SÉANCE

du jeudi 8 juin 2023

96e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 6 (Suite)

L'amendement n°10 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Pla et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 2

1° Première phrase

Après la deuxième occurrence du mot :

commerce

supprimer la fin de la phrase.

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II.  -  Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Les agriculteurs s'inquiètent de la création du tribunal des affaires économiques (TAE). Venant d'une élue de Paris, cela peut vous faire sourire, mais il y a des agriculteurs à Paris ! L'organisation actuelle leur convient. De plus, il est choquant de prévoir une contribution pour avoir accès au juge : des mesures contre les procédures abusives existent, et l'accès à la justice ne saurait être officiellement payant.

M. le président.  - Amendement n°270, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

au second alinéa de l'article L. 722-6-1 et

et les mots :

et des instances représentatives départementales, à défaut nationales, des professions réglementées mentionnées au second alinéa de l'article L. 722-6-1 du même code

II.  -  Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III.- Alinéas 6, 8 et 10

Compléter ces alinéas par les mots :

, à l'exception des professions visées par le deuxième alinéa de l'article L. 722-6-1

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Nous souhaitons maintenir la compétence des tribunaux judiciaires pour les procédures amiables et collectives pour les professions réglementées du droit, qui n'exercent pas au sens strict une activité à caractère économique ; il convient de conserver l'ensemble des contentieux qui les concernent au tribunal judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°211, présenté par MM. Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

des chambres d'agriculture départementales et des

II.  -  Alinéas 6, 8 et 10

Compléter ces alinéas par les mots :

à l'exception des personnes exerçant une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, y compris en tant qu'associé exploitant

III.  -  Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - Il y a 1 200 procédures collectives agricoles par an ; traitées par les tribunaux judiciaires, elles aboutissent à 46 % à des liquidations, contre 70 %, toutes procédures confondues, dans les tribunaux commerciaux. Les délais de traitement actuels sont convenables.

La filière agricole est petite et fortement interconnectée. Le système proposé poserait des problèmes de neutralité. Par ailleurs, un agriculteur aura moins de mal à évoquer ses difficultés devant le tribunal judiciaire que devant ses pairs. Enfin, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (Apca) s'est déclarée opposée à cette réforme.

M. le président.  - Amendement n°164, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :

Concernant les personnes exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, les formations de jugement dudit tribunal sont présidées par un magistrat du siège. Les magistrats du siège sont désignés chaque année par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal des activités économiques. Les formations de jugement pour le secteur agricole comprennent également des assesseurs issus d'au moins deux syndicats agricoles représentatifs différents.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement de repli prévoit un échevinage systématique pour le secteur agricole, dans un souci de neutralité et d'indépendance. La formation serait présidée par un magistrat du Siège. Nous voulons aussi garantir le pluralisme syndical dans la désignation des assesseurs.

L'amendement n°169 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°82 rectifié ter.

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois.  - Sur l'amendement n°60, la question de la contribution sera abordée à l'article 7. Pour répondre aux inquiétudes, la commission a inclus des agriculteurs parmi les juges consulaires dès le stade de l'expérimentation. C'est déjà le cas pour les baux ruraux, et cela fonctionne.

Les agriculteurs ne sont pas malhonnêtes, et les règles de déport sont claires.

Il n'est pas exact de dire que « les agriculteurs » sont inquiets. Une association, Solidarité Paysans, nous a en effet contactés, mais elle est de Seine-Saint-Denis...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il y a des agriculteurs dans le 93 !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Les tribunaux de commerce sauront accompagner les petits commerces.

Sur l'amendement n°270, il arrive aussi aux avocats de faire faillite... Mais la position constante du Sénat consiste à inclure toutes les professions, dont les professions libérales. Les avocats ne siégeront pas dans le ressort où ils exercent.

Sur l'amendement n°211, j'ai déjà répondu.

Sur l'amendement n°164, les tribunaux de commerce refusent tout échevinage, ne les provoquons pas. Avis défavorable à tous les amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable à ces amendements.

Mon amendement n°270 concerne aussi les notaires : ce sont des officiers publics, qui devraient être rattachés aux tribunaux judiciaires.

Il y a peu de différences entre les petites exploitations agricoles et les petites entreprises : les agriculteurs seront bien protégés. Il est important qu'ils puissent bénéficier de mesures en amont, au vu du taux élevé de suicides dans la profession.

M. Guy Benarroche.  - Je ne remets aucunement en cause l'honnêteté des agriculteurs, et plusieurs syndicats soutiennent notre démarche. La FNSEA, au demeurant, n'a pas apporté de franc soutien à cette réforme.

Les agriculteurs ne se plaignent pas du système actuel. De plus, le taux de liquidations judiciaires après passage au tribunal de commerce est très important. Enfin, il est très difficile de faire passer un agriculteur devant ses pairs.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Il s'agit d'une évolution positive pour les agriculteurs, en particulier les plus modestes. Dans nos tribunaux judiciaires, l'activité de procédure collective est très marginale -  une demi-douzaine de procédures par an. Les tribunaux de commerce, eux, ont une forte expérience, notamment dans la prévention et la négociation, et leur obsession est de connaître les difficultés en amont.

Il paraît assez cohérent d'intégrer les professions réglementées dans le périmètre des TAE, surtout si nous avons pour objectif d'ouvrir le monde de la justice.

Enfin, nous connaissons les craintes des notaires d'être intégrés dans le droit commun. Ils y voient une banalisation.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°270 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°296 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 252
Pour l'adoption   39
Contre 213

L'amendement n°270 n'est pas adopté.

L'amendement n°211 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°164.

M. le président.  - Amendement n°271, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Après le mot :

suffisants

supprimer la fin de cet alinéa.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il convient de maintenir le contentieux des baux commerciaux au sein du tribunal judiciaire, sauf lien de connexité avec la procédure collective. Le rattacher aux TAE n'est pas conforme aux conclusions des états généraux de la justice.

Nous avons des échanges nourris avec les représentants du monde agricole, et ces consultations ne sont d'ailleurs pas terminées ; nous les rencontrerons à nouveau avant de publier les décrets.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Cette mesure est conforme aux propositions du Sénat depuis plusieurs années. Nous voulons une plus grande visibilité pour tous les justiciables, à travers une meilleure répartition des compétences entre le monde judiciaire et le monde économique. Les baux commerciaux sont du domaine exclusif de la vie économique.

L'amendement n°271 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°162, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Ce rapport étudie aussi les méthodes de déclaration d'intérêts, de récusation ou de dépaysement utilisées lors de l'expérimentation. Il évalue si les conditions d'impartialité ont été respectées, et émet des propositions en matière de déclaration d'intérêts, de récusation ou de dépaysement particulièrement dans le cas des personnes exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime.

M. Guy Benarroche.  - Nous voulons assurer une protection maximale du secteur agricole dans l'expérimentation des TAE. Le rapport d'évaluation de l'expérimentation prévu dans l'article doit être particulièrement attentif à la question des conflits d'intérêts, selon la définition introduite par la loi du 11 octobre 2013 : c'est la question de l'intégrité de l'expertise qui est en jeu.

M. le président.  - Amendement n°163, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Concernant les personnes exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, ce rapport évalue les modalités de formation des juges sur les risques et les spécificités du secteur agricole, notamment sur les spécificités des procédures collectives dans ce secteur, les risques de conflits d'intérêts, et les risques psychosociaux.

M. Guy Benarroche.  - L'amendement n°163 vise à prendre en compte, dans la formation des juges consulaires, les spécificités du monde agricole.

M. le président.  - Amendement n°165, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

En particulier, concernant les personnes exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, ce rapport se base sur les travaux d'un groupe de suivi associé à cette évaluation, composé notamment de représentants de débiteurs, de créanciers, de représentants des agriculteurs, en particuliers de représentant de l'ensemble des syndicats agricoles représentatifs, et d'associations d'aides aux agriculteurs. Ce groupe de suivi évalue notamment, pour le secteur agricole, la proportion de redressements judiciaires par rapport aux nombre de liquidations, le nombre d'emplois maintenus, et l'impact sur les risques psychosociaux agricoles.

M. Guy Benarroche.  - L'amendement n°165 est un amendement de repli. Il prévoit une évaluation spécifique de l'expérimentation dans le monde agricole associant les acteurs de terrain au sein d'un groupe de suivi. C'est particulièrement nécessaire dans un contexte de mal-être agricole. Le groupe de suivi sera notamment attentif au taux de liquidations prononcées et l'impact sur les risques psychosociaux.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°162. Le risque de conflit d'intérêts est minime, grâce aux règles de déport. Le sujet sera pris en compte dans l'évaluation.

L'amendement n°163 est satisfait : les spécificités du monde agricole sont prises en compte dans la formation.

Quant à la création d'un groupe de suivi, nous sommes, à la commission des lois, les grands brûlés de l'évaluation... Nous ne manquons pas de le rappeler au Gouvernement quand il le faut. Avis défavorable à l'amendement n°165.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Depuis le début de l'examen de ce texte, je ne compte plus les demandes de rapport au Gouvernement... Avis défavorable à l'amendement n°162.

En revanche, avis favorable à l'amendement n°163 : les spécificités du monde agricole doivent être mieux prises en compte. C'est de nature à rassurer.

Au groupe de suivi que vous proposez dans l'amendement n°165, je préfère un échange avec tous les acteurs, dont les parlementaires. Cela me semble plus direct et efficace. Avis défavorable.

L'amendement n°162 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos163 et 165.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Babary et Retailleau, Mmes Primas, Berthet et Chain-Larché, MM. Bouchet, Le Nay, Hingray et Canévet, Mme Chauvin, M. Duffourg, Mme Gruny, MM. Mandelli et Moga, Mme Puissat, MM. Klinger, Bonneau, Somon, Brisson, Bouloux, Panunzi et Guerriau, Mme Goy-Chavent, M. Burgoa, Mme Herzog, MM. Pointereau, Verzelen, D. Laurent et Pellevat, Mme Lavarde, MM. Savary et Charon, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Imbert, M. Genet, Mmes Gosselin, Belrhiti et F. Gerbaud, MM. Tabarot, Cuypers, Détraigne et Chasseing, Mme Dumont, MM. Maurey, B. Fournier et Milon, Mmes Raimond-Pavero et Malet, MM. E. Blanc, Wattebled, Husson, Gremillet et Chauvet, Mmes Billon et Borchio Fontimp et MM. Sido, J.P. Vogel, Duplomb et Belin.

Supprimer cet article.

M. Serge Babary.  - Cet article met à la charge de l'entreprise requérante une contribution pour accéder aux TAE. Cela déroge au principe de gratuité de la justice. De plus, il est injuste de faire peser une telle mesure sur l'entrepreneuriat privé, alors que le service rendu ne sera pas amélioré : les budgets des tribunaux commerciaux sont en baisse, et les juges consulaires sont de toute façon bénévoles.

Les charges et les impôts pesant sur les entreprises françaises sont plus élevés qu'ailleurs en Europe, avec des petites entreprises particulièrement pénalisées. Quant aux grandes entreprises, elles seront incitées à utiliser les procédures prévues par le droit international privé pour contourner la justice française.

Il faut supprimer cette disposition, qui est une nouvelle taxe qui ne dit pas son nom et limite l'accès à la justice.

M. le président.  - Amendement identique n°41, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet article procède d'une logique de recettes. Qu'est-ce que cela signifie pour tout le reste des contentieux ? Je me souviens que le monde judiciaire avait lutté contre le principe du timbre fiscal pour les procédures civiles, finalement abandonné.

Certes, la justice n'est jamais gratuite, notamment lorsque l'on a recours à un avocat, mais l'accès au juge doit l'être autant que possible. Il y a d'autres moyens de responsabiliser les parties, notamment les sanctions contre les procédures abusives.

M. le président.  - Amendement identique n°130, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - L'expérimentation introduira une rupture d'égalité très nette entre justiciables : selon les tribunaux et les territoires concernés, certains paieront cette contribution, d'autres non.

Le syndicat des avocats de France a observé que les personnes morales n'ayant pas massivement droit à l'aide juridictionnelle, il pourrait y avoir là un obstacle à l'accès au juge.

M. le président.  - Amendement identique n°194, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias.  - Une fois n'est pas coutume, nous défendons dans cette partie de l'hémicycle les entreprises - petites et grandes ! - au nom du principe fondamental de la gratuité de la justice.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'accès à la justice n'est pas gratuit : en matière civile, il y a un timbre fiscal de 225 euros pour faire appel. Il y a aussi des frais d'avocats, sauf aide juridictionnelle.

La commission des lois s'est prononcée pour la réintroduction d'une taxe introductive d'instance, dans le cadre de la mission d'information « Cinq ans pour sauver la justice » présidée par Philippe Bas.

Cette mesure est portée par les états généraux de la justice.

Enfin, la contribution sera strictement encadrée par un barème adapté à la situation économique, le coeur de cible étant les litiges de plus de 200 000 euros, soit seulement 16 % du total.

Un amendement de la commission a précisé les critères économiques, en ajoutant au chiffre d'affaires le critère du bénéfice.

Monsieur Babary, les futurs TAE auront besoin d'accompagnement : la plupart des juges consulaires sont des mécènes de la justice. Mais un tel fléchage ne peut se faire que dans un projet de loi de finances. Nous y veillerons.

Le Sénat propose depuis longtemps de tester une telle contribution. Plutôt que de rejeter l'expérimentation, amendons-la.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Benarroche, le Conseil d'État a répondu dans son avis à vos objections sur la rupture d'égalité.

L'idée est simple : il s'agit de renforcer l'attractivité de la place de Paris, au moment où nous installons la juridiction unifiée du brevet (JUB). Les états généraux de la justice ont montré que les acteurs économiques jugent les justices anglaise, allemande et néerlandaise meilleures que la nôtre... parce qu'elles sont payantes. C'est le syndrome de la marque : on trouvera meilleur un costume de marque, même s'il ne l'est pas.

Monsieur Babary, je partage vos préoccupations. La contribution économique expérimentale ne sera due que par les grandes entreprises, et pour les litiges les plus importants.

Avant même de fixer les barèmes, nous avons mis en place deux sécurités : le calcul de la contribution, qui sera plafonnée à 5 % du montant en jeu, tient compte de la nature du litige ; et les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle seront exonérés.

Vous vous faites l'écho des craintes des petits patrons. C'est pourquoi je propose aussi une exonération pour les entreprises de moins de 250 salariés. Ce seuil est en lien direct avec l'objet de la contribution ; ce qui est une garantie de constitutionnalité. Il concernera toutes les personnes physiques et morales, quelle que soit leur activité.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Le groupe UC partage la position de la commission, qui est conforme à la ligne du Sénat. En la matière, il y a des croyants et des incroyants. Pour les uns, la justice est gratuite ; pour les autres, elle a un coût, et ceux qui en ont les moyens doivent participer à son financement. Je fais partie du second groupe.

Si l'on veut donner une chance à l'amiable, il n'y a pas d'autre solution que de faire comprendre à nos concitoyens que la justice a un coût.

M. Serge Babary.  - Certes, la rapporteure exprime une position traditionnelle du Sénat, mais encore faut-il tenir compte du calcul de la contribution : si elle est fixée en fonction de la capacité du demandeur, et que le demandeur est une grande entreprise opposée à une petite entreprise, cette dernière paiera cher...

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Non, on paie à l'entrée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il faut évidemment veiller à ce que les conflits concernés n'opposent que des grandes entreprises. Cette disposition est très importante pour l'attractivité financière de la place de Paris.

Mais j'entends vos inquiétudes, et votre difficulté à franchir le pas : évitons les écueils, construisons des frontières. Une petite entreprise ne doit pas sortir détruite d'un TAE, évidemment. Mais les procédures, souvent dilatoires, peuvent durer cinq, six, sept années... avec des juges consulaires bénévoles. À nous de construire ensemble la protection des plus faibles.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Monsieur Bonnecarrère a raison : un règlement à l'amiable n'assujettit pas à cette contribution.

Certes, Monsieur Babary, le barème n'est pas parfait, mais si nous ne le votons pas maintenant, nous ne pourrons pas modifier le dispositif. Nous pourrons l'amender ensuite, et le retravailler. Donnons une chance à cette expérimentation.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mais il y a encore l'Assemblée nationale !

À la demande du groupe SER, les amendements identiques nos23 rectifié bis, 41, 130 et 194 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°297 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption   97
Contre 242

Les amendements identiques nos23 rectifié bis, 41, 130 et 194 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Seuls les litiges supérieurs à 500 000 euros sont assujettis à la contribution mentionnée au présent alinéa.

M. Bernard Fialaire.  - Seuls les litiges pour un montant supérieur à 500 000 euros devraient être assujettis à la contribution financière. Nous sommes attachés au principe de gratuité de la justice, mais tout principe peut connaître des dérogations, fortiori pour les litiges économiques. Nous proposons ce rempart pour protéger les entreprises les plus modestes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Seuls 16 % des litiges seraient concernés.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Établissons des seuils, mais travaillons à éviter les effets de bord. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°195, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

de son chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois dernières années,

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement de repli vise à supprimer le critère du chiffre d'affaires dans la définition du montant de la contribution financière. Une entreprise peut avoir un chiffre d'affaires important sans réaliser de bénéfices.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous avons déjà pris en compte la notion de bénéfices. Votre amendement est satisfait. Retrait ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Une supplique : retirez votre amendement. Nous affinerons ces critères.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je suis sensible aux suppliques. (Sourires) Je le retire.

L'amendement n°195 est retiré.

L'article 7 est adopté.