ; nous travaillerons donc avec des industriels français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Cédric Perrin.  - Je suis heureux d'entendre que la protection de notre ciel et des spectateurs sera assurée par des industriels français.

La chronologie prévue était simple : création du système, montée en compétence lors du salon du Bourget et de la Coupe du monde de rugby, déploiement pour les jeux Olympiques. Aujourd'hui, pourtant, ce système ne fonctionne pas - et même, il n'existe pas.

Le ministère des armées et la délégation générale à l'armement doivent se coordonner pour réunir les capacités françaises. Il faut que la France se montre à la hauteur en matière de lutte anti-drones ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Interdiction des chaudières à gaz

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Première ministre a confirmé avant-hier que le Gouvernement envisageait bien d'interdire le remplacement des chaudières à gaz dès 2026, à l'issue d'une concertation. L'objectif de décarbonation du mix énergétique est largement partagé, même si la France représente seulement 1 % des émissions mondiales de CO2.

Il faut donc trouver des solutions rapides et concrètes, mais pas, comme le dirait le Président de la République, en emmerdant les Français. Or cette mesure pénaliserait lourdement les 12 millions de foyers qui se chauffent au gaz : une pompe à chaleur coûte environ trois fois plus cher qu'une chaudière à gaz performante...

En outre, elle déstabiliserait une filière en pleine mutation, qui attend des marques de confiance pour continuer à promouvoir la production de biogaz en France.

Il faut davantage de constance dans la parole de l'État ; il faut en finir avec l'écologie punitive.

Dans quel esprit abordez-vous cette concertation ? Entendrez-vous les arguments de bon sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Je vous rassure : il n'est pas question d'emmerder les Français. (On ironise sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Il s'agit de planifier et de donner de la visibilité aux acteurs, à commencer par nos concitoyens qui ont des chaudières fossiles.

Permettez-moi de replacer cette concertation dans son contexte. Le Président de la République nous a fixé un objectif ambitieux : être le premier pays à sortir des énergies fossiles pour atteindre nos objectifs de neutralité climatique en 2050.

Nous y travaillons secteur par secteur. Le logement est évidemment concerné : nous voulons des logements moins énergivores et moins émetteurs, pour le bien de la planète mais aussi pour plus de confort et une moindre dépense. (On en doute à droite.)

Ce travail n'a rien de nouveau : il n'est déjà plus possible d'installer des chaudières à gaz ou au fioul dans les constructions neuves.

Avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein, j'ai lancé une consultation publique sur la décarbonation du bâtiment. L'objectif est d'identifier des solutions concrètes et, en effet, accessibles. Nous devons anticiper aussi la construction de nouvelles chaudières bas-carbone.

Nous ne prenons pas des mesures drastiques et immédiates. Mais gouverner, c'est prévoir ; et prévoir, c'est anticiper. (On ironise à droite.) C'est ce que nous faisons ! (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Stéphane Piednoir.  - Voilà quinze jours, Christophe Béchu annonçait, ici même, la fin de l'écologie punitive. De grâce, n'ouvrez pas la voie à une nouvelle colère sociale, ne faites pas payer aux Français vos errements et vos volte-face. Les plus modestes n'ont pas à supporter une mesure déconnectée de leur réalité quotidienne ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

CMP (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Indices locatifs (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

Discussion générale

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Il y a près d'un an, vous étiez majoritairement d'accord pour voter des mesures de lutte contre l'inflation, dont le plafonnement de l'indice de référence des loyers (IRL) et de l'indice des loyers commerciaux (ILC). C'est sous l'impulsion de votre chambre que le dispositif ILC a été introduit dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Olivia Grégoire - qui s'excuse de ne pouvoir être présente - avait réuni tout le monde autour de la table, pour parvenir à un accord essentiel pour nos 430 000 petits commerces, en leur offrant un véritable bol d'air.

Sans le plafonnement à 3,5 %, la hausse aurait été double. Il ne faut pas relâcher l'effort. La hausse va continuer, et cette proposition de loi revêt donc une très haute importance, pour protéger nos petits commerces, en proposant un dispositif équilibré, dans son périmètre, son intensité et sa durée. Nous agissons avec prudence, pour respecter nos principes constitutionnels de liberté et de stabilité contractuelle.

Non, il n'y a pas eu d'impréparation. Il n'est jamais neutre que l'État intervienne dans des relations contractuelles. Ainsi, nous avons veillé à viser les TPE et les PME - entreprises les plus exposées avec le moins de marges et une faible capacité de négociation - et à borner dans le temps -- 1er trimestre 2024 - les mesures.

La nécessité dicte cette mesure ponctuelle et le Conseil national du commerce reste bien le lieu de concertation pour régler les problèmes structurels. Je réitère donc, au nom d'Olivia Grégoire, l'invitation à discuter d'une réforme des baux commerciaux, qui englobera entre autres l'ILC. Toutes vos idées seront les bienvenues.

Vous critiquez une forme d'impréparation et un manque d'évaluation. Je remercie les députés de la majorité de s'être emparés du sujet. Le plafonnement de l'IRL doit être voté avant le 1er octobre 2023 : il n'y a pas urgence, mais nous voulons donner de la visibilité aux Français. Cette mesure est simple, elle protège les locataires, et n'empêche en rien les travaux parlementaires. De plus, les prévisions d'inflation étaient changeantes, de plus ou moins 1 % pour le deuxième trimestre. Il nous fallait attendre des prévisions stabilisées, qui aujourd'hui sont de qualité. La situation se stabilise, et toutes les banques centrales s'accordent sur ce point, en stoppant la remontée des taux.

Nous disposons d'éléments d'évaluation : 490 millions d'euros seront économisés par les locataires en année pleine avec le rythme des revalorisations de loyers, si toutes les revalorisations se font à l'IRL. Or le taux de hausse des loyers en 2022 est de 2 %. Nous faisons le pari scientifique d'appliquer aux mêmes causes les mêmes solutions, plutôt que de faire des évaluations risquées.

Je vous laisse le soin de justifier cette hausse des ILC aux 430 000 commerçants.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Aucun problème !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Et celle des IRL aux ménages les plus modestes et aux élus locaux, si le bouclier loyer n'est pas adopté.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - On devrait faire le loyer gratuit. En voilà une bonne idée !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Vous assumeriez en fait une hausse des loyers de 10 % ! En 2022, un bailleur pouvait revaloriser son loyer d'au maximum 3,6 %. En 2023, il pourrait revaloriser jusqu'à 6,1 %. Sur deux ans, cela revient à 60 euros par mois supplémentaires en moyenne. Avec le prolongement, la hausse sur la période sera donc de 7 % au lieu de 12 % sans aucun plafonnement. Le bouclier permet une économie de 1 milliard d'euros par an pour les locataires du parc privé, qui s'ajoute aux revalorisations structurelles des aides personnalisées au logement (APL).

Le dispositif a fait ses preuves pour protéger les locataires, sans fragiliser les propriétaires. En pratique, la hausse a été de 2 % en 2022, contre 0,6 % en 2021. Le dispositif est donc efficace. Les propriétaires ne revalorisent pas au maximum.

Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone.  - Précisément !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - J'ai confiance en eux. Certains, modestes, sont obligés d'augmenter les loyers pour faire face à l'inflation. (M. François Bonhomme et Mme Catherine Di Folco le confirment.)

La majorité des autres, quand ils le peuvent, prennent part à l'effort de solidarité. Les propriétaires recherchent souvent un équilibre intelligent. L'inflation va diminuer, certes, mais pas aussi vite qu'attendu. Les prochains mois vont rester difficiles. (M. François Bonhomme acquiesce.) La prolongation permet d'agir en responsabilité en préparant au mieux un avenir incertain. Nous pourrons ainsi protéger les Français durant toute la période de forte inflation, en accord avec les professionnels. Oui, ils ont été associés, et je salue le travail de Thomas Cazenave, qui a échangé avec plusieurs acteurs avant l'examen du texte.

Les bailleurs sociaux ne sont pas concernés par le plafonnement actuel. Ils sont libres de fixer leurs loyers au 1er janvier 2025, mais je compte sur leur responsabilité pour limiter les hausses. Les bailleurs sont favorables à la protection de leurs locataires.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Alors pourquoi ce texte ?

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - J'ai reçu des engagements de leur part.

L'objectif du texte n'est pas de régler la crise du logement. Le logement est un sujet qui concerne de nombreux parlementaires, je m'en félicite.

M. François Bonhomme.  - Bravo !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La restitution du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement a été l'occasion pour la Première ministre de faire de nombreuses annonces, que j'ai pu détailler dans les questions au Gouvernement.

J'espère que nous pourrons débattre, et je regrette la question préalable déposée par le groupe Les Républicains.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Par la commission !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Je regrette cette instrumentalisation politique du texte, qui n'est pas à la hauteur des enjeux. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'exclame ; marques d'indignation sur diverses travées.)

M. François Bonhomme.  - Parlez-en au ministre !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous prenons nos responsabilités pour protéger les locataires et les commerçants.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Oui, nous sommes bien saisis en urgence de cette proposition de loi, qui prolonge jusqu'en 2024 le plafonnement de la hausse des IRL et ILC de 3,5 %, décidé dans le texte sur le pouvoir d'achat.

Sur la méthode, je fais un quintuple constat d'impréparation, de précipitation, d'absence d'évaluation, de manque de concertation et de non-accompagnement financier des mesures édictées.

L'encadrement de l'ILC est déjà juridiquement échu.

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas une surprise ! Le Gouvernement est touché par la grâce !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Nous aurions dû examiner ce texte en janvier. Les délais d'examen ont été une course de vitesse législative. Déposée le 23 mai, la proposition de loi a été examinée en commission par l'Assemblée nationale moins d'une semaine plus tard en commission et en séance. Nous avons eu sept jours pour examiner le texte en commission, et 24 heures seulement avant l'examen en séance publique.

M. François Bonhomme.  - Félicitations !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Selon l'article 42.3 de la Constitution, « la discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission. » Un délai de deux semaines est ménagé entre l'examen en commission et la séance. (Mme Catherine Di Folco renchérit.)

Avec vos délais, vous dépassez les bornes. Aucune concertation ou audition n'est possible ; les acteurs ont été placés devant le fait accompli. Ce texte va contre la parole même du ministre, le texte sur le pouvoir d'achat devait être une mesure exceptionnelle non reconduite.

M. François Bonhomme.  - On n'est même plus surpris !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - En choisissant de passer par le faux-nez d'une proposition de loi, le Gouvernement se dispense de toute étude d'impact. (M. François Bonhomme le confirme.) Pourtant, l'an passé, le coût pour les propriétaires du plafonnement de la hausse de l'IRL avait été évalué à 705 millions d'euros - ce n'est pas négligeable.

Le plafonnement de la hausse de l'ILC, proposé par l'amendement de Jean-Baptiste Lemoyne, n'avait pas fait l'objet d'une étude d'impact, mais au moins, il y avait eu concertation !

Cette proposition de loi ne prévoit pas d'accompagnement financier ni de garanties pour les bailleurs sociaux. L'an passé, une hausse des APL accompagnait le plafonnement. Or ce n'est pas possible au sein de cette proposition de loi, en raison de l'article 40 de la Constitution.

Une telle mesure ne peut dispenser le Gouvernement d'une véritable politique du logement et du pouvoir d'achat. La crise est sans précédent, les mesurettes du CNR Logement ne changeront pas la donne.

Comment relancer la construction et encourager la location, quand on plafonne les indices de référence mais que les loyers saisonniers ne sont pas régulés ? Le message est contradictoire.

De plus, les charges pesant sur les propriétaires ne sont pas allégées et la revalorisation des valeurs locatives sur l'inflation pour le calcul de la taxe foncière n'a pas été plafonnée. L'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) la chiffre à 3 milliards d'euros. Enfin, la rénovation énergétique des logements reste à la charge des propriétaires.

L'impact du plafonnement est lourd de conséquences pour les bailleurs sociaux : le livret A est passé de 0,5 à 3 % en un an, la capacité d'investissement des bailleurs sociaux en est fortement impactée. Vous ne proposez aucune compensation, et imposez une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux. Comment espérer qu'ils puissent répondre présents en matière de construction et de rénovation énergétique ?

Ce texte n'apporte aucune garantie sur la revalorisation des APL, dont la hausse a été déconnectée de l'IRL - voyez le forfait de charges, qui ne couvre plus que 40 % des charges effectives. Or les charges augmentent plus vite que les loyers !

Enfin, il faut réfléchir aux salaires. La baisse de fréquentation des commerces est estimée à 20 %, et les achats alimentaires ont baissé de 10 % sur un an, en moyenne.

La commission des affaires économiques a donc décidé de rejeter cette proposition de loi. Nous réfutons la méthode comme l'absence de prise en compte globale de la crise du logement et du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - (Mme Viviane Artigalas applaudit.) Le sujet pose deux problèmes : l'un de fond, et l'autre de forme.

Sur la forme, le sentiment du mépris profond du Parlement est récurrent, tout comme le sentiment d'impréparation des politiques publiques. Le débat aurait dû avoir lieu en amont. Ce mépris est chronique, comme en témoigne son dernier avatar : le non-vote à l'Assemblée...

Sur le fond, les dépenses de logement des Français ont décroché de l'évolution de leurs revenus ; c'est un élément déterminant, avec le niveau des salaires, qui plombe le pouvoir d'achat. Le décrochage est plus fort encore que chez nos voisins européens. Le plafonnement à 3,5 % lui-même ne réduit pas la part du logement dans les dépenses, car la plupart des salaires eux-mêmes n'augmentent pas de 3,5 % ! Dans les agglomérations, à cause des rotations de locataires, les hausses sont très fortes, parfois de 7 à 8 %. Enfin, les charges locatives sont en hausse constante, malgré le bouclier. La situation sera pire cette année, notamment à cause de la suppression du tarif réglementé pour le gaz et du bouclier tarifaire.

Ainsi, notre groupe plaide pour un gel des loyers. Certes la stratégie ne peut être pérenne, mais cela sera absorbable par les propriétaires. Les locataires privés ont fait appel à des taux d'emprunt fixes bas, tandis que les bailleurs sociaux ont des taux variables indexés sur le livret A... Il faut agir pour ces derniers.

La question du prix du logement est essentielle et je ne comprends pas la position du Gouvernement. M. Descrozaille explique que l'on ne peut pas baisser le prix de l'alimentation, et qu'il faut jouer sur la baisse des dépenses de logement - or vous n'en faites rien ! (Mme Valérie Létard renchérit.) Or ni par cette proposition de loi ni dans les annonces du CNR, vous ne régulez le prix du foncier ni n'étendez la loi encadrant les loyers. Vous ne proposez aucune mesure d'aide à la pierre ou au logement. Mme Estrosi Sassone a raison de dire que l'on ne peut parler de loyer sans les charges, or vous ne les prenez pas en compte. Vous allez en fait durcir des situations sociales insupportables. Les populations modestes seront percutées par votre non-prise en compte de la hausse des dépenses de logement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; Mme Sophie Primas applaudit également.)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.) Le décor a été bien balayé par la rapporteure et Mme Lienemann. Le contexte est clair, la séance des questions au Gouvernement a été très éclairante. L'initiative parlementaire présentée ici est complètement déconnectée des réalités de la crise qui ne fait que s'amorcer. Il faut s'interroger sérieusement, car 2,4 millions de personnes n'ont pas de solution de logement. Le parcours résidentiel ne cesse de s'aggraver, alors que le logement grève le budget des ménages, dont le pouvoir d'achat baisse : ils n'ont plus le choix, les situations sont de plus en plus inquiétantes. De plus en plus de Français demandent un logement social.

Attention, le jour où on mettra les bailleurs en situation de ne plus pouvoir rénover ni supporter les charges, on se posera la question de quel toit on met sur la tête des gens. (Mmes Sophie Primas et Brigitte Lherbier applaudissent.)

Pas de recul, pas de concertation, aucune vision, aucune perspective... Comment peut-on dire les choses aussi brutalement ?

Personne ici ne souhaite que les loyers pèsent trop lourdement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

On va demander aux petits propriétaires privés de rénover leur logement et en même temps de plafonner leur loyer. Comment feront-ils ? Vos propositions ne sont pas protectrices pour les locataires et sont punitives pour les propriétaires, avec une fiscalité confiscatoire.

Hier, on a pu lire que les 75 personnes les plus riches de France paient des impôts à hauteur de 26 % de leurs revenus, contre 46 % pour les 38 000 personnes les plus riches. Les premiers paient la fiscalité sur l'actionnariat, les seconds la fiscalité sur l'immobilier. Il y a aussi les bons et les mauvais riches...

Au moment où l'on a besoin d'un engagement sur la production de logements, on crée une fiscalité qui est rédhibitoire et qui envoie comme signal de ne pas investir dans la pierre. C'est fou ! (Mme Sophie Primas applaudit.)

Dernier élément : le relèvement du taux du livret A à 3 % a coûté 75 milliards d'euros supplémentaires cette année ; un nouveau relèvement de 1 %, ce sera une réduction de loyer de solidarité (RLS) en plus pour les bailleurs sociaux. Nous rejetons cette demande déconnectée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Au coeur de l'été 2022, le Gouvernement avait mis à l'ordre du jour un texte sur le pouvoir d'achat. Notre groupe avait voté pour. Cette loi contenait à l'article 14 un dispositif de plafonnement de l'ILC, issu entre autres d'un amendement de notre groupe, et à l'article 12 le plafonnement de l'IRL. La revalorisation ne pouvait excéder 3,5 %. Un gel des loyers locatifs aurait certes été préférable, car le loyer est le plus gros poste de dépense des ménages, aux alentours de 34 %.

Le constat des acteurs du logement est sans appel : 4,1 millions de personnes sont non ou mal logées ; 12,1 millions sont fragilisées par la crise du logement ; 12 millions souffrent de précarité énergétique ; et 2,3 millions de personnes attendent un logement social.

Lors de la restitution des travaux du CNR Logement, le Gouvernement a décliné cinq axes ambitieux, qui doivent être suivis d'effets. Notre groupe s'interroge sur la signification de certains points, comme l'intention de « lever les freins juridiques à la production de logements compatible avec nos objectifs de sobriété foncière ». Le fameux « en même temps » ? (M. le ministre sourit.) Est-ce une future simplification de l'application de l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) fixé par la loi Climat et résilience ?

Les acteurs du secteur nous alertent sur leurs difficultés. Il faut redonner des marges de manoeuvre sur le terrain et du pouvoir d'achat aux Français.

Toutefois, il ne faut pas agir à la va-vite. Nous regrettons la méthode et la précipitation. Ce texte donne un sentiment de frustration et, pire, de panique à bord. Comment légiférer sans étude d'impact ?

À défaut de politique ambitieuse, la majorité se contente de reconduire un dispositif théoriquement temporaire. Le RDSE s'opposera néanmoins à la question préalable déposée par la rapporteure, même si nous partageons ses arguments. C'est conforme à la ligne constante de notre groupe.

Nous aurions préféré un examen législatif en bonne et due forme. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Trop, c'est trop ! Pardon, mais je voudrais pousser un vrai coup de gueule, en réaction au mépris du Gouvernement envers le Parlement en général et le Sénat en particulier. Un examen en moins de deux semaines n'est explicable que par l'impréparation du Gouvernement, à moins qu'il ne soit le fruit d'un désaccord entre ministères, victimes de ce poison qu'est le « en même temps ».

Le Gouvernement prend le Sénat pour une chambre d'enregistrement : nulle étude d'impact, nulle évaluation des mesures prises l'été dernier, nulle évaluation de la hausse effective des loyers ni des conséquences pour les propriétaires privés et les bailleurs sociaux. On nous demande de voter non seulement à la sauvette, mais aussi à l'aveuglette.

Ce texte est aussi méprisant pour les acteurs du secteur, qui n'ont pas été concertés. Réunir plusieurs milliers d'acteurs du CNR aura donc été vain. Ils n'ont même pas été informés de cette proposition de loi faux-nez. La prolongation d'une mesure en urgence ne fait pas une politique de long terme.

Le Gouvernement prend à la légère la crise du logement. Je le dis avec gravité. Le nombre de demandeurs de logements sociaux a augmenté de 18 % depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée en 2017. Voilà le bilan de la politique du logement du Gouvernement.

Tous les acteurs sont dans l'incompréhension. Les élus locaux n'ont plus les moyens d'accueillir les nouveaux habitants face aux injonctions contradictoires dans lesquelles ils sont pris, notamment à cause d'une vision intégriste du ZAN.

Le logement, premier poste de dépenses et premier sujet de préoccupation des Français, est le premier poste d'économie budgétaire et la dernière des priorités du Gouvernement.

Pourtant, une politique ambitieuse était possible, comme par exemple, le soutien aux maires bâtisseurs. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, ils n'ont plus de recettes fiscales dynamiques et pérennes pour faire face à la croissance de leur population. Il est nécessaire d'aller au-delà de la prime au permis ou de l'exonération temporaire de taxe foncière dont bénéficient les logements sociaux, arrachées ici à Jean Castex. Les élus n'en peuvent plus de ne pas pouvoir donner satisfaction à leurs administrés. (Mme Marie-Pierre Richer abonde.)

La suppression de tout ou partie de la RLS, qui pèse pour 1,3 milliard d'euros sur les capacités d'investissement des bailleurs sociaux, aurait été une autre piste. Vous auriez pu soutenir l'investissement locatif. Le dispositif Pinel n'est nullement remplacé. Le statut de bailleur privé pour reconnaître des investisseurs qui ne sont ni des rentiers ni des Thénardier doit être créé. Vous auriez pu débloquer le parcours résidentiel et plus particulièrement l'accès à la propriété, ce fameux rêve français qui n'est peut-être pas le vôtre mais qui est légitime pour des milliers de Français. Leur dénier ce droit, c'est les condamner à une forme de déclassement.

Vous n'offrez enfin aucune garantie pour les plus modestes. En rejetant ce texte, notre groupe ne souhaite pas s'opposer à une solution qui sera de toute façon adoptée à l'Assemblée nationale, mais nous souhaitons crier notre colère avec force et conviction contre la déconstruction méticuleuse depuis 2017 de la politique du logement.

Ce texte est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous respectons la volonté de débattre des autres groupes. Au groupe Les Républicains, nous souhaitons renverser la table. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE)

Mme Colette Mélot .  - Il y a moins d'un an, nous adoptions le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, parmi lesquelles le plafonnement à 3,5 % des indices locatifs. Pourquoi avoir attendu début juin pour prolonger une mesure qui arrive à son terme à la fin du mois ?

Mais la vraie question est : faut-il étendre jusqu'au premier trimestre 2024 le plafonnement à 3,5 % en métropole et à 2,5 % dans les outre-mer ? Rappelons que, sans ce dispositif, le taux des indices locatifs serait de 6 %. J'ai bien entendu les critiques de certains, d'un côté de l'hémicycle, qui estiment que le texte ne va pas assez loin, considérant que, même plafonnée, la hausse des loyers est difficilement surmontable en raison de la hausse des prix au supermarché ou à la station-service.

Certains disent que les petits commerçants et artisans ne pourront pas faire face, et ils ont raison. Pourrions-nous ne rien faire et laisser les loyers exploser ? Bien sûr que non. Geler totalement les loyers et pénaliser l'intégralité des propriétaires ? Non, car parmi les propriétaires, il y a aussi la veuve avec une petite pension, pour qui le loyer perçu représente un complément de revenu ; comme, parmi les locataires, il y a aussi le jeune couple qui ne peut conclure un prêt immobilier. Évitons les caricatures opposant pauvre locataire au propriétaire nanti, car les uns et les autres éprouvent des difficultés à régler leurs charges.

Cette proposition de loi me semble équilibrée. Elle protège les commerçants d'une hausse brutale de leur loyer sans trop pénaliser les propriétaires. Mais elle doit rester une mesure de court ou de moyen terme et ne pas perdurer, au risque d'aggraver la crise du logement.

Notre pays connaît en effet des problèmes structurels : alors qu'il faudrait construire entre 400 000 et 500 000 logements par an, le compte n'y est pas. Le Gouvernement partage ce constat, puisqu'il a lancé un plan Logement. Les hausses du coût de la construction et des taux du crédit immobilier n'ont rien arrangé.

Dans sa très grande majorité, mon groupe votera contre la question préalable - conformément à notre ADN - et pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Daniel Salmon .  - Nous discutons d'une loi essentielle pour la protection des locataires - mais le Gouvernement avait oublié l'échéance ! Or le dépôt précipité de cette proposition de loi escamote le débat démocratique.

Il ne faudrait pourtant pas prendre ce sujet à la légère : il est indispensable de ne pas ajouter la hausse du loyer à celle de l'alimentation et de l'énergie. Près de 31 % des Français se retrouvent, après paiement des dépenses essentielles, avec moins de 100 euros sur leur compte le 10 du mois.

Selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), les retards de paiement de plus de trois mois ont augmenté de 10 % en 2022 : payer son loyer s'avère parfois un défi insurmontable. Le prix moyen d'un loyer s'élève aujourd'hui à 723 euros, et le plafonnement à 3,5 % limiterait la hausse des loyers à 25 euros par mois, somme toutefois importante pour les plus précaires.

C'est certes mieux que de laisser se produire une hausse de 6 ou 7 %, mais le problème, plus profond, ne vient pas que de l'inflation et tient à la faiblesse de la construction de logements. Fin 2022, on constate une hausse de 7 % des demandeurs de logements sociaux, alors même que la construction de ces logements atteint un nouveau record à la baisse, avec 95 000 constructions en 2022, soit le taux le plus bas depuis quinze ans. Entre mai 2022 et 2023, on a construit 14,3 % de moins que lors des douze mois précédents.

Diminution des APL, hausse de la TVA sur les constructions neuves, ponction sur le budget des bailleurs sociaux aggravent le problème. En Bretagne, Néotoa a ainsi perdu 22 millions d'euros sur un budget de 120 millions.

S'attaquer aux dépenses d'investissement, c'est mettre à mal toute la politique du logement, compte tenu des enjeux de rénovation énergétique.

Nous proposons de fixer le plafonnement à 1 % pour aider au mieux les locataires en compensant quelque peu l'inflation.

Ce bouclier ne réglerait pas pour autant la crise. Il y a un véritable problème dans le calcul des indices locatifs. S'agissant de l'IRL, comment peut-on calculer un indice sur la base de données de 2008 et sans tenir compte des spécificités géographiques ? Sa révision est primordiale.

Le CNR Logement a accouché d'une souris. Par des mesurettes, vous voulez faire croire à un big bang du logement, mais les mesures ne sont pas là, et les moyens encore moins. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. Bernard Buis .  - Face à l'inflation, nous avons fait le choix d'instaurer un plafond de l'IRL à 3,5 %, appliqué également à l'ILC pour les petites et moyennes entreprises, grâce à un amendement de Jean-Baptiste Lemoyne, identique à un autre de la présidente Delattre.

Nous devons nous prononcer sur le prolongement de ces deux mesures. Certes, nous aurions pu anticiper, mais notre vote porte sur ce maintien et non sur le calendrier.

Par ailleurs, chaque groupe avait la liberté d'anticiper les choses et de proposer un texte et des modalités différentes. (Mme la présidente de la commission proteste.)

Mme la présidente de la commission n'a pas organisé d'auditions, ce que je regrette : à l'Assemblée nationale, Thomas Cazenave a eu la possibilité d'auditionner dix organismes et de tenir compte de quatre propositions écrites. Nous aurions pu organiser des auditions communes à nos deux assemblées.

Le Sénat est cependant capable, grâce à ses fonctionnaires de qualité, de légiférer dans l'urgence quand la situation l'exige. L'expertise juridique a déjà été établie l'an dernier : nous savons, par exemple, qu'un gel des loyers exposerait à une censure constitutionnelle. Le rapport à charge sur ce texte dépasse ses enjeux.

La position de nos collègues de gauche est claire : gel ou plafonnement à 1 %. Mais il y a une grande absente : quelle alternative la majorité propose-t-elle si la proposition de loi devait être rejetée ? Faudrait-il accepter une hausse de 6 % ?

Quelle loi proposez-vous pour protéger les Français dès le 1er juillet ? Il s'agit de décider, pas de gloser. Nous regrettons les délais contraints d'examen du texte, et le fait que la concertation n'ait pas été menée faute de temps.

Si le dispositif doit rester exceptionnel, nous devons impérativement le prolonger tant que les Français subiront une inflation exceptionnelle. Le Président de la République a promis de protéger les plus faibles. Le RDPI rejettera la question préalable et votera cette proposition de loi.

Mme Viviane Artigalas .  - (Mme Anne-Catherine Loisier applaudit.) Les effets de l'inflation se font sentir depuis février 2022 et n'épargnent aucun secteur. Des familles doivent choisir parmi leurs postes de dépense ; or le logement ne doit souffrir d'aucune restriction.

Les dépenses de logement peuvent représenter plus de 36 % des dépenses des locataires dans le parc social et 42 % dans le parc privé.

L'expiration du plafonnement à 3,5 % des indices locatifs dans moins d'un mois a conduit le Gouvernement à légiférer, encore une fois, dans l'urgence.

Le choix d'une proposition de loi comme véhicule nous prive de toute étude d'impact sur les conséquences des mesures pour les bailleurs, privés comme sociaux. Nous dénonçons l'absence de mesures de compensation pour ces derniers, alors que leur capacité d'action est entravée par la multiplication par trois de leur taux d'emprunt, calqué sur les taux d'intérêt du livret A, et par l'érosion de 1,3 milliard d'euros du loyer de solidarité.

Nous avions demandé en juin dernier une clause de revoyure après une évaluation des surcoûts pour les bailleurs et les familles. Nous partageons les fortes réserves de la commission et ses critiques envers la méthode du Gouvernement.

Pour autant, les mesures d'aide aux familles fragilisées et aux PME-TPE en souffrance sont indispensables, vu l'inflation.

L'urgence aurait pu être évitée ; votre manque d'anticipation lève le dernier doute, si c'était nécessaire, sur votre absence totale de volonté de lutter contre le mal-logement. Le Gouvernement n'a rien proposé pour les familles modestes, ignorant toutes nos suggestions. Depuis 2017, il a enlevé 11 milliards d'euros au logement par la baisse des APL, la ponction sur Action Logement ou les restrictions d'accès aux PTZ. La proposition de loi anti-squat pénalise ceux qui ont des difficultés à payer leurs loyers et accélère les expulsions, alors qu'en 2022, les retards de paiement de plus de trois mois ont augmenté de plus de 10 % pour la moitié des bailleurs sociaux. Élus et associations attendent un plan d'urgence pour les quartiers populaires. Traiter le logement d'un point de vue comptable coûtera très cher au lien social. Le Gouvernement fait la sourde oreille, dont acte. Mais lorsque la bombe sociale explosera, il en portera la responsabilité ! (Applaudissements à gauche ; MmeBrigitte Lherbier et Valérie Létard applaudissent également.)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Selon l'USH, deux tiers des offices HLM constatent une augmentation du nombre de ménages en difficulté, liée à l'explosion des prix du gaz et de l'électricité. Prolonger le double plafonnement des loyers ne résoudra pas le problème du logement.

L'effort ne peut peser que sur les propriétaires : ce serait un pari risqué pour la construction et la transition énergétique. Les bailleurs ne peuvent être les variables d'ajustement des enjeux sociaux et climatiques, les palliatifs à l'absence d'une stratégie gouvernementale structurelle.

Le groupe UC demande une remise en cause rapide de la RLS et une revalorisation tout aussi rapide des APL. Ces leviers répondent tant aux besoins d'investissements qu'aux besoins des ménages, mais sans peser sur les petits propriétaires.

L'espoir d'accéder à la propriété anime encore nombre de Français, mais les ventes baissent de 15 % en un an, les coûts de construction explosent, et les taux d'emprunt flambent, dans un contexte de pouvoir d'achat réduit. La priorité est de redonner des marges financières aux Français, pour qu'ils puissent réaliser le rêve de leur vie, et devenir propriétaires de leur logement.

Alors que 2,4 millions de Français attendent un logement social, le nombre de permis de construire a chuté de près de 30 % en un an. Votre Gouvernement va à contre-courant des besoins.

Quant à la méthode, elle traduit une dérive démocratique, comme si le Parlement n'était qu'une chambre d'enregistrement des desiderata du Gouvernement. Nous savons travailler vite et bien : cela vaut mieux que votre méthode bâclée.

Le groupe UC ne votera pas la motion qui nous priverait de débat, mais nous ne voterons pas davantage ce texte partiel et partial qui n'est pas à la hauteur des besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Dominique Estrosi Sassone et Brigitte Lherbier applaudissent également.)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'adage « les bonnes habitudes ne se perdent pas » ne s'applique manifestement pas au Gouvernement : il préfère une proposition de loi déposée en catimini, qui ne permet ni travaux préparatoires, ni avis du Conseil d'État, ni mesures d'impact. Une seule semaine pour rédiger le rapport, un jour entre la réunion en commission et la séance : comment travailler dans ces conditions ? Les échéances étaient pourtant connues depuis plus d'un an. Si vous aviez été plus réactif, nous n'en serions pas là, monsieur le ministre.

Sur le fond, la question du maintien de ce plafonnement se pose, sachant que l'augmentation des loyers a été de 1,3 % en moyenne, car de nombreux bailleurs ne les augmentent pas. Il faut certes limiter la perte de pouvoir d'achat des Français, mais ils sont principalement touchés par la hausse des prix des produits alimentaires, qu'ils soient locataires ou propriétaires - dans la majorité des cas des Français comme les autres qui ont investi dans la pierre pour un complément de revenu essentiel. La démagogie consistant à placer les bailleurs contre les locataires n'est pas une solution.

Près d'un milliard d'euros d'efforts ont été demandés aux bailleurs ; ceux n'ayant pas revalorisé les loyers seraient très pénalisés. Les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux subiront une baisse de recettes sans compensation, ce qui grèvera leurs capacités de construction.

Ce plafonnement aurait été plus acceptable s'il avait été compensé par des crédits d'impôt, par exemple, mais tel n'est pas le cas. La revalorisation des APL est insuffisante après la baisse de 5 euros, alors qu'une hausse des prestations sociales aurait pu soulager les locataires en difficulté sans peser sur les bailleurs.

Alors que 82 % des Français estiment que le logement devrait être une priorité du Gouvernement, les propositions issues du CNR Logement ne sont pas à la hauteur des enjeux : 42 millions de Français sont en attente d'un logement social et 330 000 sont sans domicile.

Seule la hausse des plafonds d'accès aux baux réels solidaires (BRS) est positive ; encore faudrait-il qu'ils soient adaptés à la réalité des territoires. Certaines propositions sur les zones touristiques ont réussi à mettre vent debout tous les acteurs.

La suppression de la taxe d'habitation entraîne une explosion de la taxe foncière. Les bailleurs ne peuvent plus louer les passoires, mais n'ont pas les capacités de rénover leurs biens. La construction de nouveaux logements est quasi interdite - merci le ZAN. Vous avez parlé de bombe sociale, monsieur le ministre : nous fonçons vers elle tête baissée.

L'observatoire Clameur fait un bilan alarmant de la politique du Gouvernement, qui, en réduisant la rentabilité locative, conduit les investisseurs à rechercher plutôt la plus-value, ce qui accroît le caractère spéculatif du marché.

La protection du pouvoir d'achat est insuffisante, il n'y a pas de mesures luttant contre la crise du logement, les conditions d'examen ne permettent pas de débattre sereinement ; je voterai donc la question préalable. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Rémi Cardon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Si nous nous réunissons dans l'urgence, c'est que le Gouvernement n'a pas suffisamment anticipé la question essentielle du logement, qui pèse lourdement dans le budget des ménages.

Les conclusions du CNR Logement confirment ce que nous savons déjà : vous n'êtes pas capables de répondre ni aux Français ni aux professionnels du secteur.

Dans une mauvaise mise en scène, vous offrez un triste spectacle, qu'on pourrait nommer « Convention citoyenne acte II ». L'union sacrée des acteurs était à portée de main : des centaines de propositions pour un logement abordable, redonner de la vigueur au territoire et endiguer le mal-logement, aboutissent à un camouflet.

C'est qu'il y a l'envers du décor : un Président de la République qui qualifie la politique du logement de surdépense publique pour de l'inefficacité collective. Vous dites avoir conscience de la crise - mais quelle crise ! Pas moins de 2,4 millions de personnes attendent un logement social, 330 000 sont sans abri. Il reste sept millions de passoires thermiques, nombre stable depuis cinq ans : ce bilan, c'est aussi le vôtre.

Vous parlez vous-même d'un risque de bombe sociale. Nous attendions donc que vous la désamorciez, mais rien : votre non-politique en matière de logement s'installe depuis des années, en raison de votre austérité et de votre manque de vision. Vous avez grevé les capacités d'investissement des bailleurs sociaux de 1,3 milliard d'euros par an. Votre acte manqué sur le plafonnement n'est qu'un rouage de plus à votre machine à déception, pour reprendre l'un de vos collègues.

Nos maires et élus locaux sont des bâtisseurs ; ils sont les mieux placés pour relancer la dynamique perdue des constructions. Mais vous leur envoyez des signaux négatifs. Il est temps de les écouter. L'impression que ce CNR est un tour de table pour faire des économies est terrible... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Ne faisons pas de ce texte autre chose que ce qu'il est : une volonté de protéger les petits commerçants et artisans, les propriétaires et les locataires. Je me réjouis d'entendre que le CNR a su faire travailler la totalité des acteurs. Ses conclusions ne sont pas un point final : il y aura une réunion plénière, une transmission au Président de la République, des contributions de François Bayrou.

Un nouvel acte sera la signature de la convention quinquennale avec Action Logement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Qu'est-ce que cela change ?

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le pacte de confiance que la Première ministre nous a demandé de conclure avec l'USH nous permettra de redonner des fonds propres aux bailleurs, pour qu'ils produisent et qu'ils rénovent, notamment avec la seconde vie.

L'accession à la propriété est possible grâce aux PTZ. Les promoteurs sont protégés par les 47 000 acquisitions d'Action Logement et de CDC Habitat.

Ce soir, nous avons un débat sur les moyens. Il n'est pas précipité : il fallait attendre de connaître avec précision les chiffres de l'inflation pour ne pas risquer l'inconstitutionnalité.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°5, présentée par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de la revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (n° 667, 2022-2023).

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - La commission des affaires économiques a déposé cette motion de procédure après la discussion générale afin de ne pas limiter l'expression des groupes politiques. Chacun a exprimé son opinion et, souvent, son opposition.

La commission propose de rejeter une méthode inacceptable, témoignant du mépris envers le Parlement, et une politique indigente du logement.

Nous dénonçons la fausse urgence entourant l'examen du texte, justifiant cet examen brusqué, qui vise à masquer l'impréparation du Gouvernement alors que les délais sont connus depuis un an. On parle de prolongation, mais le plafonnement de l'ILC est déjà échu : c'est un rétablissement.

Nous dénonçons également le fait que les acteurs soient placés devant le fait accompli : ni concertation ni évaluation. Nous avons voté des mesures d'urgence en juillet dernier, lorsqu'elles se justifiaient : la guerre en Ukraine s'était déclenchée, et malgré l'urgence nous avions débattu d'un projet de loi issu d'une concertation, doté d'une étude d'impact, et dans des délais moins ramassés.

Aujourd'hui, l'inflation donne des premiers signes de repli, mais le Gouvernement pérennise des mesures d'urgence, sans accompagnement dans la durée pour les bailleurs, privés et sociaux, ni garantie pour les locataires d'être accompagnés.

La commission dénonce également l'indigence de la politique du Gouvernement, deux jours après les conclusions du CNR, perçues comme un témoignage de mépris par l'ensemble des acteurs, qui ont travaillé sept mois pour rien. Les réservations auprès des promoteurs atteignent le niveau du printemps 2020, au coeur de la crise sanitaire.

La RLS et la hausse du livret A assèchent les capacités de constructions des bailleurs sociaux. Hier, devant la commission d'enquête rénovation énergétique, Christophe Béchu indiquait qu'un point supplémentaire de livret A équivalait à une nouvelle RLS en plus pour les bailleurs, soit 1,3 milliard d'euros de charges. C'est ce qui nous attend en août !

La maison brûle et on regarde ailleurs, disait Jacques Chirac : c'est ce que m'inspire cette politique de gribouille.

On prolonge le PTZ, mais on le limite aux zones tendues, excluant les maisons et 90 % des communes. Les demandeurs de logements sociaux n'ont jamais été aussi nombreux, mais on continue d'étrangler les bailleurs sociaux qui seraient des dodus dormants. On veut des investisseurs dans le logement locatif intermédiaire, mais on bloque les revenus. Si l'on en croit le président Macron, la France serait un paradis fiscal pour les investisseurs immobiliers ? Drôle de paradis, dans lequel l'État perçoit 90 milliards de recettes pour 38 milliards de dépenses ! Le seul dodu dormant dans ce domaine, c'est le Gouvernement ! (Mmes Valérie Létard et Anne-Catherine Loisier apprécient.)

Sa politique se réduit à deux chiffres : 18 % de demandeurs de logements sociaux en plus, et 81 % de recettes budgétaires supplémentaires issues du logement.

Le parcours résidentiel, symbole d'ascension sociale, est bloqué. Le logement, premier poste de dépenses des ménages, grève le pouvoir d'achat.

J'entends les alertes sur la hausse des charges et sur les impayés de loyers, ainsi que de la baisse de la consommation alimentaire des Français. Mais quelle réponse recevons-nous ? Des mesurettes techniques, sans hausse des APL, et pas d'espérance pour les Français de retrouver du pouvoir d'achat.

Voilà l'ensemble des raisons qui me conduisent à demander au Sénat d'adopter cette question préalable, pour s'opposer à cette législation à la sauvette et à cette politique sans vision ni stratégie. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. Serge Babary.  - La motion se justifie sur la forme et sur le fond.

Les échéances étant connues, ce texte est une insulte au travail parlementaire : une semaine de navette ; 24 heures entre commission et séance ; choix d'une proposition de loi excluant une étude d'impact... Nous ne sommes pas la chambre d'enregistrement comptable des oublis du Gouvernement !

Elle se justifie aussi sur le fond. Dans une crise du logement sans précédent, le message pour les propriétaires est délétère et pèsera sur l'investissement locatif ; c'est aussi une mauvaise manière pour les bailleurs sociaux.

Cette proposition de loi n'est pas une réponse adéquate à l'inflation. Bloquer dans l'urgence n'apporte aucune solution. Renvoyons plutôt le Gouvernement à ses responsabilités.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nous protestons sur la méthode, mais nous devons aussi débattre devant nos concitoyens, notamment sur le gel du loyer que notre groupe propose.

Mme Estrosi Sassone a raison de vouloir sanctionner les conclusions du CNR, mais le débat est aussi l'occasion de rappeler des vérités. Monsieur le ministre, vous ne pouvez dire que vous maintenez le PTZ quand 93 % du territoire n'y aura plus accès, et que les sommes sont divisées par deux !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Exactement !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Pacte de confiance avec l'USH, dites-vous ? Elle considère qu'aucune de ses demandes n'est prise en compte, et que la négociation d'Action Logement risque de conduire à une baisse des aides à la pierre. Nous souhaitons débattre.

M. Daniel Salmon.  - La question du pouvoir d'achat est de toutes les conversations, et le logement est central. Ne pas en débattre serait un mauvais signal, même si je rejoins la position de la rapporteure : la forme est calamiteuse, cette proposition de loi de dernière minute est un déni du Parlement. Nous privilégions toutefois le débat, c'est le coeur du Sénat.

Mme Viviane Artigalas.  - La méthode du Gouvernement est inacceptable : pas d'étude d'impact ni d'évaluation du dispositif voté il y a un an, aucune concertation avec les acteurs institutionnels, mépris du Parlement et de la société civile. Après six ans, nous y sommes, hélas, habitués.

Cependant, ne nous abstenons pas d'examiner un texte, certes tardif, mais nécessaire pour soutenir ménages et commerces. Le groupe SER votera contre la motion.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - J'entends vos arguments, mais voilà déjà 1 heure et demi que nous débattons, avec des arguments opposés mais cohérents. Deux articles, quatre amendements : je ne suis pas certaine que nous sortirons plus éclairés de la discussion si elle se poursuit. (Mme Catherine Di Folco acquiesce.)

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable à la motion.

À la demande du RDPI, la motion n° 5 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°295 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 146
Contre 196

La motion n'est pas adoptée.

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est ainsi modifié :

1° L'année : « 2023 » est remplacée par l'année : « 2024 » ;

2° Les deux occurrences du taux : « 3,5 % » sont remplacées par le taux : « 1 % ».

M. Daniel Salmon.  - Les commerçants consacrent parfois jusqu'à 20 % de leur chiffre d'affaires aux loyers, dans un contexte de hausse du prix des matières premières et de l'énergie. La hausse de l'ILC a déjà entraîné de nombreuses fermetures. Il faut la contenir à 1 % pour endiguer la vague de faillites.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Le taux de 3,5 % est un compromis entre la fluctuation liée à l'inflation et le gel. Sans nier les difficultés des commerces, leurs propriétaires subissent aussi les hausses de charges, ne serait-ce que la revalorisation des valeurs locatives, qui n'est pas plafonnée.

En moyenne, le loyer représente 16 % des charges des commerces, qui souffrent à mon avis davantage de la perte de pouvoir d'achat des Français. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le taux de 3,5 % est une proposition équilibrée et constitutionnelle, respectueuse du cadre du droit des contrats. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon.  - La fragilisation des commerces est multifactorielle, mais le loyer en fait partie. Les propriétaires ont plus de capacités de résilience.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas défendu.

L'article 1er n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

Les quatrième à douzième alinéas de l'article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« II.  -  L'indice de référence des loyers s'établit, jusqu'au premier trimestre 2024, au niveau de l'indice publié le 16 avril 2023 au Journal officiel. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je plaide pour un gel des loyers.

J'entends les difficultés des bailleurs privés, mais ils sont résilients. De 1984 à 2018, les loyers ont été multipliés par 2,5, après inflation : aucun autre revenu n'a connu pareille progression. Le résultat brut courant par logement, charges déduites, a triplé.

En outre, les propriétaires bailleurs sont de plus en plus multipropriétaires et à revenu élevé. Nous pouvons donc geler les loyers en parallèle d'une régulation plus générale des prix du logement.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Les mots : « deuxième trimestre de l'année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l'année 2024 » ;

b)  Le taux :« 3,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Les mots : « deuxième trimestre de l'année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l'année 2024 » ;

b)  Le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

3° Au premier alinéa du IV, les mots : « deuxième trimestre 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l'année 2024 ».

M. Daniel Salmon.  - Les plus précaires sont les premiers touchés par l'inflation : la fréquentation des banques alimentaires augmente de 22 %, les impayés d'énergie de 10 %. Le plafonnement des loyers ne suffit pas.

Depuis 2017, l'État a économisé 4,2 milliards d'euros par an sur les APL, et ponctionne 1,3 milliard sur la RLS. Confrontés à une nouvelle hausse, les locataires ne pourront bientôt plus respecter leurs échéances et s'assurer un logement digne.

Pourquoi proposons-nous 1 %, et non un gel ? Pour envoyer un signal aux propriétaires, qui devront investir dans la rénovation thermique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Je comprends les inquiétudes des locataires et déplore l'absence de toute garantie de revalorisation des APL et du forfait charges dans ce texte. Cependant, le plafonnement de l'IRL à 3,5 % résulte d'un compromis équilibré. N'allons pas au-delà, surtout au regard des besoins d'investissement et de rénovation du parc privé.

Pour le parc social, la compensation devrait selon nous passer par un allégement ou une suppression de la RLS, mais le Gouvernement a rejeté cette option. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Pour assurer une réponse équilibrée entre propriétaires et locataires, restons à 3,5 %. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3.

L'article 2 n'est pas adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de réviser le mode de calcul de l'Indice de référence des loyers. Il évalue notamment l'opportunité de ne plus le corréler à l'inflation et fait des propositions afin que son évolution protège mieux les locataires et soit mieux corrélée aux charges réelles des propriétaires bailleurs.

M. Daniel Salmon.  - Nous demandons un rapport sur les hypothèses de révision de la méthode de calcul de l'IRL, bien désuète. L'inflation révèle les problèmes structurels de ce système dépassé, dont la formule date de 1986. La révision de 2008 n'y a rien chargé, l'IRL ne tenant toujours pas compte des disparités géographiques.

La méthode de calcul actuelle, qui dépend de l'évolution des prix, conduit à augmenter directement les loyers. Interrogeons-nous sur ses modalités et réfléchissons à un nouveau mode de calcul.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Nonobstant notre position sur les rapports, la question de la pertinence du mode de calcul de l'IRL est posée. La loi Quilliot de 1982 a conduit à réévaluer les loyers selon l'indice des coûts de la construction, dans un contexte de forte inflation et d'extinction du régime de 1948. Lorsque l'indice baissait, il dissuadait l'investissement ; lorsqu'il augmentait, c'était parfois plus que l'inflation. D'où la création de l'IRL en 2005, qui lisse l'indice des prix à la consommation. C'est l'indicateur le plus large pour retracer l'évolution des coûts des propriétaires et des revenus des locataires.

En parallèle, les locataires devraient bénéficier d'une hausse des APL, calculée sur l'IRL, et de leur salaire ; or ce n'est pas le cas. Quant aux propriétaires, ils supportent la hausse des charges, dont la taxe foncière.

Avis défavorable, même si je reconnais l'intérêt d'un tel travail de fond. Une commission parlementaire pourrait se saisir de la question.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Retrait ou avis défavorable. Le mode de calcul de l'IRL tient compte des prix sur douze mois, hors tabac, ce qui nous semble être la méthode la plus pertinente.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Un rapport servirait de base à une réflexion stratégique. Non, monsieur le ministre, suivre l'inflation n'est pas un bon calcul. Lorsqu'il y avait indexation automatique des salaires et un faible taux de chômage, l'effet inflation était faible ; c'est alors qu'on a survalorisé l'évolution du coût des travaux. Quand l'inflation a chuté, on s'est tenu à celle-ci.

Le paradigme est nouveau, avec d'importants travaux de rénovation énergétique à mener. Nous plaidons pour l'indexation des salaires sur l'inflation, même si nous sommes un peu seuls. Une réflexion stratégique est impérative.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La séance est suspendue quelques instants.

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Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - Cet article contient diverses dispositions relatives à la procédure pénale, d'importance variable : huit mesures différentes de simplification du code de procédure pénale regroupées en un seul article. Signe que cette simplification reste une montagne à gravir. (M. le ministre sourit.) En matière de procédure pénale, nous avons besoin de cohérence et de stabilité. Cet article où cohabitent mesures techniques et dispositions sensibles n'y contribue guère.

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 57-1, il est inséré un article 57-... ainsi rédigé :

« Art. 57-...  -  Même s'il n'est pas procédé à l'audition de la personne, l'officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s'opposer à la présence de l'avocat désigné par la personne chez laquelle il est perquisitionné, si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque celle-ci a déjà débuté.

« S'il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et qu'il est prévu qu'elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d'être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l'article 61-1 ou conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

« L'avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ; l'avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l'avocat demande qu'il soit procédé à la saisie d'objets ou documents qu'il juge utiles à la défense de son client, l'officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s'il apparaît que celle-ci n'est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention dans le procès-verbal prévu par l'article 57.

« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l'avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant le délai prévu par l'article 63-4-2.

« Hors le cas prévu par le deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l'accès de l'avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez laquelle il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état dans le procès-verbal prévu par l'article 57. S'agissant des documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article 56-1, il est renvoyé aux dispositions de l'article 56-1-1. »

Mme Cécile Cukierman.  - Il s'agit de trouver un équilibre entre efficacité de l'enquête et respect du droit des personnes, en prévoyant la présence de l'avocat lors des perquisitions. Il pourra par exemple faire des demandes de saisie, libre aux enquêteurs d'y accéder.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons déjà débattu de ce point lors de l'examen de la loi sur la confiance dans la justice. L'Assemblée nationale avait prévu cette mesure, le Sénat l'a supprimée, jugeant les garanties actuelles suffisantes. Les policiers avaient également soulevé la question de la sécurité de l'avocat. De plus, le droit de se taire est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie. Ne complexifions pas la procédure. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Cet amendement avait été adopté par l'Assemblée dans la loi Confiance dans l'institution judiciaire, avant d'être supprimé par le Sénat et écarté en CMP. Votre commission des lois du Sénat avait argué que le droit actuel offrait des garanties suffisantes, que la disposition complexifierait la procédure pénale, et accentuerait les inégalités entre justiciables. Ne ravivons pas d'anciennes querelles.

Quand le code de procédure pénale aura été réécrit à droit constant, cette évolution pourra être envisagée dans le projet de loi de ratification. Avis défavorable pour le moment.

L'amendement n°170 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par Mme Benbassa.

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement supprime l'extension des perquisitions au domicile entre 6 heures et 21 heures. Les perquisitions de nuit sont une violence disproportionnée du droit à la vie privée. Ne généralisons pas des procédures d'exception. Nécessité et proportionnalité doivent rester de rigueur quand on porte atteinte aux libertés individuelles.

Par ailleurs, la présence de l'avocat lors des perquisitions doit être obligatoire, notamment pour prévenir toute forme de violence policière.

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement s'inspire des travaux du Syndicat de la magistrature. Le champ des perquisitions de nuit a été progressivement étendu, à rebours du principe d'inviolabilité du domicile. Les services d'enquête disposent de nombreux moyens d'intervention, de jour comme de nuit. Alors que le juge des libertés et de la détention (JLD) manque de moyens pour assumer ses missions, cette nouvelle mesure traduit un glissement du pouvoir de la justice vers le ministère de l'intérieur qui déséquilibre le texte. Nous demandons donc la suppression de cette extension des perquisitions de nuit.

Selon le Conseil national des barreaux, le critère de nécessité n'est pas satisfait, car les conditions prévues sont non cumulatives. Toutes les perquisitions de nuit pourraient être justifiées. (M. le garde des sceaux le conteste.)

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

intégrité physique,

par les mots :

intégrité physique et

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Amendement de repli par rapport à l'amendement n°73.

Les perquisitions de nuit sont un sujet délicat, à apprécier à l'aune du droit constitutionnel à la vie privée et à l'inviolabilité du domicile. En posant des conditions cumulatives, cet amendement vise à éviter la pratique dite du « filet dérivant ».

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces opérations ne peuvent avoir pour préalable uniquement la recherche de preuves et indices des infractions mentionnées au premier alinéa.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos92 et 126, d'autant que les perquisitions de nuit existent déjà en matière de terrorisme et de criminalité organisée. L'extension en cas de flagrance est encadrée et entourée de garanties. Le JLD pourra autoriser des enquêtes entre 21 heures et 6 heures dans trois cas : en cas d'atteinte imminente à la vie, pour empêcher la destruction immédiate des preuves ou pour appréhender l'auteur. C'est un juste équilibre.

Avis défavorable aux amendements nos73 et 74, satisfaits. Le risque immédiat de destruction de preuves et d'indices existe : c'est l'histoire de la couette dans la machine à laver...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'ensemble des amendements. Pas question de filet dérivant, puisque nous sommes ici dans le cas d'un crime flagrant contre les personnes. Imaginez que dans le domicile, une femme vient d'être tuée, et qu'il y a deux enfants. On entre ou on n'entre pas ? L'encadrement passe par l'autorisation du juge. Il s'agit aussi de prévenir le suicide de l'auteur des faits, fréquent en cas de féminicide, et la suppression des preuves. Il n'y a aucune généralisation, la mesure est parfaitement circonscrite.

Les amendements identiques nos92 et 126 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos74 et 73.

Salut à une délégation parlementaire géorgienne

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. le ministre.) Je suis heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d'honneur de M. le Président du Parlement de Géorgie, M. Shalva Papuashvili, et d'une délégation de députés géorgiens.

Après avoir été accueillie à l'Assemblée nationale, la délégation vient de s'entretenir avec M. le Président du Sénat. Elle est notamment accompagnée par nos collègues Alain Houpert, président du groupe d'amitié France-Caucase, et Philippe Tabarot, président délégué pour la Géorgie.

Cette visite s'inscrit dans le cadre des échanges interparlementaires réguliers qu'entretiennent les deux assemblées. Elle porte en particulier sur l'actualité internationale et européenne, dans le contexte à la fois de la guerre en Ukraine et du souhait de la Géorgie d'accéder au statut de « pays candidat ». À ce titre, la délégation s'entretiendra demain avec notre collègue Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes.

Permettez-moi de souhaiter à nos amis géorgiens un séjour et des échanges fructueux, en formulant le voeu que cette rencontre interparlementaire contribue à renforcer encore nos liens d'amitié.

Nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements)

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Amendement n°171, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au neuvième alinéa de l'article 61-1, les mots : « Si le déroulement de l'enquête le permet, lorsqu' » sont remplacés par les mots : « Sauf urgence, » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voulons que la convocation à une audition libre se fasse obligatoirement par écrit. À l'oral, les mis en cause ne sont pas forcément informés de leur droit à être accompagné par un avocat, ce qui compromet leur droit à une défense équitable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Lors de la convocation, les droits des personnes sont énoncés, y compris le droit à être assisté par un avocat. N'alourdissons pas la procédure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°171 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par Mme Benbassa.

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

Mme Esther Benbassa.  - Le recours à la téléconsultation médicale lors des gardes à vue est une fausse bonne idée. En cas de violences policières, la personne est sous le choc ; le médecin est la seule présence rassurante dans l'environnement hostile du commissariat. La première consultation physique permet de constater l'état du gardé à vue, mais aussi de garantir la confidentialité des échanges et d'éviter menaces et intimidations.

M. le président.  - Amendement identique n°122, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Il faut une auscultation clinique en présentiel pour établir la compatibilité avec la garde à vue, en évaluant non seulement l'état physique de la personne, mais aussi l'environnement du commissariat. Le Syndicat de la magistrature rappelle que la vidéotransmission pose de sérieux problèmes. Enfin, le Conseil d'État a appelé à garantir la confidentialité des échanges. Or la disposition des locaux de garde à vue ne permet souvent pas d'assurer cette confidentialité dans les salles de visioconférence. L'autorisation du procureur de la République ne sera pas une garantie suffisante, car la décision sera prise sans qu'il ait vu la personne.

La pénurie de médecins ne peut être gérée aux dépens des droits des plus fragiles.

M. le président.  - Amendement identique n°172, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°263, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6, première phrase

Supprimer les mots :

ayant préalablement fait l'objet d'un examen médical dans les conditions prévues aux premier à troisième alinéas

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le recours à la téléconsultation, que votre commission remet en cause, vise à répondre au problème des déserts médicaux. Je suis pragmatique ! Précisons que la téléconsultation ne concerne que les majeurs non protégés...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie..  - Encore heureux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... qu'elle suppose l'accord du procureur de la République et qu'elle garantit la qualité, la sécurité et la confidentialité des échanges. Le médecin pourra parfaitement estimer qu'un examen physique est nécessaire dans certains cas. Enfin, si l'examen médical est demandé par le gardé à vue ou par un membre de sa famille, le recours à la téléconsultation doit être expressément accepté. La procédure est ainsi simplifiée, les déserts médicaux ne deviennent plus un obstacle, et les principes auxquels nous sommes tous attachés sont respectés.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots : 

peut être réalisé

insérer les mots :

, avec l'accord exprès de la personne gardée à vue,

M. Jean-Yves Roux.  - Si l'examen médical à distance peut alléger et accélérer les procédures, il doit rester une option et le gardé à vue pouvoir demander un examen physique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements supprimant tout recours à la téléconsultation. Le Sénat est certes attentif au problème des déserts médicaux, mais ce n'est pas dans le code de procédure pénale que nous le résoudrons. Trouver des médecins, voilà la solution. Dans les cas des gardes à vue, les suspicions de violences policières ou encore les problèmes d'addiction ne peuvent être détectés que par un vrai contrôle médical. La téléconsultation suffit en revanche au moment du renouvellement de la garde à vue. Avis défavorable à l'amendement n°263.

L'amendement n°2 rectifié de M. Roux est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos91, 122 et 172, ainsi qu'à l'amendement n°2 rectifié.

Les amendements identiques nos91, 122 et 172 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°263.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc et Charon, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Au premier alinéa de l'article 63-3-1, les mots : « peut demander à être » sont remplacés par le mot : « est » ;

M. Gilbert Favreau.  - Cet amendement prévoit la présence systématique de l'avocat en garde à vue. Cela ne me paraît pas excessif.

M. le président.  - Amendement identique n°93, présenté par Mme Benbassa.

Mme Esther Benbassa.  - Il s'agit de rendre systématique et obligatoire la présence de l'avocat dès la première audition pour rétablir un équilibre face au risque d'intimidations dont peut être victime le gardé à vue. Certains sont en effet dissuadés d'appeler un avocat. Ces méthodes ne sont pas acceptables.

La présence de l'avocat dès le début de la garde à vue assure un juste équilibre entre le principe du contradictoire, l'intérêt de l'enquête et la protection des libertés individuelles.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La présence de l'avocat est obligatoire dès lors que le gardé à vue la demande : c'est une garantie suffisante. Prévoir sa présence systématique dès le début de la garde à vue risquerait de bloquer tout le processus.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La personne gardée à vue a le droit de faire appel à un avocat : c'est suffisant. Si vous voulez bloquer le système, il est facile de faire appel à un avocat qui n'est pas disponible... D'autre part, certaines personnes ne souhaitent pas l'assistance d'un avocat. Évitons d'emboliser la procédure.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je suis choquée par la position du garde des sceaux, qui pourtant connait bien ces situations. La gauche s'est battue pendant des années pour obtenir la présence de l'avocat en garde à vue. Prétendre que cela serait bloquant est inexact et choquant. De ce côté de l'hémicycle - j'allais dire « de la barre » ! -, nous soutenons ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame la sénatrice, cette personnalisation du débat n'est pas opportune. Je me suis, moi aussi, battu pour la présence de l'avocat en garde à vue.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Justement !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je le répète, l'indisponibilité d'un avocat pourrait emboliser le système. Et, parfois, le gardé à vue ne souhaite pas l'intervention d'un avocat.

La même question s'est posée pour la perquisition. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) Que faire s'il n'y a pas d'avocat disponible, demandent les forces de sécurité intérieure ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'êtes pas ministre de l'intérieur !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Certes, mais j'ai en charge les intérêts de la justice. Au reste, il n'est pas plus injurieux d'être ministre de l'intérieur qu'avocat - ce que vous m'avez déjà reproché, pour d'autres raisons.

Quand ces mesures ont été prises, la gauche était au pouvoir : elle n'a pas rendu la présence de l'avocat obligatoire.

Au passage, rappelons aux eurosceptiques que la possibilité de faire appel à un avocat en garde à vue est une avancée qui nous vient de la Cour de Strasbourg.

Il est normal que le garde des sceaux se soucie d'éviter le blocage des procédures.

M. Gilbert Favreau.  - Le gardé à vue est-il systématiquement informé qu'il a droit à un avocat ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Absolument, à peine de nullité.

M. Gilbert Favreau.  - Dans ce cas, je retire mon amendement.

L'amendement n°75 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°93 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon et Genet, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au deuxième alinéa de l'article 63-4-3, les mots : « l'issue de » sont supprimés ;

M. Gilbert Favreau.  - L'avocat choisi par le gardé à vue doit pouvoir participer plus activement à la procédure en posant des questions au cours de l'audition, et non pas seulement à la fin de celle-ci.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'avocat ne doit pas intervenir dans ces auditions, conduites par l'officier de police judiciaire en vue d'obtenir des éléments utiles à l'établissement des faits.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je crains, monsieur Favreau, que la présence de l'avocat en garde à vue ne prospère pas longtemps... Il ne s'agit pas de savoir qui conduit l'audition, mais quels sont les droits reconnus à la personne auditionnée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'avocat peut intervenir, poser des questions et contester, le cas échéant, l'impartialité de la procédure. Simplement, on lui demande de le faire à la fin de la garde à vue. Je profite de l'expérience qui est la mienne pour faire ce rappel... (M. Loïc Hervé rit.)

L'amendement n°76 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°261 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 6

Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 75-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de l'enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d'une enquête de flagrance » sont remplacés par les mots : « d'audition libre, de garde à vue ou de perquisition d'une personne, y compris si cet acte est intervenu dans le cadre d'une enquête de flagrance, lorsque cette personne en fait la demande » ;

b) Au troisième alinéa, la dernière phrase est ainsi rédigée : « Tout acte d'enquête concernant la personne ayant formulé la demande prévue au premier alinéa intervenant après l'expiration de ces délais est nul. » ;

c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, à l'issue du délai de trois ans, le procureur de la République peut toutefois, selon les modalités prévues par le V de l'article 77-2, décider de la continuation de l'enquête pendant une durée d'un an, renouvelable une fois par décision écrite motivée versée au dossier de la procédure. » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La demande prévue au premier alinéa peut être faite par la personne ou son avocat à l'issue de son audition ou de la perquisition auprès de l'officier ou de l'agent de police judiciaire ayant procédé à l'acte ou, auprès des mêmes personnes, pendant un délai d'un an à compter de celui-ci ; le procureur de la République en charge de l'enquête en est alors immédiatement informé. » ;

...° Le V de l'article 77-2 est ainsi rédigé :

« V.  -  Lorsque l'enquête fait l'objet d'une prolongation en application du quatrième alinéa de l'article 75-3, les investigations ne peuvent se poursuivre à l'égard des personnes ayant fait l'objet depuis plus de deux ans de l'un des actes mentionnés aux 1° et 2° du II du présent article et à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteurs ou complices, une infraction sans que le procureur de la République fasse application du I à leur profit ainsi qu'à celui du plaignant ; le délai de deux ans est porté à trois ans si l'enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 ou 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste. Dans ce cas, l'intégralité de la procédure doit alors être communiquée aux intéressés et l'avocat de la personne doit être convoqué au moins cinq jours ouvrables avant toute audition réalisée conformément à l'article 61-1. » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avant la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, l'enquête préliminaire pouvait durer très longtemps, en l'absence de délai. Le code d'instruction criminelle parlait d'ailleurs d'« enquête officieuse »... On apprenait dans la presse qu'untel était suspecté de telle ou telle infraction.

La loi de 2021 a limité dans le temps ces enquêtes préliminaires. Si des éléments sont diffusés dans la presse, l'intéressé a le droit de demander le contradictoire. D'autant que, dans certaines affaires, certains journalistes aiment à feuilletonner.

En pratique, il est parfois difficile de respecter le délai fixé. Nous devons être pragmatiques... C'est pourquoi nous prévoyons une première prolongation d'un an, spécialement motivée, renouvelable une fois. En contrepartie, l'intéressé aura un accès complet au dossier et son avocat pourra demander des vérifications.

J'ai vécu, comme avocat, des enquêtes préliminaires très longues. Pendant quatre ans, on fouille chez le notaire, le banquier, les amis, on livre l'honneur d'un homme aux chiens sans qu'il puisse se défendre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Lors de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, nous avions appelé à réduire les délais, qui sont un handicap majeur pour la justice.

En 2020, 3 % des enquêtes seulement dépassaient les trois ans. Il est vrai que certaines sont particulièrement complexes, notamment quand il faut enquêter à l'étranger. Mais nous avons eu du mal à comprendre le dispositif proposé.

Vous assouplissez les délais, en quelque sorte, par les deux bouts : report du début de la comptabilisation et possibilité d'extension. La notion de « demande prévue » nous pose problème : comment la personne pourrait-elle savoir dès le début que les délais seront insuffisants ?

La commission a donné un avis défavorable. Cela étant, nous entendons que les besoins sont réels, en OPJ et pour faire face à l'urgence. À titre personnel, avis de sagesse, voire favorable. Nous pourrons améliorer le texte dans la navette.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La proposition est intéressante. L'enquête préliminaire est une zone obscure. Nous avons beaucoup réfléchi sur un meilleur exercice du contradictoire, mais c'est un peu la quadrature du cercle.

La proposition d'augmenter les délais n'est pas bien plaisante (M. le garde des sceaux le concède), mais l'introduction du contradictoire nous intéresse. Aussi sommes-nous un peu ennuyés... (On s'en amuse au centre et à droite.) La rédaction de cet amendement mérite d'être améliorée - la navette le permettra. Mais nous le voterons, en raison uniquement de l'ouverture au contradictoire.

M. Philippe Bonnecarrère.  - La rapporteure et le garde des sceaux ont bien rappelé les deux principes au coeur de ce débat : réduction des délais d'enquête préliminaire et introduction d'une forme de contradictoire lorsqu'une publication intervient. Encore faut-il s'assurer, comme je l'avais souligné en 2021, que la personne suspectée n'est pas elle-même à l'origine de la publication... (M. le garde des sceaux acquiesce.)

Monsieur le garde des sceaux, la rédaction du d) ne me paraît pas conforme à votre présentation - la rapporteure a raison sur ce point.

Nous prônions déjà le pragmatisme il y a deux ans. Je ne vous fais aucun reproche : je pense simplement que les données de l'étude d'impact étaient inexactes s'agissant des stocks de procès-verbaux.

Mme Marie Mercier.  - La plus grande des injustices dans la justice, ce sont les délais. (M. le garde des sceaux apprécie la formule.) Le justiciable découvre des mots qu'il ne connaît pas, des procédures qui peuvent être sources d'une grande anxiété. Quand on reçoit un patient qui ne va pas bien, on lui pose des questions sur sa vie personnelle, son couple, et on lui demande s'il a des ennuis avec la justice - car celle-ci peut être une machine à broyer. Le contradictoire est donc indispensable, et je voterai cet amendement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous pouvons améliorer la rédaction.

Le point de départ sera la perquisition ou l'audition. L'intéressé sera averti que, passé le délai, il aura accès au contradictoire.

Ce n'est pas de gaieté de coeur que je demande l'allongement des délais. Je suis convaincu que la justice doit être rapide et il est insupportable d'être suspecté sans savoir de quoi. Mais le risque est d'entraîner un certain nombre de nullités, notamment dans des affaires d'agressions sexuelles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Information judiciaire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'entends, mais il y a un risque d'embolie de l'instruction. Essayons d'alléger la charge de nos magistrats, greffiers et agents administratifs. La solution que nous proposons me semble la plus équilibrée.

L'amendement n°261 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°77 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Cuypers, Genet et Cadec, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa de l'article 77-2 est ainsi rédigé : 

« I. -  Dans le cadre d'une convocation en vue d'une audition libre ou d'une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l'efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat. » ;

M. Gilbert Favreau.  - Lorsqu'un dossier a été mis en forme, il serait normal que le gardé à vue puisse, par le simple effet du contradictoire, y avoir accès pour se défendre ou apporter des précisions.

M. le président.  - Amendement identique n°173, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous proposons de renforcer les droits de la défense, en permettant à l'avocat d'accéder au dossier dès le début de la garde à vue ou de l'audition libre.

M. le président.  - Amendement n°174, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 6

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés : 

...° L'article 77-2 est ainsi modifié : 

a) Au premier alinéa, après le mot : « observations » sont insérés les mots : « ou demandes d'actes » ;

b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une décision de refus de demande d'acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d'un appel devant la chambre de l'instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d'État. » :

c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Une décision de refus de demande d'acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d'un appel devant la chambre de l'instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d'État. » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voulons renforcer les droits de la défense en permettant au mis en cause et à son avocat de présenter des observations, des demandes d'actes et des requêtes en nullité. Il y a peu de moments pour le contradictoire dans les enquêtes préliminaires, ce qui est préjudiciable aux droits de la défense.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les amendements identiques nos77 rectifié bis et 173 prévoient l'accès à un dossier expurgé. L'article 61-1 du code de procédure pénale prévoit des garanties suffisantes : la personne est déjà informée de la qualification de la date et du lieu de l'infraction. Avis défavorable à cet alourdissement de la procédure. Même avis sur l'amendement n°174.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même position.

Les amendements identiques nos77 rectifié bis et 173 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°174.

M. le président.  - Amendement n°175, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Après le mot : « plainte », la fin du onzième alinéa de l'article 77-2 est ainsi rédigée : « et après un délai de six mois à compter du premier acte de l'enquête, a accès avec son avocat au dossier de l'enquête. L'avocat du plaignant peut demander une copie du dossier de l'enquête et la transmettre au plaignant sous réserve de l'autorisation préalable du procureur de la République. » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voulons renforcer les droits de la défense et le contradictoire dans l'enquête préliminaire en donnant l'accès au dossier au plaignant et à son avocat au bout d'un délai de six mois, sous réserve de l'avis favorable du procureur de la République.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Il ne faut pas alourdir et allonger les enquêtes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°175 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°78 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et Cadec et Mme Lopez.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 80-1, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « par décision motivée » ;

M. Gilbert Favreau.  - La mise en examen devrait être systématiquement motivée par le juge d'instruction.

M. le président.  - Amendement identique n°176, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable, car satisfait. L'article 81 du code de procédure pénale prévoit que la mise en examen se fonde sur des indices graves et concordants.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ajoute qu'elle peut être contestée devant la chambre d'instruction.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la même chose...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos78 rectifié bis et 176 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°177, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 10

1° Première phrase

a) Remplacer la première occurrence du mot :

six

par le mot :

dix

b) Supprimer les mots :

, à l'issue d'un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle peut également être faite à l'issue d'un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants.

3° Seconde phrase

Supprimer les mots :

, par la suite,

Mme Cécile Cukierman.  - Nous proposons d'étendre à dix jours au lieu de six le délai pour contester une mise en examen, afin de favoriser l'exercice des droits de la défense. La mise en examen est une étape cruciale de la procédure pénale, ce qui justifie ce délai. Nous proposons par ailleurs des ajustements rédactionnels.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 10, première phrase

Remplacer la première occurrence du mot :

six

par le mot :

dix

M. Guy Benarroche.  - L'alinéa 9 ouvre la possibilité de solliciter une démise en examen, ce qui va dans le bon sens. Mais le délai de six jours est trop court : il faut l'harmoniser avec le délai de dix jours prévu à la suite de la notification d'une expertise ou d'un interrogatoire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le délai de six jours est cohérent avec la volonté d'aller vite, mais nous entendons vos arguments. L'avis défavorable de la commission peut peut-être évoluer...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ces deux amendements me paraissent excellents. Le futur mis en examen sort souvent de garde à vue sans avoir la connaissance complète d'un dossier souvent volumineux. Allonger le délai permet de mieux contester la mise en examen. Avis favorable.

L'amendement n°177 est adopté.

L'amendement n°121 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et les observations de la partie civile » ;

M. Guy Benarroche.  - Sur la suggestion du Conseil national des barreaux, nous souhaitons que la demande de démise en examen soit communiquée à la partie civile.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable, c'est complexifier la procédure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La partie civile ne peut avoir les mêmes droits que le mis en examen ou le parquet - le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé. Avis défavorable.

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°178, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le dernier alinéa de l'article 82-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les avocats des autres parties sont informées dans les mêmes conditions. » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Le juge d'instruction doit informer toutes les parties lorsqu'il fait droit à une demande d'audition. Il s'agit de garantir davantage de transparence dans la procédure pénale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - C'est surtout alourdir la procédure. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'important est que le témoignage soit porté à la connaissance de toutes les parties, ce qui est forcément le cas devant le juge d'instruction. Ce dernier mène son information : il n'est pas nécessaire qu'il avertisse toutes les parties des auditions prévues. Avis défavorable.

L'amendement n°178 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Le deuxième alinéa de l'article 85 est supprimé ;

M. Jean-Yves Roux.  - Depuis 2007, une plainte avec constitution de partie civile visant un délit n'est recevable que si le plaignant a saisi le procureur de la République d'une plainte simple, suivie d'un refus ou d'une absence de réponse. Cela retarde l'action du juge d'instruction. Revenons au système antérieur.

M. le président.  - Amendement identique n°150, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Il a été magistralement défendu...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La suppression préalable risquerait d'aboutir à une complexification.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Complexification et embolisation, soit le contraire de ce que nous recherchons. Je suis magistralement défavorable à ces amendements... (Sourires)

Les amendements identiques nos5 rectifié et 150 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°179, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 10

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Le quatrième alinéa de l'article 86 est ainsi modifié :

a) Après la troisième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les réquisitions de non informer ou de non-lieu sont notifiées à la partie civile, laquelle peut formuler des observations auprès du juge d'instruction dans un délai de quinze jours à compter de cette notification. » ;

b) À la dernière phrase, après les mots : « passe outre » sont insérés les mots : « les réquisitions du ministère public » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, le juge d'instruction ne peut statuer avant d'avoir reçu les observations de la partie civile ou avant l'écoulement du délai de quinze jours mentionné au présent alinéa. Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois à compter des réquisitions, le procureur de la République peut, dans les dix jours suivants, saisir la chambre de l'instruction qui doit statuer dans un délai d'un mois. À défaut de saisine de la chambre de l'instruction, le juge d'instruction reprend son information. »

Mme Cécile Cukierman.  - Il faut garantir les notifications de réquisition et de non-lieu pour assurer l'équité et la transparence de la procédure pénale. En permettant à la partie civile d'avoir accès aux réquisitions, nous renforçons le contradictoire. Le délai, clair et raisonnable, évitera les blocages.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Là encore, c'est un alourdissement : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°179 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°215, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Après l'alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 97-1, il est inséré un article 97-1-... ainsi rédigé :

« Art. 97-1-....  -  Si les nécessités de l'information ouverte pour l'un des crimes prévus par le livre II du code pénal l'exigent, le juge d'instruction peut, lorsqu'il s'agit d'un crime flagrant, autoriser par ordonnance spécialement motivée que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis ou pour permettre l'interpellation de son auteur.

« Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions mentionnées dans la décision du juge d'instruction. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles mentionnées dans la décision du juge d'instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le juge d'instruction doit pouvoir autoriser les perquisitions de nuit dans trois hypothèses : risque d'atteinte à l'intégrité physique, risque de disparition des preuves, nécessité pour interpeller l'auteur des faits.

M. le président.  - Sous-amendement n°277 à l'amendement n 215 de M. Mohamed Soilihi, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Amdt n° 215, alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

risque 

insérer le mot :

imminent

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable, sous réserve de la précision proposée sur l'imminence du risque.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le juge d'instruction doit pouvoir faire ce que fait l'officier de police judiciaire dans le cadre d'une enquête judiciaire. Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement, tous deux d'excellente facture.

Le sous-amendement n°277 est adopté.

L'amendement n°215, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et E. Blanc et Mme Lopez.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Le dernier alinéa de l'article 100 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à cette décision s'il estime que cette transcription serait irrégulière, selon les modalités définies aux troisième à neuvième alinéas de l'article 56-1 du présent code. » ;

M. Gilbert Favreau.  - Le bâtonnier, garant du secret professionnel des avocats, doit pouvoir contester les transcriptions téléphoniques. Il peut déjà s'opposer à la saisie de documents en cas de perquisition d'un cabinet.

M. le président.  - Amendement identique n°180, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'article 100 du code de procédure pénale offre des garanties suffisantes : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos79 rectifié bis et 180 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...°  Au troisième alinéa de l'article 100-5, après les mots : « ne peuvent être », sont insérés les mots : « interceptées, enregistrées et » ;

M. Jean-Yves Roux.  - Les avocats craignent des indiscrétions concernant leurs relations avec leurs clients. Alors que le code de procédure pénale interdit la transcription de la correspondance entre l'avocat et son client, proscrivons également son interception et son enregistrement.

M. le président.  - Amendement identique n°80 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et E. Blanc, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

M. Gilbert Favreau.  - L'enregistrement des conversations entre un avocat et son client doit être interdit, comme leur transcription.

M. le président.  - Amendement identique n°181, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Une communication franche et sans réticence entre l'avocat et son client est la condition d'une défense solide.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Il ne s'agit pas ici des dispositifs d'activation à distance et de géolocalisation, mais de l'interdiction de retranscription. (Mme Cécile Cukierman le confirme.) Impossible, techniquement, de trier les échanges selon qu'ils relèvent ou non de l'avocat. L'interception, c'est la transcription, qui est déjà interdite. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Souvenons-nous : avant la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, la Cour de cassation considérait qu'une communication entre un avocat et une personne non mise en garde à vue ou en examen ne relevait pas du secret professionnel. Des avocats avaient protesté, et une pétition recueilli dix mille signatures.

Nous avons fait évoluer les choses : désormais, avant même de s'être rencontrés, l'avocat et le client sont couverts par le secret professionnel.

Je souhaitais un système technologique pour aller plus loin, mais le coût aurait été exorbitant. La police entend donc, mais ne peut pas retranscrire. Je tiens par ailleurs à ce que ces enregistrements ne puissent être conservés ad vitam aeternam.

Il n'y a pas de défense sans secret de la défense, qui protège non pas l'avocat, mais le justiciable. Il y va de sa liberté et du respect de sa vie privée.

Je suis sensible à vos préoccupations, mais il ne faut pas aller trop loin. On ne peut savoir par avance si une personne placée sous surveillance électronique va appeler un avocat. La technologie nous apportera certainement des solutions nouvelles, mais, en l'état, je ne vois pas comment déterminer si le correspondant est ou non un avocat. Malgré toutes leurs qualités, les officiers de police judiciaire n'ont pas le don de médiumnité...

À regret, mais par souci de pragmatisme, avis défavorable à ces amendements.

Les amendements identiques nos6 rectifié, 80 rectifié bis et 181 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°182, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article 114 est ainsi modifié :

a) Aux première et seconde phrases du troisième alinéa, après les mots : « personne mise en examen » sont insérés les mots : « , ou du témoin assisté, » ;

b) Au quatrième alinéa, après les mots : « Après la », sont insérés les mots : « réception de la convocation à la » ;

Mme Cécile Cukierman.  - En permettant aux parties d'accéder au dossier avant l'audition, nous voulons permettre au mis en cause de mieux appréhender les accusations portées contre lui.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - S'agit-il d'une clarification ou d'un alourdissement ? Qu'en dit le Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'article 113-3 du code de procédure pénale prévoit déjà cet accès pour le témoin assisté. À cet égard, votre amendement est superfétatoire.

L'accès au dossier préalablement à l'audition n'est ni souhaitable ni réalisable, l'interrogatoire ayant souvent lieu après la garde à vue.

Les droits de la personne ne sont pas menacés, car le mis en cause peut garder le silence jusqu'à l'obtention de la procédure. Si un avocat est désigné, il peut accéder aux procès-verbaux.

L'amendement n°182 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°81 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Panunzi et Cuypers, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et Cadec et Mmes Lopez et Boulay-Espéronnier.

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Le premier alinéa de l'article 115 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le greffier de la juridiction, informé de ce choix, informe tous les avocats précédemment désignés de la désignation d'un ou plusieurs nouveaux avocats. » ;

M. Gilbert Favreau.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable.

L'amendement n°81 rectifié bis n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°262, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 115 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat désigné par la personne mise en examen détenue, ou l'avocat commis d'office à sa demande en application de l'article 116, peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance d'un permis de communiquer est sollicitée. Le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats. » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les avocats d'un même cabinet, surtout quand ils sont nombreux, éprouvent des difficultés à obtenir des permis de communiquer avec leurs clients. Tous ceux qui sont nommément désignés par l'avocat choisi par la personne mise en examen doivent se voir délivrer un tel permis.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement de bon sens, assorti de garanties quant à l'appartenance au même cabinet et à la désignation nominative des avocats.

L'amendement n°262 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°216, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Après l'alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 141-1 est ainsi rédigé :

« Art. 141-1.  -  Les pouvoirs conférés au juge d'instruction par les articles 139 et 140 appartiennent, en tout état de cause, à la juridiction compétente selon les distinctions de l'article 148-1.

« Lorsque le prévenu renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction a été placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, le juge des libertés et de la détention peut, à tout moment, sur réquisitions du ministère public ou à la demande du prévenu, décider par ordonnance motivée d'imposer à ce dernier une ou plusieurs obligations nouvelles, de supprimer tout ou partie des obligations comprises dans la mesure, de modifier une ou plusieurs de ces obligations ou d'accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines d'entre elles. Le juge des libertés et de la détention statue au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s'il fait droit à la demande du prévenu, après audition de celui-ci, assisté le cas échéant par son avocat. L'ordonnance rendue est susceptible d'appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l'instruction.

« En cas d'appel de la décision de ce juge porté devant la chambre de l'instruction, celle-ci est composée de son seul président. Celui-ci peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande de personne poursuivie ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la chambre. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Coordination : il s'agit de confier au JLD l'examen des demandes de modification ou de mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique (Arse) après l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le JLD est compétent en la matière. L'amendement est cohérent : avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°216 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°214, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

I. Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article 141-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas prévus au présent article, le juge des libertés et de la détention, s'il estime que la détention provisoire n'est pas justifiée, peut modifier les obligations du contrôle judiciaire ou placer l'intéressé sous assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;

II. Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article 142-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention, s'il estime que la détention provisoire n'est pas justifiée, peut modifier les obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le JLD doit pouvoir modifier les modalités de contrôle judiciaire ou d'Arse, notamment pour renforcer la surveillance des personnes ne remplissant pas leurs obligations. Cela permet d'éviter un placement en détention provisoire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°214 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°278, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au quatrième alinéa de l'article 142-5, les mots : « l'article 138 » sont remplacés par les mots : « les articles 138 et 138-3 ».

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - En cas de violences conjugales, la personne doit pouvoir être placée sous Arse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°278 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Devésa.

Alinéas 12 à 19 et 29

Supprimer ces alinéas.

Mme Brigitte Devésa.  - L'article 142-6 du code procédure pénale prévoit la possibilité d'assigner à résidence avec surveillance électronique une personne mise en examen. Le juge statue après vérification de la faisabilité technique de l'Arse. Dans le cas où la vérification de la faisabilité technique de cette mesure n'aurait pas encore été effectuée ou serait encore en cours, le projet de loi permet une incarcération provisoire. Cependant, cela doit rester exceptionnel, s'agissant de personnes présumées innocentes. Je propose de supprimer cette option.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 14

Remplacer le mot :

quinze

par le mot :

cinq

M. Guy Benarroche.  - Le délai d'incarcération de quinze jours est excessif et limite insuffisamment la détention provisoire. C'est dix jours de plus que ce que prévoit l'article 7218-17-1 du code de procédure pénale. Réduisons ce délai à cinq jours.

M. le président.  - Amendement identique n°183, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous proposons, nous aussi, une réduction à cinq jours.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

jours

insérer les mots :

renouvelable une fois

M. Guy Benarroche.  - Instaurons le renouvellement possible du délai impératif imposé par l'étude de faisabilité. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) sont essentiels, mais manquent de moyens. Le Sénat prévoit d'augmenter les effectifs, mais le manque d'attractivité demeure.

Pour ne pas supprimer de chance de bénéficier d'une Arse, nous proposons de doubler le délai pour l'étude de faisabilité, afin qu'elle ait lieu malgré le manque de moyens.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 16, troisième phrase

Après les mots :

pour qu'il soit

rédiger ainsi la fin de cet alinéa : 

prononcé la mesure prévue à l'article 138 du code de procédure pénale. En l'absence d'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise dans ces délais, la personne est remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause.

M. Guy Benarroche.  - Faute d'enquête de faisabilité, un contrôle judiciaire remplacerait le débat contradictoire sur la détention provisoire. Nous craignons que cela se fasse au détriment du contrôle judiciaire, ce qui irait à l'inverse de l'objectif de moindre recours à la détention provisoire, compte tenu de la surpopulation carcérale. Réintroduisons le prononcé du contrôle judiciaire.

M. le président.  - Amendement identique n°185, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous inquiétons que la détention provisoire soit privilégiée par rapport au contrôle judiciaire, ce qui aggraverait la surpopulation carcérale.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 16, quatrième phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Laurence Harribey.  - Supprimons le recours à la visioconférence pour le second débat contradictoire.

M. le président.  - Amendement identique n°128, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Il faut un accès au juge, la publicité de l'audience et l'égalité des armes. Le Syndicat de la magistrature regrette l'extension de la visioconférence, alors que le Conseil constitutionnel a rappelé la garantie attachée à la présence physique de l'intéressé devant la juridiction pénale. Il indique aussi que l'oralité des débats prime les objectifs de bonne administration de la justice et de protection de la santé publique.

Enfin, les effectifs actuels des JLD rendent impossible l'absorption de la charge supplémentaire prévue par le texte.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce dispositif ouvre la détention provisoire le temps de la mise en place de l'Arse, pour éviter que des personnes disparaissent dans la nature.

Les garanties sont suffisantes et proportionnelles à l'objectif : les peines concernées sont supérieures à trois ans d'emprisonnement ; il y a un débat contradictoire ; et le placement en détention fait l'objet d'une ordonnance motivée par des éléments précis et circonstanciés. Supprimer ce dispositif serait injustifié, alors qu'il répond à un besoin d'efficacité. Avis défavorable à l'amendement n°13.

Concernant les amendements identiques nos132 et 183, une incarcération provisoire réduite à cinq jours ne serait pas suffisante pour réaliser l'étude de faisabilité. Avis défavorable.

Il y a un souci de cohérence avec l'amendement n°118 qui, à l'inverse, prolonge le délai de détention provisoire : le Spip a dix jours pour rendre son rapport, qui sont compris dans le délai de quinze jours, et nous lui allouons 600 emplois pour mieux accompagner l'exécution des peines adaptées. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos133 et 185 recourent au contrôle judiciaire plutôt qu'à la détention provisoire. Or celle-ci est prononcée lorsque le contrôle judiciaire est inadapté ou n'a pas fonctionné. Les dispositifs sont complémentaires. Avis défavorable.

La visioconférence est complémentaire de la première décision de recours à la détention provisoire. Avis défavorable aux amendements identiques nos36 et 128.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'Arse est plus souvent utilisée pour une mise en liberté ultérieure que pour la mise en examen, car il faut du temps pour recueillir les éléments. Elle limite, de facto, la détention provisoire : une fois les recherches faites et l'Arse prononcée, c'est un détenu de moins.

Avis défavorable à tous les amendements. Par exemple, vous limitez le délai à cinq jours : comment faire les vérifications quand les cinq jours comprennent un week-end et un lundi 1er mai ? Cinq jours ne suffisent pas, et cela ferait un détenu de plus...

L'amendement n°13 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos132 et 183, l'amendement n°118, les amendements identiques nos133 et 185 et les amendements identiques nos36 et 128.

M. le président.  - Amendement n°217, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Après l'alinéa 19

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 148-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Toute juridiction appelée à statuer en application de l'article 148-1, sur une demande de mise en liberté se prononce après avoir entendu le ministère public, le prévenu, auquel est préalablement notifié son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés, ou son avocat. Si la personne a déjà comparu devant la juridiction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut en cas de demande de mise en liberté refuser la comparution personnelle de l'intéressé par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsqu'au jour de la réception de la demande il n'a pas encore été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté, soit sur l'appel d'une précédente décision de refus de mise en liberté, les délais prévus ci-dessus ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. Faute de décision à l'expiration des délais, il est mis fin à la détention provisoire, le prévenu, s'il n'est pas détenu pour une autre cause, étant d'office remis en liberté. »

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement de coordination traite de l'organisation des audiences devant le tribunal correctionnel. Supprimons le cas de demande de modification du contrôle judiciaire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'amendement va au-delà de la coordination en supprimant des conditions de délai. Avis défavorable, mais nous souhaiterions des éclaircissements du garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable. Nous donnons une compétence au JLD : il lui faut bien moins de temps pour se réunir avec lui-même que pour composer une commission. C'est opportun et utile.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous ne pouvons que souhaiter que la navette améliore le texte, qui reste obscur... Je donne un avis de sagesse.

L'amendement n°217 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Cambon, Cardoux, Chatillon et Cuypers, Mme Devésa, M. Duffourg, Mme Dumont, MM. Frassa et Genet, Mmes F. Gerbaud et Goy-Chavent, M. Guerriau, Mmes Joseph, Lassarade et Lavarde et MM. Milon, Pellevat, Retailleau, Tabarot et C. Vial.

Alinéas 20 à 27, 29 à 31

Supprimer ces alinéas.

Mme Brigitte Devésa.  - Le renforcement des droits du témoin assisté prévu par l'article 3, en particulier en matière d'expertise, risque d'alourdir la procédure et d'allonger les délais.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Devésa.

I.  -  Alinéas 20, 21, 25 à 27, 30 à 34

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 37

Supprimer les mots :

et le témoin assisté

Mme Brigitte Devésa.  - Le statut de témoin assisté est appliqué en cas de soupçon de culpabilité moins fort que pour les personnes mises en examen. Les droits actuels du témoin assisté semblent suffisants : restons-en là.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous sommes au milieu du gué sur le statut de témoin assisté, et le Gouvernement ne va pas jusqu'au bout des propositions des états généraux de la justice, selon lesquelles ce statut devait devenir la règle.

Même s'ils ne sont pas pleinement aboutis, ces droits renforcés préserveront la place des témoins assistés, et les garanties sont suffisantes. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La proposition des états généraux conduisait à un basculement sémantique, les mis en examen devenant témoins assistés, sans changer leur sort.

Le témoin assisté est « encore plus » présumé innocent que le mis en examen : il est donc naturel qu'il ait les mêmes droits. Il doit pouvoir lui aussi être blanchi.

Or le mis en examen peut demander une expertise ou contester un refus de droit à une demande de constatation de prescription de l'action publique. Quand un témoin assisté peut-il faire valoir de tels droits ? Il doit attendre la fin de la procédure. Alignons ses droits sur ceux du mis en examen. Avis défavorable.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°11.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 161-1, après les mots : « aux parties », sont insérés les mots : « et aux témoins assistés » ;

M. Guy Benarroche.  - La réforme du statut du témoin assisté doit s'étendre à l'ensemble de la section traitant de l'expertise dans le code de procédure pénale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission était défavorable à ce qu'elle pensait être un alourdissement. Après réexamen, j'y suis personnellement favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Donner plus de droits au témoin assisté encouragera les magistrats à recourir davantage à ce statut, ce qui est notre objectif : sagesse bienveillante.

L'amendement n°124 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°186, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéas 60 à 67

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Supprimons la possibilité d'activer à distance un appareil électronique sans consentement du propriétaire. En effet, le volume et la qualité des données ainsi obtenues seraient disproportionnés. Nous nous inquiétons du fait que les journalistes n'en soient pas exclus : il y a un risque pour la liberté de l'information et la démocratie.

De même, les enquêteurs pourraient prendre connaissance de conversations entre les avocats et leurs clients, ce qui remet en cause la sincérité et la confidentialité de leurs échanges.

M. le président.  - Amendement n°229, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

I. - Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéas 62 à 67

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Il faut toujours être vigilant s'agissant de nouvelles technologies pouvant porter atteinte à la vie privée. Une fois activés, ces appareils seront utilisés pour localiser des suspects ou écouter des conversations.

Le Conseil d'État estime que l'atteinte est grave, car la captation concerne aussi des personnes tierces. Toutes les conversations autour du suspect seraient potentiellement sous écoute - y compris dans le métro ou au restaurant ! C'est inédit. Et ce n'est pas tout. L'appareil capterait également les conversations éventuelles entre le suspect et son avocat.

Les garanties potentielles interviennent toujours ex post, une fois les informations transmises. Il existe déjà des techniques moins intrusives de mise sur écoute.

Les écologistes du Sénat s'opposent avec véhémence à cette disposition.

M. le président.  - Sous-amendement n°283 à l'amendement n°229 de Mme M. Vogel, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Amendement n° 229, alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

Mme Laurence Harribey.  - Nous souhaitons supprimer la possibilité d'activer à distance un appareil connecté à des fins de captation à distance, mais maintenir la possibilité de l'activer à des fins de géolocalisation.

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par Mme Benbassa.

Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

Mme Esther Benbassa.  - La mesure est particulièrement problématique, car elle ne se limite pas aux téléphones portables ou aux ordinateurs, mais s'étend à tous les objets dotés d'un micro ou d'une caméra, comme les télévisions ou les appareils connectés.

Les officiers de police judiciaire sont déjà dotés de moyens d'enquête larges, et l'ajout d'une telle mesure est disproportionné, quand bien même elle serait limitée aux infractions graves.

Quid des actions militantes qualifiées il y a peu par le ministre de l'intérieur d'« écoterroristes » ? Nous entrons dans une ère dangereuse. Les dérives sécuritaires peuvent dépasser le cadre de l'enquête et de l'instruction.

M. le président.  - Amendement n°230, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

I.  -  Alinéa 39, première phrase

Remplacer les mots :

puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement l'exigent

par les mots :

contre les personnes puni d'au moins vingt ans d'emprisonnement l'exigent, les actes de terrorisme ou si cette opération est exigée par les nécessités d'une procédure d'enquête ou d'instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4,

II.  -  Alinéa 63, première phrase

Remplacer les mots :

de procéder aux opérations mentionnées à l'article 706-96

par les mots :

d'une enquête ou d'une instruction relative à des actes de terrorisme

Mme Mélanie Vogel.  - Amendement de repli par rapport à l'amendement n°29 : si on autorise l'activation à distance des appareils connectés, il faut au moins la limiter aux crimes et délits les plus graves. Chaque autorisation contient un risque de dérive.

L'activation à des fins de géolocalisation doit être réservée aux délits et crimes punis d'une peine d'au moins vingt ans, pour la recherche des causes de la mort ou de la disparition, ou pour les personnes poursuivies pour actes de terrorisme.

L'activation du micro et de la caméra, atteinte supérieure aux droits, doit être restreinte aux seuls actes de terrorisme.

M. le président.  - Amendement n°85 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Buffet, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et de Cidrac, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet, Gueret, Houpert, Hugonet et Husson, Mme Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Longuet, de Legge, de Nicolaÿ et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mmes Pluchet et Puissat, M. Regnard, Mme Richer, MM. Saury et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et M. J.P. Vogel.

Alinéa 39, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

Mme Nadine Bellurot.  - Cette mesure porte atteinte gravement au respect de la vie privée. Il faut limiter son recours aux infractions punies de dix ans d'emprisonnement - le quantum de cinq ans prévu par le projet est bien trop large.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Elle ne peut également s'appliquer aux appareils électroniques situés dans les lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5, ou le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l'article 100-7. Les dispositions du présent alinéa sont prescrites à peine de nullité.

Mme Laurence Harribey.  - Nous voulons exclure la mise en oeuvre du dispositif dans le cabinet d'avocat, l'entreprise de presse, le cabinet d'un médecin, d'un notaire ou d'un huissier, les juridictions ou le domicile d'un magistrat, de même que le véhicule, le bureau ou le domicile d'un parlementaire, d'un avocat et d'un magistrat.

M. le président.  - Amendement n°231, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

S'il apparaît que des données collectées au moyen de cette activation proviennent d'un appareil se trouvant dans l'un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5, il est mis immédiatement fin à l'activation à distance de l'appareil. Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

Mme Mélanie Vogel.  - Autre amendement de repli à notre amendement de suppression, qui vise à éviter la géolocalisation des personnes qui travaillent régulièrement avec des parlementaires, juges, magistrats ou journalistes.

Selon la rédaction actuelle, si mon collaborateur parlementaire faisait l'objet d'une géolocalisation ou d'une mise sur écoute, je le serais donc moi-même également.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est déjà le cas...

Mme Mélanie Vogel.  - Nous défendons ici les droits et libertés fondamentales.

M. le président.  - Amendement n°95, présenté par Mme Benbassa.

Alinéa 65

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Les journalistes ne sont pas inclus dans les exceptions prévues par l'article.

Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé. Cela ne concerne pas les journalistes dans le texte.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 65

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'activation à distance d'un appareil électronique mentionnée au présent article est interdite lorsqu'elle concerne les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l'article 100-7 ainsi que les appareils utilisés par les personnes se trouvant dans l'un des lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5. » ;

Mme Laurence Harribey.  - Dans la même veine, nous souhaitons exclure de l'activation à distance certaines personnes, afin de préserver le secret des sources, le secret professionnel, le secret du délibéré ou le secret médical.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 65

1° Première phrase

Remplacer les mots :

les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l'article 100-7

par les mots :

les personnes résidant ou exerçant habituellement leur activité professionnelle dans l'un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5

2° Deuxième phrase

a) Remplacer les mots :

se trouvant

par le mot :

utilisé

b) Remplacer les mots :

celles-ci ne peuvent être retranscrites

par les mots :

la retranscription est immédiatement suspendue et toute trace est détruite

3° Après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

Mme Mélanie Vogel.  - Amendement de repli. Nous voulons éviter la géolocalisation des parlementaires, avocats et magistrats et la mise sous écoute du domicile ou du lieu de travail de ces personnes.

Si je me trompe, que le ministre me le dise : la loi permet par exemple la captation de conversations entre journalistes par l'intermédiaire de l'appareil d'un voisin. Il faudrait, si ces enregistrements sont réalisés par erreur, au moins qu'ils soient arrêtés et détruits.

M. le président.  - Amendement n°279, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 65, première phrase

Remplacer les mots :

mentionnées à l'article 100-7

par les mots :

qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l'article 706-96-1

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Il ne faut pas confondre deux sujets. La géolocalisation permet de connaître les déplacements des personnes, pour les crimes punis de cinq ans d'emprisonnement - dix ans si l'amendement du président Retailleau est adopté. Sont protégés les avocats, parlementaires et magistrats.

Ensuite, la captation du son ou de l'image, plus intrusive, donne accès au contenu des données. Cela n'est possible que pour le terrorisme ou la criminalité organisée. Nous avons alors en face de nous des individus déterminés et dangereux. Cette technique de captation est encadrée, prévue pour 15 jours renouvelables ou pas. Elle n'est pas possible pour certaines professions ou certains lieux : parlementaires, cabinets d'avocats et leur domicile, magistrats à leur travail comme à leur domicile, cabinets médicaux, entreprises de presse et de communication audiovisuelle, domiciles de journalistes, études de notaires et d'huissiers.

L'amendement vise à se mettre en conformité avec l'avis du Conseil d'État qui juge que les garanties ne sont pas suffisamment proportionnées et qui inclut dans la protection les personnes qui travaillent avec les personnes protégées ou dans ces lieux protégés.

M. le président.  - Sous-amendement n°284 à l'amendement n° 279 de Mme Canayer, au nom de la commission, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Amendement n° 279, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette interdiction s'applique également aux organes de presse et aux journalistes tels que définis à l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La réécriture proposée par la commission n'atteint pas son but d'exclure les journalistes du dispositif. Certains journalistes ne sont pas protégés, notamment les journalistes free lance.

Notre amendement complète le dispositif en étendant la protection à tous les journalistes, au sens de la loi de 1881.

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par Mme Devésa.

Alinéa 65, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L'activation à distance d'un appareil électronique ne peut être effectuée qu'aux fins de géolocalisation ou de captation de sons et d'image de personnes suspectées d'un crime ou d'un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement.

Mme Brigitte Devésa.  - Il faut limiter l'activation pour des personnes punies de crimes et délits d'au moins dix ans d'emprisonnement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les deux techniques de géolocalisation et d'activation à distance sont nécessaires, notamment pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, et suffisamment encadrées. Pour lutter contre les criminels potentiels...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - ... présumés !

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - ... et leurs techniques de dissimulation, il nous faut des moyens renforcés. Avis défavorable à l'amendement n°186 qui vise à les supprimer.

Avis défavorable à l'amendement n°229, qui supprime l'activation à distance, et au sous-amendement n°283, même s'il l'encadrait mieux.

Même avis pour l'amendement n°94.

Avis défavorable à l'amendement n°230. Nous préférons l'amendement n°85 rectifié bis du président Retailleau qui porte le quantum de peine risquée à dix ans : avis favorable.

Je comprends l'intention de l'amendement n°55 qui vise à interdire la géolocalisation dans certains lieux, mais il est impossible de l'appliquer, car il faut géolocaliser pour savoir que l'appareil se trouve dans le lieu en question. Avis défavorable.

L'amendement n°231 confond collecte de la donnée et géolocalisation. Avis défavorable.

Avis défavorable à l'amendement n°95 : il n'y a pas de protection personnelle des journalistes, mais une protection de leurs sources, notamment pour activer des techniques spéciales d'enquête (TSE).

À l'amendement n°58, l'interdiction vise non pas l'activation mais la retranscription. Avis défavorable.

À l'amendement n°232 de Mme Vogel, nous préférons retenir notre amendement n°279 qui va plus loin et nous paraît mieux proportionné et conforme à l'avis du Conseil d'État.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°284, satisfait par l'amendement n°279.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et les journalistes ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ils ne sont pas protégés intuitu personae, mais dans les lieux où ils travaillent, ainsi que les personnes vivant avec eux et leurs sources.

L'amendement n°116 est satisfait par l'amendement de M. Retailleau. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Remettons l'église au milieu du village. Personne n'a dit jusqu'à présent que ces techniques existaient déjà et qu'elles étaient déjà appliquées. Je lis des cris d'orfraie publiés à droite et à gauche. Rappelons ce que sont ces deux techniques.

La géolocalisation permet de localiser en temps réel un suspect, de suivre ses déplacements et les lieux qu'il fréquente. Cette technique existe sous forme de balise, posée par des officiers de police judiciaire. L'idée est de leur faire prendre le moins de risques possible et de les protéger. (M. François Bonhomme marque son approbation.) Protégeons leur intégrité, mais aussi l'enquête : les voyous aguerris savent très bien ce qu'est une balise. Certains policiers renoncent parfois à en poser lorsqu'ils peuvent se faire repérer. Cette technique figure à l'article 230-32 du code de procédure pénale. Elle permet de localiser, en aucun cas d'écouter ni de voir.

La captation du son ou de l'image, qui figure à l'article 706-96-1 de ce même code, permet d'entendre ou de voir une personne dans une pièce ou dans un véhicule. Elle suppose là encore la pose d'un micro ou d'une caméra sur place par un officier de police judiciaire, avec tous les risques que cela comporte. Nous proposons une technique équivalente, par l'intermédiaire du micro ou de la caméra d'un appareil. On semble découvrir la lune, certains utilisant le terme de « liberticide » ou d'autres grands mots... Mais telle est la réalité.

Mesdames Cukierman, Vogel, de La Gontrie et Benbassa, vous souhaitez supprimer ces dispositions, qui représentent une véritable avancée. Elles font progresser les enquêtes et réduisent les risques.

L'activation à distance est entourée de garanties, comme l'autorisation du juge. Pour la géolocalisation, il faut un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et pour la captation, il faut des actes relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme. Je rassure tout le monde : l'écoterrorisme n'entre pas dans le champ de ce texte. (M. Guy Benarroche s'en amuse.)

M. Philippe Bas.  - Et le terrorisme intellectuel ? (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux amendements nos186 et 229, au sous-amendement n°283, et à l'amendement n°94.

M. Retailleau souhaite restreindre le dispositif aux crimes punis de peines d'au moins dix ans de prison. Vous voulez donc que le proxénétisme et l'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans en soient exclus ? Je suis défavorable à cet amendement n°85 rectifié bis. Tout un panel d'infractions seraient exclues du recours à cette technique, alors qu'on y recourt déjà.

L'amendement n°230 prévoit de limiter le recours à la géolocalisation aux seules personnes soupçonnées de crimes punis de peines d'au moins vingt ans ou de terrorisme. Cela n'est pas réaliste.

L'interdiction de la géolocalisation dans certains lieux ne serait pas opérante, puisque cette technique consiste à savoir où l'appareil se trouve. Pourquoi ne pas l'utiliser sous prétexte qu'il se trouve dans le cabinet d'un avocat ou dans les locaux d'un organe de presse ?

Le texte interdit déjà de procéder à la transcription des échanges captés dans certains lieux : les garanties existent donc, et il est impossible de connaître a priori la localisation de l'appareil ! La technique d'enquête serait réduite à néant. Avis défavorable à l'amendement n°58.

Avis défavorable à l'amendement n°95 de Mme Benbassa supprimant l'activation à distance de la ligne d'un avocat, ainsi qu'aux amendements nos279 et 232 interdisant la captation pour toutes les personnes résidant ou exerçant leur activité habituelle dans les lieux protégés - cabinet médical ou étude de notaires, par exemple. Cela semble excessif : on interdirait la captation à distance d'un secrétaire, d'un agent de sécurité d'un tribunal par exemple, y compris hors de leur lieu de travail.

Avis défavorable à l'amendement n°284, qui interdit la captation depuis un appareil appartenant à un journaliste. La liberté de la presse est garantie par le texte, qui interdit à peine de nullité la transcription de captation dans des lieux protégés, dont les entreprises de presse et le domicile d'un journaliste, ou la retranscription des correspondances permettant d'identifier les sources.

Avis défavorable à l'ensemble des amendements, donc.

M. Philippe Bonnecarrère.  - J'aurais souhaité quelques explications sur les conséquences pratiques de ce que nous nous apprêtons à voter.

J'ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre, sur la captation et la géolocalisation, et concernant la difficulté à poser des balises. Mais il faut remettre l'église au centre du village. En matière de criminalité organisée, de trafics de stupéfiants ou d'armes, les connexions sont cryptées, ce qui met les enquêteurs en difficulté. J'ai donc besoin de clarifications sur la prise de contrôle à distance d'un mobile : peut-on avoir accès à des communications cryptées et à leur destinataire, ou du moins aux connexions ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Je ne suis pas une grande spécialiste, mais je crois comprendre que toutes les données utilisées sur les messageries cryptées, comme WhatsApp, ne sont pas accessibles. Les grands réseaux de criminalité organisée peuvent ainsi contourner les enquêtes - j'en suis consciente, vivant dans un grand port.

La mesure d'activation protège les agents posant les balises. Il y a une course de vitesse entre criminels et forces de l'ordre ; il faut que ces dernières aient les armes les moins en retard possible. Cette technique est donc intéressante, si elle est assortie de garanties.

L'amendement n°279 a peut-être des effets de bords. Mais il faut retravailler sur ce sujet lors de la navette : nous n'avons fait que reprendre les préconisations du Conseil d'État. Il faut peut-être préciser la protection des personnes dans les locaux et aller plus loin pour assurer la proportionnalité de la mesure - et donc sa constitutionnalité.

M. Guy Benarroche.  - Je ne mets aucunement en cause vos motivations, monsieur le garde des sceaux. Mais quand vous nous dites que c'est de la même nature que ce qui est fait aujourd'hui, avec les caméras et les micros (M. le garde des sceaux le confirme), ce n'est pas du tout exact. (M. le garde des sceaux s'en étonne.) Poser une caméra ou un micro dans un lieu donné n'a rien à voir avec le fait d'écouter des millions de gens partout - car cela ne concerne pas que les téléphones, mais n'importe quel objet connecté susceptible de transmettre de l'image ou du son, comme les compteurs électriques.

Je ne suis pas expert des messageries cryptées ; mais si l'on ne peut pas décrypter, il vaudrait mieux poser une caméra ou un micro ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'amuse.)

Vous devez être conscient que des millions de gens se demandent comment ces dispositions pourraient être utilisées : nous ne sommes pas à l'abri de régimes totalitaires et c'est la porte ouverte à la surveillance généralisée.

M. Jean-Yves Leconte.  - La question de M. Bonnecarrère s'inspire des travaux de notre mission sur les données de connexion.

Si l'on prend le contrôle d'un appareil à distance, l'ensemble du contenu de cet appareil est à disposition de l'enquêteur... (M. le garde des sceaux fait signe que non)... à moins que des dispositions spécifiques soient adoptées.

Si l'on identifie l'interlocuteur, cela ne pose pas un problème en soi. Mais en évoluant dans cette direction, il est évident que des protections complémentaires sont nécessaires, notamment pour les journalistes.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La géolocalisation est l'équivalent d'une pose de balise qui évite les dangers inhérents à cette technique. Les policiers prennent des risques, vous le savez sans doute mieux que moi...

La captation concerne le son et l'image, et non d'autres contenus...

M. Jean-Yves Leconte.  - Et donc l'écran ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Non, juste le son et l'image, en temps réel. La mesure n'est pas inventée à je ne sais quelles fins diabolico-liberticides !

Aller poser des micros dans certains quartiers, dans certains appartements, demande du courage et représente un danger effectif. L'activation à distance d'un téléphone portable met à disposition le son et l'image, mais pas la messagerie cryptée. (M. Alain Richard acquiesce.)

Ce n'est que dans de grosses affaires que nous décryptons. Je pense à l'affaire EncroChat, dans laquelle nous avons découvert des tonnes de stupéfiants, des salles de torture... Une princesse néerlandaise devait être séquestrée pour être échangée avec un prisonnier et mon homologue belge, Vincent Van Quickenborne et sa famille avaient été menacés.

Tout cela se fait sous le contrôle d'un juge, garant des libertés individuelles selon la Constitution, ne l'oublions pas !

Il s'agit de passer de techniques artisanales à des techniques permettant d'éviter des prises de risque inutiles pour les officiers de police judiciaire ; on ne va pas au-delà ! La captation reste limitée à la criminalité organisée et au terrorisme.

J'adresse une supplique au Sénat sur la question des dix ans : nous ne pourrions plus utiliser les techniques contre de nombreuses infractions.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Si c'est l'heure des suppliques, revenons à l'amendement n°284 et à la protection des journalistes. Le sujet est complexe, mais Mme la rapporteure confond lieux et personnes. Il serait possible de protéger députés et sénateurs, mais pas les journalistes ; c'est une erreur. Les journalistes ne sont pas assis toute la journée dans un bureau d'une entreprise de presse : les free-lance n'y mettent jamais les pieds. Vous êtes en train d'assumer que vous ne protégerez pas les journalistes (M. le garde des sceaux le conteste) : c'est une atteinte formelle à la liberté d'informer, liberté constitutionnelle, monsieur Bas.

L'amendement n°186 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°283 et les amendements nos229, 94 et 230.

L'amendement n°85 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°55 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos231, 95, 58 et 232.

Le sous-amendement n°284 n'est pas adopté.

L'amendement n°279 est adopté.

L'amendement n°116 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°218, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au dernier alinéa de l'article 396, les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le prévenu doit alors comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Dans la procédure de comparution immédiate, le jugement doit être plus rapide pour le détenu qui n'est pas placé en détention provisoire. Nous proposons qu'il ait lieu au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la décision du JLD ne retenant pas la détention provisoire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Il faut un équilibre entre nécessité d'un jugement rapide et préparation de la défense, pour laquelle dix jours ne sont pas de trop.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable. L'amendement vise à maintenir la procédure de comparution immédiate, y compris si aucun prévenu n'est placé en détention provisoire. Sans cela, l'audience peut avoir lieu dans les six mois, alors même qu'une comparution immédiate était initialement prévue.

Cet amendement permet à la justice d'aller plus vite, et le justiciable s'y retrouve. C'est un amendement très opportun.

L'amendement n°218 n'est pas adopté.

(M. le garde des sceaux marque sa déception.)

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous prévoyez que le tribunal renvoie l'affaire à une prochaine audience si le détenu ne souhaite pas être jugé séance tenante. Vous proposez d'allonger les délais, actuellement compris entre 2 et 6 semaines, à 4 à 10 semaines.

Cela n'est pas anodin par rapport à la surpopulation carcérale. Notre amendement nous semble de bon sens.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous supprimez l'harmonisation des délais de jugement, facteur de clarté.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°219, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 49

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Si le procureur de la République le requiert, le tribunal statue, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat s'il y a lieu, sur le placement ou le maintien de la personne en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ou devant le juge d'instruction. » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Amendement de clarification : le procureur de la République doit pouvoir solliciter le placement, et non seulement le maintien, en détention provisoire si le tribunal correctionnel estime qu'il faut approfondir les investigations.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui comble une lacune dans la procédure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°219 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 51

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le tribunal peut, dans les mêmes conditions, s'il estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République pour qu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire ou qu'il abandonne les poursuites. » ;

M. Guy Benarroche.  - Le projet de loi supprime l'obligation, jurisprudentielle, d'une information judiciaire lorsque le tribunal estime l'affaire assez complexe pour nécessiter des actes d'enquête supplémentaires.

Cela restreint les droits de la défense. Auparavant, le ministère public ne pouvait qu'abandonner les poursuites ou ouvrir une enquête judiciaire. L'ouverture d'enquêtes préliminaires, secrètes et non contradictoires, est problématique. Confirmons la jurisprudence.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous supprimez une souplesse qui nous semble appropriée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 55 et 56

Supprimer ces alinéas.

Mme Laurence Harribey.  - Le projet de loi confie au JLD l'examen de demandes de modification ou de mainlevée des mesures de contrôle judiciaire ou d'Arse, le retirant au tribunal correctionnel.

Cette mesure vise à alléger la charge de travail du tribunal correctionnel, mais cela ne nous semble pas adéquat.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - C'est une mesure de bonne administration : le JLD devrait être plus réactif pour le demandeur. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 57

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La disposition que nous proposons de supprimer va à l'inverse de l'objectif de réduction des délais du garde des sceaux, puisqu'elle porte de deux à trois mois celui du jugement au fond suivant le jour de comparution devant le tribunal, par exemple lorsque le prévenu est placé en détention provisoire. C'est paradoxal. Nous y sommes défavorables.

M. le président.  - Amendement identique n°120, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Au-delà de l'allongement de ces délais et de l'atteinte aux droits des individus, cela fait courir le risque d'une gestion managériale : les juges sont surchargés ? Laissons leur un mois de plus de détention provisoire. Ce n'est pas acceptable et c'est incohérent avec l'objectif de lutter contre surpopulation carcérale.

M. le président.  - Amendement identique n°184, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Avec 73 000 détenus pour 60 000 places, la surpopulation carcérale bat des records. Prolonger la détention provisoire rend inopérants les progrès recherchés en matière de régulation.

Je rappelle que les personnes en détention provisoire sont présumées innocentes, souvent pour des délits peu graves. Augmenter les délais surchargerait le travail des administrations pénitentiaires. Enfin, l'effet serait négatif sur la célérité de la justice, principe consacré par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cette suppression d'un début de clarification grâce à l'harmonisation des délais autour de trois mois.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le délai précédent était de deux mois plus deux mois, donc quatre. Madame de La Gontrie, nous gagnons un mois.

Les amendements identiques nos39, 120 et 184 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°265, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 58

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le premier alinéa de l'article 495-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut toutefois, à une seule reprise, saisir à nouveau le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation d'une peine conformément aux dispositions de l'article 495-8, sous réserve de son acceptation par la personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ceci est une proposition nouvelle : après l'échec d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une nouvelle pourra être proposée. Je l'ai vécu : le procureur propose une peine. Si le juge ne l'homologue pas, pourquoi ne pas proposer, avec l'accord du prévenu, une peine plus élevée ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable à cette simplification.

L'amendement n°265 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 58

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Au premier alinéa de l'article 568, le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : « dix » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Harmonisons les délais de pourvoi en cassation avec ceux d'appel, soit dix jours. Actuellement, ce délai différent entraîne des incohérences.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cette évolution qui relèvera de la simplification globale.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pourquoi pas ? Mais il faudrait consulter les procureurs, les procureurs généraux et les avocats. À ce stade, avis défavorable.

L'amendement n°187 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°266, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 59

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 706-24-2 est ainsi rétabli :

 « Art. 706-24-2.  -  Les interprètes mentionnés à l'article 803-5 peuvent être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d'appel de Paris, dans les procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16, à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de leur mission, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches.

« Cette décision permet à l'interprète qui en bénéficie d'être identifié par un numéro anonymisé.

 « L'état civil des interprètes visés au premier alinéa ne peut être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d'appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.

 « Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. » ;

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les interprètes intervenant en matière de terrorisme doivent bénéficier de l'anonymat. Ces personnes qui se mettent au service de la justice ne doivent pas pouvoir être inquiétées.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°266 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Après l'alinéa 67

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 719, après les mots : « zones d'attente », sont insérés les mots : « , les hôpitaux psychiatriques » ;

M. Jean-Yves Roux.  - Les hôpitaux psychiatriques doivent être inclus dans les lieux de privation de liberté faisant l'objet d'un droit de visite des parlementaires et des bâtonniers. Si l'hôpital n'est pas un lieu de privation de liberté par définition, il s'y trouve parfois des personnes retenues sans leur consentement.

M. le président.  - Amendement identique n°96, présenté par Mme Benbassa.

Mme Esther Benbassa.  - Certes, les hôpitaux psychiatriques ne sont pas des lieux de privation de liberté par nature, mais certains patients voient leur liberté d'aller et venir restreinte, voire sont isolés, avec des mesures de contention.

Je suis atterrée du nombre de détenus aux problèmes psychiatriques sévères qui n'ont absolument pas leur place en cellule. Il faut une réflexion approfondie.

M. le président.  - Amendement identique n°135, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Depuis deux ans et demi, j'ai visité ces lieux. Les magistrats et avocats déplorent souvent l'impossibilité de visiter les hôpitaux psychiatriques. Les JLD y contrôlent régulièrement les chambres d'isolement, et c'est heureux.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Madame Benbassa, nous ne traitons pas de l'incarcération des personnes qui ont des difficultés psychiatriques. Nous avons voté hier un amendement de M. Benarroche sur l'évaluation des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

Le sujet que vous soulevez avec cet amendement est récurrent mais pose des difficultés au regard du secret médical et des droits des autres patients. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos7 rectifié, 96 et 135 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 69, première phrase

Remplacer les mots :

Au cours de

par les mots :

À compter des dix premières heures de

II.  -  Alinéa 70

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - Le projet de loi prévoit, lors des gardes à vue et des auditions libres, l'intervention d'un interprète par télécommunication audiovisuelle. Nous regrettons la dénaturation des rapports humains. Cette mesure pallie un manque d'organisation. Le Conseil d'État la considère justifiée au regard des circonstances de la garde à vue, mais a bien précisé que cela ne valait plus après 48 heures. Cela n'a pas été retenu dans le texte, qui ne prévoit même pas un contrôle du procureur de la République.

J'ai assisté à la réception des migrants de l'Ocean Viking à Hyères : l'interprétariat à distance pose problème. Ce n'est pas un exercice de traduction pure.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Au bout de 48 heures, pour les infractions les plus graves, la présence physique de l'interprète est obligatoire. Vous proposez 10 heures, c'est inapplicable. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°127 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Alinéa 69, première phrase

Après les mots :

peuvent se faire,

insérer les mots :

avec l'accord exprès de la personne gardée à vue,

M. Jean-Yves Roux.  - Nous regrettons l'extension de la télécommunication audiovisuelle à l'interprétariat. Le gardé à vue doit pouvoir la refuser.

Cette phase de l'instruction ne doit pas être entachée de maladresses qui peuvent avoir des conséquences graves.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Pour obtenir l'accord exprès, il faudrait un interprète... C'est la quadrature du cercle ! (M. Guy Benarroche s'amuse.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est très justement dit : même avis.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 71

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - L'article 3 prévoit le placement sous Arse en cas d'irrégularité constatée du placement en détention provisoire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cela arrive...

M. Guy Benarroche.  - Pour nous, l'Arse est pertinente lorsqu'elle se substitue à l'incarcération, pas lorsqu'elle remplace une remise en liberté pour vice de procédure ! Le justiciable n'a pas à faire les frais d'une irrégularité procédurale dont il n'est pas à l'origine : la conséquence de cette irrégularité doit être la remise en liberté.

M. le président.  - Amendement identique n°189, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Remplacer une mesure privative de liberté jugée nulle par une autre mesure privative de liberté est disproportionné. La sanction de l'irrégularité perd tout son sens. Il y va de la cohérence et de l'équité du système judiciaire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Une irrégularité liée au non-respect du délai de jugement peut conduire à libérer des personnes dangereuses, il faut prévoir une mesure alternative. (M. le garde des sceaux acquiesce.) Avis défavorable. Le dispositif proposé est équilibré, entre protection des droits et protection des victimes.

Les délais, surtout contingentés, sont difficiles à tenir. À la suite d'une erreur de saisine du parquet de Rennes, l'auteur d'un homicide lié à la criminalité organisée a ainsi été libéré...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos123 et 189 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 71

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 803-8 est ainsi modifié : 

a) La dernière phrase du cinquième alinéa du I est supprimée ;

b) Le deuxième et le dernier alinéas du II sont supprimés.

M. Guy Benarroche.  - Il faut supprimer la possibilité de transfèrement prévue à l'article 830-8 du code de procédure pénale relatif au recours contre des conditions de détention indignes, qui incite le détenu à ne pas formuler ce recours en raison du risque d'éloignement familial, alors que les conditions de la nouvelle prison d'accueil ne seront pas forcément meilleures.

M. le président.  - Amendement identique n°190, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Excellemment défendu.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 71

Insérer cinq alinéas ainsi rédigé :

....  -  L'article 803-8 est ainsi modifié :

a) Le cinquième alinéa du I est ainsi modifié :

- la deuxième phrase est ainsi rédigée : « Le juge peut enjoindre à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées afin de mettre fin aux conditions indignes de détention. » ;

- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si une situation d'indignité a été constatée dans une cellule, cette dernière ne pourra être à nouveau occupée que si la situation d'indignité y a définitivement cessé. » ;

b) Le 1° du II est complété par les mots : « , dans ce cas, le requérant doit être assuré que cette situation ne se renouvellera pas dans le nouvel établissement pénitentiaire » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il eût été logique qu'une loi de programmation évoquât les moyens de mettre fin à la surpopulation carcérale. Vous avez bien mentionné quelques constructions, mais elles vont de pair avec cette surpopulation.

Pour améliorer la procédure de recours contre les conditions indignes de détention, instaurée par la loi du 8 avril 2021, le juge doit pouvoir enjoindre à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures. En outre, si le requérant est transféré, il doit être assuré que la situation d'indignité ne se renouvellera pas dans le nouvel établissement.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 71

Insérer quatre alinéas ainsi rédigé :

...° Le II de l'article 803-8 est ainsi modifié :

a) Le 1° est abrogé ;

b) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Soit il ordonne le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire après un examen approfondi de la sauvegarde de la vie privée et familiale, du respect de ses droits à la réinsertion, à la santé et à la défense. » ;

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le transfèrement doit intervenir en dernier, et non en premier recours, et être conditionné à des garanties de sauvegarde de la vie privée et familiale, et au respect des droits à la réinsertion, à la santé et à la défense.

Le transfèrement dissuade des détenus de formuler un recours, et ne résout ni la surpopulation ni les conditions indignes. On se contente de déplacer le problème.

J'ajoute que bien des exemples en Europe montrent qu'il est possible d'avancer vers la régulation carcérale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons tous visité des établissements pénitentiaires et constaté des conditions parfois déplorables. La France a d'ailleurs été condamnée à plusieurs reprises. C'est pourquoi, il y a deux ans, nous avons adopté une procédure de recours, à l'initiative du président Buffet.

Il n'y a pas lieu de supprimer le transfèrement, qui peut se révéler utile ; il est décidé par le juge qui prend en compte la proximité de la famille. Avis défavorable aux amendements identiques nos134 et 190.

L'amendement n°52 est d'une portée incertaine. La solution réside dans la hausse des moyens immobiliers et humains de l'administration pénitentiaire et des Spip. Avis défavorable.

Idem pour l'amendement n°53 : la loi Buffet du 8 avril 2021 répond aux exigences de la CEDH. Le contexte de surpopulation carcérale limite l'efficacité du transfèrement, qui est soumis au contrôle du juge.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Sueur, je sais votre attachement à des conditions de détention dignes. Mais si vous aviez consacré autant de moyens que nous à cette question lorsque vous étiez aux manettes, elle serait aujourd'hui réglée - je le dis sans forfanterie.

La loi Buffet, que j'ai défendue bec et ongles, est toujours d'actualité.

La libération sous contrainte, les travaux d'intérêt général (TIG), les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), l'Arse sont des leviers contre la surpopulation carcérale. Or les TIG sont de moins en moins prononcés, malgré la hausse du nombre de postes offerts. Travaillons-y ensemble.

Avis défavorable à vos amendements, qui sont sans nuances. Ne démolissons pas ce qui marche.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Argument classique, en politique, que de reprocher aux autres de n'avoir pas agi... Nous reconnaissons les efforts que vous faites en matière de personnel et de moyens, mais la solution ne réside pas dans des moyens supplémentaires, n'en déplaise à Mme le rapporteur.

Comment expliquer le taux de surpopulation inédit dans les prisons françaises ? Ce soir, 2 151 personnes dorment à même le sol, à trois dans des cellules de 9 ou 10 m2. Les solutions existent pour réduire les peines de détention et y substituer des peines alternatives, sous le contrôle du juge. Nous ne proposons pas de supprimer le transfèrement, mais de l'utiliser uniquement en dernier recours.

Les amendements identiques nos134 et 190 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos52 et 53.

M. le président.  - Amendement n°188, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À l'article L. 3222-4-1 du code de la santé publique, les mots : « et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France » sont remplacés par les mots : « , les sénateurs, les représentants au Parlement européen élus en France et les bâtonniers sur leur ressort ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l'ordre ».

Mme Cécile Cukierman.  - Bien que les hôpitaux ne soient pas des lieux de privation de liberté, ils accueillent des patients admis sans consentement, parfois soumis à une contrainte physique.

Il est essentiel de garantir les droits de ces personnes en leur permettant de recevoir la visite du bâtonnier.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°188 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

 Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À sa demande ou à l'initiative du procureur général, le ministre de la justice est destinataire d'informations relatives à des affaires individuelles qui soulèvent une question de droit nouvelle, présentent un intérêt pour la conduite de la politique pénale, mettent en cause le fonctionnement du service public de la justice ou revêtent, en raison de leur retentissement ou du trouble qu'elles causent, une dimension nationale. Les informations transmises au ministre de la justice portent sur des actes passés, et aucune pièce de procédure n'est communicable à l'appui de ces informations. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Depuis la fin des instructions individuelles aux parquets, en 2013, ceux-ci sont sollicités par la direction des affaires criminelles et des grâces et par les parquets généraux pour fournir très régulièrement des informations à la Chancellerie. Ce flux d'informations doit être encadré pour préserver le secret de l'enquête et de l'instruction.

Nous prévoyons donc des critères objectifs : ces remontées d'informations sont légitimes quand une affaire individuelle soulève une question de droit nouvelle, présente un intérêt évident pour la conduite de la politique pénale, met en cause le bon fonctionnement du service public de la justice, ou a un retentissement national.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cela mérite d'être réfléchi dans le cadre de la simplification du code de procédure pénale. Le comité scientifique devra l'aborder. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°64 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, dans le cadre d'affaires criminelles non résolues, telles qu'elles sont définies à l'article 706-106-1, la destruction des scellés est interdite jusqu'à l'expiration d'un délai de dix ans révolus à compter de l'acquisition de la prescription de l'action publique. »

M. Philippe Bonnecarrère.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°191, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - La conservation des scellés criminels concourt à l'établissement de la vérité et à une justice équitable.

Notre amendement vise à prévenir l'altération ou la destruction des preuves, et à éviter ainsi les défaillances pouvant donner lieu à des recours en responsabilité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable. Ces deux amendements répondent à une demande des magistrats.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je prépare une dépêche concernant les scellés, notamment pour les cold cases... Quel intérêt de conserver des scellés dix ans après la date de la prescription, pour des faits qui ne donneront jamais lieu à poursuite ? Systématiser la conservation des scellés emboliserait les services et poserait des problèmes de stockage et de frais de justice. Retrait, sinon avis défavorable, mais je suis prêt à travailler avec vous à cette question.

Les amendements identiques nos24 rectifié et 191 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 75-3 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l'enquête porte sur des délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal, ainsi que sur le blanchiment de ces délits. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit de prolonger le temps imparti pour les enquêtes sur les délits économiques et financiers. Un délai de trois ans, avec une prolongation de deux ans, paraît justifié compte tenu de la complexité de ces enquêtes.

M. le président.  - Amendement identique n°204, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman.  - Les enquêtes sur des délits économiques et financiers sont souvent longues et complexes, et nécessitent des investigations approfondies.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement reprend une proposition votée par le Sénat dans la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, mais abandonnée en CMP. Il serait prématuré d'y revenir, alors que les magistrats réclament de la stabilité. Nous avons par ailleurs adopté un amendement du Gouvernement allongeant les délais d'enquête, qui répond partiellement à votre demande.

Il faudra mener une réflexion globale sur les délais d'enquête dans le cadre de la simplification du code de procédure pénale. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos63 et 204 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°166, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par le mot : « deux ».

M. Guy Benarroche.  - Nous voulons développer les leviers permettant de diminuer la surpopulation carcérale ainsi que les peines alternatives à l'enfermement, plus efficaces et moins onéreuses.

Nous proposons ainsi de revenir sur la loi du 23 mars 2019 qui a abaissé de deux à un an d'emprisonnement le plafond de peines pouvant être aménagées. La personnalisation de la peine est un critère essentiel de la politique pénale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce n'est pas une bonne idée. Aménager une peine d'un an de prison constitue déjà une mesure d'adaptation. Une peine de plus d'un an, c'est une sanction forte. L'aménagement n'est pas adapté, et ne résoudra pas le problème de la surpopulation carcérale. Renforçons plutôt l'exécution des peines et les moyens des Spip. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°166 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11.  -  Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l'application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d'avoir commis à l'étranger l'une des infractions suivantes :

« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal ;

« 2° Les autres crimes contre l'humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier ;

« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.

« Lorsque, en application de l'article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d'appel de Paris est saisi d'un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé par une décision écrite motivée. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a dix ans, le Sénat votait à l'unanimité ma proposition de loi prévoyant que le juge français puisse exercer les prérogatives de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité.

J'ai déposé depuis d'innombrables amendements, mais les évolutions sont restées limitées. Elles concernent la double incrimination et la question de savoir si la personne incriminée doit être régulièrement présente en France pour pouvoir être interpellée.

L'amendement n°50 reprend exactement le texte voté par le Sénat il y a dix ans. Récemment, la Cour de cassation a pris un jugement clair à ce sujet. Tirons-en les conséquences.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux 2° et 3° de l'article 689-11 du code de procédure pénale, après le mot : « commis », sont insérés les mots : « , sans besoin que la qualification pénale des faits soit identique dans les deux législations, ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement de repli, qui a plus de chances d'être accepté. Sachons avancer pas à pas - même si je préférerais un grand pas - dans la lignée de ce qu'avaient demandé Robert Badinter et Mireille Delmas-Marty. Cet amendement reprend les termes de la décision de la Cour de cassation du 12 mai dernier. Exiger la même qualification pénale nous obligerait à nous aligner sur les dispositions pénales d'États qui ne partagent pas notre conception des libertés et des droits de l'homme.

Monsieur le ministre, vous aviez signé un communiqué avec Jean-Yves Le Drian promettant des initiatives législatives dès lors que la justice aurait pris position. Par cet amendement, nous vous donnons les moyens de le faire rapidement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Reconnaissons l'engagement et la constance du président Sueur sur ce sujet. L'amendement n°50 bouleverserait les compétences des juridictions françaises ; difficile d'en mesurer l'impact sur les relations internationales. Avis défavorable.

Sur l'amendement n°117, qui traduit la décision de la Cour de cassation, avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il faut louer votre constance, monsieur Sueur, mais aussi votre don de médiumnité : vous subodorez que nous allons rejeter l'amendement n°50 mais retenir l'amendement n°117. À raison. (« Ah ! » sur plusieurs travées) Chose promise, chose due. Avis de sagesse. Vous rejoignez les préoccupations du député Guillaume Gouffier Valente.

Le Gouvernement vous adresse un signal. La Cour de cassation n'a pas été ambiguë sur ces questions de compétence.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il s'agit de lutte contre l'impunité : trouvez-vous normal que des personnes se trouvant sur le territoire de la République ne soient pas poursuivies pour crimes de guerre, sous prétexte que, dans leur pays d'origine, ces crimes ne constituent pas une infraction ? Nous, non.

Nous avons voté une résolution dénonçant la déportation d'enfants ukrainiens vers la Russie. Passons aux actes, et votons non seulement l'amendement n°117, mais surtout l'amendement n°50.

Certaines personnes n'obtiennent pas l'asile, car l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dispose d'informations selon lesquelles elles sont coupables de crimes de guerre. Présentes sur notre sol, elles ne sont pourtant pas punissables.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce que nous avons voté pour les enfants ukrainiens n'aura pas de conséquences si nous ne votons pas l'amendement n°50 ! (Mme Mélanie Vogel applaudit.)

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

L'amendement n°117 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 693, après la référence : « 706-75 », est insérée la référence : « 706-106-1 » ;

2° Le premier alinéa de l'article 706-106-1 est ainsi rédigé :

« Un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés par décret exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 693 du présent code pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et de tous les crimes et délits connexes à ces crimes, lorsque l'une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité : ».

M. Philippe Bonnecarrère.  - Depuis le 1er mars 2022, la compétence pour les crimes sériels et non élucidés, ou cold cases, est reconnue à un pôle spécialisé du tribunal de Nanterre. Il semble qu'il en résulte des frictions entre juridictions. Le tribunal de Nanterre en a fait part à M. Marseille, qui propose quelques évolutions pour que ce pôle spécialisé dispose d'une plénitude juridictionnelle en matière de cold cases.

M. le président.  - Amendement identique n°193 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 693, après la référence : « 706-75 », est insérée la référence : « 706-106-1 » ;

2° Le premier alinéa de l'article 706-106-1 est ainsi rédigé :

« Un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés par décret exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382 et 693 du présent code pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et de tous les crimes et délits connexes à ces crimes, lorsque l'une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité : ».

Mme Cécile Cukierman.  - Nous souhaitons également conférer au pôle dédié une compétence spécifique. La juridiction spécialisée serait ainsi renforcée, rassemblant les compétences nécessaires pour traiter ces affaires complexes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous sommes favorables au pôle cold cases, dont nous avons voté la création dans la loi Confiance. Mais les besoins du pôle de Nanterre seraient fortement accrus. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je remercie les auteurs des amendements pour ces précisions utiles au pôle cold cases. Avis favorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable, donc.

Les amendements identiques nos26 rectifié bis et 193 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - En accord avec la commission et le Gouvernement, nous poursuivrons nos travaux jusqu'à 1 heure.

Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 706-106-3 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S'il n'est pas à l'origine de la demande, le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui ou ceux mentionnés à l'article 706-106-1 doit requérir dans un délai de trois mois à compter de la réception de la requête des parties. » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou, à défaut, à compter de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa du présent article » ;

c) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordonnance rendue en application du présent article est susceptible d'un appel des parties dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. »

M. Philippe Bonnecarrère.  - Les excellents analystes présents sur ces travées auront constaté que les amendements du président Marseille sont généralement suivis d'un amendement identique de Mme Cukierman : je vous laisse juger des convergences...

Il s'agit de fluidifier les modalités de dessaisissement au profit du pôle spécialisé de Nanterre, tout en prévoyant la possibilité d'un appel auprès de la chambre de l'instruction compétente.

M. le président.  - Amendement identique n°192, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 706-106-3 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S'il n'est pas à l'origine de la demande, le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui ou ceux mentionnés à l'article 706-106-1 doit requérir dans un délai de trois mois à compter de la réception de la requête des parties. » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou, à défaut, à compter de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa du présent article » ;

c) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordonnance rendue en application du présent article est susceptible d'un appel des parties dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. »

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu, eu égard aux convergences relevées par M. Bonnecarrère... (Sourires)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous demandons au Gouvernement de nous éclairer sur la portée de ces amendements techniques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il y a peut-être convergence, mais nous voudrions travailler davantage : l'idée est bonne, mais la rédaction est à parfaire. À ce stade, retrait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Au contraire, votons les amendements ! L'Assemblée nationale les modifiera.

Les amendements identiques nos25 rectifié et 192 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 721 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 721.  -  Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.

« En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, ou commis à l'encontre de son conjoint, de son concubin ou du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7. Il en est de même lorsque le juge de l'application des peines est informé, en application de l'article 717-1, que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qu'il lui a proposé. Il peut également ordonner, après avis médical, le retrait lorsque la personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l'article 122-1 du code pénal refuse les soins qui lui sont proposés. La décision du juge de l'application des peines est prise dans les conditions prévues à l'article 712-5 du présent code.

« En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction résultant des dispositions du premier alinéa et, le cas échéant, du deuxième alinéa du présent article, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l'emprisonnement correspondant, qui n'est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation.

« Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de libération compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa, des possibilités de retrait, en cas de mauvaise conduite ou de commission d'une nouvelle infraction après sa libération, de tout ou partie de cette réduction. Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération.

M. Guy Benarroche.  - Je ne suis pas certain que cet amendement obtienne un avis favorable... De fait, il s'agit de revenir à l'ancien régime de réduction de peine. Nous nous étions opposés à sa modification dans la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Dans ce régime, les crédits s'accumulaient automatiquement dès le placement, le juge pouvant les retirer en totalité ou en partie en cas de mauvaise conduite. Ce système encourageait les comportements respectueux des règles internes. La fin de ces crédits a supprimé un moyen de sanction et de régulation de la population carcérale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ne revenons pas sur un dispositif adopté il y a 18 mois : il faut de la stabilité pour garantir la sécurité. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l'article 712, il est inséré un chapitre Ier ... ainsi rédigé :

« Chapitre Ier ...

« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire

« Section 1

« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire et des conditions de sa mise en place

« Art. 712-1 A.  -  Aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire, au-delà du nombre de places disponibles.

« Pour permettre l'incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu au premier alinéa. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en oeuvre de ce mécanisme.

« Section 2

« De la mise en oeuvre du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire par l'administration pénitentiaire et par le juge de l'application des peines

« Art. 712-1 B.  -  Lorsque l'admission d'un détenu oblige à utiliser l'une de ces places réservées, la direction doit :

«  -  soit mettre en oeuvre une procédure d'aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans selon la procédure simplifiée d'aménagement des peines prévue pour les condamnés incarcérés. Cet aménagement de peine peut prendre la forme d'un placement extérieur, d'une semi liberté, d'une suspension de peine, d'un fractionnement de peine, d'un placement sous surveillance électronique, ou d'une libération conditionnelle ;

«  -  soit mettre en oeuvre le placement sous surveillance électronique prévu comme modalité d'exécution de fin de peine d'emprisonnement à l'article 723-28 pour toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d'emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir.

« Le service d'insertion et de probation prépare sans délai cette mesure.

« Art. 712-1 C.  -  La décision d'aménagement de peine ou de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 723-28 du code de procédure pénale doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la date d'écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en oeuvre sans délai.

« Art. 712-1 D.  -  À défaut de décision dans le délai de deux mois, le détenu le plus proche de la fin de peine dans l'établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans bénéficie d'un crédit de réduction de peine égal à la durée de l'incarcération qu'il lui reste à subir.

« Art. 712-1 E.  -  En cas d'égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine prévu à l'article 712-1 D est octroyé en prenant en compte les critères et l'ordre des critères suivants à :

«  -  la personne détenue qui n'a pas fait l'objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;

«  -  la personne détenue qui a été condamnée à la peine la plus courte.

« Art. 712-1 F.  -  La décision d'octroi du crédit de peine doit intervenir dans les huit jours à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 712-1 D. » ;

2° Après l'article 733, sont insérés des articles 733-1 A à 733-1 G ainsi rédigés :

« Art. 733-1 A.  -  Sous réserve des dispositions de l'article 132-23 du code pénal, la libération conditionnelle est accordée de droit aux personnes condamnées lorsque la durée de la peine accomplie est égale au double de la durée de la peine restant à subir et ce sauf avis contraire du juge d'application des peines.

« Art. 733-1 B.  -  Le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l'article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d'établissement pénitentiaire, la mesure de libération conditionnelle la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Sauf en cas d'absence de projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ou d'impossibilité matérielle de mettre en place une mesure de libération, le directeur, après avoir obtenu l'accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, adresse au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l'application des peines, une proposition de libération comprenant, le cas échéant, une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l'article 132-45 du code pénal. À défaut, il lui adresse, ainsi qu'au juge de l'application des peines, un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne peut être proposé et en informe le condamné.

« S'il estime la proposition justifiée, le procureur de la République transmet celle-ci pour homologation au juge de l'application des peines. Celui-ci dispose alors d'un délai de trois semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider par ordonnance d'homologuer ou de refuser d'homologuer la proposition.

« S'il n'estime pas la proposition justifiée, le procureur de la République en informe le juge de l'application des peines en lui transmettant cette proposition. Il avise également le condamné de sa position. Le juge de l'application des peines peut alors ordonner un aménagement de peine, d'office ou à la demande du condamné, à la suite d'un débat contradictoire conformément à l'article 712-6 du présent code. Il peut également le faire après avoir reçu le rapport prévu au deuxième alinéa du présent article.

« Art. 733-1 C.  -  Si le juge de l'application des peines refuse d'homologuer la proposition, il doit rendre une ordonnance motivée qui est susceptible de recours par le condamné et par le procureur de la République devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel selon les modalités prévues par le 1° de l'article 712-11.

« Art. 733-1 D.  -  À défaut de réponse du juge de l'application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d'aménagement. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. Elle est préalablement notifiée au juge de l'application des peines.

« Art. 733-1 E.  -  Le juge de l'application des peines ou le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel saisis en application des dispositions de l'article 733-2 ou de l'article 733-3 peuvent substituer à la mesure de libération conditionnelle proposée une autre mesure d'aménagement : une semi-liberté, un placement à l'extérieur, un placement sous surveillance électronique. Ils peuvent de même modifier ou compléter les obligations et interdictions énumérées à l'article 132-45 du code pénal et accompagnant la mesure. La mesure est alors octroyée, sans débat contradictoire, par ordonnance motivée.

« Lorsqu'elle est rendue par le juge de l'application des peines, cette ordonnance peut faire l'objet d'un appel de la part du condamné ou du procureur de la République selon les modalités prévues par le 1° de l'article 712-11.

« Art. 733-1 F.  -  Lorsque la proposition d'aménagement de la peine est homologuée ou qu'il est fait application des dispositions de l'article 733-1 D, l'exécution de la mesure d'aménagement est directement mise en oeuvre dans les meilleurs délais par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. En cas d'inobservation par le condamné de ses obligations, le directeur du service saisit le juge de l'application des peines aux fins de révocation de la mesure conformément aux dispositions de l'article 712-6. Le juge peut également se saisir d'office à cette fin, ou être saisi par le procureur de la République.

« Art. 733-1 G.  -  Pour les condamnés mentionnés à l'article 723-19 et afin de préparer une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle selon les modalités prévues par le présent paragraphe, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l'application des peines, une proposition de permission de sortir, selon les modalités prévues par les articles 733-1 B à 733-1 F. »

II.  -  Le 1° du I entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le garde des sceaux, vous avez bien voulu faire état de ma ténacité : je vous en remercie et m'en vais vous en donner une autre preuve.

Vous ne voulez pas trop entendre parler de surpopulation carcérale : nous y revenons cependant. Cet amendement reprend une proposition de loi déposée il y a treize ans par Dominique Raimbourg, alors président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'instaurer une régulation de la population carcérale - nous nous étonnons de l'absence de telles mesures dans le projet de loi. Loin d'un numerus clausus, l'amendement fixe un taux d'occupation limite, dit seuil de criticité, dont le dépassement provoquerait une réunion de tous les acteurs de la chaîne pénale.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cela existe déjà...

M. Jean-Pierre Sueur.  - En Allemagne, un seuil d'alerte de 90 % d'occupation déclenche des processus de régulation. Nous y viendrons, j'en suis convaincu.

M. le président.  - Amendement n°203, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après le chapitre III du titre Ier du livre II du code pénitentiaire, il est ainsi inséré un chapitre III... ainsi rédigé :

« Chapitre III...

« Prévention de la surpopulation carcérale

« Art. L. 213-10.  -  Aucun établissement pénitentiaire et aucun quartier le composant ne peut accueillir de nouveaux détenus au-delà du nombre de places disponibles.

« Pour permettre l'incarcération immédiate des personnes écrouées, des places sont réservées dans chaque établissement et dans chaque quartier arrivant. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en oeuvre de ce mécanisme.

« Art. L. 213-11.  -  I.  -  Lorsque l'admission d'un détenu oblige à utiliser l'une des places réservées prévues à l'article L. 213-10, le juge de l'application des peines est saisi par le procureur de la République afin de mettre en oeuvre une procédure de libération sous contrainte, dans les conditions prévues à l'article 720 du code de procédure pénale.

« II.  -  La décision d'octroi de libération sous contrainte intervient dans un délai de quinze jours à compter de la date d'écrou du détenu entré en surnombre.

« Art. L. 213-12.  -  À défaut de décision et à défaut de décision d'octroi d'aménagement prise en application de l'article L. 213-11 dans le délai de quinze jours, une réduction de peine exceptionnelle d'un quantum égal au reliquat de la peine restant à subir, liée aux circonstances exceptionnelles de surpopulation carcérale, est accordée par le juge de l'application des peines à un condamné détenu en exécution d'une ou de plusieurs peines privatives de liberté dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à six mois. Ces réductions de peine sont ordonnées, avec avis de la commission de l'application des peines, recueilli par tous moyens.

« Art. L. 213-13.  -  Les modalités d'application du présent chapitre sont prises par décret en Conseil d'État. »

II.  -  Le I du présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement reprend l'article 1er de la proposition de loi Assassi, instaurant un mécanisme contraignant de régulation carcérale. Un établissement ne doit pas pouvoir accueillir de nouveau détenu au-delà des places disponibles. Il faut faire des aménagements de peine le mécanisme principal de la régulation. Une période de 18 mois est prévue, pour laisser le temps à l'administration de s'organiser.

M. le président.  - Amendement n°149 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, une expérimentation est mise en place dans, au plus, cinq territoires, aux fins de mise en place d'un mécanisme de régulation carcérale. Ce mécanisme a pour objet de définir un taux d'occupation des établissements pénitentiaires dont le dépassement entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, qui pourraient alors envisager certaines mesures de régulation. Ce "seuil de criticité" correspond au taux  à partir duquel les services de l'établissement ne sont plus en mesure de fonctionner sans affecter durablement la qualité de la prise en charge des personnes détenues. 

Sont concernés par cette expérimentation : les parquets et le service de l'application des peines, les présidents du tribunal judiciaire, les directeurs de l'administration pénitentiaire ainsi que les directeurs du centre pénitentiaire et du service pénitentiaire d'insertion et de probation. 

L'expérimentation comprend la définition d'indicateurs concernant le taux d'occupation des établissements pénitentiaires ainsi que les différentes mesures de régulation qui pourraient être enclenchées. 

II. - Au plus tard douze mois avant le terme de l'expérimentation, un comité scientifique en réalise l'évaluation afin de déterminer les suites qu'il convient de lui donner. Ce comité comprend notamment des représentants du ministre de la Justice, des magistrats, des représentants des services de l'administration pénitentiaire, des représentants du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Sa composition est fixée par arrêté du ministre de la Justice.

Cette évaluation s'attache notamment à définir les effets de l'expérimentation sur le taux de surpopulation carcérale dans les territoires participants. Elle détermine, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l'expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée.

Sur la base de cette évaluation, le comité réalise un rapport qu'il remet au Parlement et au ministre de la Justice. 

III. - Les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation prévue au I sont définies par un décret en Conseil d'État. La liste des territoires participant à l'expérimentation est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la Justice

M. Guy Benarroche.  - Cette proposition fait aussi écho à certaines expérimentations locales, comme à Grenoble-Varces et aux Baumettes, en matière de mécanismes de régulation. Ces initiatives volontaires méritent un soutien national.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons débattu hier de cette régulation, et nos visions sont opposées. Pour nous, la solution réside dans l'accroissement du nombre de places, le développement des moyens des Spip et des peines alternatives effectives. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La réunion de tous les acteurs - magistrats, administration pénitentiaire, établissements - a déjà lieu lorsqu'on dépasse un taux d'occupation supportable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas partout !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Quant au mécanisme de grâce, j'y suis totalement hostile. C'est une question de justice : en cas de surpopulation carcérale, on n'exécuterait pas les peines ? C'est une question de justice, tout simplement, par rapport à ceux qui ont été incarcérés dans une région où la surpopulation était moindre.

J'assume une politique pénale ferme sans être démagogique, humaniste sans être angélique. Cette mesure n'est-elle pas cosmétique ? Avis défavorable.

L'amendement n°54 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos203 et 149 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an a? compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étayant la nécessité? de mettre en oeuvre une politique pénale et carcérale re?ductionniste qui prenne en compte les différents facteurs de l'inflation pénale, ainsi que les différentes réorientations budgétaires afférentes a? engager.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement reprend l'article 2 de la proposition de loi Assassi pour lancer la réflexion sur la régulation carcérale dans le cadre d'une politique réductionniste. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, appelle à en finir avec l'inertie. D'où notre demande d'un rapport étayant la nécessité d'une politique axée sur la réduction de l'incarcération. Dans ce cadre, la dépénalisation de certaines infractions doit être envisagée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Vos collègues députées Abadie et Faucillon mènent en ce moment une mission sur les solutions alternatives à l'emprisonnement : je serai à l'écoute de leurs conclusions.

L'amendement n°202 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°156 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un comité d'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale.

Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat.

Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Les membres du comité d'évaluation ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés au fonctionnement de ce comité ne peuvent être pris en charge par une personne publique

Il établit un rapport public au plus tard dans les dix-huit mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi. Il établit un constat statistique précis de la situation sanitaire, médicale et psychiatrique des détenus, du nombre d'aménagement prononcés pour raisons médicales et formule des préconisations visant à améliorer les procédures de suspension ou aménagement de peine pour raisons médicales.

M. Guy Benarroche.  - La condition médicale des détenus est insuffisamment prise en compte dans la détermination des suspensions de peine. Il faut un comité d'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 720-11 du code de procédure pénale, qui n'est pas correctement appliqué, nous disent les professionnels : trop peu de personnes à l'état physique ou psychique dégradé bénéficient d'un aménagement de peine, hors pronostic vital engagé à court terme. Nous avons besoin d'un état des lieux statistique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Des études épidémiologiques sont régulièrement menées. Mieux vaut éclairer les juges par des expertises et faciliter la prise en charge des détenus.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°156 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°264, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'article 3 bis inséré en commission prévoit que les ministères de l'intérieur et de la justice peuvent accéder aux données relatives aux enquêtes aux seules fins d'exploitation statistique.

La loi du 7 juin 1951 autorise déjà l'accès à ces statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique. Attention au risque d'a contrario, s'agissant de données parmi les plus sensibles.

À l'aune d'un travail interministériel approfondi, il convient d'affirmer l'absence de difficulté liée au secret de l'enquête et de l'instruction pour l'accès des services statistiques aux données sur les affaires en cours.

C'est pourquoi je propose la suppression de l'article.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Votre formulation est très technocratique, ce qui laisse présager un vrai problème... (Sourires ; M. le garde des sceaux s'exclame.)

L'amendement n°264 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 4

M. Marc Laménie .  - Je salue le travail de la commission des lois sur ce texte important et associe à cette intervention mon collègue de la commission des finances chargé du suivi de la mission « Justice ».

Ce texte prévoit une augmentation des moyens financiers et humains : plus de 10 milliards d'euros en 2024.

L'article 4, que je voterai, facilite le recours aux travaux d'intérêt général, qu'il faut développer plus largement, notamment dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Il fixe une peine en cas de non-respect des TIG et prévoit un suivi des magistrats comme des Spip. Les élus également doivent s'investir.

L'amendement n°21 rectifié ter n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 3 à 7 et 16

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le JAP doit pouvoir adapter la peine en cas de non-application de la peine d'intérêt général. Les TIG durent plusieurs mois, et le comportement du condamné évolue : il faut en tenir compte. Le garde des sceaux estime peut-être que cette mesure a une portée pédagogique (M. le garde des sceaux le confirme). Nous en proposons néanmoins la suppression.

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Que le condamné sache ce qu'il encourt en cas de non-réalisation du TIG est, en effet, pédagogique. On constate peu de recours aux TIG, car peu de possibilités existent. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Quand le tribunal prononce une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, l'intéressé sait qu'il ne doit pas bouger une oreille, si vous me passez cette expression, pendant ce temps. Si la peine de TIG n'est pas respectée, le JAP peut engager des poursuites. Clarifions les choses : le JAP gère le TIG et en informe la personne concernée.

Je souhaite une meilleure réactivité face aux incidents dans le respect du contradictoire et l'exécution du TIG, ainsi qu'une plus grande individualisation des peines par le JAP.

L'amendement n°40 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°129.

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

I.  -  Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 385-2, il est inséré un article 385-3 ainsi rédigé :

« Art. 385-3.  -  Lorsque le tribunal est saisi d'une procédure pour laquelle la juridiction pour enfants, après avoir rendu un jugement sur la culpabilité, s'est déclarée incompétente conformément aux articles L. 13-2 et L. 521-23-1 du code de la justice pénale des mineurs, il statue sur la peine dans les conditions prévues aux articles 132-61 et 132-65 du code pénal. »

II.  -  Après l'alinéa 16

Insérer douze alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 13-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S'il apparaît à l'une des juridictions mentionnées aux 1°, 2°, 3° bis ou 5° de l'article L. 12-1 que la personne présentée ou comparaissant devant elle était majeure au moment des faits, elle se déclare incompétente et renvoie le dossier au procureur de la République. » ;

...° L'article L. 423-14 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« S'il apparaît que la personne présentée ou comparaissant devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention saisi en application de l'article L. 423-9 ou la juridiction de jugement saisie en application de l'article L. 423-7 était majeure au moment des faits, le magistrat ou la juridiction saisie procède conformément aux dispositions de l'article L. 13-2. » ;

b) Au deuxième alinéa, après les mots : « Le juge des enfants », sont insérés les mots : « , statuant en cabinet ou présidant le tribunal pour enfants » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables devant la chambre spéciale des mineurs. » ;

...° Après l'article L. 521-23, il est inséré un article L. 521-23-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 521-23-1.  -  S'il apparaît, au cours de la période de mise à l'épreuve éducative, que la personne dont la culpabilité a été déclarée, était majeure au moment des faits, le juge des enfants met fin aux mesures provisoires et procède conformément aux dispositions de l'article L. 13-2. 

« La déclaration de culpabilité et la décision sur l'action civile prononcées par la juridiction pour enfants conservent leur autorité. 

« Le juge des enfants statue au préalable, après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République et les observations de la personne et de son avocat, sur le maintien en détention provisoire précédemment ordonnée jusqu'à la comparution devant le tribunal correctionnel. Si la détention est maintenue, la personne doit comparaitre devant le tribunal correctionnel au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. À défaut, si elle n'est pas détenue pour autre chose, elle mise d'office en liberté. »

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous permettons le renvoi à une juridiction compétente, à tous les stades de la procédure, pour les personnes dont il est révélé après-coup qu'elles étaient majeures au moment des faits. Ce n'est pas un cas d'école : l'état civil des justiciables dans certaines parties du territoire est souvent douteux.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous n'aimons guère modifier un texte peu de temps après son entrée en vigueur, mais il s'agit d'une vraie difficulté de terrain. (M. le garde des sceaux le confirme.) Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°220 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié sexies, présenté par MM. E. Blanc, Mizzon, D. Laurent, Pellevat, Duffourg, Bouchet, Milon, Grosperrin, Bascher, Henno, Brisson et Cardoux, Mme Goy-Chavent, MM. Laménie, Belin et Pointereau, Mmes Jacquemet et Thomas, MM. Genet, Charon et Segouin, Mmes Lassarade et Belrhiti, M. Longuet, Mme F. Gerbaud, MM. Tabarot et Cuypers, Mme Dumont, MM. C. Vial, Duplomb, Cadec, Gueret et Piednoir, Mme Lopez et MM. Levi, Husson et Retailleau.

Alinéas 8 à 15

Supprimer ces alinéas.

M. Marc Laménie.  - Défendu, par souci d'efficacité. (Exclamations amusées)

M. le président.  - Amendement n°151, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L'avis du représentant de l'administration pénitentiaire mentionné au présent alinéa est communiqué aux parties dix jours avant l'audience. »

M. Guy Benarroche.  - En matière de conversion de peine, l'avis du représentant de l'administration pénitentiaire doit être communiqué aux parties dix jours à l'avance, pour faire respecter le principe du contradictoire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°22 rectifié sexies : les conversions de peine existent déjà. Quant au délai de dix jours, il est trop rigide : avis défavorable à l'amendement n°151.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mêmes avis.

L'amendement n°22 rectifié sexies est retiré.

L'amendement n°151 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 4

L'amendement n°18 rectifié ter n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°167 rectifié, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. 706....  -  Aux fins de bonne administration de la justice, les magistrats et le procureur de la République relevant des juridictions spécialisées mentionnées au présent chapitre peuvent, selon des conditions prévues par décret, recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour les interrogatoires de première comparution mentionnés à l'article 116, les débats relatifs au placement en détention provisoire mentionnés à l'article 137-1 et le jugement des personnes libres. »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, souligne que les JIRS ont une compétence territoriale étendue : celle de Fort-de-France couvre tout le bassin antillo-guyanais, et ses magistrats se déplacent régulièrement, notamment en Guyane. Il en résulte des difficultés de fonctionnement importantes, sans parler du coût pour l'État. Dans certains cas, il faudrait pouvoir procéder par visioconférence. Notre collègue de Saint-Barthélemy pourrait sans doute corroborer ces difficultés...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous concevons ces difficultés outre-mer et la nécessité d'adaptations. Cependant, les JIRS traitent d'affaires sensibles. Pour le moment, avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je me suis rendu récemment en Martinique, j'y ai rencontré Mme Conconne et la procureure du tribunal judiciaire de Fort-de-France, qui sont sur la même ligne. Votre proposition mérite d'être retravaillée pendant la navette, pour en améliorer la rédaction. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - D'un point de vue constitutionnel, je ne sais si l'on peut viser les seules JIRS en outre-mer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est le problème, en effet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je suis prête à retirer l'amendement si le ministre s'engage à travailler sur la question.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je m'y engage.

L'amendement n°167 rectifié est retiré.

Les amendements nos20 rectifié ter et 19 rectifié ter ne sont pas défendus.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°269, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 7

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 706-14-2 est ainsi rédigé : 

« Art. 706-14-2.  -  Toute personne physique de nationalité française, ou ses ayants droit, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non, commis à l'étranger, peut, lorsque ces faits présentent le caractère matériel d'une infraction et répondent aux conditions prévues à l'article 706-3 du présent code ou à l'article L. 126-1 du code des assurances, obtenir du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions une aide financière au titre des frais de voyage, de l'indemnité de comparution et de l'indemnité journalière de séjour pour répondre à une convocation à l'audience de jugement d'un procès pénal tenu à l'étranger, selon des modalités et conditions prévues par voie réglementaire. 

« Lorsqu'elles concernent des infractions répondant aux dispositions de l'article 706-3, les demandes d'aide financière sont assimilées aux demandes d'indemnisation prévues par cet article pour l'application des dispositions des articles 706-4 et 706-5-1 et de l'article L. 214-1 du code de l'organisation judiciaire. 

« Lorsqu'elles concernent des actes de terrorisme, les demandes d'aide financière sont assimilées aux demandes d'indemnisation formées en application de l'article L. 126-1 du code des assurances pour l'application des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-6 du même code et de l'article L. 217-6 du code de l'organisation judiciaire. 

« Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions est subrogé dans les droits que possède le bénéficiaire de l'aide contre toute personne sur qui pèse à un titre quelconque la charge définitive de tout ou partie des frais et indemnités mentionnés au premier alinéa du présent article. » ;

II.  -  Après l'alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° L'article L. 214-1 est ainsi rédigé : 

« Art. L. 214-1.  -  Chaque tribunal judiciaire comporte une commission d'indemnisation de certaines victimes d'infractions qui revêt le caractère d'une juridiction civile. Cette commission est compétente pour :

« 1° Connaître des demandes d'indemnisation relevant des articles 706-3, 706-14, 706-14-1 et 706-14-3 du code de procédure pénale ; 

« 2° Connaître des demandes formées par les victimes mentionnées à l'article 706-14-2 du code de procédure pénale et répondant aux conditions prévues à l'article 706-3 du même code.

« Elle statue en premier ressort. » ;

2° Le premier alinéa du 1° de l'article L. 217-6 est ainsi rédigé : 

« 1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l'article L. 126-1 du code des assurances, ainsi que des demandes formées par les victimes mentionnées à l'article 706-14-2 du code de procédure pénale et répondant aux conditions prévues à l'article L. 126-1 du code des assurances, après saisine du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et relatives : » ; 

3° Aux articles L. 532-2, L. 552-2 et L. 562-2, les mots : « n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont remplacés par les mots : « n° ...du ... ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Renforçons la prise en charge des déplacements des victimes se rendant à l'étranger pour un procès pénal. Mme Vogel souhaitait avancer sur la question des victimes à l'étranger : cet amendement va dans ce sens.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Difficile de s'opposer à cette mesure. Avis favorable.

L'amendement n°269 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La victime présumée est informée par tout moyen de son droit de refuser la confrontation avec l'auteur présumé. »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À cette heure avancée, je défends cet amendement de Mme Rossignol sur les violences intrafamiliales et sexuelles. La victime présumée doit pouvoir refuser la confrontation avec l'auteur présumé. On sait que ces confrontations réactivent le traumatisme subi, et la convention d'Istanbul impose de protéger les victimes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois.  - Des mesures similaires existent en Espagne et en Italie, mais cela relève du règlement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.) Avec une formation plus poussée, policiers et gendarmes sauront éviter ces confrontations. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les expressions « victime présumée » et « auteur présumé », absentes du code de procédure pénale, me choquent. Avis défavorable.

L'amendement n°99 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par voie d'expérimentation, en redéployant les moyens existants, et pour une durée de six ans, les cours d'appel volontaires peuvent expérimenter en leur sein la mise en place d'un outil informatique permettant de favoriser le suivi transversal et pluridisciplinaire des situations à risque par la juridiction. Cet outil permet la prévention du risque de réitération en matière de violences intrafamiliales, et l'adaptation en conséquence de la politique de protection des victimes de ces violences.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la mise en place d'un outil informatique permettant de favoriser le suivi transversal et pluridisciplinaire des situations à risque par la juridiction. Cet outil permettra la prévention du risque de réitération en matière de violences intrafamiliales, et l'adaptation en conséquence de la politique de protection des victimes de ces violences.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - VioGen est un logiciel de mesure de risque en Espagne : quel est l'avis du Gouvernement sur la création d'un système similaire, prévue par l'amendement n°103 ?

Avis défavorable à l'amendement n°102, qui demande un rapport.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Retrait de l'amendement n°103 : nous y travaillons. Avis défavorable à l'amendement n°102.

L'amendement n°103 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°102.

ARTICLE 6

M. Jean-Yves Roux .  - Mme Delattre se félicite que cet article 6 supprime la présence de magistrats professionnels dans les tribunaux des affaires économiques. Les juges de ce tribunal sont bénévoles, une composition mixte en déstabiliserait le fonctionnement. Espérons que la version du Sénat sera conservée.

M. le président.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°97 rectifié bis, présenté par MM. Duffourg, Longeot et Pellevat, Mme Perrot, MM. Genet, J.M. Arnaud, Kern, Chasseing, Canévet et Moga, Mme Lopez et M. Babary.

M. Alain Duffourg.  - L'article 6 débaptise les tribunaux de commerce qui existent depuis Charles IX et le chancelier Michel de l'Hospital et ont été renommés en 1790.

L'ajout de magistrats professionnels, alors que nous manquons déjà de magistrats, est une hérésie. Les juges consulaires connaissent bien leur domaine et sont élus par leurs pairs.

Les tribunaux de commerce examinent tous les litiges entre entreprises et liés aux actes de commerce, sans oublier les procédures collectives : médiation, conciliation, sauvegarde, redressement. La compétence des baux commerciaux, elle, doit rester au juge judiciaire.

M. le président.  - Amendement identique n°207, présenté par Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - L'agriculture relèverait désormais des tribunaux des activités économiques ? Sans jeter l'opprobre ni le doute sur les juges consulaires, les activités agricoles ont une spécificité forte. Le contentieux doit rester à la juridiction judiciaire, ce que corroborent les décisions judiciaires et commerciales : les premières s'orientent davantage vers le redressement que vers la liquidation des exploitations familiales. (M. le garde des sceaux le conteste.)

Dans un contexte défavorable aux agriculteurs, ne bouleversons pas la situation.

Nous sommes nous aussi défavorables au transfert de la compétence des baux commerciaux.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable, puisque le Sénat préconise depuis longtemps la création des tribunaux des activités économiques.

Point d'échevinage : la commission a supprimé la mesure qui faisait des juges professionnels des assesseurs, refusée tant par les tribunaux de commerce que par les juges professionnels.

Nous entendons la spécificité des agriculteurs et prévoyons d'introduire, dès l'expérimentation, des juges consulaires issus des professions nouvellement intégrées, dont des agriculteurs et des professionnels du droit compétents en matière agricole.

Pour les agriculteurs qui s'intéresseraient aux terres de leurs voisins, il y a la règle du déport, obligatoire, comme pour les commerçants, artisans ou entreprises. (M. le garde des sceaux acquiesce.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il s'agit d'une expérimentation, qui répond à un besoin clairement identifié par le Sénat, notamment par les travaux de MM. Bonhomme et Mohamed Soilihi, ainsi que par les états généraux de la justice.

La présence de juges consulaires issus du monde agricole devrait rassurer les agriculteurs. (M. Gérard Lahellec le conteste.)

J'avais constaté, au tribunal de commerce d'Orléans, l'efficacité des mesures mises en place en amont pour sauver les petites entreprises : cela fonctionne.

Le partage des compétences entre tribunal de commerce et tribunal judiciaire par secteur d'activité manque de lisibilité. Nous proposons un guichet unique et un bloc unique de compétences.

Le projet peut être affiné, mais l'expérimentation du tribunal des activités économiques répond à un vrai besoin. Vous ne proposez aucune alternative. Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ce tribunal des activités économiques ne tombe pas du ciel. François Bonhomme et moi avons publié en mai 2021 un rapport d'information sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19, dans lequel nous préconisions un tel tribunal.

Mme Françoise Gatel.  - Je suis cette proposition avec intérêt. Au Sénat, nous aimons l'expérimentation, qui permet d'oser tout en sécurisant. Mais gare à ne pas généraliser avant même d'avoir mené l'évaluation !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tout à fait !

Les amendements identiques nos59 rectifié, 97 rectifié bis et 207 ne sont pas adoptés.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 8 juin 2023, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit cinquante-cinq.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 8 juin 2023

Séance publique

À 10 h 30, 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, M. Alain Richard, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

. Suite du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée) (texte de la commission, n°661, 2022-2023)