Mécénat culturel

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à développer l'attractivité culturelle, touristique et économique des territoires via l'ouverture du mécénat culturel aux sociétés publiques locales, présentée par Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues, à la demande des groupes SER et UC.

Discussion générale

Mme Sylvie Robert, auteure de la proposition de loi .  - Comme chaque année depuis 2019, en loi de finances ou dans les textes relatifs aux collectivités territoriales, nous évoquons l'ouverture du mécénat aux sociétés publiques locales (SPL) culturelles. C'est un cheval de bataille du Sénat. Mais les amendements ont hélas toujours été repoussés en CMP. Cette fois, nous déposons non des amendements mais une proposition de loi transpartisane. Les temps de concorde sont rares : savourons-les. J'espère que le Gouvernement, dans sa sagesse, s'y joindra. J'associe mes coauteurs, Julien Bargeton, Hervé Marseille et Antoine Lefèvre.

Il s'agit avant tout de revenir sur une inégalité de traitement entre l'État et les collectivités. Aux termes de l'article 238 bis du code général des impôts, l'État, seul ou conjointement avec une ou plusieurs collectivités, peut recourir au mécénat pour financer des projets culturels.

La proposition de loi consacre cette logique d'association vertueuse en l'appliquant aux collectivités qui s'unissent en vue de réaliser un projet culturel. Nous ne créons pas de dérogation, mais permettons aux collectivités ce que l'État s'autorise. Les collectivités seraient-elles moins légitimes à s'associer que l'État ? Moins garantes de l'intérêt général ? Moins précautionneuses ? Le Sénat ne peut que s'inscrire en faux. Le Gouvernement est-il prêt à faire confiance aux collectivités regroupées en SPL pour déployer une ambition culturelle sur leur territoire ?

On parle souvent de big bang ou d'acte III de la décentralisation, mais les petits pas de Robert Schuman et de Jean Monnet existent aussi. Ce texte en est un : comment croire à votre ambition décentralisatrice si vous ne le saisissez pas ?

Je veux répondre aux questionnements juridiques soulevés. Rappelons d'abord que selon l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, les seuls actionnaires des SPL sont des collectivités territoriales, ce qui leur permet de mener des actions d'intérêt général, en privilégiant mutualisation, souplesse, subsidiarité.

Deuxièmement, les SPL ne peuvent créer de filiales et se contentent d'agir pour le compte de leurs collectivités-actionnaires.

Troisièmement, elles sont contrôlées en aval par les collectivités, les chambres régionales des comptes, les commissaires aux comptes et au titre du contrôle de légalité.

Quatrièmement, la loi 3DS a affermi les règles en matière de déontologie, de transparence et de prévention des conflits d'intérêts.

Enfin, le rapporteur a sécurisé le texte en prévoyant que le conseil d'administration ou de surveillance statue sur l'acceptation des dons, par analogie au régime des dons et legs aux communes. L'édifice est parachevé.

Sur le plan budgétaire, la dépense fiscale s'élèverait à 1,7 million d'euros par an, sans compter les retombées économiques et fiscales indirectes. Tous mes interlocuteurs ont insisté sur l'effet de levier de la culture pour l'attractivité touristique et économique. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) Il faut octroyer aux collectivités un maximum de moyens pour dynamiser leur territoire. Oui, c'est une dépense fiscale. A-t-elle un impact positif ? Oui, tant pour les collectivités que pour l'État. C'est un investissement. Le dispositif devra bien sûr être évalué.

Cette proposition de loi, enfin, soutient le secteur de la culture, mis à rude épreuve par la crise sanitaire. La reprise est encore timide alors que l'environnement se dégrade - je pense entre autres au coût de l'énergie.

Perpétuelle variable d'ajustement, terrain du résurgent combat idéologique et civilisationnel, la culture mérite d'être protégée, ici et maintenant. Cette proposition de loi participe d'une politique plus large de sauvegarde et de valorisation de la vie culturelle de nos territoires. Elle conduirait à amplifier leur activité culturelle.

Élan décentralisateur, rigueur juridique, dépense faible, instrument au service d'une ambition culturelle, autant de raisons de voter cette proposition de loi. Je ne doute pas du soutien du Sénat. J'espère que le Gouvernement s'y montrera favorable, envoyant ainsi un signal favorable aux collectivités et au monde culturel. (Applaudissements)

M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) La France est connue pour son rayonnement culturel, qui tient à la richesse de son patrimoine et à la diversité des activités culturelles. Les acteurs publics, l'État et les collectivités territoriales, sont des acteurs incontournables du développement culturel, et la richesse de la vie associative fait essaimer l'action culturelle en tout point du territoire.

La commission des finances soutient ce texte de bon sens.

Les entreprises locales sont les sociétés d'économie mixte (SEM), les SEM à opération unique et, depuis la loi de 2010, les SPL. Dans mon département, le Finistère, c'est une SPL, Eau du Ponant, qui gère l'eau et l'assainissement ; dans le Morbihan, la Compagnie du Morbihan assure la gestion des ports ; Destination Rennes assure le développement touristique. Les exemples sont nombreux, avec 500 SPL à travers le pays.

Ce texte vise à élargir le bénéfice de la disposition fiscale en faveur du mécénat culturel, au titre de l'article 238 bis du code général des impôts, aux SPL, qui sont des outils purement publics, sachant que cette possibilité est déjà ouverte aux entreprises où siège l'État.

Le coût de cette mesure est modique - 1,7 million d'euros, à comparer aux 900 millions à 1,2 milliard d'euros consacrés au mécénat culturel. Nous sommes dans l'épaisseur du trait, d'autant que certains acteurs pourraient se déporter vers les SPL. (Mme Sonia de La Provôté et M. Julien Bargeton opinent.)

Pourquoi les collectivités ne pourraient-elles pas bénéficier des avantages du mécénat culturel ? Il s'agit de favoriser la parité de traitement, quel que soit le mode de gestion choisi.

Je vous invite à voter ce texte empreint de bon sens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Voilà vingt ans, la loi Aillagon donnait un nouvel élan au mécénat, en prévoyant que les dons des entreprises à des oeuvres culturelles ou sociales ouvrent droit à des réductions d'impôt. Cet effet de levier fiscal est devenu la colonne vertébrale du soutien à la générosité dans notre pays. Il représente chaque année un effort de plus de 3 milliards d'euros : 1,1 milliard pour le mécénat des entreprises, 1,8 milliard pour les dons des particuliers et plus de 130 millions d'euros au titre de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Chaque donateur décide librement où allouer sa contribution et celle de l'État.

Le champ culturel est très bien couvert : arts plastiques, livre, cinéma, spectacle vivant, patrimoine, formation artistique, restauration de monuments, entre autres, sont éligibles. Le mécénat permet aussi la prise en compte de contributions en nature.

Ce soutien fiscal s'accompagne d'autres exonérations, notamment en matière de droits de donation. Le dispositif est complet et large ; son succès réside dans la liberté laissée aux Français et aux entreprises pour choisir les causes qu'ils souhaitent soutenir.

Nous devons préserver cet environnement fiscal. En 2020, le plafond de versement est passé de 10 000 à 20 000 euros pour les petites entreprises. Des aménagements ont été prévus pour de grandes causes nationales comme la restauration de Notre-Dame de Paris, ou pour les associations caritatives pendant la crise sanitaire.

Avec le prélèvement à la source, nous avons intégré les réductions d'impôt pour les particuliers dans le champ de l'avance de janvier.

Bref, le Gouvernement a considérablement mobilisé le levier fiscal au service de la générosité. Mais il faut rester fidèle aux grands principes : poursuite d'un objectif d'intérêt général, gestion désintéressée de l'organisme, caractère non lucratif des organismes soutenus.

Je sais que le Sénat veille à la bonne utilisation des deniers publics. Nous avons, avec vous, renforcé les dispositifs de contrôle de la défiscalisation des dons. Dans son rapport de novembre 2018, la Cour des comptes insistait sur le dynamisme de la dépense fiscale, dans un contexte de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.

Notre dispositif de défiscalisation est l'un des plus généreux et efficaces au monde.

La proposition de loi rend éligible au mécénat les dons à des SPL, qui sont des sociétés commerciales, lorsqu'elles ont pour activité principale la présentation publique de spectacles, l'organisation d'expositions d'art contemporain, l'accès public au patrimoine ou la gestion de musées.

Le Gouvernement n'y est pas favorable. D'abord pour éviter une hiérarchisation des causes d'intérêt général : pourquoi la culture, mais pas des associations caritatives ou de protection de l'environnement ?

Ensuite, car cela aboutirait à faire financer par l'État des activités lucratives. Votre proposition de loi étend très substantiellement une disposition certes dérogatoire, mais circonscrite, et conditionnée à la présence de l'État au capital. L'ouvrir davantage fragiliserait l'ensemble.

Enfin, car le volet relatif au patrimoine ouvrirait la réduction fiscale à des activités non éligibles à la réduction d'impôt de droit commun. Il faut maintenir le régime fiscal du mécénat dans un champ d'activité connu.

C'est pourquoi le Gouvernement ne peut être favorable à votre proposition de loi.

M. Jean-Claude Requier .  - Le mécénat culturel est un moyen ancien et efficace de soutenir la préservation de notre patrimoine. Ancien, car il remonte à Mécène, qui, à la fin de la République romaine, consacra sa fortune au soutien des arts et des lettres. Efficace, car il constitue une alternative au soutien public - je pense à l'afflux de dons pour la restauration de Notre-Dame de Paris et à l'engouement pour le Loto du patrimoine.

La culture et le spectacle vivant ont souffert de la crise sanitaire, malgré le quoi qu'il en coûte. Ils sont pourtant de première nécessité.

Le mécénat culturel des entreprises dépend fortement de la conjoncture. De leur côté, les collectivités territoriales assurent près de 70 % de l'investissement dans le secteur culturel.

Rechercher de nouvelles sources de financement est louable. Maire de Martel pendant près de trente ans, je suis sensible à la valorisation du patrimoine historique et architectural. Je regrette à cet égard la suppression de la réserve parlementaire...

M. Antoine Lefèvre.  - Quelle erreur !

M. Jean-Claude Requier.  - Cette proposition de loi transpartisane rassemble les quatre plus grands groupes du Sénat - dommage que les plus petits n'y aient pas été associés. Son coût budgétaire semble très limité. Les entreprises trouveront avantage à soutenir les SPL, notamment en termes d'image de marque.

Un amendement de la commission des finances vise à assurer le suivi des fonds et à prévenir les conflits d'intérêts au sein des SPL.

Le RDSE votera ce texte. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Depuis leur création par la loi du 28 mai 2010, les SPL ont montré leur efficacité, en complément des services publics industriels et commerciaux (Spic), en particulier dans la promotion de la culture, si pénalisée par la crise sanitaire.

Les collectivités territoriales financent le secteur culturel à 70 %. Tour Eiffel, Palais des papes, Château des ducs de Bretagne, abbaye de Fontevraud : autant de sites administrés par des SPL, qui gèrent aussi de nombreux théâtres, cinémas et festivals. Ouvrir le mécénat culturel aux SPL serait une juste reconnaissance d'un modèle qui fonctionne.

La gouvernance des SPL est intégralement publique, et la loi 3DS a instauré des mécanismes de prévention des conflits d'intérêts. Mésusage des fonds ou faits du prince ne sont pas à craindre.

Notre proposition de loi crée un système vertueux. Pari gagnant sur tous les plans, pour les entreprises et les collectivités territoriales.

Je remercie mes trois coauteurs et j'espère que l'Assemblée nationale sera sensible à notre travail transpartisan. Je regrette la position du ministre, aux antipodes de la nôtre, car ce texte est dans l'intérêt de nos territoires et de la vitalité culturelle. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Grand .  - Le monde de la culture a été durement éprouvé par la pandémie. Qu'est-ce qu'un théâtre, un cinéma ou un musée sans public ? Le modèle économique a été mis à mal, même si Gouvernement et Parlement se sont très tôt mobilisés pour aider les acteurs, en plus des collectivités territoriales.

Nous devons inventer de nouvelles ressources pour pérenniser les activités culturelles. Notre groupe avait formulé plusieurs propositions lors du débat budgétaire. Le présent texte s'inscrit dans la même logique.

Je regrette que notre groupe n'ait pas été associé à cette initiative transpartisane, que nous voterons cependant. Nous souhaitons même aller plus loin, en autorisant les dons des particuliers aux SPL. Nous regrettons que l'amendement en ce sens de Mme Paoli-Gagin ait été déclaré irrecevable par une application restrictive de l'article 45.

Sur l'initiative de Mme Mélot, auteure d'une proposition de loi sur le sujet, nous proposerons d'ouvrir le mécénat à l'art numérique, qui connaît un développement dynamique, notamment auprès de la jeunesse. Il faut adapter notre cadre législatif à cette nouvelle donne.

Le groupe Les Indépendants soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Daniel Breuiller .  - Je salue les travaux de nos collègues, ainsi que du rapporteur. Le GEST soutient sans ambiguïté ce texte qui permet aux SPL d'accéder au mécénat culturel, comme le peut l'État lorsqu'il est actionnaire de sociétés de capitaux. Monsieur le ministre, l'État, ce sont aussi les collectivités territoriales !

M. Antoine Lefèvre.  - Eh oui !

M. Daniel Breuiller.  - Ce texte répond à la demande de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, de la Fédération nationale des collectivités pour la culture et de nombreux élus présidant des sociétés publiques locales culturelles.

Après la pandémie, et avec l'inflation, le spectacle vivant retrouve difficilement son public d'avant-crise, les métiers techniques sont en tension et de nombreux artistes sont confrontés à la triple précarité relevée par la Cour des comptes dans un rapport de mai 2022 : contrats courts, pluriactivité, bas salaires. De plus, les grands événements sportifs risquent d'entamer les moyens dont disposeront les acteurs culturels. Et le secteur, énergivore, doit relever le défi de la décarbonation.

Les collectivités territoriales subissent la baisse des aides de l'État. Il en résulte une double peine pour le monde culturel. J'ai une pensée pour l'Institut des arts et du design de Toulouse, qui connaît une crise sans précédent, menaçant l'avenir des étudiants et 39 postes d'enseignant.

Selon le Cese, les crédits des directions des affaires culturelles baissent de 10 ou 20 %, par petites touches. Souvent, quand on coupe dans les budgets, on s'en prend d'abord à la culture. Or si elle n'est plus soutenue par les collectivités, la culture sera faite par quelques-uns pour quelques-uns. La biodiversité culturelle doit être protégée partout, et les jeunes pousses sont essentielles à cet écosystème.

En 2014, Ariane Mnouchkine disait : « Surtout, disons à nos enfants qu'ils arrivent sur terre quasiment au début d'une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Il faut qu'ils sachent que, ô merveille, ils ont une oeuvre, faite de mille oeuvres, à accomplir, ensemble. Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n'est pas encore terminée et qu'elle leur appartient. » (Applaudissements)

M. Teva Rohfritsch .  - Voici un marronnier de notre commission des finances. Voté à plusieurs reprises par notre Assemblée, le dispositif proposé par nos collègues vise à rendre éligibles aux dons les SPL intervenant dans le domaine de la culture.

À ce jour, seuls les dons réalisés à certains organismes d'intérêt général peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 60 % - 40 % pour les dons excédant 2 millions d'euros.

Le rapporteur a répondu en grande partie aux arguments qui avaient justifié la suppression du dispositif par l'Assemblée nationale.

Une alternative aurait été de créer un fonds de dotation ou un établissement public en association avec l'État. Mais cela ne répondrait que partiellement à l'enjeu, puisque les dons reversés aux SPL seraient soumis à la TVA et que la création d'un établissement public engendrerait des coûts de fonctionnement. (M. Michel Canévet opine.)

L'article 2 de la proposition de loi réduit grandement les risques de conflit d'intérêts.

Le coût du dispositif pour les finances publiques - 1,7 million d'euros - reste modeste et pourrait même être revu à la baisse.

Enfin, la loi de finances pour 2023 a déjà autorisé le don à des entités publiques où l'État n'est pas représenté. Les entreprises peuvent effectuer des dons en faveur des groupements de collectivité aux fins de défense de l'environnement. Ce n'est donc pas un précédent isolé.

Nous nous interrogeons certes sur l'incidence réelle du dispositif, mais gageons qu'il sera gagnant pour la culture comme pour les collectivités territoriales. Cette proposition coûtera peu à l'État, mais sera utile pour l'action culturelle de nos collectivités. (Applaudissements)

M. Vincent Éblé .  - Le secteur culturel est en difficulté, singulièrement depuis les crises sanitaire puis économique. Les sorties culturelles et les loisirs sont les premières variables d'ajustement des familles dans le contexte actuel d'inflation. Si l'État a agi pendant le covid via des aides spécifiques au secteur culturel, celui-ci a encore besoin d'être conforté par l'action publique.

Nous devons innover pour relancer le secteur de la culture. La proposition de loi de Sylvie Robert, dont je salue l'engagement de longue date, apporte un nouvel outil pour faciliter les investissements des collectivités en matière culturelle. Celles-ci assurent 70 % des investissements culturels, soit 9,5 milliards d'euros. Mais lorsque la conjoncture économique se dégrade, le risque de désengagements cumulatifs est élevé. Il faut donc des financements complémentaires.

Les SPL sont exclues du mécénat culturel, réservé aux sociétés dont l'État est actionnaire. Cette proposition de loi y remédie. Son adoption enverra un signal de confiance aux élus territoriaux, qui sont les mieux à même de construire des politiques culturelles en adéquation avec les attentes des populations.

Nous soutenons donc avec conviction cette proposition de loi transpartisane.

Des études montrent que la participation à l'attractivité du territoire est la deuxième priorité des entreprises dans le mécénat culturel. Avec cette proposition de loi, les dons des TPE et PME seront mieux en phase avec les besoins des territoires. La comptabilité analytique isolera les activités patrimoniales et culturelles, avec les dons afférents.

Le coût estimé, de 1,7 million d'euros, représente moins de 1 % des 230 millions d'euros que pèse chaque année le mécénat culturel.

Nous déplorons vivement l'avis défavorable du Gouvernement, qui méconnaît l'inégalité de traitement entre l'État et les collectivités territoriales. Les grands électeurs sauront s'en souvenir.

Enfin, nous saluons le travail de sécurisation accompli par le rapporteur.

Notre groupe votera ce texte et souhaite qu'il entre en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Éric Bocquet .  - Nous voterons cette proposition de loi visant à irriguer les SPL d'argent issu du mécénat privé. La culture est dans l'ADN des élus communistes. Toutefois, il faut relativiser l'importance du dispositif. Le montant de 1,7 million d'euros pourrait être neutre en cas de report des dons défiscalisés désormais orientés vers les SPL. Les dons escomptés s'élèvent donc à 2,85 millions d'euros.

Il n'y a que 51 SPL culturelles sur notre territoire, dont une seule dans le Nord. Le mécénat fige les inégalités territoriales : 56 % des dons en Île-de-France, qui représente 30 % du PIB, contre 4 % dans les Hauts-de-France, qui pèse 7,1 % du PIB. La concentration est extrême. C'est pourquoi le mécénat ne saurait se substituer au financement fondé sur l'impôt. Au surplus, ce ne sont pas les TPE et PME, mais les grandes entreprises, qui assurent la plus grande part du mécénat. Trois quarts des dons sont versés par 3,4 % des entreprises.

Il faut toutefois reconnaître l'inégalité de traitement entre les entreprises publiques locales selon leur statut et les associations culturelles. L'anthropologie fiscale pourrait indiquer que le législateur n'a pas voulu, pour les SPL aux capitaux 100 % publics, que les dons soient conditionnés à des contre-dons, pour reprendre l'expression de Marcel Mauss. De fait, les SPL doivent verser une contrepartie de 25 % des dons pour attirer les donateurs privés.

Enfin, l'incitation fiscale proposée est un tantinet contradictoire avec l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2018.

Malgré ces réserves, nous voterons la proposition de loi, qui résorbe une inégalité de traitement, est demandée par les acteurs du secteur, et dont l'effet sur les finances publiques sera faible. (MM. Marc Laménie et Antoine Lefèvre applaudissent.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Face à la perte d'activité pendant la crise sanitaire et à l'évolution des pratiques, le besoin de financement du secteur culturel est préoccupant. Les collectivités territoriales sont investies : elles fournissent 70 % des investissements dans le secteur culturel, via leurs SPL. Or leur situation budgétaire est fragilisée, alors que les besoins de financement restent importants. Il nous faut mobiliser d'autres leviers, au travers du mécénat.

Je rends hommage aux auteurs du texte et salue le travail du rapporteur. Les dons aux SPL n'ouvrent pas droit aux réductions d'impôt, ce qui renvoie les TPE, PME et ETI locales vers des acteurs privés ou des sociétés publiques dont l'État est actionnaire. Pourquoi l'État et pas les collectivités territoriales ? Ce texte répond à cette injustice.

Les dons des entreprises aux SPL à vocation culturelle ouvriront droit à réduction d'impôt. Ce sera un appel d'air en faveur du financement de la culture, deuxième domaine d'investissement des entreprises après le sport. Les dons devront être autorisés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance des SPL.

Le groupe UC votera ce texte essentiel à l'attractivité culturelle, économique et touristique de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Un consensus se dégage. Notre offre culturelle survivrait-elle sans les collectivités territoriales ? Certainement pas. Ces dernières doivent-elles assumer cette responsabilité seules ? Non. Il faut encourager les initiatives privées et le mécénat, d'autant plus qu'il est le fait d'entreprises locales. Faisons sauter les verrous juridiques qui brident les initiatives.

L'ouverture du mécénat aux SPL permettra la mise en valeur du patrimoine. Cette proposition de loi est donc salutaire. Elle traduit une volonté exprimée à plusieurs reprises par le Sénat, notamment Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, rapporteurs de la loi 3DS.

Encourageons les Guggenheim ou Pierre Cardin du XXIe siècle à investir dans le capital culturel des territoires. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Jean-François Longeot .  - J'apporte mon soutien enthousiaste à l'initiative audacieuse défendue par Mme Mélot. L'art numérique connaît une expansion sans précédent, c'est une révolution culturelle qui transcende les clivages. Je pense aux spectacles sons et lumières qui permettent à nos villages de valoriser leur patrimoine et de renforcer leur rayonnement touristique. Encourageons un domaine dans lequel la France est à la pointe ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - J'apporte mon soutien à cette proposition de loi et salue ses auteurs.

Dès mars 2020, le secteur culturel a été durement affecté. Dans nos 36 000 communes, la culture est une richesse précieuse. Avec les bénévoles et les associations, l'État et les collectivités concourent à sa promotion. Je salue l'ouverture du mécénat aux SPL, un signe fort en faveur de la culture.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Mélot, MM. Grand, Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, A. Marc et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et de La Provôté et M. Fialaire.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après le mot : « audiovisuelles », sont insérés les mots : « , sur support analogique ou numérique, » ;

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. Jean-Pierre Grand.  - Cet amendement intègre l'art numérique, qui connaît un développement dynamique, notamment auprès des jeunes générations. En commission, le rapporteur a précisé que la doctrine fiscale intègre déjà cette forme de création, mais mieux vaut l'inscrire dans la loi.

M. Michel Canévet, rapporteur.  - Le coût du mécénat d'entreprises est de 1,7 milliard d'euros, dont 230 millions d'euros pour le mécénat culturel. L'estimation de 1,7 million d'euros vient de la Fédération des entreprises locales. L'amendement est satisfait : le bulletin officiel pour l'application des déductions fiscales précise que toutes les formes d'art contemporain sont éligibles. Retrait ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

L'article 1er est adopté.

L'article 2 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

Mme Sylvie Robert.  - Je remercie mes collègues pour leur unanimité et leur constance. L'avis défavorable du Gouvernement lui fait manquer l'occasion d'adresser un signal de confiance aux collectivités et au monde de la culture, c'est regrettable vu le contexte. (MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller et Antoine Lefèvre applaudissent.)

Prochaine séance, mardi 20 juin 2023, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 30.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 20 juin 2023

Séance publique

À 14 h 30 et à 21 h 30

Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente, Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Projet de loi relatif à l'industrie verte (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°737, 2022-2023)

2. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023