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Table des matières



Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 - Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire (Procédure accélérée - Suite)

Mme Maryse Carrère

M. François-Noël Buffet

M. Emmanuel Capus

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Esther Benbassa

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mises au point au sujet de votes

Enjeux de la France communale et avenir de la commune en France

M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Max Brisson

M. Franck Menonville

M. Ronan Dantec

M. Georges Patient

M. Patrick Kanner

Mme Michelle Gréaume

M. Jean-Michel Arnaud

Mme Guylène Pantel

M. Guillaume Chevrollier

Mme Frédérique Espagnac

M. Jean-François Longeot

Mme Elsa Schalck

M. Éric Kerrouche

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Olivier Paccaud

M. Bruno Rojouan

M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains

Mise au point au sujet d'un vote

Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

M. Jean-Pierre Decool

M. Thomas Dossus

M. Julien Bargeton

M. Lucien Stanzione

M. Pierre Ouzoulias

M. Pierre-Antoine Levi

M. Bernard Fialaire

M. Max Brisson

Réforme de l'audiovisuel public (Suite)

Discussion des articles (Suite)

APRÈS L'ARTICLE 10

ARTICLE 11

APRÈS L'ARTICLE 11

ARTICLE 11 BIS

APRÈS L'ARTICLE 11 BIS

ARTICLE 12

APRÈS L'ARTICLE 12

ARTICLE 13

ARTICLE 13 BIS

ARTICLE 14

ARTICLE 14 BIS

ARTICLE 15

Interventions sur l'ensemble

M. Max Brisson

Mme Monique de Marco

M. David Assouline

M. Jérémy Bacchi

M. Julien Bargeton

M. Bernard Fialaire

Modification de l'ordre du jour

Ordre du jour du mercredi 14 juin 2023




SÉANCE

du mardi 13 juin 2023

98e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 - Ouverture, modernisation et responsabilité du corps judiciaire (Procédure accélérée - Suite)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et les scrutins publics solennels sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Valérie Létard et M. Martin Lévrier applaudissent également.) Le vote de ces deux textes offre des perspectives réjouissantes : hausse du budget de la justice et réécriture du code de procédure pénale. Nous répondons ainsi à la dégradation d'un service public essentiel à l'État de droit.

Jean-Yves Roux le disait en discussion générale, la détérioration de la justice se résume en des lieux communs : manque de matériel, souffrance et épuisement des personnels, lenteur des procédures, incompréhension des justiciables. Nous ne pourrons bientôt plus compter sur l'abnégation des magistrats et des agents qui les accompagnent.

Depuis plusieurs exercices budgétaires, nous avons réagi. Le budget de la justice pour 2021 était qualifié d'exceptionnel, d'historique, et le mouvement se poursuit.

Les perspectives sont encourageantes, comme en témoigne le rapport annexé : clarification du rôle de la justice au sein de la société, renforcement de la première instance, ouverture sur la société civile, médiation et modes alternatifs de règlement des conflits - objet d'une proposition de loi déposée par Nathalie Delattre le 13 septembre 2021.

Le RDSE se réjouit que les dispositions de la proposition de loi Requier, adoptée en novembre dernier, aient débouché sur l'article 2 bis, qui corrige un oubli lors de la modification du code de procédure pénale par la loi de décembre 2021.

Les lois sur la justice se sont enchaînées ces dernières années. Espérons que ce texte ne suivra pas la même tendance.

L'article 2 habilite le Gouvernement à réécrire le code de procédure pénale, à droit constant.

L'article 3 a fait débat, notamment sur l'activation à distance du micro et de la caméra des appareils électroniques pour les affaires de terrorisme. Notre groupe est conscient des dangers potentiels, mais aussi des avantages de ces techniques ; il y est donc plutôt favorable.

Il n'en va pas de même pour le recours à la visioconférence, qui doit rester consenti et exceptionnel.

Le tribunal des affaires économiques est une bonne piste, comme la création, à l'article 11, du métier d'attaché de justice et la déjudiciarisation des opérations de saisie des rémunérations prévue à l'article 17, qui simplifiera les procédures sans pour autant remettre en cause les garanties du débiteur.

Nous sommes globalement favorables aux dispositions du projet de loi organique, même si nous entendons les inquiétudes des magistrats. Nous saluons les apports de notre commission, comme la voie d'accès au corps judiciaire pour les docteurs en droit.

Le groupe RDSE se partagera entre le vote pour et l'abstention. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La justice est notre bien commun. C'est le ministère régalien qui participe le plus à notre vivre-ensemble en permettant le règlement pacifique des conflits. N'oublions pas que la matière civile est trois fois plus importante que la matière pénale, que l'actualité de la télévision est loin de refléter tout ce qui se passe dans nos tribunaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est bien vrai !

M. François-Noël Buffet.  - C'est aussi un ministère en grande difficulté. Combien de fois avons-nous entendu déplorer la lenteur de la justice, la non-exécution des peines... Les magistrats s'estiment trop peu nombreux pour faire face aux demandes, tout comme les greffiers.

En 2017, la commission des lois publiait un rapport comportant une série de constats : manque de magistrats, difficultés des greffiers, conditions déplorables de certains lieux de justice, numérisation insuffisante.

En 2018, nous espérions beaucoup de la loi, mais n'avions pas obtenu tout ce que nous souhaitions. Nous avons continué à travailler, notamment sur les tribunaux de commerce et les prud'hommes

En septembre 2021, l'Agora de la justice, réunie à l'initiative du Président du Sénat, a permis d'entendre ceux qui ne parlaient jamais. Puis, après le suicide de l'une de leurs collègues, 7 000 magistrats ont signé une tribune pour dire qu'il n'était plus possible de continuer ainsi. Enfin, les états généraux de la justice, sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, ont fait des propositions.

Ce texte ne concrétise pas tous ces travaux, mais je préfère les avancées concrètes aux grands soirs.

L'article 1er, qui comprend le rapport annexé, ne pose pas problème. Les budgets de la justice s'inscriront dans la lignée des précédents et le Parlement pourra mieux contrôler leur exécution.

L'article 2, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, a crispé d'entrée le Sénat.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est vrai !

M. Antoine Lefèvre.  - C'est crispant !

M. François-Noël Buffet.  - La commission des lois a souhaité que le Parlement conserve ses capacités de contrôle. Le moment venu, il devra aussi se pencher sur le fond. (M. le garde des sceaux le confirme.)

Le groupe Les Républicains a limité les techniques spéciales d'enquête aux infractions punies de plus de dix ans de prison et non cinq. S'agissant des tribunaux des affaires économiques, la question du seuil des contributions financières devra être réexaminée en CMP.

Le projet de loi organique répond à nos souhaits : ouverture de la magistrature, évaluation et responsabilité des magistrats. Nous devons continuer à travailler sur la formation et l'évaluation. La CMP devra aussi préciser la charte de déontologie des magistrats, introduite par amendement.

À côté des magistrats, n'oublions pas le rôle de l'administration pénitentiaire et de la police : c'est un ensemble. Ce qui compte, c'est l'efficacité et la rapidité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, où une voix s'exclame : « Excellent ! ») Après des décennies de paupérisation, la justice de notre pays commence à retrouver des couleurs, son budget passant de 8 à 11 milliards d'euros.

Mon groupe salue la détermination et la constance de votre action, monsieur le garde des sceaux. Depuis trop longtemps, les gouvernements successifs ont négligé l'institution judiciaire, pourtant essentielle pour notre État de droit et notre démocratie.

Le manque de moyens a embolisé nos juridictions. En France, en 2022, le nombre de juges par habitant était inférieur de moitié à la moyenne des pays du Conseil de l'Europe ! Avec 10 000 recrutements, ce texte y remédie. De même, 1 800 greffiers et 600 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) supplémentaires rejoindront les juridictions. Les attachés de justice dégageront un temps précieux pour les magistrats.

Le taux d'occupation des prisons s'élève à 120 % : c'est inacceptable. Des milliers de places supplémentaires seront construites. Les Angevins attendent avec impatience une nouvelle prison. (M. le garde des sceaux sourit.)

M. Bruno Retailleau.  - Les Vendéens aussi !

M. Emmanuel Capus.  - Nos concitoyens attendent des résultats forts en matière de lutte contre la récidive. Les nouvelles techniques d'enquête, certes intrusives, apportent des bénéfices incontestables ; nous les avons encadrées, comme nous avons fixé les conditions permettant de procéder de nuit aux perquisitions, aux visites domiciliaires et aux saisies de pièces à conviction.

Nous avons amélioré le statut de témoin assisté. Ainsi, nos forces de l'ordre pourront mieux lutter contre la criminalité qui augmente.

Mais ces dispositions alourdissent encore un code de procédure pénale obèse. Face au cancer de l'inflation normative, il est urgent de clarifier et de simplifier la procédure pénale.

En matière civile, le délai de jugement dépasse douze mois. Nous nous réjouissons de l'expérimentation proposée par le Sénat : le tribunal des activités économiques libérera du temps pour les magistrats en confiant certaines affaires aux juges consulaires. Les saisies sur rémunérations seront confiées aux 3 700 commissaires de justice, pour une exécution plus rapide.

Le projet de loi organique renforce l'attractivité du corps judiciaire, mais aussi la responsabilité des magistrats tout en étendant à leur famille la protection dont ils bénéficient.

Championne des prélèvements obligatoires, la France ne dispose plus hélas des meilleurs services publics. Nous devons concentrer les moyens sur les missions régaliennes de l'État, dont la justice. Le groupe Les Indépendants votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Nos échanges ont été respectueux et de qualité. (M. le garde des sceaux le confirme.) Magistrats épuisés, greffiers en nombre insuffisant : le constat est partagé.

Oui, le budget est en hausse, mais la répartition des crédits interroge. Nous refusons le tout carcéral prôné par la majorité sénatoriale, qui ne jure que par la construction de nouvelles prisons. Mais la prison ne saurait constituer la seule solution ! Notre pays a été condamné pour surpopulation carcérale, mais aussi pour l'absence de recours effectif permettant à un détenu de faire cesser des conditions indignes de détention.

Les états généraux de la justice plaidaient pour la régulation carcérale - grande absente de ce texte. Le ministre évoque une mise en oeuvre au cas par cas, alors qu'il faudrait une application globale. Plutôt que des prisons, bâtissons ensemble des politiques alternatives ! Une société qui emprisonne moins n'est pas moins sécurisante, au contraire. Faire de la prison la seule option conduit à les remplir toujours plus.

Le recrutement de contractuels dans l'administration pénitentiaire est l'amorce d'une ubérisation de la fonction publique. Si les sucres rapides sont parfois nécessaires pour gérer la pénurie, ils ne sauraient être une solution de long terme.

Nous saluons la diversification des voies de recrutement, notamment grâce à un amendement de notre groupe, mais regrettons l'adoption d'un amendement remettant en cause la liberté syndicale des magistrats.

Le recours accru à la visioconférence interroge. L'extension des pouvoirs de perquisition et l'activation à distance des micros et caméras des téléphones nous inquiètent tout autant. Attention à la course à l'échalote technologique. Les caméras-piétons dans les prisons, sans garanties d'accès, relèvent de l'effet d'annonce.

L'effort budgétaire, que nous saluons, ne résoudra pas tout. La construction de prisons tous azimuts et le dessaisissement du juge des libertés et de la détention (JLD) nous inquiètent.

Le garde des sceaux n'a pas pu transformer l'essai : la vision globale de ce texte se résume à la politique immobilière carcérale, alors qu'on aurait pu étendre les compétences des CPIP. Trop de lignes rouges sont franchies : captation d'images tous azimuts, suspicion sur le travail des magistrats, et j'en passe.

Espérons que l'Assemblée nationale limitera la dérive à l'oeuvre en matière de contrôle. L'interpellation par la police antiterroriste de militants manifestant dans une usine Lafarge dans les Bouches-du-Rhône doit nous interroger. Nous voterons contre le projet de loi, et ne voterons pas le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous avons pu confronter nos positions dans un climat apaisé et je me réjouis du consensus autour de l'augmentation des moyens. Les crédits accordés à la justice atteindront 11 milliards d'euros en 2027 ; c'est historique.

Nous avons également habilité le Gouvernement à clarifier le code de procédure pénale par ordonnance. Un comité scientifique s'y attellera, avant validation par un comité parlementaire représentatif. Le garde des sceaux s'est en outre engagé à ce que le nouveau code n'entre pas en vigueur avant la ratification de l'ordonnance, et je l'en remercie.

Reprenant des dispositions de la proposition de loi déposée en novembre 2021 par M. Bonhomme et moi-même, des tribunaux des activités économiques et une contribution pour la justice économique seront expérimentés - je m'en réjouis, comme de l'adoption des amendements associant le Parlement à cette expérimentation.

Avec la majorité sénatoriale, nous avons certes quelques divergences quant au rôle des magistrats dans ces tribunaux. Notre proposition de loi de 2021 incluait des professionnels du droit. J'espère que nos débats auront rassuré certains acteurs du monde agricole.

Sur l'initiative de Jean-Pierre Sueur, dont je salue la pugnacité et la persévérance, le Sénat a codifié la récente jurisprudence de la Cour de cassation, qui se reconnaît une compétence universelle en matière de double incrimination pour les crimes contre l'humanité.

Mon groupe se réjouit d'avoir fait adopter quinze amendements, notamment celui prévoyant une procédure alternative aux poursuites disciplinaires en détention.

S'agissant du projet de loi organique, nous sommes satisfaits des précisions apportées aux missions que les magistrats substituts à titre temporaire pourront se voir confier et du remplacement du recueil déontologique par une charte.

Des dispositions demeurent clivantes : perquisitions de nuit, recours aux moyens de télécommunication pour l'examen médical en garde à vue, activation à distance des micros et caméras d'appareils connectés.

Je regrette le rejet de nos amendements qui maintenaient la procédure de comparution immédiate lorsque le prévenu n'est pas placé en détention provisoire, remplaçaient la référence aux conditions d'aptitude pour être assesseur de pôle social par une vérification du casier judiciaire, ou rétablissaient l'assignation comme seule voie de saisine du juge de l'exécution en cas de contestation de la saisie des rémunérations.

La trajectoire budgétaire favorable, les créations de postes annoncées et l'attitude constructive des deux rapporteurs sont autant d'éléments qui nous feront voter en faveur des textes modifiés. Le RDPI forme le voeu que la navette permette d'avancer sur les points qui continuent de nous diviser. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le président Buffet l'a dit : la justice est au bord du gouffre. Le Président de la République appelait en 2021 à « renouer le pacte civique entre la population et la justice. » Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission, disait Clemenceau : aujourd'hui, on lance des états généraux ! (Sourires ; M. Franck Montaugé applaudit.)

Même si ces textes sont loin de reprendre toutes les conclusions de ces états généraux, nous saluons les hausses budgétaires très importantes, les 10 000 emplois, malheureusement non ventilés, la réduction des délais de jugement, la volonté de transformation numérique, la création d'une équipe autour des magistrats, la revalorisation de certaines professions, notamment les gardiens, ou encore la diversification de l'accès à la magistrature.

Mais ce n'est pas la réforme systémique attendue : pas de renforcement de la première instance, rien sur la régulation carcérale. La seule réponse du Gouvernement est de construire de nouvelles places de prison - ce qui ne fait qu'augmenter le nombre de détenus, la justice française, à rebours des idées reçues, étant de plus en plus sévère. Si nous voulons mettre un terme à la situation d'indignité, il faut réguler.

Rien non plus sur les violences intrafamiliales. Le garde des sceaux a confié à Mme Vérien un rapport, dont les recommandations auraient trouvé leur place dans ce texte, mais elles se sont heurtées à l'article 45, à l'exception de deux lignes dans le rapport annexé, qui n'a aucune valeur normative...

Nous avons travaillé dans de fort mauvaises conditions, avec des délais bien trop courts pour examiner des textes aussi techniques.

La réécriture du code de procédure pénale par ordonnance nous divisait ; nous y sommes désormais favorables, au vu des garanties apportées. L'expérimentation des tribunaux des activités économiques, les mesures sur l'accès à la profession d'avocat sont des éléments qui auraient pu nous convaincre de voter les textes.

Mais les débats en séance ont fait évoluer notre position : le refus d'exclure les journalistes de l'activation des appareils à distance (M. David Assouline s'indigne) et la charte déontologique voulue par M. Retailleau en même temps que la saisine par le garde des sceaux du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur le droit de grève et la liberté d'expression des magistrats nous inquiètent.

Nous avons tout de même obtenu la compétence universelle en cas de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.

Nous ne nous interdisons pas de modifier notre vote si nos demandes en matière de régulation carcérale, de liberté d'expression des magistrats et de protection des journalistes étaient prises en compte en deuxième lecture. Pour l'heure, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe ne peut que soutenir une justice plus rapide et plus claire, ou encore les recrutements de magistrats et de greffiers. L'ouverture du corps judiciaire sur l'extérieur et la protection des magistrats dans le cadre de leurs fonctions sont bienvenues.

Nous sommes satisfaits de l'adoption de nos amendements qui allongent le délai de contestation d'une mise en examen ou d'une mise sous statut de témoin assisté, étendent les compétences du pôle cold cases de Nanterre ou améliorent la prise en compte de l'expérience acquise dans l'Union européenne pour l'accès à la profession d'avocat. Comme d'autres, nous avons apporté notre pierre à l'édifice.

Pour autant, des réserves demeurent. La géolocalisation en temps réel et l'activation des caméras et micros en matière de terrorisme traduisent une surenchère sécuritaire. Le principe de loyauté de la preuve doit s'appliquer à tout agent de police. Le message envoyé aux justiciables est inquiétant et les garanties insuffisantes.

Gare à l'effet cliquet : une fois acceptées pour le terrorisme, ces techniques de surveillance seront élargies au droit commun. C'est ainsi que le Gouvernement généralise la surveillance.

Nous regrettons que la proposition de loi d'Éliane Assassi sur la surpopulation carcérale n'ait pas été entendue. Avec 73 000 détenus pour 60 000 places, construire de nouvelles places n'y suffira pas. Une énième condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) se profile. Prétendre qu'il n'y a pas d'alternative qui ne fasse monter le populisme ne tient pas, car le tout carcéral est synonyme de récidive. Comme le souligne la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans son dernier rapport, l'inertie doit cesser.

Le projet de loi organique conditionne la liberté syndicale des magistrats au principe d'impartialité, ce qui aboutit à la neutraliser. Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, puisque vous n'avez pas soutenu l'amendement en question, qui risque la censure constitutionnelle. Ce qui s'est passé au tribunal judiciaire de Mamoudzou ne saurait justifier que l'on bâillonne nos magistrats. Nous nous opposerons à l'inscription dans la loi de leur obligation d'impartialité et au remplacement du recueil déontologique par une charte : ne les accablons pas d'obligations superflues et vides de sens.

Nous nous abstiendrons tout en suivant attentivement l'évolution de ce texte à l'Assemblée nationale et en CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Disons-le, ce n'est pas le grand soir de la justice. Si l'on salue un volontarisme sincère sur le plan budgétaire, on regrette un manque d'ambition à l'égard des conclusions des états généraux de la justice. Chaque pas est cependant une avancée.

La massification du recrutement dans la magistrature était nécessaire pour se mettre au niveau des standards européens. La commission a choisi de porter de 1 500 à 1 800 le nombre de nouveaux greffiers pour respecter le ratio habituel. Comme le préconisait le rapport de Laurence Harribey et Marie Mercier, nous avons aussi augmenté les effectifs des Spip, car la punition ne peut se concevoir sans réinsertion.

Le projet de loi organique entend ouvrir et diversifier le recrutement des magistrats. Cette logique doit se poursuivre jusque dans la formation à l'École nationale de la magistrature (ENM), qui ne doit pas craindre de se frotter au monde réel ou au monde de l'entreprise. Si nous n'avons pas adopté l'amendement de Mme Gatel à ce sujet, nous savons que la directrice de l'ENM est ouverte sur cette question.

Le texte élargit également les possibilités de saisine du CSM. Rappeler le principe d'impartialité ne signifie pas empêcher un magistrat de s'exprimer. Nous ne faisons que répéter une exigence constitutionnelle et conventionnelle, cela devrait rassurer. L'impartialité n'est pas un gros mot !

Je comprends la déception de certains quant à la non-intégration des conclusions du plan rouge VIF dans le rapport annexé, mais nous ne souhaitions pas inclure un rapport dans le rapport. Je ne doute pas de l'engagement du ministre de la justice et de la ministre pour l'égalité entre les hommes et les femmes sur la question.

Le groupe UC se réjouit du compromis trouvé sur la clarification à droit constant du code de procédure pénale.

À l'article 3, nous avons trouvé un équilibre grâce à l'amendement de Bruno Retailleau, qui limite l'activation des appareils à distance aux infractions passibles de plus de dix ans de prison. Le garde des sceaux a opposé que dès lors, le contrôle ne s'appliquerait pas aux proxénètes ; pourquoi pas ne pas augmenter cette peine ? Cinq ans, ce n'est pas cher payé pour asservir des femmes ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie abonde.)

Suivant les préconisations du Conseil d'État, nous protégeons les journalistes, dès lors qu'ils appartiennent à une société de presse.

L'expérimentation des tribunaux des affaires économiques et la contribution économique sont également à saluer.

Quelques allers-retours sont à prévoir, mais, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Esther Benbassa .  - (Applaudissements sur des travées du GEST) Albert Camus écrit dans Les Justes : « On commence par vouloir la justice et on finit par organiser une police. » Je suis très inquiète de la tournure que prennent certaines mesures, comme l'activation à distance des appareils électroniques - et je ne suis pas la seule. La généralisation de mesures intrusives menace les droits fondamentaux. Les garanties apportées seront-elles suffisantes ?

Privilégier la sécurité au détriment des droits individuels, c'est aller vers une société que nul ne souhaite. Imaginez-vous de tels instruments tomber entre les mains d'un gouvernement extrémiste ? Nous aurions signé nous-mêmes l'arrêt de mort de notre État de droit.

Je regrette l'insuffisance des mesures pour l'administration pénitentiaire, qui reste la mal aimée des missions de la justice. Certes, monsieur le garde des sceaux, vous avez considérablement augmenté les budgets. Mais si ce n'est que pour construire des prisons supplémentaires, ce sera vain... La logique du tout-carcéral n'a jamais fait ses preuves ! Il faut développer les peines alternatives, encourager la réinsertion et offrir un suivi adapté aux détenus vulnérables.

Tout ne se fait pas du jour au lendemain, je vous le concède ; et je ne nie pas les efforts entrepris pour redresser la justice. Mais il faut poursuivre cet effort pour une réforme de la justice efficace et respectueuse des droits et libertés. Je m'abstiendrai. (Applaudissements sur des travées du GEST ; Mmes Martine Filleul et Laurence Cohen applaudissent également.)

Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, modifié, est mis aux voix par scrutin public solennel.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°300 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 244
Pour l'adoption 231
Contre   13

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur de nombreuses travées du RDPI et du groupe INDEP, sur des travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, modifié, est mis aux voix par scrutin public solennel.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°301 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 239
Contre     1

Le projet de loi organique est adopté.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Aux grands soirs, je préfère les petits matins qui ouvrent sur le jour. (Sensation)

Sortir la justice de l'ornière dans laquelle elle se trouve depuis trente ans, le Président de la République s'y était engagé ; la Première ministre et son prédécesseur en avaient fait l'une de leurs priorités ; c'est mon ambition depuis mon arrivée à la Chancellerie. Cet après-midi, c'est vous, mesdames et messieurs les sénateurs, qui envoyez un signal fort à toutes les juridictions et tous les établissements pénitentiaires de France. Je vous en remercie.

Je salue le travail des rapporteurs Vérien et Canayer et l'engagement du président Buffet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.) Je me félicite des compromis trouvés. Quant aux divergences qui demeurent, elles ne sont pas insurmontables. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Vos débats font honneur à la démocratie parlementaire. C'est dans le même esprit de dialogue républicain que je défendrai ce texte à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Mises au point au sujet de votes

M. Alain Houpert.  - Lors du scrutin n°299, je souhaitais voter contre.

M. Vincent Éblé.  - Je souhaitais m'abstenir au cours du scrutin n°300.

M. David Assouline.  - Au scrutin n°301, je souhaitais m'abstenir.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Lors du scrutin n°300, je souhaitais voter pour.

Mme le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.

Enjeux de la France communale et avenir de la commune en France

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les enjeux de la France communale et l'avenir de la commune en France, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sans doute vous souvenez-vous de la définition que le député-philosophe Jules Barni donnait de la commune - et que le président Larcher reprend fréquemment...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Absolument !

M. Philippe Bas.  - « La commune, c'est la petite République dans la grande. » L'est-elle encore et pourra-t-elle le rester ?

Sous l'effet d'une recentralisation non seulement rampante mais de plus en plus assumée par l'État, les acquis fondamentaux de la décentralisation menée par Gaston Deferre...

M. Patrick Kanner.  - Et Pierre Mauroy !

M. Philippe Bas.  - ... sont fortement rognés.

Multiplication des normes, perte d'autonomie financière, structures encadrant les communes : le recul est généralisé.

Laissons de côté les normes environnementales et d'accessibilité pour nous concentrer sur l'urbanisme : l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) implique pour le monde rural des contraintes extrêmement sévères, au moment où le développement formidable du télétravail ouvre aux maires de nouvelles perspectives de développement. (Marques d'assentiment à droite)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - Cette inquiétude est majeure. Le Sénat a adopté sur le sujet une proposition de loi qui a tant suscité la méfiance du Gouvernement que son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ne laisse pas augurer tous les résultats que nous en attendons. Cette première étape ne suffira pas.

L'autonomie fiscale des communes n'existe pratiquement plus. Le démantèlement de la fiscalité locale par plusieurs gouvernements successifs a distendu le lien démocratique qu'est, par essence, le lien fiscal.

Diminuées sous François Hollande, les dotations globales n'ont, depuis lors, cessé de baisser, alors que les coûts auxquels font face les communes explosent, bien au-delà de l'inflation. L'érosion est de l'ordre de 20 % en dix ans.

On nous objectera que les subventions aux projets ne cessent d'augmenter : dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de solidarité... Mais quand le pouvoir financier échappe à la commune pour revenir à l'État, la décentralisation recule. Je ne crache pas sur les subventions, mais je préfère de beaucoup une capacité d'investissement indépendante de nos communes plutôt que la dépendance au guichet de l'État. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Je ne reviendrai pas sur la suppression de la réserve parlementaire, une erreur historique. (Applaudissements sur les mêmes travées ; Mme Frédérique Espagnac applaudit également.)

Il y a plus grave encore : les communes agissent désormais au sein de structures qui, dans bien des cas, les empêchent d'exercer pleinement leurs prérogatives. Les communautés de communes XXL sont la manifestation du socialisme étatique qui se propage dans la gestion des collectivités territoriales. (M. Éric Kerrouche rit.) Considérablement étendues, elles sont aussi très fortement intégrées : quand elles s'occupent des détails de l'adduction d'eau ou de la gestion de l'assainissement, on marche sur la tête. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - Résultat : les citoyens regardent leur maire comme une personnalité qui n'exerce plus réellement le pouvoir. Le péril est grave pour notre démocratie, dont la vie communale constitue les travaux pratiques.

Encore faut-il ajouter à cela le manque de respect d'un nombre croissant de nos concitoyens - qui ne mériteraient pas même d'être appelés ainsi - à l'égard des maires, qui deviennent les exutoires de toutes les frustrations. Défendons nos maires ! Nous y travaillons depuis le rapport réalisé en 2019, après la mort du maire de Signes, sur la base de la consultation de plus de 4 000 maires.

Nous devons revaloriser la fonction municipale. En particulier, le statut de l'élu doit être adapté à la complexité croissante de cette fonction, de moins en moins compatible avec une vie professionnelle normale.

Pardonnez mon enthousiasme, mais l'enjeu est fondamental. Il est grand temps de se ressaisir pour faire vivre la démocratie municipale ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE ; M. Sebastien Pla applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je suis intimement convaincue que la commune est un échelon vital pour la démocratie locale et la mise en oeuvre de l'action publique. Nos concitoyens sont fortement attachés à leur commune, échelon de proximité par excellence.

Tocqueville disait : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. » Je ne cite pas ces mots par coquetterie, mais parce qu'ils sont profondément vrais. Le lien est évident entre l'institution municipale et la construction de la République.

Or l'heure est à un double malaise, des maires et des citoyens. Nos collègues se sentent dépossédés de leur capacité à influer sur le destin de leur commune. Nos concitoyens le perçoivent et perdent de vue l'utilité de s'investir dans la vie communale, voire de voter.

Dans un contexte de crises, nous devons pouvoir nous appuyer sur des communes solides. Les maires restent les acteurs publics locaux les mieux identifiés : les Français les connaissent et savent pouvoir compter sur eux. La commune incarne le service public de proximité. Du fait aussi de sa clause générale de compétence, les attentes à son égard sont fortes.

Les élus se sentent souvent insuffisamment armés pour y répondre, en raison de diverses évolutions : renforcement de l'intercommunalité, technicité croissante... Pour apaiser leur malaise, nous devons résoudre le hiatus entre attentes fortes et moyens.

Nous faisons confiance à nos communes et à nos maires. Les communes ont beaucoup à apporter à l'action publique et à notre vie démocratique : elles sont l'échelon du faire et du bien faire. Proximité et efficacité : voilà ce que nos concitoyens attendent.

L'État doit consolider le rôle de la commune et du maire. Dans cet esprit, nous voulons développer un véritable pouvoir réglementaire local, pour donner des leviers juridiques aux maires. La loi 3DS a consacré ce pouvoir réglementaire local : au législateur de le mettre plus souvent en oeuvre. De même, nous souhaitons une décentralisation différenciée, car c'est l'organisation qui doit s'adapter au terrain, et non l'inverse.

L'État doit jouer un rôle d'accompagnateur et de facilitateur. En la matière, nous amplifierons encore nos efforts dans les mois à venir : renforcement du réseau préfectoral, fonds vert, guichet unique de l'ingénierie, poursuite de la simplification des normes.

Gérald Darmanin et moi-même serons intraitables pour soutenir les maires menacés ou victimes de violences. La peur doit changer de camp. Le déploiement du pack sécurité est une première réponse, qui sera renforcée en liaison avec le Parlement et les associations d'élus.

Nous sommes tout disposés à renforcer le soutien aux communes et aux maires, selon des voies qui ne sont pas figées. Avec l'Association des maires de France (AMF), nous menons une réflexion transversale sur les conditions d'exercice des mandats locaux.

Il nous faut pérenniser le modèle communal que deux siècles de République nous ont légué, mais aussi réfléchir aux changements à impulser pour garantir l'avenir de la commune. Comment favoriser encore la coopération et la solidarité entre communes au service d'une vision partagée du territoire, dans le respect de leur liberté de choix ? Nous continuerons à créer de nouveaux outils en ce sens. Je veux aussi donner plus de visibilité aux communes sur leurs ressources.

Enfin, nous devons responsabiliser nos concitoyens : le modèle de l'électeur-consommateur n'est plus viable. Trouvons ensemble les moyens de mobiliser les Français pour qu'ils fassent corps avec leurs élus !

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Les lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) et portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ont rigidifié l'action locale. Les communes ont été diluées dans de grands ensembles et les politiques uniformisées ; normes et injonctions se multiplient.

Le Sénat ne cesse de tirer la sonnette d'alarme et de tenter de corriger ces déséquilibres.

Depuis la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), l'exercice d'une compétence au sein d'une intercommunalité peut être territorialisé pour prendre en compte la réalité des bassins de vie. C'est une avancée décisive pour un exercice souple et simple des compétences.

Dans les faits, communes et EPCI peinent à s'approprier ce mécanisme et méconnaissent la marche à suivre pour créer un pôle de proximité ou de compétences. Les préfectures tâtonnent pour conseiller les élus.

Quel bilan tirez-vous de ce dispositif ? Comment comptez-vous le faire mieux connaître ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je souhaite, moi aussi, simplifier. Christophe Béchu et le président Larcher ont signé une charte de simplification, qui inventorie plusieurs sujets sur lesquels la direction générale des collectivités locales (DGCL) travaille.

S'agissant de l'exercice territorialisé des compétences, nous ne disposons pas de bilan. J'ai fait 66 visites de terrain depuis neuf mois : certaines intercommunalités fonctionnent bien, mais d'autres - de taille XXL, comme l'a dit M. Bas - ont du mal à fonctionner.

Le rôle du préfet de département est primordial : ils sont le point d'entrée. Nous travaillons pour favoriser l'appropriation par les communes et les intercommunalités des possibilités offertes par la loi. Vous connaissez mon attachement à l'enjeu de la mutualisation - le faire ensemble.

M. Max Brisson.  - Tous les EPCI XXL n'ont pas été imposés. Mais, dans ces structures, le besoin de territorialisation est particulièrement marqué. Faute de proximité, les maires se découragent, car ils ont le sentiment de ne plus compter. Amplifions la territorialisation, sans quoi la crise des vocations et de la démocratie communale s'aggravera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Des circulaires ont été diffusées aux préfets pour leur demander de jouer ce rôle. Nous devons aller plus loin pour renforcer l'information.

M. Max Brisson.  - Madame la ministre, venez au Pays basque : je vous ferai connaître une intercommunalité de plus de 150 maires. Il faut renforcer les pôles de proximité : nos maires doivent avoir le sentiment qu'ils comptent dans la République !

M. Franck Menonville .  - Je salue le dévouement inlassable de nos élus, qui oeuvrent au bon fonctionnement de nos territoires avec courage et désintéressement.

La dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) est destinée à compenser les déplacements obligatoires, les frais de formation et la revalorisation des maires et adjoints. Pour en bénéficier, les communes doivent avoir une population de moins de 1 000 habitants et un potentiel financier par habitant inférieur au potentiel financier moyen par habitant des communes de cette strate, majoré de 25 %.

La moindre variation de potentiel fiscal peut priver une petite commune de ce dispositif. Ces critères, inadaptés aux petites communes, doivent être modifiés. Pour remédier à l'iniquité actuelle, toutes les communes de moins de 500 habitants pourraient toucher la DPEL : qu'en pensez-vous ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je salue comme vous le courage et le désintéressement des élus locaux.

Votre proposition a déjà été évoquée dans la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Pourquoi le seuil de 500 ? Pourquoi pas 1 000 ? C'est l'absence de tout autre critère qui serait source d'iniquité.

Les crédits prévus pour la DPEL sont en augmentation de 7,5 millions d'euros par rapport à l'année dernière.

J'insiste : l'iniquité viendrait d'un changement de règles, avec fixation d'un seuil.

M. Franck Menonville.  - Le problème tient à la variabilité du potentiel fiscal d'une petite commune.

M. Ronan Dantec .  - J'ai plusieurs points d'accord avec Philippe Bas. Larvée ou assumée, la recentralisation est un contresens historique.

Toutefois, nous ne devons pas céder à la nostalgie des petites républiques communales. Le bloc communal doit assumer sa part de responsabilité collective en matière d'environnement et de cohésion sociale.

Les normes seraient le mal, le cancer... Mais nous payons souvent le prix de l'absence de normes : c'est le cas en matière d'accessibilité ou de protection des zones humides.

L'enjeu, c'est l'application des normes. Pourquoi ne pas créer une commission départementale associant l'État, les élus locaux et les associations ? S'il y a consensus, celle-ci pourrait décider de ne pas appliquer une norme.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nombre de maires se plaignent d'un excès de normes. Mais ces pratiques sont liées à notre histoire républicaine. Il serait difficile de repartir d'une page blanche.

En matière d'accessibilité et de protection de l'environnement, je ne vois pas de retard. La création d'une commission départementale ne ferait qu'ajouter de la complexité.

M. Georges Patient .  - La loi de 1992 qui instituait les intercommunalités répondait à une logique de mutualisation des moyens. J'ai soutenu cette évolution, et initié la première communauté de communes de Guyane en 1994. Mais en 2010, le regroupement en EPCI est devenu une obligation.

D'un mouvement volontaire, nous sommes passés à la contrainte avec des transferts obligatoires de compétences. Le rôle du maire et du conseil municipal est devenu secondaire, derrière celui du président de l'intercommunalité.

Pourquoi ne pas créer un conseil des maires au sein de l'EPCI, qui contrôlerait l'action de l'exécutif communautaire ? Ce dernier fait souvent la part trop belle à la ville principale, et dans beaucoup d'EPCI il est perçu comme une simple succursale de celle-ci.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il existe déjà une conférence des maires, mais il est vrai que toutes les intercommunalités ne s'en saisissent pas.

Le pacte de gouvernance entre l'EPCI et ses communes membres fait l'objet d'un débat en début de mandature.

Je citerai également la garantie de la présence au conseil communautaire des maires de moins de 1 000 habitants.

Enfin, il faut mieux associer les maires aux décisions des EPCI.

Nous avons bien les outils nécessaires ; encore faut-il qu'ils soient bien utilisés. En cas de problème, le préfet peut servir de recours. Je suis également à votre disposition.

M. Patrick Kanner .  - Aucune politique publique ne peut être menée sans les moyens correspondants ; et dans certaines communes, la situation est grave à cause des choix de votre Gouvernement. À Saint-Remy-du-Nord, le maire, Lucien Serpillon, et les élus ont décidé de renoncer à toutes leurs indemnités de mars à décembre pour assurer la viabilité financière de la commune. La dotation globale de fonctionnement (DGF) y a été divisée par deux... La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n'a pas arrangé les choses. Il est difficile de parler d'autonomie financière, aux termes de l'article 72 C de la Constitution, sans autonomie fiscale !

À l'Assemblée nationale, vous n'avez pas soutenu la proposition de loi de Philippe Brun visant à protéger le statut d'EDF, qui aurait permis de réduire les coûts des collectivités territoriales.

Vous refusez, en somme, toutes les solutions qui soulageraient les communes. Comment lutter contre cette évolution mortifère, qui nous fait passer d'une centralisation providence à une décentralisation pénitence ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Quelques communes ont vu leur DGF baisser en 2023, mais 94 % d'entre elles ont vu leur DGF augmenter ou se stabiliser. J'ai tendance à voir le verre à moitié plein... L'action du maire que vous citez est tout à son honneur ; nous devons travailler ensemble pour éviter cette situation.

Après l'augmentation de la DGF en 2023, nous travaillons avec Christophe Béchu à la renouveler en 2024 - mais pas à la hauteur de l'inflation : l'État doit encore compenser une partie, pas la totalité.

La suppression de la CVAE participe de la réindustrialisation de la France. Certes, elle a des effets de bord mais elle a été compensée plus qu'à hauteur grâce à la fraction de TVA affectée.

Mme Michelle Gréaume .  - Depuis dix ans, les réformes se sont succédé : lois NOTRe, engagement et proximité, 3DS. Pendant ce temps, les moyens et les dotations se réduisent. En dix ans, des milliards ont été ponctionnés sur les budgets communaux.

La hausse des prix de l'énergie et l'inflation sont de nouvelles menaces. Les dotations sont imposées sans négociation avec les maires.

Or le couple commune - services publics est le coeur battant de la République. Nous l'avons vu lors de la crise sanitaire. Bien souvent, la mairie est la dernière porte qui s'ouvre encore dans certaines communes. Les maires ont le sentiment d'être une variable d'ajustement des choix du Gouvernement, ce qui aggrave le mal-être. Quelles mesures prévoyez-vous pour conforter les maires tout en garantissant les libertés communales ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je ne partage pas votre constat. Depuis 2017, la DGF est stabilisée, elle a augmenté l'année dernière. En dix ans, la DETR a doublé. Celle-ci et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) représentent 2,2 milliards d'euros. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - On parle de fonctionnement, pas d'investissement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Ce gouvernement porte la transition écologique, avec les 2 milliards d'euros supplémentaires du fonds vert.

Bien sûr, on peut toujours faire mieux. Mais la réouverture de six sous-préfectures, les maisons France Services, l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), l'ingénierie au chevet des communes rurales sont autant de politiques qui aident directement nos élus locaux.

Mme Michelle Gréaume.  - La DGF représentait une grande part de ressources de fonctionnement. Les communes sont étranglées.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il a été rappelé que la commune est la petite république dans la grande. On le voit dans la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire : les maires sont à portée de connexion, dans le réel de nos concitoyens.

Vous avez dit que vous étiez la ministre du « faire ». Pour cela, il faut des moyens, notamment dans l'ingénierie. Mais plutôt que d'accompagner, l'ANCT lance surtout des appels à projets, qui sont un collier au cou des maires... Que proposez-vous pour faire en sorte que les projets se fassent ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En matière d'ingénierie, l'ANCT et les commissaires de massifs gèrent le plan Avenir montagne, doté de 31 millions d'euros, avec 62 chefs de projet.

Jeudi, la Première ministre présentera le plan France Ruralités, qui apportera une ingénierie dans les territoires. Accessibilité, mobilité, lutte contre les logements vacants, aménités rurales : nous travaillons sur la cohésion sociale et celle des territoires.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Mathieu Darnaud.  - Complètement à côté de la plaque...

M. Jean-Michel Arnaud.  - Quels moyens au quotidien pour accompagner les projets et les faire sortir ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous proposons aussi, de plus en plus, un accompagnement sans passer par les appels à projets, comme le fonds vert, qui malheureusement n'est pas pleinement mobilisé par les collectivités.

M. Mathieu Darnaud.  - Sauf erreur de ma part, le fonds vert est complémentaire de la DSIL et de la DETR. C'est une « greenisation » des critères d'éligibilité. De plus, ils sont à la main des préfectures de région : en matière de proximité, ce n'est pas idéal. Je note néanmoins votre engagement à assurer un accompagnement régulier, plutôt que par des appels à projets.

Mme Guylène Pantel .  - Loin de moi l'idée d'opposer villes et campagnes. Cependant, sur la base du calcul de la DGF instauré en 2005, qui pondère en fonction de la population, il semblerait qu'en matière budgétaire, un habitant d'une commune de 200 000 habitants pèse deux fois plus qu'un habitant d'une commune de 500 habitants.

Le Gouvernement compense en effet les charges de centralité des communes les plus peuplées ; mais la sous-densité aussi a un coût très important, en matière d'entretien de la voirie, de maintenance des équipements communaux. Les communes doivent mobiliser des moyens pour les services publics de proximité, préserver les petits commerces et, de plus en plus, se protéger des risques naturels.

Quelles sont vos intentions pour réduire l'écart de pondération entre communes les plus peuplées et les moins peuplées ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous travaillons à rendre la DGF plus lisible, ce qui prendra du temps.

En revanche, il n'y a pas de déséquilibre entre territoires ruraux et urbains dans le calcul de la DGF par habitant. La différence se situe au niveau des intercommunalités : les rurales reçoivent en effet un montant plus faible que les intercommunalités plus denses. Nous essaierons de corriger cela en 2024.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la France communale que nous défendons, la relation maire-préfet est souvent mise en avant ; mais il faut aussi valoriser la relation entre le maire et son secrétariat de mairie. Or ce métier est en tension : 2 000 postes sont à pourvoir, un quart des agents ont plus de 58 ans. Les causes de cette crise de vocation sont multiples : charge de travail, isolement, dématérialisation, faible rémunération, absence de reconnaissance par un statut particulier...

Afin de renforcer nos communes, il faut rendre à ce métier sa pleine attractivité. C'est le sens de la proposition de loi que le Sénat examinera ce mercredi.

Quelles dispositions complémentaires le Gouvernement entend-il prendre en la matière ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous devons rendre au métier de secrétaire de mairie sa pleine attractivité. Mon collègue Stanislas Guerini sera mercredi devant vous pour débattre de votre texte, qui est de grande qualité.

Nous faisons déjà en sorte que le niveau d'emploi corresponde aux responsabilités : ce métier sera exercé par des personnels de catégorie B. La revalorisation du métier figure parmi les mesures de France Ruralités qui seront présentées dans quelques jours.

Mme Frédérique Espagnac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce débat nous passionne, car nous sommes témoins de l'engagement des femmes et des hommes dans ces communes - 546, pour ce qui concerne les Pyrénées-Atlantiques. Les communes ont été créées le 14 décembre 1789. Des générations d'élus se sont succédé avec la volonté de bien faire ; mais il y a aujourd'hui tant de défis... Complexification de la mission, sentiment croissant d'impuissance avec l'augmentation de la taille des intercommunalités, crise civique... Tout cela pourrait entraîner une crise des vocations aux prochaines élections municipales, chez les élus comme chez les employés communaux. Or sans eux, pas de proximité ni d'efficacité.

Il faut en finir avec la technocratie et faire simple : privilégier l'aller-vers, améliorer le statut de l'élu, revaloriser les petites mains de la République que sont les secrétaires de mairie, mettre en oeuvre une réelle subsidiarité. Quelles mesures comptez-vous prendre ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous n'avons jamais autant apporté aux communes en investissement : 4 milliards d'euros. La DGF a augmenté pour la première fois depuis treize ans.

Il faut en effet faire plus simple, c'est une évidence, et nous allons y travailler avec l'AMF. Mon collègue Christophe Béchu et Gérard Larcher ont récemment signé une charte sur le sujet.

Enfin, nous devons travailler sur la reconnaissance du métier de secrétaire de mairie, pour que la confiance dont ont besoin les maires devienne une évidence.

Moyens de fonctionnement, moyens pour investir, ingénierie, simplification et reconnaissance, voilà nos axes de travail.

M. Jean-François Longeot .  - Les communes sont le socle de notre organisation territoriale ; elles sont entrées dans l'imaginaire des Français, avec l'église au milieu du village... Mais depuis les années 2000, on tente de les ringardiser au profit de leur version contemporaine, l'intercommunalité. La commune reste pourtant un repère essentiel pour nos compatriotes, le point d'entrée de toutes les doléances.

La commune est cependant confrontée à des défis majeurs, à commencer par la répartition des compétences avec l'État. Comment peut-on prétendre renforcer la décentralisation tout en supprimant les leviers de souveraineté fiscale des collectivités ?

La réforme des intercommunalités a donné lieu à 1 254 regroupements. Si la vérité de l'État est de substituer l'intercommunalité aux communes, n'est-on pas allé trop loin ? L'objectif de rationalisation est-il clair ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - L'émiettement communal reste important : plus de 18 000 communes ont encore moins de 500 habitants, près de 9 000 moins de 200 habitants.

Le Gouvernement mise sur la stabilité : il n'y aura pas de transfert de compétences massif. La commune nouvelle et la communauté de communes sont de bons outils pour lutter contre l'émiettement communal, quand cela part des maires et des communes.

Nous ne ferons rien pour accélérer le mouvement de regroupement des communes. Certaines intercommunalités fonctionnent bien, d'autres moins. Nous allons faire en sorte d'embarquer tous les maires, en les accompagnant dans la durée.

Mme Elsa Schalck .  - Notre pays est riche de ses 35 000 communes et les Français y sont attachés. La seule source d'efficacité des politiques publiques se trouve précisément dans cette proximité si précieuse. Mais, avec la complexification des procédures, la multiplication des interlocuteurs, les lenteurs administratives, la remise en cause du principe de libre administration, la recentralisation asphyxie l'exercice du mandat local ; pis, elle démotive.

Pourquoi la volonté de simplification finit-elle en complexification ? La multiplicité des agences de l'État a créé un patchwork administratif, la dématérialisation, au lieu de faire gagner du temps, s'est traduite par un éloignement humain. Les exemples sont nombreux : réorganisation des finances publiques, foisonnement des appels à projets, complexité du fonds vert.

Quand allez-vous entendre la voix des maires et regrouper les dotations, plutôt que de mener des politiques en silo qui suscitent l'incompréhension ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Comme je l'ai souligné, le Gouvernement est à l'écoute des besoins, avec la DGF en augmentation, les deux milliards d'euros supplémentaires pour l'investissement. Pour le fonds vert, la page d'accueil sur le site est simple, même s'il est vrai que les documents à fournir peuvent être complexes...

M. Mathieu Darnaud.  - Quatorze pages !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous devons être aux côtés de nos maires et leur donner espoir. (M. Mathieu Darnaud s'exclame.) Nos préfets et sous-préfets sont en soutien total. J'invite les maires en difficulté de votre région à se rapprocher des services de l'État ou de mon ministère.

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Répondre à la crise démocratique, c'est aussi répondre à la crise de la représentation. Tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique, ce qui impose de corriger les déséquilibres les plus flagrants. La démocratie a peu à gagner en rémunérant peu ou mal les fonctions électives, comme le montrait dès 1976 un rapport d'Olivier Guichard. Pierre Mauroy prônait ensuite dans un autre rapport la mise en place d'un véritable statut de l'élu.

La multiplication des revalorisations depuis 40 ans a pu laisser penser que les élus étaient plus favorisés que la majorité des citoyens, d'où des incompréhensions. Il faut empêcher que les titulaires de mandats restent indéfiniment en place et créer un véritable statut de l'élu local. Le Gouvernement y est-il disposé ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Oui ! Nous avons commencé à travailler sur le sujet. Je sais, pour avoir lu certains de vos écrits, combien vos compétences sont grandes en la matière. Nous vous contacterons début juillet pour vous informer de l'état d'avancement des travaux.

M. Éric Kerrouche.  - Vous avez de saines lectures ! Il conviendrait déjà de rassembler les textes qui touchent au statut de l'élu, dispersés dans le code des collectivités territoriales. C'est une condition de la démocratie locale.

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Le rapport public annuel de la Cour des comptes est sans appel : les dépenses des communes ne cessent de croître. Le bloc communal assume à lui seul 61 % des dépenses d'investissement.

Parallèlement, la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE a distendu le lien entre les collectivités et les entreprises.

L'autonomie des communes est insuffisante. Notre collègue Mathieu Darnaud mène un combat sans relâche pour le maintien de la compétence eau dans les communes. L'objectif du ZAN aura un effet sur la fiscalité foncière. Il faut un changement de paradigme, or deux ans après la loi Climat et résilience, le Gouvernement n'a toujours pas proposé de modèle de financement pour faire face à ces contraintes. Allez-vous refondre la fiscalité locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'ai souscrit à la suppression de la taxe d'habitation, qui a certes eu pour effet de distendre le lien entre le maire et ses habitants, mais aussi d'améliorer le pouvoir d'achat et de réduire les inégalités.

Sur la mutualisation de l'eau et de l'assainissement à l'échelon intercommunal, récemment débattue à l'Assemblée, je vous invite à travailler avec les députés pour trouver un compromis. Sans toucher au principe du transfert, on doit pouvoir trouver un chemin commun.

Sur la fiscalité foncière, je vous invite à attendre les discussions à l'Assemblée nationale sur le ZAN, le 21 juin. Le Gouvernement est prêt à faire de gros efforts. Je reste à votre disposition.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Nous attendons un atterrissage sur le ZAN, mais aussi sur la fiscalité, dès le prochain projet de loi de finances.

M. Olivier Paccaud .  - La moitié de nos 35 000 communes abritent moins de 500 âmes. Ces poussières de France recèlent une partie de notre essence nationale - mais d'aucuns y voient un legs archaïque et coûteux, un excès de crème dans notre millefeuille territorial. Pourtant, en 2021, huit petites communes sur dix avaient une situation budgétaire saine. Pour élaguer le vieux chêne, le Gouvernement les incite à fusionner - mais elles y sont rétives - ou à renforcer l'intercommunalité - mais un pays ne s'administre bien que de près. La commune demeure le chemin le plus court vers la démocratie, l'alvéole où la République prend son souffle.

Entre normes touffues et chronophages, moyens réduits et exigence de proximité, le sacerdoce municipal est bien ingrat.

Que veut le Gouvernement ? Laisser dépérir les petits villages pour qu'ils fusionnent de guerre lasse, ou les aider pour que la démocratie et le service public infusent jusqu'au dernier hameau ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Excellent !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les communes de moins de 500 habitants sont des lieux de vie, de lien social, de solidarité, de don de soi. Le Gouvernement veut les aider.

M. François Bonhomme.  - Nous voilà rassurés !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous avons ainsi revalorisé les indemnités de leurs élus et prévu un accompagnement en matière d'ingénierie. La Première ministre fera des annonces jeudi.

Face à l'émiettement communal, le Gouvernement souhaite relancer, sur la base du volontariat, la constitution de communes nouvelles. Je n'ai reçu aucune consigne. J'ai rencontré la présidente Gatel (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), avec qui nous travaillons. Il n'y a aucune volonté de réduire le nombre de communes, seulement d'accompagner les communes volontaires.

M. Bruno Rojouan .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous observons un regain d'intérêt de nos concitoyens pour la ruralité. La petite commune a un avenir au sein de la République. Il faut permettre son développement en facilitant l'aménagement local et en simplifiant les différents schémas qui brident la conduite des projets. Le ZAN est une inquiétude supplémentaire. Bureaux de poste, écoles et guichets continuent de fermer. Les maisons France Services ne règlent pas tout, et représentent un reste à charge.

Enfin il faut redonner de l'autonomie financière aux communes. En supprimant le levier fiscal, vous imposez une tutelle déguisée. Les élus locaux perdent leur pouvoir dans ce grand mouvement de recentralisation. Où en sont vos réflexions sur ce sujet primordial ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Non, la petite commune n'est pas un modèle dépassé. France Ruralité est là pour apporter un accompagnement en ingénierie et sur des politiques publiques comme le logement ou les mobilités. Nous vous présenterons en octobre un projet de loi sur les ZRR pour renforcer leur attractivité.

Le ZAN est une source de complexité ; nous y répondons avec France Ruralité, qui accompagnera les projets de territoire, en ingénierie et en financement, à la maille de la commune ou du bassin de vie.

M. Bruno Rojouan.  - La République, avec ses valeurs, est représentée par les maires : ce sont eux qui tiennent la République française. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Ce débat aurait pu s'intituler : l'avenir de la démocratie locale. Chaque jour, des maires démissionnent, des élus alertent sur la complexification des projets et annoncent qu'ils ne se représenteront pas.

Au Sénat, nous oeuvrons, notamment avec la mission sur l'avenir de la commune. Pourquoi l'État ne se saisit-il pas de nos propositions ? Pourquoi n'arrivons-nous pas à simplifier ? (Mme Françoise Gatel le confirme.) À mettre fin aux politiques en silo, aux appels à projets qui perdent les élus ? Pourquoi ce que nous votons ici n'est-il jamais mis en application ? (M. Laurent Burgoa renchérit.)

Combien de propositions avons-nous faites dans la loi 3DS en matière d'urbanisme, pour donner plus de liberté et d'agilité aux maires ? Jamais le Gouvernement n'a donné suite. (Mme la ministre le conteste ; applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Nous voulons avancer sur des bases réelles, pas sur de vagues promesses. Sur le statut de l'élu, le Sénat fait des propositions depuis 2018. Les maires attendent de la simplicité. Comment expliquer que l'instruction d'un dossier DETR ou DSIL par les préfets soit si complexe ? Simplifiez donc la tâche ! L'État refuse de voir l'évidence. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Madame la ministre, nous serons à vos côtés pour avancer avec pragmatisme, y compris sur les communes nouvelles. Il faut aussi savoir redonner de la confiance et de la liberté. Sur l'eau et l'assainissement, vous dites vouloir trouver des solutions, mais refusez de revenir sur le transfert de compétences ! Avançons collectivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Le temps est venu de se pencher sur les propositions du Sénat, qui a travaillé sur les irritants de la loi NOTRe avec la volonté d'aider les maires à faire vivre la démocratie locale. Assez de paroles, place aux actes ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Françoise Gatel.  - Tout est dit !

La séance est suspendue quelques instants.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Anne Ventalon.  - Lors du scrutin public n°300, M. Ronan Le Gleut souhaitait voter pour.

Mme le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture .  - Ce sujet est l'un des grands combats de mon mandat de sénatrice, qui m'a conduite à déposer une proposition de loi en 2008 pour permettre la restitution de la tête maorie conservée à Rouen. Il s'agit pour moi d'une question de dignité de la personne humaine, de justice, de respect et de mémoire.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Les collections de restes humains ne sont pas des collections comme les autres. Le code civil rappelle que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Un certain nombre de restes humains n'ont pas leur place dans nos collections, au vu des conditions de leur collecte. Trophées de guerre, commerce barbare de têtes maories, tatouées avant d'être tranchées, restes humains prélevés à l'étranger à des fins scientifiques : les récits d'expéditions du XVIIIe siècle fourmillent de tels exemples.

Ces actes sont irréparables, mais nous ne pouvons les passer sous silence. Un dialogue avec les États d'origine est nécessaire. Je salue la présence en tribune de Mme Gillian Bird, ambassadrice d'Australie, pays qui demande le retour des restes humains d'origine aborigène que nous conservons. (Applaudissements)

Comme tous les biens appartenant aux collections publiques, les restes humains sont inaliénables. On ne peut les restituer sans autorisation du législateur. Seules cinq restitutions ont eu lieu, dont seulement deux par voie parlementaire. C'est pourquoi la commission de la culture plaide depuis des années pour une dérogation de portée générale au principe d'inaliénabilité des collections publiques.

L'attente internationale est forte, de la part des pays demandeurs mais aussi de l'Unesco ou de l'Icom (International Council of Museums), qui appellent à des pratiques plus éthiques.

Le Sénat a voté en 2020 une proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels, dont l'article 2 mettait en place une telle dérogation, mais le texte n'avait pas prospéré. La commission se réjouit donc de cette nouvelle initiative.

Ce texte est une oeuvre collective, et je rends hommage à nos anciens collègues Nicolas About et Philippe Richert, qui ont permis le retour de la Vénus Hottentote. Je remercie Max Brisson et Pierre Ouzoulias, co-auteurs de cette proposition de loi, et salue le groupe de travail sur le sujet animé par Michel Van Praêt et Claire Chastanier. Merci à vous et à vos équipes, madame la ministre, pour votre soutien.

La commission a jugé le texte équilibré. La dérogation au principe d'inaliénabilité sera fondée sur des critères objectifs et passera par des comités scientifiques solides, afin d'éviter le fait du prince. Nous espérons que le texte ira à son terme. Il faudra octroyer aux établissements publics des moyens pour approfondir le travail de recherche sur leurs collections. L'identité des restes est pour la plupart inconnue, ce qui empêche les restitutions.

Ce texte, conçu dans une logique interétatique, laisse de côté le sujet des restitutions de restes humains d'origine française. C'est pourquoi la commission a demandé la remise d'un rapport pour répondre aux demandes légitimes de nos outre-mer. L'odyssée législative n'est donc pas tout à fait terminée. Je remercie le président Lafon pour son soutien. (Applaudissements)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Le débat en commission fut passionnant. Je me réjouis de ce résultat qui marque l'aboutissement du travail méthodique mené depuis des années par Catherine Morin-Desailly. Jusqu'à présent, seules deux lois d'exception ont permis de restituer des restes humains, à l'Afrique du Sud en 2002, et à la Nouvelle-Zélande en 2010. Grâce à votre engagement, le Sénat a été en avance sur son temps. Désormais, le débat a atteint sa maturité. Il faut maintenant dépasser les lois d'espèce et fixer un cadre juridique clair, fondé sur les expertises historiques et scientifiques et sur la qualité du dialogue bilatéral.

Cette proposition de loi n'est pas technique : elle est éthique, voire philosophique. Elle renvoie à notre rapport à la mort, au deuil, à la fraternité, à la valeur universelle de la dignité humaine. « Restes humains », la formule résonne étrangement. On y entend l'importance de l'humain, et des traces laissées ou transmises.

Ces restes humains ont pu entrer dans nos collections publiques dans des conditions suspectes, violentes et illégitimes. Trophées ou objets de curiosité, ils étaient censés éclairer de prétendues différences entre les races. Interdit en Australie et en Nouvelle-Zélande en 1831, ce commerce ignoble s'est poursuivi bien après.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai engagé un dialogue avec le Parlement en vue d'aboutir à trois lois-cadres. La première, relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations durant la période nazie, a été votée à l'unanimité le 23 mai dernier. Nous avons laissé au Sénat l'initiative de cette deuxième loi-cadre - et je salue votre travail. La troisième loi-cadre, relative aux biens culturels africains, nécessite encore plusieurs mois de travail et s'appuiera sur le récent rapport de Jean-Luc Martinez.

L'inaliénabilité des collections publiques est un principe protecteur, que nous ne souhaitons pas remettre en cause.

Mais la façon dont ces restes humains sont entrés dans nos musées invite à s'interroger sur la légitimité de leur présence dans les collections publiques. Cela suppose un travail rigoureux de recherche de provenance, mené par des professionnels mieux formés à ces enjeux. Un processus de restitution pourra alors être engagé dans le dialogue.

Le squelette du fils d'un chef amérindien de la communauté Liempichún a fait l'objet d'une demande de restitution par l'Argentine. Sa sépulture semble avoir été pillée par l'équipage du comte Henry de La Vaulx qui, entre 1896 et 1897, a parcouru la Patagonie. Dans son journal, il reconnaît commettre des sacrilèges, mais avance comme excuse de rapporter en France « un beau spécimen de la race indienne. Qu'importe après tout que ce Tehuelche dorme en Patagonie dans un trou ou au Muséum sous une vitrine. » Le reste est à l'avenant...

Le second exemple concerne les restes de personnes aborigènes conservés au Muséum d'histoire naturelle à Paris et au conservatoire d'anatomie de la faculté de Montpellier. En 2014, après un long dialogue entre la France et l'Australie, il a été décidé de mandater des experts. Le 16 mai dernier, un accord est intervenu en vue de leur rapatriement. Une fois adoptée, la proposition de loi facilitera la restitution prochaine.

Chère Catherine Morin-Desailly, votre texte est salutaire. Il est le fruit de nombreux échanges avec les équipes du ministère, avec des professionnels du droit, des musées et des instances internationales. Vos propositions réaffirment la nécessité du dialogue bilatéral, du respect des personnes et des communautés, mais aussi de la recherche scientifique. Je m'engage à tout faire pour faciliter le travail d'identification. Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi de dignité, d'humanité et de justice. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Decool .  - Certains restes humains ont intégré de manière suspecte voire illégitime nos collections publiques. Ils témoignent d'un temps révolu, de pratiques qu'il ne nous appartient pas de juger, mais de réparer.

L'adoption du projet de loi relatif à la restitution des biens spoliés durant la période nazie est une première avancée. Notre groupe salue ce deuxième texte, une loi de dignité essentielle, qui nécessitait un débat dédié. Il était important de rendre hommage aux États et aux familles concernées.

Je salue l'engagement de Catherine Morin-Desailly, accompagnée de Max Brisson et Pierre Ouzoulias. Ce texte est une grande avancée pour la politique mémorielle de la France. L'accueil unanime récompense un travail de longue haleine.

Cette proposition de loi revêt une dimension philosophique. Elle touche à notre rapport à la mort.

Les procédures seront simplifiées et accélérées. Bien sûr, le principe d'inaliénabilité protège nos collections publiques : des garde-fous empêcheront des restitutions irréfléchies. Un amendement de notre rapporteure, adopté en commission, encadre encore davantage l'instruction des demandes.

Ce texte nous invite à repenser les expositions et l'organisation muséale. Bien sûr, nos collections seront amoindries par les demandes de restitution : il faudra alors trouver de nouvelles manières de faire vivre ces oeuvres, en s'appuyant sur des photographies, des animations ou des oeuvres numériques. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pierre Ouzoulias, Julien Bargeton et Max Brisson applaudissent également.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue le travail constant de la rapporteure et je félicite ses co-auteurs, Max Brisson et Pierre Ouzoulias.

Cette loi de justice, de progrès et de dignité, pose les bonnes questions. Le corps humain est-il un bien culturel ? L'inaliénabilité de nos collections publiques doit-elle faire obstacle à la restitution ? La présence de ces restes humains résulte souvent de périodes sombres de notre histoire, marquées par la colonisation, l'esclavage, les guerres, le mépris des corps.

Tout le monde a en tête la terrible histoire de Saartjie Baartman, la Vénus hottentote, exposée dans des cabarets anglais et français, humiliée et violée, asservie jusqu'à la fin de ses jours - et même au-delà. Dès la fin de l'Apartheid, l'Afrique du Sud a demandé le retour de sa dépouille. Ce n'est qu'en 2002, après deux cents ans, qu'elle a pu être inhumée dignement sur la terre de ses ancêtres.

Le vaste mouvement de demande de restitutions est compréhensible mais comporte des risques d'inflation législative. Nous sommes favorables à la création d'un cadre clair.

Ce n'est pas la première fois que le Sénat témoigne de sa prise de conscience du sujet. La proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques prévoyait déjà un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens ainsi que la procédure pour agir en nullité de vente, donation ou legs de corps humain. Le texte n'a pas prospéré, le Gouvernement ayant annoncé des projets de loi dédiés.

Cette proposition de loi a pour ambition de traiter le sujet des restes humains sans qu'il soit besoin de textes législatifs ultérieurs au cas par cas. Elle prévoit la possibilité de sortir les corps humains datant de moins de 500 ans des collections, après décret en Conseil d'État et rapport du ministère de la culture et du ministère de tutelle de l'établissement. Elle ne pourra intervenir que pour un État qui en aura fait la demande, uniquement dans un but funéraire. Un comité scientifique et un rapport annuel au Parlement sont prévus. Ce texte prévoit une solution humaine, efficace, respectueuse et transparente. C'est un texte de justice et de dignité, que nous soutenons. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. Julien Bargeton .  - Ce texte est solennel et émouvant.

Après une série de textes d'espèce, nous nous engageons désormais dans l'adoption de lois-cadres, après celle sur les biens juifs spoliés et avant le débat sur les biens provenant d'anciennes colonies. Le Parlement n'aura plus à se prononcer sur chaque oeuvre.

La proposition de loi nous rappelle nos heures sombres : nous revivons le racisme qui accompagnait l'entrée de ces corps sur notre territoire. Le film d'Abdellatif Kechiche Vénus noire montre bien la violence subie par Saartje Bartman lors de son examen par Cuvier. L'ethnologue Stephen Jay Gould parle à juste titre de la « mal-mesure de l'homme ».

Aux termes du code civil, le respect du corps humain ne s'arrête pas avec la mort : l'homo sapiens prend soin de ses défunts. C'est la définition même de l'humanité, avec des rites funéraires très divers.

Ce texte est clair et bienvenu. Il est aussi précis, scientifique et raisonné. Je vous félicite, madame la rapporteure, pour votre travail. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements au banc des commissions ; MM. Max Brisson, Lucien Stanzione et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Lucien Stanzione .  - Le temps est venu de reconnaître l'histoire tragique de certaines collections muséales. Ce texte représente une avancée significative, car il favorise le dialogue avec les pays demandeurs. Certaines pièces de nos musées ont été collectées dans des conditions inacceptables. Nous devons réfléchir à la notion de dignité humaine, de compassion et de respect de ces individus. Il est temps de réparer les blessures et de rendre leur dignité à ces victimes.

La restitution des restes humains de moins de 500 ans donne une lueur d'espoir aux pays concernés. La loi offre une vision globale et cohérente. Nous ne serons plus confrontés aux restitutions ad hoc.

Pour mener à bien cette mission de justice, le comité scientifique devra faire preuve de rigueur et d'impartialité. Les experts et les représentants des pays évalueront la demande avec une approche humaine, éthique et scientifique : chaque décision respectera les individus dont les restes sont en jeu.

Je salue les apports de la commission, notamment pour éviter toute sortie avant le rapport du comité mixte indépendant. La commission demande au Gouvernement de fournir les ressources pour approfondir les recherches sur les collections.

C'est une première étape, qui n'aborde toutefois pas les restes d'origine ultramarine ; un rapport devra être remis dans délai d'un an.

Ce texte comble une lacune juridique et répare les brèches de notre histoire. Une troisième loi-cadre, portant sur les biens mal acquis, nous permettra d'avancer avec courage, honnêteté et responsabilité.

Nous soutenons ce texte de justice, pour rendre hommage à ceux qui ont été réduits au silence et ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire où la compassion et la justice prévalent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions ; MM. Pierre Ouzoulias et Julien Bargeton applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - La loi du 29 juillet 1994 a introduit dans le code civil un article 16-1 : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. » Il a ensuite été complété par l'article 16-1-1 de la loi du 19 décembre 2008 : « Le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort. » Nous devons cet ajout à Jean-Pierre Sueur. En dix ans, la loi a considérablement évolué. Le corps humain post mortem est devenu un objet de droit à traiter avec dignité.

Le traitement des nombreux restes humains détenus dans nos collections publiques ne pouvait plus faire abstraction des évolutions éthiques et législatives.

Le crâne de René Descartes, conservé au Musée de l'Homme, fut remis en 1821 par le collectionneur Berzelius à Georges Cuvier. Les autres os de son corps reposent dans une chapelle de l'église de Saint-Germain-des-Prés. Cette disjonction est-elle justifiée ?

Autre exemple : l'assassin du général Kléber mourut empalé dans d'atroces souffrances. Son squelette fut montré durant de nombreuses années. Cette monstration avait quelque chose de monstrueux.

L'action de Catherine Morin-Desailly pour les têtes maories fut exemplaire. Elle a dégagé une méthode en trois étapes : une demande instruite d'État à État, un travail scientifique transparent et collégial, un traitement funéraire des restes, à la suite de l'avis de 2010 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il est regrettable que les musées aient mis tant de temps à s'en inspirer.

En 2005, le rapport Collinet-Metzger préconisait la création d'un comité d'éthique indépendant rattaché directement au ministre et un plan ambitieux de récolement des collections. On attend encore.

Madame la ministre, une fois la loi votée, il restera un grand chantier pour mettre en application ces principes. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Certains sujets parlent plus aux profanes que d'autres : c'est le cas ici. (Sourires) Loin d'être anecdotique, le sujet est concret. Nos collections regorgeraient de squelettes, de têtes, parfois d'origine étrangère, aujourd'hui réclamés par les pays d'origine.

Le sujet est aussi géopolitique et juridique. Le cas des restes humains est plus délicat que celui des biens spoliés par les nazis puisque la procédure de déclassement n'est pas appropriée. Il faut toujours passer par la loi pour effectuer de telles restitutions, et déroger au principe d'inaliénabilité des collections.

Cette restitution interroge notre rapport à la mort, à la mémoire, à l'humanité. Le groupe UC a été moteur sur cette question : Nicolas About a été à l'origine de la loi permettant la restitution de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud et Catherine Morin-Desailly, de celle permettant la restitution des têtes maories.

Cette proposition de loi est l'aboutissement de travaux menés sur le sujet depuis plus de dix ans. Des critères ont été définis, que nous allons inscrire dans la loi. La restitution ne pourra être accordée qu'à des États étrangers et à des fins funéraires. Des procédures et des critères clairs, c'est ce qu'il fallait.

Un dispositif ad hoc devra être trouvé pour les restes ultramarins. Je remercie les auteurs d'avoir porté cette proposition de loi sur les fonts baptismaux. (Applaudissements)

M. Bernard Fialaire .  - La conservation des vestiges humains ne saurait constituer un but en soi, selon le CCNE. Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes humains doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité compliquent le déclassement, ce qui exige l'intervention du législateur.

En 2022, le Sénat a adopté une proposition de loi définissant des conditions de sortie, hélas restée dans les tiroirs de l'Assemblée nationale. Le code de déontologie de l'Icom, reconnu par l'Unesco, a désigné ces restes comme des collections sensibles, et les a exclus des collections classiques.

En 2007, une résolution de l'ONU a inscrit un droit au rapatriement des restes humains. En 2010, le législateur avait ouvert la réflexion sur la restitution. En 2018, un rapport inventoriait 150 000 restes humains conservés dans 249 musées et 23 universités. En décembre 2020, la commission de la culture préconisait dans un rapport d'information une disposition législative générale pour faciliter la restitution à des pays tiers.

En s'appuyant sur les progrès de la médecine, cette proposition prépare les prochaines restitutions - je pense à l'Australie.

Si un bien culturel n'est pas un bien ordinaire, c'est encore moins le cas des restes humains, qu'il faut considérer avec toute la singularité et le respect qu'ils inspirent. Cette proposition de loi nous y invite. Nous la soutenons. (Applaudissements)

M. Max Brisson .  - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité en commission, marque l'aboutissement des travaux menés par le Sénat sur ce sujet. Notre pays devait affirmer une position claire et partagée et se doter d'outils pour répondre aux demandes de restitution.

Les restes humains ne sont pas des biens ordinaires, au regard du respect de la dignité des personnes, des cultures et des croyances. La France a déjà accepté le retour de restes humains sur la terre de leurs ancêtres. D'autres voies ont été hélas empruntées en dehors de tout cadre légal, à l'instar des restitutions à l'Algérie en février 2020. Nous ne pouvons accepter le fait du prince.

Il faut fixer un cadre pour vérifier que la sortie des collections publiques est justifiée. Votre prédécesseur, madame la ministre, rejetait l'idée même d'un conseil national de réflexion. Nous tenions, nous, à ce qu'une instance composée de spécialistes analyse l'origine et le parcours des restes humains. Nous avions été éconduits.

Les critères d'autorisation des restitutions par le comité scientifique sont les suivants : des restes de moins de 500 ans, appartenant à un groupe vivant, dont la culture et les traditions sont actives et dont les conditions de collecte portent atteinte au principe de la dignité humaine ou dont la présence dans les collections est incompatible avec sa culture et ses traditions. La restitution ne pourra se faire qu'à des fins funéraires, et le Gouvernement devra remettre un rapport annuel au Parlement. Le consensus avance. Nous vous en remercions, madame la ministre.

Après le texte sur les biens juifs spoliés, vous avez annoncé un troisième texte sur les biens mal acquis, notamment lors de la colonisation de l'Afrique. Le Sénat est prêt à travailler sur ce sujet plus large, mais aussi polémique. Notre ligne sera d'éclairer l'exécutif par une analyse scientifique indépendante, pour éviter le fait du prince.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Mme le président.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Ce texte est un texte de progrès - dans notre relation lucide avec l'histoire, dans le respect que nous devons à toute personne, même après la mort, dans la dimension éthique de nos collections muséographiques.

Je salue le travail constant des sénateurs qui se sont penchés sur ce sujet : les trois auteurs de cette proposition de loi et en particulier Catherine Morin-Desailly, tenace et persévérante sur ce sujet. (Applaudissements)

Réforme de l'audiovisuel public (Suite)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Discussion des articles (Suite)

APRÈS L'ARTICLE 10

Mme le président.  - Amendement n°25, présenté par MM. Kern et Savin.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 222-16-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 222-16-... ainsi rédigé :

« Art. L. 222-16-... Les dispositions de l'article L. 222-16-1 ne s'appliquent pas aux retransmissions, en direct ou en différé, par des services de communications électroniques, d'évènements sportifs ou compétitions sportives se déroulant hors du territoire français, ainsi que les extraits ou résumés de ces évènements ou compétitions, dès lors que :

« 1° La législation du pays dans lequel se déroule l'évènement sportif ou la compétition sportive concerné autorise la publicité relative à la fourniture des services mentionnés à l'article L. 222-16-1 ;

« 2° L'éditeur du service de communications électroniques qui retransmet l'évènement sportif ou la compétition sportive concerné ne fait preuve d'aucune complaisance à l'égard des publicités relatives à la fourniture de services mentionnés à l'article L. 222-16-1, et n'a pas les possibilités techniques ou contractuelles de prévenir l'apparition de ces publicités. »

M. Claude Kern.  - Il s'agit de lever une insécurité juridique pour les organisateurs d'événements sportifs se déroulant à l'étranger. Il faut aménager les règles de publicité relatives aux services financiers lorsqu'elles sont différentes dans le pays d'accueil du match, comme cela se fait pour la publicité relative à l'alcool ou au tabac.

Le logo qui s'affiche sur le maillot d'un joueur de l'Atalanta Bergame ne s'adresse pas aux téléspectateurs français. Ceux-ci pourraient se voir priver de matchs européens disputés par des équipes françaises, au motif que des publicités illicites seraient diffusées.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Un sponsor maillot peut être autorisé dans un pays et non dans un autre. Nonobstant mon admiration pour le président de l'Atalanta, nous avons une difficulté concernant un sponsor promouvant des placements spéculatifs à risque. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Une fois la dérogation admise, les annonceurs risquent de contourner la réglementation. Nous l'avons vu avec la loi Évin. C'est la régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui a permis de régler la question, en distinguant les responsabilités des uns et des autres.

Privilégions la voie de la régulation souple. Avis défavorable.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Thomas Dossus.  - Mon amendement n°69, qui portait également sur la publicité, s'est vu opposer l'article 45, lui. Je tenais à le souligner.

M. Claude Kern.  - Je comprends la ministre, mais s'agissant de la publicité pour l'alcool, on pouvait flouter la marque ou de la modifier. C'est plus difficile sur le maillot d'un joueur qui court. Comment lever cette insécurité juridique et ne pas priver les spectateurs français de matchs européens joués par leur équipe dès septembre ?

L'amendement n°25 est retiré.

ARTICLE 11

Mme le président.  - Amendement n°73, présenté par M. Bargeton.

Supprimer cet article.

M. Julien Bargeton.  - Les évolutions technologiques remettent en cause la visibilité des services de télévision ou de radio. La présence d'un service audio, d'une appli sur l'interface d'un téléviseur relève d'accords internationaux. Il était donc nécessaire de réguler ces pratiques. Les dispositions introduites par cet article sont en cours de mise en oeuvre. L'Arcom a publié les interfaces éligibles à ce dispositif.

L'article 11 retire au dispositif actuel la souplesse nécessaire face aux évolutions très rapides du marché et empêcherait des chaînes de télévision associatives ou locales d'être qualifiées de services d'intérêt général (SIG). Bref, il rigidifie un dispositif que nous souhaitons assouplir.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - L'Arcom vient de lancer une consultation publique sur les SIG, auxquels nous voulons donner une meilleure visibilité. Avis favorable.

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Après les mots :

TV5 Monde

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et les services à vocation régionale ou locale dont le capital est majoritairement détenu par l'État, une collectivité territoriale ou une personne de droit public, pour l'exercice de leurs missions de service public.

Mme Sylvie Robert.  - Les SIG peuvent exister à l'échelle locale. Il faut élargir leur définition aux médias régionaux ou locaux, sous certaines conditions : des capitaux majoritairement publics, et une mission de service public, notamment d'information. De plus en plus de collectivités investissent dans les médias locaux, encadrés par l'Arcom, qui rencontrent la confiance des Français.

Mme le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Après les mots :

service public

supprimer la fin de cet alinéa.

M. David Assouline.  - Encore un cadeau aux groupes privés ! Vous justifiez l'absence de publicité sur le service public pour lui donner une visibilité particulière, et vous voulez que toutes les chaînes d'actualité - donc tout le privé - bénéficie du label SIG. On ne peut pas prétendre renforcer le service public et dire que son intérêt n'est pas supérieur à celui des chaînes privées. Vous banalisez le service public en lui enlevant son avantage concurrentiel. Le label SIG doit lui être réservé.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Je le répète, l'intérêt du service public est d'inclure l'ensemble des chaînes de la TNT dans le SIG. Avis défavorable à l'amendement n°56.

Quant à l'amendement n°46, il irait contre le droit européen. L'élargissement à toutes les chaînes de la TNT est défendu par France Télévisions, afin de pouvoir peser face aux fabricants de télévisions connectées. Il n'y a aucune chance que ces industriels acceptent un bouton TNT réservé aux chaînes publiques. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis défavorable également. L'article 20-7 de la loi de 1986 est clair : après consultation publique, l'Arcom peut inclure dans les SIG d'autres services de communication audiovisuelle, au regard notamment de leur contribution au pluralisme. La directive SMA aussi autorise cet élargissement. La consultation prévue est en cours.

M. David Assouline.  - Je suis encore plus choqué... (Murmures à droite) La directive et la loi de 1986 le permettent, dites-vous. Oui, mais il est possible aussi d'aller dans un autre sens !

Vous parlez de pluralisme, mais j'ai cru vous entendre dire, madame la ministre, que certaines chaînes de la TNT ne le respectaient pas scrupuleusement... Allez-vous donner le label SIG à CNews ? Ça, c'est du concret !

M. le rapporteur voudrait que toutes les chaînes de la TNT profitent de ce label. Nous ne sommes pas contre un élargissement, notamment aux chaînes locales, mais on ne peut pas prendre une décision de cette importance à la va-vite, à la veille de l'été.

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°46.

Mme le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour les éditeurs de services diffusant plus de 20 % de leur temps de diffusion à des oeuvres audiovisuelles, la part du chiffre d'affaires consacrée à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française dans des oeuvres relevant des genres énumérés au second alinéa du 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ne doit pas être inférieur à 12,5 %.

M. David Assouline.  - Cet amendement de repli précise les critères ouvrant droit à la mise en avant sur les supports connectés. Un lien doit être créé entre la qualité de SIG et l'exigence éditoriale en matière de création patrimoniale, la plus ambitieuse. Nous proposons de réserver la qualité de SIG aux diffuseurs qui consacrent la totalité de leurs obligations ou 12,5 % de leur chiffre d'affaires au financement de la création patrimoniale. Si l'on élargit la qualité de SIG, il faut élargir aussi les obligations !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'élargissement du périmètre des SIG à l'ensemble des chaînes de la TNT doit leur permettre de peser face aux distributeurs et fabricants de télévisions connectées. Ne créons pas de contraintes qui iraient contre cet objectif. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis défavorable. La consultation publique menée par l'Arcom sur le périmètre des SIG a démarré hier. Monsieur Assouline, nous en reparlerons bientôt.

M. David Assouline.  - Il y a aussi un problème de méthode. Hier, madame la ministre, vous étiez défavorable à tous nos amendements, étant contre la holding. Et voici que, ce soir, vous changez de pied : vous donnez des avis comme si vous construisiez la loi. Je relève l'incohérence, mais ce n'est sans doute pas important...

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Après le mot :

terrestre

insérer les mots :

sur leur bassin de réception hertzienne

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement précise que, pour les SIG locaux, l'audience est mesurée à l'échelle du bassin de réception hertzienne, pour correspondre à la demande de proximité de nos concitoyens et à la plus-value apportée par ces chaînes.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Il n'est pas utile de préciser outre-mesure les critères qui seront utilisés par l'Arcom. La numérotation logique est appelée à prévaloir. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°98, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La qualification de service d'intérêt général est retirée à tout service audiovisuel privé dont l'un des programmes a fait l'objet d'une mise en demeure ou d'une sanction de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. »

Mme Monique de Marco.  - Le SIG est à l'audiovisuel ce que l'IPG (information politique et générale) est à la presse. La mise en avant doit être fondée sur l'intérêt général. La qualité de SIG, qui emporte un devoir d'exemplarité, doit être immédiatement retirée aux sociétés visées par une sanction ou une mise en demeure de l'Arcom.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Aucune précision n'est donnée sur la gravité des faits qui pourraient entraîner cette double peine. Même France Télévisions a fait l'objet d'une mise en demeure du CSA, en 2018, pour défaut de mesure dans le traitement d'une procédure judiciaire. Cet amendement créerait une nouvelle asymétrie entre chaînes privées et publiques. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Monsieur Assouline, je suis en effet défavorable à ce texte de manière générale. Mais je prends la peine de répondre aux amendements d'appel qui ouvrent des débats de fond.

Cet amendement ne vise que le service audiovisuel privé. En outre, prévoir le retrait pour une seule sanction ou mise en demeure, sans gradation, serait disproportionné.

Pour ces raisons, avis défavorable.

Mme Monique de Marco.  - Certes, l'amendement est un peu raide. Reste qu'on ne peut attribuer la qualité de SIG à vie ! Il faut pouvoir y revenir quand des services outrepassent les règles. Je suis ouverte à un sous-amendement qui adoucirait mon dispositif...

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 11

Mme le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le douzième alinéa de l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La part minimale d'investissement consacrée à l'information ; ».

M. David Assouline.  - Mon amendement n°51 a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45, de manière absolument injustifiée. Je trouverai un moyen d'en parler.

M. Laurent Burgoa.  - On n'en doute pas...

M. David Assouline.  - L'amendement n°50 a été adopté à l'unanimité par la commission d'enquête sur la concentration des médias. Il est important que les obligations légales d'engagement s'étendent à l'investissement dans l'information. L'information est un enjeu fondamental dans le monde où nous vivons.

Mme le président. - Merci, mon cher collègue.

M. David Assouline.  - D'où notre proposition d'une part minimale d'investissement dans l'information.

Mme le président.  - Le temps de parole est de deux minutes. À ma place, vous ne laissiez pas non plus les orateurs dépasser... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'avis de la commission devrait adoucir les moeurs, puisqu'il est favorable... C'est une des rares mesures à avoir fait l'unanimité au sein de la commission d'enquête. L'information constitue un point fort des chaînes par rapport aux plateformes. (M. Max Brisson renchérit.) Renforçons cet avantage comparatif.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Je comprends ce débat, mais il y a deux difficultés. Comment contraindre une chaîne musicale à investir dans l'information ? Et comment définir les dépenses d'information ? Sagesse sur cette question complexe.

M. David Assouline.  - En effet, il faudra définir précisément les contraintes.

Madame la présidente, lorsque j'étais à votre place, j'interrompais les orateurs à 2 minutes et 10 secondes, quand la chute ne venait pas. Vous m'avez coupé à 2 minutes et 3 secondes, alors que j'achevais. Si vous interrompez brutalement à 2 minutes pile, faites-le pour tout le monde. (Protestations à droite et sur certaines travées au centre)

Mme le président.  - C'est bien ce que je fais.

M. David Assouline.  - Ce n'est pas ce que vous faites. (Les protestations redoublent.) Ce concert ne m'impressionne pas. Vous avez rempli votre rôle, soit - je n'insiste pas davantage sur la manière.

M. Max Brisson.  - Encore faut-il avoir des choses à dire...

Mme le président.  - Chacun sait comment je préside, je ne reviendrai pas dessus.

L'amendement n°50 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 11 BIS

Mme le président.  - Amendement n°71, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Je m'interroge sur le bien-fondé de cet article introduit en commission sur l'initiative de Mme Morin-Desailly. Il ne nous paraît pas opportun de prévoir un allongement des délais d'autorisation en vue de l'arrivée des services en ultra-haute définition (UHD) lors des renouvellements d'autorisation des chaînes TNT payantes en 2025.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - La loi du 25 octobre 2021 prévoit les conditions d'expérimentation de l'UHD. L'Arcom peut réorganiser les multiplex afin, par exemple, de créer une chaîne UHD consacrée aux JO. Or la probabilité de l'arrêt des chaînes payantes de la TNT en 2025 n'était pas prise en compte. L'UHD est appelée à jouer un rôle essentiel pour assurer l'avenir de la TNT. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. Nous sommes favorables à l'UHD, qui marque une nouvelle étape dans la modernisation de la TNT.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 11 BIS

Mme le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et Henno, Mme Guidez, M. Levi, Mme Gatel, MM. J.M. Arnaud, Duffourg et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Hingray et Capo-Canellas, Mmes Herzog, Billon et Devésa, MM. Détraigne et Longeot et Mme de La Provôté.

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du I de l'article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque ces services sont distribués par contournement. »

M. Pierre-Antoine Levi.  - Cet article exclut les services distribués par contournement, car ce mode de distribution n'apporte pas de couverture supplémentaire du territoire.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Voilà qui devrait permettre à France Télévisions de mieux maîtriser la reprise de son signal par les plateformes. Avis favorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Retrait ou avis défavorable. La notion de distribution par contournement est complexe et non définie. En outre, certains de nos compatriotes sont peut-être dépendants des distributeurs over the top.

L'amendement n°24 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 12

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Cet article me déçoit. Par le passé, le Sénat a su être à l'origine d'avancées en matière audiovisuelle. Ainsi, pour lutter contre les reventes spéculatives de fréquences, nous avions doublé le délai de revente, à cinq ans. Mme Morin-Desailly et moi-même avions mené ce combat ensemble.

En proposant deux ans, vous revenez en arrière sur un point qui faisait consensus. Seule explication possible, votre volonté de faire un cadeau au privé. Où est la défense du service public ?

Recevoir une chaîne de la TNT est un privilège qui implique des devoirs : ce n'est pas pour faire du pognon.

Mme le président.  - Amendement identique n°74, présenté par M. Bargeton.

M. Julien Bargeton.  - J'irai dans le même sens. Les fréquences audiovisuelles appartiennent au domaine public de l'État. L'usage de ces fréquences est accordé à titre gratuit. Dès lors, il est inconcevable que les opérateurs puissent en tirer profit en cas de vente d'une chaîne. Pour lutter contre la spéculation, le législateur a fixé ce délai de cinq ans, en réaction à une affaire qui avait défrayé la chronique.

Cet article remet en cause un objectif d'intérêt général. (Mme Sylvie Robert et M. David Assouline abondent.) Je le dis avec gravité, d'autant que de nombreuses autorisations arriveront à échéance en 2025.

M. David Assouline.  - C'est juste !

M. Julien Bargeton.  - Cette mesure est donc contestable sur le fond et particulièrement peu opportune. Je vous invite à supprimer l'article.

Mme le président.  - Amendement identique n°95, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Mme Monique de Marco.  - Il semble qu'il ne s'agisse que d'accélérer le calendrier de vente de M6 et de son éventuelle fusion avec TF1. Ce genre de dispositions affaiblit la valeur de la loi et la confiance des citoyens dans le législateur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - L'adoption de ces amendements vitrifierait le secteur des médias privés jusqu'en 2032 en rendant impossible toute évolution du contrôle du capital des chaînes. Vous interdiriez à de nouveaux investisseurs de long terme de concourir au développement des médias français. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. Depuis 2011, les gouvernements et le Parlement n'ont eu de cesse de lutter contre ces opérations. N'envoyons pas un mauvais signal, alors que l'Arcom doit accorder quatorze nouvelles autorisations de TNT en 2025.

M. David Assouline.  - Le patron de Canal+ m'a confirmé qu'il pourrait céder des chaînes de TNT. Ce n'est donc pas un cas d'école. Imaginez qu'il le fasse juste après avoir obtenu l'autorisation !

Je n'accuse pas le rapporteur d'avoir cela à l'esprit, mais je ne comprends pas pourquoi il parle de vitrification, ni pourquoi il évoque 2032. Deux ans, c'est rien. Le délai de cinq ans est correct. Nos collègues de droite et du centre qui ont défendu cette exigence de base devraient réfléchir avant de défaire ce que le Sénat a fait, dans un monde des médias de plus en plus sauvage.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Ce débat illustre les différences de points de vue sur les asymétries de concurrence créées par nos législations et l'affaiblissement qui en résulte pour nos acteurs.

Cet article était pleinement justifié à l'époque, mais le contexte a changé : il y a quelques mois, quand M6 a essayé de vendre, ce ne sont pas des spéculateurs qui se sont présentés.

Avec cette règle, M6 ne pourra être vendue avant 2032. Contraindre un propriétaire à conserver aussi longtemps une chaîne qu'il veut vendre n'a aucun sens économique. Le président de l'Arcom a même demandé qu'on aille plus loin, en supprimant la règle et en réformant la taxation des plus-values.

Les amendements identiques nos 21,74 et 95 ne sont pas adoptés.

L'article 12 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 12

Mme le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Bargeton.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 95-... ainsi rédigé : 

« Art. 95-.... I.  -  Les services de communication audiovisuelle, les services de média audiovisuels à la demande et les services de partage de plateforme de contenus vidéo et/ou audio qui font appel à la publicité pour se financer ainsi que les annonceurs et agences média qui négocient et achètent des espaces publicitaires doivent, lorsqu'ils utilisent, de manière directe ou indirecte, des données d'audiences comparées entre services, recourir à des mesures d'audience réalisées par un ou des tiers qui, cumulativement :

« - ne fournissent eux-mêmes aucun service de communication audiovisuelle, de média audiovisuel à la demande ou de partage de plateformes de contenus vidéo et/ou audio ;

« - ne sont pas eux-mêmes des acheteurs réguliers et significatifs de publicité, pour leur compte ou le compte de tiers ;

« - assurent une concertation large des différents utilisateurs des mesures d'audience pour les élaborer ou les faire évoluer ;

« - assurent une transparence sur les méthodes employées et les soumettent régulièrement à des audits d'experts indépendants dont les conclusions principales sont rendues publiques.

«  L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique vérifie que les tiers qui réalisent les mesures d'audience respectent les principes du présent article. Les conditions et modalités de ce contrôle sont définies par décret. »

M. Julien Bargeton.  - La mesure d'audience s'est complexifiée, du fait de la numérisation de l'offre. L'accès aux données des plateformes est problématique, et, selon un récent rapport de l'IGF et de l'Igac, la prise en compte incomplète de l'audience sur les plateformes numériques constitue une limite méthodologique.

Plusieurs plateformes refusent de communiquer leurs données d'audience et leur méthode de calcul. Du fait de leur hégémonie, elles sont tentées par l'automesure, ce qui rend impossible toute vérification et analyse comparative.

Nous proposons de confier la mesure de l'audience sur les plateformes à un tiers indépendant.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Les audiences revendiquées par les plateformes font rarement l'objet de publications et leur méthode de calcul est inconnue : c'est une nouvelle asymétrie avec les éditeurs de services traditionnels. Cet amendement rétablit l'équité. Avis favorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Le sujet est d'importance, à telle enseigne qu'il fait l'objet d'un article dans le futur European Media Freedom Act. Ce règlement ira plus loin que ce que vous proposez et s'appliquera à l'ensemble des professionnels concernés. Retrait ?

M. Julien Bargeton.  - C'est le seul de mes amendements à avoir reçu un avis favorable de la commission : et voilà que le Gouvernement, que je soutiens, m'en demande le retrait... (Sourires)

M. Roger Karoutchi.  - Maintenez-le !

M. Julien Bargeton.  - Je le retire (Protestations amusées sur de nombreuses travées), pour ne pas embarrasser la ministre et en espérant que le Règlement européen le reprendra.

Mme le président.  - On a parfois raison trop tôt...

M. Julien Bargeton.  - C'est avoir tort ! (Sourires)

L'amendement n°80 est retiré.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Mme la présidente parle d'or, et je ne veux pas laisser M. Bargeton dans l'embarras : je reprends donc l'amendement ! (Applaudissements et marques d'amusement sur de nombreuses travées)

Mme le président.  - C'est donc l'amendement n°103.

L'amendement n°103 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 13

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Sylvie Robert.  - Nous souhaitons supprimer cet article, qui assouplit les règles d'interdiction de la concentration verticale. Les chaînes publiques pourraient récupérer quelques moyens, certes, mais une telle modification est surtout dans l'intérêt des diffuseurs privés. En devenant producteurs, ils accentueraient encore la concentration, au détriment des producteurs indépendants.

L'amendement identique n°67 n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°75, présenté par M. Bargeton.

M. Julien Bargeton.  - Défendu.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet article est demandé par les chaînes privées comme publiques, afin de mieux résister aux plateformes. Pour France Télévisions, une meilleure valorisation de ses investissements dans la production est la seule alternative à la publicité. La BBC tire près de 1 milliard de livres de ses investissements. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. Nous venons de rééquilibrer les règles du jeu en matière d'obligations de financement de la production. Cet article remettrait en cause le fruit des négociations entre la plupart des éditeurs et producteurs.

M. David Assouline.  - Là encore, ce débat a une histoire.

Les décrets Tasca ont favorisé le développement d'une production diverse. La créativité, que l'internalisation bloquait, en a été renforcée. Il y a eu des effets pervers, que le Sénat a réduits sans tuer la diversité de l'offre et toujours en encourageant la négociation.

Vous allez plus loin, à la demande des grandes chaînes privées, qui ne sont jamais rassasiées.

Les amendements identiques nos22 et 75 ne sont pas adoptés.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 13 BIS

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Encore un cadeau au privé ! La troisième coupure autorisée après 20 heures profitera aux chaînes privées, qui couperont les fictions. Faudra-t-il se payer du McDo dans les écrans toutes les dix minutes, comme aux États-Unis ? Les possibilités de publicité ont déjà été augmentées. Ces coupures changent la perception de l'oeuvre. Toutes ces mesures vont contre la culture, mais rapportent de l'argent - pas au service public, bien sûr. Avec tous ces cadeaux, les chaînes privées vont vous être redevables...

Mme le président.  - Amendement identique n°66, présenté par M. Bacchi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi.  - La troisième coupure publicitaire vise à satisfaire l'appétit des chaînes privées, au détriment des téléspectateurs et de l'offre culturelle. D'un côté on affaiblit les chaînes publiques, de l'autre on renforce le privé. Curieux, dans un texte qui prétend renforcer l'audiovisuel public...

Mme le président.  - Amendement identique n°77 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

M. Bernard Fialaire.  - Les coupures publicitaires dénaturent les oeuvres. De plus, elles lasseront le public, qui se tournera d'autant plus volontiers vers le streaming et la télévision à la demande, aux dépens de la diffusion linéaire.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - La limitation à deux coupures va réduire à la portion congrue la diffusion des films sur les chaînes privées, qui ne pourront plus compenser les coûts d'acquisition. De plus, en ajoutant une troisième coupure, on permet de mieux répartir les publicités, pour le confort du téléspectateur. (Marques de dérision sur les travées du groupe SER et du GEST.)

Enfin, la troisième coupure figurait dans le projet de loi de Franck Riester. Avis défavorable.

M. Max Brisson.  - Il y avait vraiment tout dans ce projet de loi !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Je ne suis pas sûre que cela soit le meilleur moyen d'améliorer le confort de vision d'un film, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat. Je suis, pour ma part, favorable au statu quo.

Les amendements identiques nos23, 66 et 77 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°70, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de deux interruptions publicitaires » sont remplacés par les mots : « d'une interruption publicitaire » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

M. Thomas Dossus.  - Je propose de revenir à une seule coupure.

C'est Silvio Berlusconi, décédé hier, qui avait introduit la coupure publicitaire sur La Cinq. Certains ont salué sa mémoire ; pour ma part, en tant que Lyonnais, je pense plutôt à Bertrand Tavernier, qui en signe de protestation contre ce saucissonnage intolérable, avait rendu sa médaille de chevalier des arts et des lettres.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet amendement fragiliserait les chaînes privées face aux plateformes, alors que les films sont de plus en plus difficiles à rentabiliser. La publicité est leur seule ressource. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. La seconde coupure a été introduite en 2009, et elle n'est pas contestée. De plus, avant 2009, le CSA autorisait des dérogations pour les films très longs...

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

L'article 13 bis est adopté.

ARTICLE 14

Mme le président.  - Amendement n°79, présenté par M. Bargeton.

Supprimer cet article.

M. Julien Bargeton.  - La technologie HbbTV offre des perspectives de développement intéressantes, en combinant les avantages de la diffusion hertzienne et l'interactivité de l'internet.

Mais l'offre de services interactifs est encore très limitée. Les distributeurs seraient fragilisés s'ils devaient reprendre tous les services HbbTV. En outre, l'Arcom peut déjà encadrer la reprise par les distributeurs de toutes les composantes du flux hertzien émis par les éditeurs.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Les éditeurs de services ont beaucoup de mal à obtenir des distributeurs la reprise de leur signal enrichi, comme le prévoit la norme HbbTV, preuve que le droit en vigueur ne suffit pas à corriger cette asymétrie. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable. L'obligation d'intégration dans les équipements prévus à l'article 14 me semble aller trop loin. D'abord, cet amendement est difficilement conciliable avec le droit communautaire. Ensuite, il est prématuré d'imposer de telles obligations, compte tenu de la faiblesse de l'offre de services interactifs sur la TNT. Enfin, la majorité des téléviseurs vendus en France sont compatibles.

L'amendement n°79 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 14 BIS

Mme le président.  - Amendement n°96, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Belin, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer le mot :

douze

par le mot :

trente-six

II.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

dix-huit

par le mot :

quarante-deux

Mme Monique de Marco.  - L'Arcep a souligné que nous renouvelions trop fréquemment nos téléviseurs, premiers responsables de l'empreinte carbone du numérique. C'est le résultat d'une logique d'accompagnement de l'offre plutôt que de la demande.

Il convient donc de retarder le calendrier du déploiement du numérique UHD, pour mieux le concilier avec l'impératif de sobriété.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Il est au contraire essentiel de préserver l'attractivité de la TNT par rapport à la fibre, moins énergivore, et qui préserve l'anonymat de l'utilisateur. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Même avis. Il faut rendre les téléviseurs compatibles avec les normes de diffusion et d'encodage UHD, qui consomment moins d'énergie.

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

L'article 14 bis est adopté.

ARTICLE 15

Mme le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Bargeton.

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa du V de l'article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, après les mots : « terminaux de réception de services de radio de première monte », sont ajoutés les mots : « et les équipements terminaux de première monte permettant la réception de contenus audio ou audiovisuels ».

M. Julien Bargeton.  - Le DAB+ est une norme de diffusion radio qui enrichira l'offre tout en réduisant la consommation énergétique. Il faut donc faciliter son intégration dans les équipements. Une loi de 2007 impose déjà la réception en DAB+ pour les postes de radio hors entrée de gamme et les autoradios.

Aller plus loin ne serait pas conforme au cadre européen : nous proposons de supprimer les dispositions du texte en ce sens, tout en étendant l'obligation d'interopérabilité aux véhicules neufs équipés d'un dispositif multimédia permettant uniquement l'accès à des services et contenus par internet.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Adopter une telle disposition ralentirait le déploiement de cette norme amenée à remplacer la FM. C'est l'avenir, et la présidente de Radio France, Sibyle Veil, en est une ardente défenseure. Avis défavorable.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Avis favorable, car nous sommes favorables au déploiement du DAB+. (Le rapporteur manifeste son incompréhension.)

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

dix-huit

par le mot :

vingt-deux

II.  -  Alinéa 4

Remplacer le mot :

vingt-quatre

par le mot :

trente

M. David Assouline.  - Je présenterai cet amendement et le suivant ensemble, si vous m'y autorisez.

Nous sommes tous favorables au déploiement du DAB+, mais seuls 3 % des foyers sont équipés de cette norme et, selon les acteurs du secteur, le taux montera à seulement 7 % d'ici à deux ans. Il convient d'assouplir les délais.

Mme le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les possibilités d'aide à l'équipement des foyers et d'aide à l'investissement et au coût de double diffusion des éditeurs de radios et plus particulièrement de celles indépendantes et à faibles ressources publicitaires afin de permettre, sur l'ensemble du territoire, la réception effective des services de radio numérique terrestre, sur l'ensemble du territoire, dans les délais fixés au premier alinéa du IV bis et au premier alinéa du V de l'article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

M. David Assouline.  - Il faut aider les foyers à s'équiper. Comme nous ne sommes pas autorisés à déposer des amendements induisant de nouvelles dépenses, nous demandons un rapport sur le sujet. Nous pourrions imaginer pour le DAB+ quelque chose de similaire au dispositif d'aide mis en place pour la TNT.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Le déploiement du DAB+ demandera du temps et une forte implication des pouvoirs publics. Toutefois, il doit se faire rapidement afin de limiter la double diffusion en DAB+ et en FM. Le délai de 24 mois que vous proposez me semble suffisant : l'important est de fixer une date limite. Avis favorable à l'amendement n°53.

Concernant l'amendement n°54, il est indispensable que le Gouvernement mette en place une politique d'accompagnement de l'équipement en DAB+ et aide les éditeurs radio à assumer le coût de la double diffusion. Avis favorable.

Anticipant la fin de notre discussion, je tiens à remercier David Assouline d'avoir défendu ses positions avec vigueur. Nous avons eu un débat équilibré, exposant des positions parfois radicalement différentes.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre.  - Sagesse. Il convient en effet d'accompagner le déploiement du DAB+, mais la compatibilité de l'amendement n°53 avec le cadre européen, fixé par la directive de 2018 établissant le code des communications électroniques européen, n'est pas établie.

M. David Assouline.  - Ce n'est pas mon amendement qui pose un problème de compatibilité juridique, mais la mesure que nous nous apprêtons à inscrire dans la loi. Au contraire, je la tempère.

L'amendement n°53 est adopté.

L'amendement n°54 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Max Brisson .  - Je remercie le président Lafon d'avoir déposé cette proposition de loi, qui a suscité beaucoup de débats et d'amendements de M. Assouline. Je remercie également le rapporteur Jean-Raymond Hugonet et pour son flegme digne d'un animateur de la BBC ! (Sourires)

On attend une loi sur l'audiovisuel depuis dix ans. Il convenait de forcer le Gouvernement à sortir de la torpeur dans laquelle il est entré depuis le départ de M. Riester du ministère de la culture. Quelle déception ! Il n'y aura pas de réforme de l'audiovisuel, nous en resterons à la loi de 1986. Tout bouge autour de nous, sauf le cadre juridique !

Le conservatisme a un visage : celui des corporatismes, de la protection d'espaces de pouvoir. La mutualisation progresse à la vitesse de la tortue, les coopérations entre médias à la vitesse du Petit train de la mémoire de l'ORTF !

La gauche est devenue le gardien du temple. Merci à Laurent Lafon d'avoir fait tomber les masques. Nous, nous avançons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique de Marco .  - Je regrette de ne pas avoir convaincu le Sénat des risques qui pèsent sur l'audiovisuel public et l'exception culturelle. Près d'un an après la suppression de la CAP, aucune piste ne se dégage pour satisfaire à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Une taxe affectée est la meilleure garantie d'indépendance de l'audiovisuel public sur le long terme. Il doit pouvoir remplir ses missions sans se retrouver chaque année au milieu du gué.

Autour de nous, on avance. L'Australie, le Canada, la Californie ont entrepris de taxer les recettes publicitaires des Gafam. Nous avons la possibilité de regarder le monde qui vient, plutôt que de raviver le fantôme de l'ORTF.

M. Loïc Hervé.  - C'est excessif !

M. David Assouline .  - Je remercie à mon tour le président Lafon. Il faut, bien sûr réformer la loi de 1986, pas dans son principe - la liberté de communication assise sur le pluralisme et l'indépendance des médias - mais dans ses outils.

Cette grande loi est percluse de rustines, au détriment de sa cohérence. Il faut organiser des états généraux des médias pour mettre en place un nouvel écosystème.

Il s'agit probablement de ma dernière intervention sur une loi audiovisuelle dans cet hémicycle. Depuis quinze ans, je demande un grand texte sur le secteur - j'ai toujours été déçu.

Depuis dix-neuf ans, je me bats pour la liberté et l'indépendance des médias, et la place du service public. Je suis fier d'avoir contribué à inscrire « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias » à l'article 34 de notre Constitution lors de la révision constitutionnelle de 2008.

M. Jérémy Bacchi .  - Je remercie à mon tour le président Lafon.

C'est au moment où le service public de l'audiovisuel se porte bien que l'on décide de le déstabiliser. La création d'une holding, présentée comme une rationalisation, risque de le fragiliser. Vous ne nous avez pas convaincus, vous ne rassurez pas les salariés.

Au lieu de porter une mesure fiscale pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public, la majorité sénatoriale s'est fait le porte-voix des chaînes privées avec la troisième coupure publicitaire.

L'audiovisuel public a besoin de moyens forts et pérennes, non d'une holding. Pour l'ensemble des raisons déjà présentées, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi.

M. Julien Bargeton .  - Je ne suis pas certain que nos débats aient montré la pertinence de la holding. Une ambition et des objectifs similaires sont atteignables avec un socle commun aux contrats d'objectifs et de moyens (COM).

Chers collègues de la majorité sénatoriale, libre à vous de convaincre vos partenaires de l'Assemblée nationale d'inscrire cette proposition de loi dans le cadre d'une niche parlementaire...

M. Max Brisson.  - Il pourrait y avoir des surprises !

M. Julien Bargeton.  - Nous savons, en réalité, que ce texte avait surtout vocation à ouvrir le débat.

M. Bernard Fialaire .  - Moi non plus, je ne me fais guère d'illusions sur le devenir de ce texte. Tout le monde attend une grande loi, mais nous avons déjà du mal à voter les petites...

Je n'étais pas opposé à la création d'une holding, qui me paraissait cohérente et rationnelle. Mutualiser et secouer les inerties pour que les différents secteurs de l'audiovisuel travaillent mieux ensemble, voilà qui allait dans le bon sens.

Tout n'est cependant pas parfait : je songe à la troisième coupure publicitaire.

Madame la ministre, j'aimerais que vous nous rassuriez rapidement sur le financement de l'audiovisuel public.

La proposition de loi est adoptée.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Si j'étais d'humeur taquine, je dirais : « la majorité présidentielle a voulu la holding, la majorité sénatoriale l'a faite ». Une majorité s'est aussi dégagée à l'Assemblée nationale, dont la commission de la culture vient de voter un rapport qui prône sa création. Le Gouvernement, qui a longtemps voulu cette réforme, semble aujourd'hui changer de position.

Et la suite ? Pour certains, ce texte s'arrête ici ; mais nos collègues députés savent ce qu'ils ont à faire. Le revirement du Gouvernement sur la holding et son incapacité à définir le financement de l'audiovisuel public - budgétisation ou fraction de TVA - plongent l'audiovisuel dans le flou et l'incertitude.

Le Sénat a posé un cadre. Parions que dans quelques semaines, le Gouvernement se tournera vers le Sénat pour trouver une solution au problème qu'il a lui-même créé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien.

Modification de l'ordre du jour

Mme le président.  - En accord avec les groupes politiques, les commissions et le Gouvernement, nous pourrions, concernant l'ordre du jour du jeudi 15 juin, prévoir de débuter l'espace réservé au groupe Union centriste à la suite de celui réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il en est ainsi décidé.

Prochaine séance demain, mercredi 14 juin 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 50.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 14 juin 2023

Séance publique

À 15 h et de 16 h 30 à 20 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente,

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°690, 2022-2023)

3. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (texte de la commission, n°692, 2022-2023)